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Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a déposé troisplaintes contre son agent négociateur, soutenant que ce dernier n’a pas bien représenté ses intérêts dans le cadre de la procédure de règlement des griefs - le plaignant n’a fait valoir à l’appui de ses plaintes aucune allégation de faits montrant que l’agent négociateur a agi, lorsqu’il a représenté le plaignant, de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi - la Commission a rejeté deux des plaintes compte tenu de l’absence de preuve prima facie, et elle a rejeté la troisième plainte au motif que l’agent négociateur n’avait aucune obligation de renvoyer un grief à l’arbitrage - l’agent négociateur avait expliqué dans le détail au plaignant la raison pour laquelle il ne renvoyait pas le grief à l’arbitrage. Plaintes rejetées.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2009-03-06
  • Dossier:  561-02-227, 345 et 346
  • Référence:  2009 CRTFP 28

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique


ENTRE

MARK HALFACREE

plaignant

et

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défenderesse

Répertorié
Halfacree c. Alliance de la Fonction publique du Canada

Affaire concernant des plaintes visées à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, commissaire

Pour le plaignant:
lui-même

Pour la défenderesse:
Jacquie de Aguayo, Alliance de la Fonction publique du Canada

Décision rendue sur la base d’arguments écrits,
déposés le 20 mai, le 15 septembre et le 17 novembre 2008 et le 25 février 2009.
(Traduction de la CRTFP)

I. Plaintes devant la Commission

1 Entre avril et août 2008, Mark Halfacree (le « plaignant ») a déposé trois plaintes contre son agent négociateur, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (la « défenderesse »). Les plaintes sont liées à la représentation assurée par la défenderesse à l’égard de griefs que le plaignant a présentés contre son employeur. Les plaintes font référence aux dispositions suivantes de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi ») :

[…]

190. (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle :

[…]

e) l’employeur ou l’organisation syndicale a contrevenu aux articles 117 (obligation de mettre en application une convention) ou 157 (obligation de mettre en oeuvre la décision arbitrale);

[…]

g) l’employeur, l’organisation syndicale ou toute personne s’est livré à une pratique déloyale au sens de l’article 185.

[…]

185. Dans la présente section, « pratiques déloyales » s’entend de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) et (2), les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1).

[…]

187. Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

[…]

117.Sous réserve de l’affectation par le Parlement, ou sous son autorité, des crédits dont l’employeur peut avoir besoin à cette fin, les parties à une convention collective commencent à appliquer celle-ci :

a) au cours du délai éventuellement prévu à cette fin dans la convention;

b) en l’absence de délai de mise en application, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date de la signature de la convention ou dans le délai plus long dont peuvent convenir les parties ou que fixe la Commission sur demande de l’une ou l’autre des parties.

[…]

157. Sous réserve de l’affectation, par le Parlement ou sous son autorité, des crédits dont l’employeur peut avoir besoin à cette fin, les parties commencent à appliquer les conditions d’emploi sur lesquelles statue la décision arbitrale dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date à compter de laquelle la décision arbitrale lie les parties ou dans le délai plus long dont celles-ci peuvent convenir ou que la Commission peut, sur demande de l’une d’elles, accorder.

[…]

A. Plainte 561-02-227

2 La Commission a reçu cette plainte le 24 avril 2008. Le plaignant alléguait que la défenderesse avait enfreint l’alinéa 190(1)g) de la Loi. Le 20 juin 2003, le plaignant a présenté un grief contre son employeur parce que ce dernier avait soi-disant omis de consulter l’agent négociateur et de s’entendre avec lui avant la mise en œuvre d’un régime de travail par quarts à horaire variable. La défenderesse a renvoyé le grief à l’arbitrage au nom de plusieurs fonctionnaires s’estimant lésés. Le 21 janvier 2008, quelques jours avant l’audience d’arbitrage, la défenderesse et l’employeur sont arrivés à une entente et ont réglé le grief. Dans le règlement, l’employeur a accepté de remédier à la situation et de verser à chaque fonctionnaire s’estimant lésé une somme forfaitaire de 1 600 $. Le plaignant n’était pas satisfait de ce règlement et a déposé cette plainte.

3 Dans le formulaire de plainte, il n’y a aucun détail au sujet des actions ou omissions sur lesquelles la plainte se fonde. Toutefois, parmi les mesures correctives, le plaignant demande des dommages-intérêts pour l’omission de la défenderesse de le représenter à l’égard de son grief.

4 Dans ses arguments du 20 mai 2008, la défenderesse arguait que la plainte devrait être rejetée sans audience. Premièrement, le plaignant n’a pas produit une preuve prima facie de violation de la Loi. Deuxièmement, soutenait la défenderesse, la plainte est hors délai, car le plaignant était parfaitement au courant des circonstances donnant lieu à la plainte en août 2007.

5 Le 2 juin 2008, la Commission a écrit au plaignant pour lui demander de l’informer de sa position vis-à-vis des arguments du 20 mai 2008 de la défenderesse au plus tard le 17 juin 2008. Le plaignant n’a pas répondu à la demande de la Commission. Cette dernière a fait plusieurs tentatives pour joindre le plaignant, et il n’a pas répondu. Le plaignant s’est vu accorder une prolongation de sorte que, au plus tard le 29 juillet 2008, il puisse énoncer sa position. Depuis, le plaignant a fourni des documents supplémentaires à la Commission concernant sa plainte, mais il n’a jamais répondu aux arguments du 20 mai 2008 de la défenderesse.

B. Plainte 561-02-345

6 La Commission a reçu cette plainte le 20 août 2008. Le plaignant alléguait que la défenderesse avait contrevenu aux alinéas 190(1)e) et g) de la Loi. Le 14 décembre 2005, le plaignant a présenté un grief contre son employeur à propos de l’application d’une directive du Conseil national mixte. Le 15 mai 2008, la défenderesse a avisé le plaignant de sa décision de ne pas se rendre jusqu’au dernier palier de la procédure de règlement des griefs relativement à certaines des questions soulevées dans le grief. Le plaignant n’était pas satisfait de la décision et a déposé cette plainte.

7 Dans le formulaire de plainte, il n’y a aucun détail au sujet des actions ou omissions sur lesquelles la plainte est basée. Dans une annexe jointe au formulaire de plainte, le plaignant spécifie que la défenderesse a omis de le représenter à l’égard de l’ensemble de son grief, qu’elle a également omis de respecter et d’appliquer la convention collective et les conditions d’emploi et qu’elle s’est livrée à une pratique déloyale de travail. Le plaignant n’a pas donné de détails ou exposé de faits au soutien de ces allégations. Cependant, il a produit, comme pièce jointe à sa plainte, une lettre de neuf pages en date du 15 mai 2008 signée par Elaine Massie, agente des services aux membres auprès d’un des éléments de la défenderesse. Dans cette lettre, Mme Massie expliquait en détail pourquoi elle n’approfondirait pas, au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, certaines des questions que le plaignant soulevait dans son grief.

8 Dans ses arguments du 15 septembre 2008, la défenderesse arguait que la plainte devrait être rejetée sans audience. Premièrement, le plaignant n’a pas démontré par une preuve prima facie l’existence d’une violation de l’article 187 de la Loi. Deuxièmement, en ce qui a trait aux questions que la plainte soulève, l’alinéa 190(1)e) ne s’applique pas, car il traite de l’application de conventions collectives ou de décisions arbitrales et non de l’administration de contrats.

9 Le 31 octobre 2008, la Commission a écrit au plaignant pour lui demander sa position sur les arguments du 15 septembre 2008 de la défenderesse. Le 14 novembre 2008, le plaignant a écrit que l’objet de sa plainte était lié à sa convention collective et que la Commission avait compétence à l’égard de cette convention collective.

C. Plainte 561-02-346

10 La Commission a reçu cette plainte le 27 août 2008. Le plaignant alléguait que la défenderesse avait enfreint l’alinéa 190(1)g) de la Loi. Le 27 avril 2004, le plaignant a présenté un grief contre son employeur à propos du calcul de la proportion des avantages sociaux et des heures supplémentaires pour la période pendant laquelle il travaillait à temps partiel. Le 20 mai 2008, la défenderesse l’a avisé qu’elle n’était pas disposée à renvoyer le grief à l’arbitrage et a expliqué les raisons de sa décision. Le plaignant n’était pas satisfait de la décision et a déposé cette plainte.

11 Dans une annexe jointe au formulaire de plainte, le plaignant écrivait que la défenderesse n’avait pas terminé l’examen du grief en temps opportun et qu’elle n’avait pas traité le grief avec la déférence et l’attention appropriées. Le plaignant demandait que la défenderesse lui accorde des dommages-intérêts pour n’avoir pas renvoyé son grief à l’arbitrage. Le plaignant n’a pas donné de détails ou exposé de faits à l’appui de ses allégations et de sa demande de dommages-intérêts. Dans ses arguments du 15 septembre 2008, la défenderesse arguait que la plainte devrait être rejetée sans audience parce que le plaignant n’avait pas établi par voie de preuve prima facie l’existence d’une violation de l’article 187 de la Loi.

12 La défenderesse a en outre argué que, le 20 mai 2008, elle avait fourni au plaignant une explication détaillée des raisons pour lesquelles elle avait décidé, après avoir soigneusement examiné le dossier, de ne pas soumettre le grief à l’arbitrage. La défenderesse est parvenue à cette décision en concluant qu’un arbitre de grief n’avait pas compétence à l’égard de la partie du grief se rapportant à la pension et que, relativement aux autres questions, le grief serait rejeté à cause des délais. Le grief a été présenté le 27 avril 2004 concernant les questions de rémunération pour la période allant de 1996 à 2002. Au mieux, un arbitre pourrait considérer que le grief était dans les délais, mais il appliquerait la mesure corrective aux 25 jours précédant la date à laquelle le grief a été présenté, soit bien après la période allant de 1996 à 2002. Ainsi, la défenderesse a expliqué au plaignant qu’il n’y avait rien à gagner à renvoyer le grief à l’arbitrage.

13 Le 3 février 2009, la Commission a écrit au plaignant pour lui demander sa position sur les arguments du 15 septembre 2008 de la défenderesse. Le 25 février 2009, le plaignant a donné à la Commission plus de détails sur le fondement de sa plainte. Le plaignant a déclaré que son grief était dans les délais. Il arguait en outre que la défenderesse avait échoué quant à sa responsabilité constitutionnelle d’améliorer et de protéger les salaires ainsi que les conditions d’emploi des les fonctionnaires. Le plaignant est d’avis que le manque de présence de la défenderesse et son omission de répondre à des fonctionnaires représentent des violations de son devoir de représentation équitable. Enfin, le plaignant a argué que le processus par lequel la défenderesse décide de poursuivre un grief est arbitraire et de mauvaise foi. Le plaignant basait cet argument sur le fait que l’analyste de la défenderesse n’a jamais consulté les représentants syndicaux locaux ou régionaux du plaignant ou communiqué avec ceux pour établir une évaluation raisonnable des faits.

II. Motifs

A. Plaintes 561-02-227 et 561-02-345

14 La défenderesse a argué, relativement à chaque plainte, que le plaignant n’avait pas produit une preuve prima facie de violation de l’article 187 de la Loi et que les plaintes devraient être rejetées.

15 Dans la plainte 561-02-227, le plaignant mentionnait son insatisfaction à l’égard du règlement auquel était parvenue la défenderesse avant l’audience d’arbitrage. Le plaignant demande des dommages-intérêts à la défenderesse pour son omission de le représenter au sujet de son grief. Dans la plainte 561-02-345, le plaignant a mentionné que la défenderesse avait omis de le représenter pleinement à propos de son grief et qu’elle s’était livrée à une pratique déloyale de travail. Ces deux plaintes n’indiquent pas que la défenderesse a agi de mauvaise foi ou de manière arbitraire ou discriminatoire. De plus, le plaignant n’a pas exposé de faits ou donné de détails pour étayer ses allégations.

16 Dans ces deux plaintes, il me semble clair que le plaignant n’a pas établi par voie de preuve prima facie une violation de l’article 187 de la Loi. Ces plaintes, de toute évidence, ne montrent pas l’existence d’un lien raisonnable avec les interdictions énumérées dans cet article. Même si le plaignant prouvait la véridicité des faits allégués dans les plaintes, on ne pourrait soutenir que la défenderesse a agi de mauvaise foi ou de manière arbitraire ou discriminatoire.

17 La défenderesse, en tant qu’agent négociateur, a le droit de refuser de représenter un membre, et une plainte devant la Commission n’est pas un mécanisme d’appel contre un tel refus. La Commission ne va pas remettre en question la décision de l’agent négociateur. Le rôle de la Commission est de statuer sur le processus décisionnel de l’agent négociateur et non sur le bien-fondé de sa décision. Pour que la Commission intervienne, un plaignant doit d’abord, à tout le moins, établir qu’il y a eu une violation de l’article 187 de la Loi.

18 Ces deux plaintes découlent de griefs que le plaignant a présentés contre son employeur. Le fondement de la plainte 561-02-227 est le refus de la défenderesse de renvoyer un grief à l’arbitrage. Le fondement de la plainte 561-02-345 est le refus de la défenderesse d’approfondir certaines des questions dans un grief au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Dans chaque cas, la défenderesse a fourni au plaignant une explication détaillée des raisons de son refus. Il est clair que le plaignant n’était pas d’accord sur le refus, mais il n’a jamais dit à la Commission pourquoi et comment ces raisons représentaient une violation de l’article 187 de la Loi. Ainsi, il n’a pas fait la preuve prima facie d’une telle violation.

19 Dans la plainte 561-02-345, le plaignant alléguait aussi une violation de l’alinéa 190(1)e) de la Loi. Je souscris à l’observation de la défenderesse selon laquelle l’alinéa 190(1)e) ne s’applique pas, puisqu’il traite de la mise en œuvre de conventions collectives ou de décisions arbitrales. C’est l’employeur du plaignant qui est responsable de la mise en application de conventions collectives ou de décisions arbitrales, et non l’agent négociateur.

B. Plainte 561-02-346

20 Dans la plainte 561-02-346, le plaignant a mentionné que la défenderesse n’avait pas traité le grief avec la déférence et l’attention appropriées et il demande des dommages-intérêts pour l’omission de la défenderesse de le représenter en soumettant son grief à l’arbitrage. Dans ses arguments du 25 février 2009, le plaignant arguait que la défenderesse ne l’avait pas bien représenté, qu’elle avait agi arbitrairement et de mauvaise foi et qu’elle n’avait pas communiqué avec les représentants syndicaux locaux et régionaux avant de prendre sa décision.

21 Dans sa lettre du 20 mai 2008, la défenderesse expliquait en détail les raisons pour lesquelles elle n’avait pas renvoyé le grief à l’arbitrage. Dans ses arguments à la Commission en date du 15 septembre 2008, la défenderesse a réitéré ces raisons. Pour l’essentiel, le grief était hors délai, et il était fait mention de questions qui remontaient à plus de 25 jours avant la présentation du grief. Pour la défenderesse, il était inutile de renvoyer le grief à l’arbitrage.

22 La défenderesse n’a aucunement agi de façon arbitraire ou de mauvaise foi en arrivant à sa conclusion. Il était également inutile que la défenderesse communique avec le représentant syndical local ou régional. La question des délais et l’incidence rétroactive d’un grief sont des points de droit. La défenderesse connaissait les circonstances entourant le grief et avait en main toute l’information nécessaire pour prendre, de bonne foi, la décision non arbitraire de ne pas renvoyer le grief à l’arbitrage.

23 Dans l’arrêt Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon et autre, [1984] 1 R.C.S. 509, la Cour suprême du Canada a établi qu’il est suffisant de la part d’un agent négociateur de démontrer qu’il a pris en considération les circonstances relatives au grief, qu’il a examiné le bien-fondé de celui-ci et qu’il a pris une décision rationnelle sur la question de savoir s’il convenait de poursuivre l’affaire. Le plaignant ne m’a pas convaincu en l’espèce que l’agent négociateur ne s’était pas acquitté de son obligation juridique en refusant de renvoyer le grief à l’arbitrage. Au contraire, je crois que la défenderesse a agi consciencieusement et qu’elle a pris le temps d’analyser objectivement la situation avant de conclure qu’il n’y avait rien à gagner à soumettre le grief à l’arbitrage.

24 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

III. Ordonnance

25 Les plaintes sont rejetées.

Le 6 mars 2009.

Traduction de la CRTFP

Renaud Paquet,
commissaire

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