Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La demanderesse avait déposé une plainte à la Commission contre l’agent négociateur - la plainte avait été rejetée - la demanderesse a présenté une demande de réexamen de la décision - la demande de réexamen ne correspondait pas aux critères élaborés par la Commission, soit la présence de faits ou d’arguments nouveaux, ou autres motif impérieux - la demande de réexamen était plutôt une tentative d’obtenir une nouvelle appréciation des faits déjà présentés à l’audience de la plainte - les faits nouveaux survenus depuis cette audience n’étaient pas pertinents aux fins du réexamen. Demande rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2009-03-12
  • Dossier:  525-34-15
  • Référence:  2009 CRTFP 31

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique


ENTRE

FRANCINE BOUCHARD

demanderesse

et

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défenderesse

Répertorié
Bouchard c. Alliance de la Fonction publique du Canada

Affaire concernant une demande de réexamen d’une décision en vertu de l'article 43 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Marie-Josée Bédard, vice-présidente

Pour la demanderesse:
Lise Pronovost, représentante

Pour la défenderesse:
Amarkai Laryea, Alliance de la Fonction publique du Canada

Décision rendue sur la base d'arguments écrits
déposés le 14 novembre 2008 et les 7 et 19 janvier 2009.

I. Demande devant la Commission

1 Le 14 novembre 2008, Francine Bouchard (la « demanderesse ») a déposé une demande de réexamen en vertu de l’article 43 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »), de la décision rendue par la Commission des relations de travail dans Bouchard c. Alliance de la fonction publique et al., 2008 CRTFP 82.

2 Pour bien comprendre la nature de la demande, il est opportun d’exposer sommairement le contexte de la décision en cause.

3 La Commission était saisie d’une plainte déposée par la demanderesse le 24 septembre 2007 en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi, contre l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC). Au terme de sa plainte, la demanderesse reprochait à l’AFPC de s’être livrée à une pratique déloyale à son endroit en la relevant de sa fonction syndicale de présidente d’une unité locale du Syndicat des employé-e-s de l’Impôt (SEI), une composante de l’AFPC, et en suspendant son statut de membre de l’AFPC.

4 L’AFPC alléguait que la plainte était prématurée, parce que la demanderesse s’était prévalue des droits d’appel internes de l’AFPC relativement aux deux décisions prises à son endroit et que les procédures d’appel étaient toujours en cours. L’AFPC fondait son argument sur le paragraphe 190(3) de la Loi. Il est utile de reproduire les paragraphes 190(3) et (4) de la Loi pour bien cadrer la nature de l’objection dont était saisie la Commission.

          [190.] (3) Sous réserve du paragraphe (4), la plainte reprochant à l’organisation syndicale ou à toute personne agissant pour son compte d’avoir contrevenu aux alinéas 188b) ou c) ne peut être présentée que si les conditions suivantes ont été remplies :

a) le plaignant a suivi la procédure en matière de présentation de grief ou d’appel établie par l’organisation syndicale et à laquelle il a pu facilement recourir;

b) l’organisation syndicale a :

(i) soit statué sur le grief ou l’appel, selon le cas, d’une manière que le plaignant estime inacceptable,

(ii) soit omis de statuer sur le grief ou l’appel, selon le cas, dans les six mois qui suivent la date de première présentation de celui-ci;

c) la plainte est adressée à la Commission dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date à partir de laquelle le plaignant était habilité à le faire aux termes des alinéas a) et b).

Exception

          (4) La Commission peut, sur demande, statuer sur la plainte visée au paragraphe (3) bien que celle-ci n’ait pas fait l’objet d’un grief ou d’un appel si elle est convaincue :

a) soit que les faits donnant lieu à la plainte sont tels qu’il devrait être statué sans délai sur celle-ci;

b) soit que l’organisation syndicale n’a pas donné au plaignant la possibilité de recourir facilement à une procédure de grief ou d’appel.

5 L’audience, qui s’est déroulée le 26 septembre 2008, n’a porté que sur l’objection de l’AFPC relative au caractère prématuré de la plainte. Dans la décision qu’elle a rendu le 15 octobre 2008, la Commission a fait droit aux arguments de l’AFPC et rejeté la plainte. L’essentiel des motifs de la décision se trouve aux paragraphes 20 à 24 de cette décision :

[20]    Qui plus est, la Commission ne pourra accepter de plainte d’un fonctionnaire que lorsque ce dernier aura épuisé la procédure d’appel de l’organisation syndicale sauf si l’exception prévue au paragraphe 190(4) de la Loi s’applique.

[21]    La preuve qui m’a été présentée est non équivoque : la procédure d’appel mise en place par l’AFPC est encore en cours. Par le fait même, la plainte est prématurée et elle doit être rejetée.

[22]    Certes, il y a eu une certaine confusion dans la gestion de l’appel par l’AFPC. Tout d’abord, on a dit à la plaignante qu’elle devait s’adresser au SEI pour son premier appel. Puis, on lui a dit que le SEI n’entendrait pas l’appel car ce serait plutôt l’AFPC qui le ferait. Ensuite, on a annulé temporairement une partie de droit d’appel, ayant mal compris l’intention de la plaignante. Sur ce, l’AFPC n’est pas entièrement à blâmer car les intentions exprimées par la plaignante pouvaient porter à plus d’une interprétation.

[23]    Néanmoins, on a offert à la plaignante un plein droit d’appel, à la fois sur la perte de son statut de membre et aussi sur le fait qu’on l’ait relevée de ses fonctions de présidente de la section locale 10005 du SEI. Les représentants de la plaignante et du SEI au tribunal tripartite ont maintenant été nommés. Le tribunal tripartite qui entendra l’appel semble sur le point de commencer son travail et d’entendre l’appel.

[24]    Je rejette aussi la prétention de la plaignante que je peux statuer sur la plainte en vertu du paragraphe 190(4) de la Loi puisque l’organisation syndicale n’a pas donné la possibilité de recourir facilement à une procédure d’appel. La preuve présentée n’appuie pas une telle prétention. Il y a bien eu une certaine confusion sur la gestion des plaintes, mais pas au point de conclure que les conditions du paragraphe 190(4) de la Loi ont été remplies.

II. Résumé de l’argumentation

A. Pour la demanderesse

6 Les motifs au soutien de la demande de réexamen de la demanderesse sont exposés dans une requête de 55 paragraphes déposée par la représentante de la demanderesse. Ces motifs peuvent être regroupés en deux catégories. Dans un premier temps, la demanderesse invoque que la Commission a fait erreur dans son appréciation des faits en concluant que la demanderesse bénéficiait auprès des instances de l’AFPC d’un plein droit d’appel à l’égard des deux décisions contestées. À cet égard, la demanderesse soutient que la preuve démontrait clairement que l’AFPC n’avait pas suivi ses propres règles internes, notamment en ce qui a trait à l’appel relatif à la décision de la relever de ses fonctions syndicales de présidente et qu’il était évident que le processus d’appel à cet égard n’était pas véritablement en cours. La demanderesse soutient également que ses appels n’ont pas été entendus dans les délais impartis dans les règlements de l’AFPC.

7 Dans un deuxième temps, la demanderesse invoque des faits survenus après l’audience du 26 septembre 2008, qui démontrent à son avis que les plaintes de la demanderesse n’ont toujours pas été traitées et que l’AFPC fait preuve de mauvaise foi.

B. Pour la défenderesse

8 L’AFPC soumet que les arguments invoqués par la demanderesse au soutien de sa demande de réexamen ne correspondent pas aux critères d’intervention développés par la jurisprudence en application de l’article 43 de la Loi. L’AFPC soutient que les éléments avancés dans la demande de réexamen constituent une tentative de la demanderesse de faire valoir à nouveau les arguments présentés à l’audience du 26 septembre 2008. L’AFPC soutient également que la demanderesse n’a pas démontré un changement de circonstances, un nouvel élément de preuve ou un nouvel argument qui justifierait que la Commission révise sa décision.

III. Motifs

9 La demande de réexamen est fondée sur le paragraphe 43(1) de la Loi qui prévoit ce qui suit :

43.(1) La Commission peut réexaminer, annuler ou modifier ses décisions ou ordonnances, ou réentendre toute demande avant de rendre une ordonnance à son sujet.

10 Cette disposition, qui est entrée en vigueur le 1er avril 2005, est identique à l’article 27 de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique qui était applicable avant le 1er avril 2005. La jurisprudence, tant de l’ancienne Commission que de la Commission qui y a été substituée en avril 2005, a interprété ces dispositions et développé des paramètres d’intervention. L’affaire Danyluk et al. c. Union des travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce section locale no 832, 2005 CRTFP 179, illustre bien les critères développés par la Commission :

[…]

[14] […] L’ancienne Commission a longtemps interprété l’article 27 de l’ancienne LRTFP en concluant qu’il n’avait pas pour objet de permettre à une partie déboutée de faire valoir à nouveau sa thèse, mais plutôt de permettre à la Commission de réexaminer une décision en tenant compte d’un changement de circonstances ou de permettre à une partie de présenter de nouveaux éléments de preuve ou de nouveaux arguments qu’elle ne pouvait pas raisonnablement présenter à l’audition originale, ou encore de permettre à la Commission de rouvrir le dossier lorsqu’il existait d’autres motifs de réexamen impérieux. Qui plus est, la jurisprudence de la Commission a établi que les nouveaux éléments de preuve ou nouveaux arguments soulevés par une partie dans une demande de réexamen doivent avoir des conséquences importantes et déterminantes sur sa décision. Je souscris à la position de l’ancienne Commission quant à l’interprétation à donner à l’article 27 de l’ancienne LRTFP et je ne vois aucune raison pour qu’on n’interprète pas la nouvelle Loi de la même façon. […]

[…]

11 Appliquant ces critères en l’espèce, je ne vois aucune raison d’intervenir puisque aucun des motifs invoqués par la demanderesse ne satisfait aux critères établis par la Commission.

12 Dans un premier temps, la demanderesse allègue des erreurs de faits dans la décision et elle invite la Commission à apprécier différemment la preuve présentée. Il s’agit à mon avis d’une tentative d’appel de la décision rendue le 15 octobre 2008, ce qui ne correspond pas au cadre d’intervention développé en application de l’article 43 de la Loi. La demanderesse n’invoque par ailleurs aucun argument qu’elle n’aurait pas eu l’occasion de présenter lors de l’audience du 26 septembre 2008.

13 Quant aux nouveaux faits invoqués par la demanderesse, ils sont tous postérieurs à la date d’audience et ils ne peuvent, dans les circonstances, servir de fondement à une demande de réexamen en vertu de l’article 43 de la Loi. Les faits nouveaux qui seraient susceptibles de donner ouverture à une demande de réexamen doivent être des faits qui existaient à la date d’audience, mais que la partie demanderesse ne pouvait raisonnablement présenter. Une demande de réexamen, de par sa nature, présuppose que la Commission réexamine un dossier tel qu’il aurait dû être constitué à l’audience originale n’eut été des circonstances particulières ayant empêché une partie de les présenter à l’audience. Les faits invoqués qui seraient survenus après le 26 septembre 2008, ne peuvent donc donner ouverture à une demande de réexamen. Par ailleurs, rien n’empêche la demanderesse de déposer une nouvelle plainte auprès de la Commission, si elle estime que des faits survenus après l’audience du 26 septembre 2008 peuvent servir de fondement à une nouvelle plainte ou à un autre recours prévu à la Loi.

14 La demanderesse n’a donc pas avancé d’éléments démontrant un changement de circonstances qui justifierait un réexamen de la décision ni démontré qu’il existait d’autres motifs impérieux d’intervention.

15 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

IV.Ordonnance

16 La demande de réexamen de la décision rendue le 15 octobre 2008 dans le dossier de la CRTFP 561-34-186 est rejetée.

Le 12 mars 2009.

Marie-Josée Bédard,
vice-présidente

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