Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a d’abord demandé un congé non rémunéré de trois mois pour s’occuper de sa famille immédiate - l’employeur a rejeté sa première demande - le fonctionnaire s’estimant lésé a ensuite demandé un congé non rémunéré d’une durée d’un an pour le même motif - l’employeur a rejeté sa seconde demande - après discussion avec son superviseur, le fonctionnaire s’estimant lésé a demandé un congé rémunéré de 58 mois pour le même motif - l’employeur a approuvé sa troisième demande - le fonctionnaire s’estimant lésé a ensuite contesté le rejet de sa première demande et demandé à être indemnisé au titre de la rémunération et des avantages perdus, à partir de la date à laquelle il aurait repris le travail si l’employeur avait approuvé sa première demande - au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, l’employeur a admis qu’il avait contrevenu à la convention collective en rejetant la première demande, mais sans accorder de réparation - le fonctionnaire s’estimant lésé a alors informé l’employeur qu’il désirait demeurer en congé non rémunéré - lors de l’arbitrage, le fonctionnaire s’estimant lésé a demandé à être indemnisé au titre de la rémunération et des avantages perdus, à partir de la date à laquelle il aurait repris le travail si l’employeur avait approuvé sa première demande, jusqu’à la date à laquelle l’employeur avait répondu à son grief au dernier palier de la procédure de règlement des griefs - l’arbitre de grief a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas clairement tenté de reprendre le travail à la fin de ses trois premiers mois de congé et que l’employeur ne l’avait pas empêché de reprendre le travail à ce moment-là - l’arbitre de grief a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé était en congé non rémunéré, à sa demande, durant la période visée par sa réclamation - l’employeur a admis qu’il avait contrevenu à la convention collective et cela était suffisant dans les circonstances. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2009-11-27
  • Dossier:  166-02-35326
  • Référence:  2009 CRTFP 158

Devant un arbitre de grief


ENTRE

THOMAS ROBIN HYLAND

Fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Agence des services frontaliers du Canada)

Employeur

Répertorié
Hyland c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada)

Affaire concernant un grief renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Michèle A. Pineau, arbitre

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Daniel Fisher, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Neil McGraw, avocat

Affaire entendue à Lethbridge (Alberta),
le 4 novembre 2009.

I. Grief renvoyé à l’arbitrage

1 Le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), Thomas Robin Hyland, occupait un poste d’agent de citoyenneté et d’immigration au bureau de Coutts (Alberta) du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration. À compter du 12 décembre 2003, conformément au paragraphe 2(a) de la Loi sur les restructurations et les transferts d'attributions dans l'administration publique, L.R.C., 1985, ch. P-34, les activités du Ministère reliées à l’exécution de la loi ont été transférées à l’Agence des services frontaliers du Canada (« ASFC ») : TR/2003-215. L’intitulé de la présente cause a donc été modifié en conséquence.

2 Le 30 décembre 2003, le fonctionnaire a sollicité un congé non payé pour s’occuper de sa proche famille entre le 27 janvier et le 21 avril 2004, en vertu du paragraphe 41.03 de la convention collective signée le 19 novembre 2001 par le Conseil du Trésor (l’« employeur ») et l’Alliance de la Fonction publique du Canada, pour l’unité de négociation du groupe Services des programmes et de l'administration (la « convention collective »). Le paragraphe 41.03 de la convention collective se lit comme suit :

[…]

ARTICLE 41
CONGÉ NON PAYÉ POUR S’OCCUPER DE LA PROCHE FAMILLE

[…]

41.02 Aux fins de l'application du présent article, la famille s'entend de l'époux (ou du conjoint de fait qui demeure avec l'employé-e), des enfants (y compris les enfants nourriciers ou les enfants de l'époux ou du conjoint de fait), du père et de la mère (y compris le père et la mère par remariage ou les parents nourriciers), ou de tout autre parent demeurant en permanence au domicile de l'employé-e ou avec qui l'employé-e demeure en permanence.

41.03 Sous réserve du paragraphe 41.02, l'employé-e bénéficie d'un congé non payé pour s'occuper de la proche famille, selon les conditions suivantes :

a) l'employé-e en informe l'Employeur par écrit, aussi longtemps à l'avance que possible mais au moins quatre (4) semaines avant le début d'un tel congé, sauf en cas d'impossibilité en raison de circonstances urgentes ou imprévisibles;

b) le congé accordé en vertu du présent article sera d'une durée minimale de trois (3) semaines;

c) la durée totale des congés accordés à l'employé-e en vertu du présent article ne dépassera pas cinq (5) ans pendant la durée totale de son emploi dans la fonction publique;

d) le congé accordé pour une période d'un (1) an ou moins doit être prévu de manière à assurer la prestation de services continus.

[…]

3 Le congé sollicité a été refusé le 7 janvier 2004, et le fonctionnaire a déposé le grief suivant le 6 février 2004 :

[…]

[Traduction] Le 30 décembre 2003, j’ai fait une demande de « Congé non payé pour s’occuper de la proche famille », conformément au paragraphe 41.03 de la convention collective, pour la période comprise entre le 27 janvier 2004 et le 21 avril 2004. S.D. HAUGEN, gestionnaire du Centre d’Immigration Canada à Coutts, en Alberta, a refusé cette demande de congé le 7 janvier 2004.

[…]

Le fonctionnaire demande l’application des mesures correctives suivantes :

[Traduction] Que –

[…]

1) la conduite abusive de l’employeur soit établie.

2) le congé demandé soit approuvé.

3) je réintègre mon poste d’attache au CIC de Coutts, si jamais l’employeur décidait de doter mon poste.

4) je reçoive un salaire rétroactif (y compris des heures supplémentaires pour les congés fériés désignés) et tous les autres crédits de congés que j’aurais cumulés entre le 22 avril 2004 et la date de ma réintégration.

5) mes crédits de congés ou de tout autre congé que j’ai utilisés à la suite du refus de ma demande de congé me soient rendus.

6) je sois remboursé pour tous frais associés aux déplacements me permettant de reprendre mes fonctions au CIC de Coutts.

7) je regagne tous mes droits.

[…]

4 Le 14 septembre 2004, il a été fait droit au grief à la dernière étape de la procédure de règlement des griefs, mais aucune mesure corrective n’a été accordée. Le fonctionnaire a reçu la réponse définitive de l’employeur vers le 1er octobre 2004. Il a soumis son grief à l’arbitrage le 27 octobre 2004.

5 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l’article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l’arbitrage des griefs doit être tranché conformément à l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35.

6 Les parties ont d’abord tenté de régler ce grief par la médiation, mais sans succès. Une date d’audience a par la suite été fixée, puis reportée à la demande du fonctionnaire. Jusqu’au 4 novembre 2009, les parties n’étaient pas disponibles pour une audience.

7 La seule question sur laquelle je dois me prononcer est de savoir si le fonctionnaire a droit à une réparation pour l’atteinte reconnue à la convention collective. Autrement dit, le fonctionnaire devrait-il recevoir un salaire rétroactif, le paiement des heures supplémentaires pour les congés fériés désignés et tous crédits de congés pour la période comprise entre le 22 avril et le 14 septembre 2004, comme l’exige la mesure corrective qui fait partie intégrante du grief (points 4 et 5).

II. Résumé de la preuve

8 La preuve du fonctionnaire est la suivante. Le fonctionnaire est employé de la fonction publique fédérale depuis 1979. En mars 2001, la conjointe du fonctionnaire, également employée de la fonction publique fédérale, a accepté une affectation temporaire de superviseure à l’Aéroport international d’Halifax. Le 1er avril 2002, le poste de sa conjointe est devenu permanent.

9 Du 1er mars 2001 au 1er avril 2002, le fonctionnaire a bénéficié d’un congé de maladie payé jusqu’à l’expiration de ses crédits de congés de maladie, puis d’un congé de maladie non payé. Par après, il a progressivement repris le travail à son poste d’attache à Coutts. Le fonctionnaire a ensuite pris les congés suivants non payés : pour prendre soin de sa famille proche entre le 15 août et le 21 octobre 2002, et du 19 décembre 2002 au 5 janvier 2003; pour des raisons personnelles entre le 6 janvier 2003 et le 29 décembre 2003.

10 Sans entrer dans les menus détails, les faits suivants sont pertinents pour l’issue de ce grief. Depuis que sa conjointe a été affectée à Halifax, le fonctionnaire a maintenu le domicile familial à Coutts, ainsi qu’une maison à Halifax. Ses enfants habitaient avec leur mère à Halifax, et le fonctionnaire a résidé à Halifax pendant les périodes de congé approuvées par l’employeur. Pendant les vacances d’été, la famille habite à Coutts.

11 Depuis la nomination permanente de sa conjointe à Halifax, le fonctionnaire s’est cherché un emploi là-bas. Ses premiers efforts ont été infructueux en raison des difficultés juridiques associées à un transfert ou à un détachement vers un autre poste dans la fonction publique fédérale. Le fonctionnaire a fini par se trouver un emploi à court terme en tant qu’inspecteur des douanes à ce qui s’appelait alors l’Agence des douanes et du revenu du Canada, à l’Aéroport d’Halifax. Cependant, il a démissionné de ce poste et comptait réintégrer son poste d’attache à Coutts, le 22 avril 2004.

12 Tout au long de ses congés non payés, le fonctionnaire a pris soin de conserver son lien avec son poste d’attache à Coutts. Toutefois, il a avisé son superviseur immédiat qu’il se cherchait un emploi permanent à Halifax pour y retrouver sa famille. Le fonctionnaire s’est depuis trouvé un emploi permanent à Halifax, pour l’Agence des services frontaliers du Canada.

13 Le fonctionnaire affirme qu’après le refus – le 7 janvier 2004 – de son congé non payé pour s’occuper de sa proche famille entre le 27 janvier et le 21 avril 2004, il a fait une nouvelle demande de congé non payé le 23 janvier 2004, pour s’occuper de sa proche famille entre le 27 janvier 2004 et le 31 janvier 2005. Cette demande a également été rejetée. Après avoir consulté son superviseur par l’intermédiaire de son représentant syndical, le fonctionnaire a déposé une nouvelle demande de congé non payé pour s’occuper de sa proche famille pendant une période d’un an et une semaine, soit :

[…]

[Traduction]

Objet : Congé non payé pour s’occuper de la proche famille entre le 27 janvier 2004 et le 31 janvier 2005

Merci pour les renseignements concernant les personnes prioritaires que j’ai reçus hier. À la lumière de ces renseignements, je retire par la présente ma demande de congé pour la période citée en rubrique.

Vous trouverez en annexe une nouvelle demande pour la période comprise entre le 27 janvier 2004 et le 30 novembre 2008. Veuillez prendre les mesures qui s’imposent.

[…]

Ce congé a été approuvé.

14 Le fonctionnaire déclare que lorsqu’il a sollicité un congé non payé pour la période comprise entre le 27 janvier et le 21 avril 2004, sa conjointe et lui avaient convenu qu’il réintégrerait son poste d’attache à Coutts en avril 2004 et ne demanderait pas d’autre congé. Cependant, lorsque ce congé lui a été refusé, le fonctionnaire dit qu’il s’est senti contraint de suivre les conseils de son superviseur et de prendre un congé non payé pour une période de plus d’un an, puisque c’était la seule période que l’employeur approuverait. Le fonctionnaire déclare qu’une absence de plus d’un an permettait à l’employeur de doter son poste d’attache à Coutts, tandis qu’une absence de moins d’un an ne l’autorisait qu’à remplacer le fonctionnaire par un employé temporaire ou occasionnel. Aucune preuve ne contredit cette déclaration du fonctionnaire. Le fonctionnaire a déposé le grief qui fait l’objet de la présente décision le 6 février 2004.

15 Lorsque son grief a été accueilli, le 14 septembre 2004, le fonctionnaire a décidé qu’il n’était plus intéressé à réintégrer son poste d’attache à Coutts, car il souhaitait être avec sa famille et croyait n’avoir rien à gagner de toute autre demande similaire de congé. Le 1er octobre 2004, il a adressé le courriel suivant à son gestionnaire de secteur :

[Traduction]

[…]

Objet : Grief 04-PRA-011 et al.

Sharon,

Je comptais réintégrer mon poste le 22 avril 2004, et il a été finalement déterminé que la région des Prairies et des Territoires du Nord aurait dû approuver ma demande de congé. Je veux revenir au travail et j’ai fait connaître mes intentions.

J’ai fêté hier mes 30 années de service dans la fonction publique. À la suite des discussions que nous avons eues hier et après mûre réflexion, je ne crois pas que Citoyenneté et Immigration agira correctement et selon les règles de l’éthique à mon égard. Les faits antérieurs et actuels appuient ma conclusion.

Même si je veux reprendre le travail, ma famille et ma santé doivent passer en premier. C'est pourquoi je ne réintégrerai pas mon poste au CIC de Coutts pour l’instant, et souhaite poursuivre mon congé actuel.

[…]

16 En résumé, le fonctionnaire affirme qu’il cherchait à tirer le meilleur parti d’une mauvaise situation. À son avis, l’employeur n’appuyait pas son désir de rejoindre sa famille. Le fonctionnaire insiste pour dire qu’il s’est montré totalement honnête en communiquant ses projets de carrière à l’employeur, et qu’il s’attendait de celui-ci à un peu de compassion à l’égard de sa situation familiale.

17 L’employeur ne présente aucun témoin.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le fonctionnaire

18 Le fonctionnaire affirme que, malgré que l’article 41 de la convention collective lui donnait droit à un congé entre le 27 janvier et le 21 avril 2004, ce congé lui a été refusé. Ce n’est qu’après le refus de sa demande que le fonctionnaire a pris d’autres mesures pour adapter sa situation professionnelle à sa situation familiale. Le fonctionnaire soutient que, lorsque l’employeur a fini par approuver sa demande à la dernière étape de la procédure de règlement des griefs, c’était trop peu trop tard et, par conséquent, il a droit à une indemnité pour la période comprise entre le 22 avril 2004, lorsqu’il était prêt à réintégrer son poste d’attache à Coutts, et l’autorisation rétroactive de sa demande de congé, le 14 septembre 2004.

19 Le fonctionnaire affirme qu’il avait prévu réintégrer son poste d’attache à Coutts en avril 2004, mais qu’il a été forcé de modifier ses projets après que l’employeur lui eût demandé de prendre un congé plus long pour satisfaire à des exigences opérationnelles.

20 Le fonctionnaire soutient que ses demandes de congé subséquentes pour une période plus longue, puis pour une prolongation jusqu’au 30 novembre 2008, ne devraient rien changer à sa demande initiale de congé beaucoup plus court, puisque les situations étaient différentes. Au moment où il a sollicité un congé du 27 janvier au 21 avril 2004, le fonctionnaire avait décidé d’adapter la vie de sa famille et de réintégrer son poste d’attache à Coutts. Lorsque sa demande de congé a été refusée, il a révisé ses options et, pour protéger les droits de pension qu’il avait cumulés sur plus de 30 ans, il a acquiescé à la suggestion de son superviseur de demander un congé d’un an et une semaine. La prolongation de la demande de congé était motivée, à l’époque, par sa situation familiale. Le fonctionnaire soutient que, aux fins de la réparation, je devrais uniquement tenir compte de son intention de réintégrer son poste d’attache à Coutts le 22 avril 2004, et du retard qu’a mis l’employeur à faire droit au grief, le 14 septembre 2004. Le fonctionnaire ajoute que l’employeur n’a pas justifié sa décision de lui refuser une réparation. Le fonctionnaire veut recevoir une pleine indemnité pour perte de salaire et d’avantages sociaux, compte tenu de l’atteinte reconnue par l’employeur à la convention collective.

21 En appui à sa position, le fonctionnaire me demande de tenir compte des cas suivants :

  • MacGregor c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 166-02-22489 (19921022);
  • Domtar c. Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier (1997), 65 L.A.C. (4th) 154;
  • West Park Healthcare Centre v. S.E.I.U., Loc. 1.ON (2005), 138 L.A.C. (4th) 213;
  • National Automobile, Aerospace and Agricultural Implement Workers Union of Canada (CAW-Canada) v. Union of Canadian CAW Staff Representatives (1997),63 L.A.C. (4th) 129;
  • Nova Scotia (Civil Service Commission) v. N.S.G.E.U. (1991),20 L.A.C. (4th) 61;
  • Metro Transit Operating Co. v. Independent Canadian Transit Union (1983),14 L.A.C. (3d) 358.

B. Pour l’employeur

22 L’employeur affirme que sa réponse à la dernière étape de la procédure de règlement des griefs est éloquente. Non seulement le fonctionnaire a demandé un congé du 27 janvier au 21 avril 2004, mais il a sollicité et obtenu un congé pour une période supplémentaire de quatre ans avant même le dépôt de son grief. À part le dépôt d’un grief, le fonctionnaire n’a fait aucune tentative pour réintégrer son poste d’attache à Coutts, en avril 2004. L’employeur n’avait rien à voir avec la décision du fonctionnaire de prolonger son congé.

23 L’employeur soulève les nombreuses demandes antérieures de congé (demandes consécutives à compter du 18 janvier 2002) pour étayer sa preuve selon laquelle le fonctionnaire n’a jamais eu l’intention de réintégrer son poste d’attache à Coutts.

24 Selon l’employeur, la demande du fonctionnaire pour prolonger son congé au-delà du 21 avril 2004, avant même le dépôt d’un grief, n’indiquait en rien que le fonctionnaire était prêt à reprendre son poste d’attache à Coutts et ne justifiait aucune mesure corrective lorsque le grief a été accueilli.

25 L’employeur convient avec le fonctionnaire qu’il n’existe aucune jurisprudence concernant la question en litige. Cependant, l’employeur soutient que la conclusion tirée de l’affaire MacGregor, une décision arbitrale rendue conformément à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35, devrait avoir préséance; c’est-à-dire qu’une simple déclaration peut constituer une mesure réparatoire valable pour régler un grief. L’employeur affirme que les autres décisions soumises par le fonctionnaire portent sur d’autres questions et ne fournissent aucune directive pour trancher cette affaire.

26 L’employeur maintient que sa décision était raisonnable dans les circonstances et qu’aucune mesure corrective ne s’impose ici. L’employeur conclut en disant que la décision subséquente du fonctionnaire de prolonger son congé après le 21 avril 2004 écarte toute indemnité.

IV. Motifs

27 Après une analyse minutieuse de la preuve, de la jurisprudence et des arguments des parties, je suis d’avis que ce grief ne peut être accueilli.

28 Le grief porte sur la demande de congé non payé du fonctionnaire pour s’occuper de sa proche famille entre le 27 janvier et le 21 avril 2004 inclusivement. L’employeur a d’abord refusé la demande, mais a répondu à la dernière étape de la procédure de règlement des griefs qu’elle aurait dû être approuvée sans indemnité. La réponse de l’employeur à la dernière étape de la procédure est datée du 14 septembre 2004. La preuve démontre que le fonctionnaire a reçu cette réponse vers le 1er octobre 2004. Le fonctionnaire croit qu’il devrait se faire indemniser pour la période du 22 avril au 14 septembre 2004, car il a raté une occasion de réintégrer son poste d’attache à Coutts, le 22 avril 2004, contrairement à ce qu’il avait prévu. Du 22 avril au 24 septembre 2004, le fonctionnaire bénéficiait, à sa demande, d’un congé non payé.

29 L’article 41 de la convention collective stipule qu’un employé devrait se faire accorder un congé non payé qu’il sollicite afin de s’occuper de sa proche famille, comme l’entend cet article. Un tel congé n’est pas discrétionnaire. Si des exigences opérationnelles risquent d’entrer en conflit avec la période de congé sollicitée, elles ne doivent pas empêcher l’employé d’obtenir son congé. L’employeur l’a reconnu à la dernière étape de la procédure de règlement des griefs.

30 La question que j’ai à trancher est de savoir si une réparation devrait suivre la réponse fournie par l’employeur à la dernière étape, par laquelle il faisait droit au grief.

31 Voici comment je vois les faits dans cette affaire. Selon la preuve qu’il a fournie, le fonctionnaire a en premier lieu sollicité un congé de trois mois, que l’employeur a refusé. Le fonctionnaire a par la suite demandé un congé plus long, qui lui a également été refusé. Puis, à la suite de discussions avec son superviseur, le fonctionnaire a demandé une période de congé plus longue, que l’employeur a autorisée. Le fonctionnaire dit avoir été contraint de prendre ce plus long congé pour satisfaire aux désirs de l’employeur de doter son poste d’attache à Coutts pendant son absence. Essentiellement, le grief du fonctionnaire se limite strictement au fait que l’employeur lui a refusé un congé non payé du 27 janvier au 21 avril 2004.

32 La preuve fournie par le fonctionnaire indique aussi qu’il n’a pas réintégré son poste d’attache à Coutts le 22 avril 2004. En fait, il n’en a pas fait la demande, même après avoir reçu la réponse de l’employeur à la dernière étape de la procédure de règlement des griefs. Entre le 22 avril et le 1er octobre 2004, le fonctionnaire bénéficiait, à sa demande, d’un congé non payé.

33 Je reconnais que le fonctionnaire se trouvait dans une situation difficile à l’époque des événements, et qu’il tentait d’équilibrer sa vie familiale à deux extrémités du pays et la nécessité de conserver son emploi. Je ne doute pas qu’il ait agi de bonne foi dans des circonstances difficiles lorsqu’il a décidé d’accepter la proposition de l’employeur de prolonger son congé s’il souhaitait qu’il soit autorisé. Si le fonctionnaire avait néanmoins essayé de réintégrer son poste d’attache à Coutts, le 22 avril 2004, cette affaire aurait vraisemblablement pris une autre tournure, mais ce n’est pas le cas. Après le refus de sa première demande de congé, le fonctionnaire s’est vu accorder une autre demande, qui a été prolongée jusqu’au 30 novembre 2008. Bien que je comprenne que la demande de prolongation ait pu être motivée par la protection de ses droits de pension, cet état de choses et le fait que le fonctionnaire ait apparemment accepté à contrecœur de prolonger son congé ne se reflètent nulle part dans les documents que les parties se sont échangés au moment des événements en question.

34 À mon avis, le courriel que le fonctionnaire a fait parvenir à son gestionnaire, le 1er octobre 2004, révèle sa décision délibérée de ne pas réintégrer son poste d’attache à Coutts, compte tenu de sa situation familiale et d’autres éléments. Puisque le fonctionnaire n’a pas clairement cherché à réintégrer son poste d’attache à Coutts le 22 avril 2004, et puisque je ne trouve rien qui suggère que l’employeur l’en a empêché, j’en viens à la conclusion que le fonctionnaire n’a rien sur quoi fonder sa demande d’indemnité, car pendant la période réclamée, il bénéficiait d’un congé non payé prolongé, à sa demande.

35 À la lumière des circonstances de cette affaire, je déclare que les cas soumis par le fonctionnaire pour me persuader à adopter l’opinion contraire ne sont pas utiles, car ils portent sur des situations de travail très différentes de celle qui est en cause.

36 Pour ces motifs, je suis d’avis que, en reconnaissant avoir porté atteinte à la convention collective dans la réponse qu’il a fournie à la dernière étape de la procédure de règlement des griefs, l’employeur s’est acquitté de l’obligation que lui confère l’article 41.

37 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

38 Le grief est rejeté.

Le 27 novembre 2009.

Traduction de la CRTFP.

Michèle A. Pineau,
arbitre

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