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Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2009-11-05
  • Dossier:  566-02-2863 et 2864
  • Référence:  2009 CRTFP 147

Devant un arbitre de grief


ENTRE

CARL LEBLANC ET IAN SHAW

fonctionnaires s'estimant lésés

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux)

employeur

DÉCISION D’ARBITRAGE ACCÉLÉRÉ

Devant:
Ian Mackenzie, arbitre de grief

Pour les fonctionnaires s'estimant lésés:
Jon Peirce, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Maryse Bernier, Secrétariat du Conseil du Trésor

Note : Les parties ont convenu de traiter le grief selon une méthode d'arbitrage accéléré. Cette décision finale et exécutoire ne peut constituer un précédent ni être renvoyée pour contrôle judiciaire à la Cour fédérale.

Affaire entendue à Ottawa (Ontario)
le 30 octobre 2009.
(Traduction de la CRTFP)

1 Carl Leblanc et Ian Shaw, les fonctionnaires s’estimant lésés (les « fonctionnaires »), sont tous deux classés dans le groupe professionnel Achats et approvisionnement (PG). Ils ont contesté le calcul de leurs périodes de service au titre des congés annuels. Au moment où ils ont déposé leurs griefs, le calcul de leurs crédits de congé annuel était régi par la convention collective du groupe Vérification, Commerce et Achat conclue entre le Conseil du Trésor et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC), dont l’échéance était fixée au 21 juin 2007 (la « convention collective »).

2 La disposition de la convention collective qui traite des congés annuels précise le taux appliqué au calcul des congés annuels en fonction du nombre d’années de service. La clause 15.03, en litige dans les présents griefs, se lit comme suit :

15.03 a) Aux fins du paragraphe 15.02 ci-dessus, seulement, toute période de service au sein de la fonction publique, qu'elle soit continue ou discontinue, entre en ligne de compte dans le calcul des crédits de congé annuel sauf lorsque l'employé reçoit ou a reçu une indemnité de départ en quittant la fonction publique. Cependant, cette exception ne s'applique pas à l'employé qui a touché une indemnité de départ au moment de sa mise en disponibilité et qui est réaffecté dans la fonction publique dans l'année qui suit la date de son licenciement.

b) Nonobstant l'alinéa a) ci-dessus, l'employé qui faisait partie de l'unité de négociation PG en date du 17 mai 1989, ou l'employé qui a adhéré à l'unité de négociation PG entre le 17 mai 1989 et le 31 mai 1990 conserve, aux fins du « service » et du calcul des congés annuels auxquels il a droit en vertu du présent article, les périodes de service antérieur auparavant admissibles à titre d'emploi continu jusqu'à ce que son emploi dans la fonction publique prenne fin.

3 Les parties ont soumis l’énoncé conjoint des faits suivant :

[Traduction]

[…]

  1. Au moment où il a déposé son grief, Carl Leblanc, le fonctionnaire s’estimant lésé, occupait un poste de chef d’équipe des approvisionnements (PG-0S) au sein du Secteur de la gestion de l'approvisionnement en services et en technologies, de la Direction générale des approvisionnements, à Gatineau (Québec).
  2. Au moment du dépôt de son grief, Ian Shaw, le fonctionnaire s’estimant lésé, occupait la fonction de spécialiste en approvisionnement (PG 05) au sein du Secteur de la gestion de l'approvisionnement en services et en technologies, de la Direction générale des approvisionnements, à Gatineau (Québec).
  3. La convention collective qui s’applique est celle du groupe Vérification, Commerce et Achat (AV) conclue entre le Conseil du Trésor et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada, laquelle arrivait à échéance le 21 juin 2007 et couvrait le groupe PG.
  4. Le litige porte sur l’article 15 — Congés annuels. Plus particulièrement, il se fonde sur la clause 15.03b) — Accumulation des crédits de congé annuel.
  5. TPSGC a nommé Carl Leblanc à un poste au sein du groupe PG le 18 février 1980. Aux fins du calcul de l'indemnité de départ, M. Leblanc était considéré en disponibilité à compter du 30 novembre 1996, dans le cadre du Programme de la prime de départ anticipé qui était en place entre juillet 1995 et juin 1998.
  6. Le 26 juillet 2000, M. Leblanc a été embauché de nouveau par TPSGC et ses crédits de congé annuel ont été établis à trois semaines par an, conformément à la clause 15.02 de la convention collective.
  7. Après plusieurs communications avec l’employeur au sujet de ses crédits de congé annuel, M. Leblanc a déposé son grief le 17 juin 2008, lequel se lit comme suit :

    [Traduction]

    En 1996, alors que j’occupais un poste au sein du groupe PG à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (PVI/GSC), poste que j’occupais depuis 1978, j’ai été mis en disponibilité à la suite de l’examen des programmes. TPSGC m’a embauché de nouveau en 2000.

    Malgré mes nombreuses protestations et observations à la direction, et depuis que j’ai été réembauché en 2000, je suis considéré au même titre qu’un nouvel employé pour le calcul de mes congés annuels, n’ayant droit qu’aux trois semaines minimales (9,375 heures par mois). Ce n’est que récemment que mes congés annuels sont passés à quatre semaines (125 [sic] heures par mois).

    Selon moi, cela contrevient à la clause 15.03b) de la convention collective du groupe AV, qui stipule qu’en tant qu’employé ayant fait partie de l’unité de négociation PG en date du 17 mai 1989, je devrais conserver, aux fins du « service » et du calcul de mes congés annuels prévus à la convention collective, les périodes de service antérieur auparavant admissibles à titre d'emploi continu.

  8. M. Leblanc a demandé la mesure corrective suivante :

    [Traduction]

    Obtenir une indemnité intégrale. Plus précisément, me faire payer en temps chômé ou rémunéré la différence entre les congés annuels qui m’ont été accordés et ceux auxquels me donnait droit la clause 15.03b) de la convention collective du groupe AV, à savoir :

    […]

    Total des congés annuels qui sont dus : 23 semaines.

  9. TPSGC a nommé Ian Shaw à un poste au sein du groupe PG en 1978. Aux fins du calcul de l'indemnité de départ, M. Shaw était considéré en disponibilité à compter du 2 octobre 1996, dans le cadre du Programme de la prime de départ anticipé qui était en place entre juillet 1995 et juin 1998.
  10. Le 10 juillet 2006, M. Shaw a été embauché de nouveau par TPSGC et ses crédits de congé annuel ont été établis à trois semaines par an, conformément au paragraphe 15.02 de la convention collective.
  11. Après plusieurs communications avec l’employeur au sujet de ses crédits de congé annuel, M. Shaw a déposé son grief le 18 juin 2008, lequel se lit comme suit :

    [Traduction]

    En octobre 1996, alors que j’occupais un poste au sein du groupe PG à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, j’ai été mis en disponibilité à la suite de l’examen des programmes. TPSGC m’a embauché de nouveau en juillet 2006.

    Malgré mon emploi antérieur au sein du ministère, et depuis j’ai été réembauché en 2006, je suis considéré au même titre qu’un nouvel employé pour le calcul de mes congés annuels, n’ayant droit qu’aux trois semaines minimales (9,375 heures par mois).

    Selon moi, cela contrevient à la clause 15.03b) de la convention collective du groupe AV, qui stipule qu’en tant qu’employé ayant fait partie de l’unité de négociation en date du 17 mai 1989, je devrais conserver, aux fins du « service » et du calcul de mes congés annuels prévus à la convention collective, les périodes de service antérieur auparavant admissibles à titre d'emploi continu.

  12. M. Shaw a demandé la mesure corrective suivante :

    [Traduction]

    Obtenir une indemnité intégrale. Plus précisément, me faire payer en temps chômé ou rémunéré la différence entre les congés annuels qui m’ont été accordés et ceux auxquels me donnait droit la clause 15.03b) de la convention collective du groupe AC. Si on tient compte de mes périodes de service antérieur, je devrais bénéficier de 4 semaines de congé par an, mais je n’ai eu droit qu’à 3 semaines au cours des 2 dernières années. Par conséquent, à la fin de juin 2008, on me devait deux semaines de congés annuels.

[…]

Observations

4 Le représentant des fonctionnaires a signalé que, conformément au principe général d’interprétation, une convention collective doit être interprétée globalement et son contenu doit être cohérent. Il m’a dirigé vers des passages de l’ouvrage de Pierre-André Côté, TheInterpretation of Legislation in Canada, 3e édition. Dans le contexte de ces griefs, toutes les parties des clauses 15.03a) et b) concernant les congés annuels doivent être interprétées conjointement. C’est ainsi qu’on évitera de tomber dans l’absurdité et l’incohérence. La clause 15.03a) définit les périodes de service aux fins du calcul des congés annuels, et la clause 15.03b) expose des conditions faisant exception à la clause 15.03a). Le sens manifeste de la clause 15.03b) éclipse les limites fixées aux périodes de service énoncées à la clause 15.03a). Les fonctionnaires faisaient partie de l’unité de négociation en 1989, comme le précise la clause 15.03b). Cette clause a été sans cesse renouvelée par les parties. C’est en quelque sorte une clause de droits acquis pour les personnes qui ont quitté la fonction publique et qui y sont revenues après une année; à défaut de quoi, le libellé serait redondant. La clause 15.03b) doit être vue comme une protection accordée à ceux qui réintègrent la fonction publique après un an, puisque tout autre sens engendrerait de l’incohérence et de l’absurdité.

5 La représentante du Conseil du Trésor (l’« employeur ») a fait valoir que l’historique de la clause 15.03b) de la convention collective explique sa raison d’être. Elle a soumis les trois documents suivants : un courriel provenant d’un négociateur du Conseil du Trésor et daté du 23 février 2001; une circulaire rédigée par l’agent négociateur de la précédente unité de négociation du groupe PG, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC), datée du 18 juin 2002; un document politique de l’employeur qui décrit la période de service continue ou discontinue (non daté). L’existence de la clause 15.03b) s’explique par le fait que la base du calcul des congés annuels est passée de l’« emploi continu » à la période de « service continue ou discontinue ». De plus, la définition donnée à la « fonction publique » a été réduite. Par suite de cette définition réduite, la période de congés annuels de certains employés aurait été diminuée. Par conséquent, la clause 15.03b) a été adoptée afin de protéger les « périodes de service » que ces employés avaient accumulées avant 1989 et 1990 auprès d’autres employeurs. L’AFPC, qui a négocié cette disposition dans la précédente convention collective du groupe PG, a diffusé une circulaire à l’appui de cette interprétation.

6 La représentante de l’employeur a signalé que les fonctionnaires ne satisfont pas aux exigences de la clause 15.03a) de la convention collective. De plus, il n’existe aucun lien entre les clauses 15.03a) et b), puisqu’elles sont séparées par un point. La clause 15.03b) ne protège que les périodes de service qu’un employé était auparavant en droit de calculer. Ce changement ne touchait pas les fonctionnaires en 1989. Même s’ils avaient droit à cette protection, celle-ci a cessé en même temps que leur emploi a pris fin, en 1996. Cette disposition figure à la convention collective depuis 1990, et l’IPFPC a eu plusieurs occasions d’y proposer des modifications. Il serait à la fois absurde et illogique de la part de l’employeur de ne pas interpréter cette disposition de la même façon pour l’IPFPC que pour l’AFPC.

7 Le représentant des fonctionnaires a déclaré qu’il serait préférable de s’en tenir au libellé de la convention collective, plutôt qu’à des documents externes. Certaines raisons font que des groupes différents sont traités différemment, et l’IPFPC n’est pas lié par une interprétation adoptée par l’AFPC. Les parties à la convention collective devaient vouloir le maintien de la clause 15.03b), sans quoi elles l’auraient retiré de la convention collective. Le mot « nonobstant » éclipse la ponctuation.

8 La représentante de l’employeur a demandé l’autorisation de faire d’autres observations. Elle a allégué que la disposition figure toujours à la convention collective parce que la clause 15.03b) continue de s’appliquer aux employés qui faisaient partie de l’unité de négociation en 1989 et en 1990, et dont l’emploi n’a jamais été interrompu.

Motifs

9 Selon le principe général qui se dégage de la disposition sur les congés annuels, les « périodes de service » aux fins du calcul des congés annuels n’entrent pas en ligne de compte lorsqu’un employé a reçu une prime de départ. Une exception qui ne s’applique pas ici concerne les employés mis en disponibilité et renommés à un poste dans l’année qui suit. La disposition contestée dans ces griefs est la clause 15.03b) de la convention collective, qui est produite au paragraphe 2 de la présente décision.

10 Le libellé de la clause 15.03b) de la convention collective est un mélange complexe de temps de verbe. Cependant, une franche interprétation de celle-ci appuie la position de l’employeur. La clause fait référence aux « périodes de service antérieur » d’un employé qui « était membre » en 1989 ou en 1990. Autrement dit, les « périodes de service » dont il est question sont antérieures à 1989 ou à 1990. En outre, la clause fait référence aux « périodes de service antérieur » qui « étaient auparavant admissibles » à titre d’« emploi continu ». Puisque ces périodes de service sont qualifiées d’« emploi continu », cela indique qu’il doit s’agir de périodes de service antérieur à 1989 ou à 1990, étant donné qu’on y fait une distinction avec la période de « service continue ou discontinue » évoquée à la clause 15.03a). Par conséquent, la protection prévue à la clause 15.03b) se limite aux périodes de service antérieur à 1989 ou à 1990, lorsque la période utilisée aux fins du calcul des congés annuels est passée d’« emploi continu » à période de « service continue ou discontinue ».

11 Même si je n’ai pas à tenir compte des documents accessoires déposés par l’employeur afin d’interpréter la clause 15.03b) de la convention collective, je remarque que la documentation étaye ce travail d’interprétation.

12 Je comprends des documents déposés et des observations des parties que les fonctionnaires n’auraient auparavant pas eu besoin de s’appuyer sur une clause 15.03b) pour conserver les crédits de congé annuel auxquels ils avaient droit en 1989 et en 1990. Quoi qu’il en soit, toute protection que cette clause aurait pu leur fournir a cessé en même temps que leur emploi a pris fin en 1996.

13 Le représentant des fonctionnaires a allégué que la clause 15.03b) de la convention collective n’aurait pas été renouvelée si elle avait le sens que lui donne l’employeur. Il se peut très bien que des employés qui sont demeurés à l’emploi de la fonction publique aient eu à leur actif des périodes de service antérieures à 1989 et à 1990 qui correspondent à la définition de « emploi continu ». La clause 15.03b) continuera de s’appliquer à eux.

14 La clause 15.03b) de la convention collective ne s’applique pas aux circonstances des présents griefs, et les fonctionnaires ne sont pas des cas d’exception au sens de la clause 15.03a).

15 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

16 Les griefs sont rejetés.

Le 5 novembre 2009.

Traduction de la CRTFP

Ian R. Mackenzie,
arbitre de grief

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