Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a déposé deuxgriefs, l’un contestant son licenciement, l’autre contestant l’annulation de sa cote de fiabilité- ces griefs sont liés à un autre grief, qu’elle a présenté en 2003 pour contester son licenciement du Bureau du Conseil privé (BCP)- une évaluation de sécurité pour une autorisation sécuritaire de niveau <<très secret>> a révélé des renseignements négatifs quant à la loyauté envers le Canada de la fonctionnaire s’estimant lésée- cette dernière s’est vu refuser une autorisation sécuritaire de niveau <<très secret>>, et sa cote de sécurité <<secret>> a été révoquée- une cote de sécutiré <<secret>> était requise pour un emploi au BCP, et la fonctionnaire s’estimant lésée a donc été licenciée- le grief constestant son licenciement a été tranché par l’arbitre de grief Mackenzie, qui a conclu que l’employeur avait l’obligation de chercher pour elle un poste hors du BCP et qu’il ne s’était pas acquitté de cette obligation- l’arbitre de grief a statué que, en attendant la fin d’une recherche minutieuse d’une durée de deuxmois, la fonctionnaire s’estimant lésée devrait être mise en congé payé, soit une situation qui prendrait fin une fois que l’employeur aurait terminé sa recherche- l’arbitre de grief n’a conservé sa compétence que pour traiter de questions relatives à l’application de la partie de l’ordonnance concernant la mise en congé payé- à la fin de la période de recherche d’une durée de deuxmois, la fonctionnaire s’estimant lésée a été licenciée de nouveau et, n’étant plus considérée comme une employée, sa cote de fiabilité a été annulée d’un point de vue administratif- après le licenciement, la fonctionnaire s’estimant lésée a obtenu un poste permanent à Service Canada grâce à un concours ouvert au public- elle n’a donc demandé qu’un redressement pécuniaire relativement à son grief contre le licenciement- la fonctionnaire s’estimant lésée a déposé les griefs qui sont l’objet de la présente décision- l’employeur a formulé une objection à la compétence d’un arbitre de grief pour entendre le grief contre le licenciement, ainsi qu’à la jonction des deuxgriefs- l’arbitre de grief a statué que, en demandant une indemnisation plutôt qu’une réintégration, la fonctionnaire s’estimant lésée n’avait pas modifié la nature de son grief- l’arbitre de grief a considéré qu’une indemnisation pourrait constituer un redressement couvert par le grief- elle a statué que l’employeur n’avait pas renoncé à son droit de soulever l’objection préliminaire et que de telles objections pouvaient être présentées n’importe quand- l’arbitre de grief a rejeté l’argument de l’employeur selon lequel elle n’avait pas compétence étant donné que l’on avait procédé au licenciement en application de la décision de l’arbitre de grief Mackenzie- l’ordonnance de ce dernier n’impliquait pas que la fonctionnaire s’estimant lésée devait être licenciée après la période de recherche ou que la réintégration se limitait à la période de recherche- par conséquent, la décision de l’employeur de procéder au licenciement ne représentait pas l’application de la décision de l’arbitre de grief Mackenzie- c’était distinct du licenciement initial et donc arbitrable en vertu de l’article209 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la <<Loi>>) - le principe d’irrecevabilité ne s’appliquait pas, car les questions soulevées dans le grief n’étaient pas identiques à celles exposées devant l’arbitre de grief Mackenzie- même si la décision précédente avait impliqué le licenciement de la fonctionnaire s’estimant lésée en cas d’échec de la recherche d’un poste, il existait une obligation de mener une recherche minutieuse- dans le cas où un arbitre de grief et la Cour fédérale ont tous deux compétence au sujet d’un différend en matière de relations de travail, la préférence va à l’arbitrage- les questions soulevées dans les griefs sont couvertes par le régime de résolution de conflit prévu dans la Loi, à l’égard duquel un arbitre de grief a compétence- l’arbitre de grief Mackenzie n’est pas demeuré saisi de la question du caractère approfondi de la recherche et il est functus officio (dépouillé de sa fonction) quant aux questions dont il n’est pas resté saisi- l’arbitre de grief a statué qu’il convenait d’entendre les deux griefs ensemble- la nomination subséquente de la fonctionnaire s’estimant lésée à un poste à Service Canada ne rendait pas théorique son grief contre l’annulation de sa cote de fiabilité. Objection rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2009-02-16
  • Dossier:  566-02-602, 603 et 2358
  • Référence:  2009 CRTFP 22

Devant un arbitre de grief


ENTRE

HAIYAN ZHANG

fonctionnaire s'estimant lésée

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Bureau du Conseil privé)

employeur

Répertorié
Zhang c. Conseil du Trésor (Bureau du Conseil privé)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Marie-Josée Bédard, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Dan Fisher, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Richard Fader, avocat

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
le 28 novembre 2008.
(Traduction de la CRTFP)

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

1 Je suis saisie de deux griefs déposés par Haiyan Zhang (la « fonctionnaire s’estimant lésée »). Dans son premier grief, daté du 2 mai 2006, elle conteste son licenciement, survenu le 13 avril 2006. Ce grief a été renvoyé à l’arbitrage le 26 octobre 2006 et a fait l’objet de deux renvois par l’agent négociateur de la fonctionnaire s’estimant lésée, dont l’un contestait uniquement le licenciement (dossier de la CRTFP 566-02-603), tandis que l'autre contestait l’application par l’employeur de l’article 64 (Administration de la paye) de la convention collective (dossier de la CRTFP 566-02-602). Le grief a donc fait l’objet de deux renvois à l’arbitrage, mais ces renvois portent sur un seul grief et, aux fins de la présente décision, je ne ferai aucune distinction entre les deux renvois à l’arbitrage. Le 11 mai 2006, la fonctionnaire s’estimant lésée a déposé un deuxième grief dans lequel elle remet en question l’annulation de sa cote de fiabilité le 18 avril 2006. Ce grief a été renvoyé à l’arbitrage le 29 septembre 2008 (dossier de la CRTFP 566-02-2358) et a été joint par la Commission au grief contestant le licenciement.

2 Ces griefs sont reliés à un autre grief, déposé en 2003, dans lequel la fonctionnaire s’estimant lésée a contesté son licenciement du Bureau du Conseil privé (BCP) le 28 novembre 2003. Ce grief a été renvoyé à l’arbitrage, et Ian R. Mackenzie a rendu une décision à son égard le 8 décembre 2005 (2005 CRTFP 173).

3 Les circonstances qui ont abouti au licenciement original et à l’ordonnance rendue par l’arbitre de grief Mackenzie permettent de comprendre le contexte dans lequel les griefs du 2 et du 11 mai 2006 ont été déposés.

4 En 2003, la fonctionnaire s’estimant lésée, qui à l’époque occupait le poste de conseillère principale en communications au sein d’Industrie Canada, a été recrutée par l’employeur pour travailler comme analyste principale au sein de son Secrétariat des communications et de la consultation. Même si son poste était classifié au niveau IS-05, elle a été nommée immédiatement à un poste intérimaire de niveau IS-06.

5 Le BCP, comme tout autre ministère au sein de la fonction publique fédérale, est assujetti à la Politique du gouvernement sur la sécurité, qui prévoit que les fonctionnaires qui ont besoin d’avoir accès à des biens du gouvernement obtiennent une cote de fiabilité et, d’autre part, que les fonctionnaires qui ont une cote de fiabilité valide et qui doivent accéder à des renseignements et à des biens classifiés obtiennent également une cote de sécurité au niveau approprié. Il y a trois niveaux à cet égard : Confidentiel, Secret et Très secret. Un ministère peut attribuer une cote de sécurité une fois que le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) a effectué une évaluation de sécurité concluante.

6 À son arrivée au BCP, la fonctionnaire s’estimant lésée s’est vu attribuer une cote de sécurité Secret. Son poste original et les postes qu’elle a occupés par intérim exigeaient chacun une cote de sécurité au niveau Secret. Cela signifiait que, dans le cadre de son travail, elle n’avait pas accès à des documents ayant la cote Très secret; à la demande de l’employeur, elle a rempli un formulaire aux fins de l’enquête de sécurité permettant au SCRS d'effectuer une évaluation de sécurité pour déterminer s’il convenait de lui attribuer une cote de sécurité Très secret.

7 Dans le cadre de son évaluation de sécurité, le SCRS a recueilli des renseignements défavorables concernant la loyauté de la fonctionnaire s’estimant lésée envers le Canada. Se fondant sur cette évaluation, le greffier du Conseil privé a refusé de lui accorder une cote de sécurité Très secret et a révoqué sa cote de sécurité Secret, cote qu’il fallait obligatoirement posséder pour pouvoir travailler au BCP. Le greffier du Conseil privé a également décidé qu’il ne pouvait recommander qu’elle soit employée ailleurs dans la fonction publique fédérale. Par suite de la perte de sa cote de sécurité, la fonctionnaire s’estimant lésée a perdu son emploi le 28 novembre 2003. La fonctionnaire s’estimant lésée a déposé une plainte auprès du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité pour contester la décision prise par le greffier du Conseil privé concernant sa cote de sécurité. Sa plainte a été rejetée le 4 mars 2005, le président ayant conclu que la décision du greffier selon laquelle il y avait lieu de lui refuser l’attribution d’une cote de sécurité Très secret et de révoquer sa cote de sécurité Secret reposait sur des motifs raisonnables.

8 La fonctionnaire s’estimant lésée avait également déposé un grief contestant son licenciement; ce grief a été renvoyé à l’arbitrage devant l’arbitre de grief Mackenzie, qui a rendu une décision le 8 décembre 2005.

9 Dans sa décision, l’arbitre de grief Mackenzie a précisé que le rôle de l’arbitre de grief dans le cas d’un licenciement par suite de la révocation d’une cote de sécurité est limité, du fait qu’un arbitre de grief n’a pas la compétence nécessaire pour réviser la décision consistant à révoquer la cote de sécurité d’un fonctionnaire. Il a ajouté que du fait de la révocation de la cote de sécurité de la fonctionnaire s’estimant lésée, il ne pouvait absolument pas la réintégrer dans son ancien poste et il n’avait pas la compétence pour ordonner sa nomination à un autre poste. Il a conclu qu’étant donné que l’employeur n’avait pas révoqué la cote de fiabilité approfondie de la fonctionnaire s’estimant lésée, il avait l’obligation de lui trouver un autre poste en dehors du BCP, et qu’il n’avait pas respecté cette obligation. En ce qui concerne les redressements, l’arbitre de grief Mackenzie est arrivé à la conclusion suivante :

[…]

[70]    Je dois maintenant me prononcer sur la mesure de redressement qui convient dans le cas d’un manquement par l’employeur à son obligation de chercher un autre emploi. La Cour fédérale ne s’est pas penchée sur cette question dans l’affaire Singh (supra). Dans l’affaire Gannon (supra), la Cour d’appel fédérale a déterminé qu’il fallait réintégrer le fonctionnaire si l’on en arrivait à la conclusion que le licenciement n’était pas justifié. Cependant, en ce qui concerne la fonctionnaire s’estimant lésée dans la présente affaire, il est impossible en droit de lui redonner son ancien poste au BPC, puisqu’elle ne détient plus la cote de sécurité dont ce poste est assorti. Ainsi qu’il est indiqué dans l’affaire Singh (supra), je ne peux ordonner sa nomination à un autre poste.

[71]    En revanche, je peux ordonner à l’employeur de chercher diligemment un autre poste à un niveau équivalent (son poste d’attache IS-5) ou à un niveau inférieur pour Mme Zhang. L’employeur devrait disposer d’un certain délai pour effectuer cette recherche. Dans les circonstances, deux mois à compter de la date de la présente décision devraient suffire.

[72]    En attendant que l’employeur effectue cette recherche, le congé payé de Mme Zhang devrait être rétabli, à compter du 28 novembre 2003 et jusqu’à ce que l’employeur ait terminé ses recherches en vue de trouver un autre poste. Lorsque l’employeur aura terminé ses recherches, le congé payé de Mme Zhang prendra fin. Je demeurerai compétent uniquement pour traiter de toute question se rapportant à la mise en application de la partie de l’ordonnance qui concerne le rétablissement du congé payé de la fonctionnaire s’estimant lésée.

[73]    Dans son grief, Mme Zhang a demandé que la lettre de licenciement et tous les exemplaires de celle-ci soient retirés de son dossier et détruits en sa présence. Je ne vois pas la nécessité d’une telle ordonnance. Le licenciement est annulé par la présente décision; par conséquent, la lettre de licenciement et tout exemplaire de celle-ci sont sans effet.

[74]    Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

[75]    Le grief est accueilli en partie.

[76]    J’ordonne à l’employeur de chercher pour la fonctionnaire s’estimant lésée, avec diligence, un autre poste d’un niveau équivalent (IS-5) ou d’un niveau inférieur au sein des secteurs de la fonction publique où il est un employeur, pendant deux mois à compter de la date de la présente décision.

[77]    J’ordonne à l’employeur de rétablir le congé payé de Mme Zhang à compter du 28 novembre 2003, et jusqu’à ce qu’il ait fini de chercher un autre poste.

[78]   Je demeurerai saisi de l’affaire uniquement en ce qui concerne la mise en application du rétablissement du congé payé si les parties éprouvent de la difficulté à appliquer cette partie de l’ordonnance.

10 Après que l’arbitre de grief Mackenzie eut rendu sa décision, les événements décrits dans les paragraphes suivants se sont produits.

11 Le 7 avril 2006, l’employeur a envoyé à la fonctionnaire s’estimant lésée la lettre que voici :

[Traduction]

Dans sa décision datée du 8 décembre 2005, l’arbitre de grief Ian R. Mackenzie a ordonné à l’employeur d’effectuer une recherche diligemment, pendant une période de deux mois, pour vous aider à trouver un autre poste à un niveau équivalent (IS-05) ou à un niveau inférieur. Il lui a aussi ordonné de rétablir votre emploi et de vous mettre en congé payé jusqu’au moment où il aura terminé ses recherches. Votre statut a été modifié en conformité avec l’ordonnance rendue par l’arbitre de grief et vous devriez recevoir le redressement approprié dans un proche avenir.

La recherche d’un autre emploi a été amorcée le 14 février 2006 et prendra fin le 13 avril 2006. La présente lettre vise à vous informer qu’à moins que vous ne soyez en mesure de fournir au Bureau du Conseil privé une preuve que vous avez réussi à obtenir un emploi dans un autre ministère, vous cesserez d’être une employée de la fonction publique à la fin de la journée du 13 avril 2006.

Par conséquent, nous vous demandons de fournir l’information nécessaire d’ici le mercredi 12 avril 2006, à Chantal Butler, conseillère en relations de travail, au 55, rue Metcalfe, pièce 1561, Ottawa (Ontario), K1A OA3. Si votre recherche d'un autre emploi se solde par un échec, vous recevrez une autre lettre le 13 avril 2006, vous informant de votre licenciement.

12 Le 13 avril 2006, la fonctionnaire s’estimant lésée a reçu sa lettre de licenciement, qui était signée par le sous-secrétaire du Cabinet du Bureau du Conseil privé et qui se lisait comme suit :

[Traduction]

La présente fait suite à ma lettre datée du 7 avril 2006, dans laquelle je vous demandais de fournir de l’information indiquant si vous aviez réussi à trouver un autre emploi.

Puisque vous n’avez pas été en mesure de nous fournir la preuve requise confirmant que vous avez trouvé un poste ailleurs dans la fonction publique, je vous écris pour vous informer qu’en conformité avec le pouvoir qui m’a été délégué par le greffier du Bureau du Conseil privé et secrétaire du Cabinet, votre emploi en tant qu’analyste principale au Bureau du Conseil privé se terminera à la fin de la journée aujourd’hui, le 13 avril 2006.

Ce licenciement est effectué en vertu de l’alinéa 12(1)e) de la Loi sur la gestion des finances publiques. Si vous souhaitez le contester, vous avez le droit de présenter un grief dans les vingt-cinq (25) jours qui suivent la date à laquelle vous avez reçu l’avis de cette décision.

13 Le 18 avril 2006, le directeur, Opérations de sécurité, BCP, a envoyé, à la fonctionnaire s’estimant lésée, une lettre qui renfermait l’information suivante :

[Traduction]

La présente lettre vise à vous informer que, du fait que vous n’êtes plus employée au Bureau du Conseil privé, votre attestation de fiabilité a fait l'objet d'une annulation administrative, à compter du 18 avril 2006.

[…]

14 Le 2 mai 2006, la fonctionnaire s’estimant lésée a déposé un grief contestant son licenciement. Ce grief était formulé comme suit :

[Traduction]

Je présente un grief pour contester la lettre de licenciement datée du 13 avril 2006 qui porte la signature de Michael Wernick, sous-secrétaire du Cabinet, Planification et consultation, Bureau du Conseil privé.

Mon licenciement ne repose sur aucun motif valable. En outre, la lettre de licenciement est contraire à la décision rendue le 8 décembre 2005 par Ian R. Mackenzie, arbitre de grief, au nom de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP), dans le cadre du dossier 166-2-32992.

[…]

15 Dans sa réponse au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, le 31 août 2006, l’employeur a accueilli partiellement le grief et a expliqué le contexte de sa décision comme suit :

[Traduction]

[…]

Votre grief concerne la décision qui vous a été communiquée le 13 avril 2006 et qui mettait fin à votre emploi au Bureau du Conseil privé, à compter de cette même date. Vous contestez le fait que le licenciement aurait été effectué sans motif valable et vous affirmez que ce licenciement était prématuré.

Comme l’avait ordonné l’arbitre de grief Ian R. Mackenzie dans la décision qu’il a rendue le 8 décembre 2005, l’employeur a effectué une recherche diligente pendant deux mois afin de vous trouver un autre emploi à un niveau équivalent à celui d’IS-05 ou à un niveau inférieur. Dans cette optique, l’employeur a pris les mesures suivantes : il vous a fourni des annonces de possibilités d’emploi, a envoyé votre curriculum vitæ à Industrie Canada, le ministère où vous travailliez avant d’entrer en fonction au Bureau du Conseil privé, a appelé plusieurs ministères pour les informer de vos compétences et a examiné les critères d’admissibilité pour porter votre nom sur une liste prioritaire à la Commission de la fonction publique. Cette recherche a commencé le 14 février 2007 et s’est terminée le 13 avril 2006.

Quelques jours après l'audition du grief, l’employeur a pris connaissance d’une éventuelle possibilité d’emploi à Service Canada dans le contexte d’un processus de sélection ouvert au public où vous aviez présenté une demande. Le grief a été suspendu en attendant les résultats de ce processus de sélection. Nous avons maintenant été informés que votre candidature a été retenue et que votre nomination à Service Canada entrera en vigueur le 5 septembre 2006.

Compte tenu de ce qui précède, nous accueillons partiellement votre grief. Votre licenciement est annulé, et vous êtes en congé payé du 14 avril 2006 au 4 septembre 2006.

16 À l’origine, l’arbitre de grief Michele A. Pineau a été chargée d’entendre le grief. Le 18 mars 2008, elle a tenu une audience au cours de laquelle le bien-fondé du grief n’a pas été discuté, mais elle a entendu des questions préliminaires concernant la divulgation et a ordonné la divulgation de certains types de documents.

17 Le 19 juin 2008, l’employeur a soulevé une objection préliminaire à la compétence d’un arbitre de grief nommé aux termes de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi ») d’entendre le grief contestant le licenciement de la fonctionnaire s’estimant lésée.

18 Le 11 mai 2006, la fonctionnaire s’estimant lésée avait également déposé un grief à l’encontre de la décision du 18 avril 2006 annulant sa cote de fiabilité. Ce deuxième grief était formulé comme suit :

[Traduction]

Je dépose un grief pour contester la lettre d’annulation de ma cote de fiabilité, datée du 18 avril 2006 et signée par Raymond Lamb, directeur, Opérations de sécurité, BCP. Cette annulation ne repose sur aucun motif valable. De plus, cette lettre contrevient directement à la Norme sur la sécurité du personnel (6.1) du Conseil du Trésor, puisque l’employeur a omis de m’informer par écrit de mes droits d’accès à des mécanismes d’examen ou de redressement.

[…]

Redressement :

Je demande que la lettre susmentionnée soit immédiatement retirée et que toutes les copies de cette lettre soient détruites en ma présence, et je demande également que ma cote de fiabilité soit réactivée et que je sois indemnisée intégralement.

19 Le 21 août 2008, l’employeur a rejeté le deuxième grief au dernier palier de la procédure de règlement des griefs :

[…]

L’annulation de votre cote de fiabilité était une mesure purement administrative. En outre, Service Canada vous a attribué une cote de fiabilité en septembre 2006, ce qui signifie que l’affaire est sans objet.

[…]

20 Ainsi qu’il a été mentionné auparavant, ce grief a été renvoyé à l’arbitrage le 29 septembre 2008 et il a été joint au grief contestant le licenciement de la fonctionnaire s’estimant lésée.

21 Le 9 octobre 2008, l’employeur s’est opposé à ce que le grief contestant l’annulation de la cote de fiabilité de la fonctionnaire s’estimant lésée soit joint au grief contestant son licenciement.

22 Le 12 novembre 2008, le président de la Commission m’a confié les deux griefs.

23 Le 5 novembre 2008, l’avocat de l’employeur a déposé une requête conjointe en son nom et au nom du représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée demandant que l’audience prévue du 26 au 28 novembre 2008 se limite aux trois questions préliminaires suivantes : objection à la compétence d'un arbitre de grief d'entendre le grief contestant le licenciement; jonction du grief contestant l’annulation de la cote de fiabilité de la fonctionnaire s’estimant lésée et du grief contestant son licenciement; et divulgation de documents conformément à la décision rendue par l’arbitre de grief Pineau. La requête a été accueillie, et la durée de l’audience s’est limitée à une journée, le 28 novembre 2008.

24 Au début de l’audience, j’ai informé les parties que l’audience se limiterait à l’objection concernant ma compétence et à la question de savoir s'il était opportun de joindre les deux griefs. En ce qui concerne la question de la divulgation, j’ai informé les parties qu’à mon avis, il s’agissait d’une question sur laquelle devrait se pencher l’arbitre de grief chargé d’examiner le bien-fondé des griefs et que, ma décision étant susceptible d’aboutir à la réattribution des griefs à l’arbitre de grief Mackenzie, il serait prématuré de statuer sur le sujet.

25 Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a déposé des pièces, mais aucune des parties n’a présenté de preuve testimoniale. Les lettres indiquées ci-après, qui étaient déjà au dossier, ainsi que les observations faites de vive voix par les deux parties, ont été prises en considération : des lettres datées du 19 juin et du 16 juillet 2008, déposées par l’avocat représentant l’employeur, une lettre datée du 7 juillet 2008, déposée par le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée, et une lettre datée du 9 octobre 2008, déposée par un représentant de l’employeur, Jeff Laviolette.

II. Résumé de l’argumentation

A. Objection à la compétence d’un arbitre de grief d’entendre le grief contestant le licenciement (dossiers de la CRTFP 566-02-602 et 603)  

26 Avant d’examiner l’objection de l’employeur, j’ai invité le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée à confirmer le redressement que demandait cette dernière. Il a confirmé que la fonctionnaire s’estimant lésée ne demandait pas sa réintégration, mais simplement une indemnité pécuniaire pour la période allant de son licenciement, le 13 avril 2006, au 4 septembre 2006, date à laquelle elle a assumé son nouveau poste à Service Canada.

1. Pour l’employeur

27 L’avocat de l’employeur a fait valoir qu’en demandant une rémunération rétroactive pour la période allant du 13 avril 2006 au 4 septembre 2006, la fonctionnaire s’estimant lésée changeait la question qui avait été soulevée initialement dans le grief et réagissait à la réponse qu’avait fournie l’employeur au grief.

28 L’avocat de l’employeur a insisté sur le fait que, dans son grief, la fonctionnaire s’estimant lésée conteste son licenciement, survenu le 13 avril 2006, et que le grief, tel qu’il est formulé, montre clairement la question qui en faisait l’objet. Il a soutenu que la question ne peut être transformée en une autre question après la décision de l’employeur d’accueillir partiellement le grief. L’avocat de l’employeur a prétendu que si la fonctionnaire s’estimant lésée souhaitait contester la décision de l’employeur datée du 31 août 2006 de la placer rétroactivement en « congé non payé », elle aurait dû déposer un autre grief.

29 Se référant au licenciement du 13 avril 2006, l’avocat de l’employeur a affirmé qu’il ne s’agissait pas d’un licenciement ordinaire qui pouvait être contesté par la présentation d’un grief en vertu de l’article 209 de la Loi. Il a précisé que la question du licenciement de la fonctionnaire s’estimant lésée avait déjà été tranchée en 2005 par l’arbitre de grief Mackenzie et que, par conséquent, la question de savoir si l’employeur avait un motif valable de mettre fin à l’emploi de la fonctionnaire s’estimant lésée ne pouvait être examinée en raison du principe de la préclusion s’appliquant à une question déjà tranchée. Les décisions et les ordonnances rendues par l’arbitre de grief Mackenzie pouvaient ni être réexaminées ni faire l’objet d’un nouveau litige par le dépôt de griefs subséquents. Sur ce point, l’employeur s’est appuyé sur les arrêts Danyluk c. Ainsworth Technologies Inc., 2001 CSC 44, et Sherman c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2004 CRTFP 125.

30 L’avocat de l’employeur a affirmé que même si l’arbitre de grief Mackenzie a annulé le licenciement de la fonctionnaire s’estimant lésée, il a reconnu clairement qu’il ne pouvait pas ordonner sa réintégration dans son poste antérieur et qu’il n’avait pas la compétence nécessaire pour la nommer à un autre poste. L’employeur a fait valoir également que la réintégration de la fonctionnaire s’estimant lésée, telle qu’elle avait été ordonnée par l’arbitre de grief Mackenzie, était conditionnelle et se limitait à la période durant laquelle l’employeur devait effectuer une recherche dans le but de trouver un autre emploi pour la fonctionnaire s’estimant lésée. L’avocat de l’employeur a précisé que celui-ci avait effectué une recherche diligente, que celle-ci avait été vaine, et que la fonctionnaire s’estimant lésée avait été licenciée à la suite de la recherche conformément aux paragraphes 72 et 77 de la décision de l’arbitre de grief Mackenzie, reproduits ci-après :

[72]    En attendant que l’employeur effectue cette recherche, le congé payé de Mme Zhang devrait être rétabli, à compter du 28 novembre 2003 et jusqu’à ce que l’employeur ait terminé ses recherches en vue de trouver un autre poste.   Lorsque l’employeur aura terminé ses recherches, le congé payé de Mm Zhang prendra fin.   Je demeurerai compétent uniquement pour traiter de toute question se rapportant à la mise en application de la partie de l’ordonnance qui concerne le rétablissement du congé payé de la fonctionnaire s’estimant lésée.

[…]

[77]    J’ordonne à l’employeur de rétablir le congé payé de Mme Zhang à compter du 28 novembre 2003, et jusqu’à ce qu’il ait fini de chercher un autre poste.

31 L’employeur est d’avis qu’en mettant fin à l’emploi de la fonctionnaire s’estimant lésée le 13 avril 2006, il se conformait simplement à l’ordonnance rendue par l’arbitre de grief Mackenzie. Par conséquent, le licenciement doit être interprété non pas comme un licenciement au sens de l’article 209 de la Loi, mais comme une conséquence de la décision de l’arbitre de grief Mackenzie.

32 L’avocat de l’employeur a également prétendu qu’étant donné que le licenciement de la fonctionnaire s’estimant lésée ne pouvait être réexaminé, la seule question réelle qui restait dans son grief était celle de savoir si l’employeur avait respecté les conditions énoncées dans l’ordonnance rendue par l’arbitre de grief Mackenzie et avait effectué une recherche diligente en vue de trouver un autre emploi pour la fonctionnaire s’estimant lésée dans les ministères à l’égard desquels le Conseil du Trésor agit comme employeur. Il a insisté pour dire que les observations initiales faites par le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée devant l’arbitre de grief Pineau allaient dans ce sens, et il a cité ses propos comme suit : [traduction] « L’employeur a fait preuve de mauvaise foi dans le contexte de la recherche effectuée durant la période de deux mois. »

33 Sur ce point, l’avocat de l’employeur a affirmé que la question du respect, par l’employeur, de l’ordonnance rendue par l’arbitre de grief Mackenzie ne pouvait donner lieu à un grief arbitrable aux termes de l’article 209 de la Loi. Pour l’employeur, une telle question a trait à l’exécution de la décision de l’arbitre de grief Mackenzie. L’avocat de l’employeur a fait valoir que le processus d’exécution d’une ordonnance rendue par un arbitre de grief est énoncé à l’article 234 de la Loi et relève de la compétence de la Cour fédérale.

34 L’avocat de l’employeur a fait valoir qu'au cas où je déciderais que la question concernant le caractère suffisant de la recherche ne constitue pas une question liée à l’exécution de l’ordonnance rendue par l’arbitre de grief Mackenzie, cet aspect devrait alors être considéré comme une question liée à sa mise en application. Il a affirmé qu’un arbitre de grief, selon l’article 209 de la Loi, n’est pas habilité à statuer sur la mise en application d’une ordonnance rendue par un autre arbitre de grief et que, par conséquent, la question devrait être renvoyée à l’arbitre de grief Mackenzie. Il a également ajouté que l’arbitre de grief Mackenzie était le mieux placé pour statuer sur la mise en application de sa propre décision.

2. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

35 Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a indiqué que l’employeur ne pouvait soulever une objection à l’égard de la compétence d’un arbitre de grief, puisqu’il n’avait pas soulevé son objection avant l’audience devant l’arbitre de grief Pineau ou pendant celle-ci. L’objection de l’employeur a été soulevée pour la première fois dans la lettre datée du 19 juin 2008, donc trop tard de l’avis de la fonctionnaire s’estimant lésée. Le représentant de cette dernière a précisé que, par conséquent, l’employeur devrait être considéré comme ayant renoncé à son droit de soulever des questions de compétence.

36 En ce qui concerne le bien-fondé de l’objection, la fonctionnaire s’estimant lésée a fait valoir que les griefs ont été renvoyés à bon droit d’abord à l’arbitre de grief Pineau et maintenant, à la soussignée.

37 Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a indiqué que l’allégation selon laquelle l’employeur n’avait pas effectué une recherche diligente n’était pas la seule question soulevée par les griefs. Il a répondu à l’argument de l’employeur selon lequel il avait admis devant l’arbitre de grief Pineau que cette question était la seule question réelle en précisant que la question de la suffisance de la recherche avait été soulevée dans le contexte d’un débat portant sur la divulgation et non pas dans le contexte de l’examen du bien-fondé des griefs.

38 Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a affirmé que le grief daté du 2 mai 2006 soulève les deux questions suivantes : l’une portant sur le caractère suffisant de la recherche effectuée par l’employeur et l’autre, sur le licenciement. Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a décrit comme suit la perception qu’avait la fonctionnaire s’estimant lésée des événements. L’employeur n’a pas rempli son obligation d’effectuer une recherche diligente pour lui trouver un autre poste. Il a fait le minimum et, dans sa lettre du 7 avril 2006, a inversé la charge de la preuve en exigeant que la fonctionnaire s’estimant lésée montre qu’elle avait trouvé un autre poste, faute de quoi elle serait licenciée. L’employeur n’a pas collaboré avec elle ni ne l’a aidée lorsqu’elle a postulé un poste pendant la durée de la recherche. Au lieu de lui fournir un soutien, l’employeur était tellement pressé qu’il l’a licenciée dès la première occasion, puis il a annulé sa cote de fiabilité, même s’il savait qu’elle participait à un concours qui pouvait aboutir à sa nomination à un autre poste.

39 Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée s’est dit en désaccord avec la prétention de l’employeur selon laquelle la question du caractère suffisant de la recherche a trait à la mise en application de la décision rendue par l’arbitre de grief Mackenzie. Il a soutenu que l’arbitre de grief Mackenzie avait clairement indiqué qu’il demeurait saisi de l’affaire à l’égard d’une seule question, soit le rétablissement du congé payé de la fonctionnaire s’estimant lésée. Il n’a pas conservé sa compétence concernant la mise en application des autres parties de sa décision, où notamment il ordonnait à l’employeur d’effectuer une recherche diligente afin de trouver un autre poste pour la fonctionnaire s’estimant lésée. Par conséquent, de l’avis de la fonctionnaire s’estimant lésée, n'importe quel arbitre de grief peut être saisi à bon droit de questions liées à la mise en application de cette ordonnance.

40 En ce qui concerne le licenciement, le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée ne partage pas le point de vue de l’employeur selon lequel le licenciement de la fonctionnaire s’estimant lésée le 13 avril 2006 résultait de la décision rendue par l’arbitre de grief Mackenzie ou de son application. Il a fait valoir que l’arbitre de grief Mackenzie n’a pas ordonné que la fonctionnaire s’estimant lésée soit automatiquement licenciée à la fin de la recherche si celle-ci se soldait par un échec. La décision précisait que le congé payé prendrait fin, et non pas que la fonctionnaire s’estimant lésée serait licenciée. Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a indiqué que, par conséquent, l’employeur aurait pu et, dans les circonstances, aurait dû maintenir la situation d’emploi de la fonctionnaire s’estimant lésée jusqu’à ce que le concours auquel elle participait prenne fin.

41 Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a affirmé que le licenciement de cette dernière le 13 avril 2006 se distingue du licenciement survenu le 28 novembre 2003 et qu’il est arbitrable en vertu de l’article 209 de la Loi, comme tout autre licenciement. Il a insisté sur le fait que même l’employeur a reconnu le droit de la fonctionnaire s’estimant lésée de contester son licenciement, étant donné que la lettre de licenciement indiquait clairement qu’elle avait le droit de le faire. Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a également insisté sur le fait que l’employeur avait même accueilli partiellement le grief.

3. Réplique de l’employeur

42 L’avocat de l’employeur a répondu à l’argument présenté par le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée concernant la présumée renonciation au droit de l’employeur de soulever une objection de compétence. Il a précisé premièrement que l’arbitre de grief Pineau s’était penchée uniquement sur des questions procédurales et de divulgation et que, par conséquent, les discussions concernant le bien-fondé des griefs n’avaient pas commencé et, deuxièmement, qu’une question de compétence peut être soulevée n’importe quand et qu’une partie ne peut renoncer à des questions de compétence ni consentir à élargir la compétence d’un arbitre de grief en vertu de la Loi. Sur ce point, l’employeur s’est référé aux arrêts Boutilier c. Canada (Conseil du Trésor), [1999] 1 C.F. 459 (1re instance) et Boutilier c. Canada (Procureur général), [2000] 3 C.F. 27 (C.A.).

B. La pertinence de la jonction du grief contestant l’annulation de la cote de fiabilité de la fonctionnaire s’estimant lésée (dossier de la CRTFP 566-02-2358) et du grief contestant son licenciement (dossiers de la CRTFP 566-02-602 et 603)

1. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

43 Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a expliqué que la révocation de la cote de fiabilité de la fonctionnaire s’estimant lésée s’inscrivait dans un continuum de mesures prises par l’employeur après que l’arbitre de grief Mackenzie eut rendu sa décision. Il a allégué que l’employeur souhaitait expulser la fonctionnaire s’estimant lésée de la fonction publique. Il a été forcé à chercher d’autres postes et a fait le minimum. Il a mis fin à l’emploi de la fonctionnaire s’estimant lésée à la première occasion et, en annulant sa cote de fiabilité, il est allé plus loin et a continué d’agir de mauvaise foi. Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a précisé qu’en annulant la cote de fiabilité de la fonctionnaire s’estimant lésée, l’employeur a fait obstacle au processus et a retardé davantage sa nomination à Service Canada. Il a ajouté qu’il fallait examiner le comportement de l’employeur dans son ensemble et que, dans ce contexte, l’employeur devait prouver la légitimité de la révocation de la cote de fiabilité de la fonctionnaire s’estimant lésée.

44 Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a également fait valoir que, dans les circonstances, il est manifeste que la révocation de la cote de fiabilité de la fonctionnaire s’estimant lésée est reliée étroitement à la conduite antérieure de l’employeur qui a mené à son licenciement et que, par conséquent, le grief contestant l’annulation de la cote de fiabilité de la fonctionnaire s’estimant lésée devrait être joint au grief contestant son licenciement, puisque les questions soulevées trouvent leur origine dans une suite unique d’événements.

45 En ce qui concerne la compétence de l’arbitre de grief de statuer sur un grief ayant trait à l’annulation de la cote de fiabilité, le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée s’est référé aux arrêts suivants : Heustis c. Nouveau-Brunswick (Commission d’énergie électrique), [1979] 2 R.C.S. 768; Deering c. Conseil du Trésor (Défense nationale), dossier de la CRTFP 166-02-26518 (19960208); Gunderson c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Douanes et Accise), dossiers de la CRTFP 166-02-26327 et 166-02-26328 (19960725); O’Connell c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel), dossiers de la CRTFP 166-02-27507, 27508 et 27519 (19970819); Gill c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2007 CRTFP 81.

2. Pour l’employeur

46 L’employeur s’oppose à ce que le grief déposé à l’encontre de l’annulation de la cote de fiabilité de la fonctionnaire s’estimant lésée soit joint au grief déposé à l’encontre de son licenciement.

47 D’une part, l’avocat de l’employeur a réitéré sa position que le grief contestant le licenciement de la fonctionnaire s’estimant lésée ne constitue pas un grief nouveau, séparé et distinct, mais qu’il soulève plutôt une question d’exécution ou de mise en application de l’ordonnance rendue par l’arbitre de grief Mackenzie. D'autre part, il a fait valoir que le grief contestant l’annulation de la cote de fiabilité de la fonctionnaire s’estimant lésée soulève une question séparée et distincte et qu’en conséquence, il ne devrait pas être joint au grief portant sur le licenciement.

48 L’avocat de l’employeur a aussi prétendu que le grief contestant l’annulation de la cote de fiabilité de la fonctionnaire s’estimant lésée n’est pas arbitrable en vertu de l’article 209 de la Loi parce que la décision de l’employeur était simplement à caractère administratif et qu'en la prenant, il se pliait à la Politique du gouvernement sur la sécurité. Il s’est référé à Hillis c. Conseil du Trésor (Développement des ressources humaines Canada), 2004 CRTFP 151. L’avocat de l’employeur a également indiqué que si la fonctionnaire s’estimant lésée souhaitait contester l’annulation de sa cote de fiabilité, elle aurait dû demander un contrôle judiciaire de la décision de l’employeur devant la Cour fédérale, comme on l’a fait dans l’affaire Myers c. Canada (Procureur général), 2007 CF 946 et 2007 CF 947. D’après l’employeur, la Cour fédérale constitue la seule instance appropriée.

49 L’avocat de l’employeur a également affirmé que la question de l’annulation de la cote de fiabilité de la fonctionnaire s’estimant lésée est sans objet étant donné qu’elle a ensuite obtenu une cote de fiabilité de Service Canada. Sur ce point, l’employeur s’est appuyé sur les arrêts Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342, et Perez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 663.

3. Observations en réplique de la fonctionnaire s’estimant lésée

50 Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a insisté sur le fait que la décision de l’employeur d’annuler la cote de fiabilité de cette dernière était en fait une mesure disciplinaire déguisée et que l’arbitre de grief est habilité à examiner le caractère raisonnable de la décision de l’employeur, la bonne foi de ce dernier et l’équité du processus ayant abouti à la décision.

51 Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a également fait valoir que le fait que Service Canada a accordé une cote de fiabilité à la fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas rendu la question sans objet. À cet égard, le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a souligné que cette dernière allègue que la décision de l’employeur lui a causé un préjudice, puisqu’elle a retardé sa participation au concours qui a mené à sa nomination à Service Canada.

III. Motifs

A. Objection à la compétence d’un arbitre de grief d’entendre le grief contestant le licenciement de la fonctionnaire s’estimant lésée (dossiers de la CRTFP 566-02-602 et 603)   

52 Avant de me pencher sur le bien-fondé de l’objection, j’examinerai l’allégation de l’employeur selon laquelle la fonctionnaire s’estimant lésée aurait changé la nature de son grief après qu'il eut rendu une décision sur celui-ci.

53 Je ne considère pas qu’en demandant à être dédommagée pour la période allant de son licenciement à son entrée en fonction à Service Canada, la fonctionnaire s’estimant lésée a changé la nature de son grief. Compte tenu du fait que l’employeur a annulé son licenciement, qu’elle ne demande plus sa réintégration et qu’elle a trouvé un autre poste à compter du 4 septembre 2006, j’estime qu’une indemnité pécuniaire constitue une réparation qui peut être incluse dans le grief tel qu’il a été formulé. Le grief renferme l’affirmation suivante : [traduction] « Je demande que la lettre susmentionnée soit immédiatement retirée et que toutes les copies de cette lettre soient détruites en ma présence et je demande également ma réintégration sans perte de rémunération et d'avantages sociaux et que je sois indemnisée intégralement [je souligne] ». À mon avis, le langage du grief indique clairement que la fonctionnaire s'estimant lésée demandait sa réintégration, sans perte de rémunération. Le fait que l’employeur a accueilli partiellement le grief et a annulé le licenciement et le fait que la fonctionnaire s’estimant lésée ne demande plus sa réintégration ne changent pas la nature du grief ni n’éliminent la question de la rémunération.

54 Je tourne maintenant mon attention vers la prétention de la fonctionnaire s’estimant lésée selon laquelle l’employeur n’a pas soulevé son objection dans les délais prescrits et qu’il devrait être considéré comme ayant renoncé à son droit de soulever des questions de compétence. Je ne crois pas que l’employeur n’ait pas été autorisé à soulever son objection le 19 juin 2008. Premièrement, je considère que l’audience devant l’arbitre de grief Pineau était limitée à des aspects préliminaires relativement à des questions de divulgation. J’estime par conséquent que l’audience proprement dite du grief n’avait pas commencé. Deuxièmement, je suis liée par les arrêts Boutilier c. Canada (Conseil du Trésor) et Boutilier c. Canada (Procureur général), où la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale ont déterminé qu’une question de compétence peut être soulevée n’importe quand, même au moment d’un contrôle judiciaire. La compétence d’un arbitre de grief a été circonscrite par le législateur à l’article 209 de la Loi, et les parties ne peuvent faire fi de ces limites ni les élargir. En conséquence, je considère que l’employeur n’aurait pas pu renoncer à son droit de soulever l’objection préliminaire en ce qui concerne la compétence et qu’il avait le droit de soulever l'objection au moment où il s’est prévalu de ce droit.

55 Je me penche maintenant sur le bien-fondé de l’objection de l’employeur. Pour les motifs suivants, j’estime que je suis saisie à bon droit des griefs.

56 Dans son grief, la fonctionnaire s’estimant lésée conteste son licenciement comme suit :

[Traduction]

Je présente un grief pour contester la lettre de licenciement datée du 13 avril 2006 […]

Mon licenciement ne repose sur aucun motif valable. En outre, la lettre de licenciement est contraire à la décision rendue le 8 décembre 2005 par Ian R. Mackenzie […]

[…]

57 À l’ouverture de l’audience, le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a précisé que cette dernière alléguait les deux éléments suivants : premièrement, que l’employeur n’avait pas effectué une recherche diligente comme le lui avait ordonné l’arbitre de grief Mackenzie et deuxièmement, que, dans les circonstances, son licenciement était prématuré et avait été effectué de mauvaise foi.

58 Les deux parties admettent que le litige découle du comportement des parties en réponse et suite à la décision rendue par l’arbitre de grief Mackenzie le 8 décembre 2005. Les parties s’entendent également pour dire que les questions soulevées dans les griefs ont trait, du moins en partie, à la question de savoir si l’employeur s’est conformé à la décision de l’arbitre de grief Mackenzie.

59 Or, les parties n’interprètent pas de la même façon la portée de la décision. L’employeur soutient que la réintégration de la fonctionnaire s’estimant lésée était limitée à la période de deux mois que devait durer la recherche et que, par conséquent, le licenciement du 13 avril 2006 n’est pas arbitrable, parce qu’il découlait de la mise en application de la décision. La fonctionnaire s’estimant lésée, pour sa part, affirme que c’est le congé payé seulement, et non la réintégration, qui se limitait à une période de deux mois et que, par conséquent, le licenciement est arbitrable aux termes de l’article 209 de la Loi, comme tout autre licenciement.

60 Pour établir si le licenciement du 13 avril 2006 de la fonctionnaire s’estimant lésée est arbitrable en vertu de l’article 209 de la Loi, je dois examiner la portée de l’ordonnance rendue par l’arbitre de grief Mackenzie en posant la question suivante : l’ordonnance sous-entendait-elle que la fonctionnaire s’estimant lésée serait automatiquement licenciée à la fin de la période de deux mois, si la recherche se soldait par un échec?

61 Je commencerai par affirmer qu’a priori, l’interprétation donnée par chaque partie à la décision pourrait être acceptée. Pour les motifs énoncés ci-après, je préfère cependant l’interprétation de la fonctionnaire s’estimant lésée et je conclus que l’ordonnance rendue par l’arbitre de grief Mackenzie ne sous-entendait pas que l’employeur devait licencier cette employée immédiatement après la période de recherche.

62 La décision ordonnait sans équivoque à l’employeur d’effectuer une recherche diligente pendant une période de deux mois, durant laquelle la fonctionnaire s’estimant lésée serait en congé payé. Je ne crois pas que la décision sous-entendait que la réintégration se limiterait nécessairement à la période de recherche. Au paragraphe 72 de sa décision, l’arbitre de grief Mackenzie a affirmé que « [l]orsque l’employeur aura terminé ses recherches, le congé payé de Mme Zhang prendra fin ». Dans son ordonnance, il déclare qu’il « ordonne à l’employeur de rétablir le congé payé de Mme Zhang à compter du 28 novembre 2003, et jusqu’à ce qu’il ait fini de chercher un autre poste ». La décision ne précise pas que la réintégration cessera immédiatement à la fin de la période de recherche. Si l’arbitre de grief avait souhaité limiter la réintégration à la période de recherche, je pense qu’il aurait été plus explicite.

63 À mon avis, l’ordonnance sous-entendait que la relation d’emploi entre l’employeur et la fonctionnaire s’estimant lésée aurait pu se terminer si la recherche n’avait rien donné. Or, je considère que la décision ne dictait pas à l’employeur de mettre fin à l’emploi de la fonctionnaire s’estimant lésée au lendemain de la fin de la période de recherche. J’estime que l’ordonnance accordait à l’employeur la discrétion et la latitude nécessaires pour décider, en tenant compte des circonstances, à quel moment, le cas échéant, il convenait de mettre fin à la relation d’emploi. Il est probable que plusieurs éléments auraient été pris en compte, y compris les résultats de la recherche et tout suivi éventuel.

64 Même si je suis d’avis moi aussi que le licenciement du 13 avril 2006 avait un certain lien avec la décision rendue par l’arbitre de grief Mackenzie, je ne pense pas qu’il ait ordonné à l’employeur de licencier la fonctionnaire s’estimant lésée au lendemain de la fin de la recherche. Ainsi, je conclus que la décision de l’employeur de licencier la fonctionnaire s’estimant lésée le 13 avril 2006 ne devrait pas être considérée comme étant la mise en application de la décision de l’arbitre de grief Mackenzie ou comme donnant suite à celle-ci. Pour les motifs énoncés ci-dessus, je considère que le licenciement le 13 avril 2006 de la fonctionnaire s’estimant lésée est distinct du licenciement qui est survenu en 2003 et, par conséquent, qu’il est arbitrable en vertu de l’article 209 de la Loi.

65 Je considère aussi que le principe de la préclusion s’appliquant à une question déjà tranchée n’empêche pas l’examen des questions soulevées dans le grief contestant le licenciement, puisque ces questions ne sont pas identiques à celles qui avaient été soulevées dans le grief à l’origine de la décision rendue par l’arbitre de grief Mackenzie. D’une part, dans son grief de 2003, la fonctionnaire s’estimant lésée contestait son licenciement initial, et le litige portait sur l’omission de l’employeur d'effectuer une recherche pour lui trouver un autre emploi durant une période très précise en 2003. D'autre part, les questions soulevées dans les griefs dont je suis saisie concernent le caractère suffisant de la recherche qui a été ordonnée en 2005 et la décision ultime prise par l’employeur en 2006 de licencier la fonctionnaire s’estimant lésée une deuxième fois après la période de recherche.

66 J’ajouterai un point, à savoir que j’en serais arrivée à la même conclusion si j’avais adopté l’interprétation de l’employeur selon laquelle l’ordonnance rendue par l’arbitre de grief Mackenzie signifiait que l’emploi de la fonctionnaire s’estimant lésée cesserait automatiquement à la fin de la période de recherche. Ma compréhension de la décision de l’arbitre de grief Mackenzie m’aurait amenée à conclure que sa décision sous-entendait notamment que l’employeur était tenu d’effectuer une recherche diligente. En réponse à l’allégation selon laquelle l’employeur n’a pas effectué une telle recherche diligente, j’aurais conclu qu’il y avait lieu d’examiner le comportement de l’employeur, y compris sa décision ultime de mettre fin à l’emploi de la fonctionnaire s’estimant lésée. J’aurais par conséquent conclu que le licenciement était arbitrable à première vue aux termes de l’article 209 de la Loi.

67 En dépit de ma conclusion quant à l'arbitrabilité du grief, je conviens avec l’employeur qu’il ne peut être examiné comme un grief de licenciement ordinaire et que l’on ne peut pas ne pas tenir compte des constatations et de la décision de l’arbitre de grief Mackenzie. À cet égard, il est clair que l’analyse des questions soulevées dans le grief ne pouvait aboutir à des conclusions ou à des réparations qui entraîneraient la reprise ou la remise en question des éléments sur lesquels avait statué l’arbitre de grief Mackenzie. Ainsi, les éléments suivants sont considérés comme incontestables :

  • Le licenciement original de la fonctionnaire s’estimant lésée, survenu en 2003, a fait l’objet d’une décision et a été annulé.
  • À l’époque, la fonctionnaire s’estimant lésée ne pouvait être rétablie dans son ancien poste au BCP parce qu’elle ne satisfaisait pas à la condition obligatoire d’emploi selon laquelle elle devait détenir une cote de sécurité particulière, et l’arbitre de grief n’était pas habilité à la nommer à un autre poste.

68 Dans le cadre de l’arbitrage des griefs dont je suis saisie, je ne puis réexaminer ces conclusions et je ne puis rendre une ordonnance rétablissant la fonctionnaire s’estimant lésée dans son ancien poste au BCP ou la nommant à un quelconque autre poste.

69 Outre le licenciement, le grief soulève également la question de savoir si l’employeur a effectué une recherche diligente pour trouver un autre poste pour la fonctionnaire s’estimant lésée. Lorsqu’elle est examinée séparément, je conviens avec l’employeur que cette question pourrait être perçue comme une question ayant trait à l'exécution de la décision de l’arbitre de grief Mackenzie, question à l’égard de laquelle l’arbitre de grief n’a pas la compétence voulue. Or, je crois que la question du caractère suffisant de la recherche ne peut être isolée du licenciement de la fonctionnaire s’estimant lésée. À mon avis, le comportement de l’employeur entre la réintégration de la fonctionnaire s’estimant lésée et son deuxième licenciement le 13 avril 2006 est un continuum qui doit être analysé comme une suite d’événements et qui devrait être considéré comme un incident unique. Étant donné que j’ai décidé que le licenciement est arbitrable en vertu de l’article 209 de la Loi, je considère que le comportement de l’employeur qui a abouti au licenciement peut également faire l’objet d’un examen.

70 En outre, j’estime que le fait que l’une des questions soulevées dans le grief puisse être considérée comme se rapportant à l’exécution de l’ordonnance de l’arbitre de grief Mackenzie n’empêche pas un arbitre de grief de se pencher sur la question s’il est par ailleurs compétent à son égard. En toute déférence, j’estime que lorsque l’arbitre de grief en vertu de la Loi et la Cour fédérale détiennent tous deux la compétence à l’égard d’un différend dans le domaine des relations de travail, il y a lieu de préférer l’arbitrage du grief à la procédure devant la Cour fédérale. J’estime que cette orientation est compatible avec les principes soulignés dans la série de décisions suivantes rendues par la Cour suprême du Canada : S.C.F.P. c. Société des Alcools du N.-B.,[1979] 2 R.C.S. 227; St. Anne Nackawic Pulp & Paper c. SCTP, [1986] 1 R.C.S. 704; Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929; New-Brunswick c. O’Leary, [1995] 2 R.C.S. 967; Regina Police Assn. Inc. c. Regina (Ville) Board of Police Commissioners, 2000 CSC 14; et Vaughan c. Canada, 2005 CSC 11.

71 En l’espèce, les questions soulevées dans les griefs sont des questions visées par le régime de règlement des différends prévu dans la partie 2 de la Loi, à l’égard duquel un arbitre de grief est compétent. Je crois également que, compte tenu des circonstances, une procédure de mise à exécution devant la Cour fédérale n’aboutirait pas à une réparation satisfaisante même si la fonctionnaire s’estimant lésée obtenait gain de cause, puisque cette dernière ne demande pas la poursuite de la recherche ni sa réintégration.

72 En ce qui concerne le dernier argument de l’employeur selon lequel la question du caractère suffisant de la recherche devrait être considérée comme une question ayant trait à la mise en application de la décision de l’arbitre de grief Mackenzie et qu’elle devrait être confiée à ce dernier, en toute déférence, je ne partage pas cet avis.

73 Je considère que cette question ne porte pas sur la portion de l’ordonnance à l’égard de laquelle l’arbitre de grief Mackenzie est demeuré saisi. Dans sa décision, il a indiqué clairement qu’il demeurait saisi uniquement « en ce qui concerne la mise en application du rétablissement du congé payé ». On ne conteste pas que l’employeur s’est conformé à cette partie de l’ordonnance. En ce qui concerne les autres parties de l’ordonnance, je considère que l’arbitre de grief Mackenzie est functus officio. Je considère également qu’il n’est pas mieux placé que n’importe quel autre arbitre de grief pour analyser le comportement des parties après qu’il a rendu sa décision et pour établir si l’employeur a bel et bien effectué une recherche diligente et si sa décision de licencier la fonctionnaire s’estimant lésée le 13 avril 2006 était raisonnable.

74 Pour conclure, je réitère que j’estime être saisie à bon droit du grief, qui soulève les questions suivantes :

  • L’employeur a-t-il effectué une recherche diligente d'une durée de deux mois afin de trouver un autre poste pour la fonctionnaire s’estimant lésée?
  • Dans les circonstances, le licenciement de la fonctionnaire s’estimant lésée le 13 avril 2006 reposait-il sur un motif valable?

B. La pertinence de la jonction du grief contestant l’annulation de la cote de fiabilité de la fonctionnaire s’estimant lésée et du grief contestant son licenciement

75 En ce qui concerne la pertinence de la décision de joindre ces griefs, il est clair dans mon esprit que les allégations de la fonctionnaire s’estimant lésée au sujet de l’annulation de sa cote de fiabilité sont étroitement liées aux allégations contenues dans le grief contestant son licenciement. La fonctionnaire s’estimant lésée conteste le comportement de l’employeur en réponse à la décision rendue par l’arbitre de grief Mackenzie, et le licenciement et l’annulation de la cote de fiabilité forment une succession d’événements reliés à ce comportement. Je conclus par conséquent qu’il convient d’entendre les deux griefs ensemble.

76 Je n’ai pas l’intention, à ce stade-ci, de statuer sur l’objection de l’employeur en ce qui concerne la compétence d’un arbitre de grief d’être saisi d’un grief contestant sa décision d’annuler la cote de fiabilité de la fonctionnaire s’estimant lésée. La fonctionnaire s’estimant lésée allègue que la décision a été prise de mauvaise foi et qu’elle constituait une mesure disciplinaire déguisée. Compte tenu de l’allégation et étant donné qu’elle découle des mêmes événements qui ont conduit aux autres griefs, je suis d’avis qu’il convient de prendre l’objection en délibéré jusqu’à ce que j’entende le grief sur le fond.

77 Pour conclure, je tiens à affirmer que je ne considère pas que le fait pour la fonctionnaire s’estimant lésée de s’être vu accorder une cote de fiabilité par Service Canada après l’annulation de sa cote de fiabilité par le BCP rend la question sans objet, compte tenu de l’allégation suivant laquelle la décision du BCP aurait retardé sa nomination à Service Canada.

78 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

IV. Ordonnance

79 L’objection de l’employeur concernant ma compétence à l’égard des dossiers 566-02-602 et 603 est rejetée.

80 Je prends en délibéré l’objection concernant le caractère arbitrable du dossier 566-02-2358.

81 Je déclare que le dossier 566-02-2358 sera joint aux dossiers 566-02-602 et 603 et que l’ensemble des griefs sera entendu à la même audience.

82 Des dates d’audience seront fixées pour entendre tous les griefs sur le fond.

Le 16 février 2009.

Traduction de la CRTFP

Marie-Josée Bédard,
arbitre de grief

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