Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s'estimant lésé a été suspendu pour avoir eu un comportement inapproprié durant une réunion avec son gestionnaire- il a déposé deux griefs contestant la mesure prise par l'Agence du revenu du Canada (ARC), mais chacun d'eux demandait un redressement différent- dans l'un des griefs, le fonctionnaire s'estimant lésé a demandé un redressement de large portée, auquel l'employeur s'est opposé en faisant valoir que l'arbitre de grief n'avait pas la compétence pour accorder ce redressement demandé- sa demande visant à rejeter le grief de façon sommaire a été refusée dans une décision préliminaire - bien que l'arbitre de grief ait admis qu'elle n'avait pas la compétence pour accorder l'une ou l'autre des mesures correctives de large portée demandées, on ne pouvait en conclure autant que le grief n'était pas soumis à juste titre, étant donné que l'essence du grief s'inscrivait dans les paramètres de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique- le fonctionnaire s'estimant lésé a reçu une réprimande écrite pour avoir eu un comportement similaire à l'égard de son gestionnaire et, lors d'une réunion visant à discuter de cette mesure disciplinaire, on a reproché au fonctionnaire s'estimant lésé le fait de devenir agité et irrespectueux et de faire preuve d'insubordination et d'insistance - le fonctionnaire s'estimant lésé a insisté pour que l'on prenne une mesure disciplinaire à son endroit, affirmant que c'était le seul moyen pour lui d'aller en arbitrage afin de contester le harcèlement que lui faisait subir la direction depuis que son agent négociateur avait refusé de le représenter au sujet d'un grief portant sur des questions d'évaluation du rendement - étant donné que le gestionnaire du fonctionnaire s'estimant lésé est décédé avant l'audience, une grande partie de la preuve présentée à l'étape de l'arbitrage a consisté en des courriels envoyés par le gestionnaire, accompagnés d'éléments corroboratifs soumis par le supérieur du gestionnaire - le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas contesté la preuve par ouï-dire du superviseur avant sa plaidoirie finale, et il n'a pas non plus contesté le fait que les courriels soient produits en preuve - dans son témoignage, le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas contesté la séquence des événements décrite par son gestionnaire - le fonctionnaire s'estimant lésé a mérité la mesure disciplinaire qui lui a été imposée pour son inconduite légère - en tant que chef d'équipe et gestionnaire, le fonctionnaire s'estimant lésé devait collaborer et communiquer avec son gestionnaire de façon courtoise et respectueuse - la suspension d'une journée était conforme à la politique de l'ARC sur les mesures disciplinaires progressives - le fonctionnaire s'estimant lésé ne s'est pas attardé à la question du caractère raisonnable de la mesure disciplinaire, préférant axer ses observations sur la question plus générale de sa frustration concernant ses mauvaises évaluations de rendement et la conduite de la direction - l'employeur s'est acquitté du fardeau qui lui incombait de prouver que la suspension était raisonnable. Griefs rejetés.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2009-10-26
  • Dossier:  566-34-1413 et 2743
  • Référence:  2009 CRTFP 141

Devant un arbitre de grief


ENTRE

STANLEY BAHNIUK

fonctionnaire s'estimant lésé

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

employeur

Répertorié
Bahniuk c. Agence du revenu du Canada

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Margaret E. Hughes, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Lui-même

Pour l'employeur:
Barry Benkendorf, avocat

Affaire entendue à Calgary (Alberta),
les 16 et 17 juin 2009.
(Traduction de la CRTFP)

I. Affaire devant la Commission

1 Stanley Bahniuk, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), a déposé deux griefs en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi ») contre son employeur, l’Agence du revenu du Canada (l’« employeur » ou l’« ARC »). L’un des griefs a été déposé le 20 avril 2007, l’autre, le 8 mai 2007. Les deux griefs contestaient la même mesure disciplinaire, en l’occurrence la sévérité de la sanction imposée par l’employeur (une suspension d’un jour) dans une lettre disciplinaire datée du 3 avril 2007. La mesure disciplinaire avait été imposée au fonctionnaire pour le comportement inacceptable qu'il avait eu durant une réunion avec son gestionnaire, le 1er mars 2007. Le fonctionnaire demandait des mesures correctives différentes dans chaque grief.

2 Le gestionnaire du fonctionnaire, au moment où la mesure disciplinaire a été imposée, est décédé avant la tenue de l’audience. Il sera désigné par les initiales « BM » dans la présente décision. Chaque fois que son nom apparaissait dans un document cité dans la présente décision, j’ai substitué ces initiales.

3 La convention collective applicable est celle conclue entre l’Agence des douanes et du revenu du Canada et l’Alliance de la Fonction publique du Canada pour le groupe Exécution des programmes et des services administratifs, qui a expiré le 31 octobre 2007 (pièce 22).

II. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

4 L’employeur a imposé une suspension d’un jour (7,5 heures) au fonctionnaire, dans la lettre disciplinaire (pièce 12), pour son comportement « inadmissible et inacceptable » durant une réunion avec son gestionnaire, le 1er mars 2007. La lettre disciplinaire, signée par BM, gestionnaire, Recouvrement des recettes, Bureau des services fiscaux de Calgary, ARC, est libellée comme suit :

[Traduction]

La présente fait suite à notre réunion du 5 mars 2007 pour discuter de votre comportement inacceptable durant une récente réunion avec votre gestionnaire.

Le 1er mars 2007, lors d’une réunion pour discuter du processus d’observation et d’attestation, vous avez fait montre d’insubordination et d’irrespect. Vous avez également eu une attitude insistante et peu coopérative.

Durant la réunion que j’ai eue avec vous le 5 mars pour discuter de cette affaire, vous avez déclaré que vous aviez agi de cette manière par pure exaspération.

J’estime que vous avez eu un comportement inacceptable durant notre réunion du 1er mars 2007. Cela est tout à fait contraire à ce qu’on attend d’un chef d’équipe et d’un employé de l’Agence du revenu du Canada. Vous êtes censé traiter tout le monde, gestionnaires et employés compris, de manière respectueuse et professionnelle. Je note également qu’on vous a récemment imposé une mesure disciplinaire pour un comportement similaire.

Conformément au Code d’éthique et de conduite et à la Charte des gestionnaires de l’ARC, et en tant qu’employé de l’Agence et membre du groupe MG, vous devez répondre de vos actes devant l’employeur et vous acquitter de vos fonctions de façon consciencieuse et conformément aux valeurs de l’organisation, c’est-à-­dire avec respect, professionnalisme, intégrité et coopération. Votre comportement dénote un manque de professionnalisme et un manque de respect envers la direction. Nous nous attendons à ce que vous vous conformiez au Code d’éthique et de conduite, aux valeurs de l’Agence du revenu du Canada et aux politiques de l’ARC qui les sous-tendent.

Afin de déterminer la mesure disciplinaire qui s’applique dans ce cas-ci, j’ai tenu compte de vos états de service et de vos antécédents de travail ainsi que de la réprimande écrite que vous avez reçue le 18 janvier 2007 pour un incident similaire. Afin que vous preniez pleinement conscience de la gravité de vos actes, nous avons décidé de vous imposer une suspension d’un jour (7,5 heures). La suspension s’appliquera le mercredi 4 avril 2007, de 7 h 15 à 15 h 45. Vous n’aurez pas le droit de vous présenter au travail durant cette période ni de communiquer avec vos collègues.

Conformément à la clause 17.05 de la convention collective du groupe Exécution des programmes et des services administratifs, une copie du présent document sera versée à votre dossier personnel; le document sera détruit au terme de la période de deux (2) ans qui suit la date à laquelle la mesure disciplinaire a été prise, pourvu qu’aucune autre mesure disciplinaire n’ait été portée à votre dossier dans l’intervalle. Tout autre incident pourrait entraîner l’imposition d’une mesure disciplinaire plus sévère pouvant aller jusqu’au licenciement.

Vous avez le droit de contester la présente décision conformément à l’article 208 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique; vous pouvez vous en prévaloir dans les vingt-cinq jours suivant la date du présent avis.

5 Le 17 août 2007, le fonctionnaire a renvoyé à l’arbitrage son grief du 8 mai 2007 (dossier de la CRTFP 566-34-1413) (pièce 5). Le dossier de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») est daté du 24 août 2007. Le grief et la mesure corrective demandée sont décrits comme suit :

[Traduction]

Je conteste la sévérité de la mesure disciplinaire qui m’a été imposée par l’ARC dans la lettre disciplinaire du 3 avril 2007. Les circonstances ayant donné lieu à cette lettre ne sont aucunement reliées à un manque de coopération, de professionnalisme et de respect de ma part. Elles sont plutôt le fait du manque de compétence, d’efforts et d’intégrité du gestionnaire.

[Mesure corrective]

Que le harcèlement cesse et qu’une enquête indépendante complète soit instituée pour faire la lumière sur les événements passés qui sont à l’origine de la dernière mesure qui a été imposée par [BM] et par la haute direction. Aux termes de la politique sur [traduction] « l’Indemnisation et l’assistance judiciaire des employés de l’ARC », je demande l’autorisation de retenir les services d’un conseiller juridique indépendant, car j’estime que les mesures dont je suis l’objet sont diffamatoires, malicieuses et vindicatives. J’estime que ces mesures ne visent aucunement à corriger des problèmes de rendement ou des manquements disciplinaires; il s’agit plutôt de mesures d’intimidation déguisées visant à camoufler l’omission délibérée de prendre acte des actions et des griefs passés.

6 Le 8 janvier 2009, le fonctionnaire a renvoyé à l’arbitrage le grief daté du 20 avril 2007 (dossier de la CRTFP 566-34-2743). Le grief avait été rejeté à chacun des quatre paliers de la procédure de règlement des griefs, y compris le dernier palier. En voici le texte :

[Traduction]

Je conteste la sévérité de la mesure disciplinaire qui m’a été imposée par l’ARC dans la lettre disciplinaire du 3 avril 2007.

[Mesure corrective]

Je demande que la mesure disciplinaire soit annulée, que la perte salariale d’un jour soit indemnisée avec intérêt et que cet intérêt soit fixé à 7 % et calculé au prorata depuis la date de la mesure disciplinaire jusqu’à la date de l’indemnisation de la perte. Je demande également que toutes les lettres disciplinaires soient retirées de mon dossier personnel.

7 Comme le grief daté du 8 mai 2007 avait été renvoyé à l’arbitrage et que la Commission avait tranché les questions préliminaires relatives à ce grief avant le renvoi à l’arbitrage du grief original daté du 20 avril 2007, le grief du 8 mai 2007 sera désigné comme « le premier grief » et celui du 20 avril 2007 comme « le second grief ». À la demande du fonctionnaire, les deux griefs ont été instruits ensemble les 16 et 17 juin 2009.

III. Événements survenus après le renvoi du premier grief à l’arbitrage

8 Une téléconférence a eu lieu, le 6 novembre 2008, pour discuter de la portée de la preuve à produire relativement au premier grief, des questions de procédure découlant du libellé de ce grief et de la portée de la mesure corrective demandée. Durant la téléconférence, le fonctionnaire a révélé qu’il avait déposé un autre grief similaire, lequel en était rendu au troisième ou au quatrième palier de la procédure de règlement des griefs, sur la même question, c’est-à-dire la sévérité de la mesure disciplinaire imposée dans la lettre disciplinaire, mais que la mesure corrective demandée était différente de celle contenue dans le premier grief et que ce deuxième grief était appuyé par l’agent négociateur. Selon le fonctionnaire, l’agent négociateur s’était opposé à ce qu’il intègre des allégations de harcèlement dans son premier grief, allégations pour lesquelles il demandait diverses mesures correctives, si bien que l’agent négociateur avait refusé de leur fournir une représentation relativement à ce grief. Le fonctionnaire avait alors renvoyé ce grief à l’arbitrage. En apprenant cela, l’avocat de l’employeur s’est opposé à ce qu’il y ait deux griefs sur la même mesure disciplinaire. À la fin de la téléconférence, j’ai indiqué que j’entendrais les arguments des parties sur deux questions préliminaires, à savoir les griefs en double et ma compétence pour accorder les diverses mesures correctives demandées par le fonctionnaire, au début de l’audience prévue du 2 au 5 décembre 2008.

9 Durant la téléconférence, j’ai expliqué en quoi consistait la compétence de l’arbitre de grief nommé par la Commission en vertu de la Loi. Au sujet de la portée du premier grief, j’ai observé que le fonctionnaire contestait la sévérité de la mesure disciplinaire imposée dans la lettre disciplinaire. J’ai expliqué qu’un grief sur la sévérité d’une mesure disciplinaire soulève généralement la question de savoir si le fonctionnaire a commis des écarts de conduite susceptibles de justifier une mesure disciplinaire et, le cas échéant, si la mesure disciplinaire imposée est raisonnable dans ce cas-là. J’ai également rappelé aux parties que la preuve présentée à l’audience doit se rapporter à une question substantielle dans le cas pour être recevable.

10 Le 13 novembre 2008, l’avocat de l’employeur a avisé la Commission que le témoin principal de l’employeur, BM, était en phase terminale et qu’il n’était plus en mesure de témoigner ou de comparaître devant la Commission. Comme le témoin substitut de l’employeur n’était pas disponible aux dates déjà établies, l’avocat de l’employeur a demandé le report de l’audience prévue du 2 au 5 décembre 2008. Dans la lettre du 13 novembre 2008, l’avocat de l’employeur demandait également à ce que les parties soient autorisées à soumettre des arguments écrits sur les deux questions préliminaires définies durant la téléconférence. Le fonctionnaire s’est vivement opposé à cette demande. 

11 Après avoir pris connaissance des arguments écrits des parties sur la demande de l’employeur, j’ai accepté que les parties me soumettent des arguments écrits sur mon manque de compétence pour accorder la réparation demandée comme mesure corrective, même si j’en venais à donner raison au fonctionnaire sur le fond. J’ai toutefois rejeté la demande de l’employeur visant à ce que je tranche la question des griefs en double au vu des arguments écrits des parties, en indiquant que je me prononcerais sur cette question au début de l’audience fixée du 16 au 19 juin 2009. 

12 Le 6 février 2009, l’employeur a soumis des observations détaillées, auxquelles il avait annexé des documents et de la jurisprudence, sur la question de ma compétence pour accorder l’une ou l’autre des mesures correctives demandées par le fonctionnaire.

13 À la fin de ces mêmes observations, l’employeur plaidait pour le rejet sommaire du premier grief. Il avançait, pour l’essentiel, que la Commission n’avait pas compétence pour accorder l’une ou l’autre des mesures correctives demandées et que le grief devait dès lors être rejeté de façon sommaire.

14 Dans une courte réponse datée du 9 mars 2009, le fonctionnaire formulait les observations suivantes :

[Traduction]

Après avoir pris connaissance des observations de l’employeur en date du 6 février, j’ai décidé de ne pas présenter d’arguments sur la question relative au harcèlement. J’estime que l’arbitre de grief n’est pas en mesure de m’accorder la réparation demandée et qu’il n’a pas la capacité de se pencher sur les diverses responsabilités de l’Agence du revenu du Canada. Par conséquent, dans le cas des allégations de harcèlement et de la réparation connexe demandée, mais uniquement en ce qui concerne cet élément particulier, je dois convenir avec l’employeur que la Commission n’a pas compétence pour trancher cette question. Je devrais être en mesure de me prévaloir d’un autre recours judiciaire pour obtenir réparation relativement à cet aspect de la plainte.

[Je souligne]

15 Dans Bahniuk c. Agence du revenu du Canada, 2009 CRTFP 74, rendue le 11 juin 2009, j’ai rejeté la demande de l’employeur visant à ce que le premier grief soit rejeté de façon sommaire. En me basant sur les arguments écrits des parties et sur les quelques arguments entendus durant une téléconférence, le 12 mai 2009, j’ai déclaré que je convenais avec l’employeur que je n’avais pas compétence pour accorder l’une ou l’autre des mesures correctives demandées même si j’en venais à donner raison au fonctionnaire sur le fond. J’ai également observé que le fonctionnaire convenait avec l’employeur, dans ses arguments écrits, que la Commission n’avait pas compétence pour statuer sur les allégations de harcèlement et la mesure corrective demandée, mais [traduction] « […] uniquement en ce qui concern[ait] cet élément particulier […] » et que le fonctionnaire n’était pas prêt à retirer volontairement son premier grief. 

16 Si j’ai admis que je n’avais pas compétence pour accorder l’une ou l’autre des mesures correctives demandées, j’ai néanmoins déclaré qu’il ne fallait pas nécessairement en conclure que je n’étais pas saisie régulièrement du premier grief et que je devais le rejeter de façon sommaire. J’ai observé que le fonctionnaire avait renvoyé son grief à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi, qui prévoit ceci :

Renvoi d’un grief à l’arbitrage

209.(1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur

[…]

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

17 J’ai noté que le fonctionnaire contestait la suspension d’un jour et que la substance du premier grief coïncidait donc, à première vue, avec les paramètres de l’alinéa 209(1)b) de la Loi. J’ai déclaré que ma compétence était déterminée par la substance du premier grief et que les mesures correctives demandées, dont je reconnaissais tout de même l’importance, constituaient un aspect secondaire et qu’ils n’avaient aucune incidence sur ma compétence J’ai statué que le fonctionnaire avait droit à une juste chance de plaider sa cause au fond et que, s’il décidait de se prévaloir de ce droit, il y avait probablement une réparation adaptée à sa situation et que j’avais le pouvoir de lui accorder. J’ai également indiqué que le contexte dans lequel la mesure disciplinaire avait été imposée pouvait présenter de l’intérêt pour statuer sur le caractère raisonnable de cette mesure.

18 J’ai déclaré que l’audience pour trancher le grief au fond se tiendrait comme prévu du 16 au 19 juin 2009.

19 Au moment d’instruire l’affaire, la Commission avait accepté, en réponse à une demande formulée par le fonctionnaire dans une lettre datée du 8 janvier 2009, de réunir les deux griefs, de sorte qu’il n’était plus nécessaire de statuer, d’entrée de jeu, sur la question des griefs en double.

IV. Résumé de la preuve

20 Au début de l’audience, j’ai indiqué que les deux griefs portaient sur la sévérité de la mesure disciplinaire imposée, en l’occurrence la suspension d’un jour. J’ai rappelé aux parties les points dont il avait été question durant la téléconférence du 6 novembre 2008 et dans ma décision 2009 CRTFP 74, du 11 juin 2009, à savoir que la preuve présentée à l’audience doit se rapporter à une question substantielle propre dans le cas pour être recevable et qu’un grief qui porte sur la sévérité d’une mesure disciplinaire soulève généralement la question de savoir si le fonctionnaire a commis des écarts de conduite susceptibles de justifier une mesure disciplinaire et, le cas échéant, si la mesure imposée dans ce cas-là est raisonnable.

21 Les deux parties ont présenté de brèves observations préliminaires. L’avocat de l’employeur a appelé un témoin et produit 15 pièces. Le fonctionnaire a témoigné pour son compte et produit huit documents, mais n’a pas appelé d’autres témoins.

22 Avant la tenue de l’audience, l’avocat de l’employeur a avisé la Commission, dans une lettre datée du 13 novembre 2008, que le témoin principal de l’employeur, BM, était en phase terminale et qu’il n’était plus en mesure de témoigner ou de comparaître devant la Commission. À l’audience, l’avocat de l’employeur a informé la Commission que BM était décédé et que l’employeur avait décidé d’appeler Rick Leigh, le superviseur de BM à l’époque où la mesure disciplinaire avait été imposée.

23 Je tiens à préciser qu’il y a eu de nombreux échanges de courriels entre les diverses personnes visées par les présents griefs. Une partie de ces courriels ont été mis en preuve. Certains sont reproduits tels quels dans la présente décision, sauf indication contraire.

24 Au moment où la mesure disciplinaire lui a été imposée, le fonctionnaire était chef d’équipe dans le service du Recouvrement des recettes au Bureau des services fiscaux de Calgary (Alberta). Il occupait ce poste depuis 1990 et supervisait de 8 à 15 personnes, selon les années. Au moment de l’audience, le fonctionnaire supervisait huit ou neuf employés [traduction] « de première ligne » et son poste était classifié dans le groupe et au niveau MG-3.

25 M. Leigh dirige le Bureau des services fiscaux de l’ARC à Calgary depuis juin 2007. Avant cela, il était directeur adjoint du service du Recouvrement des recettes. BM était l’un des gestionnaires de section qui relevaient de M. Leigh, et le fonctionnaire faisait partie des huit à dix chefs d’équipe du service du Recouvrement des recettes qui relevaient de BM.

26 En 2005, l’ARC a instauré un nouveau processus normalisé d’évaluation des compétences, en l’occurrence le processus d’observation et d’attestation (« O&A »), aux fins de la gestion des ressources humaines. Le processus fait appel aux gestionnaires pour évaluer et attester les degrés de compétence de leurs employés et fait partie intégrante de leurs responsabilités de gestion courantes.

27 Selon la documentation sur le processus d’O&A (pièce 16), le système d’évaluation des compétences permet de sélectionner, d’évaluer, de former et de promouvoir les employés en fonction de leurs compétences. Après avoir reçu la formation nécessaire, les gestionnaires sont en mesure d’observer et d’attester si leurs employés satisfont aux exigences minimales établies dans le profil de compétences pour leur poste eu égard à trois compétences. Les gestionnaires observent le rendement de l’employé pendant au moins six mois et relèvent des exemples de comportements pour chaque compétence. Ils discutent ensuite de leurs observations avec les employés; lorsque les compétences sont établies, ils attestent que les employés satisfont aux exigences minimales requises. Les trois compétences en question sont le souci de la clientèle, l’efficacité des communications, et l’esprit d’équipe et la coopération.

28 L’ARC avait prévu de mettre le nouveau processus en place du haut vers le bas dans l’ensemble de ses bureaux. La façon de procéder était la suivante : dans un premier temps, les cadres supérieurs observaient et attestaient les compétences des autres gestionnaires. Dans un deuxième temps, les gestionnaires observaient et attestaient les compétences des employés.

29 Durant la première phase de la mise en œuvre du processus, les cadres de direction ont reçu de la formation pour observer et attester les compétences des cadres intermédiaires et des gestionnaires de première ligne. Ils devaient attester que les gestionnaires satisfaisaient aux exigences minimales pour leur poste au regard de trois compétences en gestion, en l’occurrence la gestion des conflits, le leadership d’équipe et le développement des ressources humaines, avant que ces gestionnaires puissent observer et attester les compétences de leurs subalternes durant la deuxième phase

30 M. Leigh avait observé et attesté les compétences des gestionnaires de section du service du Recouvrement des recettes qui faisaient partie de son effectif. Ces gestionnaires devaient ensuite observer et attester les compétences des chefs d’équipe qui faisaient partie de leur effectif afin qu’ils puissent eux aussi observer et attester les compétences de leurs subalternes.

31 En tant que gestionnaire de section, BM avait obtenu la confirmation de M. Leigh qu’il possédait les trois compétences requises. Il avait ensuite appliqué le processus d’O&A à chacun de ses chefs d’équipe, dont le fonctionnaire.

32 Le 11 décembre 2006, BM a demandé par courriel (pièce 6) à chacun de ses chefs d’équipe de lui fournir, au plus tard le 15 janvier 2007, au moins deux exemples de comportements montrant qu’ils possédaient les trois compétences de gestion exigées au chapitre de la gestion des conflits, du développement des ressources humaines et du leadership d’équipe, exemples qu’il prévoyait intégrer dans ses propres observations. 

33 À un certain moment, entre le 11 décembre 2006 et le 15 janvier 2007, un des chefs d’équipe de BM a découvert un modèle qui avait été utilisé dans la division de Red Deer pour consigner les compétences et que les chefs d’équipe de cette division avaient trouvé facile à utiliser pour soumettre les exemples de comportements à leurs gestionnaires. BM a remis ce modèle, qui contenait des définitions et expliquait chacun des degrés des trois compétences de gestion exigées et d’une quatrième compétence, échanges et communications efficaces, à ses chefs d’équipe en leur rappelant qu’ils devaient lui communiquer leurs exemples au plus tard le 15 janvier 2007. 

34 Le 5 janvier 2007, à 11 h 47, le fonctionnaire a envoyé le courriel suivant (qui fait partie de la pièce 6) à BM :

[Traduction]

C’est la première fois que j’entends parler d’un délai pour fournir cette information. Si je me fie à mes dernières évaluations du rendement, la direction a décidé que je n'avais rien fait de valable au cours des cinq dernières périodes, je crois. À ce jour, mon rendement est comparable à celui des cinq dernières années. Quand j’aurai un exemple montrant que j’ai eu un rendement supérieur durant cette période, je vous le ferai savoir.

35 Le 5 janvier 2007, à 13 h 18, BM a envoyé le courriel suivant (qui fait partie de la pièce 6) au fonctionnaire :

[Traduction]

Stan, vous avez récemment reçu de la formation sur le processus d’observation et d’attestation. On vous a notamment expliqué que votre gestionnaire allait tenter de valider une partie des compétences exigées pour votre poste actuel. J’ai expliqué à tous les chefs d’équipe de ma section que je voulais attester qu’ils satisfaisaient aux exigences minimales eu égard à trois compétences, en l’occurrence la gestion des conflits, le développement des ressources humaines et le leadership d’équipe. De plus, il va de soi que le fait que vous indiquiez que votre rendement reste comparable à celui attesté par la direction ces cinq dernières années me préoccupe, alors qu’approche la période des évaluations du rendement. Peut-être que le mois prochain, lorsque je demanderai à chacun de me soumettre la liste de ses réalisations en vue du processus d’évaluation du rendement de cette année, vous arriverez à vous rappeler d’au moins un point que vous avez amélioré depuis vos dernières évaluations.

Pour finir, je joins une copie d’un courriel daté du 11 décembre 2006 que je vous ai expressément envoyé. Chaque chef d’équipe de ma section qui n’avait pas les trois compétences requises a reçu un courriel similaire dans lequel je lui demandais de me fournir, d’ici le 15 janvier 2007, des renseignements à propos des compétences particulières pour lesquelles je voulais obtenir des exemples.

36 Le 5 janvier 2007, à 14 h 20, le fonctionnaire a envoyé le courriel suivant (qui fait partie de la pièce 6) à BM :

[Traduction]

Comme vous le savez, j’ai fourni plusieurs exemples de mon rendement (dans plus d’une centaine de courriels). Or vous n’avez même pas daigné en prendre connaissance.
Si vous avez des problèmes, c’est à vous d’y voir.

37 Le fonctionnaire estimait que c’était la responsabilité de BM, à titre de gestionnaire, d’observer son comportement (pièce 16) et de trouver des exemples montrant qu’il possédait les compétences requises aux fins du processus d’O&A. Le fonctionnaire considérait que la demande de BM démontrait une fois de plus que BM abdiquait ses responsabilités comme gestionnaire.

38 Le 15 janvier 2007 (le délai fixé pour remettre les réponses), à 17 h 21, le fonctionnaire a envoyé à BM un courriel intitulé « O&A » (pièce 17), auquel il avait annexé un document intitulé [traduction] « O+A – compétences de Stan » et une note d’accompagnement qui disait ceci : [traduction] « J’estime que chacun des deux événements que je décris représentent des compétences que j’ai acquises dans les quatre domaines de compétence. » La pièce jointe était le modèle préétabli pour documenter les compétences, mais au lieu de fournir des exemples sous chacune des quatre compétences présentées séparément, le fonctionnaire avait décidé de relater deux événements sur quatre pages et demie, sous la première compétence — la gestion des conflits — et de laisser à BM le soin de classer l’information sous chacune des compétences pertinentes. Le reste du document avait été laissé en blanc. L’un des événements décrits concernait un problème de répartition des appels téléphoniques, plus particulièrement les appels au sujet de la taxe sur les produits et services, qui étaient acheminées par erreur à l’équipe du recouvrement des recettes. Le fonctionnaire décrivait les mesures qu’il avait prises pour corriger ce problème. Le second événement concernait une proposition que le fonctionnaire avait faite pour résoudre des problèmes découlant de la décision de la direction de limiter la sphère de supervision à neuf subalternes et de la restructuration que cela avait entraîné.

39 Après avoir discuté de la question avec son superviseur, M. Leigh, BM a remis une réprimande écrite au fonctionnaire, le 18 janvier 2007 (pièce 7). Cette réprimande est libellée comme suit :

[Traduction]

La présente fait suite à notre réunion du 12 janvier 2007 pour discuter de votre comportement inacceptable à l’égard de votre gestionnaire, qui comptait sur votre collaboration pour conclure le processus d’observation et d’attestation (O&A) avec succès. Cette réunion m’a permis de confirmer les faits suivants :

Le 5 janvier 2007, vous avez répondu par courriel à la demande que votre gestionnaire vous avait adressée afin d’obtenir des renseignements lui permettant d’attester que vous satisfaisiez aux exigences requises aux fins du processus d’observation et d’attestation de vos compétences.

Le contenu de ce courriel montre clairement que vous n’avez pas l’intention de coopérer avec votre gestionnaire et que vous vous refusez à lui apporter votre aide. Ce manque flagrant de coopération et de respect envers votre gestionnaire est indigne d’un MG ou de tout employé qui occupe un poste de gestion et ne peut être toléré.

Conformément au Code d’éthique et de conduite et à la Charte des gestionnaires de l’ARC, et en tant qu’employé de l’Agence et membre du groupe MG, vous devez répondre de vos actes devant l’employeur et vous acquitter de vos fonctions de façon consciencieuse et conformément aux valeurs de l’organisation, c’est-à-­dire avec respect, professionnalisme, intégrité et coopération. Votre comportement dénote un manque de professionnalisme et un manque de respect à l’égard de la direction. Nous nous attendons à ce que vous vous conformiez au Code d’éthique et de conduite, aux valeurs de l’Agence du revenu du Canada et aux politiques de l’ARC qui les sous-tendent.

J’ai tenu compte de vos états de service et de vos antécédents de travail ainsi que de mes efforts continuels pour orienter votre développement. Afin que vous preniez pleinement conscience de la gravité de vos actes, nous avons décidé de vous imposer une réprimande écrite dans ce cas-ci.

Une copie du présent document sera versée à votre dossier personnel; le document sera détruit au terme de la période de deux ans qui suit la date à laquelle la mesure disciplinaire a été prise, pourvu qu’aucune autre mesure disciplinaire n’ait été portée à votre dossier dans l’intervalle. Tout autre incident pourrait entraîner l’imposition d’une mesure disciplinaire plus sévère pouvant aller jusqu’au licenciement.

Vous avez le droit de contester la présente décision; vous disposez d’un délai de vingt-cinq jours à compter de la date du présent avis pour vous prévaloir de ce droit.

(Nota : Le deuxième paragraphe est en retrait dans l’original.)

40 M. Leigh a déclaré à l’audience qu’il avait conclu, à la lecture du courriel du fonctionnaire daté du 5 janvier (et envoyé à 14 h 20), que le fonctionnaire n’avait pas l’intention de fournir des exemples différents de ceux qu’il avait fournis pour son évaluation du rendement de 2005-2006. M. Leigh a indiqué que l’évaluation du rendement et l’observation des compétences étaient des processus totalement différents. Pour le processus d’O&A, le gestionnaire ou l’employé ne doit pas démontrer qu’il a eu un rendement exemplaire; il doit plutôt prouver qu’il possède les compétences de base exigées pour son poste. M. Leigh a déclaré qu’en « quelques heures », un gestionnaire pouvait quelques exemples pour attester chacune des trois compétences exigées.

41 M. Leigh a souligné que le processus d’O&A était axé sur la collaboration et que les gestionnaires avaient l’obligation [traduction] « d’observer et d’attester » les compétences des chefs d’équipe, dont celles du fonctionnaire. Il a ajouté qu’à sa connaissance, aucun autre chef d’équipe de BM n’avait exprimé des réserves à propos du processus d’O&A.

42 En contre­-interrogatoire, M. Leigh a indiqué que le fonctionnaire avait soumis quelques exemples pour étayer les compétences exigées, mais il ne se rappelait pas à quel moment exactement. Il a ajouté qu’il avait pris connaissance de ces exemples, mais qu’il les avait jugés non pertinents pour attester que le fonctionnaire satisfaisait aux exigences minimales requises. Il a précisé que les chefs d’équipe devaient fournir des exemples pour chaque compétence particulière, sous chaque rubrique, et non une longue énumération. Le fonctionnaire n’ayant pas respecté les consignes, c’est le gestionnaire qui a été obligé de « mettre de l’ordre » dans les exemples. M. Leigh a indiqué qu’il ne savait pas si BM avait dit au fonctionnaire que ses exemples n’étaient pas pertinents.

43 Le fonctionnaire n’a pas apprécié de recevoir la lettre de réprimande. Il s’est rendu au bureau de BM dans la journée pour le lui faire savoir.

44 Il semble que BM a été très surpris de la réaction du fonctionnaire, de même que de ce qu’il considérait comme un manque de coopération et de respect à l’égard de la direction. BM s’est envoyé un courriel à lui-même, pour mémoire, le 18 janvier 2007 à 15 h, avec copie à Pat Huston, Service des ressources humaines et des relations de travail à l’ARC. Le courriel était intitulé : [traduction] « Notes pour mémoire : S. Bahniuk » (pièce 8) et disait ceci :

[Traduction]

Stan est venu me voir vers 14 h 35, le 18 janvier 2007, soit approximativement 35 minutes après avoir reçu la réprimande écrite que je lui avais adressée.
Il a déclaré qu’il savait que la prochaine sanction, après une réprimande écrite serait une suspension, et qu’il était prêt à se faire imposer d’autres mesures disciplinaires afin de pouvoir raconter tout cela et tout ce qu’il avait vécu pendant des années plus tôt à un arbitre de grief.
J’ai été très surpris de sa réaction, car généralement, après avoir imposé une sanction disciplinaire dans le but de corriger un comportement, on constate que l’employé a complètement changé d’attitude.
J’ai dit à Stan que je ne savais pas si c’était possible. Il m’a répondu que si ce qu’il fallait pour se faire imposer une nouvelle mesure disciplinaire et renvoyer son cas à l’arbitrage de grief, c’était de crier après moi, il n’hésiterait pas à le faire.

45 M. Leigh a déclaré que BM avait discuté avec lui de l’échange qu’il avait eu avec le fonctionnaire et que sa description correspondait en tous points à celle contenue dans le courriel de BM. M. Leigh a ajouté que BM avait rédigé les notes pour mémoire conformément à ses responsabilités comme gestionnaire. Aucune mesure disciplinaire n’a été imposée au fonctionnaire pour le comportement qu’il avait eu durant la réunion.

46 Le 22 février 2007, le fonctionnaire a déposé un grief à propos de la lettre de réprimande (pièce 7). M. Leigh a rédigé la réponse au second palier de la procédure de règlement des griefs, le 13 juillet 2007 (pièce 9), et B. Reich, commissaire régional adjoint, région des Praires, ARC, a rédigé la réponse au troisième palier, le 6 novembre 2007 (pièce 9). Je ne suis pas saisie de ce grief, mais l’avocat de l’employeur et le fonctionnaire y ont tous deux fait allusion pour situer le contexte des griefs que je dois trancher et de la mesure disciplinaire progressive qui a été imposée au fonctionnaire dans la lettre disciplinaire en cause.

47 En plus de contester la lettre de réprimande (pièce 7), le fonctionnaire a rencontré BM, le 1er mars 2007, pour qu’il lui montre les exemples qu’il avait recueillis à son sujet dans le cadre du processus d’O&A. Dans un courriel intitulé [traduction] « Note pour mémoire-S. Bahniuk » adressé à lui-même, avec copie à Pat Huston, le 1er mars 2007, à 8 h 55, après la réunion avec le fonctionnaire, BM écrit ceci (pièce 10) :

[Traduction]

Stan est entré dans mon bureau ce matin et m’a dit qu’il voulait obtenir des renseignements supplémentaires sur les exemples que j’avais recueillis à son sujet dans le cadre du processus d’O&A. Je lui ai dit que je n’avais rien sur papier.
Il a déclaré que je ne jouais pas mon rôle comme gestionnaire. Je lui ai dit que je n’avais pas l’intention de le suivre à la trace 24 heures sur 24, mais que j’étais généralement au courant de ses activités. Il m’a dit que je n’avais aucune idée de ce qu’il avait fait pour les membres de sa nouvelle équipe. Je lui ai répondu que j’étais au courant de la formation qu’ils avaient reçue à sa demande, du système de jumelage qu’il avait instauré, etc.

Il a continué de dire que je n’avais pas d’exemples. Je lui ai rappelé ce qu’on lui avait enseigné durant la formation à propos du processus d’O&A, notamment que nous devions faire équipe pour attester qu’il satisfaisait aux exigences minimales requises pour certaines compétences. Il a continué de dire qu’il voulait se rendre à l’arbitrage de grief et que je ne voulais pas me rendre là. Je lui ai dit que j’avais vérifié auprès des Ressources humaines et qu’il y avait d’abord un processus à suivre pour tenter de résoudre le différend. Il est devenu pas mal agité à ce moment-là et il m’a dit qu’il voulait recevoir une sanction disciplinaire.

Il était là dans mon bureau à s’agiter et à m’implorer de lui imposer une mesure disciplinaire; je lui ai dit qu’il faisait montre d’insubordination et d’irrespect, que son souhait allait être exaucé et que j’allais lui imposer une nouvelle mesure disciplinaire. Je lui ai ensuite demandé de quitter mon bureau.

(Nota : Il n’y a pas d’interligne entre le premier et le deuxième paragraphe dans l’original.)

48 BM s’est envoyé un autre courriel pour mémoire ce jour-là, à 14 h 57 (pièce 11), avec copie à Pat Huston. Le courriel était intitulé : [traduction] « Notes pour mémoire-S. Bahniuk » et disait ceci :

[Traduction]

Pour faire suite à mes notes de ce matin, il est important de noter que j’ai demandé à Stan de revoir les observations qu’il avait préparées aux fins du processus d’O&A afin que je puisse attester qu’il satisfaisait aux exigences minimales. Il a fait montre d’une attitude insistante ce matin et peu coopérative. Son insistance à vouloir se faire imposer une mesure disciplinaire à vouloir être entendu par un arbitre de grief, même après que je lui aie dit qu’il y avait un processus à suivre montre clairement qu’il refuse de coopérer. Stan agit selon son état d’esprit; il a fait le choix délibéré de ne pas coopérer, dans le seul but de plaider ses inquiétudes à l’arbitrage de grief. C’est inacceptable de la part de qui que ce soit et surtout d’un gestionnaire.

49 M. Leigh a déclaré qu’il avait également eu une réunion avec BM, le 1er mars 2007. BM avait retracé les événements survenus durant sa réunion avec le fonctionnaire ce jour-là, tels qu’ils sont décrits dans les notes pour mémoire reproduites plus tôt dans la présente décision (pièces 10 et 11). M. Leigh a précisé que le récit des faits contenu dans les notes de BM pour mémoire correspond en tous points aux événements que BM lui a rapportés et que ces notes avaient été rédigées dans le cadre des fonctions de BM comme gestionnaire. M. Leigh a indiqué qu’après discussion, ils avaient convenu d’imposer une nouvelle mesure disciplinaire au fonctionnaire, à savoir une suspension d’un jour, au moyen de la lettre disciplinaire. Cette mesure disciplinaire est l’objet des griefs dont je suis saisie.

50 Comme je l’ai indiqué au début, le fonctionnaire a déposé deux griefs pour contester la sévérité de la mesure disciplinaire que l’ARC lui a imposée dans la lettre disciplinaire, à savoir la suspension d’un jour. Comme je l’ai également indiqué plus tôt, les deux griefs sont identiques, à l’exception des mesures correctives demandées. Le second grief était appuyé par l’agent négociateur. Le fonctionnaire demandait que la mesure disciplinaire soit annulée, que la perte salariale d’un jour soit indemnisée avec intérêt et que toutes les lettres disciplinaires soient retirées de son dossier personnel. Dans le premier grief, le fonctionnaire demandait diverses mesures correctives, mais il a convenu par la suite avec l’employeur que la Commission n’avait pas compétence pour accorder ces mesures dans les circonstances.

51 BM a rédigé la réponse au premier palier de la procédure de règlement du second grief, le 18 juin 2007. En voici un extrait (pièce 1) :

[Traduction]

 […]

Pour en arriver à ma décision, j’ai examiné attentivement les faits entourant votre grief et les commentaires que vous-même et votre représentante avez formulés durant la réunion.

Votre représentante a déclaré que vous compreniez très bien le comportement qu’on attendait de vous. Elle a également déclaré que vous vous étiez excusé pour votre comportement. Je prends acte de vos excuses, mais il n’en demeure pas moins que vous n’avez pas démontré, par vos actions, que vous compreniez ce qu’on attendait de vous en matière de comportement. J’espère qu’à l’avenir vous réfléchirez à vos réactions, à vos actions et à leurs conséquences possibles avant d’y donner suite.

Compte tenu de ce qui précède, le grief est rejeté et la mesure corrective demandée ne sera pas accordée.

52 La réponse au second palier de la procédure de règlement des griefs, datée du 13 juillet 2007 (pièce 2), a été rédigée par M. Leigh, qui avait été nommé au poste de directeur en juin 2007. En voici un extrait :

[Traduction]

 […]

J’ai examiné attentivement l’information que vous-même et votre représentant syndical avez fournie durant la réunion. J’ai également discuté de cette question avec votre gestionnaire [BM].

Si je comprends bien le contenu de votre grief, vous estimez que vous n’auriez pas dû recevoir une sanction disciplinaire pour votre comportement durant la réunion avec [BM], le 1er mars 2007. Votre représentant syndical a soulevé des doutes sur le comportement de [BM] et avancé que c’était une raison suffisante pour annuler la mesure disciplinaire. Rien ne me permet de croire que vous n’avez pas eu un comportement inapproprié ou que [BM] a eu un comportement inapproprié.

[…]

53 La réponse au troisième palier de la procédure de règlement des griefs, datée du 6 novembre 2007, a été signée par M. Reich (pièce 3), le gestionnaire de M. Leigh à ce moment-là. M. Leigh a déclaré que M. Reich l’avait consulté pour rédiger la réponse après avoir reçu une note d’information de M. Leigh.

54 La réponse au dernier palier a été rédigée par Lysanne M. Gauvin, commissaire adjointe, Direction des ressources humaines, ARC, le 19 décembre 2008 (pièce 4). M. Leigh n’avait aucun lien hiérarchique avec Mme Gauvin; il a indiqué qu’elle relevait directement du commissaire des ressources humaines. Mme Gauvin renvoyait, dans sa réponse, à la réponse qu’elle avait faite au dernier palier de la procédure de règlement du premier grief, le 21 septembre 2007 (cette réponse fait partie de la pièce 5).

55 M. Leigh a déclaré qu’il estimait qu’une suspension d’un jour était un bon moyen d’amener le fonctionnaire à corriger son comportement, vu qu’il avait déjà reçu une réprimande écrite pour un comportement similaire et [traduction] « […] vu, surtout, que le fonctionnaire voulait recevoir une sanction disciplinaire ».

56 M. Leigh a précisé que, à titre de chef d’équipe, le fonctionnaire faisait partie de la direction de l’ARC et qu’il était assujetti à la Charte des gestionnaires (pièce 13) et au Code d’éthique et de conduite (le « Code ») de l’ARC (pièce 14).

57 M. Leigh a indiqué que la Charte des gestionnaires dont il est question dans la lettre disciplinaire (pièce 13) avait été établie au moment où le groupe MG avait été créé pour les chefs d’équipe et que ce document décrivait les comportements qui sont attendus des chefs d'équipe quand ils traitent avec les employés, leurs collègues gestionnaires et le grand public. Tous les MG, y compris les gestionnaires de section, en ont reçu une copie. La Charte des gestionnaires indique, entre autres choses, que les gestionnaires de l’ARC doivent respecter les valeurs de l’ARC, c’est-à-dire agir avec intégrité, professionnalisme, respect et coopération, et qu’ils doivent s’efforcer d’établir des relations du travail et des communications franches et constructives.

58 M. Leigh a déclaré que le Code décrivait la mission et les valeurs de l’ARC, que les employés de l’ARC en recevaient tous une copie et qu’ils devaient signer un [traduction] « formulaire d’accusé de réception » attestant qu’ils s’engageaient à respecter les normes établies. Le Code indique que les employés doivent réexaminer leurs obligations une fois par année (pièce 14, à la page (i)). Il comprend aussi une section décrivant les diverses mesures disciplinaires qui peuvent être imposées en cas d’inconduite (pièce 14, à la page 18) et une section décrivant le leadership que doivent exercer les chefs d’équipe (pièce 14, à la page 19).

59 L’ARC a une politique disciplinaire (pièce 15), qui était en place en avril 2007, lorsque la suspension d’un jour a été imposée. La politique décrit les rôles et responsabilités des employés, des gestionnaires et des conseillers en relations de travail et explique le concept et le processus des mesures disciplinaires progressives. M. Leigh a déclaré que BM et lui-même étaient au courant du contenu de la politique et, surtout, qu’ils avaient consulté le tableau contenu à l’appendice C pour déterminer la mesure disciplinaire qui s’appliquait au fonctionnaire après la réprimande écrite.

60 Le fonctionnaire a contesté la réprimande écrite. En contre-interrogatoire, M. Leigh a déclaré que BM n’avait probablement pas ouvert la centaine de courriels qu’il avait reçus du fonctionnaire à propos de son rendement et auxquels le fonctionnaire fait référence dans son courriel du 5 janvier 2007 à BM (ce courriel fait partie de la pièce 6). M. Leigh a ajouté qu’il n’avait pas examiné le dossier de rendement que BM avait constitué sur le fonctionnaire et qu’il n’avait pas tenu compte des actions passées du fonctionnaire et de la direction ou de leurs rapports antérieurs avant de décider, avec BM, de remettre une réprimande écrite au fonctionnaire pour le comportement qu’il avait eu, en janvier, lors de la réunion sur le processus d’O&A.

61 Durant le contre-interrogatoire sur la réponse de M. Leigh au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs, le 13 juillet 2007 (pièce 9), on a demandé à M. Leigh d’expliquer ce que voulaient dire les mots « refus de coopérer et manque de respect » dans la phrase où il dit ceci : [traduction] « Vous avez reçu une sanction disciplinaire, plus précisément une réprimande écrite, pour avoir envoyé un courriel à votre gestionnaire qui, à ses yeux, dénotait un manque de coopération et de respect. » M. Leigh a déclaré qu’il croyait que le fonctionnaire « refus[ait] de coopérer » de nombreuses manières : par son attitude envers BM, par son refus de fournir à BM des exemples acceptables aux fins du processus d’O&A; et par son comportement et son attitude durant les réunions avec BM. Il a déclaré qu’il s’était basé uniquement sur l’incident décrit par BM dans les pièces 10 et 11 pour conclure que le fonctionnaire avait refusé de coopérer lors de la réunion du 1er mars 2007 avec BM. 

62 M. Leigh a également répondu qu’il croyait que le fonctionnaire ne prenait pas le processus d’O&A au sérieux et qu’il refusait de coopérer avec son gestionnaire pour mener à bien ce processus. Il a attiré l’attention sur le refus du fonctionnaire de fournir des exemples et sur le ton irrespectueux qu’il avait employé dans ses communications avec BM.

63 En contre-interrogatoire, on a demandé à M. Leigh s’il croyait que la phrase contenue dans le courriel de BM au fonctionnaire, le 5 janvier 2007 à 13 h 18 (ce courriel fait partie de la pièce 6), qui est libellée comme suit : [traduction] « Peut-être que le mois prochain, lorsque je demanderai à chacun de me soumettre la liste de ses réalisations en vue du processus d’évaluation du rendement de cette année, vous arriverez à vous rappeler d’au moins un point que vous avez amélioré depuis vos dernières évaluations » était irrespectueuse ou inappropriée de la part d’un superviseur. M. Leigh a répondu qu’il ne trouvait pas que cette phrase était inappropriée.

64 Dans le guide d’observation et d’attestation du gestionnaire (pièce 16), il est écrit que : [traduction] « [l]e gestionnaire observe le travail des employés pendant au moins six mois et relève des exemples de comportement ayant un lien avec la compétence ». En réponse à une question visant à savoir quels renseignements BM avait recueillis sur les compétences du fonctionnaire et s’il avait d’autres exemples que ceux que le fonctionnaire lui avait fournis, M. Leigh a déclaré qu’il ne savait pas si BM avait recueilli d’autres exemples que ceux que le fonctionnaire lui avait fournis.

65 En contre-interrogatoire, M. Leigh a déclaré qu’il ne savait pas si BM avait consacré du temps au processus d’O&A entre avril 2006 (date de la dernière évaluation du rendement au dossier du fonctionnaire au moment de la lettre disciplinaire) et mars 2007.

66 En contre-interrogatoire, M. Leigh a indiqué qu’il savait que le fonctionnaire s’était excusé auprès de BM pour son comportement. Cependant, comme BM l’indiquait dans sa réponse au premier palier de la procédure de règlement des griefs (pièce 1), s’il prenait acte de ces excuses, il estimait tout de même que le fonctionnaire ne comprenait pas ce qu’on attendait de lui en matière de comportement, d’où son refus d’annuler la suspension d’un jour. 

67 Durant son témoignage, le fonctionnaire a soutenu que le différend à propos du processus d’O&A et la réprimande écrite devaient être situés dans le contexte de ses cinq dernières évaluations annuelles du rendement. Il a déclaré qu’il se classait parmi les trois pour cent des chefs d’équipe qui avaient le plus faible rendement au Bureau des services fiscaux et qu’il y avait 140 chefs d’équipe en tout. 

68 Le fonctionnaire a déclaré qu’il avait déposé plus d’une cinquantaine de griefs contre l’employeur, que les griefs avaient tous été rejetés et qu’il n’avait jamais reçu une seule réponse favorable.

69 Il a déclaré que les griefs lui tenaient lieu d’aide­-mémoire pour se rappeler les événements et que, à part déposer des griefs concernant les mesures disciplinaires qui lui sont imposées, il ne disposait d’aucun moyen pour contester les décisions de l’employeur, puisqu’il faut l’appui de l’agent négociateur pour contester toute action qui n’est pas une mesure disciplinaire. Le fonctionnaire a déclaré qu’il croyait que l’arbitrage était un bon moyen de faire examiner les actions de la direction, mais qu’il n’irait jamais à l’encontre du Code pour parvenir à ses fins. Il a dit qu’il était tout simplement exaspéré par les actions de BM et par la campagne de harcèlement que la direction menait contre lui.

70 Le fonctionnaire a produit des éléments de preuve pour prouver qu’il avait pris d’autres mesures, le 1er mars 2007, en plus de celles mises en preuve par l’employeur. Il s’agit d’un grief, déposé le 1er mars 2007 (pièce 18), qui dit ceci :

[Traduction]

Je me suis présenté au bureau de [BM], le 1er mars 2007, pour savoir s’il avait l’information qu’il était censé me remettre au début de la semaine précédente. Il s’agissait d’un ajout à mon dossier d’observation et d’attestation et d’autres documents contenus dans mon dossier personnel. Il m’avait dit, plus tôt, que chaque dossier contenait de nouveaux renseignements. Quand je lui ai demandé de me remettre les documents que contenait le dossier d’observation et d’attestation, il m’a répondu qu’il n’y en avait pas. J’ai tenté calmement de lui faire voir que sa position avait un lien avec la lettre disciplinaire que j’avais déjà reçue. Il s’est mis à crier que c’était de l’insubordination et que j’allais recevoir une sanction disciplinaire. Il m’a demandé de quitter son bureau, ce que j’ai fait. Je considère cela comme une continuation du harcèlement auquel [BM] se livre à mon endroit.                  

71 Le fonctionnaire a également mis en preuve un grief (pièce 19) daté du 12 janvier 2007 à propos d’une réunion qu’il avait eue avec BM ce jour-là pour discuter de ses problèmes de rendement. (C’est le comportement du fonctionnaire durant la réunion du 12 janvier 2007 qui lui a valu la réprimande écrite.) Dans ce grief, le fonctionnaire allègue que BM prétend qu’il ne veut pas coopérer, mais le fonctionnaire déclare qu’il estime que les actions de BM sont discriminatoires et que cela constitue de l’abus de pouvoir et, donc, du harcèlement.

72 Le fonctionnaire a produit en preuve une copie d’un grief daté du 15 août 2006 (pièce 20) à propos d’une réunion avec BM et Pat Huston, le 20 juillet 2006, durant laquelle BM avait prétendu que le fonctionnaire n’atteignait pas les objectifs de rendement au chapitre du professionnalisme et de la coopération. Le fonctionnaire alléguait, dans son grief, que les actions de BM constituaient une menace de sanction disciplinaire et que c’était un autre moyen que BM avait trouvé pour le harceler. Le fonctionnaire a également mis en preuve un courriel de BM daté du 1er août 2006, avec copie à Pat Huston, à propos de la réunion du 20 juillet 2006. Le courriel (qui fait partie de la pièce 20) dit notamment ceci :

[Traduction]

J’ai eu une réunion avec vous le 20 juillet 2006. Pat Huston (RH et relations de travail) était également présente. Cette réunion avait pour but de vous expliquer à quel point je suis insatisfait de votre comportement général eu égard aux valeurs essentielles de l’organisation.
Je vous ai rappelé la fois, en avril, où je vous avais dit que j’avais l’impression que vous refusiez de coopérer, après vous avoir demandé de me fournir des détails précis sur votre rendement. Je vous avais expliqué, à ce moment-là, que je trouvais inacceptable d’être inondé d’une centaine de courriels de votre part en réponse à ma demande. Vous avez rétorqué que c’était mon travail, et non le vôtre, d’ouvrir tous ces courriels. J’ai considéré cela comme un refus de coopérer.

Lors d’une réunion ultérieure pour examiner le « texte provisoire » de votre évaluation du rendement, vous avez déclaré à voix haute, pendant que nous discutions d’un point particulier : [traduction] « Quelles foutaises ». J’ai considéré cela comme un manque de respect et de professionnalisme. J’ai été obligé de vous demander de surveiller votre langage. Un autre incident est survenu pendant que nous discutions de votre évaluation du rendement « définitive ». Au lieu de concentrer votre attention sur les résultats, vous avez commencé à dire que le directeur était une « menteur » et que l’ensemble de la direction était « mal intentionnée » et « incompétente ». Vous avez également déclaré que vous n’aviez pas l’intention de devenir un « lèche-botte » comme vos collègues. J’ai considéré cela comme un manque de professionnalisme et de respect et un refus de coopérer.

Pour finir quand je vous ai avisé, le 19 juillet 2006, que je voulais vous rencontrer et que vous pouviez vous faire accompagner par votre représentant syndical, vous avez d’abord dit que c’était correct. Or, quelques minutes plus tard, vous avez fait irruption dans mon bureau et vous avez déclaré à voix haute, à deux reprises, que c’était des « conneries » ou que [traduction] « [Vous] en a[viez] assez de ces “conneries” ». J’ai considéré cela comme un manque de professionnalisme et de respect et un refus de coopérer.

[…]

(Nota : Il n’y a pas d’interligne entre le premier et le deuxième paragraphe dans le document original.)

73 Le fonctionnaire a déclaré que, contrairement à ce qui est écrit dans le courriel de BM reproduit ci-dessus, il n’avait jamais lancé de jurons, même s’il avait utilisé des mots comme « foutaises » et « conneries ». Il a admis en contre-interrogatoire qu’il défendait toujours [traduction] « [s]es opinions avec passion » et parfois bruyamment, mais qu’il n’aurait jamais utilisé des mots comme « lèche-botte ».

74 Le fonctionnaire a également mis en preuve une copie d’un grief daté du 4 mai 2006 (pièce 21) contestant l’évaluation de rendement provisoire qu’il avait reçue de BM pour la période se terminant le 31 mars 2006. Le grief est libellé en partie comme suit :

[Traduction]

L’évaluation du rendement provisoire pour la période se terminant le 31 mars 2006 contient la phrase suivante : [traduction] « De plus, il utilise parfois des termes irrespectueux pour désigner d’autres personnes ». Quand je lui ai demandé ce que cela voulait dire, [BM] a répondu que j’écrivais dans mes griefs que diverses personnes agissaient de « mauvaise foi ». J’ai demandé à [BM] et au directeur adjoint, M. Rick Leigh, si cette position était un moyen de m’intimider et de me pénaliser pour avoir déposé des griefs. [BM] estimait que ces mots dénotaient un manque de respect, mais il a supprimé la phrase de mon évaluation du rendement sur les conseils des Relations de travail. Il y a simplement substitué un commentaire négatif à propos de ma coopération. C’est évident que le but visé était d’inscrire un point négatif dans mon évaluation du rendement pour ne pas que je sois admissible à un congé de rendement.

[…]

75 Le fonctionnaire a produit en preuve des copies d’un échange de courriels avec Dave Mapplebeck, son gestionnaire avant BM, le 18 novembre 2002 (pièce 22), à propos de commentaires que M. Mapplebeck avait formulés dans une pièce jointe sur les objectifs de rendement et qui soulevaient des questions sous les trois rubriques suivantes : formule des questions et des réserves en respectant la « filière hiérarchique », coopère et entretient des relations respectueuses avec les collègues et les superviseurs et appuie les décisions de la direction. La pièce jointe contenait également les réponses que le fonctionnaire avait fournies à M. Mapplebeck.

76 Le fonctionnaire souhaitait avoir l’autorisation de produire des objectifs de rendement, des évaluations du rendement et des griefs de congé antérieurs à avril 2006, en particulier ses évaluations du rendement pour les années 2002 et 2004. Je lui ai demandé de m’expliquer en quoi des documents antérieurs de plus d’un an aux événements ayant donné lieu aux présents griefs présentaient de l’intérêt pour trancher la présente cause, mais il a été incapable de me donner une réponse, si ce n’est que ces documents situaient le contexte des mesures disciplinaires en montrant que la direction le harcelait et agissait de manière irrespectueuse envers lui depuis des années. J’ai noté que je n’étais pas saisie de griefs de rendement dans ce cas-ci, mais que j’étais bien consciente que le fonctionnaire n’avait pas la possibilité de contre-interroger BM, en raison de son décès prématuré. Je lui ai expressément demandé s’il pouvait établir un lien entre les évaluations du rendement de 2002 et de 2004 et les concepts ou définitions de professionnalisme, de coopération ou d’irrespect qu’utilisait BM et qui sont en litige dans ce cas-ci, mais il a répondu qu’il était incapable de faire ce lien. J’ai alors statué sur la portée de la preuve. J’ai décidé que les évaluations du rendement et le plan de travail antérieurs à avril 2006 ne présentaient aucun intérêt dans ce cas-ci et qu’ils étaient donc irrecevables.

77 Le fonctionnaire a déclaré que BM ne s’était jamais entretenu avec lui de ses compétences. Il lui avait simplement remis un modèle en lui demandant de fournir des exemples. Le fonctionnaire a déclaré que le processus d’O&A venait juste d’être mis en œuvre, en janvier 2007, et qu’il n’y avait aucun moyen de fournir des exemples pour étayer les compétences exigées.

78 En contre-interrogatoire, le fonctionnaire a déclaré qu’il n’avait pas reçu de prime au rendement pour les cinq dernières années et qu’il croyait qu’il était le seul chef d’équipe dans cette situation-là. Il a indiqué que son agent négociateur lui avait déjà accordé son aide pour renvoyer à l’arbitrage un grief à propos d’un congé de rendement, mais qu’il refusait maintenant de lui fournir une représentation pour contester ses évaluations du rendement. Il ne lui reste plus que les griefs disciplinaires pour contester ses évaluations du rendement, vu qu’il n’est pas nécessaire d’avoir l’appui de l’agent négociateur pour déposer ce type de griefs. Le fonctionnaire a déclaré qu’il était contrarié et exaspéré d’être harcelé et traité de manière injuste et irrespectueuse par la direction.

79 En contre-interrogatoire, on a demandé au fonctionnaire si c’était possible que la cinquantaine de griefs qu’il dit avoir déposés et qui ont tous été rejetés aient tous été sans fondement. Le fonctionnaire a répondu que [traduction] « […] c’[était] possible, mais peu probable ».  

V. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

80 L’employeur défend la position que les mesures disciplinaires imposées au fonctionnaire étaient justifiées. Le fonctionnaire a enfreint les règles de conduite et l’employeur a appliqué la politique de l’ARC sur les mesures disciplinaires progressives.

81 L’avocat de l’employeur a fait valoir que les courriels et les notes de BM à propos de l’incident du 1er mars 2007 et des événements survenus par la suite sont recevables en preuve aux termes de l’exception à l’exclusion du ouï-dire, qui permet d’admettre, dans certains cas, des documents rédigés par des personnes décédées.

82 Au soutien de son argumentation, l’employeur m’a renvoyé aux décisions suivantes : Conley v. Conley et al., [1968] 2 O.R. 677 (C.A Ont.), et A.U.P.E. v. Caritas Health Group, 2006 ABQB 550.

83 L’avocat de l’employeur a noté que BM avait rédigé ses courriels le jour même où les événements sont survenus et que M. Leigh en a confirmé le contenu. M. Leigh, qui était le supérieur immédiat de BM, a déclaré que BM lui avait communiqué la même information lors de leurs réunions en janvier et en mars 2007. De plus, l’avocat de l’employeur a affirmé que, dans son témoignage, le fonctionnaire n’a pas contesté la description des faits contenue dans les courriels de BM et qu’aucun élément de preuve produit par le fonctionnaire n’a contredit ces faits.

84 L’avocat de l’employeur a noté que le témoignage du fonctionnaire a confirmé que les frictions qui existent depuis des années entre le fonctionnaire et ses gestionnaires ont un lien avec le rendement du fonctionnaire. Si le conflit entre le fonctionnaire et BM à propos du processus d’O&A, qui est à l’origine des mesures disciplinaires en litige, est une question distincte, il n’en reste pas moins que les évaluations du rendement et les processus d’O&A ont suscité des situations similaires où le gestionnaire du fonctionnaire a été obligé de lui expliquer comment il devait se comporter au travail. Le fonctionnaire a toujours réagi de façon négative à ce genre de rétroaction, comme en témoigne le courriel daté du 5 janvier 2007 du fonctionnaire à BM, à la pièce 6. Tous les chefs d’équipe avaient été priés de fournir des exemples aux fins du processus d’O&A, mais le fonctionnaire a essentiellement répondu qu’il ne le ferait pas, d’une manière inappropriée et irrespectueuse. Le fonctionnaire estimait que c’était la responsabilité de son gestionnaire de fournir les exemples ou que son gestionnaire était incompétent, ce qui le justifiait de répondre à sa demande de cette manière.

85 Le fonctionnaire a reçu une réprimande écrite pour un incident survenu le 12 janvier (pièce 7). Le fonctionnaire n’a pas apprécié de recevoir cette réprimande et il est allé le faire savoir à son gestionnaire. Les détails de cette rencontre sont exposés dans le courriel du 1er mars 2007 (pièce 10) de BM. La description des événements contenue dans le courriel a été confirmée par le témoin de l’employeur, M. Leigh, qui était le gestionnaire de BM à ce moment-là. Le fonctionnaire n’a pas contesté cette description dans son témoignage. Au lieu de se montrer contrit et de fournir les exemples demandés, le fonctionnaire a insisté, d’une voix accusatrice, pour que BM lui impose une mesure disciplinaire parce qu’il voulait raconter à un arbitre de grief à quel point la direction le traitait de manière injuste. BM avait été très surpris de la réaction du fonctionnaire.

86 L’avocat de l’employeur a soutenu que, contrairement à ce que dit le fonctionnaire, si l’employeur avait [traduction] « voulu avoir sa peau », il lui aurait imposé une mesure disciplinaire après la réunion du 18 janvier 2007 avec BM. Or, ce n’est qu’après la seconde visite du fonctionnaire au bureau de BM, le 1er mars 2007, que l’employeur a décidé de sévir contre lui. Le fonctionnaire ne comprend pas que c’est inapproprié de la part d’un employé de faire irruption dans le bureau de son gestionnaire pour exiger de se faire imposer une sanction disciplinaire et que cela dénote également un manque de professionnalisme.

87 Dans ses notes pour mémoire du 1er mars 2007 (pièce 10), BM indique que le fonctionnaire l’a accusé ne pas avoir recueilli d’exemples aux fins du processus d’O&A, ce qui concorde avec la preuve du fonctionnaire. BM note qu’il a consulté le service des ressources humaines, qu’il a dit au fonctionnaire qu’il y avait une procédure à suivre pour renvoyer un grief à l’arbitrage et qu’il avait demandé au fonctionnaire de quitter son bureau. Le fonctionnaire a réfléchi à cette réunion et préparé un grief (pièce 18) le jour même. Sa version des faits, dans la pièce 18, s’accorde avec celle de l’employeur.

88 Le contenu de la lettre disciplinaire (pièce 12) concorde avec les événements survenus le 1er mars 2007. Il y est question d’une réunion, le 1er mars 2007; le fonctionnaire a expliqué son comportement ce jour-là par le fait qu’il était exaspéré. La lettre disciplinaire indique que BM savait que le fonctionnaire avait déjà reçu une sanction disciplinaire pour un comportement similaire, et la preuve produite à l’audience a révélé que la réprimande écrite avait été contestée et confirmée.

89 L’avocat de l’employeur a soumis que l’employeur a appliqué correctement la politique de l’ARC sur les mesures disciplinaires progressives. Il a renvoyé au témoignage de M. Leigh et au tableau des mesures progressives produit en preuve, qui indique expressément qu’après une réprimande écrite, une suspension d’un jour était manifestement justifiée. L’avocat a ajouté que la suspension d’un jour était non seulement justifiée, au regard de l’éventail des mesures disciplinaires possibles, mais que c’était également la plus courte suspension qui pouvait être imposée selon la politique. L’objectif de l’employeur était de corriger le comportement du fonctionnaire, or cet objectif n’aurait pas été atteint si on avait décidé de remettre une deuxième réprimande écrite.

90 L’avocat de l’employeur a soutenu également que le fonctionnaire semblait contester uniquement la mesure disciplinaire qui lui a été imposée et non pas la sévérité de cette mesure.

91 L’avocat de l’employeur a avancé que le fonctionnaire n’a pas produit de preuve au soutien de ses griefs. Il a affirmé que le fonctionnaire n’a pas mis sa version des faits en preuve. Le fonctionnaire a décrit ses griefs sur la formule prévue à cette fin et soumis des copies de griefs antérieurs, mais il n’a produit aucune preuve pour les étayer; tout ce que cela prouve, c’est que le fonctionnaire a déposé des griefs.

92 L’avocat de l’employeur a affirmé que le fonctionnaire n’a pas contesté la version des faits de l’employeur et que sa preuve, plus particulièrement les pièces 10 et 11, ne contredit pas la version des faits de l’employeur. Bien qu’il ait produit en preuve le grief à propos de la réunion du 1er mars 2007 avec BM (pièce 18), le fonctionnaire n’a pas démontré que son compte rendu des événements était exact et que celui de l’employeur était erroné (pièces 10 et 11). Dans son interrogatoire principal, le fonctionnaire est resté muet sur les pièces 10 et 11.

93 L’avocat de l’employeur a observé que le fonctionnaire a simplement produit la pièce 19 en preuve, sans indiquer si certains aspects de cette preuve lui paraissaient inexacts ou erronés. Le fait qu’il ait déposé un grief prouve simplement qu’il a déposé un grief. Le fonctionnaire n’a pas produit de preuve à l’audience pour établir sa version des faits.

94 Quant à la pièce 20, mise en preuve par le fonctionnaire, qui décrit les problèmes qu’il avait avec son agent négociateur, l’avocat de l’employeur a soutenu qu’il n’en connaissait pas l’existence avant la tenue de l’audience et que son contenu nuit plutôt au cas du fonctionnaire.

95 La pièce 20 contient un courriel daté du 1er août 2006 de BM au fonctionnaire avec copie à Pat Huston. Le fonctionnaire n’a pas contesté le contenu de cette pièce dans son interrogatoire principal; il a en fait confirmé que l’échange décrit par BM avait eu lieu. Il a seulement contesté deux mots contenus dans le courriel (« conneries » et « foutaises »), ce qui nous autorise certainement à penser qu’il ne trouve rien à redire à propos du reste du courriel. Le fonctionnaire a misé sur la pièce 20 pour montrer à quel point il a été traité de manière injuste; or cette preuve établit de manière irréfutable que le fonctionnaire a tenu des propos inconvenants à son gestionnaire et qu’il a agi de manière inappropriée et irrespectueuse. BM a fait référence à la Charte des gestionnaires et a indiqué que le fonctionnaire a agi de manière inappropriée et qu’il s’expose à une sanction disciplinaire s’il continue d’agir de cette manière; BM a offert également au fonctionnaire de l’aider. La pièce 20 établit que la direction essayait de trouver un terrain d’entente avec le fonctionnaire. Si la direction avait voulu l’« assommer », comme le prétend le fonctionnaire, elle lui aurait imposé une mesure disciplinaire pour ce comportement. La plupart des employés qui reçoivent une lettre disciplinaire de leur employeur sont contrariées et affolées et entreprennent derechef de modifier leur comportement, mais pas le fonctionnaire. Il a tout simplement considéré cette mesure comme une preuve supplémentaire que la direction le traitait de manière injuste.

96 L’avocat de l’employeur a soutenu que la pièce 21 du fonctionnaire (un grief déposé le 4 mai 2006 pour contester l’évaluation provisoire du rendement du fonctionnaire pour la période se terminant le 31 mars 2006 et alléguant que BM et M. Leigh agissaient de mauvaise foi) présente peu d’intérêt pour trancher les griefs dont je suis saisie. L’avocat de l’employeur a avancé également l’argument que le fonctionnaire n’a pas indiqué si les allégations contenues dans cette pièce étaient exactes. Par conséquent, la pièce 21 prouve seulement que le fonctionnaire a déposé un grief; elle ne prouve pas les allégations du fonctionnaire quant aux raisons invoquées par l’employeur pour justifier la mesure disciplinaire. Le fonctionnaire n’a pas donné sa version des faits sur ces points, ce qui porte un coup fatal à son cas.

97 Le fonctionnaire a déclaré qu’il avait déposé une cinquantaine de griefs depuis 2002 et qu’ils avaient tous été rejetés. Il utilise cet argument pour prouver que la direction et l’agent négociateur l’ont traité de manière injuste une cinquantaine de fois et non pour prouver qu’il a agi de manière inappropriée une cinquantaine de fois. Il considère les sanctions disciplinaires (la réprimande écrite et la suspension d’un jour) comme du harcèlement ou la continuation des actions inappropriées de la direction et non comme la preuve de son incapacité à travailler avec trois gestionnaires différents durant les sept dernières années.

98 L’avocat de l’employeur a avancé que je dois concentrer mon attention sur les griefs dont je suis saisie et qui portent sur les rapports exigés du fonctionnaire aux fins du processus d’O&A. BM a demandé au fonctionnaire de lui fournir des exemples pour attester ses compétences, or, cette demande, à laquelle le fonctionnaire aurait pu répondre en quelques heures, est devenue matière à conflit avec la direction; l’attention était concentrée non plus sur les compétences du fonctionnaire, mais sur les actions inappropriées ou injustes de la direction. Le fonctionnaire se sent harcelé par la direction. En réaction à cela, il a rédigé quelques courriels irrespectueux et fait irruption dans le bureau de son gestionnaire pour lui dire qu’il voulait se rendre à l’arbitrage.

99 L’avocat de l’employeur a soutenu que même si on tient pour avérée l’allégation du fonctionnaire selon laquelle la direction était incompétente et prenait toutes sortes de moyens pour le harceler, cela est sans intérêt pour trancher l’affaire dont je suis saisie. Le différend porte sur le comportement du fonctionnaire le 1er mars 2007, quand il est entré dans le bureau de son gestionnaire et lui a demandé, d’une voix accusatrice, de lui imposer une mesure disciplinaire afin qu’il puisse se rendre à l’arbitrage, ce qui lui a valu une sanction disciplinaire. Même si le gestionnaire était incompétent, comme le soutient le fonctionnaire, ou qu’il avait la responsabilité d’observer et d’attester les compétences du fonctionnaire et qu’il a failli à la tâche, comme le fonctionnaire le prétend également, cela ne l’autorisait pas à agir comme il l’a fait, le 1er mars 2007, surtout après avoir reçu une réprimande écrite pour un comportement inapproprié similaire et avoir été prévenu par la direction de ne plus agir de cette manière.

100 Quant à la sévérité de la mesure disciplinaire imposée, l’avocat de l’employeur a soumis que le fonctionnaire ne semble pas contester le fait qu’on lui a imposé une suspension d’un jour. Le fonctionnaire a contesté exclusivement le fait qu’une mesure disciplinaire lui a été imposée.

101 En tenant pour avéré l’argument de l’employeur selon lequel le fonctionnaire a commis un écart de conduite qui justifiait une mesure disciplinaire, l’employeur insiste sur la pertinence d’imposer une suspension d’un jour, vu que le fonctionnaire avait déjà reçu une réprimande écrite et que la politique de l’ARC sur les mesures disciplinaires progressives prévoyait une réprimande écrite ou une suspension de 1 ou 2 jours, de 3 à 5 jours ou de 6 à 10 jours dans ces cas-là. L’avocat de l’employeur a indiqué qu’une deuxième réprimande écrite n’aurait pas été suffisante pour atteindre l’objectif visé par l’employeur et que la suspension la plus courte prévue par la politique est d’un jour.

B.  Pour le fonctionnaire

102 Même si le but du droit de présenter une preuve est d’établir les faits et que cette étape est généralement suivie de la présentation des arguments, le fonctionnaire a fait valoir ses arguments en partie durant son témoignage et en partie après la production de la preuve.

103 Le fonctionnaire insiste sur le fait que les griefs qu’il a déposés et mis en preuve à l’audience (pièces 18 à 21) constituent à la fois ses notes et son témoignage. Il a dit que ces pièces justificatives décrivent avec exactitude les événements qui sont survenus lors des incidents en question et que sa version des faits demeure inchangée aujourd’hui. Il a soutenu que ces griefs devraient peser aussi lourd dans la balance que les notes pour mémoire de BM, puisqu’elles ont été préparées avec diligence. Elles constituent les notes pour mémoire du fonctionnaire, même si elles revêtent un caractère plus officiel que celles de BM.

104 Le fonctionnaire a affirmé que le différend avec BM à propos du processus d’O&A s’inscrit dans le contexte du rendement du fonctionnaire au fil des années. Il a soutenu que le différend à propos du document relatif au processus d’O&A doit être examiné dans le contexte des problèmes systémiques de l’ARC pour assurer les services à la clientèle, l’une des compétences exigées, et que ces problèmes systémiques sont la responsabilité de M. Leigh et des cadres de direction. 

105 Le fonctionnaire a soutenu que les documents qu’il a produits en preuve (pièces 18 à 21) présentent de l’intérêt pour trancher les griefs dont je suis saisie parce que la présente affaire porte essentiellement sur le fait qu’on cherchait à « s’en prendre à lui » en l’accusant de manquer de professionnalisme et de ne pas coopérer.

106 Le fonctionnaire a indiqué que son objectif, en mettant en preuve la pièce 18, était de présenter sa version de l’incident survenu le 1er mars 2007 et de soulever des doutes sur l’objectivité de la direction. Il dit que lorsqu’il a demandé à voir son dossier de rendement, BM [traduction] « s’est hérissé » parce qu’il n’avait pas fait son travail aux fins du processus d’O&A.

107 Le fonctionnaire a soutenu que son objectif, en produisant la pièce 21 (le grief du 4 mai 2006), était de montrer que BM cherchait des raisons pour lui imposer une mesure disciplinaire et qu’il se trouve donc à porter « une attention particulière à tout » ce que le fonctionnaire faisait.

108 Le fonctionnaire a affirmé que, si l’employeur voulait régler ce problème, il, « c’est-à-dire ses gestionnaires », n’avait qu’à le diriger et à lui fournir de la rétroaction sur son rendement.

109 Le fonctionnaire a soumis que son rendement des cinq dernières années a été coté insatisfaisant ou à peine satisfaisant. Il dit qu’il s’efforce de devenir un meilleur chef d’équipe et qu’il ne comprend pas pourquoi BM n’essayait pas de l’aider à devenir un meilleur superviseur.

110 Le fonctionnaire a indiqué que l’objectif qu’il visait, en envoyant la centaine de courriels à son gestionnaire, était de recevoir de la rétroaction sur ses compétences comme superviseur. Il a dit que tous les courriels portaient sur ses rapports avec les gestionnaires, qu’aucun des éléments de preuve ne portait sur sa capacité à diriger son équipe et que ses gestionnaires continuent de ne faire aucun cas des réalisations qu’il décrit dans ses nombreux griefs. Il a soutenu qu’aucune des observations contenues dans la centaine de courriels qu’il a envoyés à BM n’a été intégrée dans ses évaluations du rendement.

111 Le fonctionnaire a affirmé qu’il continue [traduction] « […] de manifester sa présence », que ses gestionnaires ne s’intéressent pas à ses réalisations et qu’en réaction à cela, il s’efforce de dresser la liste de ses réalisations et présente des griefs. Puisque la loi lui accorde le droit de déposer des griefs, il se demande comment la direction peut dire qu’il agit de manière irrespectueuse et qu’il refuse de coopérer. Il s’est demandé si la direction n’essaie pas plutôt de le punir parce qu’il exerce un droit qui lui est reconnu par la loi, c’est-à-dire le droit de déposer des griefs quand les pratiques de la direction lui semblent douteuses. 

112 Le fonctionnaire a indiqué qu’il a envoyé plus d’une centaine de courriels à son gestionnaire à propos de son rendement [il en est question dans son courriel du 5 janvier 2007 à BM (ce courriel fait partie de la pièce 6)] et qu’ils étaient importants à ses yeux, mais rien de ce qu’il décrit dans ces courriels n’a été incorporé à son évaluation du rendement; cela étant, pourquoi aurait-il dû soumettre d’autres exemples aux fins du processus d’O&A? BM n’a jamais ouvert aucun des cent courriels qu’il lui a envoyés. Il a dit que BM parle de son manque de professionnalisme et de coopération et de son comportement irrespectueux, mais que la mesure disciplinaire qui lui a été imposée était une façon de s’en prendre à lui et de le harceler.

113 Le fonctionnaire a indiqué que le document sur le processus d’O&A indique que les gestionnaires ont la responsabilité d’observer les employés, mais que BM n’a pas « observé ni attesté » ses compétences. Dans le courriel qu’il s’est adressé à lui-même, le 1er mars 2007 (pièce 10), BM confirme qu’il a dit au fonctionnaire qu’il n’avait rien mis sur papier. Le fonctionnaire avance que BM n’a pas fait son travail comme gestionnaire en ce qui concerne le processus d’O&A.

114 Le fonctionnaire a soutenu qu’il a fourni des exemples, mais que BM a été offensé par le contenu de son courriel du 5 janvier 2007. Le fonctionnaire a noté qu’il n’y a pas eu d’autre incident et qu’il a présenté ses excuses à BM non pas à propos du contenu du courriel, qui, selon lui, [traduction] « […] était tout à fait exact et véridique », mais à propos du ton qu’il avait employé.

115 Le fonctionnaire a soutenu que BM n’a jamais ouvert les cent courriels qu’il lui a envoyés et que, après 20 années de travail dans la fonction publique, il méritait de recevoir autant de reconnaissance que ses collègues.

116 Le fonctionnaire a soutenu que la phrase clé dans la pièce 6 est celle où il parle du sentiment d’exaspération qui s’est emparé de lui parce qu’il a envoyé plus d’une centaine de courriels (qui contenaient, prétend-il, des exemples concrets de ses réalisations) et que BM n’a même pas daigné les ouvrir. Le fonctionnaire a affirmé également que BM refusait « de le diriger » parce qu’il ne lui donnait pas de rétroaction et ne lui faisait pas d’éloges. Le fonctionnaire a soutenu que c’est la conception que BM avait du manque de respect qui faisait problème, conception qui semblait englober des activités « légales et logiques » telles que déposer des griefs pour contester les actions de la direction.

117 Le fonctionnaire a demandé comment le fait de demander calmement à voir un dossier de rendement — dossier dont il avait besoin pour déposer un grief (pièce 18) —, le 1er mars 2007, peut être considéré comme un comportement irrespectueux et un manque de coopération. Il a soutenu que la suspension lui a été imposée parce qu’il avait demandé à voir le dossier de rendement et que BM y avait versé très peu de documents et refusait de le lui remettre au moment où il en avait besoin. Le fonctionnaire est d’avis que BM cherchait une raison de sévir contre lui; c’est pourquoi [traduction] « […] il portait une attention particulière à tout ce que faisait le fonctionnaire ».

118 Le fonctionnaire a affirmé qu’il a toujours accepté que la direction avait le droit d’exercer ses pouvoirs de gestion, mais il estime que la direction a aussi l’obligation et la responsabilité d’exercer ces pouvoirs et qu’il s’agit ici de déterminer si BM s’est acquitté de ses responsabilités en la matière.

119 Le fonctionnaire a soutenu que BM s’est emporté contre lui et lui a manqué de respect quand il lui a crié de sortir de son bureau, le 1er mars 2007, alors que BM avait seulement demandé à voir un dossier de rendement.

120 Le fonctionnaire a affirmé également que la preuve de M. Leigh constitue du ouï-dire et qu’une partie de cette preuve — il ne dit pas laquelle — n’est « pas crédible ».

C. Réplique de l’employeur

121 En réfutation, l’avocat de l’employeur a indiqué que le fonctionnaire n’a pas contesté la preuve de M. Leigh durant son interrogatoire et son contre-interrogatoire et que cette preuve est recevable aux termes de l’exception à l’exclusion du ouï-dire.

122 L’avocat de l’employeur a attiré également l’attention sur la mesure corrective demandée par le fonctionnaire, soit que la lettre disciplinaire soit détruite, que la perte salariale d'un jour soit indemnisée avec intérêt, au taux de 7 %, et que l’intérêt soit calculé proportionnellement depuis la date de la mesure disciplinaire jusqu’à la date de l’indemnisation. L’avocat a noté que le taux d’intérêt de 7 % demandé par le fonctionnaire est irréaliste. Il a dit que si un montant d’intérêt doit être accordé, le calcul doit être basé sur le taux préférentiel qui était en vigueur durant la période en cause ou sur le montant de l’intérêt indiqué dans les lois de l’Alberta quant aux taux d’intérêt payable chaque année au titre de dommages-intérêts particuliers, taux qui se situe aux alentours de 3 %.

D. Observations complémentaires du fonctionnaire et de l’employeur

123 Le fonctionnaire a demandé le remboursement de ses frais et a noté que, même si l’employeur l’a rémunéré pendant toute la durée de l’audience parce que le lieu de l’audience était situé à trop grande distance de son lieu de travail, il avait aussi eu des frais de stationnement et de repas.

124 L’avocat de l’employeur a soutenu qu’il n’y a pas de raison de rembourser les frais du fonctionnaire, vu la nature de l’audience. Il a ajouté que les personnes qui se représentent elles-mêmes devant la Cour fédérale n’ont pas droit au remboursement de leurs frais.

125 Le fonctionnaire a soutenu que les frais sont remboursés en vertu d’autres lois, dont la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt.

VI. Motifs

126 Dans ses deux griefs, le fonctionnaire conteste la sévérité de la mesure disciplinaire imposée dans la lettre disciplinaire de l’ARC, en l’occurrence la suspension d’un jour.

127 Le fonctionnaire a renvoyé ses griefs à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi, qui est libellé comme suit :

209.(1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur

[…]

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

128 Il s’agit de déterminer si la mesure disciplinaire imposée au fonctionnaire était justifiée. L’employeur avait-il un motif valable de suspendre le fonctionnaire pendant une journée complète parce qu’il avait eu un comportement inadmissible durant la réunion du 1er mars 2007 avec BM?

129 Deux décisions indépendantes doivent être rendues. Je dois d’abord déterminer si le fonctionnaire a commis un écart de conduite au travail, le 1er mars 2007. Si la réponse est oui, je dois alors déterminer si l’écart de conduite justifiait la mesure disciplinaire qui a été imposée.

130 L’employeur a le fardeau de démontrer qu’il avait un motif valable d’imposer une mesure disciplinaire au fonctionnaire.

131 L’alinéa 226(1)d) de la Loi dit que l’arbitre de grief peut, pour instruire toute affaire dont il est saisi, « accepter des éléments de preuve, qu’ils soient admissibles ou non en justice ». Les parties doivent produire des éléments de preuve pour établir les faits en litige avant que l’arbitre de grief puisse rendre une décision basée sur les faits.

132 Le fonctionnaire n’a pas soumis d’observations sur la question de la recevabilité des notes pour mémoire de BM. Il n’a pas contesté la preuve par ouï-dire de M. Leigh, sauf durant l’argumentation finale; et il n’a pas non plus formulé d’observations sur la jurisprudence soumise par l’employeur à propos de l’exception à l’exclusion du ouï-dire.

A. Le fonctionnaire a-t-il commis un écart de conduite au travail, le 1er mars 2007, qui justifiait une mesure disciplinaire?       

133 La preuve des parties brosse le triste tableau d’une relation d’emploi difficile qui perdure depuis des années entre le fonctionnaire et la haute direction de l’ARC. Elle nous décrit l’exaspération qui s’empare chaque jour un peu plus des parties par manque de communication ou à cause de divergences de vues profondes à propos du rendement attendu du fonctionnaire et de la responsabilité de la direction de bien encadrer le fonctionnaire.

134 Cela dit, les griefs dont je suis saisie ne visent pas à déterminer si le rendement du fonctionnaire durant les dernières années a été évalué correctement ni si la rétroaction que le fonctionnaire a reçue sur son rendement au cours de ces années était suffisante ou non. Ils ne portent pas non plus sur la compétence générale de BM pour diriger le fonctionnaire ni sur le prétendu refus de l’agent négociateur de lui fournir une représentation pour contester directement ses évaluations du rendement, refus qui a contraint le fonctionnaire, à en croire celui-ci, à déposer de nombreux griefs disciplinaires pour contester les pratiques et les décisions de la direction qu’il juge discutables. J’ajouterai à cela qu’il ne s’agit pas non plus de griefs de harcèlement.

135 Le comportement du fonctionnaire, le 1er mars 2007, dans le bureau de BM, lui a valu une suspension d’un jour, laquelle est l’objet des présents griefs.

136 La lettre disciplinaire explique comment la direction en est arrivée à la conclusion que le fonctionnaire avait eu un comportement « inacceptable » durant la réunion du 1er mars 2007 et que ce comportement ne concordait pas avec les attentes envers un chef d’équipe et un employé de l’ARC. La lettre disciplinaire indique que le fonctionnaire a eu [traduction] « un comportement inacceptable » durant la réunion, qu’il [traduction] « a fait montre d’insubordination et d’irrespect » et qu’il a eu une « attitude insistante et peu coopérative ». La lettre dit aussi que le [traduction] « […] comportement [du fonctionnaire] est tout à fait contraire à ce qu’on attend d’un chef d’équipe et d’un employé de l’Agence du revenu du Canada » et que [traduction] « […] [c]e comportement dénote un manque de professionnalisme et un manque de respect envers la direction ».

137 Le fonctionnaire se demande en quoi demander calmement à son gestionnaire à voir un dossier peut être considéré comme un manque de professionnalisme ou un comportement inapproprié. Il allègue que l’employeur lui a imposé une mesure disciplinaire parce qu’il exerçait son droit légal de déposer des griefs pour contester les pratiques de la direction qu’il juge discutables.

138 Quelle preuve existe-t-il que le fonctionnaire a commis un écart de conduite au travail, le 1er mars 2007?

139 Les parties s’accordent généralement à dire que la preuve soumise pour établir les principaux faits de la réunion reflète la réalité. La preuve par ouï-dire que constituent les notes pour mémoire de BM, notamment les pièces 10 et 11, a été confirmée par le témoignage de M. Leigh, le gestionnaire de BM. Le fonctionnaire a formulé peu d’observations dans son témoignage, sur les faits allégués par l’employeur à propos des circonstances ayant donné lieu à la lettre disciplinaire, mais il a produit en preuve une copie du grief du 1er mars 2007 (pièce 18), lequel contenait, a-t-il dit, sa version des faits. Dans ce grief, le fonctionnaire prétend qu’il n’a jamais demandé à se faire imposer une mesure disciplinaire et que c’est BM qui, à la fin de la réunion, s’est mis à crier après lui.

140 Le témoignage du fonctionnaire ne remet pas en question la chronologie des événements rapportée dans les notes pour mémoire de BM, plus particulièrement les pièces 10 et 11. Le fonctionnaire a déclaré que BM avait la responsabilité et l’obligation [traduction] « de le diriger » et qu’il avait failli à la tâche ou, du moins, qu’il ne l’avait pas dirigé de façon compétente et que le fonctionnaire était exaspéré de ne pas recevoir de rétroaction sur son rendement depuis des années. Le fonctionnaire a déclaré que, en ce qui concerne le processus d’O&A et la réunion du 1er mars 2007, BM, en tant que gestionnaire du fonctionnaire, avait la responsabilité indéniable, aux termes du processus d’O&A, de formuler ses propres observations sur les compétences du fonctionnaire et qu’il avait failli à cette tâche.

141 J’ai examiné les réponses aux griefs rédigées par BM, M. Leigh, M. Reich et Mme Gauvin (pièces 1 à 4) et je n’y ai trouvé aucune indication que le fonctionnaire avait défendu la position qu’il n’avait pas agi, à la réunion, de la manière décrite dans les notes pour mémoire de BM (pièces 10 et 11), bien que M. Leigh écrive dans sa réponse au second palier (pièce 2) que le fonctionnaire a prétendu que BM avait agi de manière inappropriée durant la réunion. Je crois que cela fait référence au témoignage du fonctionnaire selon lequel BM se serait hérissé quand le fonctionnaire a demandé à recevoir de la rétroaction sur son rendement dans le cadre du processus d’O&A, rétroaction que, BM, à titre de gestionnaire du fonctionnaire, avait l’obligation, selon le fonctionnaire, de lui donner au moment opportun. Je crois aussi que cela fait référence au témoignage du fonctionnaire à propos du fait qu’il avait demandé calmement à prendre connaissance du dossier de rendement, mais que BM s’était emporté et lui avait manqué de respect quand il lui avait donné l’ordre de sortir de son bureau.

142 En me basant sur la preuve dont je dispose, j’estime que la chronologie des événements qui suit décrit assez bien ce qui s’est produit.

143 BM avait notamment comme responsabilité d’observer et d’attester les compétences de ses chefs d’équipe, dont celles du fonctionnaire.

144 Le fonctionnaire croyait fermement que c’était la responsabilité explicite de BM, aux termes du processus d’O&A, d’observer le rendement du fonctionnaire et de trouver des exemples de comportements pour attester les compétences du fonctionnaire.

145 BM considérait qu’il avait besoin de la collaboration des chefs d’équipe pour mener à bien le processus d’O&A. Il comptait sur les chefs d’équipe pour lui fournir des exemples de comportements qui, combinées à ses propres observations (pièce 6), lui permettraient d’attester qu’ils satisfaisaient aux exigences minimales requises.

146 Quelques mois auparavant, en janvier 2007, le fonctionnaire avait refusé de fournir à BM des exemples de comportements, suivant le modèle établi par le gestionnaire et dans le délai fixé. Le fonctionnaire a déclaré à l’audience qu’il était exaspéré. Il avait déjà envoyé plus d’une centaine de courriels à propos de son rendement, mais BM n’en avait pas tenu compte alors pourquoi il devait soumettre d’autres exemples de son rendement? Au lieu de répondre à la demande de BM, le fonctionnaire lui a envoyé plusieurs courriels inconvenants et irrespectueux pour lesquels il a reçu une réprimande écrite le 18 janvier 2009.

147 Le fonctionnaire a rencontré son gestionnaire le 18 janvier 2009 pour lui dire qu’il savait qu’après une réprimande écrite venait une suspension et qu’il était prêt à se faire imposer d’autres mesures disciplinaires afin de  raconter [traduction] « tout cela et tout ce qu’il avait vécu pendant des années plus tôt » à un arbitre de grief (pièce 8).

148 Le fonctionnaire a rencontré BM, le 1er mars 2007, et lui a demandé calmement (c’est ce que le fonctionnaire affirme) mais avec insistance (c’est ce que l’employeur affirme) de lui fournir soit des renseignements relativement aux processus d’O&A, soit un dossier de rendement qui, selon lui, aurait dû contenir les exemples écrits recueillis par BM. BM a informé le fonctionnaire qu’il n’avait rien sur papier.

149 Le fonctionnaire était contrarié et exaspéré. Il estimait que c’était la responsabilité expresse de BM de lui fournir, au moment opportun, des exemples de ses compétences. BM était sur la défensive. Une vive discussion s’est ensuivie au cours de laquelle le fonctionnaire a tenté de faire voir à BM que le fait qu’il n’avait pas recueilli d’exemples sur son rendement était lié au fait qu’il lui avait imposé une mesure disciplinaire en janvier 2007. Le fonctionnaire a accusé BM de ne pas s’acquitter de ses responsabilités comme gestionnaire aux fins du processus d’O&A.

150 Le fonctionnaire a informé BM qu’il voulait se rendre à l’arbitrage. BM l’a informé qu’il avait vérifié auprès du service des ressources humaines et qu’il y avait un processus à suivre pour tenter d’abord de résoudre le différend. Le fonctionnaire ne voyait pas l’intérêt de résoudre le différend avec BM. Il a dit à BM qu’il voulait se faire imposer une autre mesure disciplinaire afin de se rendre à l’arbitrage. BM a répondu qu’il faisait montre d’insubordination et d’irrespect, que son souhait allait être exaucé et qu’il allait lui imposer une autre mesure disciplinaire. BM a ensuite demandé ou intimé au fonctionnaire de sortir de son bureau et le fonctionnaire a obtempéré.

151 Dans son témoignage, le fonctionnaire n’a pas contesté ni remis en cause la preuve de l’employeur selon laquelle il avait dit à BM, le 1er mars 2007, qu’il voulait se faire imposer d’autres mesures disciplinaires afin de pouvoir renvoyer son cas à l’arbitrage. Le fonctionnaire a confirmé qu’il voulait « tout raconter » à un arbitre de grief, la manière injuste dont l’employeur le traitait et le harcèlement continuel auquel il se livrait à son endroit, harcèlement dont témoignaient, à son avis, les nombreux griefs qu’il avait déposés au cours des années. Le fonctionnaire était exaspéré de voir que ses efforts pour faire comprendre à la haute direction que la direction se conduisait de manière irrespectueuse envers lui ne donnaient aucun résultat. Il croyait qu’en racontant « toute son histoire » à un arbitre de grief, il réussirait à démontrer que le problème n’était pas qu’il avait manqué de respect à BM, mais que celui-ci n’était pas capable de diriger du personnel. Le fonctionnaire a déclaré qu’il voulait raconter [traduction] « […] tout cela et tout ce qu’il avait vécu pendant des années avant cela […] » à un arbitre de grief.

152 Il s’agit de déterminer si les actions du fonctionnaire, y compris la demande de nouvelles sanctions disciplinaires, dans le contexte général du processus d’O&A, constituent un écart de conduite justifiant une mesure disciplinaire ou si BM portait une « attention trop particulière » à tout ce que faisait le fonctionnaire, comme l’a soutenu ce dernier. Après avoir examiné attentivement la preuve, j’ai conclu que le fonctionnaire n’a pas simplement demandé calmement à son gestionnaire à consulter un dossier durant la réunion. Il a eu un comportement inapproprié et irrespectueux, et même si on peut considérer cela comme un écart de conduite mineur, l’employeur se devait de sévir dans ce cas-là.

153 Le fonctionnaire n’est pas seulement un employé de l’ARC qui avait un conflit avec son gestionnaire. C’est un chef d’équipe et un membre de l’équipe de direction. À ce titre, il est assujetti à la Charte des gestionnaires (pièce 13) et au Code (pièce 14). Il est censé faire équipe avec son gestionnaire pour tenter de résoudre les problèmes qui surviennent au travail tels que leurs perceptions différentes des exigences du processus d’O&A et il est censé communiquer et coopérer avec son gestionnaire de manière courtoise et respectueuse, même s’il estime que celui-ci est incompétent et qu’il ne s’acquitte pas adéquatement de ses responsabilités de gestion dans le cadre du processus d’O&A.

154 Bien que je comprenne l’exaspération et l’impatience du fonctionnaire face à ce qu’il considère de toute évidence comme l’incapacité de BM à le diriger ainsi que son exaspération à propos du fait que la centaine de courriels qu’il dit avoir envoyés à BM afin d’obtenir de la rétroaction sur ses compétences en supervision pour améliorer son rendement sont restés sans réponse et n’ont fort probablement jamais été ouverts, il reste que le fonctionnaire a demandé à BM de lui imposer de nouvelles mesures disciplinaires afin de lui permettre de se rendre à l’arbitrage, au lieu de continuer à chercher une solution au différend à propos du processus d’O&A. BM a exaucé son souhait et le fonctionnaire s’est rendu à l’arbitrage.

155 Bien que je comprenne aussi l’exaspération et l’impatience évidentes du fonctionnaire à l’endroit de l’employeur et de l’agent négociateur à propos de son incapacité à contester ses évaluations du rendement comme il aurait voulu le faire et à propos du prétendu manque d’encadrement, de direction et de rétroaction, je suis incapable de venir en aide au fonctionnaire. L’arbitrage de grief n’est généralement pas le moyen le plus satisfaisant de résoudre des conflits de travail. Ma compétence est définie par les griefs et mon rôle est de déterminer si la mesure disciplinaire imposée était justifiée.

B.  La mesure disciplinaire était-elle déraisonnable?

156 Ayant conclu que l’écart de conduite du fonctionnaire justifiait une mesure disciplinaire, il s’agit maintenant de déterminer si l’imposition d’une suspension d’un jour était justifiée. À cette fin, je dois établir s’il existait des circonstances atténuantes ou aggravantes.

157 La lettre disciplinaire indique que l’employeur a tenu compte, pour déterminer la mesure disciplinaire qui s’appliquait, des années de service et des antécédents de travail du fonctionnaire ainsi que de la réprimande écrite qu’il avait déjà reçue. La lettre dit que [traduction] « [a]fin que vous preniez pleinement conscience de la gravité de vos actes, nous avons décidé de vous imposer une suspension d’un jour (7,5 heures) ».

158 M. Leigh a déclaré qu’il avait rencontré BM, le 1er mars 2007, et que celui-ci lui avait raconté la réunion qu’il avait eue avec le fonctionnaire ce jour-là. Il a indiqué que l’ARC appliquait une politique de mesures disciplinaires progressives et que BM et lui avaient discuté de la mesure disciplinaire qui s’appliquait. Ils s’étaient mis d’accord sur une suspension d’un jour, après avoir consulté la politique de l’ARC sur les mesures disciplinaires (pièce 15), dont l’appendice C, qui contient un tableau intitulé [traduction] « Mesures disciplinaires jugées adéquates pour des écarts de conduite uniques » (le passage souligné l’est dans l’original), et ont conclu que, même si rien ne les empêchait de remettre une seconde réprimande écrite au fonctionnaire, ils estimaient que cela ne serait pas suffisant pour amener le fonctionnaire à modifier son comportement, vu qu’il avait déjà reçu une réprimande écrite pour avoir eu un comportement similaire avec son gestionnaire en janvier 2007. M. Leigh a indiqué que la suspension d’un jour était la plus courte des trois suspensions prévues dans le tableau des mesures disciplinaires.

159 Dans sa réponse au deuxième palier de la procédure de règlement du deuxième grief (pièce 2), M. Leigh écrit ceci sur cette question :

[Traduction]

[…]

En ce qui concerne la sévérité de la mesure disciplinaire, la sanction imposée doit tenir compte de la gravité de l’écart de conduite et des circonstances atténuantes ou aggravantes. Dans ce cas-ci, vu que avez déjà reçu une réprimande écrite en janvier 2007 pour un comportement similaire et vu l’aspect progressif des mesures disciplinaires, nous avons décidé de vous imposer une suspension d’un jour.

 […]

160 Dans sa réponse au dernier palier de la procédure de règlement du grief du 21 septembre 2007, Mme Gauvin note que la direction a accordé au fonctionnaire le droit de présenter des observations par écrit pour plaider sa cause, mais qu’il ne s’en est pas prévalu. La lettre (qui fait partie de la pièce 5) est libellée comme suit :

J’ai examiné les circonstances ayant donné lieu à la suspension d’un jour qui vous a été imposée dans la lettre disciplinaire du 3 avril 2007 et que vous contestez dans votre grief. Je note que la direction vous a autorisé à présenter des observations écrites relativement à votre grief; comme vous n’avez rien soumis à ce jour, j’ai basé ma décision sur les renseignements dont je disposais.

En tant qu’employé de l’Agence du revenu du Canada, vous avez le devoir d’agir avec intégrité, professionnalisme, respect et coopération et vous devez vous efforcer d’établir des relations de travail et des communications franches et constructives. Vous vous êtes comporté de manière irrespectueuse avec [BM], le 1er mars 2007, et avez fait montre d’un manque de professionnalisme. Je sais également que vous avez déjà reçu une réprimande écrite, le 18 janvier 2007, pour un comportement similaire. Par conséquent, et conformément aux principes des mesures disciplinaires progressives, je suis convaincue que la décision de la direction de vous imposer une suspension d’un jour était justifiée.

[…]

161 Mme Gauvin a fait référence à cette lettre dans la lettre du 19 décembre 2008 rejetant la mesure corrective demandée dans le second grief (pièce 4).

162 Le fonctionnaire n’a pas abordé la question de la sévérité de la mesure disciplinaire dans son témoignage ni dans son argumentation. Il a décidé de concentrer ses observations, à l’audience, sur la question plus générale de son exaspération face à ses mauvaises évaluations de rendement et à l’absence de rétroaction et d’encadrement. Il s’est employé à défendre la thèse qu’il n’avait pas commis d’écart de conduite et que, par conséquent, il n’y avait pas de raison de lui imposer une mesure disciplinaire.

163 De plus, comme je l’ai indiqué précédemment, les réponses aux griefs qui ont été mises en preuve par l’employeur n’indiquent pas que le fonctionnaire a présenté des observations sur la sévérité de la mesure disciplinaire aux divers paliers de la procédure de règlement des griefs, sauf la réponse au premier palier rédigée par BM (pièce 1), qui note, sans donner de précisions, que le fonctionnaire s’est excusé pour son comportement. BM a noté que, même s’il a pris acte de ces excuses, le fonctionnaire n’a pas démontré qu’il comprenait les attentes qu’on avait envers lui en matière de comportement et la suspension d’un jour ne sera pas annulée. Aucune preuve ne m’a pas été présentée pour me convaincre que cette décision était déraisonnable.

164 Bref, l’employeur a démontré que la réprimande écrite du 18 janvier 2007 avait été remise au fonctionnaire pour son manque de coopération et son attitude irrespectueuse lors d’une réunion avec son gestionnaire, le 12 janvier 2007. L’employeur a également démontré pourquoi, suivant le principe des mesures disciplinaires progressives, il avait conclu qu’il était raisonnable et juste d’imposer une suspension d’un jour au fonctionnaire pour un comportement similaire lors d’une réunion avec le même gestionnaire le 1er mars 2007. Le fonctionnaire n’a produit aucune preuve et n’a avancé aucun argument sur le caractère raisonnable de la suspension d’un jour, par rapport à d’autres types de mesures disciplinaires telles qu’une seconde réprimande écrite; je dois donc conclure que l’employeur s’est acquitté du fardeau d’établir que la suspension d’un jour imposée au fonctionnaire était raisonnable.

165 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

VII. Ordonnance

166 Les griefs sont rejetés.

Le 26 octobre 2009.

Traduction de la CRTFP 

                                                         

Margaret E. Hughes,
arbitre de grief

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