Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les parties ont convenu que les activités des agents des services frontaliers relatives à la protection des frontières sont nécessaires à la sécurité du public - elles n’ont pas réussi à s’entendre sur leurs autres activités, notamment 1) imposer et percevoir des droits, des taxes, des frais et des amendes; 2) fournir des renseignements aux voyageurs, aux importateurs et aux exportateurs et encourager la conformité volontaire; 3) répondre aux demandes, aux préoccupations et aux plaintes; 4) analyser des données et de l’information en vue de leur intégration dans les banques de données; 5) rédiger des notes d’information, des rapports techniques, des dossiers de clients, des déclarations et des rapports de saisie; et 6) entretenir des relations, des interactions et des échanges efficaces avec les clients, les intervenants et les organismes d’application de la loi - la Commission a conclu que l’employeur ne s’était pas acquitté de son fardeau de démontrer un fondement raisonnable et suffisant permettant de conclure que les autres activités des agents des services frontaliers sont nécessaires à la sécurité du public. Certains services désignés essentiels.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2009-11-20
  • Dossier:  593-02-2
  • Référence:  2009 CRTFP 155

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique


ENTRE

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

demanderesse

et

CONSEIL DU TRÉSOR

défendeur

Répertorié
Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor

Affaire concernant une demande de règlement d’une question pouvant figurer dans une entente sur les services essentiels, prévue au paragraphe 123(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, commissaire

Pour la demanderesse:
Andrew Raven, avocat

Pour le défendeur:
Sean F. Kelly, avocat

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
les 16 et 17 septembre et du 2 au 4 novembre 2009.
(Traduction de la CRTFP)

I. Demande devant la Commission

1 Le 18 septembre 2007, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (la « demanderesse ») a déposé une demande aux termes du paragraphe 123(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »), édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, relativement aux questions pouvant figurer dans une entente sur les services essentiels (ESE) visant les postes de l’unité de négociation du groupe Services frontaliers (l’« unité de négociation ») pour lequel la demanderesse est l’agent négociateur et le Conseil du Trésor (le « défendeur ») est l’employeur. Tous les employés de l’unité de négociation travaillent à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC).

2 Dans l’affaire en instance, je dois déterminer quels services fournis ou activités exécutées par certains employés de l’unité de négociation sont nécessaires à la sécurité du public. La présente demande concerne seulement le poste d’agent des services frontaliers (ASF). L’unité de négociation est composée d’environ 8 200 employés dont environ 7 000 sont des ASF.

3 En novembre 2007, avec l’aide des services de médiation de la Commission des relations de travail de travail dans la fonction publique (la « Commission »), les parties ont tenté de négocier une ESE. Elles ont convenu de poursuivre leurs négociations et ont demandé à la Commission de suspendre la présente demande. La Commission a accepté. En janvier 2009, les parties ont ratifié les modalités d’une nouvelle convention collective pour l’unité de négociation. Le 6 février 2009, elles ont signé la nouvelle convention collective. La Commission a ensuite décidé, de son propre chef, d’examiner sa compétence parce qu’on aurait pu faire valoir que la conclusion de la convention collective avait rendu les questions théoriques ou avait compromis de quelque façon son pouvoir d’instruire l’affaire. Dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (groupes Services frontaliers, Services des programmes et de l’administration et Services de l’exploitation), 2009 CRTFP 37, la Commission a conclu qu’elle avait la compétence pour trancher les questions en litige concernant l’ESE visant l’unité de négociation.

4 La décision 2009 CRTFP 37 a été rendue le 24 mars 2009. La Commission a tenu une conférence préparatoire avec les parties, le 20 mai 2009, pour traiter des questions préliminaires et discuter de leur disponibilité en vue de la tenue d’une audience. Les dates d’audience ont été fixées. Il a également été décidé que les parties s’entendraient sur les lieux de travail qui seraient utilisés pour démontrer la nature essentielle des services au public fournis par les ASF. Les parties ont convenu d’utiliser trois districts de service distincts de l’ASFC en Colombie-Britannique, notamment le District de l’aéroport international de Vancouver, le District de l’agglomération de Vancouver et le District de Pacific Highway.

II. Résumé de la preuve

5 Le défendeur a cité comme témoins Stuart James MacPherson, Michael D. Hryciuk et Kim R. Scoville. M. MacPherson occupe le poste de directeur de la préparation à l’ASFC depuis décembre 2002. Il a commencé à travailler pour le prédécesseur de l’ASFC en 1981. M. Hryciuk est le directeur intérimaire du district de l’Agglomération de Vancouver. Il a commencé à travailler pour le prédécesseur de l’ASFC en 1989. M. Scoville est directeur du District de Pacific Highway depuis octobre 2007. Il a commencé à travailler pour le prédécesseur de l’ASFC en 1984. Pendant plusieurs années, il a occupé des postes de gestion au District de l’aéroport international de Vancouver. Le défendeur a également déposé 27 documents. La demanderesse n’a cité aucun témoin, mais a déposé deux documents.

A. Rôle et activités de l’ASFC

6 L’ASFC a le mandat d’offrir des services frontaliers intégrés qui contribuent aux priorités en matière de sécurité nationale et de sécurité publique et qui facilitent la libre circulation des personnes et des marchandises, en conformité avec toutes les exigences de la législation frontalière. L’ASFC exécute des activités frontalières ayant trait aux douanes et à l’immigration, ainsi qu’aux aliments, aux végétaux et aux animaux. L’ASFC doit également rendre des comptes en matière d’administration des accords commerciaux internationaux et de perception des droits et des taxes sur la marchandise importée.

7 L’ASFC compte 14 000 employés; la moitié de ceux-ci sont des ASF. Les points de services de l’ASFC assurent le traitement d’environ 95 millions de voyageurs,  de 12 millions d’envois commerciaux et de 32 millions d’envois postaux par année. La plupart des services sont fournis par les 60 postes frontaliers terrestres qui sont en opération 24 heures sur 24, les 59 postes frontaliers terrestres qui sont en opération moins de 24 heures par jour, les 13 aéroports internationaux, les 4 centres de détention de l’immigration, les 3 établissements de traitement du courrier international et les 3 opérations maritimes aux principaux ports à conteneurs de Halifax, Montréal et Vancouver.

8 Pour réaliser son mandat, l’ASFC travaille en étroite collaboration avec d’autres ministères et organismes gouvernementaux tels que l’Agence canadienne d’inspection des aliments, Santé Canada, Transports Canada et Citoyenneté et Immigration Canada, avec qui l’ASFC partage certaines responsabilités administratives. L’ASFC collabore aussi étroitement avec des organismes d’application de la loi tels que la Gendarmerie royale du Canada, les forces policières locales et provinciales, le Service canadien du renseignement de sécurité et les organismes d’application de la loi d’autres pays.

9 Compte tenu du volume de marchandises et de personnes qui entrent au Canada tous les ans, l’ASFC ne peut pas procéder à un examen détaillé des marchandises et des personnes. Pour mieux cibler ses inspections et ses examens, l’ASFC compte sur des outils de prise de décision fondés sur le renseignement. Le renseignement englobe des initiatives de collecte, d’analyse, de diffusion et de partage de renseignements au sujet de menaces à la sécurité nationale, ce qui comprend le terrorisme, la traite des personnes, les crimes de guerre, le crime organisé, la contrebande, la fraude et l’immigration illégale. L’ASFC exploite également un Centre national d’évaluation des risques pour faciliter l’acheminement rapide des renseignements concernant les voyageurs présentant des risques élevés avant leur arrivée à la frontière. L’ASFC recourt également à des dactyloscopieuses électroniques Live-scan, à des engins marins télécommandés, à des systèmes d’inspection des véhicules et du fret, à la spectrométrie de mobilité ionique, à la technologie de détection des radiations, à des équipes de chiens détecteurs et à des analyses scientifiques, pour faciliter l’inspection et l’examen des personnes et des marchandises entrant au Canada.

10 Pour favoriser une importation efficiente et rapide des marchandises, l’ASFC a mis en place des programmes pré-approuvés tels que NEXUS et FAST, qui sont des programmes conjoints Canada-États-Unis; « Programme d’autocotisation des douanes » pour les importateurs autorisés, les transporteurs et chauffeurs inscrits qui importent des marchandises à faible risque; et « Partenaires en protection », en coopération avec l’industrie privée, pour améliorer la sécurité frontalière.

B. Points de service de l’ASFC

11 Les marchandises et personnes peuvent entrer au Canada par route, rail, air et mer. Les points de service de l’ASFC sont établis en conséquence. Comme mentionné précédemment, les parties ont convenu que la preuve visant à démontrer le travail effectué par les ASF aux points de service proviendrait de la Colombie-Britannique, notamment du District de l’aéroport international de Vancouver, du District de l’agglomération de Vancouver et du District de Pacific Highway.

12 Environ 300 ASF travaillent dans le District de l’aéroport international de Vancouver dans les trois secteurs suivants : opérations voyageurs, fret aérien et opérations spéciales et activités côté piste. Ce district assure en moyenne le traitement de 4,5 millions de voyageurs entrant au Canada par année, 70 % proviennent des États-Unis. En 2008-2009, il a assuré le traitement de 3,9 millions d’envois postaux, de 477 633 dédouanements commerciaux et de 4 000 arrivées de petits aéronefs. Ces examens ont mené à des activités d’application de la loi, ce qui comprend la saisie de narcotiques, d’armes et de devises entrées illégalement au Canada. La plupart des voyageurs et des marchandises passent seulement par une inspection primaire avant d’être admis au Canada, mais certains sont soumis à une inspection secondaire plus poussée. Lors de l’inspection primaire des opérations voyageurs, les ASF vérifient l’identité des personnes et leurs déclarations écrites et les interrogent sommairement. Lors de l’inspection secondaire, ils procèdent à une interrogation plus approfondie. Les ASF peuvent alors utiliser des outils tels que les bases de données de renseignement, l’équipement de détection de la contrebande ou autres dispositifs techniques. Le processus peut être différent pour le fret aérien, et les ASF recourent alors à de l’équipement plus pointu. L’examen vise toujours un objectif unique, celui de contrôler la frontière pour protéger la société canadienne et son économie en empêchant l’entrée de personnes et de marchandises représentant des risques potentiels pour le Canada.

13 Environ 350 ASF travaillent au District de Pacific Highway dans les 5 points d’entrée suivants : Aldergrove, Boundary Bay, Douglas, Huntington et Pacific Highway. Les deux derniers points d’entrée sont divisés en deux sections : opérations commerciales et opérations voyageurs. Entre septembre 2008 et septembre 2009, ce district a assuré le traitement de 9 440 371 personnes, de 4 655 484 véhicules privés et de 473 633 véhicules commerciaux. À l’instar du District de l’aéroport international de Vancouver, ces examens ont mené à des activités d’application de la loi telles que la saisie de narcotiques, d’armes et de devises entrées illégalement au Canada. La valeur des marchandises saisies pendant cette période est évaluée à 123 M$, ce qui comprend d’importantes saisies de cocaïne et d’opium. Les examens menés par les ASF ont également entraîné le renvoi de 12 000 personnes aux États-Unis, aux termes de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27. Comme pour le District de l’aéroport international de Vancouver, la plupart des personnes et des marchandises passent seulement par une inspection primaire, mais certains sont soumis à une inspection secondaire plus poussée.

14 Environ 200 ASF travaillent dans le District de l’agglomération de Vancouver, dans les 4 « bureaux » suivants : centre de courrier de l’ASFC, opérations des entrepôts et portuaires, installation de contrôle de conteneurs et traitement des voyageurs et des importations.

15 Le centre de courrier de l’agglomération de Vancouver est l’un des trois centres de courrier que compte l’ASFC au Canada. L’ASFC reçoit le courriel de la Société canadienne des postes et l’examine avant de l’envoyer. Les ASF disposent de divers systèmes, outils et dispositifs pour procéder à l’inspection primaire d’environ 10 millions de pièces de correspondance annuellement. En 2008, les ASF ont procédé à 1 952 saisies d’une valeur évaluée à 5,6 M$. Il s’agissait notamment de narcotiques, de pornographie juvénile, d’armes, de matériel d’activation des explosions, de cartes de crédit contrefaites, de Gamma-Butyrolactone, de drogues illicites.

16 Les ASF des quatre autres bureaux du District de l’agglomération de Vancouver effectuent des inspections et des examens à divers endroits tels que le port de Vancouver, le port de Prince Rupert, les trains Amtrak, les paquebots de croisière, les entrepôts et les lieux où sont conservés les conteneurs. Ils procèdent à l’examen des personnes, telles que les membres d’équipage, et des marchandises entrant au Canada par mer et par rail. Les ASF affectés aux opérations des entrepôts et portuaires traitent annuellement l’équivalent de 1 million de conteneurs de 20 pieds. Au cours de la saison de 2009, les agents affectés aux opérations de paquebots de croisière ont examiné 418 000 passagers et 188 000 membres d’équipage. Tous les ans, ils saisissent ou bloquent l’entrée de marchandises illicites ou refusent l’entrée à des personnes qui ne devraient pas entrer au Canada.

C. Rôle et responsabilités des ASF

1. Mandat au chapitre de la protection de la frontière

17 Les ASF sont aux premières lignes de la prestation du programme de l’ASFC. Ils participent directement à l’administration de plus de 90 textes législatifs régissant l’admissibilité des personnes et des marchandises à l’entrée et à la sortie du Canada. Ils empêchent l’entrée au Canada de personnes qui ne devraient pas y être admises. Ils bloquent l’entrée au pays de marchandises illégales. Ils protègent également les aliments et l’environnement et empêchent l’importation de produits interdits ou dangereux.

18 Une description de travail générique nationale s’applique aux ASF. Les activités principales sont décrites comme suit :

[Traduction]

Procéder à des inspections, à des examens et à des vérifications des voyageurs, des marchandises et des moyens de transport en vue de prendre des décisions relatives à la mainlevée ou à l’admission, et prendre les mesures appropriées en cas de non-respect soupçonné ou prouvé.

Exercer un pouvoir de première intervention pour arrêter et/ou détenir des personnes soupçonnées d’avoir commis des infractions en vertu de différentes lois du Parlement.

Établir, développer et maintenir des relations, des interactions et des échanges de collaboration avec les clients, les intervenants et les organismes d’application de la loi pour protéger l’intégrité et la sécurité de la frontière.

Analyser des données et des renseignements devant être inclus dans les bases de données aux fins du service à la clientèle, de la gestion des risques et du ciblage de personnes ou de marchandises. Fournir de l’information aux voyageurs, aux importateurs et aux exportateurs dans le cadre de séances, d’ateliers techniques et d’activités de communication pour les informer des lois, règlements et procédures de l’ASFC et d’autres organismes ou ministères gouvernementaux, ainsi que pour favoriser l’observation volontaire et pour répondre aux demandes de renseignements, aux préoccupations et aux plaintes concernant le service.

19 La preuve présentée à l’audience appuie l’énoncé selon lequel l’ensemble des ASF procèdent à des inspections, des examens et des vérifications des voyageurs et des marchandises pour prendre des décisions relatives à la mainlevée ou à l’admission et pour détecter une violation de la loi. De plus, ils assurent tous une capacité de première intervention et sont autorisés à arrêter ou à détenir des personnes soupçonnées d’avoir commis des infractions à la loi. Ces principales activités de leur description de travail sont directement liées à la protection de la frontière canadienne. Pour assumer efficacement leur rôle de protection, les ASF maintiennent des relations de travail axées sur la collaboration avec les clients, les intervenants et les organismes d’application de la loi. La preuve démontre aussi que les ASF analysent des données et des renseignements afin de prendre des décisions relatives à la mainlevée ou à l’admission. Ce travail analytique les aide à mieux cibler les personnes et les marchandises.

20 Le deuxième énoncé de la quatrième activité principale concerne la prestation d’information au public ou aux intervenants par le biais de séances, d’ateliers techniques et d’activités de communication. Selon les témoins, ces activités de communication ne sont normalement pas menées par les ASF, mais bien par les gestionnaires. Il serait utile pour l’ASFC que les ASF prennent ces activités en charge, mais ils n’ont simplement pas le temps.

21 Pour s’acquitter de leurs responsabilités en matière de protection, les ASF remplissent régulièrement des notes d’information, des rapports techniques, des dossiers clients, des déclarations et des rapports de saisie. Ces documents sont rédigés dans un court délai après que des incidents se sont produits ou que des faits sont révélés. Il est important de procéder rapidement pour que les renseignements contenus dans les ordinateurs soient à jour ou que des actions judiciaires soient prises.

2. Évaluation et perception des droits et taxes

22 L’ASFC perçoit d’importantes sommes d’argent tous les jours en droits et taxes. Au cours de l’exercice 2008-2009, l’ASFC a prélevé en moyenne 11 060 000 $ par jour en droits de douane, 41 890 000 $ en TPS/TVH, 3 390 000 $ en taxes sur le tabac et l’alcool et 292 624 $ en  taxes et droits provinciaux. Dans la plupart des cas, les ASF ne contribuent pas à l’imposition ou la perception de ces droits et taxes.

23 Le contre-interrogatoire des témoins du défendeur a porté en grande partie sur la participation des ASF à l’imposition et à la perception des droits et taxes. Essentiellement, ils sont des agents d’application de la loi, et leur rôle est de protéger la frontière, non pas de percevoir des droits et des taxes. Cependant, ils imposent et perçoivent occasionnellement des droits et des taxes.

24 Dans son témoignage, M. MacPherson a déclaré que les ASF participent peu à l’imposition et à la perception de taxes et qu’il est impossible de quantifier le temps consacré à ces activités, étant donné qu’elles sont effectuées dans le cadre de leurs fonctions de protection. Par ailleurs, M. MacPherson a témoigné que, lorsqu’une perception est faite à un point d’entrée, c’est un caissier, classé au niveau CR-04, qui effectue l’opération. L’ASFC n’a pas proposé que ces fonctions de caissier soient incluses dans l’entente sur les services essentiels régissant l’unité de négociation visée en l’espèce.

25 Dans son témoignage, M. Hryciuk a déclaré que les ASF qui procèdent à des examens pour le centre du courrier de l’Agglomération de Vancouver, les trains Amtrak ou les paquebots de croisière pourraient, occasionnellement ou exceptionnellement, participer à l’imposition ou à la perception de taxes, si aucun commis ou caissier n’est disponible. M. Scoville a expliqué que les ASF qui travaillent dans le District de l’aéroport international de Vancouver ou dans le District de Pacific Highway pourraient aussi imposer ou percevoir des taxes, occasionnellement ou exceptionnellement, même si cette tâche ne s’inscrit pas dans leur travail normal.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le défendeur

26 Le défendeur a fait valoir que l’ensemble des services fournis ou des activités exécutées par les ASF de l’ASFC sont nécessaires pour la sécurité du public canadien. Les fonctions et responsabilités des ASF sont primordiales et essentielles pour assurer la sécurité du public et l’intégrité de la frontière canadienne.

27 Une preuve étoffée a été présentée pour démontrer que le poste d’ASF vise essentiellement à protéger la frontière. Les ASF protègent la frontière en empêchant des marchandises et des personnes inadmissibles à entrer au Canada.

28 Les ASF ciblent et déterminent les menaces, et ils procèdent à des inspections, des examens et des vérifications des voyageurs, des marchandises et des moyens de transport en vue de prendre des décisions relatives à la mainlevée ou à l’admission. Pour assumer ces fonctions de sécurité, ils doivent rédiger des rapports dans un court délai et maintenir des relations de collaboration avec les organismes d’application de la loi. Tout cela est essentiel pour la sécurité du Canada.

29 Il ressort clairement de la preuve que les ASF procèdent à l’imposition et à la perception de taxes et de droits dans des circonstances exceptionnelles. Cela ne fait pas partie de leur description de travail et se produit rarement. Lorsqu’ils doivent le faire, le temps consacré à ces activités est négligeable. D’autres employés de l’ASFC sont chargés de l’imposition et de la perception des taxes et des droits. Dans certains lieux de travail, les ASF pourraient exceptionnellement participer à ces activités lorsque les autres employés de l’ASFC ne sont pas présents sur les lieux.

30 La plupart du temps, lorsque les ASF entreprennent des inspections ou des examens de personnes ou de marchandises, ils ne savent pas s’ils inspectent ou examinent des marchandises illicites ou des personnes ayant commis des actes illicites. En tout temps, leur mandat est de protéger le pays. La preuve a démontré l’existence d’un risque pour la sécurité du Canada, si les ASF n’effectuent pas leur travail. Ils protègent le Canada contre l’entrée de drogues illégales et de médicaments non approuvés, les terroristes, les criminels, les membres du crime organisé, les marchandises et cartes de crédit contrefaites, la pornographie juvénile, les armes illégales, les armes à feu, les devises provenant du crime, les aliments et les animaux contaminés et autres marchandises interdites au Canada.

31 Le défendeur a invoqué les décisions suivantes : Alliance de la Fonction publique du Canada c. Agence Parcs Canada, 2008 CRTFP 97; Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (groupe Services des programmes et de l’administration), 2009 CRTFP 55; Conseil du Trésor c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 128; Conseil des métiers et du travail des chantiers maritimes du gouvernement fédéral (Esquimalt, C.-B.) c. Conseil du Trésor (Groupe de la réparation des navires (côte ouest), dossier de la CRTFP 181-02-182 (19850109); Tobin c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 254.

B. Pour la demanderesse

32 La demanderesse accepte que les services essentiels exécutés par les ASF sont ceux désignés pour la protection des Canadiens contre les menaces à leur sécurité. Ces services englobent nécessairement les fonctions de sécurité identifiées dans la preuve présentée par les témoins, mais excluent, entre autres, l’ensemble des services et des fonctions liés à l’administration des recettes, ce qui comprend l’imposition, le calcul et la perception des droits, taxes et amendes.

33 Dans 2008 CRTFP 97, la Commission a conclu que, pour déterminer les services essentiels, elle devait établir un équilibre entre les droits des employés de participer à une grève légale et les besoins du public en matière de sécurité. La Commission a établi qu’au cours d’une grève les activités normales ne sont pas maintenues. Par exemple, dans Conseil du Trésor c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 120, la Commission a conclu que le besoin de protéger le droit à la grève pourrait même retarder une élection générale.

34 Dans 2008 CRTFP 97, la Commission a conclu que les services essentiels devraient être désignés avec précision et qu’il est important de reconnaître et de préserver la distinction entre « service essentiel » et « niveau de service ». Pour maintenir cette distinction, il faut que tout service essentiel désigné par la Commission soit défini de manière limitative et précise, de sorte que le niveau de service se rapporte uniquement aux fonctions particulières jugées nécessaires pour la sécurité du public.

35 Dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (groupe Services des programmes et de l’administration), 2009 CRTFP 56, la Commission a déclaré qu’un service désigné comme étant important ou prévu explicitement par la loi n’est pas nécessairement un service essentiel. De plus, la sécurité du public n’englobe généralement pas les difficultés économiques pour le public ou l’employeur.

36 Dans 2009 CRTFP 128, la Commission s’est penchée sur la mesure dans laquelle les services de l’ASFC sont essentiels pour la sécurité du public. La Commission a rejeté la définition générale de services essentiels proposée par le défendeur, en concluant que les fonctions touchant les questions de douanes et d'accise n’étaient pas liées à la sécurité du public. La Commission devrait tirer la même conclusion en l’espèce. Elle devrait aussi exclure de la définition de services essentiels les fonctions des ASF concernant le maintien de relations de collaboration avec les clients et les intervenants, l’analyse des données et des renseignements devant être inclus dans les bases de données, les activités de communication et d’information, ainsi que les fonctions administratives, ce qui comprend la rédaction de rapports et de notes d’information.

37 La demanderesse a proposé ce qui suit à titre de services essentiels exécutés par les ASF à l’ASFC :

[Traduction]

Frontières terrestres, transport maritime et ferroviaire et aéroports

  1. Procéder à des inspections, à des examens et à des vérifications primaires des voyageurs, des marchandises et des moyens de transport en vue de prendre des décisions relatives à la mainlevée ou à l’admission, et prendre les mesures appropriées en cas de non-respect soupçonné ou prouvé. Renvoyer à l’inspection secondaire seulement en cas de risque potentiel à la sécurité du public (c.-à-d. pour des motifs autres qu’économiques, tels que la perception des droits ou taxes).
  2. Exercer un pouvoir de première intervention pour arrêter et/ou détenir des personnes soupçonnées d’avoir commis des infractions en vertu de différentes lois du Parlement en matière de sécurité du public.

Programme du courrier

  1. Procéder à une inspection primaire du courrier pour déterminer s’il existe un risque à la sécurité du public. Renvoyer à l’inspection secondaire seulement en cas de risque potentiel à la sécurité du public (c.-à-d. pour des motifs autres qu’économiques, tels que la perception des droits ou taxes).

 [Le passage mis en évidence l’est dans l’original]

38 La demanderesse a invoqué les décisions suivantes : Conseil du Trésor c. Alliance de la Fonction publique du Canada, dossier de la CRTFP 181-02-99 (19790601); Le Groupe CSL Inc. c. Canada [1997] 2 C.F. 575 (1re inst.); Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 181-02-32 (19741105); Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 181-02-116 (19800528); Conseil du Trésor c. Alliance de la Fonction publique du Canada, dossier de la CRTFP 181-02-348 (19970303); Conseil du Trésor c. Alliance de la Fonction publique du Canada, dossier de la CRTFP 181-02-235 (19870319).

IV. Motifs

39 Les parties n’ont pas été en mesure de conclure une entente sur les services essentiels pour les employés de l’unité de négociation. La demanderesse a déposé une demande en vertu du paragraphe 123(1) de la Loi pour que la Commission détermine les services fournis et les activités exécutées par les ASF qui constituent des services essentiels. Le paragraphe 123(1) se lit comme suit :

123. (1) S’ils ne parviennent pas à conclure une entente sur les services essentiels, l’employeur ou l’agent négociateur peuvent demander à la Commission de statuer sur toute question qu’ils n’ont pas réglée et qui peut figurer dans une telle entente. […]

40 Le paragraphe 4(1) définit « services essentiels » et « entente sur les services essentiels » comme suit :

« services essentiels » Services, installations ou activités du gouvernement du Canada qui sont ou seront nécessaires à la sécurité de tout ou partie du public. 

« entente sur les services essentiels » Entente conclue par l’employeur et l’agent négociateur indiquant

a) les types des postes compris dans l’unité de négociation représentée par l’agent négociateur qui sont nécessaires pour permettre à l’employeur de fournir les services essentiels;

b) le nombre de ces postes qui est nécessaire pour permettre à l’employeur de fournir ces services;

c) les postes en question.

41 Dans 2008 CRTFP 97, la Commission a établi le cheminement analytique à suivre dans le cadre de litiges au sujet des services essentiels aux termes de la Loi. La première question à régler est de définir précisément les services qui sont essentiels à la sécurité du public. Une fois que les services essentiels sont désignés, la question suivante concerne le niveau de service; la décision à cet égard relève exclusivement de l’employeur. Après que l’employeur a déterminé le niveau de service, la Commission peut être appelée, en l’absence d’une entente entre les parties, à déterminer le type et le nombre de postes particuliers étant nécessaires pour fournir les services essentiels au niveau fixé par l’employeur.

42 La présente décision s’applique seulement à la première question du cheminement analytique énoncé dans 2008 CRTFP 97, à savoir la détermination des services essentiels ou, autrement dit, d’une définition précise des services essentiels que les ASF exécutent.

43 Pour le défendeur, cette détermination est assez simple : tout ce que font les ASF est nécessaire à la sécurité du public canadien. Pour la demanderesse, ne constituent pas des services essentiels les activités liées à l’imposition de droits, de taxes et d’amendes, à la perception d’argent, aux relations de collaboration avec les clients ou les intervenants, à la sensibilisation ou à la rédaction de rapports.

44 Dans 2008 CRTFP 97, la Commission a statué qu’il incombe à l’employeur (le défendeur en l’espèce) de démontrer qu’il existe un motif raisonnable et suffisant de conclure qu’une partie ou la totalité des services fournis ou des activités exécutées par les employés sont essentiels au sens du paragraphe 4(1) de la Loi.

45 La preuve présentée par le défendeur en l’espèce est sans équivoque : les ASF ont comme principales fonctions de protéger la société canadienne contre les personnes et les marchandises inadmissibles. La preuve démontre que ces activités principales sont nécessaires à la protection de la sécurité du public. En cas de grève, ces principales fonctions doivent être maintenues; autrement, la sécurité du public serait exposée à un risque. Les parties s’entendent sur ce point et cela n’est pas en litige dans la présente décision.

46 Le litige porte sur les autres fonctions qu’exécutent de temps en temps les ASF. Même s’il n’est pas possible d’établir à quelle fréquence ils exécutent ces autres fonctions, la preuve démontre qu’ils les exécutent occasionnellement. On pourrait résumer ainsi ces autres fonctions :

  • Procéder à l’imposition et à la perception des droits, taxes et amendes.
  • Diffuser des renseignements par le biais de séances, d’ateliers techniques et d’activités de communication destinés aux voyageurs, aux importateurs et aux exportateurs et visant à les éduquer et à encourager l’observation volontaire; répondre aux demandes de renseignements, aux préoccupations et aux plaintes au sujet du service.

Le défendeur n’a présenté aucune preuve démontrant que ces fonctions sont nécessaires à la sécurité du public. Par conséquent, elles ne constituent pas des services essentiels. La preuve a démontré que, dans des circonstances normales, le rôle des ASF n’est pas d’imposer ou de percevoir des taxes, même s’ils le font à l’occasion. Les témoins du défendeur ont soutenu que les ASF ne participent jamais aux activités éducatives de communication susmentionnées. Ces fonctions relèvent plutôt des gestionnaires qui prennent part aux ateliers techniques et aux activités de communication. Ceci s’applique peut-être dans le cas des lieux de travail pour lesquels la preuve a été présentée, mais il m’est difficile de croire que les ASF à l’échelle du pays n’exécutent jamais ces fonctions, compte tenu qu’elles sont énoncées comme étant une activité principale dans leur description de travail nationale.

47 La preuve a démontré que les ASF analysent des données et des renseignements devant être inclus dans les bases de données pour utilisation ultérieure aux fins du service à la clientèle, de la gestion des risques et du ciblage de personnes et de marchandises. La preuve a également démontré que les ASF remplissent des notes d’information, des rapports techniques, des dossiers clients, des déclarations et des rapports de saisie. Ces documents sont rédigés dans un court délai après que des incidents se sont produits ou que des faits sont révélés. La demanderesse ne croit pas qu’il s’agisse de services essentiels. Je suis en désaccord avec la demanderesse et je suis d’accord avec les témoins du défendeur qui ont affirmé que ces fonctions font intrinsèquement partie des fonctions de protection assumées par les ASF. Pour prendre des décisions relatives à la mainlevée ou à l’admission et pour décider des mesures s’imposant, ils doivent se fier aux bases de données et aux renseignements qui doivent être constamment mis à jour. La sécurité du public risquerait d’être compromise si les ASF arrêtaient de rédiger des rapports, d’analyser des données et de mettre à jour l’information contenue dans les bases de données.   

48 En résumé, les services fournis et les activités exécutées par les ASF qui sont liés à l’inspection, à l’examen et à la vérification des voyageurs, des marchandises et des moyens de transport sont des services essentiels. Les inspections, examens et vérifications sont effectuées pour protéger le public contre des personnes et des marchandises inadmissibles. La rédaction de rapports et la mise à jour de bases de données font partie de ces activités. Il en va de même pour le maintien de relations et d’interactions efficaces avec les clients, les intervenants et les organismes d’application de la loi. Cependant, les activités liées à l’imposition et à la perception de droits, de taxes et d’amendes, ainsi que celles liées à l’éducation et à la sensibilisation, ne sont pas nécessaires pour la sécurité du public.

49 La Commission n’utilise pas un modèle unique pour déterminer les services essentiels. Dans 2008 CRTFP 97, elle a conclu que les services essentiels devraient être définis avec précision. Dans 2009 CRTFP 128, elle a désigné des services essentiels dans une déclaration de cinq lignes. Dans 2009 CRTFP 55, elle a émis une déclaration plus détaillée. En l’espèce, pour plus de certitude, je crois qu’il est utile d’énoncer tant les services qui sont nécessaires que ceux qui ne sont pas nécessaires à la sécurité du public.

50 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

51 L’entente sur les services essentiels concernant l’unité de négociation comportera la disposition suivante :

Les services suivants fournis ou exécutés par les agents des services frontaliers sont nécessaires à la sécurité du public :

1. Procéder à des inspections, à des examens et à des vérifications des voyageurs, des marchandises et des moyens de transport en vue de prendre des décisions relatives à la mainlevée ou à l’admission, et prendre les mesures appropriées en cas de non-respect soupçonné ou prouvé.

2. Exercer un pouvoir de première intervention pour arrêter ou détenir des personnes soupçonnées d’avoir commis des infractions en vertu de différentes lois du Parlement.

3. Maintenir des relations, des interactions et des échanges efficaces avec les clients, les intervenants et les organismes d’application de la loi pour protéger l’intégrité et la sécurité de la frontière.

4. Analyser des données et des renseignements devant être inclus dans les bases de données aux fins du service à la clientèle, de la gestion des risques et du ciblage de personnes ou de marchandises afin de protéger l’intégrité et la sécurité de la frontière.

5. Remplir des notes d’information, des rapports techniques, des dossiers clients, des déclarations et des rapports de saisie pour mettre à jour les bases de données servant à protéger l’intégrité et la sécurité de la frontière.

Pour plus de certitude, les services suivants fournis et exécutés par les agents des services frontaliers ne sont pas nécessaires à la sécurité du public :

1. Procéder à l’imposition et à la perception des droits, taxes et amendes.

2. Remplir des notes d’information, des rapports techniques, des dossiers clients et des déclarations n’étant pas liés à la protection de l’intégrité et de la sécurité de la frontière.

3. Diffuser des renseignements, par le biais de séances, d’ateliers techniques et d’activités de communication destinés aux voyageurs, aux importateurs et aux exportateurs pour les informer au sujet des lois, des règlements et des procédures de l’ASFC et autres ministères et organismes gouvernementaux, afin de favoriser l’observation volontaire et de répondre aux demandes de renseignements, aux préoccupations et aux plaintes concernant le service.

Le 20 novembre 2009.

Traduction de la CRTFP

Renaud Paquet,
commissaire

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