Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a contesté son renvoi en cours de stage - l’employeur a soulevé une objection préliminaire concernant la compétence d’un arbitre de grief à instruire le grief - l’employeur a donné une raison de nature professionnelle pour justifier le renvoi en cours de stage, signalant le défaut du fonctionnaire s’estimant lésé de satisfaire aux normes de rendement établies - il incombait au fonctionnaire s’estimant lésé de démontrer que les raisons de son renvoi en cours de stage n’étaient que subterfuge ou camouflage, et que l’employeur a agi de mauvaise foi - le fonctionnaire s’estimant lésé ne s’est pas acquitté de ce fardeau - l’objection a été accueillie. Grief rejeté

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2009-12-14
  • Dossier:  566-02-1631
  • Référence:  2009 CRTFP 175

Devant un arbitre de grief


ENTRE

AHMED MAQSOOD

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de l’Industrie)

employeur

Répertorié
Maqsood c. Conseil du Trésor (ministère de l’Industrie)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Beth Bilson, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Lui-même

Pour l'employeur:
Adrian Bieniasiewicz, avocat

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
du 14 au 16 septembre 2009.
(Traduction de la CRTFP.)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Le 11 avril 2007, Ahmed Maqsood, le fonctionnaire s’estimant lésé (le   « fonctionnaire »), a été renvoyé en cours de stage de son poste d’examinateur principal de marques de commerce à la Direction des marques de commerce de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) à Industrie Canada (l’« employeur »).

2 L’avocat de l’employeur a formulé une objection à ma compétence pour trancher le grief au motif que la nomination pour une période de stage en question était autorisée et définie par la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (« LEFP »). L’article 211 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 2(la « LRTFP »), interdit expressément le renvoi à l’arbitrage de griefs portant sur un licenciement prévu sous le régime de la LEFP. L’avocat de l’employeur a reconnu que l’arbitre de grief serait compétente pour trancher le grief si le renvoi en cours de stage équivalait à « une supercherie ou à du camouflage » et si la décision de renvoyer le fonctionnaire avait été prise de mauvaise foi, comme le prétendait le fonctionnaire. J’ai différé ma décision sur ma compétence en attendant d’avoir attendu la preuve et les argumentations.

II. Résumé de la preuve

A. Pour l’employeur

3 L’employeur a appelé en premier Geneviève Côté-Halverson, gestionnaire des Services d’examen, qui était la supérieure immédiate du fonctionnaire. Mme Côté-Halverson a déclaré que le travail de l’examinateur des marques de commerce consistait à vérifier les demandes d’enregistrement de marques de commerce afin de déterminer si elles satisfont aux conditions d’enregistrement prévues par le règlement et si elles sont conformes au modèle utilisé par la Direction des marques de commerce. Si l’examinateur détermine que des changements sont nécessaires pour enregistrer la marque le commerce, il en avise le demandeur. Les examinateurs évaluent également les demandes modifiées.

4 En février 2006, le fonctionnaire a été avisé (pièce E-19) qu’il avait obtenu le poste d’examinateur principal des marques de commerce de durée indéterminée pour lequel il avait posé sa candidature. Il est entré en fonctions le 8 mai 2006, en même temps qu’une douzaine d’autres nouveaux examinateurs de marques de commerce.

5 Mme Côté-Halverson a décrit le processus de formation et d’évaluation de ces nouveaux employés en fournissant des preuves. Les nouveaux examinateurs de marques de commerce ont reçu de la formation pendant leurs huit premières semaines d’emploi afin de se familiariser avec le contexte technique et les orientations nécessaires pour s’acquitter de leurs fonctions. La période de formation a été suivie d’une période d’un mois durant laquelle les employés ont examiné des demandes en appliquant ce qu’on leur avait enseigné et en se consultant les uns les autres. La qualité de leur travail n’était pas évaluée par les superviseurs à ce moment-là, mais ils étaient invités à poser des questions et à consulter des examinateurs plus expérimentés.

6 Après la formation en classe et dès le début de la « période libre », chacun des nouveaux examinateurs a été jumelé à l’un des quatre encadreurs. À la fin de la « période libre », les encadreurs ont évalué le travail des examinateurs au regard des normes établies dans le document intitulé « [traduction] Normes de rendement des examinateurs de marques de commerce » (pièce E-1). Le document indiquait que les examinateurs devaient examiner un certain nombre de dossiers chaque jour, nombre qui augmentait tout au long de la période de stage et qu’à compter de leur quatrième mois d’emploi leur pourcentage d’erreurs devait se situer en-dessous de 10 %. Le document décrivait également d’autres points qui étaient évalués, dont la « [traduction] bonne compréhension de la Loi et du Règlement sur les marques de commerce », la « [traduction] capacité de gérer efficacement sa charge de travail », les « [traduction] bons rapports avec les collègues, les clients et la direction » et la « [traduction] capacité de garder son calme et de donner un bon rendement dans des situations difficiles ». Les encadreurs étaient jumelés à de nouveaux examinateurs chaque mois afin que chaque stagiaire travaille avec des encadreurs différents, de manière à acquérir diverses perspectives d’évaluation qu’ils pourraient ensuite appliquer à leur travail.

7 Mme Côté-Halverson a indiqué que les examinateurs étaient parfois autorisés à travailler en autonomie avant la fin de leur période de stage, si l’employeur jugeait qu’ils satisfaisaient aux normes établies. Cela avait été le cas de plusieurs membres du groupe auquel appartenait le fonctionnaire. Les autres employés avaient été suivis de près pendant toute la durée de leur période de stage jusqu’au renvoi final du fonctionnaire et d’un autre examinateur.

8 Mme Côté-Halverson a formulé des commentaires sur les rapports que les encadreurs avaient préparés sur le fonctionnaire (pièces E-2 à E-10), en précisant qu’elle avait été incapable de trouver de rapports pour le mois d’octobre 2006. Après avoir examiné les rapports, elle a observé que le fonctionnaire n’avait jamais atteint les objectifs quantitatifs contenus dans les normes de rendement et qu’il n’avait réussi qu’une seule fois à donner un rendement « sans faute », comme le prévoyait la norme.

9 Mme Côté-Halverson a déclaré qu’en septembre 2006, elle avait eu des discussions avec le fonctionnaire, qui était alors encadré par Alexandra Normandin, à propos des problèmes de rendement que les rapports semblaient indiquer. Son objectif, à ce moment-là, était de trouver la source de ses difficultés. Le fonctionnaire avait formulé quelques réserves au sujet de sa relation avec Mme Normandin, qui a été jumelée de nouveau avec lui en octobre 2006. Mme Côté-Halverson avait alors décidé de lui attribuer un autre encadreur, Lynn Pelletier, en octobre.

10 Mme Pelletier a encadré le fonctionnaire pendant deux mois. En prenant connaissance du rapport de novembre 2006, Mme Côté-Halverson a conclu que Mme Pelletier avait apporté quelques changements à ses évaluations après en avoir discuté avec le fonctionnaire, c’est-à-dire qu’elle avait accepté ses explications sur des points qui lui étaient initialement apparus comme des lacunes. En dépit des changements de Mme Pelletier, le fonctionnaire n’atteignait toujours pas les objectifs qualitatifs et quantitatifs fixés.

11 Le fonctionnaire a été jumelé avec un autre encadreur, Crystal Laine, en décembre 2006. Mme Côté-Halverson a déclaré qu’elle avait rencontré le fonctionnaire ce mois-là et qu’elle lui avait expliqué plus clairement en quoi son rendement ne correspondait pas aux attentes. Le fonctionnaire avait été jumelé avec un autre encadreur Roger Hollett, en janvier 2007, et de nouveau avec Mme Laine en février. Les rapports des encadreurs avaient continué de faire état de problèmes de rendement; Mme Côté-Halverson a déclaré qu’elle avait expressément discuté de certains de ces problèmes avec le fonctionnaire. Bien que le fonctionnaire ait déclaré, dans son témoignage, que les formateurs et certains encadreurs lui avaient dit que les normes de rendement n’étaient pas importantes et qu’il ne devait pas se préoccuper des objectifs quantitatifs, Mme Côté-Halverson a soutenu que cela n’était pas conforme à la pratique dans le cas des stagiaires. Il était impossible que des encadreurs aient dit au fonctionnaire de ne pas faire de cas des normes de rendement quand l’incapacité du fonctionnaire d’atteindre les objectifs quantitatifs revenait comme un leitmotiv dans leurs rapports.

12 En mars 2007, Mme Côté-Halverson a conclu qu’il lui fallait adopter une autre approche. Elle a attribué au fonctionnaire cinq demandes par jour dans le lot de celles qu’il avait choisies en lui demandant de les lui remettre à la fin de chaque journée. L’idée était d’en discuter avec lui par la suite et de lui faire expliquer le processus d’analyse qu’il avait appliqué pour évaluer chaque demande. Quand on lui a demandé, en contre-interrogatoire, si elle cherchait à rabaisser le fonctionnaire ou à le distinguer des autres en prenant en charge son encadrement et en imaginant un processus différent de celui qu’il appliquait, elle a répondu qu’elle cherchait à trouver la cause des problèmes qui l’empêchaient de donner un bon rendement. Pour lui apporter l’aide dont il avait besoin, elle devait comprendre comment il abordait le processus d’examen. Cependant, la première fois qu’elle avait rencontré le fonctionnaire pour appliquer le nouveau processus, il lui avait dit qu’il n’était pas à l’aise avec cette façon de procéder et qu’il voulait en discuter avec Lisa Power, chef de la direction. Après l’abandon prématuré du nouveau processus, on avait cessé d’attribuer de nouveaux dossiers au fonctionnaire, mais il avait pu continuer à traiter ceux qu’il avait déjà en mains. Mme Côté-Halverson a déclaré que durant la discussion qu’elle avait eue avec le fonctionnaire à ce moment-là, elle avait tenté de lui faire comprendre à quel point sa situation était précaire et de faire ressortir le lien qui existait entre la conclusion de l’employeur qu’il ne satisfaisait pas aux normes de rendement et la décision finale de mettre fin ou non à sa période de stage. Elle avait tenté, auparavant, de lui prodiguer des conseils positifs et des encouragements pour l’aider à atteindre les normes, mais il était devenu nécessaire de bien lui faire comprendre qu’il risquait de perdre son emploi.

13 À l’issue d’une réunion avec Mme Power pour discuter des problèmes de rendement du fonctionnaire, elle avait décidé qu’il devait être renvoyé en cours de stage. Mme Côté-Halverson a signé la lettre avisant le fonctionnaire de son renvoi, le 11 avril 2007, alors qu’elle remplaçait brièvement Mme Power par intérim.

14 Mme Power a également témoigné pour le compte de l’employeur. Elle a déclaré qu’elle avait discuté à trois ou quatre reprises du rendement du fonctionnaire avec Mme Côté-Halverson et qu’elle avait pris connaissance des rapports des encadreurs. Elle avait également eu trois rencontres avec le fonctionnaire, qui lui avait dit qu’il croyait que son rendement n’était pas évalué correctement. Elle a déclaré que le fonctionnaire avait été renvoyé parce que son rendement était insatisfaisant et uniquement pour cette raison. Elle avait discuté, avec le personnel des ressources humaines, du projet de lettre visant à aviser le fonctionnaire de son renvoi en cours de stage et autorisé qu’on l’envoie en son nom.

B. Pour le fonctionnaire

15 Le fonctionnaire a témoigné pour son compte. Il a décrit ses antécédents professionnels, notamment ses emplois comme enseignant et comme officier militaire. Il a déclaré qu’il avait songé à poser sa candidature à des postes de direction dans l’administration fédérale, mais qu’on lui avait dit qu’il avait peu de chances de succès en raison des exigences linguistiques. Il avait posé sa candidature au poste d’examinateur de marques de commerce parce que c’était un bon moyen d’être admis dans la fonction publique; il espérait améliorer ses connaissances linguistiques afin d’obtenir des postes de niveau supérieur.

16 Le fonctionnaire a déclaré qu’on avait commencé à lui faire la vie difficile dès son arrivée à la Direction des marques de commerce. Il était rapidement devenu évident que ses supérieurs, et plus particulièrement Mme Côté-Halverson, cherchaient des raisons de se débarrasser de lui et de l’empêcher de terminer sa période de stage avec succès.

17 La période de formation de huit semaines avait été pénible pour lui à cause de ses troubles médicaux. On avait fini par lui trouver un fauteuil adéquat, mais cela avait pris un certain temps, et le premier formateur l’avait autorisé à quitter la salle à intervalles réguliers pour faire des exercices d’étirement et alléger son inconfort. Le formateur suivant l’avait toutefois obligé à demander la permission chaque fois qu’il voulait sortir de la classe; c’était gênant et discriminatoire. Il en avait parlé à Mme Côté-Halverson, qui lui avait dit que chaque formateur avait le droit d’établir ses règles dans la classe. Le fonctionnaire a déclaré que les autres l’avaient aussi tourné en ridicule durant cette période parce qu’il avait refusé des friandises offertes par le formateur et qu’il avait trouvé cela embarrassant. Il a expliqué qu’il est un musulman pratiquant et qu’il ne savait pas ce que contenaient les friandises. Les autres stagiaires avaient ri de lui et lui avaient dit : « [traduction] Tu n’en mourras pas. »

18 Un autre incident est survenu durant la période de formation, après que le formateur eut abordé la question de la recherche. Curieux d’en savoir plus, il avait demandé à un membre du personnel de la Direction à qui il pouvait s’adresser pour obtenir de l’information sur le processus de recherche. On lui avait donné le nom d’une personne, qu’il avait rencontrée, sans savoir qu’il s’agissait d’un des hauts dirigeants de la Direction. Un des encadreurs, Mme Normandin, lui avait reproché d’avoir agi de la sorte. Elle lui avait dit qu’il aurait dû consulter son superviseur ou l’un des encadreurs avant d’aller plus loin. Il s’était senti intimidé et il avait cru que Mme Normandin était offusquée parce qu’il ne s’était pas adressé à elle pour obtenir réponse à ses questions.

19 Le fonctionnaire s’est érigé en faux contre le témoignage de Mme Côté-Halverson selon lequel M. Hollett avait été désigné pour l’encadrer à la fin de sa période de formation de huit semaines. Il a déclaré que les stagiaires avaient en fait été informés qu'ils pouvaient consulter n’importe quel encadreur. Ils ne savaient pas qui allait examiner leurs dossiers, ce qu’il trouvait très déconcertant.

20 Le fonctionnaire a déclaré qu’au terme de sa période de formation, il comprenait parfaitement bien le processus d’examen des dossiers. Il a refusé d’admettre que les normes de rendement écrites contenaient des objectifs explicites. Il a nié que les notes attribuées par les encadreurs au regard des normes établies représentaient une évaluation juste et équitable de son rendement réel. À propos des rapports des encadreurs, il s’est dit en désaccord avec une bonne partie des observations indiquant que son travail comportait des lacunes. Il a déclaré que ses divergences d’opinion avec les encadreurs portaient souvent sur des « zones grises » et que dans ces cas-là son appréciation était tout aussi valable que la leur; de plus, cela n’aurait pas dû être utilisé comme une indication que son rendement n’était pas satisfaisant. Le fonctionnaire m’a remis des documents (pièces G-1 à G-14) qui prétendaient démontrer que son pourcentage d’erreurs était faible dans les faits. Il a déclaré que les formateurs et les encadreurs lui avaient toujours dit de mettre l’accent sur la qualité et de ne pas se préoccuper des objectifs quantitatifs.

21 Le fonctionnaire a soutenu que Mme Côté-Halverson et Mme Normandin l’avaient pris en grippe dès le début et qu’elles avaient exercé énormément de pression sur lui pour qu’il atteigne les normes fixées. Il avait bien tenté de leur expliquer comment il procédait pour évaluer certains dossiers, mais elles avaient refusé de l’écouter. Il croyait qu’elles cherchaient à prouver qu’il était incompétent. Quand il leur avait proposé des interprétations différentes des critères utilisés pour évaluer les demandes, elles les avaient balayées du revers de la main. Durant une réunion avec Mme Côté-Halverson et Mme Normandin, en septembre ou en octobre 2006, Mme Côté-Halverson « avait beaucoup haussé le ton » et quand il avait contesté l’interprétation d’un terme, elle avait « lancé » le dossier et quitté la pièce.

22 Le fonctionnaire a indiqué que sa relation avec Mme Pelletier et avec Mme Laine était un peu plus harmonieuse. En fait, en novembre et en décembre 2006, Mme Pelletier et Mme Laine lui avaient l’une et l’autre dit qu’il s’était beaucoup amélioré; Mme Pelletier lui avait même dit, se rappelait-il, qu’il « [traduction] a[vait] de bonnes chances d’atteindre les objectifs ».

23 En janvier 2007, M. Hollett a été désigné pour encadrer le fonctionnaire. Selon le fonctionnaire, M. Hollett a attendu à la toute fin du mois pour lui donner de la rétroaction sur son travail. Ils avaient discuté ensemble de certains dossiers, mais le fonctionnaire n’avait pas jugé cela très utile. Par exemple, M. Hollett lui avait expliqué qu’il devait rédiger les lettres d’une certaine manière. Le fonctionnaire avait répondu que c’était essentiellement comme cela qu’il rédigeait les lettres et cela avait offusqué M. Hollett. En janvier 2007, Mme Côté-Halverson avait eu une discussion avec lui durant laquelle elle lui avait dit qu’il n’atteignait toujours pas les normes de rendement et que son pourcentage d’erreurs était élevé. Il avait attiré l’attention sur le fait que Mme Laine l’avait félicité pour avoir amélioré la qualité de son travail. Quelques jours plus tard, il avait croisé Mme Côté-Halverson dans le corridor; elle lui avait dit que Mme Laine lui avait mentionné que son pourcentage d’erreurs s’était amélioré et qu’elle trouvait cela encourageant.

24 Au début de janvier 2007, le fonctionnaire a fait observer à Mme Côté-Halverson que certains des examinateurs qui avaient commencé en même temps que lui travaillaient maintenant en autonomie, sans être obligés de soumettre leurs dossiers aux encadreurs. Il lui avait dit qu’il se sentait prêt à passer à cette étape et qu’on devrait l’autoriser à travailler en autonomie. Mme Côté-Halverson avait formulé l’avis qu’il devait saisir l’occasion de recevoir de la rétroaction de tous les encadreurs et qu’il était préférable qu’il continue d’être encadré par M. Hollett jusqu’à la fin de janvier.

25 Le fonctionnaire a déclaré que Mme Côté-Halverson s’était emportée contre lui, en janvier 2007, parce qu’il critiquait M. Hollett et qu’elle l’avait accusé de remettre en cause « l’intégrité des encadreurs ». Dans son témoignage, Mme Côté-Halverson a déclaré qu’elle n’avait pas discuté de ce point particulier avec le fonctionnaire, mais qu’elle avait eu une rencontre avec tous les stagiaires parce qu’elle avait entendu dire qu’ils se plaignaient entre eux de ne pas être évalués équitablement par les encadreurs. Elle les avait avisés que leurs allégations étaient graves et qu’ils devaient s’abstenir de se livrer à ce genre de discussions.

26 En mars 2007, Mme Côté-Halverson a informé le fonctionnaire qu’elle prenait en charge son encadrement. Le fonctionnaire avait observé qu’il s’estimait prêt, de toute façon, à travailler en autonomie, mais que s’il avait besoin d’un encadreur, il pouvait s’adresser à l’un des quatre autres. Il avait ajouté qu’il trouvait discriminatoire d’être le seul stagiaire que Mme Côté-Halverson encadrait directement. Mme Côté-Halverson lui avait dit qu’elle s’attendait à recevoir cinq dossiers à la fin de chaque journée et qu’elle en discuterait avec lui.

27 Le fonctionnaire a dit que l’un des aspects de ce processus qu’il trouvait difficile à accepter relevait du fait que Mme Côté-Halverson choisissait elle­-même les dossiers au lieu de les lui laisser choisir lui-même comme on le faisait pour les autres employés. Mme Côté-Halverson a déclaré pour sa part dans son témoignage que le fonctionnaire avait le loisir de choisir un lot de dossiers de la manière habituelle et que son rôle à elle se limitait à les classer en groupes de cinq et à lui demander d’examiner ces cinq dossiers en une journée. Le fonctionnaire a également dit que Mme Côté-Halverson lui avait demandé, le premier jour, devant d’autres employés, pourquoi il ne lui avait pas encore remis les dossiers et qu’il avait trouvé cela gênant.

28 Le lendemain, le fonctionnaire avait eu une rencontre avec Mme Côté-Halverson pour discuter des dossiers. Elle lui avait demandé d’expliquer pourquoi il avait procédé d’une certaine manière. Selon le fonctionnaire, Mme Côté-Halverson avait déclaré ceci : « [traduction] Il faut que je vérifie comment ça fonctionne dans ta tête ». Le fonctionnaire avait trouvé cette remarque offensante et injurieuse. Mme Côté-Halverson avait ajouté qu’il devait suivre ses consignes à la lettre et que s’il refusait d’obéir, cela pourrait avoir de graves conséquences pour son emploi. Le fonctionnaire a déclaré qu’il voulait rencontrer Mme Power et qu’il avait pris rendez-vous avec elle. Il avait examiné un certain nombre de dossiers supplémentaires, mais Mme Côté-Halverson lui avait dit qu’elle n’avait pas l’intention de lui en attribuer d’autres tant qu’il refusait d’appliquer le processus qu’elle lui avait expliqué.

29 Mme Power avait formulé l’opinion que Mme Côté-Halverson tentait de trouver un moyen d’évaluer le rendement du fonctionnaire. Il s’était plaint du fait que Mme Côté-Halverson n’encadrait personne d’autre que lui, ce qu’il trouvait offensant. Il avait également affirmé que son rendement allait de mieux en mieux en citant les propos de Mme Laine. Il avait été « estomaqué » de découvrir, en prenant connaissance des rapports de Mme Laine, qu’elle indiquait qu’il n’atteignait toujours pas l’objectif établi en matière de pourcentage d’erreurs. Il avait demandé à Mme Power si ses dossiers pouvaient être réexaminés par quelqu’un de l’extérieur de l’OPIC, mais sa demande avait été rejetée.

30 Le fonctionnaire a eu des réunions avec d’autres cadres supérieurs du ministère afin de les convaincre d’intervenir. Cela lui a notamment valu une nouvelle rencontre avec Mme Power, qui l’a alors avisé de son renvoi en cours de stage.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

31 L’avocat de l’employeur défend la position que l’arbitre de grief nommé sous le régime de la LRTFP n’a pas compétence pour instruire un grief de renvoi en cours de stage. Ce type de grief vise essentiellement à contester la décision de renvoyer un stagiaire qui ne satisfait pas aux normes de rendement que l’employeur est parfaitement en droit d’établir.

32 L’article 209 de la LRTFP prévoit ceci :

[…]

209.(1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

[…]

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

[…]

33 L’avocat de l’employeur observe par ailleurs que l’article 211 de la LRTFP exclut expressément le droit conféré par l’article 209 dans le cas d’une cessation d’emploi sous le régime de la LEFP et que l’article 62 de la LEFP prévoit expressément le renvoi d’un employé en cours de stage dans ce cas-ci.

34 L’avocat de l’employeur avance que l’employeur dispose d’une grande marge d’appréciation pour mettre fin à l’emploi d’un fonctionnaire durant une période de stage et que cela s’accorde avec le fait que le fonctionnaire n’a pas le statut d’employé permanent durant la période de stage. Dans (Procureur général) c. Penner, [1989] 3 C.F. 429 (C.A.), la Cour d’appel fédérale a observé ceci :

[…]

[…] Comme l'a dit le juge J. Heald [[1977] 1 C.F. 91 (C.A.), sous l'intitulé Procureur général du Canada c. Commission des relations de travail dans la Fonction publique, à la page 100], dont les propos ont été approuvés par le juge de Granpré dans ses motifs de l'arrêt Jacmain (à la page 37), l'article 28 [aujourd’hui l’article 62 de la LRTFP] vise entièrement à permettre à l'employeur d'apprécier l'aptitude d'un employé à occuper un emploi. Si l'employeur conclut durant cette période que l'employé ne présente pas les qualités requises, il peut alors le renvoyer sans que celui-ci ait la possibilité de recourir à l'arbitrage.

[…]

35 Le représentant de l’employeur a admis que quoique le droit de l’employeur de renvoyer un employé en cours de stage soit assujetti à l’obligation d’agir de bonne foi, la charge qui incombe au fonctionnaire qui souhaite démontrer que la décision était une « supercherie » est extrêmement lourde. Or, le fonctionnaire n’a pas réussi à prouver que l’employeur n’était pas arrivé de bonne foi à la conclusion qu’il n’atteignait pas les normes de rendement établies.

B. Pour le fonctionnaire

36 Le fonctionnaire soutient qu’il n’a jamais été évalué de manière adéquate. Le document établissant les normes de rendement était une « supercherie », que ceux qui voulaient se débarrasser de lui ont trafiqué, de manière à ce qu’il ne puisse pas être confirmé dans ses fonctions. Dans bien des cas, les encadreurs ont refusé les explications qu’il fournissait dans le cadre de ses évaluations; ils ont aussi consigné bon nombre de ses appréciations comme des erreurs pour la simple raison qu’ils n’acceptaient pas ses interprétations. Dans certains cas, les encadreurs —, surtout Mme Normandin et M. Hollett —, lui ont manifesté ouvertement de l’hostilité et il est devenu évident, dès le début de sa relation avec Mme Côté-Halverson, qu’elle cherchait à se débarrasser de lui. Le fonctionnaire soutient que la décision de le renvoyer en cours de stage n’a pas été prise de bonne foi et que l’arbitre de grief a dès lors compétence pour accueillir le grief et pour le réintégrer dans ses fonctions.

IV. Motifs

37 L’argumentation et la jurisprudence soumises pour le compte de l’employeur établissent clairement les principes juridiques régissant la compétence des arbitres de grief sous le régime de la LRTFP. Comme il a été indiqué plus tôt, les tribunaux reconnaissent que les décisions concernant les fonctionnaires en stage ne reposent pas nécessairement sur les mêmes motifs que celles concernant les fonctionnaires permanents. Bien que l’employeur soit obligé de prendre la décision de renvoyer un fonctionnaire en cours de stage de bonne foi, il lui suffit de démontrer que le renvoi a été décidé pour un motif lié à l’emploi plutôt que pour un « motif déterminé valable » comme cela est nécessaire dans de nombreux autres cas de licenciement. Dans Canada (Procureur général) c. Leonarduzzi, 2001 CFPI 529, la Cour fédérale a déclaré ceci :

[…]

[37] […] l’employeur n’a pas à produire une preuve prima facie d’un motif déterminé valable, mais seulement à produire un minimum de preuve que le renvoi est lié à l’emploi et non à un autre motif.

[…]

Les décisions de la Commission des relations de travail dans la fonction publique dénotent cette compréhension de la nature de l’obligation qui incombe à l’employeur dans le cas d’un renvoi en cours de stage; voir, par exemple, les affaires Ondo-Mvondo c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2009 CRTFP 52, et Owens c. Conseil du Trésor (Gendarmerie royale du Canada), 2003 CRTFP 33. Dans l’affaire Wright c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2005 CRTFP 139, l’arbitre de grief a observé ceci :

[…]

[76] […] Comme je l’ai mentionné précédemment, l’employeur n’a pas à prouver que toutes les raisons qu’il a énumérées pour renvoyer le fonctionnaire en cours de stage sont bien fondées; il n’a qu’à prouver l’existence d’un motif lié à l’emploi […]

[…]

Par conséquent, même si l’employeur commet des erreurs en tirant les conclusions qui l’amènent à décider de renvoyer un employé en cours de stage, le renvoi ne sera pas susceptible de contestation si les motifs de sa décision sont liés à l’emploi.

38 Dans les cas où l’employeur avance un motif lié à l’emploi — dans ce cas-ci, l’incapacité du fonctionnaire d’atteindre les normes de rendement établies — il incombe au fonctionnaire de démontrer que les motifs du renvoi en cours de stage équivalent à une « supercherie ou à du camouflage » et que l’employeur a agi de mauvaise foi. Comme il est indiqué dans l’affaire Owens, au paragraphe 74, la charge est très lourde pour le fonctionnaire, car il doit démontrer non pas qu’une autre décision aurait pu être prise, mais que l’employeur a simplement imaginé le motif lié à l’emploi pour camoufler des raisons qui n’avaient aucun rapport avec sa capacité à accomplir le travail.

39 Je conclus que le fonctionnaire n’a pas démontré que la décision de l’employeur de le renvoyer en cours de stage avait été prise de mauvaise foi. L’employeur a établi des normes de rendement, y compris des objectifs quantitatifs et qualitatifs, pour évaluer les progrès réalisés durant la période de stage. Les stagiaires devaient démontrer qu’ils étaient capables d’accomplir le travail avec de plus en plus de compétence et les encadreurs évaluaient fréquemment dans quelle mesure leur rendement était conforme aux normes établies. Le travail de chaque stagiaire était évalué par plusieurs encadreurs afin de tenir compte de leurs différents points de vue, le cas échéant.

40 Une des choses qui ressort du témoignage du fonctionnaire est qu’il refuse d’admettre que les normes de rendement établies par l’employeur constituaient un moyen efficace d’évaluer ses progrès. En plus de remettre en question l’utilité de l’encadrement reçu, il soutient que les évaluations contenues dans les rapports des encadreurs ne correspondaient pas à la réalité.

41 Le fonctionnaire a été invité, tout au long de la période de stage, à discuter avec les encadreurs des critiques qu’ils formulaient à propos de ses appréciations, ce qu’il a fait à plusieurs reprises. La plupart du temps, il était en désaccord avec leurs points de vue.

42 L’employeur est en droit de définir les critères au regard desquels la capacité du stagiaire d’accomplir le travail sera évaluée, de même que d’établir le processus servant à déterminer s’il satisfait à ces critères. Dans ce cas-ci, l’employeur a établi des critères écrits; il a également utilisé la formule de l’encadrement pour donner de la rétroaction aux stagiaires et évaluer leurs progrès au regard de ces critères. Je rejette l’argument du fonctionnaire selon lequel les normes étaient inutiles ou n’établissaient pas de critères compréhensibles pour apprécier les progrès des stagiaires.

43 En dépit du fait que les normes n’ont pas été appliquées de façon rigide et qu’elles comportaient des critères qualitatifs visant à évaluer des caractéristiques plus abstraites, je ne crois pas que le fonctionnaire se soit fait dire de ne pas « se préoccuper » des critères quantitatifs. À en juger par le contenu des premiers rapports des encadreurs et les discussions qu’il a eues avec Mme Côté-Halverson, il est évident que son apparente incapacité à traiter le nombre de dossiers exigé préoccupait la direction. Le fonctionnaire conteste le nombre de dossiers qui ont été comptés en septembre 2006, mais même en admettant que le rapport de septembre contenait des erreurs, la preuve révèle que le nombre de dossiers traités par le fonctionnaire demeurait insuffisant.

44 Le fonctionnaire a tenté de démontrer que les pourcentages d’erreurs consignés dans les rapports étaient erronés en produisant des documents qui prétendaient montrer que ses appréciations étaient justifiées et que celles des encadreurs ne l’étaient pas. Je suis certaine qu’il y a eu des cas où les encadreurs ont accepté les appréciations du fonctionnaire après en avoir discuté avec lui, mais il reste qu’ils avaient la responsabilité ultime de déterminer si le fonctionnaire satisfaisait aux normes de rendement établies. Dans de nombreux cas, ils ont conclu qu’il avait commis des erreurs. Le fonctionnaire n’aide pas sa cause en proclamant qu’il avait raison et que les encadreurs avaient tort. Entre autres choses, il est difficile de croire que son appréciation de nombreux points était plus juste que celle de plusieurs employés chevronnés ayant de l’expérience dans le domaine des marques de commerce. Cela dit, la question que je dois trancher ici n’est pas de savoir si l’employeur a commis des erreurs d’appréciation, mais plutôt s’il y a des indices que la décision de renvoyer le fonctionnaire en cours de stage a été prise de mauvaise foi.

45 Le fonctionnaire allègue que Mme Côté-Halverson l’a pris en grippe dès son arrivée et qu’elle était déterminée à trouver un moyen de se débarrasser de lui. Au soutien de cette prétention, il mentionne qu’il s’est plaint auprès d’elle que le formateur l’obligeait à demander la permission pour quitter la salle de classe et qu’il trouvait cela offensant et gênant au vu de ses troubles médicaux. Mme Côté-Halverson avait refusé d’intervenir en disant que le formateur avait le droit d’établir les règles qu’il voulait dans sa classe. Peut-être que Mme Côté-Halverson aurait pu réagir d’autres façons dans ce cas-là, mais cela dit, je ne trouve rien de répréhensible dans la réponse qu’elle a donnée au fonctionnaire. Règle générale, le formateur décide des règles qui s’appliquent dans sa classe; au demeurant, le fonctionnaire n’a pas indiqué s’il avait expliqué au formateur les raisons pour lesquelles il était en désaccord avec ses règles.

46 Au soutien de son argument que Mme Côté-Halverson l’avait pris en grippe et qu’elle cherchait à se débarrasser de lui, le fonctionnaire a donné comme exemple la réunion à laquelle elle l’avait convoqué, en mars 2007, pour lui annoncer qu’elle avait décidé d’utiliser une nouvelle méthode d’évaluation consistant à discuter d’un certain nombre de dossiers avec lui. Elle lui avait dit qu’elle prenait son encadrement en charge et que les discussions se tiendraient avec elle. Il avait trouvé cela choquant et humiliant, notamment parce que personne d’autre que lui n’était assujetti à ce traitement. Mais surtout, elle lui avait demandé de justifier ses appréciations en lui disant qu’elle avait « [traduction] besoin d’entrer dans sa tête ». Il avait refusé d’être soumis à ce genre d’« encadrement ».

47 Mme Côté-Halverson a déclaré pour sa part, dans son témoignage, qu’il était devenu manifeste que la méthode habituelle d’encadrement ne donnait pas les résultats escomptés dans le cas du fonctionnaire et de quelques autres stagiaires. La période de stage tirant à sa fin, elle avait décidé qu’il fallait adopter une nouvelle approche pour les aider à terminer leur stage avec succès. Elle s’était dit qu’en essayant de leur faire expliquer comment ils analysaient les dossiers, on pourrait peut-être leur apporter l’aide dont ils avaient besoin pour modifier leurs façons de procéder et pour atteindre les normes établies. Elle avait décidé de se charger de l’encadrement du fonctionnaire parce qu’il avait critiqué les rapports de ses encadreurs.

48 Je ne suis pas d’accord pour dire que Mme Côté-Halverson nourrissait un mauvais dessein en prenant cette décision. Elle a décidé de prendre le fonctionnaire sous son aile après avoir constaté que son rendement était bien en-deçà des attentes et que ses relations avec les autres encadreurs étaient parfois difficiles. C’était une tentative ultime de sa part pour l’aider à atteindre les objectifs avant la fin de la période de stage. J’ignore si elle a vraiment dit qu’elle voulait « [traduction] entrer dans sa tête » en ces termes, mais je suis convaincue que son objectif n’était pas d’exercer un quelconque contrôle mental sur le fonctionnaire, mais plutôt de comprendre le processus d’analyse qu’il appliquait pour examiner les dossiers. En disant au fonctionnaire qu’il devait lui obéir, elle faisait un effort légitime pour le sensibiliser aux conséquences d’un refus d’obtempérer à une demande légitime de l’employeur. En refusant d’obéir à la directive et d’expliquer comment il examinait les dossiers, le fonctionnaire réduisait à néant une tentative pour comprendre et évaluer son travail. Privée de cette information, Mme Côté-Halverson ne disposait plus que des rapports écrits et oraux des encadreurs pour évaluer le rendement du fonctionnaire. Il n’est donc pas surprenant qu’elle en soit arrivée à la décision de renvoyer le fonctionnaire en cours de stage.

49 Le fonctionnaire a déclaré que la façon dont Mme Côté-Halverson et certains des encadreurs, particulièrement M. Hollett et Mme Normandin, agissaient avec lui était révélatrice de l’hostilité fondamentale qu’ils nourrissaient envers lui. D’après les témoignages que j’ai entendus, il y a certainement eu des moments où Mme Côté-Halverson et d’autres ont eu des mouvements d’impatience à l’endroit du fonctionnaire et lui ont parlé sans ménagements. Je ne suis toutefois pas prête à dire qu’ils nourrissaient de l’hostilité à son endroit au sens où ils souhaitaient le voir partir de la Direction. Dans les situations décrites par le fonctionnaire, il avait contesté leur autorité et leur jugement ou rejeté leurs conseils ou encore il les avait accusés de ne pas être justes envers lui. On peut comprendre, dans ces cas-là, qu’ils aient réagi avec impatience. Cela ne les a cependant pas empêchés de continuer de lui prodiguer des conseils pour l’aider à améliorer son rendement et à atteindre les normes. Mme Côté-Halverson a fait une ultime tentative en mars 2007. Le fonctionnaire a manifestement interprété ce dernier effort comme une nouvelle preuve de l’aversion qu’il lui inspirait, mais j’ai conclu qu’il s’agissait d’une tentative sincère pour déterminer s’il y avait encore moyen de l’aider à atteindre les normes de rendement.

50 Le fonctionnaire a également mentionné divers incidents qu’il considérait comme des preuves d’une attitude discriminatoire à l’égard de ses croyances religieuses ou de son origine ethnique. Cette allégation est d’ailleurs contenue dans son grief et il en a avisé la Commission canadienne des droits de la personne conformément aux règles établies dans les cas où un grief soulève une question de discrimination sous le régime de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Certains commentaires de ses collègues qu’il a décrits me donnent à penser qu’ils ont sans doute été formulés de manière irréfléchie ou inconsidérée bien que certains des exemples semblent témoigner davantage d’une curiosité sincère et bien intentionnée de la part de ses collègues. Quoi qu’il en soit, rien ne me permet de croire que l’une ou l’autre des personnes qui étaient responsables d’encadrer le travail du fonctionnaire ou d’évaluer son rendement a participé aux incidents, ou était présent à ces moments-là ou encore était au courant ou aurait dû être au courant des actes que le fonctionnaire juge répréhensibles.

51 Je conclus que le fonctionnaire n’a pas démontré que l’employeur avait agi de mauvaise foi. Il s’ensuit que je n’ai pas compétence pour trancher le grief.

52 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

53 L’objection de l’employeur à ma compétence est accueillie.

54 Le grief est rejeté.

Le 14 décembre 2009.

Traduction de la CRTFP.

Beth Bilson,
arbitre de grief

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