Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a engagé une démarche pour faire reconnaître une situation de harcèlement comme accident de travail par la CLP - son agent négociateur l’a appuyée un certain temps dans cette démarche, puis, un mois avant l’audience devant la CLP, lui a laissé savoir qu’il ne la représenterait pas - la plaignante voulait que la Commission ordonne à l’agent négociateur de payer les frais d’un avocat pour la représenter - la Commission a conclu que l’agent négociateur n’a pas agi de façon arbitraire ou discriminatoire, ni avec mauvaise foi - l’agent négociateur n’avait aucune obligation de représenter un employé devant une autre instance administrative - de plus, l’agent négociateur a agi de façon diligente et responsable. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2009-10-30
  • Dossier:  561-02-391
  • Référence:  2009 CRTFP 143

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique


ENTRE

CAROLLE LAVOIE

plaignante

et

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA ET ALAIN LACHAPELLE

défendeurs

Répertorié
Lavoie c. Alliance de la Fonction publique du Canada et Lachapelle

Affaire concernant une plainte visée à l'article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, commissaire

Pour la plaignante:
Elle-même

Pour les défendeurs:
Nathalie St-Louis, Alliance de la Fonction publique du Canada

Décision rendue sur la base d'arguments écrits
déposés les 25 mai et 14 octobre 2009.

Plainte devant la Commission

1 Le 30 avril 2009, Carolle Lavoie (la « plaignante ») a déposé une plainte contre son agent négociateur, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) et Alain Lachapelle, représentant syndical de l’AFPC (les « défendeurs »). La plaignante fonde sa plainte sur l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi ») qui renvoie à l’article 185 de la Loi. La plaignante allègue que les défendeurs ont manqué à leur devoir de représentation en cessant de la représenter devant la Commission des lésions professionnelles du Québec (CLP). La plainte renvoie aux dispositions suivantes de la Loi :  

[…]

190. (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle

[…]

g) l’employeur, l’organisation syndicale ou toute personne s’est livré à une pratique déloyale au sens de l’article 185.

185. Dans la présente section, « pratiques déloyales » s’entend de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) et (2), les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1).

187. Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

[…]

2 À une date non précisée dans la documentation soumise, la plaignante a déposé une demande à la CLP pour faire reconnaître un accident de travail ou une maladie professionnelle de façon à avoir accès aux bénéfices qu’une telle reconnaissance pourrait lui procurer. Selon la plaignante, les défendeurs lui ont demandé, jusqu’en février 2009, de leur fournir de multiples informations en préparation du dossier. La date d’audience de la cause de la plaignante a été décidée en décembre 2008. L’audience devait avoir lieu le 20 avril 2009. Le 20 mars 2009, M. Lachappelle a écrit à la plaignante pour l’informer qu’il n’avait plus l’intention de la représenter devant la CLP. Il a appuyé sa décision, aux dires de la plaignante, sur des informations qu’il avait en sa possession depuis 2007, année où il a commencé à s’occuper de son dossier.

3 À la suite du refus de M. Lachapelle de la représenter, la plaignante a obtenu que la CLP reporte la date d’audience de sa cause. Pour la suite des procédures à la CLP, la plaignante demande à être représentée par un avocat spécialisé en relations de travail. Elle demande aussi que l’AFPC assume les coûts de cette représentation.

4 La plaignante allègue que les défendeurs ont fait très peu de travail sur son dossier et ont traité son dossier de façon arbitraire, négligente et superficielle. Elle allègue aussi que les défendeurs ont négocié avec son employeur au sujet de son dossier et qu’elle a été exclue de ces négociations.

5 Les défendeurs soumettent qu’ils ont rencontré la plaignante à plusieurs reprises afin de préparer un dossier complet pour présentation à la CLP. Ils ont rencontré la psychologue de la plaignante et ont pu réviser les notes cliniques de son médecin. Ils ont aussi reçu deux mandats de règlement de la part de la plaignante et ont entamé des négociations afin d’en arriver à une entente satisfaisante pour toutes les parties. Les défendeurs admettent s’être désisté du dossier de la plaignante devant la CLP un mois avant la date d’audience prévue. Le 20 mars 2009, les défendeurs ont écrit à la plaignante en lui mentionnant que ses chances d’avoir gain de cause à la CLP étaient négligeables. Ils lui ont également expliqué les motifs à l’appui de leur décision de se désister du dossier.

6 Les défendeurs allèguent que la plainte devrait être rejetée car le devoir de représentation juste ne s’étend pas au traitement de la demande d’indemnité d’accident de travail de la plaignante. Sur ce point, les défendeurs me réfèrent à Elliott c. Guilde de la marine marchande du Canada et al., 2008 CRTFP 3. Dans Elliott, la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») a établi que le devoir de représentation prévu à l’article 187 de la Loi ne concerne que la représentation dans les affaires ayant trait à la convention collective ou à la Loi.Compte tenu que la représentation d’un fonctionnaire à la CLP ne fait pas partie de ces types d’affaires, les défendeurs n’avaient aucune obligation de représenter la plaignante à la CLP.

Motifs

7 Les faits de cette plainte ne sont pas contestés. La plaignante s’est adressée à la CLP pour une réclamation d’accident de travail. Les défendeurs ont accepté de l’aider dans cette démarche. Cependant, un mois avant l’audience de la requête de la plaignante par la CLP, les défendeurs ont informé la plaignante qu’ils n’assumeraient pas sa représentation et qu’ils se désistaient. Les défendeurs ont écrit à la plaignante pour lui faire part des motifs à l’appui de leur décision. À la demande de la plaignante qui se retrouvait sans représentant, la CLP a accepté de reporter son audience prévue pour le 20 avril 2009.

8 Je suis en bonne partie d’accord avec l’argument des défendeurs à l’effet que le devoir de représentation ne s’applique qu’aux sujets de litiges traités par la convention collective ou par la Loi. Cette position est d’ailleurs très bien étayée dans Elliott dont je cite ici quelques extraits :

[…]

[183]   Le pouvoir de la CRTFP, en tant que tribunal établi par une loi, d’agir à cet égard provient exclusivement de la LRTFP. L’article 187 de la LRTFP – à l’instar des dispositions en matière de devoir de représentation juste du Labour Relations Code de la Colombie-Britannique et du Labour Relations Act de l’Ontario, mentionnés plus haut – ne précise pas la portée du devoir de représentation juste. À mon avis, étant donné que ce devoir est énoncé dans la LRTFP, il se rapporte aux droits, obligations et questions énoncés dans ladite Loi. Puisque l’un des principaux objectifs de la LRTFP est de réglementer la relation entre les employés et leur employeur, je suis d’avis que la portée du devoir de représentation juste se rapporte à cette question.

[184]   Tout comme dans le secteur privé, la LRTFP accorde aux syndicats des pouvoirs de représentation importants. Par exemple, un agent négociateur accrédité en vertu de la LRTFP a le droit exclusif de négocier pour les membres de son unité (alinéa 67a)). Un fonctionnaire ne peut présenter un grief individuel relatif à l’interprétation ou à l’application d’une disposition d’une convention collective à moins d’avoir l’approbation de l’agent négociateur de l’unité de négociation et d’être représenté par lui (paragraphe 208(4)). D’après moi, le devoir de représentation juste s’applique à ces questions, car elles sont énoncées dans la LRTFP et concernent la relation des fonctionnaires avec leur employeur. De plus, à la lumière de la genèse du devoir de représentation juste, le fait que le syndicat a des droits de représentation exclusifs dans la négociation d’une convention collective et des droits d’approbation exclusifs à l’égard de ces griefs étaye encore plus la conclusion selon laquelle le devoir de représentation juste s’applique à ces questions.

[…]

[193]   Accepter l’argument avancé par le plaignant signifierait que le devoir de représentation juste s’appliquerait à tous les services qu’un syndicat décide d’offrir à ses membres, que le syndicat soit ou non obligé d’offrir ce service et que le service soit ou non lié à la LRTFP ou à la relation régie par la convention collective. Cela signifierait également que le Parlement entendait conférer à notre Commission le vaste mandat de superviser la prestation de services de représentation volontairement offerts par un syndicat concernant les demandes devant les tribunaux des accidents du travail, les questions disciplinaires devant les organisations professionnelles, les demandes relatives au Régime de pensions du Canada, les questions ayant trait à l’assurance-chômage, les questions devant les tribunaux des transports, les actions devant les tribunaux judiciaires, etc., c’est-à-dire toutes les questions à l’égard desquelles notre Commission n’a pas d’expertise spéciale. À mon avis, si le Parlement avait voulu accorder à notre Commission une aussi vaste compétence à l’égard de questions non liées à la LRTFP ou à la relation régie par la convention collective, il aurait donné une indication à cet égard. Dans le cas qui nous occupe, il y a absence d’une telle indication.

[…]

9 Il n’y pas de doute dans mon esprit que l’article 187 de la Loi n’est pas là pour examiner ou scruter la justesse de la représentation d’un fonctionnaire devant un tribunal administratif comme la CLP. L’article 187 vise plutôt la représentation sur des questions ou litiges couverts par la Loi ou la convention collective.

10 Les défendeurs auraient été en droit de refuser dès le départ d’aider la plaignante dans sa cause auprès de la CLP. Même si rien ne les y obligeait, les défendeurs ont quand même choisi de le faire. Dès lors, la plaignante s’attendait à ce qu’ils la représentent. Je n’irai pas jusqu’à dire qu’à partir du moment où les défendeurs ont accepté de s’occuper du dossier, l’obligation du devoir de représentation juste s’appliquait. Mais, à tout le moins, à partir de ce moment, les défendeurs se devaient d’agir de façon équitable avec la plaignante car ils avaient dès lors créé une certaine expectative chez la plaignante.

11 À partir des faits qui m’ont été soumis, je conclus que les défendeurs ont agi de façon équitable avec la plaignante. Après avoir examiné le dossier, ils ont décidé de retirer leur appui à sa requête auprès de la CLP. Ils ont justifié leur position et l’ont avisée un mois avant la date d’audience. Ce délai était suffisamment long pour permettre à la plaignante de faire reporter la date de son audience à la CLP de sorte qu’elle puisse, si elle désirait poursuivre, trouver d’autres représentants.

12 Les défendeurs n’ont donc pas enfreint la Loi en retirant leur appui à la plaignante. Ils n’avaient aucune obligation de la représenter devant la CLP. Une fois qu’ils ont décidé de retirer leur appui, ils ont agi équitablement avec elle en lui donnant un préavis d’un mois de la date de son audience et en lui fournissant des explications motivant leur décision.

13 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

14 La plainte est rejetée.

Le 30 octobre 2009.

Renaud Paquet,
commissaire

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