Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a allégué que le défendeur avait contrevenu à l’alinéa190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la <<Loi>>) - il a allégué que le défendeur avait observé que son rôle de surveillant ne s’accordait avec ses fonctions de représentant syndical - le plaignant a prétendu que le défendeur lui avait signifié que sa candidature à un poste de direction ne pouvait pas être prise en considération du fait de ses activités syndicales - le plaignant a prétendu qu’il avait été injustement convoqué à une entrevue disciplinaire et qu’il avait été menacé de mesures disciplinaires pour s’être présenté au bureau alors qu’il était en congé de maladie - il a aussi allégué qu’il avait été traité différemment des autres employés après que sa fille eut utilisé le matériel informatique de l’employeur pour remplir des formulaires de demande d’emploi - en dernier lieu, le plaignant a prétendu que le défendeur avait recommandé d’exclure son poste de l’unité de négociation afin de l’empêcher de continuer à occuper un poste de représentant syndical - la Commission a refusé d’exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe191(2) de la Loi pour refuser de statuer sur la plainte - si le plaignant avait exercé d’autres recours, une tierce partie n’avait cependant pas encore eu l’occasion de se prononcer sur les allégations de pratiques déloyales; or ces allégations cadrent parfaitement avec le mandat de la Commission - la Commission a conclu que l’allégation à propos des observations que les activités syndicales du plaignant ne lui permettaient pas d’accéder à un poste de direction était hors délai et qu’elle ne pouvait pas se prononcer sur cette question - l’allégation à propos de l’exclusion du poste du plaignant de l’unité de négociation découlait d’un processus qui avait été amorcé après le dépôt de la plainte et ne pouvait pas être tranchée par la Commission - le plaignant s’est acquitté du fardeau initial de la preuve du fait qu’il a démontré qu’une partie des faits reprochés étaient survenus - le fardeau s’en est trouvé dès lors renversé et il incombait au défendeur de prouver que ces faits ne constituaient pas une violation de la Loi - la preuve a révélé que si le double rôle du plaignant causait un problème à ses collègues, le défendeur n’avait pas pris une position ouverte sur le sujet et que ce que le plaignant reprochait en fait au défendeur c’était de n’avoir rien dit - le silence du défendeur ne constituait pas une violation de la Loi - l’entrevue disciplinaire n’avait pas été convoquée parce que le plaignant était un représentant syndical, mais parce que l’employeur jugeait, à tort ou à raison, que le plaignant avait eu un comportement inacceptable - en ce qui concerne l’allégation de menaces de mesures disciplinaires parce que le plaignant s’était présenté au bureau alors qu’il était en congé de maladie, la preuve n’a pas démontré que le défendeur avait proféré de telles menaces ou qu’il savait qu’un autre membre de la direction en avait proféré - en dernier lieu, au sujet du fait que la fille du plaignant avait utilisé l’ordinateur de l’employeur, la Commission a conclu qu’il n’y avait pas eu de contravention à la Loi puisqu’il n’y avait aucune preuve que la direction avait agi comme elle l’avait fait parce que le plaignant occupait un poste de représentant syndical. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2009-02-06
  • Dossier:  561-02-216
  • Référence:  2009 CRTFP 18

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique


ENTRE

RAYNALD GIGNAC

plaignant

et

SIMON FRADETTE

défendeur

Répertorié
Gignac c. Fradette

Affaire concernant une plainte visée à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, commissaire

Pour le plaignant:
Bernard Gagné

Pour le défendeur:
Martin Desmeules, avocat

Affaire entendue à Québec (Québec),
les 6 et 7 janvier 2009.

I. Plainte devant la Commission

1 Le 5 février 2008, M. Raynald Gignac (le « plaignant ») a déposé une plainte de pratique déloyale contre M. Simon Fradette (le « défendeur ») auprès de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22 (la « Loi »). Le plaignant allègue que certaines actions ou décisions du défendeur constituent des pratiques déloyales au sens de l’article 185 de la Loi.

2 Le plaignant occupe un poste de chef de production de groupe et niveau AS-04 au Centre de production de Québec (CPQ) de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC). Le CPQ est un des trois centres d’impression des chèques émis par le gouvernement fédéral. Comme chef de production, le plaignant était membre du comité de gestion du CPQ. Au moment des incidents ayant donné lieu à la plainte, le plaignant était aussi président de la section locale syndicale qui regroupe la plupart des employés du CPQ. Au cours de cette période, il a aussi occupé, à plusieurs reprises sur une base intérimaire, le poste de gestionnaire du CPQ. Quant à lui, le défendeur était le gestionnaire responsable du CPQ, pour la première partie de la période en cause, et directeur des Services d’impression nationaux de TPSGC, pour la seconde partie de cette période. Dans ces postes, il était un supérieur hiérarchique du plaignant.

3 Dans sa plainte, le plaignant reproche ce qui suit au défendeur:

  • d’avoir fait des remarques sur le fait que son rôle de surveillant et son implication syndicale n’allaient pas ensemble;
  • d’avoir laissé entendre que son implication syndicale annulait ses chances d’être considéré pour le poste de gestionnaire responsable du CPQ pour lequel il avait postulé;
  • de l’avoir injustement convoqué à une entrevue disciplinaire à la suite d’une discussion qui avait eu lieu lors du « party » de Noël de novembre 2007;
  • de l’avoir menacé de mesures disciplinaires pour s’être présenté au bureau alors qu’il était en congé de maladie.

4 Lors de l’audition, le plaignant a ajouté qu’il reproche aussi au défendeur de l’avoir traité différemment de la pratique habituelle quand sa fille s’est présentée au CPQ et a utilisé à des fins personnelles son matériel informatique. Enfin, le plaignant reproche au défendeur d’avoir fait les démarches pour que le poste du plaignant soit considéré comme un poste de direction, de sorte que le plaignant ne puisse plus être membre du syndicat et, par le fait même, continuer d’exercer ses fonctions syndicales.

5 La question devant moi est donc de déterminer si le défendeur a commis les actions qu’on lui reproche et, pour les actions commises, si elles constituent des pratiques déloyales au sens de l’article 185 de la Loi.

II. Résumé de la preuve

6 Les parties ont déposé 15 documents en preuve. Le défendeur et le plaignant ont témoigné. Le plaignant a aussi appelé comme témoins Pierre Parent, Claude Pelletier et Denis Matte. M. Parent est chef des approvisionnements pour TPSGC à la Gare maritime Champlain à Québec. M. Parent est un membre de la direction et, à ce titre, il n’est pas un employé syndiqué. M. Pelletier travaille au CPQ et il est délégué syndical. M. Matte occupait un poste de chef de production au CPQ jusqu’à sa retraite en juillet 2008. Tout comme le plaignant et le défendeur, il était membre du comité de gestion du CPQ.

7 Le premier reproche formulé par le plaignant à l’endroit du défendeur a trait aux remarques que ce dernier lui aurait faites sur son double rôle de surveillant et de représentant syndical. Le plaignant prétend que le défendeur lui aurait dit de façon amicale que ses collègues trouvaient qu’il portait trop de chapeaux, en faisant référence à son double rôle. M. Matte a fait part de son inconfort face au double rôle du plaignant à plusieurs reprises lors de réunions du comité de gestion. Il se souvient de plusieurs arguments qu’il a eus avec le plaignant sur le sujet. M. Matte a reproché au défendeur de ne jamais avoir pris position sur la question que ce soit lors de ces réunions ou en dehors des réunions. Le défendeur a confirmé lors de son témoignage que M. Matte avait exprimé un inconfort quant au double rôle du plaignant. Il a ajouté que d’autres chefs de section lui avaient aussi fait part du problème. Le défendeur a aussi admis qu’il n’avait jamais pris position sur la question du double rôle du plaignant car il croyait, comme gestionnaire, qu’il n’avait pas le droit de le faire.

8 Le deuxième reproche formulé par le plaignant à l’endroit du défendeur a trait à un commentaire que ce dernier lui aurait fait en présence de M. Parent juste avant une réunion par vidéoconférence tenue en juin ou juillet 2007. Au cours de cette même période de temps, la direction de TPSGC tenait un concours pour combler de façon permanente le poste de gestionnaire du CPQ laissé vacant par la promotion obtenue par le défendeur. Le défendeur était membre du comité de sélection et le plaignant était un des candidats au concours. Avant la vidéoconférence, M. Parent et M. Gignac discutaient de leur futur professionnel. Selon leur témoignage, le défendeur, à son arrivée dans la salle, se serait joint à leur discussion et aurait alors mentionné au plaignant qu’il devrait plus se concentrer sur ses tâches de chef de production. Le plaignant a été très contrarié en entendant ce commentaire. M. Parent a trouvé qu’il s’agissait là d’un commentaire anormal compte tenu que le plaignant était candidat au concours de gestionnaire du CPQ et que le défendeur était membre du comité de sélection pour ce concours. Selon le défendeur, son commentaire n’était pas relié à ce concours, mais plutôt à la discussion entre M. Parent et le plaignant quant à leurs projets de retraite.

9 Le troisième reproche formulé par le plaignant à l’endroit du défendeur a trait à l’entrevue disciplinaire du 14 janvier 2008. Cette entrevue faisait suite au comportement ou à l’attitude du plaignant à l’endroit du défendeur lors du « party » de Noël du CPQ, le 30 novembre 2007. Le plaignant a alors porté à l’attention du défendeur certains problèmes en sa qualité de représentant syndical. Le plaignant prétend qu’il parlait fort compte tenu du bruit dans la salle et que la discussion était respectueuse. Le défendeur est plutôt d’avis qu’il s’agissait d’une discussion à sens unique au cours de laquelle le plaignant était agressif et menaçant à son endroit. Le défendeur a communiqué avec les spécialistes en relations de travail de TPSGC pour demander leur avis sur la façon de gérer une telle situation. Le 10 janvier 2008, le défendeur a convoqué le plaignant à une entrevue disciplinaire qui s’est tenue le 14 janvier 2008. Aucune mesure disciplinaire n’a été prise à la suite de cette entrevue. Un rapport de l’entrevue disciplinaire a été préparé, mais n’a jamais été complété ou émis compte tenu, selon le défendeur, que le plaignant avait déposé la présente plainte à la Commission en plus de déposer un grief. La question est donc encore en suspens.

10 Le quatrième reproche formulé par le plaignant à l’endroit du défendeur est d’avoir été menacé de mesures disciplinaires pour s’être présenté au bureau alors que le plaignant était en congé de maladie. Le plaignant prétend qu’en décembre 2007, alors qu’il était en congé de maladie, il s’est rendu au CPQ pour aller chercher ou porter un formulaire de congé. La personne qui était alors gestionnaire du CPQ, Mme Claire Drolet, l’aurait menacé de mesures disciplinaires car il se présentait au travail en situation de congé de maladie. Le défendeur se souvient avoir vu le plaignant au CPQ à cette occasion mais dit qu’il n’a jamais proféré de menaces de sanctions disciplinaires à la suite de cet incident. De plus, la gestionnaire alors en poste ne lui en a fait aucune mention.

11 Le cinquième incident reproché au défendeur a trait à la visite de la fille du plaignant au CPQ. Le plaignant a expliqué que sa fille cherchait à obtenir un emploi au gouvernement fédéral. Le défendeur avait d’ailleurs fourni au plaignant les hyperliens à consulter à cet effet. Au début novembre 2007, la fille du plaignant s’est présentée au CPQ alors que le plaignant était en congé. Des employés du CPQ l’ont laissée circuler librement. Elle s’est rendue au poste de travail du plaignant et a utilisé son matériel informatique pour accéder aux documents et aux adresses électroniques utiles pour postuler à un poste. Puis, elle a quitté le CPQ. Le défendeur a demandé à M. Matte, alors gestionnaire intérimaire, s’il était normal que des gens qui ne sont pas des employés du CPQ puissent ainsi circuler dans le CPQ et accéder au poste de travail des employés. M. Matte lui a répondu que c’était chose courante dans le cas de personnes que les employés connaissaient bien et qu’il n’y avait rien pour s’inquiéter.

12 Le défendeur a été très surpris de la réponse de M. Matte eu égard à la visite de la fille du plaignant. Il a décidé de communiquer avec la section de la sécurité de TPSGC qui a par la suite procédé à une enquête. Le rapport d’enquête a recommandé qu’une séance de formation soit organisée pour tous les employés afin de les sensibiliser aux questions de sécurité de sorte que de tels incidents ne se reproduisent plus. Le plaignant et M. Matte sont d’avis que le défendeur a utilisé un double standard, car il y avait des problèmes de sécurité beaucoup plus sérieux pour lesquels il n’a pas agi. En effet, lors des travaux d’aménagement des nouveaux locaux du CPQ à la mi-novembre 2007, il y avait plusieurs employés des entreprises en construction qui circulaient librement et sans surveillance à l’intérieur du CPQ. M. Matte considérait qu’il s’agissait là d’un sérieux problème de sécurité. Il l’a signalé au défendeur et ce dernier n’a rien fait selon M. Matte. Le défendeur a dit qu’il en avait parlé à l’employée qui coordonnait les travaux de construction afin que des mesures soient prises.

13 Le sixième reproche formulé par le plaignant à l’égard du défendeur a trait à la proposition d’exclusion du poste du plaignant de l’unité d’accréditation. Sans avoir été consulté au préalable, le plaignant a été informé par la direction de TPGSC, à l’été 2008, que l’employeur proposait l’exclusion de son poste compte tenu qu’il était dorénavant le premier palier de règlement de griefs pour la quinzaine d’employés qu’il supervisait. Le 31 juillet 2008, le plaignant a reçu une lettre de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) pour lui demander de cesser tout travail de représentation syndicale à cause de cette proposition d’exclusion. Le 5 septembre 2008, l’AFPC s’est opposée à la proposition. Le plaignant a attribué cette démarche d’exclusion au défendeur. Pour sa part, le défendeur a prétendu qu’il n’a rien à voir avec la proposition qui émane de la haute direction de TPSGC et que la proposition s’applique à tous les chefs de production des trois centres d’émission de chèques dont le CPQ.

14 Les parties ont aussi déposé de la preuve sur la politique de remplacement du gestionnaire du CPQ, sur les pratiques de gestion relatives aux embauches de moins de 90 jours, sur les réunions du comité patronal-syndical et sur la post-entrevue du plaignant qui a suivi le concours pour le poste de gestionnaire du CPQ. Je ne détaille pas cette preuve compte tenu qu’elle n’est pas pertinente eu égard à la question à laquelle je dois répondre et aux allégations formulées par les parties.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le défendeur

15 Au départ, en faisant référence au paragraphe 191(2) de la Loi, le défendeur a demandé à la Commission de refuser de statuer sur la plainte compte tenu que le plaignant pouvait utiliser la procédure de règlement des griefs pour soulever ses préoccupations. Il l’a d’ailleurs fait. Le grief a été rejeté à chaque palier de la procédure interne de règlement des griefs et l’AFPC a refusé de renvoyer le grief à l’arbitrage. Le plaignant a aussi déposé une plainte au Tribunal de la dotation de la fonction publique, eu égard à certaines des allégations et une plainte de harcèlement sur d’autres. On est donc en présence de plusieurs procédures de recours pour les mêmes incidents.

16 Le défendeur a demandé, compte tenu que les allégations formulées par le plaignant ne sont pas claires, que le plaignant soit le premier à présenter sa preuve de sorte que le défendeur puisse savoir de quoi il est accusé pour pouvoir se défendre. Qui plus est, il n’était pas certain que le défendeur ait le fardeau de la preuve tel que le prévoit l’article 191(3) de la Loi, car il faut au départ que le plaignant établisse une preuve défendable. À cet égard, le défendeur m’a renvoyé aux décisions suivantes : Quadrini c. Agence du revenu du Canada et Hillier, 2008 CRTFP 37; Lamarche c. Marceau, 2005 CRTFP 153; Perka et al. c. ministère des Transports et Conseil du Trésor, 2007 CRTFP 92 et Laplante c. Conseil du Trésor (Industrie Canada et le Centre de recherches sur les communications), 2007 CRTFP 95.

17 Le défendeur a prétendu qu’une bonne partie des incidents reprochés se sont produits en dehors de la période de 90 jours prévue au paragraphe 190(2) de la Loi. La plainte a été déposée au début février 2008. Le plaignant était au courant des incidents qui précèdent novembre 2007. Il avait 90 jours pour déposer une plainte et il ne l’a pas fait. La Commission ne peut statuer sur les allégations qui reposent sur des incidents qui sont antérieurs à 90 jours du dépôt de la plainte.

18 Rien dans la preuve soumise n’appuie l’allégation que le défendeur aurait fait des commentaires négatifs précis sur le double rôle du plaignant. Cette allégation est non fondée. Quant aux commentaires du défendeur sur le fait que le plaignant devrait se concentrer sur son travail de chef de production, ils n’ont pas été formulés dans le cadre d’une discussion portant sur le concours visant à combler le poste de gestionnaire du CPQ mais plutôt dans un tout autre contexte.

19 La convocation à la rencontre disciplinaire du 14 janvier 2008 n’a rien à voir avec le rôle de représentant syndical du plaignant, mais plutôt avec le ton agressif et menaçant du plaignant à l’endroit du défendeur lors du « party » de Noël du 30 novembre 2007.

20 Le défendeur n’a proféré aucune menace contre le plaignant eu égard à sa présence au bureau en décembre 2007, alors qu’il était en congé de maladie. La seule preuve présentée par le plaignant indique que Mme Drolet, la gestionnaire d’alors, aurait fait une remarque au plaignant.

21 Le défendeur a reconnu qu’une enquête de sécurité a été faite à la suite de la présence de la fille du plaignant au CPQ. Cela n’a rien à voir avec le fait que le plaignant était un représentant syndical.

22 Enfin, l’exclusion des chefs de production de l’unité de négociation est une initiative nationale. La décision de confier aux chefs de production la responsabilité du premier palier de la procédure de règlement des griefs est une décision nationale qui s’applique à tous les chefs de production à travers le pays. La décision n’a pas été prise par le défendeur.

B. Pour le plaignant

23 Le plaignant a accepté la proposition du défendeur à l’effet qu’il était logique que le plaignant présente sa preuve en premier de sorte que le défendeur ait une idée plus précise de ce qui lui était reproché. 

24 Le plaignant a admis qu’il a exercé plus d’un recours en réaction aux agissements du défendeur. Un grief a été déposé ainsi qu’une plainte au Tribunal de la dotation de la fonction publique et une plainte de harcèlement. Toutefois, l’AFPC a refusé de renvoyer le grief à l’arbitrage.

25 Le plaignant a reconnu que certains des faits reprochés précèdent le délai de 90 jours prévu par la Loi. Toutefois, il est important de considérer ces faits pour comprendre les incidents qui se sont produits à l’intérieur du délai de 90 jours. Ils prennent ainsi tout leur sens.

26 Le fil conducteur de cette plainte est que le défendeur n’a jamais accepté que le plaignant soit à la fois un superviseur et un représentant syndical. Le défendeur aurait dû prendre position au comité de gestion lorsque le double rôle du plaignant a fait l’objet de discussions. Il ne l’a jamais fait. Ultimement, la direction a proposé l’exclusion de son poste de l’unité de négociation.

27 Le plaignant est un employé qui a travaillé fort pendant toute sa carrière. Il a vécu des situations difficiles sur le plan personnel et au cours de la même période, la direction s’en est prise à lui. Il ne se sent plus désiré par son employeur.

28 À la suite de la discussion entre le plaignant et le défendeur lors du « party » de Noël de novembre 2007, le défendeur a convoqué le plaignant à une entrevue disciplinaire. Aucun rapport n’a été soumis à la suite de cette entrevue. La question est toujours en suspens.

IV. Motifs

29 Pour décider du bien-fondé de la plainte et disposer des arguments formulés par les parties, je dois m’en remettre aux dispositions suivantes de la Loi

[…]

185. Dans la présente section, « pratiques déloyales » s’entend de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) et (2), les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1).

[…]

186.(2) Il est interdit à l’employeur, à la personne qui agit pour le compte de celui-ci et au titulaire d’un poste de direction ou de confiance, que ce dernier agisse ou non pour le compte de l’employeur :

a) de refuser d’employer ou de continuer à employer une personne donnée, ou encore de la suspendre, de la mettre en disponibilité, ou de faire à son égard des distinctions illicites en matière d’emploi, de salaire ou d’autres conditions d’emploi, de l’intimider, de la menacer ou de prendre d’autres mesures disciplinaires à son égard pour l’un ou l’autre des motifs suivants :

(i) elle adhère à une organisation syndicale ou en est un dirigeant ou représentant — ou se propose de le faire ou de le devenir, ou incite une autre personne à le faire ou à le devenir -, ou contribue à la formation, la promotion ou l’administration d’une telle organisation,

[…]

190. (2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), les plaintes prévues au paragraphe (1) doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu — ou, selon la Commission, aurait dû avoir — connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu.

[…]

191. (2) La Commission peut refuser de statuer sur la plainte si elle estime que le plaignant pourrait renvoyer l’affaire à l’arbitrage sous le régime de la partie 2.

(3) La présentation par écrit, au titre du paragraphe 190(1), de toute plainte faisant état d’une contravention, par l’employeur ou la personne agissant pour son compte, du paragraphe 186(2), constitue une preuve de la contravention; il incombe dès lors à la partie qui nie celle-ci de prouver le contraire.

[…]

30 Le défendeur a demandé que la Commission refuse de statuer sur la plainte en exerçant son pouvoir discrétionnaire selon le paragraphe 191(2) de la Loi. Je ne partage pas le point de vue du défendeur et j’accepte de statuer sur certaines allégations qui font partie de la plainte. Il est vrai que le plaignant a exercé d’autres recours, mais une tierce partie n’a pas eu l’occasion de se prononcer sur les allégations de pratiques déloyales. De telles allégations sont très sérieuses et d’en disposer cadre parfaitement avec le mandat de la Commission qui doit, entre autres, s’assurer que les libertés syndicales prévues par la Loi puissent être exercées en toute impunité.

31 Le plaignant a rencontré son fardeau de preuve initiale car il a démontré qu’une partie des faits reprochés au défendeur sont survenus. Le fardeau de la preuve est donc renversé et il appartient au défendeur de prouver que ces faits ne constituent pas des pratiques déloyales au sens de la Loi et, plus particulièrement, au sens du sous-alinéa 186(2)a)(i) de la Loi. Entre autres, il ne fait de doute que le plaignant a été convoqué à une entrevue disciplinaire en janvier 2008, qu’il y a eu une controverse au sein du comité de gestion sur son double rôle et qu’une enquête de sécurité a eu lieu sur la présence de sa fille au CPQ. Reste à savoir s’il s’agit là de pratiques déloyales.

32 Nonobstant ce qui précède, j’ai cependant accepté que le plaignant présente sa preuve en premier afin de permettre une pleine défense au défendeur. Il aurait été illogique de procéder à l’inverse compte tenu que le défendeur devait savoir précisément de quoi on l’accusait avant de présenter sa défense.

33 Le défendeur a argumenté que plusieurs des faits qui lui sont reprochés se sont produits avant le délai de 90 jours prévu au paragraphe 190(2) de la Loi, et que je ne peux donc décider si ces faits constituent des pratiques déloyales. Je suis d’accord avec cet argument. Ainsi, je ne me prononcerai pas sur la question de savoir si les commentaires de juin ou juillet 2007 du défendeur au plaignant, eu égard au concours visant à combler le poste de gestionnaire du CPQ, constituent une pratique déloyale. Le délai de 90 jours prévu au paragraphe 190(2) est de rigueur et il se doit d’être respecté. Sur ce, ma décision est conforme aux décisions antérieures de la Commission tel que dans Walters c. Public Service Alliance of Canada, 2008 PSLRB 106.

34  Qui plus est, je ne me prononcerai pas non plus sur la question à savoir si la proposition d’exclure le poste du plaignant de l’unité de négociation constitue une pratique déloyale car le processus d’exclusion a été amorcé plusieurs mois après le dépôt de la plainte.

35 La preuve a révélé que le double rôle du plaignant causait un problème à ses collègues, particulièrement à M. Matte. Ce dernier avait droit à ses opinions sur le sujet et les a exprimées à maintes reprises. Par contre, cela n’a pas été le cas du défendeur. Le plaignant lui reproche plutôt de ne pas avoir voulu prendre une position ouverte sur le sujet. Au pire, le défendeur aurait dit au plaignant que certains des collègues du plaignant avaient un problème avec son double rôle. Il ne s’agit pas là d’une pratique déloyale au sens de la Loi. Le défendeur n’a jamais mentionné au plaignant que son double rôle lui causait problème. Il n’a pas non plus pris parti en faveur de M. Matte lorsque ce dernier faisait mention des problèmes que causait le double rôle du plaignant. Par son silence, le défendeur n’a certes pas enfreint la Loi.

36 La preuve a aussi révélé que le plaignant a été convoqué à une entrevue disciplinaire qui a eu lieu le 14 janvier 2008. Cette entrevue faisait suite à une discussion entre le plaignant et le défendeur au « party » de Noël du 30 novembre 2007. Le plaignant a dit avoir été respectueux envers le défendeur. Pour sa part, le défendeur a prétendu que le plaignant était agressif et menaçant. À la lumière des témoignages, je ne sais pas qui dit vrai. Il s’agissait certainement d’une discussion vive et intense. Il est possible que le défendeur se soit senti menacé sans pour autant que l’intention du plaignant était de le menacer. Quoi qu’il en soit, je ne crois pas que le défendeur ait décidé de convoquer cette entrevue disciplinaire parce que le plaignant était un représentant syndical, mais plutôt parce qu’il jugeait, à tort ou à raison, qu’un tel comportement était inacceptable de la part d’un employé. Les agissements du défendeur en ce qui concerne cet incident ne constituent donc pas une pratique déloyale au sens de la Loi car la preuve me convainc qu’il n’existe pas de lien entre la convocation disciplinaire et le rôle syndical du plaignant. 

37 Je ne peux cependant passer sous silence le fait que plus d’un an après l’incident du 30 novembre 2007, le défendeur et la direction de TPSGC n’ont toujours pas décidé s’ils prendront des mesures disciplinaires contre le plaignant sous prétexte que ce dernier avait déposé une plainte à la Commission. Une telle façon de faire me préoccupe car une mesure disciplinaire doit être prise le plus tôt possible après un incident. Le fait qu’une personne dépose une plainte à la Commission ne change en rien les droits, devoirs et obligations d’un employeur en la matière. Il se doit d’agir selon les règles établies par la jurisprudence.

38 En preuve à l’allégation de menaces de mesures disciplinaires faites par Mme Drolet, lors de la visite du plaignant au bureau lorsqu’il était en absence pour maladie, le défendeur a répondu qu’il n’était pas au courant de ces menaces et que, pour sa part, il n’en avait pas proféré. J’accepte cette réponse du défendeur et je crois qu’il n’a rien à voir avec cet incident. Si de telles menaces ont été proférées, elles sont malheureuses et résultent d’un manque flagrant de jugement de la part du gestionnaire en question.

39 La dernière allégation du plaignant a trait à l’enquête de la section de la sécurité de TPSGC à la suite de la présence de la fille du plaignant au CPQ. J’accepte l’explication fournie par le défendeur voulant qu’il ne trouvait pas normal qu’une personne ne travaillant pas pour le CPQ puisse y circuler librement et utiliser seule le matériel informatique d’un employé. Aucune mesure disciplinaire n’a été prise contre le plaignant à la suite de cet incident. Il a plutôt été décidé d’offrir à tous les employés une séance de sensibilisation sur le sujet afin d’éviter que de telles situations ne se reproduisent. Il ne s’agit certainement pas là d’une pratique déloyale au sens de la Loi. Il est vrai que le défendeur a agi différemment lorsque M. Matte lui a fait part de problèmes de sécurité eu égard aux employés en raison des contracteurs chargés des rénovations. Le défendeur a alors décidé de gérer le problème à l’interne et il était en plein droit de le faire dans l’exercice de ses responsabilités de gestion. Il avait aussi le droit de gérer différemment une situation impliquant une personne directement reliée à un employé. Il n’y a aucune preuve à l’effet que le défendeur a agi comme il l’a fait parce que le plaignant occupait un poste de représentant syndical.

40 En somme, le défendeur a prouvé que les agissements qui lui sont reprochés ne constituent pas des pratiques déloyales au sens de la Loi.

41  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

42 La plainte est rejetée.

Le 6 février 2009.

Renaud Paquet, commissaire

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