Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La Commission était appelée à déterminer si le service que les agents de services aux citoyens offrent aux demandeurs de prestations dans les centres de services constitue un service essentiel - la Commission a déclaré que, pour assurer la sécurité du public, les fonctions accomplies pour aider les demandeurs de prestations à obtenir des prestations d’AE ou de SV ou à continuer d’en recevoir constituent un service essentiel. Directives données à propos de l’entente sur les services essentiels.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2009-04-28
  • Dossier:  593-02-03
  • Référence:  2009 CRTFP 55

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique


ENTRE

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

demanderesse

et

CONSEIL DU TRÉSOR

défendeur

Relativement au groupe Services des programmes et de l’administration

Répertorié
Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (groupe Services des programmes et de l’administration)

Affaire concernant une demande de règlement de questions pouvant figurer dans une entente sur les services essentiels, prévue au paragraphe 123(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Dan Butler, commissaire

Pour la demanderesse:
Andrew Raven, avocat

Pour le défendeur:
Caroline Engmann, avocate

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
les 22 et 23 janvier et le 17 mars 2009.
(Traduction de la CRTFP)

I. Demande devant la Commission

1 Entre le 21 et le 25 septembre 2007, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (la « demanderesse ») a déposé quatre demandes distinctes aux termes du paragraphe 123(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 2 (la « Loi ») au sujet de questions qui peuvent figurer dans une entente sur les services essentiels (ESE) couvrant les postes du groupe Services des programmes et de l’administration (PA) dont le Conseil du Trésor est l’employeur (ci-après appelé le « défendeur »).

2 Les quatre demandes (dossiers de la CRTFP 593-02-03 et 06 à 08) portaient sur des postes du groupe PA, respectivement au Service correctionnel du Canada (SCC), à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), au ministère des Ressources humaines et Développement des compétences (RHDCC), et à Service Canada, une entité qui fait partie de RHDCC.

3 Le 16 novembre 2007, la demanderesse a adressé une requête à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») afin qu’elle réunisse en un seul dossier les quatre demandes et qu’elle étende le dossier « […] à l’ensemble de l’unité de négociation du groupe PA au Conseil du Trésor ». Le défendeur a indiqué à la Commission le 26 novembre 2007 qu’il était d’accord avec la demande de la demanderesse. Le 5 décembre 2007, le président de la Commission accueillait la demande de la demanderesse. La Commission a clos les dossiers les dossiers de la CRTFP 593-02-06 à 08 et a réuni toutes les questions liées à l’ESE pour le groupe PA dans le dossier 593-02-03.

4 Après la réunion des demandes en une seule, la Commission a tenu celle-ci en suspens pendant près d’un an pendant que les parties tentaient de régler les questions non réglées, en ayant parfois recours au soutien de médiateurs désignés par la Commission. Le vice-président m’a alors désigné pour instruire et trancher, en tant que banc de la Commission, les questions demeurées litigieuses après la médiation.

5 À une conférence préparatoire à l’audience tenue le 9 janvier 2009, les parties ont informé la Commission de l’état de leurs discussions. La Commission a appris que le défendeur a proposé environ 25 000 postes du groupe PA comme postes nécessaires pour offrir des services essentiels. À la date de la conférence préparatoire à l’audience, les parties avaient conclu une entente sur la situation d’environ le tiers de ces postes. Sous réserve de l’approbation finale des parties, elles avaient complètement réglé les questions relatives aux services essentiels pour bien plus que la moitié des ministères et organismes qui emploient les membres de l’unité de négociation. Plusieurs des plus gros ministères employeurs comptaient toutefois parmi les organismes ayant fait l'objet de peu de progrès de la part des parties, et c’est pourquoi un grand nombre de postes demeuraient en litige. Plus particulièrement, la liste des organismes pour lesquels certaines questions importantes n'ont pas encore été réglées comprend le SCC, l’ASFC, RHDCC et l'initiative qu'il chapeaute, Service Canada, et le ministère de la Défense nationale.

6 La présente décision, qui selon la Commission sera la première d'une série de décisions concernant les questions pouvant être comprises dans l’ESE pour le groupe PA, se penche sur un aspect de la situation à Service Canada. La question suivante est donc soumise à la Commission :

Quels services offerts ou quelles activités exécutées par un agent de services aux citoyens (ASC) de groupe et niveau PM-01 dans un Centre Service Canada (CSC) sont nécessaires pour assurer la sécurité du public?

Comme la fonction d’agent de services aux citoyens (ASC) représente environ 1 145 postes proposés comme essentiels par le défendeur, la Commission a estimé qu’il s’agit d’un bon point de départ pour les présentes procédures.

7 Afin de situer l’analyse nécessaire en contexte, la Commission a demandé au défendeur de décrire la fonction exercée par un ASC dans le cadre d’un véritable Centre Service Canada (CSC). Le défendeur a retenu l’exemple du CSC d’Ottawa-Ouest pour l’audience.

8 Une nouvelle convention collective du groupe PA est entrée en vigueur le 23 janvier 2009. La Commission a confirmé, dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (groupes Services frontaliers, Services des programmes et de l’administration et Services de l’exploitation), 2009 CRTFP 37, qu’elle a toujours compétence pour examiner une demande présentée en vertu du paragraphe 123(1) de la Loi une fois qu’une nouvelle convention collective est entrée en vigueur.

II. Résumé de la preuve

9 La preuve du défendeur était constituée du témoignage des quatre personnes suivantes, qui travaillent tous chez Service Canada : Denis Boulianne, directeur exécutif associé, région du Québec, actuellement directeur exécutif par intérim des Services stratégiques; Sharon Shanks, directrice générale, Paiements et traitement, Régime de pensions du Canada/Sécurité de la vieillesse, Direction générale des opérations; Sonja Adcock, directrice, Initiatives de l’automatisation de l’assurance-emploi, Direction générale des opérations; Evelyne Power-Reid, directrice régionale, Est de l’Ontario.

10 M. Boulianne est le seul témoin du défendeur qui a mentionné avoir pris part aux négociations locales sur l’ESE avec les représentants de la demanderesse. Il a déclaré que le défendeur a abordé ces négociations en tenant pour acquis que certains programmes étaient jugés essentiels. Aux fins de la présente affaire, le défendeur estime que les programmes essentiels associés au poste d’ASC sont l’assurance-emploi (a.-e.), le Régime de pensions du Canada (RPC) et la Sécurité de la vieillesse (SV)/le Supplément de revenu garanti (SRG).

11 Le défendeur a donné un aperçu des programmes d’a.-e., de RPC et de SV/SRG (pièces RHDCC-SC-E-1 et 2); chacun d’entre eux constitue un élément majeur du système national de la sécurité du revenu pour les Canadiens.

12 Le programme d’a.-e. offre des prestations régulières sous forme d’aide financière temporaire aux Canadiens en chômage pendant qu’ils cherchent du travail ou pendant qu’ils améliorent leurs compétences. Le programme d’a.-e. offre en outre des prestations spéciales dans une multitude d’autres situations, par exemple lorsque des personnes sont malades, enceintes ou s’occupent d’un nouveau-né, d’un enfant adopté ou d’un membre de la famille qui est gravement malade et qui risque de mourir. Le programme d’a.-e. complète les gains de certaines familles à faible revenu qui ont des enfants, fournit une protection du revenu aux pêcheurs indépendants et offre des prestations à certaines personnes résidant à l’étranger et dont les emplois sont assurés aux termes du programme (RHDCC-SC-E-2). Dans le cadre du programme d’a.-e., les personnes qui obtiennent un certificat médical bénéficient également pendant un maximum de six semaines d’un soutien du revenu temporaire sous forme de prestations de soignant, pour s’occuper de membres de la famille qui sont gravement malades ou qui risquent de mourir.

13 Le programme de RPC prévoit le versement de pensions de retraite aux cotisants admissibles et de prestations de décès, de prestations au survivant et de prestations aux enfants. Le RPC gère également le plus gros régime d’assurance-invalidité de longue durée du Canada, qui verse des prestations mensuelles aux cotisants admissibles qui ont une invalidité et à leurs enfants. Le régime soutient également des services de réadaptation professionnelle pour aider les bénéficiaires à retourner au travail (RHDCC-SC-E-2).

14 Le programme de SV verse une pension mensuelle à tous les Canadiens âgés de 65 ans et plus et des prestations supplémentaires aux personnes âgées de 60 ans ou plus à faible revenu qui sont admissibles. En ce qui concerne les Canadiens dont le revenu est peu élevé ou qui n'ont aucun revenu, le programme offre un revenu additionnel sous forme de paiements mensuels de SRG (RHDCC-SC-E-2).

15 En 2007-2008, Service Canada a traité près de 10,3 millions d'opérations relativement à ses clients, dont 6 % (655 134) touchaient les programmes du RPC et de la SV et 56 % (5 721 490) concernaient le programme d’a.-e. (RHDCC-SC-E-9). En moyenne, 2,6 millions de Canadiens reçoivent annuellement des prestations qui atteignent un total de près de 12 milliards de dollars du programme d’a.-e. En novembre 2008, près de 3,6 millions de Canadiens ont reçu des pensions de retraite du RPC, et 1,5 million de Canadiens de plus ont reçu des prestations d’invalidité, de conjoint survivant et de décès du RPC. Plus de 4,5 millions de Canadiens ont reçu des prestations de SV et 1,6 million de personnes additionnelles ont eu droit au SRG (RHDCC-SC-E-11).

16 Les Canadiens interagissent avec Service Canada par courrier, par téléphone, par Internet et en personne. Les opérations en ligne deviennent de plus en plus la voie principale de prestation de services de Service Canada. Service Canada a assuré avec succès la promotion de ses outils d’accès en ligne auprès des Canadiens, et nombreux sont ceux qui effectuent maintenant leurs opérations liées à l’a.-e., au RPC et à la SV/au SRG sur des ordinateurs privés ou au moyen de terminaux disponibles aux CSC. Dans le cas du programme d’a.-e., par exemple, près de 98 % des clients ont maintenant recours à Internet pour demander des prestations. Environ 30 % le font à des postes de travail qui se trouvent dans des CSC.

17 Une fois que les clients ont reçu des paiements après avoir complété le processus de présentation d’une demande, ils continuent à utiliser les services en personne offerts dans les CSC à différentes fins. Par exemple, ils se rendent dans les CSC pour signaler des changements dans leurs coordonnées, des modifications à leur situation personnelle (mariage, divorce, séparation, décès du conjoint ou de la conjointe, changement concernant les personnes à charge, modification apportée aux arrangements visant la garde, etc.), de même que des changements à leur revenu qui peuvent avoir des répercussions sur leurs droits à des prestations. Ils ont recours aux modes de prestation de services des CSC pour régler des problèmes de versements, pour fournir des données de nature médicale dans les cas d’invalidité continue ou pour déposer aux deux semaines des rapports de disponibilité à travailler et de revenu afin de confirmer le maintien du droit à des prestations d’a-e.

18 Un certain nombre de clients ont toujours des motifs impérieux de traiter en personne avec le personnel de Service Canada. Grâce à son « Modèle d’expérience de service en personne » (pièce RHDCC-SC-E-4), Service Canada cherche à améliorer l’efficacité et l’efficience de son « mode de prestation en personne » et, s’il y a lieu, on rencontre les clients personnellement pour les aider à se servir d’outils en ligne à l’avenir. Néanmoins, certains services liés à l’a.-e., au RPC et à la SV/au SRG continueront d'être offerts principalement ou exclusivement en personne, sans recours à des outils en ligne, en raison de la nature des services ou de la préférence des clients.

19 Les postes d’ASC représentent un élément crucial du « mode de prestation en personne » applicable à l’exécution des programmes d’a.-e., de RPC et de SV/SRG. Les ASC rencontrent en personne des clients à plus de 600 points de service répartis dans tout le Canada, dont 330 CSC et 211 « sites de sensibilisation prévue » (pièces RHDCC-SC-E-5 et 9). Ils traitent à la fois avec des clients qui ont besoin d’aide personnelle à toutes les étapes de leurs opérations et avec ceux qui sont en mesure, avec du soutien, de réaliser leurs opérations en ligne au point de service ou, par la suite, ailleurs. La description de travail générique de septembre 2008 pour le poste d’ASC (pièce RHDCC-SC-E-7) décrit les activités principales de la façon suivante :

  • Répondre aux questions des clients portant sur les offres de service et fournir de l’information à valeur ajoutée, des conseils et de l’orientation sur les exigences des programmes et des services.
  • Peut devoir se déplacer régulièrement ou occasionnellement pour offrir des services externes mobiles dans des régions isolées ou éloignées.
  • Mener une recherche des faits avec les clients, évaluer et décider quelles offres de service ou informations qui doivent être fournies, y compris pour d’autres services ou prestations des gouvernements fédéral et provinciaux, des administrations municipales et d’organisations communautaires. Déterminer le besoin d’interventions plus approfondies par des spécialistes de programmes ou de services.
  • Orienter les citoyens quant à l’utilisation des outils de navigation et de libre-service du Ministère et des partenaires; répondre aux questions courantes sur la capacité des voies de service électroniques; offrir de l’aide aux fins d’échanges électroniques et promouvoir et encourager les citoyens à accéder à ces voies de service électroniques et à les utiliser.
  • Vérifier et authentifier l’identité de clients et les pièces justificatives; recevoir et traiter les frais de service et d’autres paiements; et traiter et produire des certificats, des permis et des documents semblables pour d’autres offres de service dans les limites des lignes directrices établies.
  • Recevoir et traiter les demandes de modification de l’information des clients; clarifier les différences et modifier les bases de données en conséquence ou renvoyer l’information aux partenaires concernés.
  • Recevoir, faire un examen initial et transmettre les demandes et la documentation à l’appui au nom du Ministère et de ses partenaires et expliquer au client où et comment il peut suivre l’état de ses demandes.
  • Faire prêter serment et recevoir les affidavits, les déclarations et les affirmations.

20 Tel qu’il est expliqué dans la description de travail et dans le « Modèle d’expérience de service en personne », les ASC accueillent les clients lorsqu’ils visitent les locaux de Service Canada, déterminent le genre de service dont ils ont besoin et les conseillent sur les processus à suivre. Ils collaborent avec les clients pour veiller à ce que leurs demandes soient complètes et ils reçoivent, valident et certifient les documents requis pour appuyer ou justifier les demandes des clients. Si c’est possible, les ASC déterminent les obstacles qui empêchent les clients d’utiliser eux-mêmes les services en ligne, à la maison ou sur place, et aident les clients à surmonter ces obstacles. Certaines interactions en matière de service comportent une seule visite. Dans d’autres situations, les clients peuvent retourner au CSC ou à un autre point de prestation de service à de nombreuses reprises.

21 On encourage les ASC à déterminer avec les clients si ces derniers ont droit à d’autres prestations afin de les aiguiller vers les services appropriés, y compris les services offerts par d’autres programmes fédéraux ou d’autres ordres de gouvernement. Les ASC définissent également les situations dans lesquelles de l’information ou des compétences particulières peuvent être nécessaires, et ils prennent les mesures nécessaires pour établir un lien entre un client et cette information et ces compétences. Pour ces raisons, notamment, Service Canada considère les ASC comme des « agents d’habilitation » et comme étant ceux qui assurent le « lien » entre le client et le gouvernement. À la fin d’une interaction, l’ASC transmet les demandes au personnel chargé du traitement, et la collaboration de l’agent avec le client se termine généralement à ce moment-là. Les ASC exercent seulement des fonctions de prestation de services en personne. Ils n’évaluent pas les demandes ni ne prennent de décisions au sujet des droits. Si les membres du personnel chargé du traitement décident qu’il faut fournir d’autres renseignements ou documents dans le cadre d’une demande, ils peuvent contacter directement le client par téléphone ou par courrier. Les ASC n’ont un rôle à jouer que lorsque les demandeurs se présentent ultérieurement dans un local de Service Canada pour y apporter ce que les membres du personnel chargé du traitement leur ont demandé d’apporter.

22 Le temps prévu de traitement des demandes varie selon le genre de service. Dans le cas des demandes initiales d’a.-e. correctement remplies, par exemple, Service Canada se donne comme objectif de payer les demandeurs dans les 28 jours dans 80 % des cas. Lorsque ce délai n'est pas respecté (20 % des cas), c'est la plupart du temps en raison de problèmes relatifs aux demandes qui ont été relevés par le personnel chargé du traitement. Les ASC jouent un rôle seulement si le demandeur visite un bureau de Service Canada en personne et y apporte des renseignements ou des documents de suivi.

23 Les CSC et les sites de services mobiles réguliers sont situés de manière à ce que 90 % des Canadiens aient accès à un lieu de prestation de services dans un rayon de 50 kilomètres de leur résidence. Le CSC d’Ottawa-Ouest constitue un exemple assez typique d’un CSC situé en milieu urbain. L’effectif comprend 14 ASC. En moyenne, un ASC peut recevoir de 40 à 65 clients par jour. Du total de 78 841 offres de service à cet endroit en 2007-2008, 4 % concernaient des opérations relatives au RPC et à la SV, tandis que 58 % touchaient des opérations liées à l’a.-e. Ensemble, les offres de service au sujet des programmes d’a.-e., de RPC et de SV/SRG occupaient 83 % du temps du personnel au cours d’une période type de quatre mois durant l'exercice visé (pièce RHDCC-SC-E-6).

24 Mme Power-Reid a déclaré que la plupart des clients qui se présentent au CSC d’Ottawa-Ouest ont besoin d’une aide personnelle pour régler leurs problèmes. Elle-même et d’autres personnes ont constaté les problèmes qu'éprouvaient des clients pour ce qui est de surmonter des obstacles liés à la langue, à l’alphabétisation ou à la numératie, en raison d’une invalidité ou de difficultés antérieures à obtenir des services. De nombreux bénéficiaires sont incapables d’utiliser des ordinateurs. Certains clients sont en proie à des troubles ou à un choc émotif parce qu'ils vivent une situation difficile, comme la mort d'un proche ou la perte récente d’un emploi. D’autres clients peuvent souffrir de maladies débilitantes ou terminales.

25 Dans certaines situations, les ASC aident des clients ayant des « besoins impérieux » qui nécessitent qu'on leur verse des paiements d’urgence. Dans de tels cas, le rôle de l’ASC consiste à analyser les circonstances de la demande, à régler immédiatement les questions de documents dans la mesure du possible et à contacter le centre de traitement au besoin pour accélérer l’approbation. Les ASC peuvent également orienter les personnes qui ont des « besoins impérieux » vers d’autres options de soutien d’urgence ne relevant pas du gouvernement fédéral.

26 Certains clients visitent les CSC pour se faire rassurer en personne ou pour obtenir la confirmation que leurs demandes sont complètes, parce qu’ils croient que leur visite accélérera le processus de demande, parce qu’ils ne veulent pas envoyer certains documents par la poste ou simplement parce qu’ils préfèrent l’interaction en personne à d’autres modes de prestation de services.

27 Mme Shanks a confirmé en contre-interrogatoire que certains clients qui visitent les CSC peuvent recourir à d'autres modes de prestation pour obtenir les services dont ils ont besoin. Néanmoins, elle soutenait que ce ne sont pas tous les clients que l’on peut aider au moyen d’autres modes de prestation de service. Mme Shanks a dit que, dans certains cas, [traduction] « […] il s'agit de personnes parmi les plus vulnérables de la société ».

28 Lorsqu'on lui a demandé quel serait l’impact si aucun ASC n’était disponible au cours d’une grève, Mme Power-Reid a répondu que 90 % des clients qui se rendent au CSC d’Ottawa-Ouest au sujet de demandes de prestations d’a-e. ont un problème ou se butent à un obstacle qui les empêche d’avoir recours à d’autres modes de prestation sans aide ou qui les en empêche tout court. Seulement 10 % des clients de l’a.-e. qui se rendent dans un CSC se servent d’un poste sans l’aide du personnel. En ce qui concerne les demandeurs qui ont besoin d’aide, l’absence des ASC occasionnerait des retards dans le traitement de leurs demandes qui pourraient causer des difficultés financières importantes.

29 En contre-interrogatoire, Mme Power-Reid a confirmé son point de vue selon lequel 90 % des clients de l’a.-e. qui se rendent au CSC d’Ottawa-Ouest ne recevraient pas de prestations s'il n'y avait aucun ASC pour les aider. Certains de ces clients se rendent au CSC pour assurer le suivi de demandes faites pour eux par le personnel chargé du traitement. Mme Power-Reid a convenu avec la demanderesse que, compte tenu du volume moyen de 300 visiteurs par jour, quelque 140 personnes ont besoin de l’aide de l’ASC au cours d’une journée type. De ce nombre, certains clients réaliseront eux-mêmes leurs opérations en se servant d’ordinateurs sur place; d’autres compléteront le processus avec le soutien d’un ASC.

30 La demanderesse n’a convoqué aucun témoin.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le défendeur

31 Le défendeur soutient que les programmes d’a.-e., de RPC et de SV/SRG, pris dans leur intégralité, comportent des services essentiels au sens de la Loi. La présente affaire met l’accent sur la partie de ces services essentiels qui est offerte par les ASC dans le cadre du modèle de service en personne de Service Canada dans les centres de service répartis dans tout le pays.

32 L’ASC est l’agent d’habilitation clé qui établit un lien entre les bénéficiaires admissibles et les prestations prévues par la loi. Le défendeur fait valoir que tous les aspects des activités de service en personne des ASC qui touchent les programmes d’a.-e., de RPC et de SV/SRG sont nécessaires pour assurer la sécurité du public. L’absence d’un ASC dans un CSC équivaut à la probabilité ou à la possibilité rationnelle d’un risque pour la sécurité du public.

33 La question en litige que doit trancher la Commission est limitée. Si l’on pose comme hypothèse que les programmes d’a.-e., de RPC et de SV/SRG sont visés par la définition d’un service essentiel que donne le paragraphe 4(1) de la Loi, le poste d’ASC est-il un « type de poste » qui est nécessaire pour que l’employeur puisse fournir des services essentiels? Le défendeur invite la Commission à déclarer que tous les aspects de l’exécution des trois programmes sont essentiels ou que, subsidiairement, les trois programmes sont eux-mêmes essentiels et que le poste d’ASC est un « type de poste » qui est nécessaire pour que l’employeur puisse fournir des services essentiels.

34 Le défendeur prétend que si une seule personne devait se rendre dans un CSC au cours d’une grève et devait ne pas être en mesure d’obtenir une prestation en raison de l’absence d’un ASC, il s’agirait d’une situation de risque pour la sécurité du public. Bien que le témoignage de Mme Adcock ait indiqué qu’un programme comme l’a.-e. est maintenant essentiellement informatisé, il n’en demeure pas moins que de nombreuses personnes se rendent dans un CSC pour effectuer les opérations relatives à l’a.-e. Parmi les personnes qui rencontrent un ASC dans la « zone de libre-service », où s'effectue la fonction de tri, se trouvent des membres du « public » qui ont besoin d’obtenir un service essentiel s'avérant nécessaire pour leur sécurité. Dans le présent cas, le « public » est formé de la communauté des bénéficiaires possibles ou admissibles qui ont accès à des prestations par l’entremise du CSC. (La demanderesse posait comme hypothèse que les personnes qui demandent des prestations sont des membres du public.)

35 La Commission devrait retenir une interprétation large et libérale de la notion de « nécessité » pour déterminer les services essentiels. Elle devrait se demander si les services fournis par un ASC répondent aux besoins des clients qui se rendent dans un CSC. Le défendeur fait valoir que les ASC sont nécessaires pour que l’employeur fournisse les services essentiels dont les clients ont besoin. Comme le prévoit la Loi, l’employeur n’a pas à modifier sa façon d’exercer ses activités, à envisager d’avoir recours à d’autres personnes pour offrir les services ou à utiliser d’autres méthodes pour obtenir le même résultat.

36 Les témoins ont présenté une preuve abondante de ce que font les ASC, étayée en particulier par le document dépeignant le Modèle d’expérience de service en personne (pièce RHDCC-SC-E-4), la description narrative des services essentiels offerts en personne (pièce RHDCC-SC-E-5) et la description de travail des ASC (pièce RHDCC-SC-E-7). Toutes les « activités clés » décrites dans ces documents permettent à un client d’avoir accès à une prestation.

37 Le fait que les ASC n’approuvent pas les demandes ne rend pas les services qu’ils offrent moins essentiels.

38 Le défendeur m’a renvoyé de manière exhaustive à la décision rendue dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (Groupe du traitement mécanique des données), dossier de la CRTFP 181-02-116 (19800528) (« Groupe du traitement mécanique des données »). Cette décision traitait de la même question que l’une de celles dont est actuellement saisie la Commission. Comme les programmes de base abordés dans la décision n’ont pas, pour l’essentiel, évolué depuis 1980, ses conclusions demeurent instructives et d’application obligatoire. La Commission s’est exprimée en ces termes :

[…]

33. Après une réflexion approfondie, la Commission a choisi une formule différente pour tenter de s’assurer que les prestataires dépendants des programmes en cause continueront de toucher en cas de grève les chèques auxquels ils on [sic] droit. Ils [sic] s’agit d’une formule pragmatique dont l’application relève de la compétence et de la bonne volonté de la Commission. Nous avons évalué chaque programme et avons jugé s’il serait possible d’atteindre l’objectif susmentionné en continuant de verser les sommes dues à tous les prestataires admissibles, sans égard à leur degré de dépendance envers le programme. […]

34. Examinons maintenant chacun des quinze programmes, plus précisément leurs points saillants et les faits et statistiques reliés à leur application.

[…]

(10) Assurance-chômage : Au total, 1,1 million de Canadiens touchent les prestations d’assurance-chômage. Celles-ci sont calculées d’après les gains antérieurs et sont versées pendant un laps de temps qui varie selon les régions et la durée de l’emploi antérieur, le maximum étant de 52 semaines. On tient compte des autres sources de revenus au moment de calculer les prestations. Toutefois, les revenus des autres membres de la famille n’entrent pas dans ce calcul. Les bénéficiaires sont tenus de se présenter deux fois par semaine au bureau de l’AC, et doivent remplir une carte chaque semaine. Les paiements dépendent de la réception de ces rapports.

[…]

(13) Sécurité de la vieillesse et supplément de revenu garanti : La sécurité de la vieillesse est un programme fédéral en vertu duquel tous les citoyens canadiens âgés de plus de 65 ans et qui résident au Canada de puis [sic] au moins 10 ans touchent une allocation mensuelle. Actuellement, celle-ci s’élève à $182.42. Le supplément de revenu garanti est fixé d’après les autres revenus et est versé dans certaines circonstances financières. Pour une personne seule, il est de $149.76 par mois et il s’élève à $124.52 pour chaque conjoint d’un couple marié. Le revenu des bénéficiaires doit être inférieur à $3 600 dans le cas d’une personne seule et de $6 000 dans le cas d’un couple marié. Sur les 2,2 millions de Canadiens qui reçoivent la sécurité de la vieillesse, 1,2 millions [sic] sont admissibles au supplément de revenu garanti. En outre, une allocation est payable aux conjoints âgés de 60 à 65 ans. L’allocation du conjoint n’est pas versée si le revenu du couple est supérieur à $9 000. La Colombie-Britannique, l’Ontario, l’Alberta et la Saskatchewan offrent un programme de revenu supplémentaire aux prestataires de la sécurité de la vieillesse, mais ces suppléments mensuels sont souvent fort peu élevés. Le Québec met en œuvre un régime de médicaments sur ordonnance gratuits, à l’intention des personnes âgées.

[…]

(15) Régime de pensions du Canada : Il s’agit d’un régime à participation obligatoire pendant toute la durée d’emploi d’une personne. Des prestations sont payables si l’employé prend sa retraite, est frappé d’invalidité ou décède. Sur les 1,2 million de bénéficiaires, 755 000 sont des retraités, 80 000 sont invalides, 33 000 sont des enfants d’invalides, 218 000 sont des conjoints survivants et 95 000 sont des orphelins. Dans le cas de la pension versée aux invalides, il faut que l’employé ait été frappé d’invalidité ou de maladie mentale grave (incapacité de travailler) et prolongée (durée indéterminée). Les prestations maximales versées aux retraités sont de $244 par mois et la moyenne se situe environ à la moitié de ce montant. Le montant maximum payé aux invalides s’élève à $240 par mois. Les conjoints survivants touchent un maximum de $165 par mois, tandis que les orphelins et les enfants reçoivent $67 par mois. Le régime ne tient pas compte des autres revenus. Toutefois, les régimes de bien-être social des provinces et les régimes de retraite du secteur privé tiennent compte des prestations du régime de pensions du Canada.

35.[…] Nous n’avons pas hésité à juger que les prestations versées au titre du programme […] du Régime de pensions du Canada […] de la sécurité de la vieillesse, [et] du supplément du revenu garanti […] doivent être maintenues en cas de grève, pour la sûreté ou la sécurité du public. […] Finalement, malgré les preuves selon lesquelles près des trois quarts des prestataires de l’assurance-chômage n’ont pas de personnes à charge, il est certain que pour un grand nombre de ceux-ci, qu’ils soient célibataires ou mariés et qu’ils aient ou non des personnes à charge, l’assurance-chômage constitue à un moment donné leur seule source de revenu. Par conséquent, nous concluons qu’il faudra continuer d’acheminer les chèques d’assurance-chômage, en cas de grève, pour la sûreté ou la sécurité des prestataires au sens de l’article 79 de la Loi.

[…]

39 Le défendeur soutient que les ASC accomplissent, dans le cadre du mode de prestation de services en personne, exactement ce que la Commission a décrit précédemment, c’est-à-dire qu’ils produisent des demandeurs qui acquièrent le droit de recevoir des prestations aux termes des trois programmes. La Commission a désigné comme employés essentiels des employés qui exerçaient des fonctions dans la chaîne de fonctions se terminant par l’émission de chèques réguliers de revenus, y compris [traduction] « […] ceux qui sont nécessaires pour produire des demandeurs qui acquièrent le droit de recevoir des prestations au cours d’une grève […] »

40 Dans les affaires Re New Brunswick (Workplace Health, Safety and Compensation Commission), [1998] N.B.L.E.B.D. No. 9 (QL), et New Brunswick (Workplace Health, Safety and Compensation Commission) v. Canadian Union of Public Employees, Local 1866, 2006 NBQB 32, il est également reconnu que les types de fonctions exercées par les ASC sont essentiels.

41 Pour rendre sa décision, la Commission peut s’en remettre à son expérience et à ses connaissances afin de comprendre que des urgences peuvent survenir et surviennent effectivement au cours d’une grève et que, par conséquent, les activités liées à la grève ont un impact sur la sécurité du public : Énergie atomique du Canada Limitée, [2001] CCRI no 122, au paragr. 282. La Commission doit privilégier la prudence, en particulier s’il existe des motifs raisonnables d’accepter la probabilité, voire la possibilité que la vie humaine ou la sécurité du public en souffre : Fraternité internationale des ouvriers en électricité c. Conseil du Trésor (Groupe de l’électronique Catégorie technique), dossier de la CRTFP 181-02-8 (19690925); et Conseil du Trésor c. Alliance de la Fonction publique du Canada (Groupe de la radiotélégraphie), dossier de la CRTFP 181-02-99 (19790601).

42 La Commission doit respecter le principe contemporain de l’interprétation législative selon lequel les termes d’un texte de loi doivent être interprétés en leur sens usuel, en harmonie avec le régime de la loi et avec l’intention du législateur : Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, 2002 CSC 42. Dans le même ordre d'idées, la Commission a admis que la Loi établit que la protection de l’intérêt public constitue un objectif primordial et a déclaré qu’elle doit appliquer les dispositions sur les services essentiels de la Loi en gardant cet objectif primordial à l’esprit. À cet égard, voir le préambule de la Loi et Alliance de la Fonction publique du Canada c. Agence Parcs Canada, 2008 CRTFP 97 (« Agence Parcs Canada »). Voir également Nav Canada, [2002] CCRI no 168.

43 La Commission doit également interpréter au sens large et libéral le terme « service » contenu dans le paragraphe 4(1) de la Loi. Le défendeur soutient que des « programmes » peuvent être et, dans le présent cas, sont des « services » au sens de la Loi.

44 D’après le défendeur, la Commission ne devrait pas se sentir contrainte de déterminer que les services examinés dans la présente affaire sont nécessaires pour la sûreté du public ou pour la sécurité du public. Les trois programmes de base en litige ont des répercussions à la fois sur la sûreté et la sécurité. Dans les cas où les membres du public doivent avoir accès à des prestations, l’absence de services essentiels liés à des programmes pourrait avoir un impact non seulement sur leur sécurité, mais également sur leur sûreté, comme dans le cas d’une personne qui risque de perdre son logement et qui s’expose aux risques pour la sécurité personnelle qu’une telle perte comporterait. Il est presque manifeste que la sûreté personnelle puisse présenter des risques pour les personnes qui ne peuvent avoir accès à des prestations et qui perdent leur source de revenus. La « sûreté », au sens ordinaire du terme, comporte une certaine liberté par rapport au risque de blessure ou à la perte. La sécurité physique, le bien-être personnel et la sécurité des bénéficiaires aux termes du programme de prestations d’invalidité du RPC, par exemple, sont en péril s’il existe une entrave à l’accès aux prestations. La preuve communiquée à l’audience au sujet des « besoins impérieux » nécessite d’autres illustrations de l’argumentation.

45 Ceci étant dit, la Commission n’est pas tenue, en dernière analyse, de déterminer si la « sécurité du public » est également en litige dans cette affaire. Le concept énoncé en anglais par le terme « security » est suffisamment large pour englober des éléments du terme anglais « safety ». Précisons que le texte français du paragraphe 4(1) de la Loi emploie seulement le terme sécurité :

[…]

« services essentiels » Services, installations ou activités du gouvernement du Canada qui sont ou seront nécessaires à la sécurité de tout ou partie du public.

46 S’il y a incohérence entre les deux versions officielles d’une Loi, il convient de privilégier la version qui donne une interprétation plus large et qui, par ailleurs, permet de réaliser l’objet de la loi : voir Pierre-André Côté, Interprétation des lois, 3e é., publié aux éditions Thémis; et Norcan Electrical Systems Inc. c. FB XIX (Le) (1reinst.) A/S, 2003 CFPI 702, au paragraphe 19. Dans le paragraphe 4(1) de la Loi, il faut privilégier l’interprétation du terme sécurité comme ayant un sens large qui inclut les éléments du terme « safety » mentionné dans le texte anglais. La Commission peut donc conclure que les services offerts par les ASC sont nécessaires aux fins de la protection du public et, en ce faisant, subsumer également les dimensions du terme anglais « safety ».

47 Le défendeur a également mentionné à la Commission les décisions suivantes : Aéroports de Montréal, [1999] CCRI no 23; Nav Canada, [2007] CCRI no 374; Nav Canada, [2007] CCRI no 375; Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (Groupe du chauffage, de la force motrice et de l’opération de machines fixes – surveillants et non-surveillants), dossier de la CRTFP 181-2-173 (19850221); Re Ontario v. Ontario Public Service Employees Union, 2002 CanLII 38269 (ONLRB); Re Ontario Ministry of Labour, 2005 CanLII 8234 (ONLRB); Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27; Serco Facilities Management Inc. c. Alliance de la Fonction publique du Canada, [1999] N.J. No. 201 (QL); et Conseil du Trésor c. Alliance de la Fonction publique du Canada (Groupe de l’enseignement), dossier de la CRTFP 181-2-235 (19870319).

B. Pour la demanderesse

48 La demanderesse convient du fait que certains éléments des programmes d’a.-e., de RPC et de SV/SRG sont nécessaires pour la sécurité du public. Plus particulièrement, elle reconnaît que les demandes de traitement et les prestations de programme qui en découlent peuvent constituer des services essentiels au sens de la Loi.

49 Toutefois, la demanderesse n'est pas d'accord avec l'idée selon laquelle la disposition sur le soutien offert en personne par les ASC dans les CSC est nécessaire pour assurer la sécurité du public. Subsidiairement, parmi la multitude de services offerts par les ASC, la Commission devrait déterminer que sont essentielles seulement les activités d’aide à des personnes qui ne peuvent autrement remplir une demande de prestations sans aide.

50 En l’espèce, les questions en litige ont trait à la sécurité financière ou à la sécurité du revenu. La preuve soumise à la Commission ne permet pas de conclure que les éléments de santé et de sécurité sont remis en question.

51 La définition de « service essentiel » donnée au paragraphe 4(1) de la Loi désigne des « services, installations ou activités ». Il ne s’agit toutefois pas ici d’installation nécessaire. Dans le cas qui nous occupe, un « service » ou une « activité » revêt un caractère essentiel s’il est nécessaire pour les prestations conférées par les programmes d’a.-e., de RPC et de SV/SRG.

52 La Loi prévoit que les services essentiels doivent être nécessaires à la sécurité du public. Le défendeur fait valoir que la Commission devrait adopter une approche large et libérale pour définir la « nécessité ». La décision Agence Parcs Canada exige plutôt un équilibre des éléments liés à l’intérêt public et du droit des employés de déclencher une grève légale. Dans cette décision, la Commission a surtout fait porter son analyse sur la question de savoir quels services étaient nécessaires aux fins de la sécurité du public au cours d’une grève. Elle a du même souffle reconnu sa responsabilité, au demeurant importante, de donner une véritable signification au droit de grève.

53 La décision de la Commission dans Agence Parcs Canada fait porter sur le défendeur le fardeau de présenter une preuve selon laquelle il existe un fondement raisonnable et suffisant pour conclure que les ASC offrent des services essentiels. Le défendeur demande à la Commission de déclarer que tous les aspects des programmes d’a.-e., de RPC et de SV/SRG sont de tels services. Cette demande n’est pas cohérente avec l’approche mise de l’avant dans Agence Parcs Canada et va à l’encontre de l’absence de preuve sur « tous les aspects » des programmes. La Commission ne peut donner son approbation généralisée aux trois programmes comme le demande le défendeur. L’analyse doit être plus précise pour ne pas confondre « services essentiels » et « niveau de service ». Afin que subsiste une distinction significative entre les deux concepts, les services essentiels doivent être définis de manière limitative et précise comme dans Agence Parcs Canada, au paragraphe 218, pour que la détermination du « niveau de service » dans la deuxième question se rapporte uniquement aux fonctions particulières jugées nécessaires pour la sécurité du public par la Commission dans la première question.

54 Il faut établir une distinction importante entre les situations qui entraînent des inconvénients pour le public ou l’employeur et les situations qui mettent en péril la sécurité du public : Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (Groupe du chauffage, de la force motrice et de l’opération de machines fixes – surveillants et non-surveillants).

55  La sécurité du public ne comprend pas les difficultés financières ou les éléments de détresse émotionnelle ou psychologique. La Commission a mentionné ce qui suit dans Conseil du Trésor c. Alliance de la Fonction publique du Canada (Groupe de la radiotélégraphie) :

[…]

12. […] Nous n’hésitons pas à dire que les fonctions qui doivent être remplies dans l’intérêt de la sécurité du public n’englobent pas ces fonctions qui serviraient uniquement à permettre à l’employeur de mener ses affaires comme d’habitude, non plus qu’elles n’englobent ces fonctions qui serviraient uniquement à préserver l’employeur de difficultés économiques ou le public d’inconvénients qu’il pourrait subir.

13. […] C’est forcer le sens des mots « sûreté et sécurité » que de l’étendre à l’état mental, psychologique ou émotionnel d’individus et c’est particulièrement le cas dans le contexte où ils sont utilisés. […]  

[…]

56 Dans Groupe du traitement mécanique des données, la Commission a traité du contexte des problèmes financiers occasionnés par une perte d’accès aux programmes de prestations dans les termes suivants :

[…]

30.[…] seules les prestations versées aux personnes dépendantes d’un programme donné à un point tel que leur santé serait en jeu si elles devaient cesser de recevoir les chèques auxquels elles ont droit, sur lesquels elles comptent et qui constituent leur seule source de revenu normale et fiable leur permettant de répondre à leurs besoins les plus importants, pourraient être considérées comme nécessaires à leur sécurité, aux termes de l’article 79 de la Loi. […]

[…]

57 À la suite de ces décisions, l’employeur doit produire une preuve convaincante qui établisse l’impact sur la sécurité d’une diminution des services offerts par les ASC. Une preuve faisant état d’inconvénients ou de difficultés financières pour le public n'est pas, en soi, suffisante : voir également Conseil du Trésor c. Alliance de la Fonction publique du Canada (Groupe de l’enseignement) aux paragraphes 11-14, 22-23 et 26.

58 Service Canada a établi différentes voies pour donner aux membres du public un accès à de l’information et à du soutien concernant les programmes de prestations. Ces voies comprennent le service sur Internet, par téléphone, par courrier et en personne dans les CSC. Mme Shanks a déclaré que les personnes qui ne sont pas en mesure de se rendre dans un CSC ou dans un site de services mobiles réguliers peuvent obtenir de l’aide par téléphone ou sur Internet. Mme Adcock a affirmé que dans les faits, 98 % des demandes d’a.-e. sont réalisées en ligne au moyen d’un processus entièrement informatisé.

59 Quand les membres du public se rendent dans un CSC, les ASC leur donnent accès à des demandes, les aident à remplir ces demandes, authentifient des documents et l’information exigée par le centre de traitement et règlent des problèmes sur les dossiers d’emploi et les cas de « besoins impérieux ». Les ASC n’analysent ni ne traitent les demandes. Comme l’ont admis Mme Shanks et Mme Adcock, ce ne sont pas toutes les personnes qui se rendent dans un CSC qui sont incapables de remplir une demande par elles-mêmes. Des personnes se rendent dans un CSC pour différents motifs, notamment parce qu’elles préfèrent ne pas envoyer certains documents par courrier ou parce qu’elles désirent éviter des retards de traitement.

60 L’aide donnée en personne pour remplir des demandes constitue un service valable et louable qui vise, en définitive, à faciliter le processus de présentation d’une demande de prestations et à le rendre moins frustrant. Il s’agit d’un service utile. Le défendeur n’a pas établi que le service est nécessaire pour la sécurité du public. Une partie importante du public n’a pas actuellement accès au CSC, comme les 10 % de Canadiens qui vivent à plus de 50 km d’un CSC ou d’un site de services mobiles réguliers. Faire valoir que les services dispensés en personne sont essentiels équivaut à accepter, sans preuve, la proposition selon laquelle ces Canadiens se trouvent dans une situation qui menace actuellement leur sécurité. Étant donné que, dans les faits, une grande partie du public n'a pas accès à une aide offerte en personne, nous pouvons conclure que l’aide en personne n’est pas nécessaire pour la sécurité.

61 Outre les affirmations formulées par les témoins du défendeur selon lesquelles les demandeurs qui se présentent au CSC seraient incapables de demander des prestations en l’absence des ASC, le défendeur n’a présenté à la Commission aucune preuve selon laquelle l’aide en personne est nécessaire. Par exemple, l’employeur n’a présenté aucune preuve sur la capacité de la famille, des amis ou des autres organismes communautaires d’aider des personnes à remplir leurs formules de demande. De même, le défendeur avait peu de choses à dire au sujet de la capacité du public d’avoir accès à d’autres services fournis par des membres de l’unité de négociation, tels que des services d’aide par téléphone. La disponibilité de tels services doit être prise en compte et est directement liée à la question de savoir si la cessation de fonctions par des ASC menacerait la sécurité du public.

62 Si la Commission conclut que des ASC sont nécessaires pour fournir de l’aide en personne à certains membres du public, elle devrait définir étroitement la portée du service essentiel comme étant la prestation de services uniquement aux personnes qui ne sont pas en mesure de remplir leurs demandes sans aide en personne.

63 La demanderesse a déterminé des exemples de services qui, selon ses dires, ne sont pas visés par la définition limitative : s’assurer que les demandes sont complètes pour éviter les retards de traitement; authentifier des documents pour les personnes qui se rendent dans un CSC parce qu’elles préfèrent ne pas soumettre leurs documents par courrier; fournir des renseignements généraux sur les programmes offerts; répondre à des questions générales du public; fournir de l’aide dans des langues autres que le français ou l’anglais; recevoir des demandes de modification de renseignements, de clarification des écarts ou de modification dans les bases de données de Service Canada.

C. Réfutation du défendeur

64 Dans la décision Agence Parcs Canada, la Commission n’a pas déclaré que seul l’employeur a le fardeau de la preuve. En définitive, les deux parties doivent présenter une preuve à l’appui de leurs positions respectives. La demanderesse ne l’a pas fait. Elle n’a pas établi, au moyen d’éléments de preuve, quelque aspect que ce soit d’un poste d’ASC qui n’est pas essentiel pour la sécurité du public.

65 Les ASC ne se contentent pas de vérifier les demandes. L’employeur a établi le bien-fondé de son argument selon lequel ils agissent comme agents d’habilitation et forment un élément de liaison primordial entre les membres du public et les prestations qu’ils demandent.

66 La demanderesse demande à la Commission de tenir compte du fait que des personnes peuvent obtenir de l’aide d’autrui pour présenter leurs demandes. Bien que ce puisse être le cas pour certains demandeurs handicapés qui visent à obtenir des prestations dans le cadre d’un programme, Service Canada n’est pas libéré de l’obligation de veiller à ce que les personnes qui pourraient avoir droit à des prestations soient en mesure de demander ces prestations. En ce qui a trait à l’option qui consiste à avoir recours à d’autres modes de prestation, les gens qui se rendent dans un CSC ont probablement vécu un événement important et pourraient être traumatisés. Ces personnes ne sont pas en mesure de se servir d’Internet ou de présenter une demande par téléphone. En outre, les personnes qui ont des « besoins impérieux » ont le plus souvent besoin d’obtenir de l’aide en personne.

IV. Motifs

67 Compte tenu du cheminement analytique exposé par la Commission dans Agence Parcs Canada, il faut d’abord déterminer, dans le cadre de la présente décision, quels sont les services offerts ou les activités exercées par un ASC de groupe et niveau PM-01 dans un CSC — s’il y a lieu — qui sont nécessaires pour la sécurité du public.

68 Dans Agence Parcs Canada, la Commission a indiqué dans les termes suivants que le fardeau principal de la preuve incombe à l’employeur :

[…]

180. La Commission […] est d’avis que le fardeau de la preuve principal continue d’incomber à l’employeur en vertu de la nouvelle Loi, comme c’était le cas par le passé lorsque l’employeur proposait de désigner des postes sous le régime de l’ancienne Loi. L’employeur doit soumettre des preuves à la Commission pour la persuader qu’il existe un fondement raisonnable et suffisant lui permettant de conclure […] qu’un service est essentiel […]

[…]

69 Le défendeur soutient en l’espèce que la Commission, dans Agence Parcs Canada, n’a pas fait reposer le fardeau de la preuve uniquement sur l’employeur. Le défendeur fait valoir que les deux parties devraient présenter une preuve pour appuyer leurs thèses respectives. Il demande donc que la Commission tienne compte du fait que la demanderesse n’a pas produit de preuve et ne s’est donc pas acquittée de sa part du fardeau de la preuve.

70 Avec égards, la Commission n’est pas d’accord avec la description que donne le défendeur de la décision sur le fardeau de la preuve rendue dans Agence Parcs Canada. Dans cette décision, le banc de la Commission a expressément rejeté l’argument alors avancé par l’employeur selon lequel le fardeau de la preuve est passé à un moment donné du côté de l’agent négociateur, relevant l’exception énoncée au paragraphe 123(7) de la Loi. Le banc n’a pas commenté au paragraphe 179 que « […] [le] paragraphe 123(1) de la nouvelle Loi lance un mécanisme qui, à certains égards, ressemble davantage à une enquête sur les faits qu’à une procédure contradictoire ». La Commission estime que cette description ne modifiait pas la décision rendue par le banc au sujet du fardeau de la preuve. Il s’agissait plutôt d’un énoncé selon lequel une décision de la Commission dans un dossier sur les services essentiels vise moins à trancher en faveur de la thèse de l’une des parties qu’à déterminer quelle issue satisfait aux exigences de la Loi. Cela ne signifie pas que les deux parties ont une responsabilité égale ou partagée de prouver les faits. Le fardeau de la preuve principal continue d’incomber à l’employeur. Il est donc loisible à l’agent négociateur de décider de ne pas produire de preuve dans un dossier sur les services essentiels. Bien que cette décision laisse à la Commission le soin de déterminer l’issue sur la seule base des faits présentés par l’employeur, tel qu’il a été établi en contre-interrogatoire par l’agent négociateur, aucun préjudice formel n’est lié à l’approche préconisée par l’agent négociateur. Sa décision pourrait comporter un vice sur le plan de la stratégie si la Commission soupèse le résultat final sans avoir été saisie des arguments opposés, mais il ne s’agit pas d’un manquement de la part de l’agent négociateur de s’acquitter d’un fardeau formel de prouver ou non le bien-fondé d’une cause.

71 Le défendeur demande à la Commission de déclarer que tous les aspects de l’exécution des programmes d’a.-e., de RPC et de SV/SRG sont essentiels ou que les trois programmes sont eux-mêmes essentiels.

72 La Commission comprend que la base de la thèse du défendeur, en termes très simples, tient au fait que la Commission devrait reconnaître et protéger le droit du public à un accès ininterrompu aux prestations offertes par les programmes d’a.-e., de RPC et de SV/SRG en vertu de la loi. L’employeur soutient pour sa part que les programmes eux-mêmes sont presque manifestement essentiels pour la sécurité du public. Au début de son témoignage, par exemple, M. Boulianne a déclaré que le défendeur abordait les négociations sur l’ESE [traduction] « […] en tenant pour acquis que certains programmes étaient considérés essentiels ».

73 Convient-il en vertu du régime législatif de déclarer que les programmes d’a.-e., de RPC et de SV/SRG — ou l'un ou l'autre programme dans son intégralité — sont essentiels? La définition d’un « service essentiel » au paragraphe 4(1) de la Loi n’utilise pas le terme « programme ». Elle mentionne plutôt des « services, installations ou activités ». Toutefois, dans le vocabulaire usuel du gouvernement, le mot « programme » peut désigner un ensemble de services ou d’activités connexes, voire des installations, qui font partie d’une organisation commune et qui sont conçus pour servir des fins communes déclarées. Ainsi, le fait de déclarer un programme essentiel pourrait bien revenir à conclure que ses services, activités ou installations sont nécessaires pour la sécurité du public. Une telle déclaration ne serait pas nécessairement incohérente avec la structure ou les fins de la Loi.

74 Les véritables problèmes sont autres. Si un programme doit être déclaré essentiel dans son intégralité, l’employeur doit établir de manière exhaustive que la totalité des services, activités ou installations qui forment le programme sont nécessaires pour assurer la sécurité du public. Selon la nature du programme examiné, la preuve exigée pour s’acquitter de ce fardeau pourrait être très complète et/ou très détaillée, ce qui mènerait à de longues audiences et à des décisions complexes. Outre le défi évident que représenterait la gestion efficace des demandes de services essentiels, il subsiste certaines préoccupations plus importantes. Les programmes comprennent habituellement divers éléments qui, soutient-on, ont une incidence plus ou moins directe — ou plus ou moins immédiate — sur les objectifs du programme. Tous les programmes, pour ainsi dire, comportent des activités auxiliaires qui peuvent être cruciales ou non pour la réalisation des objectifs de programme souhaités. Si l’on prend, hypothétiquement, l’exemple du programme d’a.-e., on peut facilement imaginer que le programme constitue une entité opérationnelle ou organisationnelle qui pourrait comporter des éléments auxiliaires comme des recherches de fond, des évaluations de rendement, la vérification et l’élaboration d’outils d’information et de systèmes de traitement de l’information, en plus des activités de traitement et de versement directs des prestations d’a.-e. De plus, le programme doit obligatoirement inclure les activités ministérielles régulières que requiert chaque programme (gestion des ressources financières et humaines, etc.). Si le programme d’a.-e. dans son entier est jugé essentiel, par exemple, cela signifie-t-il que tous les services auxiliaires et les activités ministérielles exigées dans le cadre du programme d’a.-e. sont également nécessaires aux fins de la sécurité du public?

75 Dans le cas qui nous occupe, la préoccupation relative à l’« unité d’analyse » est sérieuse. Dans les faits, il se peut qu’un « programme » constitue une unité d’analyse tout simplement trop grande ou exhaustive pour être facilement identifié comme un service essentiel au sens du paragraphe 4(1) de la Loi. Ce qui est plus grave encore, le fait de déclarer un programme intégralement essentiel pourrait ne pas être cohérent avec la « quête d’un équilibre » décrite dans Agence Parcs Canada. Le banc dans cette décision a formulé le commentaire important qui suit au paragraphe 202 :

[…]

[…] [La Commission] doit par ailleurs définir les services essentiels avec assez de précision pour faciliter la désignation éventuelle des postes essentiels. La précision sert en outre l’objectif d’atténuer la possibilité qu’un service essentiel soit défini en termes trop larges pour qu’il en résulte la suppression non nécessaire du droit de grève aux autres employés.

76 La Commission conclut, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle ne peut pas déclarer que les programmes d’a.-e., de RPC et de SV/SRG dans leur intégralité — ou l’exécution de ces programmes dans leur intégralité — constituent un service essentiel. Outre le fait que la Commission n’est pas saisie d’éléments de preuve détaillés au sujet de tous les aspects des trois programmes, la Commission croit qu’une telle déclaration serait de portée trop large pour faciliter les autres décisions qui seront nécessaires pour compléter l’ESE, y compris le « niveau de service », les types et les numéros de postes et les postes précis qui sont nécessaires pour offrir les services essentiels au niveau de service fixé par le défendeur. De plus, de l’avis de la Commission, une déclaration générale selon laquelle les programmes d’a.-e., de RPC et de SV/SRG sont essentiels risquerait de refuser à davantage d’employés le droit de faire la grève qu’il est raisonnable de le faire pour protéger la sécurité du public advenant une grève légale. La Commission croit que la « quête d’un équilibre » envisagée dans Agence Parcs Canada nécessite une définition plus précise des services essentiels dans la présente affaire. Bien que la Commission continue de privilégier la prudence pour préserver l’intérêt public, la Commission doit décider spécifiquement quels services ou activités sont nécessaires pour la sécurité du public dans le contexte général des programmes d’a.-e., de RPC et de SV/SRG — et ainsi aborder le rôle joué par les ASC dans les CSC.

77 Le défendeur demande également que la Commission déclare que le poste d’ASC est un « type de poste » nécessaire pour que l’employeur puisse offrir des services essentiels. Le défendeur fait valoir que tous les aspects des activités de service en personne exercées par les ASC et qui ont trait aux programmes d’a.-e., de RPC et de SV/SRG sont nécessaires pour assurer la sécurité du public.

78 La demanderesse convient du fait que certains éléments des programmes d’a.-e., de RPC et de SV/SRG sont nécessaires pour assurer la sécurité du public. Elle est d'accord pour dire que le traitement des demandes et le versement des prestations de programme peuvent représenter des services essentiels au sens de la Loi, mais elle estime que les services en personne offerts par un ASC ne sont pas eux-mêmes nécessaires pour la sécurité du public.

79 Contrairement à ce qu’il en est dans la décision Agence Parcs Canada, dans laquelle la Commission s’est penchée sur les services liés à la sécurité au sens traditionnel des risques matériels et des dangers pour le public, le débat entre les parties dans la présente affaire touche essentiellement la sécurité et, de manière plus précise, la sécurité économique ou la sécurité du revenu. Il s’agit de la première décision dans laquelle la Commission étudie de quelle manière le concept de la sécurité du public s’applique sous le régime de la Loi actuelle.

80 La Commission reconnaît que le défendeur fait valoir que les services ou les activités en question se répercutent également sur la sécurité (cette fois au sens du terme anglais safety) du public, et établit un lien avec la jurisprudence selon laquelle la sécurité physique et le bien-être de certains membres du public dépendent du versement de prestations d’aide sociale. Dans les présents motifs, la Commission ne juge pas nécessaire de déterminer s’il y a des aspects liés à la sécurité au sens de « safety » dans le travail que les ASC effectuent. Elle préfère utiliser le mot sécurité (« security »), comme dans « sécurité économique » ou « sécurité du revenu », ce qui donne au terme une signification relativement large. La Commission croit que selon un principe bien accepté, l’insécurité économique ou l’insécurité du revenu s’accompagne de la possibilité d’un risque pour le bien-être physique, voire pour la sécurité physique de la personne. Si un service ou une activité est nécessaire pour assurer la sécurité économique ou la sécurité du revenu du public, il s’ensuit qu’ils peuvent également être nécessaires pour protéger des membres du public contre les risques pour le bien-être physique ou la sécurité physique personnelle qui peuvent accompagner l’insécurité économique ou l’insécurité du revenu. En ce sens, l’argument voulant que le terme « sécurité » dans le texte français inclue les termes « security » et « safety » mentionnés dans le texte anglais est logique du point de vue pratique. Toutefois, la Commission n’estime pas nécessaire de se prononcer officiellement dans la présente décision sur les différences de nature terminologique entre le texte anglais et le texte français.

81 Les deux parties ont mentionné que la décision rendue dans Groupe du traitement mécanique des données est directement pertinente; en fait, il s’agit de la décision la plus pertinente, d’après le défendeur. La Commission souscrit à cette position. C’est la décision citée par les parties qui envisage le plus directement la question de la sécurité dans le contexte des programmes d’a.-e., de RPC et de SV/SRG. (L’affaire du Groupe du traitement mécanique des données s’inspire elle-même de la décision rendue antérieurement par la Commission dans Alliance de la Fonction publique du Canada Groupe des commis aux écritures et aux règlements, groupe de la gestion de l’exécution et groupe du traitement des données c. Conseil du Trésor, dossier 181-2-1 de la CRTFP (19780605), dont les parties n’ont pas discuté directement.) Bien que certaines des autres décisions citées puissent être utiles relativement à des éléments d’interprétation plus généraux, aucune n’a la même orientation directe sur ce que la Commission, dans Groupe du traitement mécanique des données, a appelé le « bien-être social ».

82 La décision rendue par la Commission en 1978 dans Alliance de la Fonction publique du Canada Groupe des commis aux écritures et aux règlements, groupe de la gestion de l’exécution et groupe du traitement des données a ouvert la voie. La question soumise à la Commission dans cette décision était « […] dans quelle mesure, en cas de grève, il est nécessaire dans l’intérêt de la sûreté ou de la sécurité des bénéficiaires de commencer et de continuer à verser les prestations prévues dans le cadre de chacun des programmes [de bien-être social] susmentionné ». La Commission a conclu (à la page 7) que la sûreté et la sécurité du public ne sont pas nécessairement compromises par le défaut de commencer ou de continuer à verser des prestations. La sûreté et la sécurité du public posent problème seulement

[…]

[…] s’il existe une portion de bénéficiaires dont le degré de dépendance est tel que leur état de santé serait mis en danger s’ils étaient privés des prestations auxquelles ils ont droit et sur lesquelles ils comptent comme seule source raisonnable et fiable pouvant assurer leur subsistance.

[…]

83 Le concept de dépendance à l’égard du revenu qui est au cœur de la décision rendue par la Commission en 1978 diffère de la notion de « difficultés économiques » jugée par la Commission, un an plus tard, non visée par la sécurité du public : voir Conseil du Trésor c. Alliance de la Fonction publique du Canada (Groupe de la radiotélégraphie) au paragraphe 12, comme le mentionne la demanderesse.

84 La Commission, dans Alliance de la Fonction publique du Canada Groupe des commis aux écritures et aux règlements, groupe de la gestion de l’exécution et groupe du traitement des données, a appliqué plusieurs critères différents de vérification des moyens pour établir si le degré de dépendance à l’égard du revenu d’un bénéficiaire était tel qu’il exigeait le maintien du versement des prestations afin de prévenir un risque pour la sécurité d’un bénéficiaire. La Commission a jugé que pour recevoir des prestations d’assurance-chômage (AC) (comme elles s’appelaient alors), une personne devait soit être célibataire, soit être mariée, avoir un conjoint en chômage ou avoir un conjoint gagnant moins que l’équivalent d’un montant minimal mensuel. D’après la Commission, les prestations du RPC devaient être maintenues seulement si le bénéficiaire recevait également des prestations de SRG ou, s’il n’en recevait pas, si le gouvernement déclarait que ses gains étaient inférieurs à certains niveaux de revenus précis. Enfin, la Commission a conclu que les prestations de SV devaient être maintenues seulement pour les personnes qui reçoivent également le SRG.

85 Dans Groupe du traitement mécanique des données, la Commission est revenue sur la question des programmes d’aide sociale et de la vérification des moyens et a reconnu que la vérification des moyens constitue une approche saine pour déterminer quels versements de prestations d’aide sociale devraient se poursuivre advenant une grève, mais elle a rejeté les méthodes décrites dans la décision rendue par la Commission en 1978 pour déterminer la dépendance à l’égard du revenu en les qualifiant de peu pratiques. La décision rendue dans Groupe du traitement mécanique des données a adopté une approche différente, tel qu’il est résumé au paragraphe 33 ci-dessous :

33.[…] Nous avons évalué chaque programme et avons jugé s’il serait possible d’atteindre l’objectif susmentionné en continuant de verser les sommes dues à tous les prestataires admissibles, sans égard à leur degré de dépendance envers le programme. Pour ce faire, nous avons tenu compte, notamment, des preuves relatives au nombre de prestataires dépendants et de l’urgence de leurs besoins, et ce, pour chaque programme. Nous admettons qu’avec cette méthode, même les prestataires qui ne sont pas dépendants d’un programme continueront de recevoir leur chèque. Il s’agit là d’un compromis que nous devons accepter pour atteindre notre but primordial. D’autre part, en ce qui concerne les programmes dont les paiements, selon la Commission, n’auraient pas besoin d’être maintenus en cas de grève, il pourrait se trouver certains prestataires dépendants qui, en l’absence d’une autre forme d’aide, pourraient être exposés au même genre de privations que nous tentons de prévenir. Nous sommes d’avis que dans ces circonstances, l’employeur est moralement tenu de s’efforcer de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sûreté ou la sécurité de ces personnes.

La Commission a statué que le versement de prestations à tous les bénéficiaires aux termes des programmes d’AC (maintenant a.-e.), de RPC et de SV/SRG devrait se poursuivre dans l’intérêt de la sécurité du public.

86 Tant Alliance de la Fonction publique du Canada Groupe des commis aux écritures et aux règlements, groupe de la gestion de l’exécution et groupe du traitement des données que Groupe du traitement mécanique des données ont été tranchées sur la base d’observations écrites. Malheureusement, les deux décisions ne font que mentionner au passage le genre de preuve factuelle offerte dans les observations écrites sur lesquelles la Commission s’est appuyée pour examiner la question de la dépendance à l’égard du revenu.

87 De l’avis de la Commission, la leçon la plus importante à retenir des décisions antérieures de la Commission en ce qui a trait aux programmes d’aide sociale est la conclusion constante selon laquelle l’interruption des prestations ou de l’accès aux mécanismes requis pour commencer à verser des prestations s’accompagne du risque de mettre en péril la sécurité de certains bénéficiaires. Au risque de pécher par excès de prudence, la Commission a décidé par le passé que toutes les prestations devraient continuer à être versées en situation de grève afin que les personnes qui en dépendent pour assurer leur sécurité économique de base ne soient pas mises en danger.

88 Fait notable, la demanderesse en l’espèce ne semble pas contester cette conclusion. Elle prétend plutôt que les fonctions particulières qui sont exercées par les ASC ne sont pas nécessaires pour assurer le traitement des demandes et le versement des prestations qui, à son point de vue, répondent à la définition de services essentiels au sens de la Loi.

89 La quasi-totalité des éléments de preuve présentés par les témoins de l’employeur appartient à l'une ou l'autre des deux catégories suivantes : 1) de l’information au sujet des programmes d’a.-e., de RPC et de SV/SRG et des prestations qu’ils offrent, et 2) une description des fonctions exercées par les ASC dans le cadre du modèle de service en personne en vigueur dans les CSC et dans les sites de services mobiles réguliers. Fait important, l’employeur a présenté relativement peu d'éléments de preuve directs concernant l’impact réel des prestations versées aux bénéficiaires au titre des programmes ou au sujet de leur degré de dépendance. Plusieurs pièces indiquent le volume d'opérations par programme et par type de prestations. Cependant, la seule question claire et directe concernant l’impact sur le public d’une cessation des services d’ASC a été posée à Mme Power-Reid. Le témoignage qui en a découlé est résumé au paragraphe 28 de la présente décision :

[…] Lorsqu'on lui a demandé quel serait l’impact si aucun ASC n’était disponible au cours d’une grève, Mme Power-Reid a répondu que 90 % des clients qui se rendent au CSC d’Ottawa-Ouest au sujet de demandes de prestations d’a.-e. ont un problème ou se butent à un obstacle qui les empêche d’avoir recours à d’autres modes de prestation sans aide ou qui les en empêche tout court. Seulement 10 % des clients de l’a.-e. qui se rendent dans un CSC se servent d’un poste sans l’aide du personnel. En ce qui concerne les demandeurs qui ont besoin d’aide, l’absence des ASC occasionnerait des retards dans le traitement de leurs demandes qui pourraient causer des difficultés financières importantes.

90 En contre-interrogatoire, Mme Power-Reid a précisé que 90 % des clients de l’a.-e. qui avaient besoin de l’aide d’un ASC au CSC d’Ottawa-Ouest comprenaient des personnes aiguillées vers un CSC par le personnel chargé du traitement. Certains des clients de l’a.-e. auxquels Mme Power-Reid faisait référence ont complété leurs opérations en se servant de terminaux d’ordinateur sur place par eux-mêmes ou avec un ASC à leurs côtés. Au cours d’une journée type, environ 300 personnes se rendent au CSC d’Ottawa-Ouest. En ce qui concerne les visiteurs qui remplissent les demandes d’a.-e. — la composante principale des opérations quotidiennes — Mme Power-Reid a accepté le calcul de la demanderesse selon lequel environ 140 visiteurs pourraient avoir besoin d’aide.

91 La preuve suggère que les clients ont certains motifs autres que la préférence personnelle ou l’utilité pour se rendre dans un CSC afin de demander de l’aide : des problèmes de langue, d’alphabétisme ou de calcul; l’incapacité à utiliser des ordinateurs; une maladie débilitante ou terminale; un stress ou un choc émotionnel causés par un deuil ou un autre événement traumatisant, comme la perte récente d’un emploi.

92 La Commission n’a aucune raison d’écarter cette preuve, et il n’y a pas de témoignage contraire pour contester la légitimité d’une partie ou de la totalité des motifs énoncés. Sur cette base, la Commission convient du fait que des clients du programme qui se présentent en personne dans un CSC au cours d’une grève ont vraiment besoin de l’aide d’un ASC pour présenter une demande de prestations ou pour compléter une opération requise afin de s’assurer que les prestations soient versées. En ce sens, les ASC permettent le traitement de demandes et le versement de prestations par autrui pour un sous-groupe de bénéficiaires admissibles, dont la taille ne peut être établie avec précision compte tenu de la preuve soumise à la Commission.

93 Ce que la preuve n’établit pas directement, c’est la proportion des personnes qui ont besoin d’une forme ou d’une autre d’aide en personne de la part d’un ASC et qui dépendent du versement des prestations dans la mesure où tout défaut ou retard dans la réception des prestations menace raisonnablement leur sécurité. La Commission a été saisie de l’avis de Mme Power-Reid selon lequel l’absence d’ASC [traduction] « […] pourrait entraîner des difficultés financières importantes » pour certains membres du public, mais elle ne dispose pas, par exemple, de données statistiques, d’études ou de témoignages d’experts compétents qui permettraient d'étayer son opinion.

94 La Commission est saisie de témoignages non contredits selon lesquels les ASC rencontrent des personnes qui doivent présenter des demandes fondées sur des « besoins impérieux » avec leur aide, quoique les témoignages ne renferment pas d’indications claires sur le volume de ces demandes.

95 La preuve indique que d’autres modes de prestation de service s’offrent aux demandeurs initiaux et aux personnes qui continuent de recevoir des prestations. De fait, les éléments de preuve établissent sans équivoque qu’un nombre très substantiel et de plus en plus grand de clients, notamment dans le cas du programme d’a.-e., satisfont couramment à leurs besoins sans avoir à se rendre dans un CSC et sans l’aide d’un ASC, surtout en se servant d’Internet, mais également en ayant recours au téléphone ou au courrier. La demanderesse demande instamment à la Commission d’intégrer la disponibilité des autres modes de prestation de service dans son évaluation de la question de savoir si les ASC fournissent un service essentiel.

96 La Commission fait observer que des limites précises sont imposées par la Loi à son pouvoir de désigner le nombre d’employés qui sont nécessaires pour fournir un service essentiel. Ces limites peuvent s’appliquer ultérieurement pour restreindre la liberté de la Commission de considérer la possibilité que les clients servis en personne par des ASC dans un CSC puissent avoir recours à d’autres modes d’accès aux services dont ils ont besoin. Les paragraphes 123(5) et (6) se lisent comme suit :

          (5) ) Pour le calcul du nombre des postes nécessaires à la fourniture d’un service essentiel, la Commission peut prendre en compte le fait que l’employeur pourra exiger de certains fonctionnaires de l’unité de négociation, lors d’une grève, qu’ils accomplissent leurs fonctions liées à la fourniture d’un service essentiel dans une proportion plus grande qu’à l’habitude.

          (6) Pour l’application du paragraphe (5), le nombre des fonctionnaires de l’unité de négociation nécessaires à la fourniture du service essentiel est calculé

a) compte non tenu de la disponibilité d’autres personnes pour fournir ce service essentiel durant une grève; et

b) compte tenu du fait que l’employeur n’est pas obligé de changer le cours normal de ses opérations afin de fournir ce service essentiel pendant une grève, notamment en ce qui concerne les heures normales de travail, la mesure dans laquelle l’employeur a recours aux heures supplémentaires et le matériel que celui-ci utilise dans le cadre de ses opérations.

Toutefois, la Commission juge que la Loi ne prévoit pas que la Commission a les mêmes limites lorsqu’elle établit au premier chef quels sont les services essentiels.

97 Ceci étant dit, la Commission n’estime pas que la disponibilité d’autres modes de prestation de service constitue un facteur déterminant dans cette décision. La Commission a jugé que certains clients auront besoin du soutien d’un ASC en situation de grève pour des motifs que la demanderesse n’a pas contredit. Si la Commission en vient à conclure qu’il y a effectivement un nombre raisonnable de personnes parmi les clients qui ont vraiment besoin de l’aide d’un ASC et dont la sécurité économique pourrait être en péril sans cette aide, cela signifiera qu’il a été prouvé que les ASC fournissent un service nécessaire pour assurer la sécurité du public.

98 Dans la présente affaire, l’absence relative de preuve directe pour établir la nature et la portée de l’impact des prestations au titre des programmes sur la sécurité économique du public est source de préoccupation. Par exemple, il aurait pu être très utile d’obtenir des renseignements concrets afin de confirmer que de nombreux bénéficiaires qui se rendent dans des CSC sont dépendants des prestations, car il s’agit de leur seule source de revenus ou de l’essentiel de leurs revenus. À titre d’exemple, il aurait pu être utile de comprendre combien de prestataires avec lesquels les ASC interagissent sont le seul soutien de famille du ménage. Il est concevable que d’autres types de renseignements au sujet de la situation financière des demandeurs ou des prestataires, notamment ceux qui se sont rendus dans des CSC, auraient également pu contribuer à une meilleure compréhension de l’impact potentiel sur la sécurité économique des clients qui bénéficient des services que fournissent les ASC.

99 Dans un certain sens, la Commission est confrontée en l’espèce au même dilemme que les commissaires dans Groupe du traitement mécanique des données. Dans cette décision, la Commission a jugé que dans les faits, il lui était impossible d’établir une distinction entre les membres du public qui dépendaient des programmes d’a.-e., de RPC et de SV/SRG pour leur sécurité économique et ceux qui ne dépendaient pas de ces programmes. Par conséquent, elle a conclu qu’elle devait prendre des décisions au sujet de la sécurité en posant comme hypothèse que les prestations devraient continuer à être versées à tous les bénéficiaires.

100 Dans la présente affaire, la Commission ne bénéficie pas d’un dossier factuel bien documenté pour déterminer l’ampleur de la dépendance économique que vivent les clients qui ont légitimement besoin de l’aide d’un ASC. Par conséquent, elle ne peut savoir avec certitude combien de clients qui reçoivent habituellement l’aide des ASC seraient confrontés à un risque pour leur sécurité économique si des ASC n’étaient pas disponibles.

101 En fait, le défendeur prétend que la Commission n’a pas à être certaine que les clients qui obtiennent le soutien des ASC pourraient être confrontés à un risque pour leur sécurité s’il survient une grève. Le défendeur affirme plutôt que la Commission doit seulement être persuadée qu’il existe une possibilité raisonnable de l’existence de ce risque. Plus précisément, le défendeur fait valoir que l’absence d’ASC advenant une grève pose une probabilité ou une possibilité rationnelle de risque pour la sécurité du public. Compte tenu de la jurisprudence selon laquelle la Commission doit faire preuve de prudence lorsqu’elle prend ses décisions et compte tenu de l’expérience et des connaissances de la Commission relativement aux situations d’urgence qui peuvent se produire au cours d’une grève, la Commission devrait statuer que les ASC offrent un service essentiel : Fraternité internationale des ouvriers en électricité c. Conseil du Trésor (Groupe de l’électronique Catégorie technique); Conseil du Trésor c. Alliance de la Fonction publique du Canada (Groupe de la radiotélégraphie); et Énergie atomique du Canada Limitée.

102 Même si la Commission n’est pas en mesure de quantifier l’ampleur ou le caractère immédiat du risque possible pour la sécurité économique du public d’après la preuve qui lui est présentée, elle ne peut conclure sans risque de se tromper qu’il n’existe pas de tel risque ou que le risque est trop mineur pour justifier une décision favorisant le défendeur. Bien que la preuve produite par le défendeur soit limitée et essentiellement indirecte, elle est suffisante pour établir la possibilité raisonnable que l’aide fournie par les ASC au moins à certains membres du public qui se rendent dans des CSC est nécessaire pour leur sécurité économique. Par exemple, la Commission peut s’appuyer sur des témoignages selon lesquels les versements de SRG sont fondés sur le revenu — seuls les bénéficiaires de prestations du RPC qui n’ont pas d’autres sources de revenu ou qui ont d’autres revenus limités peuvent établir un droit — pour conclure que la sécurité du revenu de base des demandeurs de prestations de SRG pourrait être mise en péril si des obstacles entravent le processus de demande. La Commission peut raisonnablement conclure de la preuve présentée qu’au moins certains membres du public qui interagissent avec des ASC pour faire valoir leurs demandes fondées sur des « besoins impérieux » font face à des risques immédiats pour leur sécurité économique. Parmi le grand nombre de clients qui demandent aux ASC de les aider à remplir leurs demandes d’a.-e., la Commission peut raisonnablement convenir du fait qu’une partie de ce groupe est formée de personnes qui n’ont pas d’autres revenus immédiats et qui sont menacés de vivre une situation d’insécurité économique grave. Cette conclusion est conforme aux décisions rendues par la Commission dans Alliance de la Fonction publique du Canada Groupe des commis aux écritures et aux règlements, groupe de la gestion de l’exécution et groupe du traitement des données et Groupe du traitement mécanique des données. D’autres déductions et conclusions sont raisonnables pour d’autres catégories de demandeurs et de bénéficiaires de prestations.

103 Sur cette base, et dans un souci de faire preuve de prudence, la Commission conclut que le défendeur s’est acquitté du fardeau d’établir que les ASC offrent un service essentiel.

104 Que sont, précisément, les services essentiels fournis par un ASC? La demanderesse, dans son argumentation subsidiaire, soutient que la Commission devrait définir tout service essentiel de façon limitative, en le restreignant aux situations dans lesquelles les membres du public ne seraient pas en mesure de demander des prestations d’a.-e., de RPC ou de SV/de SRG sans l’aide de services en personne. Bien qu’en principe, l’argumentation a beaucoup de mérite, dans les faits, elle ne tient pas la route. Il est impossible de prévoir de manière fiable quels clients ou combien de clients qui se rendent dans un CSC seront incapables d’avoir accès à des services sans aide. En outre, dans les faits, il serait très difficile d’exiger qu’un ASC ou d’autres membres du personnel d’un CSC mènent une enquête préliminaire sur un client pour déterminer si celui-ci a véritablement besoin d’aide, en vue de décider s'il est nécessaire d'affecter un ASC à ces services d’aide. Nul doute que ces ASC, qui pourraient à un moment donné être désignés aux termes de l’ESE comme des fournisseurs d’un service essentiel, continueront, en cas de grève, à rencontrer des clients qui ont vraiment besoin d’aide et d’autres clients qui pourraient bien être en mesure de combler leurs besoins autrement sans aucune aide ou presque. La situation comporte une évaluation probabiliste et des incertitudes inhérentes. La possibilité ou la probabilité que des clients aient absolument besoin d’aide établit la nécessité du service au cours d’une grève pour protéger la sécurité du public. Ce n’est pas parce que tous les clients n’auront pas besoin d’aide au cours d’une grève qu’il n’est pas nécessaire de maintenir un service essentiel. Toutefois, ce pourrait bien être un facteur important pour déterminer combien de postes d’ASC devraient être désignés nécessaires en un emplacement donné pendant une grève une fois que le défendeur aura établi le « niveau de service » qui sera préservé.

105 Le défendeur fait valoir, quant à lui, que la Commission devrait déterminer tous les aspects du travail effectué par les ASC qui sont nécessaires pour assurer la sécurité du public. À cet effet, il renvoie notamment la Commission à l’énoncé sur les activités clés qui se trouve dans la description de travail (pièce RHDCC-SC-E-7). La Commission conclut que la thèse du défendeur s’apparente en quelque sorte au modèle de « maintien des activités normales », quoique la Commission accepte la possibilité que des éléments du travail mentionnés dans bon nombre des « activités clés » de la description de travail puissent entrer en jeu pour fournir l’aide requise dans une situation donnée.

106 Cependant, une ESE ne doit pas comporter le même niveau de détails qu’une description de travail. La description de travail est un outil créé essentiellement aux fins de la classification d’un poste en fonction d'une norme de classification. Dans une ESE, un service essentiel est décrit pour un motif assez différent. La description doit être assez précise pour que l’on puisse déterminer quelles fonctions principales devraient être maintenues dans l’éventualité d’une grève et décider plus facilement des autres éléments de contenu requis dans une ESE, soit essentiellement le nombre final de postes qui seront nécessaires pour offrir le service essentiel advenant une grève. À cette fin, la Commission ne s’attend pas à ce que les ESE ressemblent nécessairement à un ensemble d’extraits de documents de classification.

107 La Commission a conclu qu’un énoncé simplifié du service essentiel est possible et approprié dans cette affaire. Elle juge que les services essentiels offerts par les ASC dans les CSC sont les suivants :

  1. Fournir dans des points de service réguliers, aux membres du public qui cherchent à obtenir des prestations aux termes des programmes d’a.-e., de RPC ou de SV/SRG, une aide raisonnable qui leur permettrait de présenter des demandes remplies à des fins de traitement, avec les documents nécessaires, pourvu que le service soit un service habituellement donné par le titulaire d’un poste d’agent des services aux citoyens (PM-01) dans les limites de la description de travail officielle de ce poste.
  2. Fournir dans des points de service réguliers, aux membres du public qui reçoivent des prestations aux termes des programmes d’a.-e., de RPC ou de SV/SRG, une aide raisonnable qui leur permettrait de continuer de recevoir des prestations dans la mesure de leur admissibilité, pourvu que le service soit un service habituellement donné par le titulaire d’un poste d’agent des services aux citoyens (PM-01) dans les limites de la description de travail officielle de ce poste.

108 En vertu de l’article 120 de la Loi, il incombe à l’employeur de décider quel niveau des services essentiels décrits précédemment sera fourni au public au cours d’une grève. La détermination du « niveau de service » constitue l’étape suivante du cheminement analytique décrit par la Commission dans Agence Parcs Canada pour décider du contenu d’une ESE.

109 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

110 L’Entente sur les services essentiels (ESE) du groupe de l’administration des programmes comprendra les dispositions suivantes :

Les services suivants, qui sont offerts par des titulaires de poste d’agent des services aux citoyens PM-01 dans des Centres de Service Canada, ou les activités exercées par ces titulaires dans ces Centres, sont nécessaires pour la sécurité du public :

1. Fournir dans des points de service réguliers, aux membres du public qui cherchent à obtenir des prestations aux termes des programmes d’a.-e., de RPC ou de SV/SRG, une aide raisonnable qui leur permettrait de présenter des demandes remplies à des fins de traitement, avec les documents nécessaires, pourvu que le service soit un service habituellement donné par le titulaire d’un poste d’agent des services aux citoyens (PM-01) dans les limites de la description de travail officielle de ce poste.

2. Fournir dans des points de service réguliers, aux membres du public qui reçoivent des prestations aux termes des programmes d’a.-e., de RPC ou de SV/SRG, une aide raisonnable qui leur permettrait de continuer à recevoir des prestations dans la mesure de leur admissibilité, pourvu que le service soit un service habituellement donné par le titulaire d’un poste d’agent des services aux citoyens (PM-01) dans les limites de la description de travail officielle de ce poste.

111 La Commission ordonne au défendeur de déterminer quel niveau des services essentiels qui précèdent sera offert au public en cas de grève conformément à l’article 120 de la Loi et d’en informer la demanderesse et la Commission dans les 30 jours suivant la date à laquelle cette décision est rendue.

112 La Commission ordonne en outre aux parties de reprendre les négociations et de faire tout effort raisonnable pour négocier le reste du contenu de l’ESE concernant les postes d’agent de services aux citoyens de groupe et niveau PM-01.

113 La Commission demeure saisie de toutes les autres questions relatives à des postes d’agent de services aux citoyens de groupe et niveau PM-01 qui pourraient être inclus dans l’ESE et qui ne sont pas réglées par les parties.

114 La Commission demeure saisie de toutes les questions concernant d’autres postes du groupe PA n’ayant pas fait l’objet d’une entente des parties.

Le 28 avril 2009.

Traduction de la CRTFP

Dan Butler,
commissaire

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