Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a déposé une plainte contre son agent négociateur cinq mois après avoir pris sa retraite - elle reprochait à l’agent négociateur de ne pas avoir défendu ses intérêts dans un différend avec l’employeur au sujet d’un remboursement de salaire et de congés - le différend durait depuis trois ans - la plaignante aurait dû déposer sa plainte plus tôt, le délai prévu à l’article 190 étant de rigueur. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2009-10-22
  • Dossier:  561-34-398
  • Référence:  2009 CRTFP 140

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique


ENTRE

RAYMONDE DUBUC

plaignante

et

INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA ET
PATRICK SIOUI

défendeurs

Répertorié
Dubuc c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada et Sioui

Affaire concernant une plainte visée à l'article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, commissaire

Pour la plaignante:
Elle-même

Pour les défendeurs:
Geoffrey Grenville-Wood et Isabelle Roy, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Décision rendue sur la base d'arguments écrits
déposés les 25 juin, 23 juillet, 14 août et 30 septembre 2009.

Plainte devant la Commission

1 Raymonde Dubuc (la « plaignante ») était une employée de l’Agence du revenu du Canada (l’ « employeur ») jusqu’au 29 décembre 2008, date de sa retraite. Le 1er juin 2009, elle a déposé une plainte contre son agent négociateur, l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) et Patrick Sioui, délégué syndical de l’IPFPC (les « défendeurs »). La plaignante fonde sa plainte sur l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi ») qui renvoie à l’article 185 de la Loi. La plaignante allègue que les défendeurs ne l’ont pas représentée correctement et ont ainsi manqué à leur devoir de représentation. La plainte renvoie aux dispositions suivantes de la Loi :  

[…]

190. (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle

[…]

g) l’employeur, l’organisation syndicale ou toute personne s’est livré à une pratique déloyale au sens de l’article 185.

185. Dans la présente section, « pratiques déloyales » s’entend de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) et (2), les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1).

187. Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

[…]

2 Entre 2001 et 2006, la plaignante a été absente du travail à plusieurs reprises pour cause de maladie prolongée. Ces absences ont été suivies de retours au travail progressifs. Selon la plaignante, l’employeur l’a avisée en septembre 2006 qu’il lui avait payé du salaire en trop entre 2001 et 2006. Puis, en 2008, l’employeur aurait réclamé à la plaignante le remboursement de paiements en trop de congés de maladie et de congés annuels. Les trop-payés réclamés représenteraient 37 840 $ selon la plaignante.

3 La plaignante prétend qu’elle a été en contact avec M. Sioui à partir de 2006 pour l’aider dans ses démêlés avec l’employeur. Elle lui avait fourni en septembre 2006 une autorisation écrite de la représenter auprès de l’employeur compte tenu qu’elle était absente pour maladie. Le litige des trop-payés n’étant toujours pas réglé, la plaignante a écrit à M. Sioui le 1er décembre 2008 pour lui demander de lui laisser savoir dans les 10 jours quelle approche il comptait prendre pour s’occuper de son dossier. La plaignante a mentionné dans sa plainte qu’elle avait consulté un avocat le 26 novembre 2008 et que ce dernier lui avait conseillé d’écrire aux défendeurs et de faire une plainte contre eux s’ils refusaient de donner suite à ses demandes. La plaignante prétend que M. Sioui n’a jamais répondu à sa lettre du 1er décembre 2008. Par contre, elle affirme que M. Sioui l’a appelée le 2 décembre 2008 pour lui dire qu’il rencontrerait un avocat le lendemain et qu’il communiquerait avec elle dans les jours suivants pour lui confirmer une rencontre possible avec l’avocat le 8 décembre 2008. N’ayant pas eu d’autres nouvelles de M. Sioui, la plaignante lui a laissé un message téléphonique le 11 décembre 2008.

4 Le 15 décembre 2008, la plaignante a écrit à l’employeur pour l’aviser qu’elle prendrait sa retraite le 29 décembre 2008 et pour réaffirmer son désaccord avec les trop-payés réclamés. La plaignante a envoyé une copie de cette lettre à M. Sioui. Le 9 mars 2009, l’employeur a écrit à la plaignante pour lui fournir les détails des sommes dues et des sommes déjà remboursées.

5 Le 10 février 2009, la plaignante a appelé M. Sioui qui lui aurait alors dit qu’il avait été absent du travail, mais qu’il s’était quand même occupé de son dossier. M. Sioui aurait aussi alors dit à la plaignante qu’il n’était pas certain s’il pouvait s’occuper de son dossier car elle n’avait pas payé ses cotisations syndicales malgré des lettres envoyées à cet effet. La plaignante prétend que M. Sioui lui a dit qu’il la rappellerait sur cette dernière question mais qu’il ne l’a jamais fait. 

6 Dans l’ensemble, la plaignante blâme M. Sioui de ne pas s’être occupé de son dossier, de ne pas toujours lui avoir répondu en temps et lieu et de ne pas lui avoir fourni toutes les informations qu’il avait en sa possession.

7 Les défendeurs allèguent qu’ils n’ont en aucun temps agi de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de la plaignante. Les défendeurs prétendent que M. Sioui a agi vigoureusement pour représenter la plaignante depuis 2006. Il a eu de nombreux entretiens entre 2006 et 2008 avec l’employeur et avec la plaignante sur la question des trop-payés réclamés. M. Sioui a aussi conseillé à la plaignante de retarder la date de sa retraite à février 2009 afin de lui permettre de tenter de régler le problème des trop-payés. Les défendeurs expliquent aussi que M. Sioui a eu des problèmes de santé en décembre 2008, qu’il a été hospitalisé le 5 décembre 2008 et qu’il n’est revenu au travail qu’à la mi-janvier 2009. Pendant cette période, la plaignante n’aurait pas tenté d’entrer en contact avec d’autres représentants de l’IPFPC.

8 Les défendeurs allèguent que la plainte a été déposée après le délai de 90 jours que prévoit le paragraphe 190(2) de la Loi. La jurisprudence a établi que ce délai est de rigueur (voir Castonguay c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2007 CRTFP 78 et Panula c. Agence du revenu du Canada et Bannon, 2008 CRTFP 4). Les défendeurs soumettent que la plaignante ne peut se référer à la lettre du 9 mars 2009 de l’employeur pour calculer le délai de 90 jours pour déposer sa plainte.

9 Les défendeurs allèguent aussi que la plaignante n’avait plus le statut de fonctionnaire depuis plus de 90 jours lorsqu’elle a déposé sa plainte. Elle avait pris sa retraite le 29 décembre 2008 et sa plainte, datée du 28 mai 2009, a été reçue par la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») le 1er juin 2009. 

Motifs

10 Même si je reconnaissais le statut de fonctionnaire à la plaignante, je rejetterais sa plainte car elle a été déposée trop tard. La plainte a été déposée le 1er juin 2009. Elle ne peut donc porter que sur des faits que la plaignante aurait dû connaître dans les 90 jours précédant la plainte, soit après le 1er mars 2009. Je partage entièrement les conclusions de la Commission dans Castonguay, puis dans Panula que le délai de 90 jours est de rigueur. Le paragraphe 190(2) se lit comme suit :

190. 2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), les plaintes prévues au paragraphe (1) doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu — ou, selon la Commission, aurait dû avoir — connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu.

11 Un seul des faits reportés par la plaignante est postérieur au 1er mars 2009. Il s’agit de la lettre que l’employeur a fait parvenir à la plaignante le 9 mars 2009 en lui fournissant les détails des sommes dues et des sommes déjà remboursées. Rien dans le dossier n’indique que les défendeurs ont eu une copie de cette lettre ou que la plaignante a communiqué avec eux au sujet de cette lettre. Certes, la plaignante n’est pas satisfaite du contenu de cette lettre qui rappelle les calculs des trop-payés, mais elle ne peut en attribuer le blâme aux défendeurs car la lettre a été envoyée par l’employeur.

12 La lettre du 9 mars n’était qu’un événement parmi d’autres dans le litige qui oppose depuis 2006 la plaignante à l’employeur sur la question des trop-payés. Les défendeurs prétendent que tout au long de ce litige, ils ont déployé des efforts pour aider la plaignante. Si la plaignante croyait que les défendeurs avaient alors manqué à leur devoir de représentation syndicale, elle aurait pu déposer une plainte dans les 90 jours suivants un manquement particulier mais elle ne l’a pas fait. Dans sa plainte, la plaignante a indiqué qu’elle a demandé avis à un avocat le 26 novembre 2008 et que ce dernier lui avait conseillé d’écrire aux défendeurs et de porter plainte contre eux s’ils ne donnaient pas suite à sa lettre. Sans réponse à la lettre en question datée du 1er décembre 2008, la plaignante aurait pu déposer une plainte à la Commission mais elle ne l’a pas fait. Elle a plutôt attendu au 1er juin 2009 pour le faire.

13 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

14 La plainte est rejetée.

Le 22 octobre 2009.

Renaud Paquet,
commissaire

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