Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Dans le cadre de la demande d’arbitrage, l’agent négociateur s’oppose à ce que l’employeur modifie sa proposition au stade de l’arbitrage et plaide que la Commission n’a pas compétence pour entendre une telle demande - la Commission a décidé que bien qu’une partie ne puisse modifier le mandat de la Commission, qui quant à lui est déterminé par l’article 55 de la Loi sur les relations de travail au Parlement (la <<Loi>>), la Commission peut néanmoins être saisie d’une demande par une partie de modifier une de ses propositions sur une question en litige faisant partie du mandat - la Commission est cependant d’avis qu’en analysant le bien-fondé d’une modification, elle devrait examiner la justification de la modification, le préjudice causé à l’autre partie, et tout autre facteur qui pourrait être pertinent dans une affaire - pour ce qui est de la durée de la décision arbitrale, la Commission a jugé par ailleurs que les alinéas 52(1)a) et b) de la Loi ne s’appliquaient pas aux circonstances et a fixé la durée de la décision à environ 18 mois, conformément au paragraphe 52(2) de la Loi.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
au Parlement

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2009-11-13
  • Dossier:  485-HC-38
  • Référence:  2009 CRTFP 150

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique


DANS L'AFFAIRE DE
LA LOI SUR LES RELATIONS DE TRAVAIL AU PARLEMENT
et d'un différend entre

SYNDICAT CANADIEN DES COMMUNICATIONS, DE L'ÉNERGIE ET DU PAPIER,

agent négociateur,

et

CHAMBRE DES COMMUNES,

employeur
relativement aux employés du groupe des Services techniques

Répertorié
Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier c. Chambre des communes

DÉCISION ARBITRALE

Devant:
Marie-Josée Bédard, Dale Clark et Ron Leblanc, membres du conseil aux fins de l’arbitrage de l’affaire susmentionnée

Pour l'agent négociateur:
David Migicovsky, avocat

Pour l'employeur:
Carole Piette, avocate

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
le 3 septembre 2009.
(Arguments écrits déposés le 17 septembre 2009.)
(Traduction de la CRTFP)

I. Demande devant la Commission

1 Le 27 février 2008, le Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 87-M (l’« agent négociateur »), a signifié un avis de négociation collective à la Chambre des communes (l’« employeur ») pour le compte du groupe des Services techniques en vertu de l’article 37 de la Loi sur les relations de travail au Parlement, L.R.C. (1985), ch. 33 (2e suppl.) (LRTP). La plus récente convention collective conclue pour l’unité de négociation a expiré le 31 mars 2008.

2 Les parties se sont rencontrées dans le cadre de séances de négociations les 9 juillet et 2 et 3 octobre 2008. Le 25 novembre 2008, l’agent négociateur a déposé une demande d’arbitrage en vertu de l’article 50 de la LRTP. L’employeur a soumis ses autres questions en litige le 1er décembre 2008 et a formulé une objection à la compétence d’un conseil d’arbitrage à l’égard de la proposition de l’agent négociateur relative au libellé de l’avis de dotation à l’« Article 8 – Ancienneté ».

3 L’agent négociateur a sélectionné Dale Clark pour agir à titre de membre du conseil d’arbitrage (le « conseil ») parmi le groupe de personnes représentant les intérêts des employés. L’employeur a sélectionné Ron Leblanc parmi le groupe de personnes représentant ses intérêts. Le président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique m’a nommée présidente aux fins de cette instance.

4 Le président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique a remis son mandat au conseil le 21 janvier 2009 (2009 CRTFP 4). Les questions suivantes étaient en litige :

Article 4                 Droits syndicaux
Article 8                 Ancienneté
Article 11               Avantages sociaux
Article 13               Jours fériés et congés généraux
Article 14               Questions de nature générale
Article 16               Heures de travail et établissement de l’horaire de travail
Article 20               Date d’entrée en vigueur et durée
Article 21               Rémunération

5 Le 12 mars 2009, la Loi sur le contrôle des dépenses (LCD), édictée par l’article 393 de la Loi d’exécution du budget de 2009, L.C. 2009, ch. 2, est entrée en vigueur.

6 Les parties ont échangé des mémoires le 11 mai 2009.

7 Dans son mémoire, l’agent négociateur a retiré sa proposition de modifier les articles 4 et 8 sous toutes réserves, en plus de modifier sa proposition visant à modifier l’article 21 – Rémunération et l’Annexe A-1 en ce qui concerne les taux de rémunération, afin de se conformer aux dispositions de la LCD.

8 Dans son mémoire, l’employeur a soulevé une objection à la compétence du conseil d’accueillir les propositions de l’agent négociateur visant à ajouter de nouvelles clauses à l’article 11 (les clauses 11.1.9 (indemnité de conditionnement physique), 11.11 (congé pour raisons personnelles) et 11.12 (congé de bénévolat)), et à modifier les articles 13, 14, 16 et 21, au motif que cela contreviendrait aux articles 24 et 27 de la LCD, aux termes desquels il est interdit au conseil de prévoir une rémunération additionnelle à l’égard de toute période commençant au cours de la période de contrôle.

9 Dans son mémoire, l’employeur a également modifié sa proposition de modifier l’article 20 (durée de la convention collective). À l’audience, l’agent négociateur a formulé une objection à la compétence du conseil de se pencher sur la proposition modifiée de l’employeur. Les parties ont convenu de déposer des arguments écrits supplémentaires sur la question de la compétence et sur l’applicabilité des paragraphes 58(1) ou 58(2) de la LRTP, ce qu’elles ont fait. À des fins de clarification, les arguments respectifs des parties sur cette question sont résumés dans la partie de la présente décision en énonçant les motifs. 

10 À l’ouverture de l’audience, l’agent négociateur a retiré ses propositions sur l’article 16 (clause 16.10 – rappel au travail; clause 16.15 – prime de quart; clause 16.15 – prime de fin de semaine) et sur la clause 21.7 (prime temporaire) sous toutes réserves, après avoir concédé que ces propositions contrevenaient aux dispositions de la LCD.

11 Dans le cadre de son argumentation, l’employeur a retiré son objection à la compétence du conseil à l’égard des propositions de l’agent négociateur touchant les clauses 4.6.2 (congé pour assister à des réunions de négociation collective), 11.4.1 (congé de décès), 11.11 (congé pour raisons personnelles), 11.12 (congé de bénévolat) et 13.2.1 (congé annuel), et il a concédé que ces propositions ne contrevenaient pas aux articles 24 et 27 de la LCD, puisqu’elles n’entraînent aucune rémunération additionnelle au sens où l’entend la LCD.

II. Motifs

12 La LRTP énonce dans les termes suivants les facteurs que le conseil doit prendre en considération lorsqu’il rend sa décision :

[…]

53. Dans la conduite de ses audiences et dans ses décisions arbitrales au sujet d’un différend, la Commission prend en considération les facteurs suivants :

a) les besoins de l’employeur en personnel qualifié;

b) la nécessité de maintenir des rapports convenables, quant aux conditions d’emploi, entre les divers échelons au sein d’une même profession et entre les diverses professions;

c) la nécessité d’établir des conditions d’emploi justes et raisonnables, compte tenu des qualités requises, du travail accompli, de la responsabilité assumée et de la nature des services rendus;

d) tout autre facteur qui, à son avis, est pertinent.

Elle tient aussi compte, dans la mesure où les besoins de l’employeur le permettent, de la nécessité de garder des conditions d’emploi comparables dans des postes analogues dans l’administration publique fédérale.

[…]

13 En plus de ces facteurs, le conseil doit se conformer aux dispositions de la LCD, dont les dispositions suivantes sont particulièrement pertinentes à l’égard du présent arbitrage : 

[…]

2. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

« rémunération additionnelle »Allocation, boni, prime ou autre paiement semblable à l’un ou l’autre de ceux-ci versés aux employés.

[…]

« période de contrôle » Période allant du 1er avril 2006 au 31 mars 2011.

[…]

16. Malgré toute convention collective, décision arbitrale ou condition d’emploi à l’effet contraire, mais sous réserve des autres dispositions de la présente loi, les taux de salaire des employés sont augmentés, ou sont réputés l’avoir été, selon le cas, selon les taux figurant ci-après à l’égard de toute période de douze mois commençant au cours d’un des exercices suivants :

a) l’exercice 2006-2007, un taux de deux et demi pour cent;

b) l’exercice 2007-2008, un taux de deux et trois dixièmes pour cent;

c) l’exercice 2008-2009, un taux de un et demi pour cent;

d) l’exercice 2009-2010, un taux de un et demi pour cent;

e) l’exercice 2010-2011, un taux de un et demi pour cent.

[…]

17.(1) Les dispositions de toute convention collective conclue — ou décision arbitrale rendue — après la date d’entrée en vigueur de la présente loi ne peuvent prévoir des augmentations des taux de salaire à des taux supérieurs à ceux prévus à l’article 16, mais elles peuvent en prévoir à des taux inférieurs.

(2) Il est entendu que toute augmentation prévue dans la convention ou la décision visée au paragraphe (1) à l’égard de toute période commençant au cours de la période de contrôle doit être fondée sur une période de douze mois.

[…]

24. Aucune convention collective conclue — ou décision arbitrale rendue — après la date d’entrée en vigueur de la présente loi ne peut, à l’égard de toute période commençant au cours de la période de contrôle, prévoir une augmentation des montants ou des taux de toute rémunération additionnelle applicable, avant la prise d’effet de la convention ou de la décision, aux employés régis par celle-ci.

[…]

27. Aucune convention collective conclue — ou décision arbitrale rendue — après la date d’entrée en vigueur de la présente loi ne peut, à l’égard de toute période commençant au cours de la période de contrôle, prévoir de rémunération additionnelle qui est nouvelle par rapport à celle applicable, avant la prise d’effet de la convention ou de la décision, aux employés régis par celle-ci.

[…]

14 Pour rendre la présente décision, le conseil a pris en considération les dispositions de la LRTP et de laLCD.

III. Dispositions en litige

A. Clause 4.6.2 : Congé pour assister à des réunions de négociation collective

15 L’agent négociateur a proposé de modifier la disposition sur le congé pour assister à des réunions de négociation collective de manière qu’elle donne droit non plus à un congé sans solde, mais à un congé payé. L’employeur s’est opposé à cette proposition. Le conseil a déterminé que le texte actuel de la clause 4.6.2 sera maintenu.

B. Clause 11.1.2c) : Examens médicaux

16 L’agent négociateur a proposé de modifier l’article actuel, qui permet à l’employeur d’envoyer un employé chez le médecin de son choix pour lui faire passer un examen médical, de manière qu’il s’agisse plutôt d’un « médecin indépendant, de préférence un spécialiste, dont les parties ont convenu ». L’employeur s’est opposé à la proposition, et le conseil a déterminé que la clause 11.1.2c), tel qu’elle est libellée à l’heure actuelle, demeurera intacte.

C. Clause 11.1.9 : Indemnité de conditionnement physique (nouveau)

17 L’agent négociateur a proposé que l’employeur rembourse aux employés un montant maximum de 500 $ par année au titre de l’abonnement à un centre de conditionnement physique accrédité. L’employeur a réitéré son objection à la compétence du conseil d’accueillir la proposition, au motif qu’elle donnerait lieu à une rémunération additionnelle au sens de la LCD et contreviendrait ainsi à l’article 27 de la LCD. Subsidiairement, l’employeur s’est opposé à la proposition. Le conseil a déterminé que cette clause ne sera pas incluse dans la décision arbitrale.

D. Clause 11.2a) : Prestations de maladie et d’assurance

18 L’agent négociateur a proposé d’améliorer le régime des soins de la vue ainsi que les prestations d’assurance-vie. L’employeur a fait valoir qu’il n’a pas le pouvoir de négocier quelque changement que ce soit aux régimes actuels de prestations de maladie et d’assurance-vie et de soins dentaires. Le Régime de soins de santé de la fonction publique et le Régime de soins dentaires sont négociés en partenariat avec le Conseil national mixte, les représentants de l’agent négociateur et les employeurs du Conseil du Trésor. Subsidiairement, l’employeur s’est opposé à la proposition. Le conseil a déterminé que la clause 11.2a) actuelle demeurera intacte. 

E. Clause 11.2.1 : Régime de soins dentaires

19 La clause actuelle est libellée dans les termes suivants :

L’employeur s’engage à continuer d’offrir le régime de soins dentaires actuel et à payer, au titre de la prime, un montant égal à celui que l’employeur paie aux employé(e)s de la Fonction publique du Canada.

20 L’agent négociateur a proposé de modifier la clause de la manière suivante :

[Traduction]

L’employeur s’engage à continuer d’offrir le régime de soins dentaires actuel et maintiendra le paiement actuel de la totalité de la prime (100%) que l’employeur paie aux employé(e)s de la Fonction publique du Canada.

21 L’employeur a fait valoir qu’il n’a pas le pouvoir de négocier quelque changement que ce soit aux régimes actuels de prestations de maladie et d’assurance-vie et de soins dentaires. Le Régime de soins de santé dans la fonction publique et le Régime de soins dentaires sont négociés en partenariat avec le Conseil national mixte, les représentants de l’agent négociateur et les employeurs du Conseil du Trésor. Subsidiairement, l’employeur s’est opposé à la proposition. Le conseil a déterminé que la clause 11.2.1 existante demeurera inchangée.  

F. Clause 11.4.1 : Congé de décès

22 L’agent négociateur a proposé de modifier la disposition actuelle de manière qu’elle prévoie non pas cinq jours civils consécutifs de congé, mais cinq jours ouvrables. L’employeur s’est opposé à la proposition, et le conseil a déterminé que le texte actuel de la clause 11.4.1 sera maintenu.   

G. Clause 11.11 : Congé pour raisons personnelles (nouveau)

23 L’agent négociateur a proposé un jour de congé pour raisons personnelles. L’employeur s’est opposé à cette proposition, et le conseil a déterminé que la proposition ne sera pas incluse dans la décision arbitrale.

H. Clause 11.12 : Congé de bénévolat (nouveau)

24 L’agent négociateur a proposé une journée de congé à des fins de bénévolat, et l’employeur s’y est opposé. Le conseil a déterminé que la proposition sera incluse dans la décision arbitrale dans les termes suivants :

[Traduction]

11.12  Congé de bénévolat

a) Sous réserve des nécessités du service telles que déterminées par l’Employeur et sur préavis d’au moins cinq (5) jours ouvrables, l’Employé se voit accorder, au cours de chaque exercice, une seule période d’au plus sept (7) heures de congé payé pour travailler à titre de bénévole pour une organisation ou une activité communautaire ou de bienfaisance, autre que les activités liées à la Campagne de charité en milieu de travail du gouvernement du Canada.

b) Le congé est pris à une date qui convient à la fois à l’Employé et à l’Employeur. Cependant, l’Employeur fait tout son possible pour accorder le congé à la date demandée par l’Employé.

I. Clause 13.2.1 : Congé annuel

25 L’agent négociateur a proposé d’accélérer le droit à un congé annuel et d’accroître le droit au congé annuel après 30 ans de service continu. L’employeur s’est opposé à la proposition, et le conseil a déterminé que la clause 13.2.1 existante demeurera inchangée.

J. Clause 14.4 : Indemnité de départ

26 L’agent négociateur a proposé de retirer les plafonds de l’indemnité de départ pour une mise à pied, une démission, une retraite, un décès, un renvoi en cours de stage et un licenciement pour incapacité ou incompétence. L’employeur s’est opposé à la proposition. Le conseil a déterminé que la clause 14.4 actuelle demeurera inchangée. 

K. Article 20 : Date et durée

27 L’agent négociateur a proposé une durée d’application de deux ans après l’expiration de la plus récente convention collective, ce qui amènerait la date d’expiration au 31 mars 2010. L’employeur a proposé au départ une durée d’application d’un an, mais il a modifié sa proposition lorsqu’il a déposé son mémoire, et il propose maintenant que la convention expire trois ans après l’expiration de la convention la plus récente, soit le 31 mars 2011.

28 L’agent négociateur s’est opposé à la compétence du conseil pour se pencher sur la proposition modifiée de l’employeur. 

29 Les parties n’ont pu s’entendre non plus sur l’interprétation du paragraphe 58(2) de la LRTP et sur l’applicabilité, dans ce cas-ci, du paragraphe 58(1). 

30 Le conseil se penchera d’abord sur l’objection relative à sa compétence.

31 L’agent négociateur a fait valoir que la proposition modifiée de l’employeur ne fait pas partie du mandat du conseil et que, par conséquent, elle est exclue de la compétence de ce dernier. À l’appui de sa position, l’agent négociateur a renvoyé à Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 185-02-300 (19860516) (Groupe de l’enseignement, catégorie scientifique et professionnelle), dans laquelle le conseil d’arbitrage a déterminé qu’il n’avait pas la compétence pour se pencher sur une proposition modifiée dans les cas où la proposition initiale ne faisait pas partie du mandat. 

32 L’employeur, pour sa part, a fait valoir que rien n’empêche le conseil de se déclarer compétent à l’égard de sa proposition modifiée, puisque le mandat comprend les questions qui sont en litige, mais qu’il n’inclut pas les propositions spécifiques. L’employeur a distingué la présente affaire de Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (Groupe de l’enseignement, catégorie scientifique et professionnelle), et fait valoir que, dans cette affaire, la proposition initiale que l’agent négociateur souhaitait modifier se rapportait à une question ne pouvant être incluse dans une convention collective et qui, par conséquent, n’aurait pu faire partie du mandat. En outre, par la voie de la modification recherchée, l’agent négociateur ajoutait une nouvelle question n’ayant pas fait l’objet de négociations. L’employeur a fait valoir que la situation est différente dans la présente affaire, car la proposition modifiée ne vise pas une nouvelle question en litige, mais se rapporte plutôt à une question qui était comprise dans le mandat. À l’appui de cette position, l’employeur a renvoyé le conseil à Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil de recherches médicales du Canada (catégorie du soutien administratif), dossier de la CRTFP 185-11-344 (19910827).   

33 Avec égard, le conseil estime avoir la compétence pour se pencher sur la proposition modifiée de l’employeur. Le mandat du conseil comprend les questions en litige, mais pas les propositions spécifiques comme tel. Le paragraphe 52(1) de la LRTP définit le mandat dans les termes suivants :

52.(1) Sous réserve de l’article 55, le mandat de la Commission, dans le cas d’une demande d’arbitrage, porte sur les questions en litige mentionnées dans les avis prévus par les articles 50 et 51. Après étude de ces questions ainsi que de toute autre question dont elle juge la prise en compte nécessaire à la solution du différend, la Commission rend une décision arbitrale en l’espèce. (Nous soulignons.)

34 Le conseil estime qu’une partie ne peut soumettre une nouvelle question en litige une fois le mandat établi, mais que rien ne l’empêche de modifier sa proposition initiale sur une question faisant partie du mandat. Le conseil est cependant d’avis qu’en analysant le bien-fondé d’une modification, il devrait examiner la justification de la modification, le préjudice causé à l’autre partie, et tout autre facteur qui pourrait être pertinent dans une affaire.

35 Dans la présente affaire, l’employeur a expliqué le raisonnement qui sous-tend sa proposition initiale par le fait que, lorsque les parties ont entamé les négociations, elles étaient en attente d’une décision sur une demande de regroupement d’unités de négociation qu’il avait déposée et que, si celle-ci avait été accueillie, il aurait souhaité faciliter le regroupement en question en coordonnant la date d’expiration des conventions collectives auxquelles il était partie. L’employeur a expliqué en outre que, lorsque la Commission des relations de travail dans la fonction publique a rejeté la demande de regroupement le 23 février 2009, il a cessé de voir l’intérêt de conclure une convention d’un an, d’où sa décision de modifier sa proposition et de suggérer une convention applicable pendant trois ans, ce qui coïnciderait avec la fin de la période de contrôle prévue dans la LCD. L’employeur a fait valoir également que sa proposition initiale et la proposition de l’agent négociateur contreviennent toutes deux au paragraphe 58(2) de la LRTP

36 L’agent négociateur a, pour sa part, allégué que la modification lui cause un préjudice, car il n’a pas eu l’occasion d’adapter ses propositions à la proposition modifiée de l’employeur. Il a également allégué que le retard supplémentaire pour obtenir la présente décision arbitrale occasionné par la mise en œuvre d’un processus de soumissions écrites lui cause préjudice. En ce qui concerne l’argument de l’employeur relatif à la LCD, l’agent négociateur a fait valoir que rien ne justifie que l’échéance de la présente décision arbitrale coïncide avec l’échéance de la période de contrôle prévue dans la LCD. Au contraire, a-t-il ajouté, le législateur n’a pas suspendu toute négociation collective et, s’il avait eu l’intention de geler toute négociation collective, il l’aurait fait comme il l’a fait par le passé. L’agent négociateur a fait valoir également que la LCD accroît même l’importance pour ses membres de reprendre les  négociations le plus rapidement possible et de tenter de négocier des avantages sociaux plus favorables.   

37 Le conseil estime que la raison pour laquelle l’employeur a déposé une proposition modifiée est raisonnable, même s’il croit qu’il aurait été plus prudent pour l’employeur de déposer une proposition subsidiaire à l’ouverture des négociations. D’autre part, le conseil n’accorde pas beaucoup de poids au préjudice que l’agent négociateur allègue subir, puisqu’il a déposé ses propositions, dont la proposition portant sur la durée de la convention collective, sans savoir ce que l’employeur proposerait au chapitre de la durée de la convention collective. En ce qui concerne les retards, le conseil ne les juge pas excessifs.  

38 En ce qui a trait aux arguments respectifs des parties sur l’impact de la LCD, le conseil ne croit pas que l’existence de la LCD ou la durée de la période de contrôle qui y est prévue doive, en soi, déterminer la durée d’application de la décision.  

39 Voyons maintenant l’article 58 de la LRTP, dont voici le texte :

58.(1) La Commission spécifie la durée d’application de chaque décision arbitrale dans le texte de celle-ci. Pour l’établir, elle tient compte :

a) de la durée de la convention collective applicable à l’unité de négociation, qu’elle soit déjà en vigueur ou seulement conclue;

b) si aucune convention collective n’a été conclue :

(i) soit de la durée de toute convention collective antérieure qui s’appliquait à cette unité de négociation,

(ii) soit de la durée de toute autre convention collective qu’elle estime pertinente.

Limitation de la durée d’une décision arbitrale

(2) Toute décision arbitrale rendue sans que soient appliqués les critères énoncés par les alinéas (1)a) ou b) ne peut avoir une durée inférieure à un an ou supérieure à deux ans, à compter du moment où elle lie les parties.

40 Les deux parties conviennent que, si le conseil applique le paragraphe 58(2) de la LRTP, il ne pourra choisir ni la proposition initiale de l’employeur, ni la proposition de l’agent négociateur, parce que toutes deux mèneraient à une décision qui s’appliquerait pendant moins d’un an.

41 Les parties ne s’entendent toutefois pas sur la question de savoir si le conseil devrait appliquer l’alinéa 58(1)b) de la LRTP.

42 L’agent négociateur a fait valoir que le conseil doit d’abord et avant tout prendre en considération les facteurs énumérés au paragraphe 58(1) de la LRTP, et qu’il ne peut se fonder sur le paragraphe 58(2) que s’il en arrive à la conclusion que les facteurs énoncés au paragraphe 58(1) ne s’appliquent pas aux circonstances de l’affaire. L’agent négociateur a fait valoir en outre que, dans la présente affaire, le conseil devrait appliquer le sous-alinéa 58(1)b)(i) et ainsi fixer une durée d’application de deux ans. À l’appui de sa position, il a soutenu que la convention collective la plus pertinente à prendre en considération est la plus récente convention collective conclue entre les parties, dans laquelle celles-ci ont convenu d’une durée d’application de deux ans. L’agent négociateur a également fait valoir que le fait que la décision aurait effet  pendant moins d’un an ne devrait pas être déterminant, puisque c’est ce qui s’était produit la dernière fois, lorsque le conseil d’arbitrage a inclus à sa décision la durée d’application dont les parties avait convenu (31 mars 2008), de sorte que sa décision avait eu effet pour une période de moins de moins de deux mois.

43 En ce qui concerne le sous-alinéa 58(1)b)(i) de la LRTP, l’employeur a fait valoir que la durée de la plus récente convention collective ne démontre aucune tendance, puisque les parties se sont entendues par le passé sur des conventions de deux ans et de trois ans et que, par conséquent, cette disposition ne devrait pas s’appliquer. D’autre part, l’employeur a fait valoir que la convention de trois ans qu’il a conclue avec l’Association des employé(e)s du Service de sécurité est pertinente à l’égard de l’application du sous-alinéa 58(1)b)(ii). Sur ce point, l’agent négociateur a fait valoir que, le conseil ayant rejeté la demande de regroupement des unités de négociation parlementaires, la durée des conventions collectives conclues avec d’autres agents négociateurs ne devrait pas être jugée pertinente.

44 Le conseil estime que, dans la présente affaire, l’alinéa 58(1)b) de la LRTP ne devrait pas s’appliquer. Premièrement, le conseil ne peut constater l’existence d’aucune tendance dans les négociations menées par les parties par le passé, puisque celles-ci ont convenu de conventions de deux ans et de trois ans, et il ne voit pas pourquoi il devrait se fonder uniquement sur la plus récente convention. Deuxièmement, le conseil estime que l’unique convention collective conclue avec un autre agent négociateur parlementaire n’est pas pertinente relativement au sous-alinéa 58(1)b)(ii) de la LRTP.

45 Par conséquent, le conseil estime que le paragraphe 58(2) de la LRTP devrait s’appliquer à l’égard de la présente affaire. Cette disposition prescrit que, lorsque le paragraphe 58(1) ne s’applique pas, une décision arbitrale ne peut avoir une durée inférieure à un an ou supérieure à deux ans à compter du moment où elle lie les parties. Le paragraphe 57(1) prescrit que la décision arbitrale lie les parties à compter du jour où elle est rendue, ou de telle date ultérieure que le conseil peut fixer. L’agent négociateur a proposé, à titre subsidiaire, une durée d’un an à compter de la date de la présente décision, ce qui mènerait à une échéance le 12 novembre 2010.

46 Le conseil a déterminé qu’il convient de fixer la date d’expiration de la présente décision arbitrale au 31 mars 2011. Premièrement, cette date respecte les paramètres énoncés au paragraphe 58(2) de la LRTP et elle survient moins de cinq mois suivant la date d’expiration la plus rapprochée que le conseil peut envisager. Deuxièmement, bien que cela ne soit pas déterminant, la date d’expiration coïncidera avec la fin de la période de contrôle prévue dans la LCD, ce qui signifie que les parties auront l’occasion d’entreprendre leurs négociations sans les restrictions imposées par la LCD.  

47 Le conseil demeurera saisi de cette affaire pendant une période de deux mois au cas où les parties éprouveraient des difficultés à mettre en œuvre la décision arbitrale.

Le 13 novembre 2009

Traduction de la CRTFP

Marie-Josée Bédard
Vice-présidente
Présidente du conseil d’arbitrage

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