Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La requête du fonctionnaire s’estimant lésé (le << fonctionnaire>>) en vue de reporter 6,2jours de congés annuels a été rejetée, et on lui a demandé d’utiliser le reste de ses congés annuels avant la fin de l’exercice - il a déposé un grief - la convention collective stipule que les employés doivent prendre leurs congés annuels pendant l’exercice au cours duquel ils sont accumulés - la convention collective renferme une disposition générale concernant le report des congés annuels, mais non une disposition particulière ou assortie d’un délai - l’arbitre de grief a conclu qu’un employé n’est en droit de reporter au prochain exercice des congés annuels accumulés au cours d’un exercice que si l’employeur lui a refusé une demande de congé donnée. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2009-12-23
  • Dossier:  566-02-2121
  • Référence:  2009 CRTFP 182

Devant un arbitre de grief


ENTRE

GLEN JOHNSTON

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de la Défense nationale)

employeur

Répertorié
Johnston c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’article 209 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Michel Paquette, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Krista Devine, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Virginie Emiel-Wildhaber, Secrétariat du Conseil du Trésor

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés les 4 et 27 mai ainsi que le 4 juin 2009.
(Traduction de la CRTFP.)

I. Grief renvoyé à l’arbitrage

1 Huit griefs ont été déposés respectivement par Glen Johnston, Richard Wayne Nieradka (dossier de la CRTFP 166-02-37400), Marcel St. Amand (dossier de la CRTFP 166-02-34054), Mark Walsh (dossier de la CRTFP no 166-02-36580), Shirley Miller (dossier de la CRTFP 566-02-574), Jerome Clouthier (dossier de la CRTFP 566-02-1171), Brian D. Mann (dossier de la CRTFP 566-02-2122) et Randy Walker (dossier de la CRTFP 566-02-2299), les fonctionnaires s’estimant lésés (les « fonctionnaires »), qui étaient tous des employés du ministère de la Défense nationale (l’« employeur »), entre février 2003 et février 2007. Les huit griefs soulèvent une question relative à l’interprétation et à l’application qu’il faut donner aux dispositions sur le congé annuel des conventions collectives du groupe Services techniques (TC), qui ont expiré le 21 juin 2003 et le 21 juin 2007, du groupe Services de l’exploitation (SV), qui ont expiré le 4 août 2003 et le 4 août 2007, de même que de la convention collective du groupe Services des programmes et de l’administration (PA), qui a expiré le 20 juin 2003. Les parties ont accepté de procéder en déposant un exposé conjoint des faits et des arguments écrits.

II. Résumé de la preuve

2 Dans cette partie de la décision, je reproduis intégralement les paragraphes pertinents de l’exposé conjoint des faits concernant le fonctionnaire s’estimant lésé (« le fonctionnaire »), qui se lisent comme suit :

[Traduction]

[…]

La convention collective applicable [dossier de la CRTFP 566-02-2121] est celle qui a été signée entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada à l’égard du groupe Services de l’exploitation et qui a expiré le 4 août 2007 (Pièce 34)).

La convention collective prévaut sur une politique. Elle reconnaît le droit de l’employeur de déterminer les périodes de congés annuels sous réserve des critères précisés aux clauses 35.05 i), ii), iii) et iv), ainsi que le droit de l’employé de reporter ses crédits de congé annuel conformément à la clause 35.11. Pour interpréter l’application des dispositions de la convention collective, l’employeur a établi des politiques :

  1. Note de service datée du 15 février 2007 — Politique sur les congés des employés civils intitulée « Politique sur les congés des employés de la fonction publique (civils) de la Base des Forces canadiennes/Unité de soutien régionale Shilo » (Pièce 46).
  2. Lettre du 21 février 2007 sur le report des congés — circonstances exceptionnelles (Pièce 47).
  3. Ordres permanents sur la maintenance de la base — Base des Forces canadiennes Shilo, datés de novembre 2007, sur les congés du personnel militaire et civil (Pièce 48).

Brian Mann et Glen Johnston occupent tous deux des postes de magasiniers (GS STS 04) à la BFC Shilo.

Glen Johnston

Il a soumis le 23 janvier 2007 une demande de report de 6,2 jours de congé annuel (Pièce 49) qui a été rejetée par le capitaine P.R. Guidoin le 23 janvier 2007 (Pièce 50).

Le capt. P.R. Guidoin a envoyé le 21 février 2007 à M. Johnston une note de service lui enjoignant de soumettre une demande de 49,64 heures de congé annuel, en lui expliquant que, s’il n’obtempérait pas, son congé annuel serait fixé avant la fin de l’année financière (Pièce 51).

M. Johnston a présenté un grief le 21 février 2007 (Pièce 52).

Le 1er mars 2007, la réponse au premier palier a été rendue par le major D.J. Bersheid-King (Pièce 53).

Le grief a été rejeté au deuxième palier dans une lettre datée du 22 mars 2007 par le commandant de la base, le lieutenant-colonel J.J. Schneiderbanger (Pièce 54). Dans sa réponse, le lcol J. J. Schneiderbanger exigeait que M. Johnston prenne les congés annuels qui lui restaient pour l’AF 06-07 avant le 31 mars 2007.

Le grief de Glen Johnston a été rejeté dans une lettre datée du 9 mai 2008 par Monique Paquin, directrice générale des Relations de travail et de la Rémunération (Pièce 55).

[…]

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

3 La représentante des fonctionnaires a déclaré que chacun d’entre eux avait demandé le report de ses crédits de congé annuel accumulés à l’année de congé annuel suivante. Dans chaque cas, l’employeur avait refusé de reporter les congés et avait ensuite unilatéralement décidé que les fonctionnaires allaient devoir prendre des congés d’une durée et à un moment qu’il dicterait.

4 Les fonctionnaires contestent le refus de l’employeur de les autoriser à reporter leurs crédits de congé annuel ainsi que sa décision de fixer par la suite unilatéralement la durée et le moment de leurs congés annuels. Il est important de souligner que, dans chaque cas, la demande de report des crédits de congé annuel ne dépassait pas le maximum autorisé pour ce report dans toutes les conventions collectives applicables.

5 Les griefs ont été déposés en vertu de différentes conventions collectives, mais ont été entendus ensemble, puisqu’ils portent tous sur le conflit entre le droit de l’employeur de fixer unilatéralement les périodes de congé annuel et les droits des fonctionnaires de reporter leurs crédits de congé annuel accumulés et puisqu’ils sont basés sur des dispositions similaires ou identiques des conventions collectives en question.

6 Le premier point que la représentante des fonctionnaires a fait valoir était celui de leur droit de reporter leurs crédits de congé annuel. Le congé annuel est un avantage acquis en fonction de la durée du service de l’employé, qui devrait donc en bénéficier en le prenant ou en se le faisant payer en argent. Les conventions collectives sur lesquelles les griefs sont fondés le reconnaissent puisqu’elles prévoient l’accumulation, l’octroi, le report et en définitive la liquidation des crédits de congé annuel.

7 Chaque partie reconnaît l’importance du congé annuel pour les employés et chaque partie les encourage à se prévaloir de leurs crédits de congé annuel accumulés. La possibilité pour les employés de prendre un congé annuel au moment et de la durée qu’ils préfèrent est d’une grande importance pour eux et leur permet de s’en prévaloir comme ils le jugent bon. La possibilité de reporter des crédits de congé peut servir plusieurs fins, puisqu’il est possible que l’employé ait été incapable de prendre des vacances pendant l’exercice au cours duquel il les acquiert.

8 Chaque convention collective stipule que l’année de congé est du 1er avril au 31 mars de l’année suivante et renferme des dispositions prévoyant une avance de crédits de congé. Exiger qu’aucun crédit de congé annuel ne soit reporté oblige les employés à se servir de leurs crédits de congé soit à l’avance, soit très peu de temps après qu’on les a portés à leur crédit. Les faits dans les présents griefs révèlent que l’employeur n’a pas satisfait aux exigences de la convention collective quant au report des crédits de congé annuel. Il n’a pas autorisé les fonctionnaires à reporter leurs crédits de congé annuel comme ils le lui ont demandé quand ils n’avaient pas épuisé tous leurs crédits accumulés au cours d’une année. Plutôt que tenter de répondre favorablement à leurs demandes individuelles, il semble que l’employeur ait opté pour une approche globale consistant à rejeter carrément leurs demandes simplement parce que, de son point de vue, il ne devrait y avoir aucun report des crédits de congé annuel, et cela en dépit du fait que la convention collective autorise le report de la portion inutilisée des crédits de congé annuel.

9 Le libellé de chacune des conventions collectives est clair. Elles stipulent toutes que la portion inutilisée des crédits de congé annuel « sera reportée »; c’est une disposition obligatoire plutôt que discrétionnaire.

10 Toutefois, au vu des documents de politique de l’employeur, il semble prétendre que les employés n’ont pas le droit de faire reporter leurs crédits de congé annuel inutilisés. En outre, l’employeur a répété dans ses réponses aux demandes individuelles de report des crédits de congés annuels qu’il estime qu’aucun report n’est autorisé. Un solde de zéro crédit de congé annuel à la fin de l’exercice semble être son objectif.

11 Cette approche fait que personne n’accumule une « banque » de crédits de congés annuels, et encore moins des crédits jusqu’à concurrence du maximum précisé dans les conventions collectives. Elle équivaut à un refus global et n’est pas compatible avec l’obligation que la convention collective impose à l’employeur de faire tout effort raisonnable pour accorder un congé annuel d’une façon compatible avec les voeux des employés. Les fonctionnaires déclarent que cette approche viole les exigences de la convention collective. Ils demandent qu’on respecte leurs voeux et que le report des crédits de congé annuel soit autorisé jusqu’à concurrence des maximums prévus dans leurs conventions collectives respectives.

12 Le libellé de chaque convention collective est le même pour toutes les dispositions applicables au report des congés annuels, sauf quant au maximum des crédits pouvant être reportés. L’expression « auxquels il ou elle a droit » est employée. Par exemple, la clause 38.08a) de la convention collective du groupe TC stipule que :

[…]

38.08

a) Lorsqu’au cours d’une année de congé annuel, l’employé-e n’a pas épuisé tous les crédits de congé annuel auxquels il ou elle a droit, la portion inutilisée des crédits de congés annuels, jusqu’à concurrence de deux cent soixante-deux virgule cinq (262,5) heures, sera reportée à l’année de congé annuel suivante…

[…]

13 La représentante des fonctionnaires a déclaré que la clause générale de report n’accorde pas à l’employeur un pouvoir discrétionnaire supplémentaire qui lui permette de fixer unilatéralement le moment et la durée des congés annuels, et que, si elle le fait, elle ne l’autorise pas à refuser de reporter la portion inutilisée des crédits de congé annuel.

14 La représentante des fonctionnaires a également souligné qu’il est important de tenir compte de l’article 3 de chaque convention collective dans l’interprétation des dispositions sur le report des crédits de congé annuel. Cet article est identique dans chacune des conventions collectives, et la clause 3.02 se lit comme suit :

[…]

3.02 Le libellé anglais ainsi que le libellé français de la présente convention revêtent tous deux un caractère officiel.

[…]

15 Compte tenu des interprétations différentes de l’expression « auxquels il ou elle a droit » utilisée dans les dispositions sur le report de la portion inutilisée des crédits de congé annuel des conventions collectives, l’examen des versions françaises des conventions collectives aide à mieux comprendre le sens des dispositions pertinentes. Par exemple, la clause 35.11a) de la convention collective du groupe SV se lit comme suit :

[…]

  1. Lorsque, au cours d'une année de congé annuel, un employé-e-s n'a pas épuisé tous les crédits de congé annuel auquel il ou elle a droit, la portion inutilisée des crédits de congés annuels jusqu'à concurrence de deux cent quatre-vingts (280) heures sera reportée à l'année de congé annuel suivante. Tous les crédits de congé annuel en sus de deux cent quatre-vingts (280) heures seront automatiquement payés en argent au taux de rémunération journalier de l'employé-e-s calculé selon la classification indiquée dans son certificat de nomination à son poste d'attache le dernier jour de l'année de congé annuel.

[…]

16 Les mots « épuisé » et « épuisement » figurent également dans les conventions collectives des groupes PA et TC. Cela laisse entendre que le report des crédits inutilisés doit être effectué lorsque les employés n’ont pas utilisé tous leurs crédits.

17 Le second point auquel la représentante des fonctionnaires s’est attaquée est le droit de l’employeur de déterminer le moment et la durée des congés annuels. L’employeur se fonde essentiellement sur les articles des conventions collectives applicables qui stipulent que les employés sont censés prendre tout leur congé annuel au cours de l’année de congé dans laquelle ils les ont acquis et qu’il a le droit de déterminer le moment et la durée des congés annuels des employés. Selon la représentante des fonctionnaires, aucune de ces dispositions n’est absolue.

18 En commençant par les dispositions voulant que les employés doivent prendre leurs congés annuels pendant l’année au cours de laquelle leurs crédits sont acquis, la représentante des fonctionnaires a déclaré que le libellé n’est pas injonctif. Sauf dans le cas de la convention collective du groupe TC, il est simplement stipulé que les employés sont censés prendre leurs congés pendant l’année au cours de laquelle ils les acquièrent. Si l’on avait voulu qu’ils prennent tous leurs congés annuels pendant cette année-là, on aurait employé un verbe comme « devoir ». Ces dispositions n’autorisent pas l’employeur à les forcer à fixer unilatéralement les congés annuels que les employés n’ont pas encore pris avant la fin de l’année financière.

19 La représentante des fonctionnaires a cité Bozek et autres c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2002 CRTFP 60, par. 35 et 36 :

[…]

[35] La sous-clause 15.05a) impose une obligation aux employés, puisqu’ils doivent normalement prendre tous leurs congés annuels au cours de l’année de congé annuel pendant laquelle ils les acquièrent. L’avocat des fonctionnaires s’estimant lésés a soutenu que cela signifiait que les employés étaient encouragés à utiliser leurs crédits de congé annuel au cours de l’année de congé annuel pendant laquelle ils les acquièrent. Je souscris à son interprétation du mot « expected », car j’estime qu’il signifie que les employés sont encouragés à prendre leurs congés annuels de cette façon plutôt que d’être obligés à le faire. Si les parties voulaient préciser que les employés avaient l’obligation d’utiliser tous leurs crédits de congé annuel au cours de l’année de congé annuel pendant laquelle ils les acquièrent, elles auraient dû employer le mot « should » plutôt que l’expression « are expected to » dans la version anglaise de la sous-clause 15.05a).

[36] La sous-clause 15.05b), elle, stipule que l’employeur se réserve le droit de fixer le congé annuel de l’employé afin de répondre aux nécessités du service, mais qu’il doit faire tout effort raisonnable pour lui accorder le congé annuel dont la durée et le moment sont conformes aux vœux de l’employé. Prise isolément, cette clause peut être interprétée comme si elle donnait à l’employeur le droit de fixer unilatéralement les congés annuels, comme le président suppléant d’alors J.W. Potter a conclu dans Ladouceur c. Le Conseil du Trésor (Défense nationale), (supra). Or, le raisonnement du président suppléant Potter ne peut pas s’appliquer en l’espèce parce que l’interprétation du mot « expected » dans la version anglaise de la sous-clause 15.05a) et celle de la sous-clause 15.07(AU)a) — qui prévoit le report automatique des crédits de congé annuel non utilisés à l’année de congé annuel suivante —- ne se posaient pas dans l’affaire Ladouceur (supra).Pour les mêmes motifs, la décision rendue dans Low et Duggan, (supra) ne peut pas non plus s’appliquer dans cette affaire-ci.

[…]

20 La représentante des fonctionnaires a reconnu que toutes les conventions collectives applicables accordent à l’employeur le droit de déterminer le moment et la durée des congés annuels, mais elle a affirmé que ce droit est limité. Chaque convention collective est libellée de façon à exiger que l’employeur fasse tout effort raisonnable pour que les employés puissent prendre des congés annuels d’une durée et au moment où ils peuvent le demander. La représentante des fonctionnaires a invoqué notamment les décisions suivantes à l’appui de sa thèse : Pinard c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 166-02-15381 (19860304), Lawson c. Conseil du Trésor (Statistique Canada), dossier de la CRTFP 166-02-5883 (19800220) et Brown c. Conseil du Trésor (Pêches et Océans Canada), 2002 CRTFP 59.

B.Pour l’employeur

21 La représentante de l’employeur est partie du principe que l’interprétation à donner aux dispositions en cause mène aux conclusions suivantes :

  • Les parties aux conventions collectives reconnaissent l’importance du congé annuel.
  • Les employés acquièrent des crédits de congé annuel en fonction des critères précisés dans leurs conventions collectives respectives.
  • L’employeur a le droit résiduel, sous réserve de la convention collective applicable, d’établir le calendrier des congés annuels et de les accorder aux employés. Sous réserve des nécessités du service, dans l’exercice de ce droit résiduel, l’employeur a le droit de tenir compte de divers facteurs, notamment les demandes des employés.
  • Les employés sont censés prendre leurs congés annuels pendant l’année de congé au cours de laquelle ils les acquièrent.
  • Lorsque les congés annuels acquis au cours d’une année de congé n’ont pas été épuisés, les parties conviennent que l’employé peut être autorisé à reporter les crédits non utilisés jusqu’à concurrence d’un maximum. Les crédits de congé annuel dépassant ce maximum doivent être payés.

22 Dans ses observations écrites datées du 27 mai 2009, la représentante de l’employeur a fait valoir ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Les griefs de J. Cloutier, G. Johnston et B. D. Mann ont été déposés en vertu de la convention collective du groupe SV expirée le 4 août 2007. Les dispositions pertinentes sont les suivantes :

35.01 L’année de congé s’étend du 1er avril au 31 mars inclusivement de l’année civile suivante.

a) Les employé-e-s sont censés prendre tous leurs congés annuels au cours de l’année pendant laquelle ils ou elles les acquièrent.

b) L’Employeur se réserve le droit de déterminer les périodes de congés annuels de l’employé-e-s. Lorsqu’il accorde un congé annuel payé à l’employé-e-s, l’Employeur doit faire tout effort raisonnable pour :

(i) lui accorder un congé annuel dont la durée et le moment sont conformes à la demande de l’employé-e-s;

(ii) ne pas rappeler l’employé-e-s au travail après son départ en congé annuel;

(iii) ne pas annuler ni modifier une période de congés annuels qu’il a précédemment approuvée par écrit;

(iv) s’assurer que les congés annuels pris en période de deux (2) semaines ou plus, demandés par l’employé-e-s, commencent après une période de jours de repos prévue à l’horaire.

c) Les représentants de l’Alliance se verront accorder l’occasion d’avoir des consultations avec les représentants de l’Employeur concernant les calendriers de congés.

35.07 Si, au cours d’une période quelconque de congé annuel, un employé-e obtient :

a) un congé de deuil,

ou

b) un congé payé pour cause de maladie dans la proche famille,

ou

c) un congé de maladie sur production d’un certificat médical,

la période de congés annuels ainsi remplacée est, soit ajoutée à la période de congés annuels si l’employé-e le demande et si l’Employeur l’approuve, soit réinscrite pour utilisation ultérieure.

35.11 Report et épuisement des congés annuels

La disposition 35.11 sur le report et l’épuisement des congés annuels entrera en vigueur le 1er avril 2005.

a) Lorsque, au cours d’une année de congé annuel, un employé-e-s n’a pas épuisé tous les crédits de congé annuel auquel il ou elle a droit, la portion inutilisée des crédits de congés annuels jusqu’à concurrence dedeux cent quatre-vingts (280) heures sera reportée à l’année de congé annuel suivante. Tous les crédits de congé annuel en sus de deux cent quatre-vingts (280) heures seront automatiquement payés en argent au taux de rémunération journalier de l’employé-e-s calculé selon la classification indiquée dans son certificat de nomination à son poste d’attache le dernier jour de l’année de congé annuel.

[…]

23 La représentante de l’employeur a déclaré que je devrais adopter une approche fondée sur leur raison d’être et sur leur contexte pour interpréter les dispositions sur le congé annuel des conventions collectives afin de donner effet à leur sens. L’approche fondée sur la raison d’être consiste à déterminer l’objet des dispositions sur le congé annuel, ce qui inclut les dispositions sur le report des crédits. Ces dispositions-là interviennent lorsque l’employeur n’accorde pas à l’employé tous les congés annuels auxquels il a droit pendant l’année de congé, de sorte que des crédits restent inutilisés. Les conventions collectives ne prévoient pas qu’il restera toujours des crédits de congé annuel inutilisés à seule fin de les reporter. Au contraire, elles prévoient que l’employeur permet normalement aux employés de prendre la totalité de leurs crédits de congé annuel pendant l’année au cours de laquelle ils les acquièrent et que les employés les prennent effectivement tous cette année-là.

24 Sur la question du droit des employés de reporter des crédits de congé annuel, la plupart des conventions collectives prévoient clairement ce qui suit :

  • Les employés acquièrent des crédits de congé annuel tous les mois de chaque année financière.
  • Les crédits de congé annuel sont censés être utilisés pendant l’année au cours de laquelle ils sont acquis.
  • Pour utiliser leurs crédits de congé annuel, les employés doivent présenter une demande à leur gestionnaire.
  • Si une demande de congé annuel est rejetée en raison des nécessités du service, un report des crédits non utilisés peut être autorisé.

25 Le report des crédits de congé annuel n’est possible que si l’employeur a rejeté une demande de congé qui lui a été présentée par l’employé. Or, l’employeur n’a aucune trace d’une demande de congé rejetée au cours des années financières mentionnées dans chacun des griefs. Les crédits de congé annuel sont acquis, mais leur report n’est pas un droit; c’est une protection pour les employés, dans l’éventualité où l’employeur se verrait dans l’impossibilité d’accéder à une demande de congé annuel au cours d’une année financière donnée, à cause des nécessités du service.

26 Dans Ladouceur c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2006 CRTFP 89, l’arbitre de grief a déclaré ce qui suit :

[…]

[29]    Le report de crédits de congé annuel n’est pas une pratique d’attribution de congé, mais plutôt la conséquence de l’impossibilité d’accorder les congés demandés par le fonctionnaire. La stricte obligation de l’employeur est de respecter les vœux du fonctionnaire […] Ainsi, le fonctionnaire s’estimant lésé doit spécifier une durée (ex. cinq jours) et un moment (ex. du 4 au 8 juin).

[…]

[33] … le report de crédits inutilisés de congé annuel n’est pas un droit, mais une conséquence de l’impossibilité d’utiliser tous les crédits de congé annuel…

[…]

27 Sur la version française de la clause prescrivant le report des crédits de congé annuel, l’employeur maintient son argument. Pour pouvoir épuiser tous ses crédits de congé annuel, l’employé doit avoir demandé un congé à son gestionnaire, lequel doit ensuite avoir décidé de lui accorder ce congé ou pas. Si le gestionnaire rejette la demande de congé, l’employé peut faire reporter ses crédits de congé.

28 En ce qui concerne le droit de l’employeur de décider quand accorder des congés annuels, les deux conventions collectives stipulent clairement que : « Les employé-e-s sont censés prendre tous leurs congés annuels au cours de l’année pendant laquelle il ou elle les acquiert. » Ils « sont censés » plutôt qu’ils « doivent » les prendre, parce que les nécessités du service peuvent contraindre l’employeur à refuser d’accéder à leurs demandes de congé annuel.

29 Dans Ladouceur c. Conseil du Trésor (Défense nationale),2000 CRTFP 51, l’arbitre de grief a déclaré ce qui suit au paragraphe 66 :

[…]

[66] Je conclus que le libellé de la convention collective accorde à l’employeur le droit de fixer le congé annuel, mais qu’il doit faire tout effort raisonnable pour accorder le congé annuel dont la durée et le moment sont conformes aux vœux de l’employé.

[…]

30 Les fonctionnaires prétendent que le droit de l’employeur est limité par son obligation de respecter les vœux des employés. L’employeur n’est pas d’accord. Son obligation consiste exactement à « faire tout effort raisonnable pour […] accorder un congé annuel dont la durée et le moment sont conformes à la demande de l’employé-e-s », ce qui ne limite pas le droit de l’employeur, mais plutôt sert à le guider, dans l’intérêt des employés. Ce libellé ne se prête pas à une interprétation voulant que les préférences de l’employé doivent nécessairement toujours prévaloir. L’employeur doit tenir compte des préférences de l’employé quant à la durée et au moment du congé annuel parmi les facteurs à envisager lorsqu’il lui accorde un congé annuel.

31 La représentante de l’employeur a fait valoir que les trois décisions invoquées par les fonctionnaires à l’appui de leurs arguments fondés sur l’effort raisonnable n’établissent pas de définition uniforme de cette notion. Il faut déterminer dans chaque cas si l’employeur a fait « tout effort raisonnable » . Cela dit, il vaut la peine de souligner qu’il s’agissait dans ces décisions-là d’accorder des congés à des moments précis plutôt que du droit de reporter des crédits de congé annuel non utilisés.

32 L’employeur a déclaré que si je devais conclure en faveur du fonctionnaire s’estimant lésé, une déclaration serait le redressement approprié, puisque l’intéressé a déjà pris le congé. Une ordonnance lui rendant les crédits équivaudrait à lui accorder des avantages en sus de ceux auxquels il a droit en vertu de la convention collective, ce qui serait injuste.

33 La représentante de l’employeur a cité les décisions suivantes : Marin c. Conseil du Trésor (Développement des ressources humaines Canada), 2002 CRTFP 109; Rosekat c. Conseil du Trésor (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2005 CRTFP 149; Higgs c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada — Service correctionnel), 2004 CRTFP 32; Pronovost c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2007 CRTFP 93; et Shaw c.Agence canadienne d’inspection des aliments, 2009 CRTFP 63.

IV. Motifs

34 La question dont je suis saisi est la suivante :

  • Le fonctionnaire s’estimant lésé a-t-il le droit de reporter des crédits de congé annuel et, si oui, dans quelles circonstances?

35 Le régime de congé annuel figurant dans les conventions collectives du groupe SV en question peut être résumé de la façon suivante :

  • le congé annuel est un avantage acquis en fonction de la durée de service de l’employé, et ce à chaque mois de chaque année financière;
  • l’année de congé s’étend du 1er avril au 31 mars inclusivement de l’année civile suivante;
  • le congé annuel peut être accumulé, accordé, reporté et liquidé;
  • l’employeur a une obligation de tenir compte des vœux de l’employé quant au moment et à la durée du congé annuel;
  • les employés sont censés prendre tous leurs congés annuels pendant l’année financière au cours de laquelle ils les acquièrent;
  • l’employeur se réserve le droit de fixer le congé annuel de l’employé.

36 La convention collective du groupe SV dont la date d’expiration est le 4 août 2003 ne renfermait pas de disposition générale sur le report des crédits de congé annuel, contrairement à celle qui a suivi et qui est applicable en l’espèce. Il est également significatif que les conventions collectives du groupe TC renferment une clause qui donne aux employés le droit de prendre au moins quatre jours de congé annuel acquis au cours de l’année financière actuelle pendant l’année financière suivante s’ils en font la demande avant le 31 janvier, ce qui limite clairement le pouvoir discrétionnaire de la direction. La partie de la convention collective de 2003 du groupe SV qui s’appliquait aux pompiers (et en l’occurrence au fonctionnaire s’estimant lésé Marcel St. Amand) stipule la même chose. Il n’y a pas de telle disposition applicable au fonctionnaire s’estimant lésé.

37 Tout cela, combiné avec un examen de la jurisprudence dont on m’a saisi, m’amène à conclure que les employés assujettis à la convention collective en question du groupe SV ont le droit de reporter les crédits de congé annuel acquis dans une année financière à l’année financière suivante seulement lorsqu’une demande de congé précise d’un employé stipulant des dates et une durée précises a été rejetée par l’employeur.

38 La décision Bozek est la seule qui ait été rendue par la Commission ou par sa prédécesseure qui valide l’interprétation des fonctionnaires voulant qu’ils puissent reporter des crédits de congé annuel dans n’importe quelles circonstances. Toutes les autres décisions stipulent que le report n’est possible que si l’employeur a rejeté une demande de congé annuel.

39 Ainsi, les paragraphes 33 à 35 de la décision rendue dans Higgs se lisent comme suit :

[…]

[33] Le terme « censés » utilisé dans l’alinéa 34.05a) s’emboîte dans les alinéas 34.05b) et 34.11a). Le fonctionnaire s’estimant lésé était censé prendre tous ses congés annuels au cours de l’année, conformément à l’alinéa 34.05a) de la convention collective. L’employeur a le droit d’établir l’horaire des congés annuels de l’employé. Cependant, il incombe à l’employeur de s’assurer que le calendrier des congés annuels établi soit raisonnable et à ce qu’il respecte les dispositions suivantes :

  1. le congé annuel accordé doit être d’une durée et au moment qui sont conformes à la demande de l’employé-e;
  2. l’employé-e ne doit pas être rappelé-e au travail après son départ en congé annuel;
  3. la période de congé annuel ne doit pas être annulée ni modifiée si elle a été précédemment approuvée par écrit.

[34] Bien que l’employé soit censé prendre ses congés annuels au cours de l’année au cours de laquelle ils sont acquis, dans la réalité, cela n’est pas toujours possible. Il peut arriver que les nécessités du service exigent qu’un employé soit rappelé au travail ou qu’un congé annuel soit annulé ou modifié, ou encore qu’un employé demande de changer un congé annuel pour un congé de deuil, un congé de maladie ou un congé pour obligations familiales (paragraphe 34.07). Par conséquent, les parties se sont entendues sur le paragraphe 34.11 portant sur le report et l’épuisement des congés annuels.

[35] Les parties ont décidé de ne pas prévoir des motifs supplémentaires pour justifier le report de congés annuels, comme le temps nécessaire à la construction d’une maison ou des plans de vacances de longue durée. Il est clair, compte tenu de l’absence de telles dispositions dans la présente convention collective, que l’intention était de s’attendre à ce que les employés utilisent leurs crédits de congés annuels pendant l’année au cours de laquelle ils sont acquis.

[Le passage en évidence l’est dans l’original.]

[…]

40 Le paragraphe 51 de la décision rendue dans Rosekat se lit comme suit :

[…]

[51] Au 3 janvier 2003, le fonctionnaire s’estimant lésé avait seulement utilisé sept jours de congés annuels. La représentante du fonctionnaire s’estimant lésé a fait valoir que les mots « doivent normalement » n’imposait pas une obligation et a invoqué l’affaire Bozek (supra). Dans cette décision, l’arbitre de grief a conclu que si l’employeur avait voulu imposer une obligation, il aurait fallu utiliser le mot « should » (devraient) dans la version anglaise des dispositions de la convention collective. J’estime que le mot « should » (devraient) exprime en l’espèce ce qui est probable et attendu, conformément à la définition du dictionnaire Webster’s Ninth New Collegiate.

[…]

41 Le paragraphe 33 de la décision rendue dans Ladouceur, 2006 CRTFP 89, se lit ainsi :

[…]

[33] Comme je l’ai indiqué précédemment, le report de crédits inutilisés de congé annuel n’est pas un droit, mais une conséquence de l’impossibilité d’utiliser tous les crédits de congé annuel. Il n’y a donc d’autre choix que de les payer ou de les reporter.

[…]

42 Enfin, le paragraphe 31 de la décision rendue dans Shaw se lit comme suit :

[…]

[31]    Le congé annuel représente une condition d’emploi négociée entre l’employeur et l’agent négociateur. La convention collective prévoit que le congé annuel est un droit annuel. Les employés sont autorisés à reporter de tels congés lorsqu’ils ne sont pas attribués. Il n’y a, dans la clause B11.07(a) de la convention collective, aucune disposition qui accorde à l’employé le pouvoir discrétionnaire de faire fi du droit de l’employeur de fixer le congé annuel selon la clause B11.05. L’employeur peut fixer le congé annuel conformément à la clause B11.05 dans la mesure des limitations de celle-ci. La clause B11.07(a) ne restreint pas le pouvoir de l’employeur à cet égard, et, aux termes de cette clause, l’employé ne peut, pour accumuler une quantité illimitée de crédits de congé annuel, passer outre à la décision de l’employeur de fixer le congé annuel (clause B11.05).

[…]

43 Puisque l’on ne m’a avancé aucune preuve qu’une demande précise de congé ait été rejetée, l’article sur le report des crédits de congé annuel ne peut être utilisé et il n’y a pas eu de violation de la convention collective.

44 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

45 Le grief est rejeté.

Le 23 décembre 2009.

Traduction de la CRTFP.

Michel Paquette,
arbitre de grief

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