Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a déposé une plainte contre son employeur, alléguant le harcèlement - le plaignant a invoqué l’interdiction de pratiques déloyales dans la Loi - l’employeur a objecté que la plainte n’était pas fondée en droit - l’arbitre de grief a accueilli l’objection et rejeté la plainte. Objection accueillie. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

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  • Date:  2009-04-21
  • Dossier:  561-02-99
  • Référence:  2009 CRTFP 49

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique


ENTRE

GUY BOUCHARD

plaignant

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec)

défendeur

Répertorié
Bouchard c. Conseil du Trésor (Développement économique Canada)

Affaire concernant une plainte visée à l'article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, commissaire

Pour le plaignant:
Lui-même

Pour le défendeur:
Éric Daoust

Décision rendue sur la base d'arguments écrits
déposés le 18 avril 2006, le 30 mars 2009 et le 6 avril 2009.

I. Plainte devant la Commission

1 Le 15 février 2006, Guy Bouchard (le « plaignant ») a déposé une plainte à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») se fondant sur l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »), édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22. Le plaignant prétend que les agissements de Développement économique Canada (le « défendeur ») à son égard, constituent des pratiques déloyales au sens de l’article 185 de la Loi. De façon plus précise, le plaignant indique dans sa plainte qu’il a été victime de harcèlement psychologique.

2 Dans sa plainte et dans la documentation qu’il a fait parvenir à la Commission, le plaignant prétend qu’il a été victime de harcèlement de la part de deux gestionnaires qui sont des employés du défendeur, entre 2003 et le 31 mars 2005, date de la fin de son emploi. Le plaignant avait d’ailleurs formulé, le 15 mars 2005, une plainte à ce sujet en vertu de la politique interne du défendeur. Cette plainte a été rejetée le 24 mai 2005. Puis, en décembre 2005, le dossier a été réexaminé par le défendeur à la suite d’une intervention de l’agent négociateur, en l’occurrence, l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada. Le 26 janvier 2006, le défendeur, après réexamen de la plainte, confirmait qu’elle était rejetée. Le plaignant a donc décidé de s’adresser à la Commission et a formulé la présente plainte.

3 La Commission a proposé de tenir l’audience en septembre 2006, mais le défendeur n’était pas disponible. Puis, il a été convenu avec les parties que l’audience aurait lieu du 7 au 10 novembre 2006. Plus tard, le plaignant a avisé la Commission qu’il n’était plus disponible ces jours-là. Avec l’accord des parties, les dates de l’audience ont été repoussées du 27 au 30 novembre 2006. Le 30 septembre 2006, le plaignant a avisé la Commission qu’il n’était plus disponible car il attendait une réponse à la suite d’une plainte qu’il avait déposée au Commissariat à la protection de la vie privée. La Commission a accepté cette nouvelle demande du plaignant de reporter l’audience. Le plaignant n’a reçu la réponse du Commissariat à la protection de la vie privée qu’en novembre 2008. L’audition de la plainte a alors été fixée du 15 au 17 avril 2009. Le plaignant a avisé la Commission qu’il n’était plus disponible ces jours-là et il a été convenu que les nouvelles dates d’audience seraient les 11 et 12 juin 2009.

4 En réponse à la plainte, le défendeur a présenté des objections préliminaires le 18 avril 2006. Après avoir examiné le dossier, j’ai décidé de traiter ces objections sur la base d’arguments écrits. Si les objections du défendeur sont retenues, la plainte sera rejetée. Si elles ne sont pas retenues, l’audience aura lieu comme prévu les 11 et 12 juin 2009.

II. Objections préliminaires

A. Les arguments du défendeur

5 Le défendeur soutient que la Commission n’a pas compétence pour traiter de la plainte car l’énoncé de la plainte ne correspond pas à une pratique déloyale au sens de l’article 185 de la Loi. De par sa nature, la plainte est plutôt liée à la politique du défendeur en matière de harcèlement en milieu de travail.

6 Pour que la Commission ait compétence à l’égard d’une plainte de pratique déloyale, cette dernière doit porter sur une situation ou sur des faits qui sont des pratiques déloyales au sens de l’article 185 de la Loi. Or, dans sa plainte, le plaignant ne formule pas de tels reproches au défendeur. Il prétend plutôt qu’il a été harcelé et traité injustement comme employé.

7 Le défendeur prétend aussi que la plainte est hors délai. Le 15 mars 2005, le plaignant a déposé une plainte de harcèlement en vertu de la politique interne du défendeur. Le 24 mai 2005, cette plainte a été jugée irrecevable par le gestionnaire délégué en matière de harcèlement. À la suite de cette réponse, le plaignant a déposé la présente plainte le 13 février 2006. La plainte a donc été déposée en dehors du délai de 90 jours prescrit au paragraphe 190(2) de la Loi.

B. Les arguments du plaignant

8 En réponse aux objections formulées par le défendeur, le plaignant a soumis ce qui suit :

Première objection:

Ma plainte qui porte en effet sur le harcèlement psychologique aurait dû être déposée en vertu de la politique sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail en vigueur depuis le 1er juin 2001.

Seconde objection :

Dans cette politique sur le harcèlement psychologique il est dit que la plainte doit être déposée dans l'année qui suit le prétendu harcèlement. Le harcèlement en question s'est poursuivi jusqu'à la toute fin de ma période d'emploi soit le 31 mars 2005, donc j'avais jusqu’au 31 mars 2006 pour déposer ma plainte.

En plus, j'ai dû consulter des conseillers juridiques suite à la réception de la position de l'employeur en date du 24 mai 2005, ce qui a occasionné des délais.

Aussi, la personne nommé pour juger de la recevabilité de ma plainte était Monsieur Bordeleau que j'identifie comme l'employeur, donc absence totale d'objectivité. Le tout devait être jugé par une partie indépendante, voilà pourquoi j'ai poursuivi mes démarches.

[Sic pour l’ensemble de la citation]

9 Le plaignant a aussi ajouté qu’il invoquait l’alinéa 208(1)b) de la Loi à l’égard de sa plainte de harcèlement.

III. Motifs

10 La plainte a été déposée en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi. Cet alinéa renvoie à l’article 185 de la Loi. Dans son argumentation, le plaignant a aussi invoqué l’alinéa 208(1)b) de la Loi. La plainte et les arguments des parties renvoient donc aux articles, paragraphes ou alinéas suivants de la Loi :

190.(1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle :

[…]

g) l’employeur, l’organisation syndicale ou toute personne s’est livré à une pratique déloyale au sens de l’article 185.

[…]

185. Dans la présente section, « pratiques déloyales » s’entend de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) et (2), les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1).

[…]

208. (1) Sous réserve des paragraphes (2) à (7), le fonctionnaire a le droit de présenter un grief individuel lorsqu’il s’estime lésé :

a) par l’interprétation ou l’application à son égard :

(i) soit de toute disposition d’une loi ou d’un règlement, ou de toute directive ou de tout autre document de l’employeur concernant les conditions d’emploi,

(ii) soit de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

b) par suite de tout fait portant atteinte à ses conditions d’emploi.

11 Il est clair que la plainte n’est pas déposée contre un agent négociateur, mais plutôt contre un employeur et ses représentants qui, selon le plaignant, l’ont harcelé. Nulle part dans la plainte ou dans les documents qui y sont joints, il n’est fait mention que le harcèlement qui est allégué pourrait être lié directement ou indirectement aux activités syndicales du plaignant ou au fait qu’il aurait exercé ses droits en vertu de la Loi ou de la convention collective. Autrement dit, le plaignant ne formule aucune allégation qu’il y aurait eu des pratiques déloyales au sens des paragraphes 186(1) et (2), des articles 187 et 188 ou du paragraphe 189(1) de la Loi.

12 Même si le plaignant prouvait tout ce qu’il allègue, c’est-à-dire qu’il a été victime de harcèlement de la part des gestionnaires qui sont des employés du défendeur, j’accepterais l’objection du défendeur quant à ma compétence. Une plainte en vertu du paragraphe 190(1) de la Loi n’est recevable que dans le cas où le plaignant peut établir que ce qu’il reproche au défendeur peut constituer une pratique déloyale au sens de la Loi. Dans la présente affaire, le plaignant n’a même pas tenté de l’établir.

13 Dans son argumentation, le plaignant a laissé entendre que sa plainte était recevable en vertu de l’alinéa 208(1)b) de la Loi. Cet alinéa n’a rien à voir avec les plaintes à la Commission, mais plutôt avec le droit d’un fonctionnaire qui s’estime lésé de déposer un grief. Or, le plaignant a déposé une plainte à la Commission et non pas un grief auprès de son employeur. Qui plus est, le plaignant ne peut déposer un grief auprès de la Commission. Cette dernière n’intervient dans un grief que lorsque le grief a d’abord été déposé auprès de l’employeur dans les délais prescrits par la convention collective, et qu’il a par la suite été renvoyé à l’arbitrage de griefs.

14 Compte tenu de ce qui précède, je n’ai pas à me prononcer sur l’objection de l’employeur voulant que la plainte ait été déposée en dehors du délai de 90 jours prévu par la Loi.

15 Ayant accepté l’objection de l’employeur, j’estime donc que je n’ai pas compétence pour décider de la plainte.

16 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

IV. Ordonnance

17 L’objection de l’employeur est accueillie.

18 La plainte est rejetée.

Le 21 avril 2009.

Renaud Paquet,
commissaire

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