Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’employée a présenté un grief à l’encontre de la fin de son emploi - elle avait été embauchée de façon continue auprès de l’administrateur général pendant plus de 13 ans et avait cumulé des termes d’emploi à temps plein, à temps partiel et <<sur appel>> - l’administrateur général a mis fin prématurément à son dernier terme d’emploi, qui était <<sur appel>> - il a objecté que l’arbitre de grief n’avait pas compétence pour entendre le grief - l’arbitre de grief a conclu que l’employée n’était pas une <<fonctionnaire>> au sens de la Loi, parce qu’elle était employée <<sur appel>> lorsque l’administrateur général a mis fin à son emploi et qu’elle n’était pas <<[...] ordinairement astreinte à travailler plus du tiers du temps normalement exigé des personnes exécutant des tâches semblables [...]>> - l’arbitre de grief a aussi conclu que, dans les circonstances, elle n’avait pas compétence pour ordonner une mesure de réparation fondée sur l’équité, puisque ceci aurait pour effet de modifier la façon dont la Loi définit qui est fonctionnaire. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2009-04-15
  • Dossier:  566-02-841
  • Référence:  2009 CRTFP 47

Devant un arbitre de grief


ENTRE

MARCELINE NEMOURS

partie s'estimant lésée

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(ministère des Anciens Combattants)

défendeur

Répertorié
Nemours c. Administrateur général (ministère des Anciens Combattants)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Michele A. Pineau, arbitre de grief

Pour la partie s'estimant lésée:
Pierrette Gosselin, avocate

Pour l'autre partie au grief :
Adrian Bieniasiewicz, avocat

Affaire entendue à Montréal (Québec),
du 3 au 5 juin 2008.

I. Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

1 Marceline Nemours travaille comme infirmière chef d’équipe à l’Hôpital Sainte-Anne, Sainte-Anne-de-Bellevue (l’« Hôpital Sainte-Anne ») depuis 1992. Elle est employée au ministère des Anciens Combattants et elle détient la classification NU-HOS-02. La convention collective applicable aux infirmières est celle conclue entre le Conseil du Trésor et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada le 31 mai 2005 à l’égard de l’unité de négociation du groupe Services de santé (la « convention collective »).

2 Le 17 novembre 2005, Mme Nemours est licenciée. Le 23 décembre 2005, elle dépose un grief contestant son licenciement.

3 Au moment de son licenciement, Mme Nemours est une employée dite « sur appel ». Sa lettre d’offre stipule que sa période d’emploi est du 1er novembre 2005 au 30 janvier 2006. La lettre précise qu’elle n’est pas tenue de travailler habituellement plus du tiers des heures normales de travail et, par conséquent, qu’elle n’est pas régie par la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (la « nouvelle LEFP »), édictée par les articles 12 et 13 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22.

4 Au premier palier de la procédure de règlement des griefs, l’administrateur général répond que Mme Nemours n’est pas une fonctionnaire au sens de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « nouvelle LRTFP »), édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique et, par conséquent, qu’elle ne peut se prévaloir de la procédure de griefs. Au deuxième palier, l’administrateur général décide que Mme Nemours a un statut d’employée « sur appel » et qu’ellen’est pas ordinairement astreinte à travailler plus du tiers du temps normalement exigé des fonctionnaires exécutant des tâches semblables. L’administrateur général invoque les paragraphes 208(1) et 2(1) de la nouvelle LRTFP au soutien de sa décision. Au troisième palier, l’administrateur général confirme sa décision voulant que le grief est inadmissible en raison du fait que Mme Nemours n’est pas une fonctionnaire au sens de la nouvelle LRTFP.

5 Dans le cadre du présent renvoi à l’arbitrage, Mme Nemours allègue que l’administrateur général lui a imposé une mesure disciplinaire entraînant le licenciement et l’administrateur général soulève encore une fois son objection quant à la recevabilité du grief et la compétence d’un arbitre de grief pour entendre le grief de Mme Nemours. Puisqu’il s’agit d’une question fondamentale à l’exercice de ma compétence, cette question est la seule dont traite la présente décision.

6 Dans le contexte de cette décision, toute référence générale à des « infirmières » comprend aussi la gent masculine.

II. Résumé de la preuve

7 Les faits qui sont à l’origine du présent différend ne sont pas réellement contestés, c’est plutôt l’interprétation de ces faits qui fait l’objet du litige entre Mme Nemours et l’administrateur général. Les faits sont donc repris sans référence aux témoins, sauf pour le témoignage de Mme Nemours.

8 À la suite d’un concours externe, Mme Nemours est embauchée à l’Hôpital Sainte-Anne le 25 mai 1992 comme candidate à la profession d’infirmière, pour un terme de trois mois à temps complet, qui prend fin le 6 septembre 1992. Le 7 septembre 1992, elle commence à travailler à temps partiel pour une période déterminée. Elle n’a jamais plus travaillé à temps complet à l’Hôpital Sainte-Anne.

9 Le parcours de Mme Nemours depuis qu’elle travaille à l’Hôpital Sainte-Anne est plutôt complexe. Bien qu’elle travaille de façon continue depuis 1992, son emploi se résume à une série de termes successifs, tel qu’en fait foi le tableau suivant :

Période

N˚ concours

N˚ poste

Classification

Statut

Date du document

25-05-92 à 06-09-92 92-DVA-SA-OC-06 866315-0763 NU-HOS-00 (candidate à la profession) Temps complet 25-05-92
07-09-92 à 24-10-92 92-DVA-SA-OC-06 866315-0763 NU-HOS-00
(candidate à la profession)
Temps partiel 21-09-92
25-10-92 à 14-11-92 92-DVA-SA-WC-PI-06 866315-0763 NU-HOS-01 (infirmière) Période déterminée, temps partiel 02-11-92
15-11-92 à 31-03-93 92-DVA-SA-OC-06 866315-0755 NU-HOS-03
(assistante infirmière-chef)
« Sur appel » 12-11-92
01-04-93 à
25-02-99
  866315-0755 NU-HOS-03 « Sur appel » Aucun document
26-02-99 à 04-04-99 99-DVA-SA-WC-010 866315-0751 NU-HOS-03
(assistante infirmière chef)
Période déterminée, temps partiel, 30 h/2 sem. rotation 08-03-99
05-04-99 à 16-05-99 99-DVA-SA-WC-030 866315-0751 NU-HOS-03
(assistante infirmière chef)
Période déterminée, temps partiel, 30 h/2 sem. rotation 12-04-99
17-05-99 à 30-05-99   866315-0751 NU-HOS-03   aucun document
31-05-99 à 29-08-99 99-DVA-SA-WC-044 866315-0751 NU-HOS-03
(assistante infirmière chef)
Période déterminée, temps partiel, 30 h/2 sem. et 7 quarts/2 sem. rotation 28-06-99
30-08-99 à 31-10-99 99-DVA-SA-WC-044 866315-0751 NU-HOS-03
(assistante infirmière chef)
« Sur appel » 08-07-99
01-11-99 à 31-10-00 99-DVA-SA-WC-141 866315-0751 (4290) NU-HOS-03
(assistante infirmière chef)
« Sur appel » 29-10-99
01-11-00 à 08-07-01 00-DVA-SA-WC-169 5012 NU-HOS-02
(infirmière soignante)
« Sur appel » 20-11-00
09-07-01 à 17-09-01 01-DVA-SA-WC-128 5012 NU-HOS-02
(infirmière chef d’équipe)
Période déterminée, temps partiel, 30 h/2 sem., jour 31-07-01
18-09-01 à 31-10-01     NU-HOS-02
(infirmière en chef)
« Sur appel » 02-08-01
01-11-01 à 03-02-02 01-DVA-SA-WC-184 5012 NU-HOS-02
(infirmière chef d’équipe)
« Sur appel » 07-11-01
04-02-02 à 31-03-02 02-DVA-SA-WC-036 5012 NU-HOS-02
(infirmière chef d’équipe)
Période déterminée, temps partiel, 30 h/2 sem. rotation 01-03-02
01-04-02 à 30-06-07     NU-HOS-02
(infirmière en chef)
« Sur appel » 11-03-02
01-07-02 à 01-09-02 02-DVA-SA-WC-139 5012 NU-HOS-02
(infirmière chef d’équipe)
Période déterminée, temps partiel, 30 h/2 sem., jour 10-07-02
02-09-02 à 31-10-02     NU-HOS-02
(infirmière en chef)
« Sur appel » 15-07-02
01-11-02 à 05-01-03 02-DVA-SA-WC-186 5012 NU-HOS-02
(infirmière chef d’équipe)
« Sur appel » 23-09-02
06-01-03 à 31-03-03 02-DVA-SA-WC-228 5012 NU-HOS-02
(infirmière chef d’équipe)
Période déterminée, temps partiel, 30 h/2 sem., jour 12-12-02
01-04-03 à 20-07-03     NU-HOS-02
(infirmière en chef)
« Sur appel » 29-11-02
21-07-03 à 31-08-03 03-DVA-SA-WC-133 5012 NU-HOS-02
(infirmière chef d’équipe)
Période déterminée, temps partiel, 30 h/2 sem., jour 21-07-03
01-09-03 à 31-10-03 02-DVA-SA-WC-186 5012 NU-HOS-02
(infirmière en chef)
« Sur appel » 23-09-02
01-11-03 à 31-03-04 03-DVA-SA-WC-170 5012 NU-HOS-02
(infirmière chef d’équipe)
« Sur appel » 27-10-03
01-04-04 à 31-05-04 04-DVA-SA-WC-020 5012 NU-HOS-02
(infirmière chef d’équipe)
« Sur appel » 18-03-04
01-06-04 à 27-06-04 04-DVA-SA-WC-094 5012 NU-HOS-02
(infirmière chef d’équipe)
« Sur appel » 18-05-04
28-06-04 à 05-09-04 04-DVA-SA-WC -094 5012 NU-HOS-02
(infirmière chef d’équipe)
Période déterminée, temps partiel, 30 h/2 sem., jour 19-05-04
06-09-04 à 31-10-04 04-DVA-SA-WC
SA-175
5012 NU-HOS-02
(infirmière chef d’équipe)
« Sur appel » 26-08-04
01-11-04 à 29-12-04 04-DVA-SA-WC
SA-246
5012 NU-HOS-02
(infirmière chef d’équipe)
« Sur appel » 22-10-04
30-12-04 à 27-03-05 05-DVA-SA-WC -035 5012 NU-HOS-02
(infirmière chef d’équipe)
Période déterminée, temps partiel, 30 h/2 sem., jour 10-02-05
28-03-05 à 19-06-05     NU-HOS-02
(infirmière en chef)
« Sur appel » 28-01-05
20-06-05 à 11-09-05 05-DVA-SA-WC -211 5012 NU-HOS-02
(infirmière chef d’équipe)
Période déterminée, temps partiel, 30 h/2 sem., jour 21-06-05
12-09-05 à 31-10-05     NU-HOS-02
(infirmière chef d’équipe)
« Sur appel » 30-05-05
01-11-05 à 30-01-06 04-DVA-SA-WCSA -246 5012 NU-HOS-02
(infirmière chef d’équipe)
« Sur appel » 09-11-05

10 Les témoins de l’administrateur général expliquent que les infirmières qui travaillent moins du tiers du temps (dites « sur appel ») sont des employées exclues de l’unité de négociation du groupe Services de santé, qui ne sont pas couvertes par la convention collective mais qui accumulent des avantages semblables aux infirmières fonctionnaires qui sont couvertes par la convention collective, comme par exemple les congés annuels et les congés de maladie. Toutefois, les infirmières « sur appel » ne sont pas en mesure de prendre ces congés, sauf si elles changent de statut et deviennent des fonctionnaires à temps partiel. Les infirmières « sur appel » reçoivent néanmoins une indemnité pour les jours fériés. Comme fonctionnaires couvertes par la convention collective, les infirmières employées à temps partiel pour une période déterminée paient des cotisations syndicales et obtiennent les avantages de la convention collective. Dans le cas de Mme Nemours, elle a été tantôt fonctionnaire, lorsqu’elle travaillait à temps partiel pour une période déterminée, tantôt employée non représentée, lorsqu’elle travaillait uniquement « sur appel ». Elle a cotisé au fond de pension alors qu’elle était une fonctionnaire à temps partiel pour une période déterminée mais n’a pas cotisé alors qu’elle était une employée « sur appel ». Selon ces témoins, l’infirmière « sur appel » n’est pas une employée occasionnelle, mais a un autre statut, soit celui d’une employée qui répond à des besoins ponctuels de l’Hôpital Sainte-Anne.

11 Les infirmières à temps partiel et les infirmières « sur appel » ont une période de stage qui correspond à la durée de leur embauche et qui se renouvelle à chaque nouvelle embauche. Seules les heures travaillées « sur appel » ont été comptabilisées par l’administrateur général. Les heures travaillées à temps partiel pour une période déterminée, soit de 30 heures sur deux semaines, n’ont pas été comptabilisées par l’administrateur général, car il a donné à Mme Nemours une garantie d’emploi d’au moins 30 heures chaque deux semaines pour la période en question. Mme Nemours a souvent détenu plusieurs statuts au cours d’une même année. Ainsi, l’administrateur général a tenu une comptabilité séparée pour les heures où Mme Nemours travaillait « sur appel ». Cette comptabilisation ne fait pas état de toutes les heures travaillées, tous statuts confondus, pour la période donnée.

12 Le nombre de jours travaillés annuellement par un fonctionnaire à temps plein est de 260,88. Le tiers des jours normalement travaillés dans une année est d’environ 90 (86,96). Pour les infirmières, l’administrateur général utilise un régime d’heures équivalant aux journées travaillées pour faire ses calculs. Par exemple, 4 heures travaillées au cours d’une journée et 3,5 heures travaillées au cours d’une autre équivalent à une pleine journée de travail de 7,5 heures.

13 En plus des documents qui font l’objet du tableau ci-dessus, les pièces suivantes déposées en preuve sont pertinentes :

- les relevés des heures travaillées par Mme Nemours depuis sa date d’embauche;

- les heures travaillées par Mme Nemours comme employée d’agence depuis le mois d’octobre 1999 (les seules disponibles);

- quatre attestations de la moyenne annuelle des heures rémunérées de Mme Nemours pour les périodes suivantes : 1998-1999, 2002-2003, 2003-2004 et 2004-2005;

- le registre de paie de Mme Nemours pour la période du 16 décembre 2004 au 16 novembre 2005;

- la dernière période de paie de Mme Nemours, qui comprend les heures travaillées « sur appel » et à temps partiel pour une période déterminée;

- le cumulatif mensuel des heures inscrites à l’horaire de Mme Nemours pour les années 1999 à 2005 inclusivement;

- deux attestations d’un représentant de l’administrateur général selon lesquelles Mme Nemours serait employée à temps partiel sur une base annuelle qui reçoit une indemnité au titre des jours fériés;

- les fiches de paie de Mme Nemours;

- un « rapport de correction » du 6 janvier 2000.

14 Les fiches de paie de Mme Nemours indiquent qu’elle a débuté son travail à l’Hôpital Sainte-Anne le 25 mai 1992 et qu’elle a été « mise en disponibilité » le 17 novembre 2005, ce qui, en réalité, mettait fin à son emploi. Une indemnité de départ et ses congés annuels lui ont été payés. Un « rapport de correction » précise qu’il n’y a pas eu de contrat d’emploi pour la période du 1er avril 1993 au 25 février 1999, bien que Mme Nemours ait continué à travailler « sur appel » durant cette période; il n’y a pas eu de bris de service pendant toute la période d’emploi de Mme Nemours et la date de service continu aux fins des congés annuels et de l’indemnité de départ est le 25 mai 1992.

15 L’administrateur général admet que les dossiers de concours qui permettent de confirmer le statut de Mme Nemours ne remontent qu’à cinq ans. La dernière lettre d’offre n’est pas signée par Mme Nemours.

16 L’Hôpital Sainte-Anne fait régulièrement appel aux services d’agences de placement pour combler ses besoins en personnel infirmier. L’Hôpital Sainte-Anne communique avec l’agence s’il est insatisfait du travail d’une infirmière, et cette infirmière ne recevra pas de nouvelles affectations. Les agences facturent l’Hôpital Sainte-Anne pour les services infirmiers et sont par la suite responsables de payer leurs employés. Les infirmières d’agence n’ont pas de période probatoire, mais doivent suivre une journée d’orientation aux frais de l’agence. Ces personnes sont aussi assujetties à une enquête de sécurité par le ministère des Anciens Combattants.

17 Mme Nemours témoigne qu’après avoir été reçue à la profession d’infirmière et au moment de sa première embauche à temps complet, elle a demandé à la Direction des services infirmiers comment elle pouvait travailler des heures supplémentaires. La Direction lui aurait dit de s’adresser aux agences qui offrent des services d’infirmières de remplacement et lui a fourni une liste d’agences à cette fin. Mme Nemours s’est inscrite à plusieurs de ces agences et, par conséquent, a commencé à travailler simultanément à l’Hôpital Sainte-Anne comme employée d’agence; elle n’offrait ses services comme infirmière de remplacement que pour l’Hôpital Sainte-Anne. Elle se souvient avoir travaillé à l’Hôpital Sainte-Anne à toutes les semaines, soit pour une période déterminée, soit par l’entremise d’une agence. Dans chaque cas, elle faisait le même travail et les mêmes protocoles et directives s’appliquaient à elle. Elle a suivi tous les cours de perfectionnement offerts par l’Hôpital Sainte-Anne les jours où elle y travaillait comme fonctionnaire à temps partiel.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’administrateur général

18 L’administrateur général soutient que Mme Nemours n’est pas une fonctionnaire au sens de l’article 2 de la nouvelle LRTFP et que, par conséquent, son grief n’est pas recevable. En vertu des principes de droit, la partie qui prétend posséder un droit a le fardeau de faire la preuve que ce droit existe. Dans ce cas-ci, Mme Nemours doit démontrer qu’elle possédait le statut de fonctionnaire. C’est ce statut qui donne compétence à un arbitre de grief. L’administrateur général renvoie aux affaires suivantes : Algonquin College v. Ontario Public Service Employees Union (2001), 95 L.A.C. (4e) 52; et Brown Brothers Ltd. v. Graphic Arts International Union, Local 28B (1973), 2 L.A.C. (2e) 347. Contrairement à ce qu’il en est dans le cas d’une mesure disciplinaire, où l’administrateur général a le fardeau de la preuve, l’administrateur général n’a pas ici à faire la preuve que Mme Nemours n’était pas une fonctionnaire.

19 L’administrateur général argue que je ne dois pas tenir compte des heures travaillées par Mme Nemours par l’entremise d’une agence dans le but de déterminer si elle était une fonctionnaire et me renvoie à Canada (Procureur général) c. A.F.P.C., [1989] 2 C.F. 633 (C.A.) (« Econosult (C.A.F.) »). Dans Econosult (C.A.F.), la Cour d’appel fédérale a confirmé que les heures travaillées par l’entremise d’une agence ne sont pas un facteur permettant de déterminer si des personnes sont ou non des fonctionnaires. Contrairement au secteur privé, où la relation employeur-employé est une relation juridique qui se rattache à une situation de faits, la qualité de fonctionnaire ne découle pas d’une simple situation de faits, mais est soumise à un ensemble de règles strictes et rigides. Dans l’administration publique centrale, seul le Conseil du Trésor a le pouvoir de créer des postes et seule la Commission de la fonction publique a le pouvoir de nommer des personnes aux postes ainsi créés.

20 Dans la présente affaire, aucun poste n’a été créé et Mme Nemours n’a jamais été nommée à un poste par la Commission de la fonction publique. Ce qui importe ici ce sont les heures travaillées à temps partiel et cela exclut nécessairement les heures travaillées par l’intermédiaire d’une agence, qui est un employeur indépendant, et qui possède tous les pouvoirs vis-à-vis ses propres employés.

21 Au moment de son licenciement, Mme Nemours était une employée « sur appel », qui n’était normalement pas astreinte à travailler plus du tiers des heures normalement exigées d’un fonctionnaire à temps plein. En raison du nombre d’heures limitées qu’elle travaillait, elle n’était pas une fonctionnaire au sens de la nouvelle LRTFP. Dans de telles circonstances, elle n’avait pas le statut lui permettant de présenter un grief contestant son licenciement. Bien que Mme Nemours ait travaillé plus que le nombre prévu d’heures sur une période de deux semaines à trois reprises, cela ne la rend pas pour autant fonctionnaire au sens de la nouvelle LRTFP. En tant qu’employée « sur appel », Mme Nemours fait partie des personnes visées par le décret d’exclusion de la nouvelle LEFP. De plus, au moment de son licenciement, Mme Nemours ne payait aucune cotisation syndicale.

22 L’administrateur général fait valoir qu’il n’y a pas lieu d’additionner toutes les heures travaillées par Mme Nemours, soit à temps partiel, soit sur « appel », mais qu’il faut plutôt considérer exclusivement la définition de « fonctionnaire » au sens de la nouvelle LRTFP au regard du statut de Mme Nemours lors de son licenciement. Dans Canada (Procureur général) c. Marinos, [2000] 4 C.F. 98 (C.A.) (« Marinos (C.A.F.) »), la Cour d’appel fédérale a décidé qu’il n’était pas question d’additionner trois termes d’emploi pour conclure qu’une employée était devenue une fonctionnaire.

23 L’administrateur général soutient qu’au moment de son licenciement, Mme Nemours n’était pas astreinte à travailler plus du tiers des heures normalement travaillées par un fonctionnaire à temps plein et, par conséquent, n’était pas une fonctionnaire au sens de la nouvelle LRTFP.

B. Pour Mme Nemours

24 Pour sa part, Mme Nemours soutient que l’administrateur général n’a pas tenu compte du fait qu’elle travaillait sans bris de service depuis 1992, soit plus de 13 ans au moment de son licenciement. Mme Nemours me renvoie au registre de paie déposé en preuve, qui établit que, depuis au moins un an, elle travaillait beaucoup plus que le tiers des heures normalement travaillées par un fonctionnaire à temps plein. De plus, en comptant les heures travaillées par l’entremise de l’agence, elle travaillait jusqu’à 45 heures par semaine. De toute façon, avance-t-elle, elle a largement dépassé le tiers des heures régulières, sans compter les heures travaillées par l’entremise de l’agence.

25 Mme Nemours soutient également que l’administrateur général n’a pas raison de comptabiliser séparément les heures qu’elle a travaillées à temps partiel et « sur appel ». Elle fait valoir que je dois tenir compte de l’ensemble des heures qu’elle a travaillées. Au soutien de sa thèse, Mme Nemours dépose une compilation des heures qu’elle atravaillées en 2005, à partir des pièces déposées qui, affirme-t-elle, font état du fait qu’elle a travaillé régulièrement plus du tiers des heures régulières. Mme Nemours souligne que, pour la période du 24 mars au 6 avril 2005, elle a reçu sur un même chèque de paie la rémunération des heures travaillées « sur appel » et à temps partiel. Les trois seules périodes de paie où elle n’a pas travaillé peuvent être expliquées en partie par l’imposition de mesures disciplinaires qui a précédé son licenciement. Comme l’audience ne porte que sur la compétence d’un arbitre de grief d’entendre le grief portant sur le licenciement, Mme Nemours plaide que je ne devrais pas tenir compte des mesures disciplinaires en question.

26 Mme Nemours conteste l’argument de l’administrateur général voulant que je ne devrais considérer que la dernière période d’emploi avant le licenciement. Mme Nemours n’a jamais signé de lettre d’offre relative à cette période. Cette pièce a été admise sous réserve lorsque Mme Nemours s’est opposée à sa production par l’administrateur général pendant l’audience. Selon Mme Nemours, ce document n’a aucune valeur juridique et ne sert qu’à démontrer la mauvaise foi de l’administrateur général.

27 Mme Nemours précise qu’elle a présenté son grief le 23 décembre 2005, après l’entrée en vigueur de la nouvelle LRTFP, et soutient que la définition de « fonctionnaire » dans l’ancienne Loi sur relations de travail dans la fonction publique (l’ « ancienne LRTFP »), L.R.C. (1985), ch. P-35, a été modifiée par le paragraphe 2(1) de la nouvelle LRTFP, qui s’appuie sur le seul critère des heures normalement travaillées. L’unité de mesure la plus fiable, argue Mme Nemours, est la comptabilisation de toutes les heures réellement travaillées. La preuve documentaire démontre qu’elle a travaillé plus du tiers du temps au cours des cinq dernières années. De plus, son statut de fonctionnaire à temps partiel pour une période déterminée a été confirmé dans un document signé par un représentant autorisé de l’administrateur général.

28 Mme Nemours fait remarquer que les articles 2 et 50 de la nouvelle LEFP stipulent que les employés occasionnels ne doivent pas travailler plus de 90 jours par année civile. Cette disposition est entrée en vigueur après la décision Marinos (C.A.F.). Mme Nemours soutient que le paragraphe 2(4) de la nouvelle LRTFP a été adopté pour tenir compte des dispositions de la nouvelle LEFP.

29 Mme Nemours souligne qu’il faut tenir compte de trois faits importants qui distinguent son statut de celui des employés dont il est question dans les décisions citées. Toutes les offres d’emploi pour une période déterminée faites à Mme Nemours étaient de trois mois ou moins. Elle a travaillé de façon continue pour le même employeur pendant une période de 14 ans, et non de 7 mois comme dans l’affaire Marinos (C.A.F.). Qu’elle ait été employée à temps partiel pendant une période déterminée ou employée « sur appel », toutes les offres d’emploi ont exigé qu’elle indique sa disponibilité et ses coordonnées afin que l’Hôpital Sainte-Anne puisse fixer ses heures de travail. De plus, toute la formation qu’elle a reçue à l’Hôpital Sainte-Anne était à titre de fonctionnaire. Elle n’a reçu aucune formation par l’entremise d’une agence.

30 Au soutien de ses arguments, Mme Nemours me renvoie aux décisions suivantes : Ling c. Conseil du Trésor (Anciens combattants Canada), dossiers de la CRTFP166-02-27472 et 27975 (19990513); Canada (Procureur général) c. Alliance de la Fonction publique du Canada, [1991] 1 R.C.S. 614 (« Econosult (C.S.C.) »); Marinos (C.A.F.); Marinos c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada – Service correctionnel), dossier de la CRTFP 166-02-27446 (19971224); Pointe-Claire (Ville) c. Québec (Tribunal du travail), [1997] 1 R.C.S. 1015; Health Services and Support –Facilities Subsector Bargaining Assn. c. Colombie-Britannique, 2007 CSC 27 (« BC Health Services »); Monnaie royale canadienne, [2003] CCRI n° 229.

31 Selon Mme Nemours, la décision de la Cour suprême du Canada dans BC Health Services consacre de façon définitive le droit d’association et, par conséquent, le droit de bénéficier de tous les avantages que comporte la négociation collective. L’unité de négociation du groupe Services de santé est représentée par l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada. Le fait pour l’administrateur général de priver Mme Nemours des avantages de la convention collective enfreint le droit le plus fondamental de cette dernière d’être représentée par son agent négociateur. En raison de ses agissements, l’administrateur général a privé Mme Nemours des avantages auxquels elle aurait eu droit pendant 14 ans.

32 Mme Nemours s’est inscrite à des agences en vue de travailler des heures supplémentaires avec l’encouragement de l’administrateur général, qui lui a fourni la liste des agences. Or, les heures obtenues par l’intermédiaire des agences étaient travaillées principalement le soir et la nuit, en quel cas la classification d’une infirmière est supérieure, soit NU-03 au lieu de NU-02. Mme Nemours déplore le fait que l’administrateur général ait maintenant détruit les documents et factures se rapportant à son travail par l’entremise d’agences pour la période de 1992 à 1999, où elle travaillait le tiers du temps, car il s’agissait de la meilleure preuve de toutes les heures qu’elle a travaillées pendant cette période. Parce qu’elle devait passer par une agence, Mme Nemours était payée à un taux inférieur à celui de la convention collective. En passant par une agence pour combler ses besoins en personnel de soir et de nuit, l’administrateur général s’en tirait sans avoir à payer cette prime. Cette préférence d’avoir recours aux agences, qui n’a pas été niée par l’administrateur général (voir la pièce S-8), est une violation sérieuse du droit d’association.

33 Dans Pointe-Claire, la Cour suprême du Canada a adopté une approche globale à l’égard de la notion d’emploi, et Mme Nemours m’incite à faire de même en considérant tous les aspects de sa relation d’emploi, y compris le fait que c’est l’Hôpital Sainte-Anne qui l’a d’abord embauchée, pour ensuite la reléguer après six mois à des horaires sporadiques. Elle fait le même travail avec le même personnel de supervision, quel que soit son statut ― « sur appel », à temps partiel pour une période déterminée ou comme infirmière d’agence. La décision dans Pointe-Claire doit être préférée parce qu’elle est fondée sur des faits, alors que Econosult (C.S.C.) traitait de l’ancienne Loi sur lemploi dans la fonction publique (l’« ancienne LEFP »), L.R.C. (1985), ch. P-33.

34 Subsidiairement, dans l’éventualité où j’en arrivais à la conclusion qu’elle n’est pas une « fonctionnaire » au sens du paragraphe 206(1) de la nouvelle LRTFP, Mme Nemours me demande de tenir compte des principes d’équité afin de lui accorder un statut de fonctionnaire aux fins du renvoi de son grief à l’arbitrage.

C. Réfutation de l’administrateur général

35 L’administrateur général répond que, pendant les derniers mois qui ont précédé sa fin d’emploi, Mme Nemours a travaillé bien en deçà du tiers des heures normalement exigées d’un fonctionnaire à temps plein. Elle a travaillé 83 heures entre le 8 novembre et le 17 décembre 2005, alors qu’un fonctionnaire à temps plein en aurait travaillé 300. Pendant que Mme Nemours travaillait à temps partiel, elle travaillait plus du tiers du temps, mais à ce moment-là elle était fonctionnaire à temps partiel pour une période déterminée, un statut différent de celui d’une employée « sur appel ».

36 L’administrateur général plaide que l’ancienne LRTFP et la nouvelle LRTFP s’appliquent de la même façon. Le statut d’emploi qui doit être appliqué est celui indiqué dans la lettre d’offre la plus récente, qui prévoit que Mme Nemours est employée « sur appel » et n’est pas normalement astreinte à exécuter plus du tiers des heures normales. Le fait de dépasser les heures quelques fois n’est pas suffisant pour modifier le statut d’emploi de Mme Nemours. Celle-ci ne peut regrouper les différentes périodes d’emploi à sa convenance. Même si je devais considérer toutes les périodes d’emploi depuis 1992, Mme Nemours n’a jamais travaillé régulièrement plus du tiers des heures normalement exigées d’un fonctionnaire à temps plein alors qu’elle était « sur appel ». En somme, il n’y a aucune preuve que Mme Nemours ait acquis un statut de fonctionnaire et qu’elle soit assujettie à la nouvelle LRTFP.

IV. Motifs

37 La question en litige est une question préliminaire à l’exercice de ma compétence, à savoir si Mme Nemours est une fonctionnaire au sens de la nouvelle LRTFP. Dans la mesure où je suis d’avis qu’elle est effectivement une fonctionnaire, j’ai la compétence pour trancher le grief contestant son licenciement. Dans le cas contraire, je n’ai pas la compétence d’en décider.

38 Contrairement à ce qu’il en est dans le secteur privé, la compétence d’un arbitre de grief à l’égard des fonctionnaires fédéraux est régie par la loi habilitante applicable en l’espèce, soit la nouvelle LRTFP. Ceci découle du fait que les fonctionnaires fédéraux sont soumis à un régime de relations de travail qui se distingue de celui du secteur privé. Dans Econosult (C.S.C.), la Cour suprême du Canada a indiqué clairement qu’il n’est pas possible de conclure à l’existence du statut de fonctionnaire à partir d’une simple situation de faits, car un tel statut relève de trois lois qui forment un régime de règles incontournables, soit la LRTFP, la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11, et la LEFP.

39 La nouvelle LRTFP sert à définir si une personne est fonctionnaire. La Loi sur la gestion des finances publiques confère au Conseil du Trésor le pouvoir exclusif de créer des postes dans l’administration publique centrale, de déterminer leur classification et de les répartir parmi l’administration publique centrale. La nouvelle LEFP confère à la Commission de la fonction publique le pouvoir exclusif de nommer les fonctionnaires de l’administration publique centrale en fonction du mérite.

40 La définition d’un « fonctionnaire » est prévue au paragraphe 206(1) de la nouvelle LRTFP  comme suit :

[…]

206. (1)  Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente partie.

« fonctionnaire » S’entend au sens de la définition de ce terme au paragraphe 2(1) compte tenu des exceptions prévues aux alinéas e) et i) de celle-ci et des mots «sauf à la partie 2 »

[…]

2. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

[…]

« fonctionnaire » sauf à la partie 2, personne employée dans la fonction publique,  à l’exclusion de toute personne :

[…]

c) qui n’est pas ordinairement astreinte à travailler plus du tiers du temps normalement exigé des personnes exécutant des tâches semblables;

[…]

f) employée à titre occasionnel;

g) employée pour une durée déterminée de moins de trois mois ou ayant travaillé à ce titre pendant moins de trois mois.

[…]

Ce libellé est très précis. N’est pas fonctionnaire la personne qui n’est pas ordinairement astreinte à travailler plus du tiers du temps normalement exigé des personnes exécutant des tâches semblables et celle qui est employée pour une période déterminée de moins de trois mois.

41 Dans le présent dossier, il s’agit donc de déterminer si je dois décider le statut d’emploi de Mme Nemours uniquement sur la base de sa dernière période d’emploi (la thèse de l’administrateur général) ou, plutôt, en prenant compte de toutes ses périodes d’emploi continu depuis 1992 (la thèse de Mme Nemours). Autrement dit, il s’agit d’un conflit entre une question de droit strict (le statut de fonctionnaire) et une question d’équité (la reconnaissance des nombreuses années de service de Mme Nemours). Dans la mesure où il s’agit d’une question de droit strict, ma décision sera fondée sur la qualification juridique des faits et l’interprétation de la règle de droit qui s’applique. Dans la mesure où je décide qu’il s’agit d’une question d’équité, je devrai décider si j’ai la compétence pour élargir la définition du terme « fonctionnaire » comprise dans la nouvelle LRTFP.

42 Avant d’appliquer ces principes, il y a lieu de revoir les principes établis par nos tribunaux.

43 La première décision d’intérêt est Econosult (C.A.F.). Les faits de cette affaire sont les suivants. Au moment où le Service correctionnel du Canada a mis sur pied des programmes de formation pour les détenus des pénitenciers fédéraux, les enseignants étaient des fonctionnaires appartenant à l’unité de négociation du groupe de l’enseignement. Éventuellement, le Solliciteur général a choisi de privatiser ce programme et a conclu un contrat avec une firme externe pour l’embauche des enseignants du programme. Bien que les enseignants relevaient d’un employé de la firme externe, la qualité de leur travail était sous le contrôle d’un fonctionnaire du Service correctionnel. L’agent négociateur a présenté une demande à la Commission des relations de travail dans la fonction publique afin que soient déclarés fonctionnaires les enseignants employés par la firme externe pour qu’ils fassent partie de l’unité de négociation du groupe de l’enseignement. La Commission a accueilli la demande et a déclaré qu’en relations de travail, il fallait s’attacher au « contenu » de la relation d’emploi plutôt qu’à sa « forme ». La Cour d’appel fédérale a renversé la décision de la Commission au motif que cette dernière n’avait pas la compétence de décider qui était un employé de la fonction publique, puisque la compétence de la Commission était limitée aux fonctionnaires reconnus comme tels par l’ancienne LRTFP.

44 Dans Econosult (C.S.C.), la majorité de la Cour suprême du Canada s’est ralliée à la conclusion de la Cour d’appel fédérale en déclarant qu’une analyse pragmatique et fonctionnelle de l’ancienne LRTFP révélait que le Parlement n’avait pas eu l’intention d’attribuer à la Commission des relations do travail dans la fonction publique de compétence à l’égard des employés de la fonction publique qui n’ont pas le statut de fonctionnaire. Les motifs de cette décision se résument comme suit :

a) Le Parlement, dans sa définition du mot « employé » dans l’ancienne LRTFP, a clairement limité la compétence de la Commission aux fonctionnaires. Le rôle de la Commission est de déterminer si les employés répondent à cette définition :

[…]

          À mon avis, la formulation de l’art. 33 lui-même, conjuguée à la définition du mot “employé” qu’on trouve à l’art. 2, est pratiquement déterminante en l’espèce. L’article 33 vise à habiliter la Commission à décider si un employé ou une catégorie d’employés appartient à l’unité de négociation. S’il n’y avait pas de définition du mot “employé”, on pourrait soutenir que la Commission peut décider si quelqu’un est un employé en vertu des critères généralement utilisés dans les affaires de relations de travail. Ces critères servent ordinairement à déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant. La définition expresse du mot “employé” montre cependant que le Parlement a clairement eu l’intention de déterminer lui-même la catégorie d’employés sur lesquels la Commission aurait compétence.  Cette catégorie se limite aux personnes employées dans la Fonction publique et qui ne sont pas assujetties au Code canadien du travail. D’après le texte même de l’art. 33, le rôle de la Commission consiste non pas à déterminer qui est employé, mais plutôt à déterminer si les employés qui répondent à cette définition appartiennent à une unité particulière de négociation.

[…]

b) Le Parlement a créé un régime d’emploi pour les fonctionnaires, qui exclut la création d’une catégorie d’employés qui ne satisfont pas à la définition de la LRTFP. Ce régime est distinct de celui créé par le Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2, pour les employés du secteur privé :

[…]

          Il n’y a, ni dans l’art. 33, ni même dans la Loi, aucune disposition qui confère à la Commission compétence exclusive pour déterminer, en fonction de sa propre expertise, qui est un employé. Pareilles dispositions se retrouvent souvent dans les lois du travail quand on veut que la Commission ait le dernier mot quant à savoir si les personnes au service d’un même employeur sont des employés ou si elles sont des entrepreneurs indépendants.  Le paragraphe 106(2) de la Loi sur les relations de travail de l’Ontario, L.R.O. 1980, ch. 228, en est un exemple.  Ce pouvoir exclusif de décider qui est un employé a été exercé pour empêcher un employeur de donner du travail à contrat en violation de la convention collective. Cette compétence s’exerce ordinairement dans le cadre d’une pratique déloyale de travail fondée sur un sentiment d’animosité envers les syndicats. […]

[…]

L’article 16 du Code canadien du travail est un exemple typique de formulation de ces dispositions. […]

[…]

          Les trois lois susmentionnées, considérées avec le Code canadien du travail, révèlent une intention de créer deux régimes séparés et distincts de relations de travail pour deux catégories d’employés fédéraux. Les dispositions législatives considèrent ces deux catégories d’employés comme mutuellement exclusives. Ainsi, l’art. 3, de la Loi sur les relations de travail restreint l’application de cette loi à la Fonction publique. […] Les fonctionnaires forment une catégorie spéciale d’employés dont le statut particulier est incompatible avec leur inclusion dans une unité de négociation qui compte des membres qui ne sont pas fonctionnaires. Les postes dans la Fonction publique sont établis par le Conseil du Trésor et le droit de nommer à la Fonction publique appartient exclusivement à la Commission de la Fonction publique. […]

[…]

          Dans le régime des relations de travail que j’ai exposé plus haut, il n’y a tout bonnement pas de place pour une espèce de fonctionnaire de fait qui ne serait ni chair ni poisson. […]

[…]

c) Contrairement à ce qu’il en est dans d’autres lois du travail, en fournissant une définition claire de la notion de fonctionnaire, le Parlement a choisi de ne pas s’en remettre à l’expertise générale de la Commission dans le domaine des relations de travail pour étendre cette définition :

[…]

          En fournissant une définition claire des employés et de l’employeur qui sont assujettis à la compétence de la Commission, le Parlement n’a pas voulu s’en remettre à l’expertise de la Commission pour étendre la portée de cette définition. En effet, l’erreur de la Commission a son origine dans le recours à son expertise générale dans le domaine des relations ouvrières qui l’a amenée à se fonder sur des critères établis en vertu d’autres dispositions législatives en matière de relations de travail, alors qu’elle aurait dû appliquer la définition claire du mot “employé” fournie par le législateur.

[…]

45 Une autre décision d’intérêt est Marinos (C.A.F.). Mme Marinos avait signé trois contrats de travail consécutifs ne dépassant pas 90 jours, qui précisaient qu’il s’agissait d’un emploi temporaire, ce qui l’excluait des dispositions de l’ancienne LEFP. Mme Marinos a déposé un grief contestant son licenciement survenu pour des motifs disciplinaires. L’employeur a répondu au grief en soulevant qu’elle n’était pas une fonctionnaire et, par conséquent, n’avait pas un droit de grief. L’arbitre de grief a accueilli le grief en tenant compte du caractère constant et continu de l’emploi, et a jugé que Mme Marinos était apte à déposer un grief à l’égard de son licenciement. La Cour d’appel fédérale a débouté la décision de l’arbitre de grief et celle de la Cour fédérale (1re instance) et a soutenu que l’arbitre de grief devait appliquer les normes juridiques en s’appuyant sur les lois applicables à l’emploi, si nécessaire. Or, les personnes employées à titre occasionnel n’étaient pas des fonctionnaires en vertu de l’ancienne LEFP et ne pouvaient avoir un statut différent devant un arbitre de grief.

46 Mme Nemours a aussi cité Pointe-Claire à l’appui de l’argument qu’elle devrait être considérée comme étant une fonctionnaire. Cette affaire concernait une salariée temporaire engagée par la ville de Pointe-Claire par l’intermédiaire d’une agence de placement. Bien que l’agence recrutait, évaluait, disciplinait, rémunérait la salariée temporaire, la ville exerçait en fait le contrôle sur les conditions de travail et sur l’exécution du travail de la salariée lorsque cette dernière était au travail. Le syndicat a réclamé l’inclusion de la salariée dans l’unité d’accréditation. Le Tribunal du travail du Québec a fait droit à la requête du syndicat et cette décision a été confirmée par les instances supérieures. Dans son examen de la situation, la Cour suprême du Canada a statué que l’identification du véritable employeur nécessite une approche globale pour déterminer qui a le plus de contrôle sur tous les aspects du travail de la salariée, plutôt que de se fonder sur l’unique critère de la subordination juridique. La Cour a entériné l’approche du Tribunal du travail, qui a pris en considération d’autres facteurs qui définissent la relation de subordination, dont l’objectif du Code du travail du Québec, L.R.Q., ch. C-27, qui visent à favoriser la négociation des conditions de travail des salariés.

47 Quant à BC Health Services, aussi citée par Mme Nemours, les faits pertinents en ce qui a trait à la présente affaire se résument comme suit. Pour pallier la difficulté de fournir des services de santé en raison de la croissance vertigineuse des coûts depuis quelques années, le gouvernement de la Colombie-Britannique avait adopté, sans véritable consultation avec les syndicats concernés, une loi modifiant les droits des employés du secteur de la santé, sachant que les syndicats s’y opposaient vigoureusement. Cette loi accordait aux employeurs une plus grande latitude pour gérer à leur gré leurs relations avec leurs employés et, dans certains cas, pour passer outre aux conventions collectives sans consultation avec les intéressés. Entre autres dispositions visant à restreindre les droits de négociation des syndicats, la loi invalidait d’importantes dispositions des conventions collectives alors en vigueur et interdisait la négociation collective sur certaines questions. Même si certaines modifications ne constituaient que des changements administratifs, d’autres avaient une profonde incidence sur les employés et leur capacité de négocier collectivement. Les syndicats représentant certains des sous-secteurs du secteur de la santé visés par la loi ont contesté la constitutionalité de la partie 2 de la loi au motif qu’elle portait atteinte à la liberté d’association et aux droits à l’égalité garantis par la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte »), édictée comme l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.).

48 La Cour suprême de la Colombie-Britannique et la Cour d’appel de la Colombie-Britannique ont toutes deux maintenu la position du gouvernement de la Colombie-Britannique et ont rejeté l’argument fondé sur la liberté d’association. Par contre, la Cour suprême du Canada a accueilli le pourvoi en partie et a conclu que les dispositions de la loi permettant aux employeurs le recours à la sous-traitance et une mise en disponibilité ou une supplantation de la convention collective applicable sans consultation avec le syndicat concerné constituaient « […]pratiquement une négation du droit garanti par l’al. 2d) à un processus de consultation et de négociation menée de bonne foi ». Par conséquent, ces dispositions portaient atteinte à la liberté d’association garantie par la Charte et il n’avait pas été démontré que cette atteinte était justifiée au sens de l’article premier.

49 Après avoir examiné les dispositions législatives et la jurisprudence, il y a lieu d’appliquer ces principes aux faits en l’espèce.

50 Mme Nemours est une employée ayant 15 ans et demi de service au moment où l’administrateur général l’a licenciée. Sauf pour les six premiers mois de sa carrière, elle a travaillé soit à temps partiel, soit « sur appel » (son statut d’employée d’agence sera traité plus loin). Ses périodes d’emploi se sont succédées. Aucune irrégularité dans les documents d’emploi n’a été alléguée. Mme Nemours a toujours accepté les offres d’emploi qu’on lui proposait, même si elle les signait parfois en retard. Elle n’a jamais réclamé le statut de fonctionnaire, même après l’adoption de la nouvelle LEFP qui ouvrait la porte et lui aurait permis de le faire. Au moment de son licenciement, Mme Nemours n’était pas ordinairement astreinte à travailler plus du tiers du temps normalement exigé des personnes exécutant des tâches semblables. Le fait que Mme Nemours ait travaillé à certaines périodes de l’année qui ont précédé son licenciement plus du tiers du temps normalement exigé des personnes exécutant des tâches semblables est sans pertinence parce que ces heures n’ont pas été travaillées pendant la période d’embauche précédant immédiatement son licenciement. Je constate donc que Mme Nemours n’est pas une fonctionnaire au sens de la nouvelle LRTFP.

51 Je suis d’avis que je dois tenir compte du statut de Mme Nemours au moment précis où elle a été licenciée parce que le moment du licenciement est la période pertinente au litige devant moi. Lorsqu’elle a été licenciée, Mme Nemours était employée « sur appel » et par conséquent elle n’était pas ordinairement astreinte à travailler plus du tiers du temps normalement exigé des personnes exécutant des tâches semblables. C’est en raison de ce statut d’emploi, très clairement prévu comme étant exclu par la définition de fonctionnaire au paragraphe 206(1) de la nouvelle LRTFP, que je détermine que Mme Nemours n’était pas fonctionnaire au moment d’être licenciée.

52 La prochaine question qui se pose est de savoir si l’arbitre de grief peut modifier la portée de la définition du paragraphe 206(1) de la nouvelle LRTFP en appliquant des pouvoirs de redressement fondés sur le principe de l’équité.

53 Afin de décider si l’arbitre de grief dispose de pouvoirs de redressement en équité, il y a lieu de tenir compte des principes qui s’appliquent à l’interprétation des lois, dont celui de la cohérence. La cohérence est une valeur essentielle du système juridique qui permet d’en assurer, entre autres, l’autorité et l’accessibilité (voir Côté, Interprétation des lois, 3e édition, 1999, à la page 387). Ainsi, il est censé régner entre les divers textes législatifs adoptés par un même législateur, la même harmonie qu’à l’intérieur des éléments d’une même loi. Par conséquent, l’ensemble des lois, tout particulièrement sur la même matière, est censé formé un tout cohérent. En ce sens, les lois doivent être interprétées en favorisant l’harmonisation plutôt que leur contradiction.  Cette harmonisation fait en sorte que je doive favoriser une cohérence tant dans la formulation des textes que des politiques que ces textes mettent en œuvre (voir Côté, à la page 434).

54 La présomption de cohérence entre les lois émanant d’un même législateur repose sur la prémisse que, lors de l’élaboration d’une loi, le législateur tient compte des lois déjà en vigueur, tout particulièrement celles qui portent sur la même matière, et fait en sorte que la nouvelle loi s’intègre aux lois existantes tant du point de vue de la forme que du fond. L’harmonisation des lois permet également d’interpréter une loi dans le contexte juridique dans lequel elle s’insère et d’en préciser le sens.

55 En pratique, le recours aux lois connexes sert à déduire le sens d’un terme ou à mieux préciser l’objet d’une loi puisque le législateur est censé maintenir une uniformité dans l’ensemble des lois et une uniformité d’expression. Il ne s’agit pas d’une règle absolue car le sens d’un mot ou d’un principe doit aussi s’interpréter par son contexte. Par contre, il est aussi possible d’invoquer la formulation d’une loi connexe pour servir de fondement a contrario, c’est-à-dire, que la rédaction différente dans les lois sur un même sujet fait présumer que le législateur a voulu donner un sens différent aux dispositions de la loi ou a voulu circonscrire sa portée. En résumé, la cohérence et l’harmonie entre les lois sont censées refléter une volonté dialectique du législateur qui, au regard de l’ensemble des lois sur une même matière, est censé donner à des problèmes semblables des solutions semblables.

56 La thèse de l’harmonie et de cohérence entre les lois est décrite comme suit dans Sullivan on the Construction of Statutes, 5e édition, 2008, aux pages 223 à 225 :

[Traduction]

          Les dispositions d’une loi sont présumées fonctionner de concert, tant logiquement que téléologiquement, comme les diverses parties d’un tout. Les parties sont présumées s’assembler logiquement pour former un cadre rationnel, intrinsèquement cohérent; et parce que le cadre a une fin, les parties sont également présumées fonctionner de concert d’une façon dynamique, chacune contribuant à la réalisation du but visé. Ces présomptions constituent la base de l’analyse des régimes législatifs, qui est souvent la forme d’analyse la plus persuasive. La présomption de cohérence est également une présomption qui va à l’encontre de l’existence d’un conflit interne. L’ensemble des lois adoptées par l’assemblée législative est présumé ne pas comporter de contradictions ou d’incohérences, chaque disposition étant capable de s’appliquer sans entrer en conflit avec une autre. […]

[…]

          La présomption de cohérence s’applique individuellement aux lois mais aussi au corpus législatif dans son ensemble. […]

          La présomption de cohérence est forte et pratiquement impossible à réfuter. On ne peut concevoir qu’une assemblée législative impose des règles contradictoires à ses sujets. […]

[…]

57 Au niveau des lois fédérales en matière de relations de travail, il existe deux lois susceptibles de comparaison : la nouvelle LRTFP et le Code canadien du travail. Ce sont d’ailleurs ces lois qui ont le plus souvent fait l’objet d’une comparaison par les tribunaux dans les affaires citées dans cette décision. L’analyse de ces textes de loi permet de comparer l’étendue des pouvoirs de redressement d’un arbitre de grief en vertu de la nouvelle LRTFP, et ceux des arbitres et décideurs nommés en vertu du Code canadien du travail. Le paragraphe 228(2) de la nouvelle LRTFP stipule les pouvoirs de redressement d’un arbitre de grief comme suit :

228. (2) Après étude du grief, il tranche celui-ci par l’ordonnance qu’il juge indiquée. […]

58 Les pouvoirs de redressement du Conseil canadien des relations industrielles sont fondés sur « la réalisation des objectifs » du Code canadien du travail :

          99. (2) Afin d’assurer la réalisation des objectifs de la présente partie, le Conseil peut rendre, en plus ou au lieu de toute ordonnance visée au paragraphe (1), une ordonnance qu’il est juste de rendre en l’occurrence et obligeant l’employeur ou le syndicat à prendre des mesures qui sont de nature à remédier ou à parer aux effets de la violation néfastes à la réalisation de ces objectifs.

[Je souligne]

59 Les pouvoirs d’un arbitre de grief ou d’un tribunal d’arbitrage en vertu des conventions collectives conclues relativement à la Partie I du Code canadien du travail sont décrits comme suit :

          60. (1) L’arbitre ou le conseil d’arbitrage a les pouvoirs suivants :

[…]

a.1) celui d’interpréter et d’appliquer les lois relatives à l’emploi et de rendre les ordonnances qu’elles prévoient, même dans les cas où elles entrent en conflit avec la convention collective;

[…]

[Je souligne]

60 Les pouvoirs d’un arbitre en vertu de la Partie III du Code canadien du travail en raison d’une plainte de congédiement d’un employé non syndiqué sont décrits, entre autres, comme suit :

          242. (4) S’il décide que le congédiement était injuste, l’arbitre peut, par ordonnance, enjoindre à l’employeur :

[…]

c) de prendre toute autre mesure qu’il juge équitable de lui imposer et de nature à contrebalancer les effets du congédiement ou à y remédier.

[Je souligne]

61 De toute évidence, les dispositions de la nouvelle LRTFP et celles du Code canadien du travail ne sont pas identiques. Alors, comment réconcilier le tout? Le Code canadien du travail est entré en vigueur en 1999, alors que la nouvelle LRTFP est entrée en vigueur en 2005. Notamment, au regard des objectifs recherchés par le préambule de chacune de ces lois et des pouvoirs décisionnels qu’on y trouve, il est évident que le Code canadien du travail a servi d’inspiration à la nouvelle LRTFP. Par contre, comme nous le constatons à partir des dispositions citées précédemment, les pouvoirs de réparation ne sont pas identiques. Puisque les deux lois ont été promulguées peu de temps l’une après l’autre, force est de conclure que le législateur a consciemment décidé de ne pas donner les mêmes pouvoirs aux arbitres de grief nommés en vertu de la nouvelle LRTFP que ceux qu’il a donné aux arbitres et décideurs nommés en vertu du Code canadien du travail.

62 Même si un arbitre de grief en vertu de la nouvelle LRTFP a le pouvoir de trancher un grief « […]par l’ordonnance qu’il juge indiquée […] », cette disposition est à mon avis limitée par la précision qu’une ordonnance doit être conforme à la nouvelle LRTFP. En d’autres mots, la décision d’un arbitre de grief doit tenir compte des dispositions précises de la nouvelle LRTFP.

63 Par contre, le Code canadien du travail traite d’une « […]ordonnance qu’il est juste de rendre […]» (un principe d’équité), d’interpréter et d’appliquer toutes « […] les lois relatives à l’emploi et de rendre les ordonnances qu’elles prévoient […] » et « […] de prendre toute autre mesure qu’il juge équitable […] », ce qui ne pourrait être plus clair. Le Code canadien du travail confère des pouvoirs très larges aux arbitres et décideurs. La nouvelle LRTFP est moins précise.

64 La présomption d’harmonie et de cohérence m’amènent à conclure, a contrario, qu’en raison de la rédaction sensiblement différente des pouvoirs de redressement dans ces deux lois sur le même sujet, le législateur a voulu donner un sens différent aux dispositions à la nouvelle LRTFP et en circonscrire la portée. Je suis satisfaite qu’il a choisi de ne pas donner le pouvoir à  un arbitre de grief de donner un redressement en équité lorsque ce redressement a pour effet de modifier une définition précise dans la nouvelle LRTFP. Par conséquent, j’estime que je n’ai aucune compétence pour élargir la portée de la définition prévue au paragraphe 206(1) de la LRTFP de ce que constitue un fonctionnaire.

65 Par conséquent, la décision de la Cour suprême du Canada dans Econosult (C.S.C.) demeure toujours d’actualité : les fonctionnaires de l’administration publique centrale forment une catégorie spéciale d’employés dont les postes sont établis par le Conseil du Trésor et le droit de les nommer à la fonction publique appartient exclusivement à la Commission de la fonction publique. Comme Mme Nemours n’a pas été nommée à un poste établi par le Conseil du Trésor, ni nommée par la Commission de la fonction publique, elle n’est pas une fonctionnaire au sens de la nouvelle LRTFP. Bien que ce résultat puisse paraître injuste, la création d’une catégorie spéciale d’employés pour tenir compte de sa situation est incompatible avec l’objet des dispositions législatives considérées sous l’angle d’une analyse pragmatique et fonctionnelle.

66 Cette conclusion s’appuie aussi sur Marinos (C.A.F.), qui a concluqu’un arbitre de grief doit appliquer les normes juridiques en s’appuyant sur les lois applicables à l’emploi. Par conséquent, une personne employée à titre occasionnel peut être fonctionnaire au sens de la nouvelle LEFP sans pour autant être fonctionnaire au sens de la nouvelle LRTFP.

67 Je suis également d’avis que la présente affaire se distingue des considérations de la Cour suprême du Canada dans Pointe-Claire. Le licenciement de Mme Nemours n’est pas une situation où l’arbitre de grief doit favoriser la syndicalisation. Le régime des relations de travail dans la fonction publique fédérale est bien établi et fait l’objet de conventions collectives pour l’ensemble de la fonction publique fédérale, contrairement à la préoccupation d’un commissaire du travail du Québec dans Pointe-Claire. Dans sa décision, la Cour suprême du Canada a tenu compte du fait que le Code du travail du Québec comportait certaines lacunes avec lesquelles le Tribunal du travail du Québec devait composer. Par conséquent, une approche globale à l’égard de la relation employeur-salariée n’était manifestement pas déraisonnable en l’instance, en raison de l’expertise du tribunal en matière de relations de travail. La Cour suprême de Canada a reconnu qu’un tribunal doit, selon son expertise, interpréter les dispositions souvent lacunaires de la loi, et qu’il revient au législateur d’apporter des solutions à ces lacunes.

68 Dans le présent cas, la nouvelle LRTFP est claire et précise. La question d’accès à la syndicalisation ne se pose pas. Le contrat de travail de Mme Nemours au moment où elle a été licenciée n’était pas ambigu.

69 La décision dans Monnaie royale canadienne, citée par Mme Nemours,n’a aucune application en l’instance. Le Code canadien du travail laisse au Conseil canadien des relations industrielles le soin de définir qui est un employé aux fins de l’accréditation, contrairement à la nouvelle LRTFP qui définit précisément la notion de fonctionnaire.

70 Enfin, les conclusions de BC Health Services ne sont pas pertinentes en l’espèce, car il n’y a aucune preuve que la décision de l’administrateur général de licencier Mme Nemours portait atteinte à la liberté d’association ou aux droits à l’égalité garantis par la Charte.

71 Compte tenu de toutes ces observations et en raison des conclusions encore actuelles de Econosult (C.S.C.), je n’ai pas compétence pour traiter du grief et la remise en question des heures travaillées en tant qu’employée d’agence devient sans objet.

72 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

73 Je suis sans compétence pour décider du grief.

74 J’ordonne que le dossier 566-02-841 soit fermé.

Le 15 avril 2009.

Michele A. Pineau,
arbitre de grief

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