Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a déposé deux griefs contre la suspension qu’elle a reçue pour avoir dérogé au code vestimentaire - un grief concerne la suspension, l’autre le processus disciplinaire - elle a aussi contesté son congédiement subséquent - l’arbitre de grief a déclaré que, même si l’employeur avait raison d’imposer un code vestimentaire et qu’il avait correctement suivi le processus disciplinaire, conformément à la convention collective, la suspension représentait une pénalité trop forte puisque le code vestimentaire n’avait jamais été appliqué de manière aussi stricte - l’arbitre de grief a ajouté que le congédiement se fondait sur une raison administrative, à savoir l’absence prolongée du travail de la fonctionnaire s’estimant lésée, et qu’il n’avait donc pas compétence pour trancher le grief. Un grief accueilli en partie. Un grief rejeté. Un grief rejeté pour défaut de compétence.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985) ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2009-05-25
  • Dossier:  166-02-37325, 37326 et 37379
  • Référence:  2009 CRTFP 62

Devant un arbitre de grief


ENTRE

RACQUEL ANGELLA LINDSAY

fonctionnaire s'estimant lésée

et

AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

employeur

Répertorié
Lindsay c. Agence des services frontaliers du Canada

Affaire concernant des griefs renvoyés à l’arbitrage en vertu de l’article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985) ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésée:
Elle-même et Mary Mackinnon, avocate

Pour l'employeur:
Debra Prupas et Susan Keenan, avocates

Affaire entendue à Toronto (Ontario),
les 13, 14, 19 et 20 janvier et les 7, 8 et 9 avril 2009.
(Traduction de la CRTFP)

I. Griefs renvoyés à l’arbitrage

1 Lorsqu’elle a présenté ses griefs, Racquel Angella Lindsay, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire ») occupait le poste d’inspectrice des douanes aux Opérations commerciales à l’aéroport international Pearson de Toronto pour les Services des douanes de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC). Les Services des douanes font maintenant partie de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) (l’« employeur »). La fonctionnaire est visée par la convention collective signée le 29 décembre 1998 par le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada pour l’unité de négociation des Services des programmes et de l’administration (la « convention collective »).

2 Dans ses deux premiers griefs (dossiers de la CRTFP 166-02-37325 et 37326), la fonctionnaire conteste la décision de l’employeur de lui imposer une suspension d’une journée, purgée le 15 juin 1999, ainsi que certaines lacunes de la procédure disciplinaire appliquée par l’employeur. L’employeur a répondu au dernier palier de la procédure de règlement des griefs le 18 mai 2006. Les deux griefs ont été renvoyés à l’arbitrage le 6 juillet 2006. L’Alliance de la Fonction du Canada (l’« agent négociateur ») représente la fonctionnaire dans le cadre de ces deux griefs.

3 Dans son troisième grief (dossier de la CRTFP 166-02-37379), la fonctionnaire conteste la décision de l’employeur de la licencier, le 12 décembre 2001. L’employeur a répondu au dernier palier de la procédure de règlement des griefs le 7 juillet 2006. Ce grief a été renvoyé à l’arbitrage le 15 septembre 2006. La fonctionnaire assure sa propre représentation dans le cadre de ce grief.

4 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l’article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ces renvois à l’arbitrage de grief doivent être décidés conformément à l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (l’« ancienne Loi »).

5 L’audience a d’abord été fixée du 3 au 5 décembre 2007, mais elle a été reportée suite à une demande de l’agent négociateur, du 8 au 11 juillet 2008. L’audience a cependant été de nouveau reportée après que la fonctionnaire eut informé la Commission, quelques jours avant la date d’audience, qu’elle n’était plus disponible. Il a alors été décidé que l’audience se tiendrait en janvier 2009.

II. Résumé de la preuve relative aux griefs contestant la suspension

6 Les parties ont produit 45 documents en preuve. La fonctionnaire a appelé Janet Gover, l’employeur a appelé Bruce Herd, Lorie Alpous, Judy Bennett, Chris Millar, Assia Hussain et Glenda Lavergne à témoigner. La fonctionnaire a également témoigné. Aux moments des incidents visés par les griefs, M. Herd était conseiller en relations de travail pour l’employeur dans la région du Grand Toronto; Mme Alpous occupait à titre intérimaire le poste de superviseur de la section où travaillait la fonctionnaire; Mme Bennett était superviseure de cette section et occupait le poste de chef de section, également à titre intérimaire, en avril 1999; M. Millar était superviseur de cette section et occupait le poste de chef de section, à titre intérimaire, à compter de mai 1999; Mme Hussain était superviseure de cette section et Mme Lavergne était directrice des Opérations commerciales pour la région du Grand Toronto. Mme Gover était inspectrice des douanes dans la même section que la fonctionnaire en avril et mai 1999. Elle était également une représentante des employés et est devenue déléguée syndicale le 13 mai 1999.

7 La fonctionnaire a travaillé comme inspectrice des douanes temporaire du 4 mai au 21 décembre 1998. À cette époque, M. Millar était son superviseur. Après décembre 1998, la fonctionnaire est passée à la division du revenu de l’ADRC. On lui a ensuite offert un poste d’une durée indéterminée, à compter du 1er avril 1999, comme inspectrice des douanes aux Opérations commerciales à l’Aéroport international Pearson de Toronto. Les inspecteurs des douanes, qu’ils occupent ce poste à titre temporaire ou pour une durée indéterminée, portent un uniforme au travail. À l’époque, les inspectrices pouvaient porter une jupe ou un pantalon comme uniforme.

8 Le 11 mai 1999, la fonctionnaire a été convoquée à une rencontre avec M. Millar et Mme Hussain. La fonctionnaire était accompagnée du président du syndicat local, John King, et de Mme Gover. Au cours de la première partie de la réunion, les membres de la direction ont énoncé les responsabilités de la fonctionnaire concernant le respect des instructions et des directives de la direction. M. Millar a également remis à la fonctionnaire une lettre résumant sa vision de ce qui constitue de l’insubordination. Dans la deuxième partie de la réunion, soit autour de 16 heures, M. Millar a informé la fonctionnaire que la jupe de son uniforme était trop courte et qu’elle ne devrait plus porter cette jupe au travail. M. Millar a expliqué à la fonctionnaire que les jupes étaient censées arriver au genou.

9 Le 12 mai 1999, la fonctionnaire s’est présentée au travail avec la même jupe que le jour précédent. Vers 8 h 30, Mme Alpous a avisé la fonctionnaire que la longueur de sa jupe n’était pas appropriée et qu’elle devait changer d’uniforme. La fonctionnaire a expliqué qu’elle n’avait pas d’autres vêtements au bureau. La fonctionnaire et Mme Alpous ont également eu une discussion au sujet de la longueur appropriée pour une jupe. La fonctionnaire a demandé à Mme Alpous de mettre par écrit les exigences concernant le port de la jupe. À 9 heures, M. Millar a ordonné à la fonctionnaire de changer d’uniforme ou, si elle n’avait pas un autre uniforme au bureau, de retourner à la maison pour se changer. Selon la fonctionnaire, M. Millar était agressif et intimidant. M. Millar a soutenu qu’il était calme, même si son ton de voix était ferme. M. Millar a ajouté qu’il était frustré parce qu’il estimait que la fonctionnaire ne l’écoutait pas. La fonctionnaire a informé M. Millar qu’elle refusait de poursuivre la discussion sans la présence d’un représentant syndical. La fonctionnaire a alors parlé à Mme Gover et à Donna Brown, une déléguée syndicale.

10 Le 12 mai 1999, vers 11 heures, une réunion a eu lieu pour discuter de la situation. Mme Gover, Mme Brown, la fonctionnaire, M. Millar et Mme Hussain étaient présents à cette réunion. M. Millar a répété que la fonctionnaire devait retourner à la maison pour changer sa jupe. Mme Brown, pour le compte de la fonctionnaire, a suggéré comme solution de rechange que la fonctionnaire soit autorisée à porter la combinaison de Mme Brown pour la journée, que la fonctionnaire soit autorisée à porter sa jupe au travail pour la journée ou qu’elle soit affectée à une zone n’étant pas accessible au public. La fonctionnaire a refusé la première option, et M. Millar a refusé les deux autres options. Cependant, M. Millar a accepté de mettre son ordre au sujet de la jupe par écrit. Il a remis une lettre à la fonctionnaire vers 13 heures 15. Il y spécifiait que les jupes devaient arriver au genou. M. Millar a ordonné à la fonctionnaire de retourner à la maison pour se changer et de revenir ensuite. Au cours de la réunion, la fonctionnaire a fait valoir qu’elle avait été informée seulement tard la veille de la longueur inappropriée de sa jupe et qu’elle n’avait pas eu suffisamment de temps pour se conformer. Elle a aussi soutenu qu’elle n’avait pas encore reçu la demande par écrit. Par ailleurs, elle avait porté la même jupe pendant huit mois en 1998, lorsqu’elle travaillait sous la supervision de M. Millar, et aucun commentaire ne lui avait été fait à ce moment au sujet de la longueur de sa jupe.

11 Selon la fonctionnaire, il n’existait pas de directive claire au sujet de la longueur acceptable des jupes pour l’employeur. D’autres inspectrices portaient des jupes plus courtes ne touchant pas au genou. Mme Gover a déclaré que sa propre jupe arrivait deux pouces au-dessus du genou. Certains témoins de l’employeur ont donné leur avis sur la longueur acceptable pour les jupes. En accompagnant la fonctionnaire chez le fournisseur d’uniformes, le 21 avril 1999, Mme Bennett a dit à la fonctionnaire que ses jupes devraient arriver au genou. Lors de son témoignage, M. Millar a déclaré que les jupes devraient arriver au genou, mais qu’il pourrait être acceptable de porter une jupe légèrement plus courte. Lors de son témoignage, Mme Hussain a soutenu que les jupes devaient arriver au genou, alors que Mme Lavergne a affirmé qu’elles ne devaient pas être trop courtes.

12 La fonctionnaire a déclaré que sa jupe arrivait tout juste au-dessus du genou. Lorsqu’on lui a demandé d’indiquer la longueur, elle a indiqué trois ou quatre pouces au-dessus de son genou. Mme Grover a déclaré que la jupe de la fonctionnaire était plus courte que sa propre jupe, qui arrivait deux pouces au-dessus du genou. Mme Hussain et M. Millar ont témoigné que la jupe de la fonctionnaire arrivait à la mi-cuisse.

13 Avant juillet 1999, il n’existait aucune politique écrite au sujet de la longueur des jupes. Le document de l’employeur intitulé « Normes de conduite » précise que la tenue vestimentaire des employés doit projeter une image professionnelle conforme aux fonctions qu’ils exercent. Le document de l’employeur intitulé « Code de conduite et d’apparence de Douanes et Accise » précise que le code vestimentaire et l’apparence des employés devraient contribuer à l’image professionnelle du Ministère. Ce document indique également que les employés en uniforme ont la responsabilité particulière de maintenir une bonne apparence, étant donné qu’un uniforme permet de reconnaître immédiatement un représentant officiel du gouvernement fédéral. En juillet 1999, l’employeur a émis une politique concernant la longueur des jupes.

14 La jupe que la fonctionnaire portait en avril et mai 1999 était la jupe qu’on lui avait fournie lorsqu’elle travaillait pour l’employeur à titre d’étudiante comme inspectrice des douanes en 1998. La fonctionnaire a également reçu deux nouvelles jupes, le 21 avril 1999. À l’époque, les inspecteurs devaient faire apporter les retouches, et l’employeur remboursait les frais engagés. Les 11 et 12 mai 1999, les retouches n’avaient pas été apportées aux deux nouvelles jupes de la fonctionnaire, alors celle-ci ne pouvait pas les porter le 12 mai 1999. La fonctionnaire avait également des pantalons d’uniforme qu’elle pouvait porter au travail. Le 11 mai 1999, ces pantalons étaient au lavage. Dans la soirée du 11 mai 1999, la fonctionnaire était occupée et elle n’a pas eu le temps de laver ses pantalons pour les porter le lendemain.

15 La fonctionnaire n’a pas obtempéré à l’ordre donné par l’employeur le 11 mai 1999, parce qu’elle n’avait pas d’autres vêtements à porter que sa jupe courte. Cependant, les 11 et 12 mai, ni la fonctionnaire, ni les représentants syndicaux n’ont expliqué à l’employeur que la fonctionnaire n’était pas en mesure de se conformer à l’ordre parce qu’elle n’avait pas d’autres vêtements à porter. Dans son témoignage, M. Millar a expliqué que s’il avait su que la fonctionnaire ne pouvait pas se conformer à l’ordre de porter une jupe arrivant à la hauteur du genou, il lui aurait donné plus de temps.

16 Vers 13 heures 30, le 12 mai 1999, la fonctionnaire est retournée à la maison sur l’ordre de M. Millar, mais n’est pas revenue au travail comme il le lui avait demandé. Elle n’avait rien d’autre à porter. De plus, elle craignait de retourner au travail et d’être confrontée à M. Millar.

17 Vers 15 heures, le 1er juin 1999, Mme Hussain a informé la fonctionnaire qu’elle était convoquée à une réunion à 15 heures 30, le 2 juin 1999, réunion au cours de laquelle un avis de mesure disciplinaire lui serait signifié. La réunion a eu lieu, et la fonctionnaire a reçu un document l’avisant de sa suspension pour une journée, devant être purgée le 15 juin 1999. Mme Hussain a expliqué que la fonctionnaire était en formation au début du mois de juin 1999, et l’employeur ne voulait pas que la suspension soit purgée pendant la période de formation. Mme Hussain a admis qu’il n’y avait pas eu d’établissement des faits lors de la réunion du 2 juin 1999 et que l’objet de cette réunion était simplement d’aviser la fonctionnaire de la mesure disciplinaire. Mme Gover, qui était alors déléguée syndicale, a accompagné la fonctionnaire à la réunion. Mme Gover a déclaré que, contrairement à ce que lui avait dit l’employeur, il n’y a pas eu d’établissement des faits avant que l’employeur prenne la décision d’imposer une mesure disciplinaire.

18 Les parties ont déposé des éléments de preuve relativement à une plainte de harcèlement déposée par la fonctionnaire en 1998, une deuxième plainte de harcèlement déposée par la fonctionnaire en mai 1999, la mesure disciplinaire imposée à la fonctionnaire au printemps 1999 en raison d’un retard, un échange de correspondance concernant le permis de conduire de la fonctionnaire et un conflit entre la fonctionnaire et l’employeur concernant le code devant être inscrit sur les formulaires de demande de congé lorsqu’un employé se présente en retard au travail. Ces éléments de preuve ne sont pas pertinents aux fins des présents griefs, et je n’en tiendrai pas compte.

III. Résumé de la preuve relative au grief contestant le licenciement

19 Les parties ont invoqué certains documents présentés en preuve pour les griefs contestant la suspension. Elles ont également déposé 40 autres documents reliés exclusivement à la question du licenciement. La fonctionnaire a témoigné. L’employeur a appelé Norm Sheridan et Barbara Hébert à témoigner. Lorsque la fonctionnaire a été licenciée, M. Sheridan était directeur, Opérations douanières-passagers, à l’Aéroport international Pearson de Toronto, et Mme Hébert était directrice régionale, Douanes, pour la division de la région du Grand Toronto.

20 Certains éléments de preuve soumis par les parties concernaient des incidents reliés à une plainte de harcèlement déposée par la fonctionnaire en mai 1999. Cette plainte a été déposée contre plusieurs membres de l’équipe de direction des Opérations commerciales à l’Aéroport international Pearson de Toronto. Je ne traiterai pas de ces éléments de preuve étant donné qu’ils ne sont pas pertinents aux fins du grief dans lequel la fonctionnaire blâme l’employeur de l’avoir licenciée sans motif valable et suffisant, d’une manière arbitraire, déraisonnable et abusive. Le grief qui nous occupe ne relève pas harcèlement, mais porte sur un licenciement. Des éléments de preuve ont également été présentés relativement à l’échange entre la fonctionnaire et M. Sheridan et à la pertinence pour l’employeur de lui accorder un congé d’études et de rembourser ses frais de scolarité. Je ne traiterai pas de ces éléments de preuve parce qu’ils ne sont pas pertinents en l’espèce.

21 Suite au dépôt d’une plainte de harcèlement par la fonctionnaire contre des membres de la direction des Opérations commerciales, l’employeur a accepté de la transférer, à compter du 15 juin 1999, des Opérations commerciales aux Opérations passagers à l’Aéroport international Pearson de Toronto. La fonctionnaire a travaillé aux Opérations passagers jusqu’en mai 2000. Le 17 mai 2000, elle a écrit à l’employeur pour demander un congé ou une réduction notable de son horaire de travail. Elle précisait dans sa lettre que sa demande était à titre [traduction] « d’accommodement en attendant la prise de dispositions d’études postsecondaires » et « compte tenu de l’atmosphère ayant été créée dans la foulée de la plainte de harcèlement ».

22 Après la lettre du 17 mai 2000, des discussions ont eu lieu entre la fonctionnaire, Mme Gover, à titre de représentante syndicale, et M. Sheridan pour préciser la demande de la fonctionnaire. Il est ressorti clairement de ces discussions que la fonctionnaire ne cherchait pas à obtenir une réduction de son horaire de travail, mais plutôt un congé payé.

23 Le 20 juin 2000, M. Sheridan a répondu à la fonctionnaire qu’il ne pouvait pas lui accorder un congé payé. Il a proposé les options suivantes : un congé non payé pour obligations personnelles d’une durée maximale d’un an ou une affectation à la Division du courrier international ou dans un autre bureau de l’ADRC de la région du Grand Toronto.

24 Le 21 juin 2000, la fonctionnaire a écrit à M. Sheridan en réitérant sa demande de congé payé. Elle a également informé M. Sheridan que pour assurer [traduction] « sa propre protection elle devait se retirer de l’atmosphère malsaine et d’inconfort extrême régnant dans le milieu de travail ». Par conséquent, elle refusait de retourner au travail à l’ADRC jusqu’à ce que l’atmosphère ait changé. La fonctionnaire a également joint à sa lettre trois formulaires de demande de congé couvrant son horaire de travail, du 22 juin au 2 juillet 2000.

25 Le 29 juin 2000, dans sa réplique à la lettre du 20 juin 2000 de M. Sheridan, la fonctionnaire n’a pas mentionné les trois options offertes par M. Sheridan. Dans une lettre subséquente, en date du 8 juillet 2000, la fonctionnaire a indiqué à M. Sheridan qu’elle n’était pas intéressée à prendre une congé non payé. La fonctionnaire a également joint à cette lettre huit formulaires de demande de congé couvrant la période du 10 juillet au 9 septembre 2000. Ces formulaires de demande de congé n’indiquaient pas le type de congé demandé.

26 Le 18 juillet 2000, M. Sheridan a écrit à la fonctionnaire l’avisant que son nom était inscrit à la liste de paie 7A, ce qui signifiait qu’elle serait rémunérée seulement lorsqu’elle aurait soumis son rapport d’emploi du temps, mais pas automatiquement. M. Sheridan expliquait dans sa lettre que l’employeur évitait ainsi de lui verser des paiements en trop et d’avoir ensuite à les recouvrer. M. Sheridan a également retourné les demandes de congé que la fonctionnaire lui avait envoyées. Il a répété à la fonctionnaire qu’elle pouvait soit prendre un congé non payé pour obligations personnelles ou un congé de maladie avec certificat médical. L’option d’une affectation dans un autre bureau de l’ADRC lui était toujours ouverte. M. Sheridan a demandé à la fonctionnaire d’informer son surintendant, d’ici le 4 août 2000, de l’option qu’elle privilégiait.

27 La fonctionnaire a écrit à M. Sheridan le 14 août 2000, sans faire mention de la demande de M. Sheridan relativement à l’option qu’elle privilégiait. La fonctionnaire a plutôt demandé des précisions sur toutes les options étant à sa disposition en matière de congés et d’emploi à l’ADRC. Elle a également demandé si l’employeur serait prêt à lui accorder un congé payé et, le cas échéant, pour quelle durée.

28 M. Sheridan a répondu à cette lettre le 25 août 2000 en rappelant à la fonctionnaire qu’il était disposé à autoriser un congé pour obligations personnelles d’une période de trois mois à un an ou un congé de maladie avec certificat médical d’une durée correspondant aux crédits de congé de maladie de la fonctionnaire. M. Sheridan a ajouté qu’il était prêt à lui avancer 25 jours de crédits de congé de maladie, au besoin. Il a également affirmé qu’il n’était pas disposé à autoriser un congé payé pour d’autres raisons, conformément à la convention collective. M. Sheridan a rappelé à la fonctionnaire que l’employeur lui offrait des possibilités d’affectation dans un autre bureau de l’ADRC de la région du Grand Toronto. Il lui a expliqué que, si elle souhaitait envisager cette option, elle devrait indiquer son intérêt et les emplacements qu’elle privilégiait.

29 Dans une lettre adressée à M. Sheridan, le 6 septembre 2000, la fonctionnaire a fait valoir que la lettre du 25 août 2000 de M. Sheridan ne traitait pas de la majorité de ses préoccupations, qu’une grande confusion persistait et qu’elle était incertaine des solutions de rechange dont elle disposait. La fonctionnaire a également informé M. Sheridan qu’elle serait étudiante à l’Université d’Ottawa dans un programme de doctorat en économie. Elle estimait qu’un congé d’études payé serait la mesure la plus appropriée.

30 Le 5 octobre 2000, M. Sheridan a écrit à la fonctionnaire pour lui laisser savoir qu’il était troublé par le fait qu’elle s’était inscrite à un programme d’études de quatre ans, sans obtenir une approbation préalable. M. Sheridan lui a également précisé que les seuls congés qu’il était disposé à approuver étaient un congé non payé pour obligations personnelles d’une durée de trois mois à un an ou un congé de maladie avec certificat médical. Il lui a aussi rappelé qu’il était prêt à envisager d’autres affectations pour elle. À titre de mesure intérimaire, M. Sheridan a autorisé la fonctionnaire à demeurer en congé de juin à septembre, en lui accordant un « autre congé non payé ». Cependant, il a expliqué à la fonctionnaire que la situation ne pourrait pas continuer indéfiniment. Il lui a demandé de l’informer par écrit avant le 27 octobre 2000 de son choix de congé parmi les options lui étant offertes. En conclusion, M. Sheridan a prévenue la fonctionnaire qu’à défaut de recevoir une réponse à cet égard, elle serait considérée comme en absence non autorisée, ce qui pourrait entraîner une mesure disciplinaire.

31 La fonctionnaire a répondu à M. Sheridan le 27 octobre 2000. Elle était très troublée d’être menacée d’une mesure disciplinaire. Elle a posé plusieurs questions et a manifesté son mécontentement face à l’absence de réponse à ses questions antérieures. La fonctionnaire n’a pas répondu à la demande M. Sheridan relativement à l’option qu’elle privilégiait.

32 M. Sheridan a écrit à la fonctionnaire, le 30 novembre 2000, en soulignant que la fonctionnaire n’avait pas, dans sa lettre du 27 octobre, donné de réponse concernant les options de congé et les possibilités d’affectations qui lui étaient offertes. Il lui a toutefois dit être disposé à autoriser un congé d’études non payé pour l’année scolaire en cours seulement (automne 2000 au printemps 2001). Il a avisé la fonctionnaire de ne pas s’attendre à une réponse positive relativement à toute demande de congé subséquente pour poursuivre ses études. Dans l’intervalle, la fonctionnaire était déménagée à Ottawa, mais avait conservé son adresse de Mississauga. M. Sheridan lui a demandé si elle préférait qu’il envoie dorénavant la correspondance à son adresse courante. Sur ce point, la fonctionnaire a indiqué dans une lettre datée du 28 février 2001 qu’elle préférait que la correspondance soit toujours envoyée à son adresse à Mississauga.

33 Le 19 juin 2001, M. Sheridan a écrit à la fonctionnaire pour l’aviser qu’elle devait retourner au travail. Il lui a accordé une certaine latitude quant à la date de retour et l’a invitée à communiquer avec lui par téléphone pour discuter d’une date de début mutuellement acceptable. Il a également mentionné qu’il ne voyait aucune raison pour que cette date soit postérieure à la semaine du 23 juillet 2001. M. Sheridan a de plus avisé la fonctionnaire que, si elle ne répondait pas d’ici la semaine du 16 juillet ou si elle ne manifestait pas son intention de retourner au travail dans un délai acceptable pour la direction, il la considérerait comme étant absente sans autorisation. Il l’a prévenue que la direction pourrait alors prendre des mesures en vue de son licenciement, conformément au pouvoir que lui confère la Loi sur l’Agence des douanes et du revenu du Canada.

34 Le 20 juillet 2001, la fonctionnaire a répliqué à la lettre de M. Sheridan du 19 juin 2001. La fonctionnaire a rappelé à M. Sheridan que son départ du travail découlait de son besoin de se distancer des effets du [traduction] « harcèlement écrasant dans le milieu de travail ». Elle a également rappelé que l’enquête sur sa plainte de harcèlement était toujours en cours. Elle disait qu’elle craignait de retourner travailler et qu’elle hésitait à le faire. En conclusion, elle indiquait qu’elle préférerait demeurer en congé et qu’elle aimerait être consultée sur tout plan proposé en vue de son retour au travail.

35 Le 31 août 2001, M. Sheridan a écrit à la fonctionnaire en répétant qu’il n’approuverait aucune autre demande de congé d’études reliée à ses études courantes. Il lui a rappelé qu’elle n’avait manifesté aucun intérêt à l’égard de l’offre qu’il lui avait faite, c’est-à-dire de discuter de possibilités d’affectations dans d’autres bureaux de l’ADRC. M. Sheridan a rappelé à la fonctionnaire qu’elle n’était plus en congé autorisé d’aucune sorte et qu’il s’attendait à ce qu’elle se présente au travail. Il a également écrit que, si la fonctionnaire décidait de faire fi de ses obligations, il prendrait les mesures nécessaires en vue de son licenciement pour motifs non disciplinaires. En dernier lieu, M. Sheridan a demandé à la fonctionnaire de communiquer avec lui au plus tard le 24 septembre 2001, afin de clarifier ses intentions. À cette fin, il lui a fourni un numéro de téléphone auquel elle pouvait le joindre directement.

36 Le 24 septembre 2001, la fonctionnaire a répondu à la lettre de M. Sheridan du 31 août 2001. Elle a réitéré les craintes exprimées dans sa lettre du 20 juillet 2001 face à son retour dans son milieu de travail. Elle a demandé à M. Sheridan de lui fournir de l’information relativement aux possibilités d’affectations dans d’autres bureaux de l’ADRC, ainsi qu’aux autres types de congés qu’il envisagerait.

37 Le 7 novembre 2001, M. Sheridan a écrit à la fonctionnaire en l’informant que sa lettre du 24 septembre ne démontrait aucune volonté de sa part de retourner au travail. Il a expliqué que l’offre faite en 2000 concernant un congé non payé pour obligations personnelles n’était plus une option acceptable pour l’employeur. M. Sheridan a terminé sa lettre par le paragraphe suivant :

[Traduction]

[…]

Par conséquent, je vous demande encore une fois de communiquer avec moi, au plus tard le 23 novembre 2001, pour me faire part de vos intentions. J’espère que je me suis fait clairement comprendre sur le fait que vous devez immédiatement retourner au travail. Si vous n’êtes pas disposée à prendre cet engagement, je n’aurai d’autre choix que de vous licencier pour des motifs non disciplinaires en vertu de l’alinéa 51(1)g) de la Loi sur l’Agence des douanes et du revenu du Canada. Comme vous l’avez demandé, je joins à la présente le texte intégral de la Loi pour votre gouverne.

[…]

38 La fonctionnaire n’a jamais répondu à la lettre de M. Sheridan du 7 novembre 2001. Le 12 décembre 2001, Mme Hébert a écrit à la fonctionnaire pour l’informer de son licenciement, en vertu du pouvoir lui étant conféré par l’alinéa 51(1)g) de la Loi sur l’Agence des douanes et du revenu du Canada, pour des motifs non disciplinaires, à compter de la fermeture des bureaux ce jour même. Mme Hébert a fondé sa décision sur le fait que la fonctionnaire avait été absente du travail sans autorisation pendant une période de plusieurs mois et qu’elle n’avait manifesté d’aucune manière son intention de revenir au travail. La fonctionnaire avait également omis de s’engager à retourner au travail avant le 23 novembre 2001, tel que demandé par M. Sheridan, dans sa lettre du 7 novembre 2001.

39 La fonctionnaire a présenté une preuve démontrant que son père a signé le formulaire de Poste prioritaire attestant la réception de la lettre de M. Sheridan, du 7 novembre 2001, à l’adresse de la fonctionnaire à Mississauga, le 14 novembre 2001. La fonctionnaire a déclaré qu’elle était à Ottawa à ce moment et que son père n’a pas ouvert la lettre ou n’a pas communiqué avec elle pour l’informer de la réception de la lettre. La fonctionnaire a expliqué qu’elle avait seulement ouvert la lettre le 12 décembre 2001, entre 19 heures 30 et 20 heures. Elle a également affirmé avoir reçu sa lettre de licenciement le 14 décembre 2001. La fonctionnaire a admis en contre-interrogatoire qu’elle n’avait pas appelé ou tenté de joindre M. Sheridan, le 13 ou le 14 décembre, avant de recevoir sa lettre de licenciement. Elle n’a pas non plus tenté de communiquer avec M. Sheridan ou Mme Hébert après avoir reçu la lettre de licenciement.

40 Des éléments de preuve ont également été présentés au sujet du processus d’enquête sur la plainte de harcèlement. Le processus a été relativement lent. La plupart des entrevues ont eu lieu à l’automne 2000. Le 5 juin 2001, un rapport provisoire sur les conclusions de l’enquête a été envoyé à la fonctionnaire pour qu’elle fasse des commentaires. Elle devait soumettre ses commentaires au plus tard le 13 juillet 2001. Ce délai a été reporté au 21 septembre 2001. Le 1er octobre 2001, la fonctionnaire a été informée que l’enquêteur avait reçu comme instruction de produire son rapport final. Le rapport a été publié au début 2002. Il concluait que la plainte n’était pas fondée.

41 Mme Hébert et M. Sheridan ont expliqué qu’il était nécessaire que tout le personnel soit présent au travail après les incidents tragiques du 11 septembre 2001. La sécurité a été renforcée dans les aéroports, et l’employeur avait besoin de tous les employés au travail. Mme Hébert a également déclaré qu’elle avait le pouvoir de licencier les employés, pas M. Sheridan. C’est pourquoi c’est elle qui a pris la décision de licencier la fonctionnaire.

42 Mme Hébert a expliqué qu’en prenant la décision de licencier la fonctionnaire, elle s’est assurée que les règles suivantes avaient été respectées : la fonctionnaire était informée des préoccupations de la direction, la fonctionnaire avait eu la possibilité de répondre à ces préoccupations, la fonctionnaire comprenait les conséquences de ne pas répondre à ces préoccupations, les mesures et les décisions avaient été prises de bonne foi par l’employeur et lui avaient été communiquées clairement.

43 Mme Hébert a déclaré que, si la fonctionnaire l’avait appelée ou avait appelé M. Sheridan, le 13 décembre ou même plus tard, pour leur laisser savoir qu’elle n’avait reçu la lettre du 7 novembre 2001 de M. Sheridan que le 12 décembre 2001, et si la fonctionnaire avait manifesté clairement son intention de retourner au travail, Mme Hébert aurait pu revenir sur sa décision.

44 Dans son témoignage, la fonctionnaire a déclaré que M. Sheridan n’avait jamais expliqué les possibilités d’emploi qui s’offraient à elle. Elle ne savait pas où elle devait se présenter au travail. La fonctionnaire a soutenu qu’elle était intéressée à retourner au travail.

IV. Résumé de l’argumentation relative aux griefs contestant la suspension

A. Pour l’employeur

45 Aucune mesure disciplinaire n’a été imposée à la fonctionnaire le 12 mai 1999, et la rencontre qui a eu lieu ce jour-là n’était pas une réunion disciplinaire. La fonctionnaire a plutôt reçu comme instruction de retourner à la maison, de changer sa jupe et de revenir au travail. L’employeur n’a pas rémunéré la fonctionnaire pour la période où elle était partie, ce qui était son droit. Il s’agit d’une situation où le principe « pas de travail, pas de rémunération » s’applique. Le 12 mai 1999, la fonctionnaire a décidé de ne pas retourner au travail. On ne lui a pas ordonné de retourner à la maison pour la journée, mais bien d’aller chez elle pour se changer. Comme aucune mesure disciplinaire n’a été imposée à la fonctionnaire le 12 mai 1999, l’employeur ne peut pas être accusé d’avoir appliqué la procédure disciplinaire à cette occasion.

46 La fonctionnaire a allégué que l’employeur est fautif parce qu’il n’a pas tenu d’enquête pour établir les faits. La convention collective ne prévoit aucune obligation à cet égard, et aucune promesse n’a été faite à la fonctionnaire relativement à la tenue d’une telle enquête.

47 Le 21 avril 1999, Mme Bennett avait dit à la fonctionnaire que les jupes devaient se porter au genou. Le 11 mai 1999, la fonctionnaire a été informée que sa jupe était trop courte et qu’elle ne devait plus la porter au travail. Le 12 mai 1999, elle s’est présentée au travail avec la jupe courte, même si elle savait, comme le démontre la preuve, que les jupes devaient se porter au genou. Elle ne s’est pas conformée à l’ordre et elle a clairement fait preuve d’insubordination. L’ordre était clair, légitime et conforme aux exigences en matière de santé et sécurité. De plus, la fonctionnaire n’a pas indiqué, le 11 ou 12 mai 1999, qu’elle ne pouvait pas se conformer à l’ordre.

48 La fonctionnaire a reçu deux nouvelles jupes, le 21 avril 1999, et elle a eu amplement le temps d’apporter les retouches nécessaires pour pouvoir les porter. Elle avait également des pantalons qu’elle aurait pu laver pour les porter le 12 mai 1999. La fonctionnaire n’a fait aucun effort pour se conformer à l’ordre donné par l’employeur.

49 Elle a reçu un préavis de 24 heures avant la tenue de la réunion disciplinaire, le 2 juin 1999. Elle était accompagnée à cette réunion par une représentante syndicale. L’allégation relative à un manquement à la procédure disciplinaire énoncée dans la convention collective devrait être rejetée.

50 L’employeur a invoqué la jurisprudence suivante : Desrochers c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2005 CRTFP 159; Castonguay c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Douanes et Accise), dossier de la CRTFP 166-02-17531 (19881028); et Pinto c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Douanes et Accise), dossier de la CRTFP 166-02-16802 (19880411).

B. Pour la fonctionnaire

51 L’employeur a imposé une mesure disciplinaire à la fonctionnaire en lui ordonnant de retourner à la maison le 12 mai 1999. L’employeur voulait corriger le comportement de la fonctionnaire parce qu’il estimait qu’elle ne répondait pas à ses attentes. Le comportement de la fonctionnaire était volontaire et coupable à son avis, et l’employeur a répondu en imposant une mesure disciplinaire. La fonctionnaire a été pénalisée financièrement en conséquence.

52 La suspension du 12 mai 1999 devrait être nulle et non avenue compte tenu que l’employeur n’a pas respecté l’article 17 de la convention collective. L’employeur n’a pas avisé la fonctionnaire par écrit du motif de sa suspension, n’a pas donné un préavis de 24 heures avant la réunion disciplinaire et n’a pas avisé l’agent négociateur de la suspension.

53 L’employeur a suspendu de nouveau la fonctionnaire, le 15 juin 1999, pour le même comportement que celui du 12 mai 1999. Un employeur ne peut pas imposer une mesure disciplinaire deux fois pour un même incident.

54 L’employeur a informé la fonctionnaire à la fin de la journée du 11 mai 1999 qu’elle ne devait pas porter la même jupe à compter du lendemain. L’employeur voulait créer une situation d’insubordination de la part de la fonctionnaire. Le 12 mai 1999, la fonctionnaire a proposé des solutions autres que son renvoi à la maison, mais l’employeur les a toutes refusées. Il n’y avait aucun motif d’imposer une mesure disciplinaire.

55 Si l’arbitre accepte qu’il existait un motif disciplinaire, la perte de salaire pour une journée et demi imposée à la fonctionnaire était déraisonnable. Il ne fait aucun doute que l’employeur a le droit d’établir des règles propres au lieu de travail, mais les règles devraient être appliquées de manière raisonnable. Elles devraient être compatibles avec la convention collective et être appliquées de manière uniforme aux employés.

56 Aucune mesure disciplinaire n’aurait dû être imposée à la fonctionnaire. Cette dernière a porté la jupe en question pendant huit mois en 1998 lorsqu’elle travaillait sous la supervision de M. Millar. Elle a porté la jupe encore en avril et mai 1999, et elle n’a jamais été invitée à ne plus la porter. De plus, Mme Gover portait une jupe arrivant deux pouces au-dessus du genou, mais n’a jamais été informée que sa tenue était inappropriée. De plus, les normes de l’employeur n’étaient pas claires. Pour Mme Lavergne, une jupe ne devrait pas être trop courte; pour Mme Hussain, elle devrait arriver au genou et pour M. Millar, elle devrait arriver au-dessus du genou. Les 11 et 12 mai 1999, la fonctionnaire voulait que l’employeur mette les normes par écrit pour qu’elle sache exactement ce qu’il attendait d’elle.

57 Comme l’employeur n’a pas communiqué clairement son code vestimentaire, la fonctionnaire n’aurait pas dû faire l’objet d’une mesure disciplinaire. Le 12 mai 1999, lorsque des instructions claires lui ont été données par écrit au sujet de la longueur de sa jupe, l’employeur aurait dû donner à la fonctionnaire un délai suffisant pour s’y conformer.

58 Aucune preuve ne démontre que la fonctionnaire voulait défier la direction et faire preuve d’insubordination. Il n’était pas déraisonnable de sa part de demander la présence d’un représentant syndical lorsqu’on lui a ordonné de quitter le lieu de travail à 9 heures, le 12 mai 1999. Si la fonctionnaire a commis une infraction, c’est de ne pas s’être conformée immédiatement au code vestimentaire. La peine lui ayant été imposée était trop sévère et le principe des mesures disciplinaires progressives n’a pas été appliqué.

59 La fonctionnaire m’a renvoyé à la jurisprudence suivante : Ford Motor Co. of Canada Ltd. V. United Automobile Workers, Local 707 (1974), 5 L.A.C. (2d) 5; Riverdale Hospital v. Canadian Union of Public Employees Local 79 (2000), 93 L.A.C. (4th) 195; Calgary Co-operative Ltd. v. Union of Calgary Co-op Employees (2006), 145 L.A.C. (4th) 296; Mains Ouvertes – Open Hands Inc. v. Ontario Public Service Employees Union [2004], O.L.A.A. No. 879 (QL); United Steelworkers, Local 6480 v. Torngait Services Inc. (2008), 172 L.A.C. (4th) 43; KVP Co. Ltd. v. Lumber & Sawmill Worker’s Union, Local 2537 (1965), 16 L.A.C. 73; Westfair Food Ltd. v. United Food and Commercial Workers, Local 401 (2005), 82 C.L.A.S. 49 (QL) et Peters c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada), 2007 CRTFP 7.

V. Résumé de l’argumentation relative au grief contestant le licenciement

A. Pour l’employeur

60 L’employeur a prétendu que je n’avais pas la compétence nécessaire pour instruire ce grief. La fonctionnaire a été licenciée pour des motifs non disciplinaires alors qu’elle était à l’emploi de l’ADRC, un employeur n’étant pas visé par la partie 1 de l’annexe 1 de l’ancienne Loi. Le libellé de l’alinéa 92(1)c) de l’ancienne Loi ne soutient pas le renvoi de ce grief à l’arbitrage. Le grief ne concerne pas une mesure disciplinaire entraînant un licenciement, une suspension ou une sanction pécuniaire. Par conséquent, le grief devrait être rejeté pour défaut de compétence de l’arbitre.

61 Aucune mesure disciplinaire n’a été imposée à la fonctionnaire. L’employeur souhaitait qu’elle retourne au travail et lui a répété à plusieurs reprises qu’elle devait rentrer au travail, mais elle ne s’est pas engagée à le faire. La fonctionnaire a été absente du travail pendant plusieurs mois sans un congé autorisé, et l’employeur a décidé de la licencier.

62 En 1999, la fonctionnaire avait déposé une plainte contre les membres de l’équipe de direction des Opérations commerciales. L’employeur a accommodé la fonctionnaire en l’affectant aux Opérations passagers, où elle ne serait pas en contact avec les gestionnaires contre lesquels elle avait déposé une plainte.

63 L’employeur a fait preuve de bonne foi à l’endroit de la fonctionnaire, malgré le fait qu’elle était en congé non autorisé en 2000. L’employeur a ensuite accepté de régulariser son statut en approuvant un congé à titre rétroactif. Au terme de ce congé, la fonctionnaire ne s’est pas présentée au travail, même si l’employeur n’avait pas approuvé un autre congé. La fonctionnaire n’a pas présenté de preuve démontrant qu’elle n’était pas en mesure de retourner au travail.

64 La fonctionnaire a décidé de fournir à l’employeur son adresse à Mississauga, même si elle résidait temporairement à Ottawa. La responsabilité d’obtenir son courrier lui incombait. La fonctionnaire a déclaré n’avoir reçu la lettre de M. Sheridan, du 7 novembre 2001, que le 12 décembre 2001. La date limite imposée par M. Sheridan pour le retour au travail de la fonctionnaire était passée, mais la fonctionnaire n’a pas appelé M. Sheridan et ne lui a pas écrit pour régulariser son statut. La fonctionnaire n’a pas présenté de preuve démontrant qu’elle n’était pas en mesure de communiquer avec M. Sheridan avant de recevoir la lettre de licenciement de Mme Hébert.

65 La preuve présentée par la fonctionnaire ne démontre pas que l’employeur a fait preuve de mauvaise foi ou qu’il a recouru à une mesure disciplinaire déguisée pour licencier la fonctionnaire. Celle-ci a été licenciée parce qu’elle a abandonné son poste, et un arbitre n’est pas compétent pour instruire son grief.

66 À l’appui de ses arguments, l’employeur a invoqué l’affaire Peters, déjà citée, et la jurisprudence suivante : Pachowski c. Canada (Conseil du Trésor), [2000] A.C.F. no 1679 (QL); Canada (Procureur Général) c. Penner, [1989] 3 C.F. 429 (CAF); Weiten c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Douanes et Accise), dossier de la CRTFP 166-2-24748 (19950714); Slattery c. Centre de la sécurité des télécommunications (Défense nationale), dossier de la CRTFP 166-13-17850 (19900312); et Canada (Procureur Général) c. Horn, [1994] 1 C.F. 453.

B. Pour la fonctionnaire

67 Le licenciement est une mesure disciplinaire déguisée. À cet égard, la fonctionnaire m’a renvoyé à Peters, et plus particulièrement aux facteurs examinés par les arbitres pour évaluer si une mesure prise par un employeur est disciplinaire ou de nature administrative. La fonctionnaire a prétendu qu’un examen de ces facteurs devrait m’amener à conclure qu’elle a été licenciée pour des motifs disciplinaires. Par ailleurs, l’employeur n’a pas agi de bonne foi en prenant ce qu’il appelle une mesure administrative. Il n’a pas non plus pleinement informé la fonctionnaire de ce qu’il attendait d’elle et des conséquences de ne pas se conformer à ces exigences.

68 L’employeur avait pour objectif de la licencier. Il a créé un environnement de travail hostile en harcelant la fonctionnaire et en lui imposant une mesure disciplinaire. Cette mesure disciplinaire a été purgée le premier jour de son affectation aux Opérations passagers, ce qui a créé un environnement de travail négatif pour la fonctionnaire dans sa nouvelle affectation.

69 Dans sa lettre du 7 novembre 2001, M. Sheridan a accordé deux semaines à la fonctionnaire pour manifester son intention de retourner au travail. Ce délai était plus court que les délais lui ayant été donnés antérieurement. Dans ses lettres antérieures, M. Sheridan a fait état d’options concernant des affectations de travail, mais il n’a jamais précisé quelles étaient ces options. De plus, le 7 novembre 2001, l’employeur a retiré son offre qui aurait permis à la fonctionnaire de présenter une demande de congé pour obligations personnelles. Mme Hébert a prétendu que l’employeur ne pouvait plus se permettre d’offrir ce congé, dans la foulée des incidents du 11 septembre 2001, mais M. Sheridan l’a contredite en affirmant que la fonctionnaire aurait pu être affectée à la division de l’impôt.

70 Exception faite de la lettre du 7 novembre 2001, la fonctionnaire a toujours répondu aux lettres de l’employeur et a indiqué qu’elle était intéressée à retourner au travail. Lorsqu’il s’est rendu compte que la fonctionnaire n’avait pas répondu à la lettre du 7 novembre 2001, l’employeur n’aurait pas dû profiter de l’occasion pour la licencier. Ceci a démontré que l’employeur n’avait jamais eu l’intention d’aider la fonctionnaire. L’employeur aurait pu appeler la fonctionnaire pour savoir pourquoi elle n’avait pas répondu. La fonctionnaire aurait pu être malade ou être dans l’impossibilité de répondre.

71 D’après la preuve, M. Sheridan n’avait pas le pouvoir de licencier la fonctionnaire; ce pouvoir appartenait à Mme Hébert. Cependant, M. Sheridan a déclaré dans plusieurs de ses lettres qu’il pourrait prendre cette décision.

72 La fonctionnaire a prétendu qu’elle n’a jamais abandonné son poste et que les nécessités opérationnelles de l’employeur n’ont jamais été compromises par son absence. La fonctionnaire a fait valoir qu’il était difficile d’obtenir un poste d’une durée indéterminée au gouvernement fédéral et qu’elle n’aurait jamais abandonné son poste volontairement.

VI. Motifs relatifs aux griefs contestant la suspension

73 Le 11 mai 1999, l’employeur a avisé la fonctionnaire qu’elle ne devrait plus porter la même jupe parce qu’elle était trop courte. Le 12 mai 1999, la fonctionnaire a porté la jupe, et l’employeur l’a renvoyée à la maison pour qu’elle se change. La fonctionnaire a décidé de ne pas retourner au travail et elle a donc perdu 4,5 heures de salaire. Le 2 juin 1999, l’employeur a informé la fonctionnaire que son insubordination du 12 mai 1999 lui vaudrait une suspension d’une journée.

74 La fonctionnaire admet que l’employeur était habilité à imposer un code vestimentaire. Il existe une certaine confusion chez l’employeur relativement à ce qui constitue la longueur appropriée d’une jupe. Cette longueur est décrite comme devant « arriver au genou » ou ne devant pas « être trop courte ». Les témoins de l’employeur ont soutenu que la jupe de la fonctionnaire arrivait six pouces au-dessus du genou ou à mi-cuisse. La fonctionnaire a affirmé que sa jupe arrivait deux pouces au-dessus du genou. Mme Gover a déclaré que sa propre jupe arrivait deux pouces au-dessus du genou et que celle de la fonctionnaire était plus courte. Il est raisonnable de conclure de ce témoignage que la fonctionnaire portait une jupe arrivant quelque part entre trois et six pouces au-dessus du genou, ce qui était beaucoup plus court que la longueur considérée comme acceptable par l’employeur.

75 Lorsque l’employeur a demandé à la fonctionnaire de retourner à la maison, le 12 mai 1999, pour changer sa jupe, il donnait simplement suite à un ordre donné à la fonctionnaire à la fin de la journée précédente. À ce moment, la fonctionnaire ne lui a pas expliqué pourquoi elle portait toujours la même jupe et pourquoi elle ne s’était pas conformée à l’ordre.

76 À l’instar de l’employeur, je crois que la perte des 4,5 heures de salaire, le 12 mai 1999, ne constitue pas une mesure disciplinaire, mais plutôt une situation où le principe « pas de travail, pas de rémunération » s’applique. La présente affaire est comparable à l’affaire Castonguay dans laquelle l’employé a été renvoyé à la maison pour aller chercher sa cravate. Le code vestimentaire de l’employeur exigeait le port de la cravate. Dans l’affaire Castonguay, l’arbitre a conclu que le principe « pas de travail, pas de rémunération » s’appliquait. L’arbitre a également expliqué que sa conclusion aurait été différente si l’employeur avait simplement renvoyé l’employé pour la journée sans possibilité de revenir au travail, comme cela était le cas dans Desrochers. Il se serait alors agi d’une mesure disciplinaire.

77 Je souscris à la distinction faite dans Castonguay. Si un employé est renvoyé à la maison pour changer des vêtements qui ne sont pas acceptables en vertu du code vestimentaire, l’employé n’est pas rémunéré pour le temps nécessaire pour se changer. Il s’agit d’une situation « pas de travail, pas de rémunération ». Si un employeur renvoie un employé à la maison pour la journée en raison de ses vêtements inappropriés, l’intention de l’employeur est de punir l’employé, ce qui devient alors une mesure disciplinaire.

78 Ayant établi que l’employeur n’a pas imposé une mesure disciplinaire à la fonctionnaire, le 12 mai 1999, je rejette l’argument de la fonctionnaire selon lequel l’employeur n’a pas respecté à cette occasion la procédure disciplinaire prévue dans la convention collective. Je rejette également l’argument de la fonctionnaire selon lequel elle a fait l’objet d’une mesure disciplinaire à deux reprises pour le même incident. Comme énoncé dans l’affaire Pinto, l’employeur a le droit de déduire du salaire des heures n’ayant pas été travaillées et de prendre, par la suite, une mesure disciplinaire en raison de l’incident en question. Dans l’affaire Pinto, l’arbitre a conclu que l’employeur pouvait déduire l’heure de retard de l’employé et lui imposer ensuite une suspension d’une journée parce qu’il était en retard d’une heure. Il ne s’agit pas d’une double incrimination, comme c’était le cas dans Mains Ouvertes – Open Hands Inc.

79 L’employeur croit que la suspension d’une journée imposée à la fonctionnaire est entièrement justifiée parce que la fonctionnaire a fait preuve d’insubordination. La preuve est claire : la fonctionnaire n’a pas obtempéré à l’ordre donné par l’employeur de ne plus porter sa jupe courte au travail. L’employeur a le droit d’imposer un code vestimentaire aux employés, et la fonctionnaire a clairement reçu l’ordre de se conformer au code vestimentaire, le 11 mai 1999. La fonctionnaire n’a pas expliqué à l’employeur, ni le 11 ni le 12 mai 1999, qu’elle ne pouvait pas se conformer à l’ordre. Il lui incombait de le faire. J’estime qu’il y avait matière à mesure disciplinaire.

80 Cependant, je dois tenir compte de certaines circonstances atténuantes pour déterminer si l’employeur était justifié d’imposer une suspension d’une journée.

81 De mai à décembre 1998, la fonctionnaire a travaillé comme étudiante au poste d’inspectrice des douanes sous la supervision directe de M. Millar. Pendant cette période, elle a porté régulièrement la même jupe courte, et M. Millar n’a jamais fait de commentaires sur la longueur de sa jupe. De plus, la fonctionnaire a porté la même jupe courte régulièrement, du 1er avril au 11 mai 1999, et ni M. Millar, ni un autre représentant de l’employeur n’a fait de commentaire au sujet de sa jupe. Avant le 11 mai 1999, la seule fois où la fonctionnaire a été avisée que les jupes devaient se porter au genou a été quand Mme Bennett l’a conduite chez le fournisseur d’uniformes, le 21 avril 1999.

82 Même si M. Millar avait clairement fait comprendre à la fonctionnaire le 11 mai 1999 que les jupes devaient se porter au genou, il ressort clairement de la preuve qu’il existait une certaine latitude. Le port d’une jupe arrivant un pouce ou même deux pouces au-dessus du genou semblait acceptable pour l’employeur. Ce dernier a toujours accepté la longueur de la jupe de Mme Gover même si celle-ci arrivait deux pouces au-dessus du genou. M. Millar a déclaré que des jupes légèrement plus courtes que le genou étaient acceptées, et Mme Lavergne a soutenu que les jupes ne devaient pas être trop courtes.

83 Compte tenu que l’employeur a accepté la jupe courte de la fonctionnaire pendant plusieurs mois et qu’il existe une certaine confusion en ce qui concerne la longueur appropriée pour une jupe, je conclus que la suspension d’une journée imposée à la fonctionnaire était top sévère. L’objectif de l’employeur en imposant une mesure disciplinaire était de faire en sorte que la fonctionnaire se conforme à l’ordre reçu concernant la longueur de sa jupe. Il existait des circonstances atténuantes, et j’estime qu’une lettre de réprimande aurait été appropriée et aurait pu suffire pour inciter la fonctionnaire à se conformer.

84 Je rejette l’allégation de la fonctionnaire selon laquelle l’employeur n’a pas respecté la procédure disciplinaire énoncée dans la convention collective et selon laquelle l’employeur n’a pas mené une enquête pour établir les faits avant de lui imposer une suspension. Les obligations contractuelles de l’employeur en matière de procédures disciplinaires sont énoncées à l’article 17 de la convention collective :

ARTICLE 17
MESURES DISCIPLINAIRES

17.01 Lorsque l’employé-e est suspendu de ses fonctions ou est licencié aux termes de l’alinéa 12(1)c) de la Loi sur la gestion des finances publiques, l’Employeur s’engage à lui indiquer, par écrit, la raison de cette suspension ou de ce licenciement. L’Employeur s’efforce de signifier cette notification au moment de la suspension ou du licenciement.

17.02 Lorsque l’employé-e est tenu d’assister à une audition disciplinaire le concernant ou à une réunion à laquelle doit être rendue une décision concernant une mesure disciplinaire le touchant, l’employé-e a le droit, sur demande, d’être accompagné d’un représentant de l’Alliance à cette réunion. Dans la mesure du possible, l’employé-e reçoit au minimum une (1) journée de préavis de cette réunion.

17.03 L’Employeur informe le plus tôt possible le représentant local de l’Alliance qu’une telle suspension ou qu’un tel licenciement a été infligé.

17.04 L’Employeur convient de ne produire comme élément de preuve, au cours d’une audience concernant une mesure disciplinaire, aucun document extrait du dossier de l’employé-e dont le contenu n’a pas été porté à la connaissance de celui-ci ou de celle-ci au moment où il a été versé à son dossier ou dans un délai ultérieur raisonnable.

17.05 Tout document ou toute déclaration écrite concernant une mesure disciplinaire qui peut avoir été versé au dossier personnel de l’employé-e doit être détruit au terme de la période de deux (2) ans qui suit la date à laquelle la mesure disciplinaire a été prise, pourvu qu’aucune autre mesure disciplinaire n’ait été portée au dossier dans l’intervalle.

85 La fonctionnaire a été avisée par écrit, le 2 juin 1999, du motif de sa suspension d’une journée, qu’elle devait purger le 15 juin 1999. La fonctionnaire a été avisée, le 1er juin 1999, de la tenue d’une réunion disciplinaire, le 2 juin 1999. La fonctionnaire était accompagnée à la réunion par une représentante syndicale, et le syndicat a été avisé au préalable de la tenue de la réunion. La fonctionnaire admet qu’il n’y a pas eu infraction à la clause 17.04 et que la clause 17.05 ne s’appliquait pas à la situation. Enfin, rien dans l’article 17, ni dans aucune autre disposition de la convention collective, n’oblige l’employeur à tenir une enquête pour établir les faits. Par conséquent, je conclus qu’il n’y a pas eu de lacunes dans la procédure disciplinaire appliquée par l’employeur.

VII. Motifs du grief contestant le licenciement

86 L’employeur a prétendu qu’il n’a pas licencié la fonctionnaire pour des motifs disciplinaires. Compte tenu que l’employeur n’est pas visé par la partie I de l’annexe I de l’ancienne Loi, un arbitre n’est pas compétent à instruire le présent grief si aucune mesure disciplinaire n’est en cause. Le paragraphe 92(1) de l’ancienne Loi est libellé comme suit :

[…]

92. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un employé peut renvoyer à l’arbitrage tout grief portant sur

a) l’interprétation ou l’application, à son endroit, d’une disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale,

b) dans le cas d’un fonctionnaire d’un ministère ou secteur de l’administration publique fédérale spécifié à la partie I de l’annexe I ou désigné par décret pris au titre du paragraphe (4),)

(i) soit une mesure disciplinaire - entraînant la suspension ou une sanction pécuniaire,

(ii) soit un licenciement ou une rétrogradation visé aux alinéas 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques, or

(c) dans les autres cas, une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire

[…]

87 L’Agence du revenu du Canada n’est pas un employeur décrit à l’alinéa 92(1)b) de l’ancienne Loi. Par conséquent, je ne suis pas compétent si le grief ne concerne pas une mesure disciplinaire. L’employeur a fait valoir que le licenciement de la fonctionnaire était une mesure administrative découlant du fait qu’elle ne soit pas retournée au travail après de nombreuses demandes dans ce sens. La fonctionnaire a prétendu que son licenciement n’était pas de nature administrative mais bien disciplinaire et que l’employeur avait agi de mauvaise foi.

88 La fonctionnaire a obtenu un poste d’une durée indéterminée comme agente des douanes aux Opérations commerciales, le 1er avril 1999. Le mois suivant, elle a déposé une plainte de harcèlement contre des membres de l’équipe de direction. Afin de la retirer de ce lieu de travail, l’employeur a affecté la fonctionnaire aux Opérations passagers, le 15 juin 1999. De cette date jusqu’à son licenciement, le 14 décembre 2001, la fonctionnaire a été au travail pendant moins d’un an et a été absente en congés autorisés ou non autorisés pendant 20 mois.

89 La fonctionnaire a été absente du travail en congé non autorisé de juin à septembre 2000. L’employeur a régularisé son statut en lui accordant un congé non payé après que le congé eut déjà été pris. Il a ensuite avisé la fonctionnaire qu’elle devait régulariser son statut. Pour ce faire, l’employeur lui a offert de prendre un congé de maladie ou un congé non payé pour obligations personnelles ou d’être affectée ailleurs. Dans sa correspondance subséquente avec l’employeur, la fonctionnaire n’a jamais traité directement de ces offres.

90 L’employeur a régularisé le statut de la fonctionnaire encore une fois en novembre 2000, en lui accordant un congé d’études non payé, après que le congé eut déjà commencé. En juin 2001, l’employeur a demandé à la fonctionnaire de retourner au travail avant la semaine du 23 juillet 2001. Il a alors indiqué à la fonctionnaire que, si elle ne se conformait pas, elle serait passible d’un licenciement. La fonctionnaire n’est pas retournée au travail. Le 31 août 2001, l’employeur a demandé de nouveau à la fonctionnaire de retourner au travail, en lui répétant qu’elle s’exposait à un licenciement si elle n’obtempérait pas. La fonctionnaire n’est pas retournée au travail. Le 7 novembre 2001, l’employeur a écrit de nouveau à la fonctionnaire pour lui demander de communiquer avec lui, au plus tard le 23 novembre 2001, pour indiquer son intention de retourner au travail, à défaut de quoi elle serait licenciée. La fonctionnaire n’a pas communiqué avec l’employeur avant le 23 novembre 2001, et l’employeur l’a licenciée le 14 décembre 2001.

91 Je souscris à l’argument de l’employeur selon lequel il n’a pas imposé de mesure disciplinaire, mais qu’il a plutôt licencié la fonctionnaire pour des motifs administratifs. Il lui a dit à plusieurs reprises de présenter une demande de congé ou de retourner au travail. Elle ne s’est pas conformée aux instructions légitimes de l’employeur. À l’automne 2001, les options relatives aux congés n’étaient plus disponibles et l’employeur a indiqué à la fonctionnaire qu’elle devait reprendre le travail. La fonctionnaire a été informée des conséquences de ne pas retourner au travail. Elle n’a pas obtempéré et a été licenciée. Même si la fonctionnaire a déclaré qu’elle ne voulait pas abandonner son poste, en réalité c’est ce qu’elle a fait.

92 La fonctionnaire n’a pas présenté de preuve démontrant qu’elle ne pouvait pas retourner au travail. Sa seule explication était qu’elle n’avait pas reçu la lettre du 7 novembre 2001 de M. Sheridan avant le 12 décembre 2001. Je ne suis pas convaincu que cela soit vrai, mais même s’il s’agit de la vérité, l’employeur était tout de même en droit de la licencier comme il l’a fait. La fonctionnaire avait déjà été prévenue à la fin août et en septembre 2001 qu’elle pourrait être licenciée. Il est raisonnable de penser que la fonctionnaire aurait dû vérifier son courrier en novembre et en décembre 2001, sachant qu’elle était en congé non autorisé. Par ailleurs, elle n’a pas tenté de communiquer avec l’employeur, les 12 ou 13 décembre 2001, après avoir reçu, selon ses prétentions, la lettre de l’employeur datée du 7 novembre 2001.

93 Un employeur a pleinement le droit de s’attendre à ce qu’un employé se présente au travail. Il s’agit d’un élément intrinsèque de la relation d’emploi et d’un contrat d’emploi. L’employé doit avoir une autorisation préalable pour s’absenter du travail. Cette autorisation est donnée en conformité avec les règles établies dans la convention collective. Les seules exceptions à cette logique fondamentale seraient les situations où l’employé ne peut pas, pour des motifs impérieux, communiquer avec l’employeur pour obtenir une autorisation. Tel n’est pas le cas en l’espèce. Par conséquent, l’employeur avait le droit de licencier la fonctionnaire pour des motifs administratifs, à savoir que la fonctionnaire n’était pas disponible pour travailler.

94 Rien dans la preuve présentée par la fonctionnaire ne m’a convaincu que son licenciement était disciplinaire. La fonctionnaire se sentait harcelée aux Opérations commerciales. Elle a déposé une plainte, et l’employeur l’a affectée à un autre poste. Après 11 mois dans son nouveau poste, la fonctionnaire estimait qu’elle travaillait dans une atmosphère malsaine. Aucune preuve n’a été soumise à l’appui de cette prétention. Par la suite, la fonctionnaire a décidé, sans approbation préalable de l’employeur, de se retirer de son milieu de travail. L’employeur a accepté de l’accommoder jusqu’à l’automne 2001. À cette époque, il est devenu apparent que l’employeur ne tolérerait plus que la fonctionnaire prenne des congés non autorisés. Cette position de l’employeur n’a rien d’abusif ou de disciplinaire et ne démontre pas de la mauvaise foi de sa part.

95 Comme mentionné dans l’affaire Pachowski, le principe des mesures disciplinaires progressives ne s’applique pas dans les cas de licenciements non disciplinaires. Cependant, l’employeur est tenu d’agir de manière équitable lorsqu’il licencie un employé pour des motifs non disciplinaires. L’employeur doit agir de bonne foi, informer pleinement l’employé de ce qu’il attend de lui et des conséquences auxquelles il s’expose en ne se conformant pas à ces attentes, donner à l’employé la possibilité de corriger la situation pour se conformer aux exigences, aider l’employé à apporter ces corrections et étudier des solutions avant de le licencier. En l’espèce, l’employeur a agi équitablement, et la preuve démontre qu’il a satisfait à toutes ces obligations avant de licencier la fonctionnaire.

96 Dans l’affaire Weiten, l’employeur a demandé à la fonctionnaire s’estimant lésée de faire part de ses intentions concernant son retour au travail. L’employeur l’a aussi prévenue que, si elle ne retournait pas au travail, elle pourrait être licenciée. Comme dans l’affaire Weiten, l’employeur a donné un dernier avertissement à la fonctionnaire, et il n’a pas agi immédiatement lorsque la fonctionnaire a omis de répondre avant la date limite. Il a attendu trois semaines avant de la licencier.

97 L’employeur n’est pas tenu de prouver que la fonctionnaire voulait abandonner son poste pour conclure qu’elle a abandonné son poste. Un employeur peut conclure qu’un employé a abandonné son poste lorsque celui-ci s’est absenté du travail sans autorisation, alors que les circonstances relevaient de son contrôle. En l’espèce, la fonctionnaire était absente sans autorisation pendant plusieurs semaines, et cela était suffisant pour permettre à l’employeur de conclure que la fonctionnaire avait abandonné son poste.

98 Selon la prépondérance des probabilités, l’employeur a démontré qu’il a agi équitablement et de bonne foi en licenciant la fonctionnaire pour un motif administratif, à savoir qu’elle n’est pas retournée au travail lorsqu’on le lui a demandé. La fonctionnaire n’a pas démontré, suivant la même norme, qu’elle a fait l’objet d’une mesure disciplinaire. Par conséquent, je n’ai pas la compétence nécessaire pour trancher le présent grief.

99 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

VIII. Ordonnance

100 Le grief contestant la suspension d’une journée est accueilli en partie.

101 Le grief alléguant des lacunes dans la procédure disciplinaire appliquée par l’employeur est rejeté.

102 L’employeur doit rembourser à la fonctionnaire le salaire qu’elle a perdu en raison de sa suspension d’une journée, purgée le 15 juin 1999.

103 Le grief contestant le licenciement est rejeté.

Le 25 mai 2009.

Traduction de la CRTFP

Renaud Paquet,
arbitre de grief

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.