Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’employeur avait supprimé les noms des fonctionnaires s’estimant lésés de la liste de disponibilité par souci d’économie - ils étaient classifiés dans le groupe et au niveau CS-02 - seuls les noms d’employés CS-01 avaient été maintenus sur la liste - la liste était utilisée pour désigner les employés ayant pour tâche de répondre aux questions adressées au service de dépannage de la technologie de l’information après les heures de travail et les fins de semaine - à cause de cela, les fonctionnaires s’estimant lésés faisaient beaucoup moins d’heures supplémentaires qu’ils n’en faisaient auparavant - l’employeur a soulevé une objection préliminaire, en faisant valoir que les griefs portaient exclusivement sur l’article9 de la convention collective et non pas aussi sur l’article11 puisqu’il n’était pas question de cette disposition dans les griefs - l’arbitre de grief a conclu que les griefs portaient sur les deux dispositions - à titre de réparation, les fonctionnaires s’estimant lésés demandaient dans leurs griefs que leurs noms soient réinscrits sur la liste de disponibilité - du reste, toutes les réponses reçues de l’employeur aux griefs faisaient référence aux deux dispositions - puisque la clause11.02 portait expressément sur les fonctions de disponibilité et que c’était la plus explicite des deux dispositions en cause, l’attention devait se porter en premier lieu sur cette disposition - l’arbitre de grief a conclu que l’employeur avait le droit de choisir qui, parmi les employés, pouvait être inscrit sur la liste de disponibilité - le droit de l’employeur de choisir des employés inscrits sur la liste pour leur attribuer des fonctions de disponibilité était limité par la disposition de la convention collective qui lui imposait de s’efforcer de prévoir une répartition équitable des fonctions de disponibilité - la convention collective était muette sur la question du droit de l’employeur de supprimer des noms de la liste de disponibilité - la question portait donc sur les droits et le pouvoir discrétionnaire de la direction, qui doivent être exercés de manière raisonnable et à des fins organisationnelles - le choix du groupe d’employés auquel l’employeur fait appel pour dresser la liste de disponibilité est une décision discrétionnaire qui est assujettie à la norme de la décision raisonnable - l’arbitre de grief a conclu que la décision de supprimer les noms des fonctionnaires s’estimant lésés de la liste était basée sur d’authentiques considérations d’ordre économique, que ce n’était pas une décision déraisonnable et qu’elle n’était pas basée sur un objectif organisationnel illégitime. Griefs rejetés.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2009-04-07
  • Dossier:  166-34-37411 et 37412
  • Référence:  2009 CRTFP 42

Devant un arbitre de grief


ENTRE

CHERYL SCANLON ET RANDY CHRISTIANSON

fonctionnaires s'estimant lésés

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

employeur

Répertorié
Scanlon et Christianson c. Agence du revenu du Canada

Affaire concernant des griefs renvoyés à l’arbitrage en vertu de l’article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
John Steeves, arbitre de grief

Pour les fonctionnaires s'estimant lésés:
Arlene Francis, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Chris Bernier, avocat

Affaire entendue à Vancouver (Colombie-Britannique),
du 8 au 10 octobre 2008.
(Arguments écrits déposés le 12 novembre et les 1er et 8 décembre 2008.)
(Traduction de la CRTFP)

Grief renvoyé à l'arbitrage

1 Les présents griefs consistent à établir si la décision de l’Agence du revenu du Canada (l’« employeur » ou l’ARC) de retirer les noms de Cheryl Scanlon et de Randy Christianson, les fonctionnaires s'estimant lésés (les « fonctionnaires »), de la liste de disponibilité du Bureau d’aide, durant les heures hors-service et les fins de semaine, était raisonnable et autrement conforme à la convention collective et à la jurisprudence arbitrale.

2 La convention collective qui s’applique dans le contexte de l’examen de ces griefs est la « Convention entre l’Agence des douanes et du revenu du Canada (le nom de l’employeur a ensuite changé pour devenir l'Agence du revenu du Canada) et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada », qui a expiré le 21 décembre 2003.

3 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ces renvois à l'arbitrage de grief doivent être décidés conformément à l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35.

Résumé de l’argumentation

4 L’agent négociateur affirme que le retrait des fonctionnaires de la liste de disponibilité du Bureau d’aide a eu pour effet que ces employés ne pouvaient plus travailler des heures supplémentaires comme par le passé. Cela s’est traduit par une importante perte de revenu et est contraire à deux dispositions de la convention collective, en l’occurrence les articles 9 et 11. D’après l’agent négociateur, lorsqu'on les lit ensemble, on constate que la décision de l’employeur de retirer les fonctionnaires n’était pas équitable et qu'elle était arbitraire. De plus, les fonctionnaires n’ont jamais reçu d’explications quant aux raisons à l’origine du retrait de leur nom de la liste de disponibilité du Bureau d’aide.

5 L’employeur affirme que les articles 9 et 11 de la convention collective doivent être lus séparément et qu’il n’y avait aucune répartition inéquitable des heures supplémentaires. Sa décision de retirer les fonctionnaires de la liste de disponibilité du Bureau d’aide constituait un exercice raisonnable des droits de la direction et visait à réaliser des économies et à obtenir des gains d’efficience, toujours selon l’employeur.

Contexte

6 L’employeur exerçait une vaste responsabilité de collecte de revenu pour le gouvernement du Canada, y compris dans les secteurs des douanes et de l’accise. Les événements à l’origine des griefs examinés ici se sont produits dans la région de la Colombie-Britannique de l’employeur.

7 Les opérations de l’employeur incluaient une composante de technologie de l’information (TI) et à l’intérieur de cette composante, il y avait un Bureau d’aide régional. Les employés qui travaillaient au Bureau d’aide étaient chargés de répondre à diverses questions techniques posées par d’autres employés travaillant pour le même employeur. Par exemple, une plainte courante formulée par les employés était l’impossibilité d'accéder à des ordinateurs, et il se pouvait qu'il était alors nécessaire de changer des mots de passe.

8 Le Bureau d’aide était au service des employés durant la journée, du lundi au vendredi. Durant cette période, lorsque les employés avaient un problème, ils téléphonaient au Bureau d’aide et parlaient directement à une personne. La personne qui prenait l’appel soit réglait le problème, soit le transmettait à quelqu'un d'autre, si elle était incapable de résoudre le problème. Cette pratique est ce qu’on appelle la « communication du problème à un palier supérieur ».

9 La situation était différente durant les heures hors-service et les fins de semaine. Il y avait une liste de personnes qui étaient sélectionnées en vue de faire partie d’une liste de disponibilité dressée pour le Bureau d’aide, et on demandait à ces personnes d'être disponibles durant des périodes spécifiques. Les employés en disponibilité étaient munis d’un téléavertisseur et d’un ordinateur portatif. Si quelqu’un avait un problème technique après les heures, il ou elle appelait le même numéro d’aide que durant la journée, mais l’appel était envoyé au téléavertisseur de la personne en disponibilité. Si la personne qui recevait l’appel ne pouvait régler le problème, celui-ci était communiqué à un palier supérieur, souvent à Ottawa. Contrairement à la situation durant la journée, le technicien en disponibilité devait surveiller le problème et s’assurer qu’il était réglé d’une façon ou d’une autre, même s’il avait peut-être été communiqué à un palier supérieur.

10 L’article 11 de la convention collective prévoit que lorsqu’un employé est en disponibilité, il a droit à une indemnité de disponibilité à un taux équivalent à une demi-heure de travail pour chaque période entière ou partielle de quatre heures durant laquelle il est en disponibilité. De plus, la clause 11.04 prévoit que lorsqu’un employé en disponibilité prend un appel, l’employé touche un minimum de trois heures de rémunération au taux des heures supplémentaires applicable, la première fois qu’il est tenu de travailler ainsi durant la période de disponibilité.

11 La nécessité de travailler des heures hors-service au Bureau d’aide a commencé vers le milieu des années 1990 et était due principalement aux activités exécutées par l’employeur dans le secteur des douanes, parce que les activités aux aéroports et aux frontières devaient être accomplies à toutes les heures de la journée et tous les jours de la semaine. On ne dispose pas de détails précis concernant les débuts du Bureau d’aide des employés en disponibilité, mais il est clair qu’il était préférable, sans que ce soit nécessaire, pour les employés d’avoir des antécédents dans le domaine des douanes, parce qu’on utilise des systèmes informatiques particuliers dans ce secteur. Le service d’aide a maintenant été étendu du secteur des douanes et est devenu un service généralisé s’occupant de nombreux aspects différents des opérations de l’employeur.

12 Les griefs examinés ici concernent principalement deux classifications. L’une porte le nom d’analyste de technologie de l’information, ou CS-01, et l’autre, de spécialiste technique de la technologie de l’information, ou CS-02. Le poste CS-02 est rémunéré à un taux supérieur à celui de CS-01.

13 Les fonctionnaires travaillaient antérieurement au niveau CS-01 mais en 2000, M. Christianson est devenu CS-02 et en 2001, Mme Scanlon est également passée à ce niveau. Les deux fonctionnaires ont des antécédents dans le secteur des douanes et ils ont témoigné qu’ils avaient commencé à travailler pour le Bureau d’aide des employés en disponibilité au début (au milieu des années 1990), quand celui-ci se concentrait principalement sur le secteur des douanes. La preuve montre que les fonctionnaires étaient disponibles ainsi cinq ou six fois par an, par rotation avec les autres employés inscrits sur la liste de disponibilité, et qu’ils gagnaient de 1 000 à 1 500 $ nets par semaine, lorsqu’ils étaient en disponibilité. L’agent négociateur estime qu’ils gagnaient environ 10 000 $ par an de cette manière, et l’employeur ne conteste pas ce chiffre.

14 En avril 2003, les fonctionnaires ont été informés par téléphone que leur nom ne serait plus inscrit sur la liste de disponibilité du Bureau d’aide. On ne dispose pas de la date précise de l’appel ni de détails à propos de la conversation. Cependant, il est clair que la raison donnée aux fonctionnaires pour le retrait de leur nom de la liste de disponibilité était qu’ils faisaient partie maintenant du niveau CS-02 et que l’employeur avait décidé que seulement des employés au niveau CS-01 figureraient dans la liste. Tel que noté plus haut, on convient que les CS-01 gagnent moins que les CS-02, et ce changement s’est traduit par une économie pour l’employeur.

15 D’après l’employeur, le changement consistant à faire appel uniquement à des employés classifiés au niveau CS-01 dans la liste de disponibilité n’était que l’un de nombreux changements apportés. M. Stephen Elliott, gestionnaire supérieur, ARC, a témoigné qu’il y avait un certain nombre de pressions à l’époque. Tandis qu’on mettait l’accent sur les gains d’efficience, M. Elliott a affirmé que l’objectif était également d’économiser de l’argent. Ces changements ont affecté tous les éléments de la composante de TI de l’employeur. M. Elliott a parlé d’un certain nombre de réunions qui se sont tenues au début de 2003 et a précisé qu’à la même époque, l’employeur était tenu de procéder à une réduction budgétaire d’environ 10 %. Ces changements ont été discutés à un niveau élevé par un comité se penchant sur les économies à réaliser, lors des « examens horizontaux » et à une tribune intitulée « A-9 ».

16 Les deux fonctionnaires ont reconnu, durant leur témoignage, que l’employeur faisait face à des pressions économiques en 2003. Cependant, ils sont sceptiques que ces pressions ont occasionné le retrait de leur nom de la liste de disponibilité du Bureau d’aide. Ils s’inquiètent également de ce que personne ne leur a expliqué la raison de leur retrait. Lorsqu’ils ont été informés qu’ils ne feraient plus partie du Bureau d’aide des employés en disponibilité, ils ont fait plusieurs démarches pour en découvrir la raison. Plus particulièrement, ils ont contesté l’assertion de l’employeur que le changement se traduirait par des économies de 7 000 $ par an (et ils continuent de remettre en question ce chiffre). Il y a eu un échange de courriels entre les fonctionnaires et leur superviseur à l’époque sur le sujet, et cet échange est décrit ci-dessous.

17 Par conséquent, dans le contexte de la convention collective et des droits de la direction en général, ces griefs contestent les raisons sur lesquelles reposait la décision de l’employeur de retirer le nom des fonctionnaires de la liste de disponibilité du Bureau d’aide, ainsi que le processus entourant cette décision.

Question préliminaire

18 Au début de l’audience portant sur ces griefs, l’employeur a soulevé une objection préliminaire. Il a affirmé que les griefs avaient trait uniquement à l’article 9 de la convention collective et, plus particulièrement, qu’il n’y avait aucun lien entre eux et l’article 11. La position de l’agent négociateur, par contre, était que les griefs portaient sur les deux articles.

19 J’ai entendu les observations présentées de vive voix par les parties à l’audience et j’ai décidé que les griefs portaient à la fois sur l’article 9 et sur l’article 11. Je fournis plus loin les raisons qui m’ont poussé à en décider ainsi.

20 Les deux griefs incluaient le libellé suivant :

[Traduction]

On m’a refusé la possibilité de faire des heures supplémentaires selon un horaire de disponibilité, ce qui contrevient à la clause 9.03 b) de la convention collective en vigueur ADRC-VFS.

21 Selon l’employeur, du fait qu'uniquement l’article 9 est mentionné, seule cette clause est visée (c.-à-d. que la clause 11.02 ne fait pas partie du grief). La clause 9.03b) de la convention collective est formulée comme suit :

9.03b) Sous réserve des nécessités du service, l’Employeur s’efforce autant que possible de ne pas prescrire un nombre excessif d’heures supplémentaires et d’offrir le travail supplémentaire de façon équitable entre les employés qualifiés qui sont facilement disponibles.

22 Pour ce qui est de la réparation, dans chacun des griefs, les fonctionnaires demandent à être [traduction] « réintégrés à l’horaire de disponibilité ». On convient qu’en anglais on-calldésigne le fait d’être en disponibilité (standby). Je profite de l’occasion pour inclure ici tout l’article 11, du fait qu’il décrit les procédures à suivre dans le cadre de la disponibilité (tel que noté plus haut, la clause 11.02 et surtout la dernière phrase sont visées tout particulièrement par ces griefs) :

11.01  Lorsque l’Employeur exige de l’employé qu’il soit disponible pendant une période précise en dehors des heures de travail normales, l’employé est rémunéré au taux d’une demi-heure (1/2) pour toute période de quatre (4) heures ou partie de cette période pendant laquelle l’employé doit être disponible.

11.02  L’employé désigné par une lettre ou une liste pour remplir des fonctions de disponibilité doit pouvoir être joint au cours de cette période à un numéro téléphonique connu et pouvoir rentrer au travail aussi rapidement que possible s’il est appelé à le faire. Lorsqu’il désigne des employés pour des périodes de fonction de disponibilité, l’Employeur doit s’efforcer de prévoir une répartition équitable des fonctions de disponibilité.

11.03  L’employé appelé qui se trouve dans l’impossibilité de se présenter au travail ne recevra aucune indemnité de disponibilité.

11.04  L’employé en fonction de disponibilité qui est tenu de rentrer au travail touche, en plus de l’indemnité de disponibilité, le plus élevé des montants suivants :

a)       la rémunération au taux applicable du travail supplémentaire pour les heures effectuées;

          ou

b)       un minimum de trois (3) heures de rémunération au taux des heures supplémentaires applicable, sauf que ce minimum ne s’applique que la première fois que l’employé est tenu de se présenter au travail durant une période de fonction de disponibilité de huit (8) heures.

11.05  Sauf dans le cas où l’employé est tenu par l’Employeur d’utiliser un véhicule de l’Employeur pour se rendre à un lieu de travail autre que son lieu d’affectation normal, le temps que l’employé met pour se rendre au travail ou pour rentrer chez lui n’est pas considéré comme du temps de travail.

11.06  Les heures supplémentaires acquises en vertu du présent article sont rémunérées en argent; cependant, à la demande de l’employé et à la discrétion de l’Employeur, les heures supplémentaires peuvent être prises sous forme de congé compensatoire conformément aux paragraphes 9.04 et 9.05 de l’article 9, Heures supplémentaires.

Dispositions de dérogation

Les paragraphes 11.07 et 11.08 ne s’appliquent qu’aux employés classifiés CS.

11.07  Lorsqu’un employé en fonction de disponibilité est rappelé au travail selon les conditions énoncées au paragraphe 11.04 et est obligé d’utiliser les services de transport autres que les services de transport en commun normaux, il est indemnisé conformément aux dispositions du paragraphe 10.04 de la présente convention.

11.08  L’Employeur convient que dans les endroits et dans les circonstances où des mécanismes de système d’appel électronique sont possibles et efficaces, ces derniers soient fournis sans frais aux employés qui sont en fonction de disponibilité.

23 La preuve concernant cette question préliminaire incluait également les réponses de l’employeur aux différents paliers de la procédure de règlement des griefs. Dans sa réponse au premier palier, datée du 21 mai 2003, l’employeur se penchait sur le grief et notamment sur une affirmation concernant la [traduction] « création d'un horaire de disponibilité qui offrira des heures supplémentaires en les répartissant de façon équitable parmi les employés ». Dans les réponses fournies aux deuxième et troisième paliers, il examine également le soutien et les fonctions à assurer durant des périodes de disponibilité en tant que des questions faisant partie du grief. En outre, dans sa réponse finale datée du 10 octobre 2006, l’employeur a déclaré qu’il avait [traduction] « constaté que même si votre grief concerne la clause 9.03b) traitant des heures supplémentaires, la question en est une qui a trait aux fonctions de disponibilité ».

24 Il ressort de la preuve susmentionnée que les griefs ne mentionnent pas spécifiquement l’article 11 de la convention collective. Cependant, il est question dans les griefs de l’« horaire de disponibilité », ce qui renvoie clairement à l’article 11. De plus, il semble y avoir peu de doute que l’employeur savait que les griefs portaient sur les heures supplémentaires et sur les horaires de disponibilité, c’est-à-dire sur les articles 9 et 11, puisque dans toutes ses réponses au grief, l’employeur traite de ces deux questions.

25 En l’espèce, je confirme ma décision antérieure que les griefs sont suffisamment détaillés à première vue en ce qui concerne la question des horaires de disponibilité et que l’employeur était au courant de la nature de cette question à tous les niveaux  (Shneidman c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2007 CAF 192, au paragr. 27). Par conséquent, les horaires de disponibilité aux termes de l’article 11 de la convention collective constituent un aspect visé par les griefs dont j’ai été saisi, tout comme la question des heures supplémentaires en vertu de l’article 9.

Décision et motifs

26 Pour commencer, il y a un certain désaccord entre les parties qu’il y a lieu de régler et qui a trait à l'interprétation à donner aux griefs. L’agent négociateur affirme que les griefs examinés ici doivent être tranchés aux termes de la clause 9.03b) de la convention collective, clause que je reproduis ici à titre d’information :

9.03b) Sous réserve des nécessités du service, l’Employeur s’efforce autant que possible de ne pas prescrire un nombre excessif d’heures supplémentaires et d’offrir le travail supplémentaire de façon équitable entre les employés qualifiés qui sont facilement disponibles.

27 L’agent négociateur affirme qu’il s’agit d’un libellé « obligatoire » et estime que l’employeur n’a aucunement montré qu’il y avait des « nécessités du service » en l’espèce. Par conséquent, d’après l’agent négociateur, l’employeur était tenu d’offrir le travail supplémentaire « de façon équitable entre les employés qualifiés qui sont facilement disponibles », groupe dont faisaient partie les fonctionnaires, et qu’il était « obligatoire » pour lui de le faire. Étant donné que les fonctionnaires ne se sont vu offrir aucun travail supplémentaire (se présentant sous la forme de travail au Bureau d’aide des employés en disponibilité), selon l’agent négociateur, l’employeur a enfreint la clause 9.03b) et, dans ce contexte, les fonctionnaires se réfèrent, entre autres, à la décision rendue dans l’affaire Zelisko et Audia c. Conseil du Trésor (Citoyenneté et Immigration Canada), 2003 CRTFP 67.

28 De l’autre côté, l’employeur se réfère à la clause 11.02 de la convention collective, que j’ai également reproduite ici :

11.02  L’employé désigné par une lettre ou une liste pour remplir des fonctions de disponibilité doit pouvoir être joint au cours de cette période à un numéro téléphonique connu et pouvoir rentrer au travail aussi rapidement que possible s’il est appelé à le faire. Lorsqu’il désigne des employés pour des périodes de fonction de disponibilité, l’Employeur doit s’efforcer de prévoir une répartition équitable des fonctions de disponibilité.

29 D’après l’employeur, la clause 11.02 lui permet, de par les droits de la direction dont il jouit, de décider quels employés seront « en disponibilité », dans la mesure où cette décision n’est pas prise de façon arbitraire, capricieuse ou sans motif. En l’espèce, l’employeur affirme que sa décision de retirer les fonctionnaires de la liste de disponibilité a été prise pour des raisons économiques valides et, par conséquent, il n’y a eu aucune violation de la clause 11.02.

30 À mon avis, la clause 11.02 est la disposition la plus spécifique des deux et celle sur laquelle il y a lieu de se pencher principalement en l’espèce (Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, quatrième édition, paragraphe 4:2120). Il est vrai qu’il est question d’heures supplémentaires à la clause 9.03b), mais celle-ci ne traite pas spécifiquement du travail supplémentaire accompli dans le cadre des fonctions exécutées en rapport avec le Bureau d’aide des employés en disponibilité. Elle s'applique donc aux heures supplémentaires en général, et non pas juste au travail supplémentaire effectué au Bureau d'aide des employés en disponibilité. Par contraste, l’article 11 porte directement sur la question du Bureau d’aide des employés en disponibilité. Cela inclut les heures supplémentaires travaillées dans ce contexte, tel qu’énoncé à la clause 11.04. Comme on peut le lire plus haut, la clause précise que l’employé qui fait partie d’une liste de disponibilité et qui est tenu de rentrer au travail touche le plus élevé de deux montants, c’est-à-dire « la rémunération au taux des heures supplémentaires applicable pour les heures effectuées » ou un montant minimum indiqué à la clause 11.04. Globalement parlant, en l’espèce, la clause 11.02 est le point de départ pour les questions entourant le Bureau d’aide des employés en disponibilité (même si, comme on le verra, j’ai examiné les deux dispositions pour trancher une question d’interprétation).

31 Me tournant vers l’interprétation précise de la clause 11.02 de la convention collective, je note que la dernière phrase est formulée comme suit : « Lorsqu’il désigne des employés pour des périodes de fonction de disponibilité, l’Employeur doit s’efforcer de prévoir une répartition équitable des fonctions de disponibilité. » Il s’agit d’un libellé quelque peu indirect, mais il est clair cependant que l’employeur a le droit contractuel de désigner ou de sélectionner les employés qu'il souhaite inclure à la liste de disponibilité. Or, ce droit est tempéré par le fait que l’employeur « doit s’efforcer de prévoir une répartition équitable des fonctions de disponibilité [je souligne] ». Le mot anglais endeavour (« s’efforcer ») est défini comme suit dans le Black’s Law Dictionary, cinquième édition (1979), à la page 473 : [traduction] « L’exercice d’une force physique et intellectuelle pour atteindre un objectif. Un effort systématique ou continu ». Un sens similaire est [traduction] « une entreprise ou un effort visant à réaliser un objectif » ou « une tentative sérieuse ou vigoureuse » (The Canadian Oxford Dictionary, Oxford University Press (1998), à la page 460).

32 Un important élément dans ces définitions est l’idée d’une « tentative » ou que l’on « tend vers quelque chose ». Je dis cela, parce que la clause 11.02 n’oblige pas l'employeur de prévoir une répartition équitable des fonctions de disponibilité. Au lieu de cela, pour respecter cette disposition, l’employeur doit faire un effort considérable pour atteindre cet objectif qu'est la répartition équitable des fonctions de disponibilité. Par ailleurs, il peut y avoir des raisons qui empêchent l’employeur de réaliser cet objectif. Cependant, pour autant que ces raisons ne soient pas arbitraires (c’est-à-dire dans la mesure où elles sont reliées, de façon rationnelle, à un objectif opérationnel légitime), discriminatoires ou de mauvaise foi et qu’un effort significatif ait été déployé pour surmonter les obstacles qui empêchent une répartition équitable des fonctions de disponibilité, il peut toujours y avoir respect de la clause 11.02. En ce qui concerne la référence à la « répartition équitable » des fonctions de disponibilité, manifestement, le but est de répartir équitablement, parmi les employés, l’avantage que présente la rémunération au taux d'un et demi qui est versée pendant les périodes de disponibilité. Par conséquent, l’employeur doit également offrir, de façon équitable, la possibilité aux employés de travailler en faisant partie de la liste de disponibilité.

33 Si j’applique cette analyse aux griefs dont je suis saisi, la clause 11.02 ne peut être interprétée comme obligeant l’employeur de désigner des employés en vue de l’exécution de fonctions de disponibilité d’une façon équitable peu importe les circonstances. En l'occurrence, il est indéniable que les fonctionnaires sont qualifiés et ont l’expérience voulue pour travailler au Bureau d’aide des employés en disponibilité, mais, si l’on interprète cette disposition contractuelle, cela ne veut pas dire que l’employeur doit leur confier ce travail d’une manière équitable.

34 Fait significatif, je note aussi que l’article 11 ne porte pas sur le retrait d’employés de la liste de disponibilité du Bureau d’aide; elle se limite à décrire, à la clause 11.02, la manière dont les employés sont désignés aux fins d’exécution de fonctions de disponibilité ou sont ajoutés à la liste de disponibilité puisqu’il inclut le bout de phrase « Lorsqu’il désigne des employés pour des périodes de fonction de disponibilité […] [je souligne] ». D’un autre côté, on ne peut pas dire que ce libellé empêche l’employeur de retirer des employés de la fonction de disponibilité. À vrai dire, il peut être plus logique de conclure que le droit d’inscrire des employés à la liste inclut le droit d’en retirer de la liste, mais aucune des parties n’a soulevé cette question. De plus, il n’y a aucune preuve décrivant l’historique de négociation de cette disposition et, plus particulièrement, aucune preuve expliquant pourquoi le retrait des employés de la liste n’a pas été abordé.

35 Une autre approche pour établir l’intention des parties en ce qui concerne le retrait d’employés du Bureau d’aide des employés en disponibilité est de lire les clauses 11.01 et 9.03b) ensemble. Cela présente un certain attrait initial, étant donné que la dernière inclut des exigences opérationnelles et pourrait être considérée comme pouvant servir de base au retrait d’employés du Bureau d’aide des employés en disponibilité. Cependant, la clause 9.03b) porte sur un « nombre excessif d’heures supplémentaires » et sur la façon dont le travail supplémentaire est « offert », plutôt que sur le refus d’offrir des heures supplémentaires se présentant sous la forme de périodes de fonction de disponibilité. Or, le résultat est le même : les parties n’ont pas mentionné expressément le retrait d’employés du Bureau d’aide des employés en disponibilité.

36 Par conséquent, la question a trait à l’exercice des droits de la direction et je conclus qu’en l’absence d’une disposition portant sur le retrait d’employés de la liste du Bureau d’aide, l’employeur a le pouvoir discrétionnaire de décider si quelqu’un devrait être rayé de cette liste. La jurisprudence arbitrale exige que ce pouvoir discrétionnaire soit exercé raisonnablement et dans un but opérationnel (Brown et Beatty, auparagraphe 4:2300). Un aspect implicite de cette norme relative au caractère raisonnable de la décision est que mon examen, que je mène en ma qualité d’arbitre saisi des griefs devant moi, ne porte pas sur le bien-fondé de la décision de l’employeur. Il peut y avoir plus d’un résultat découlant de l’exercice raisonnable des droits de la direction et le fait que j’aurais pu en arriver à une décision différente ne constitue pas le critère à appliquer dans ce cas-ci.

37 En l’espèce, personne n’adopte la position qu’il est interdit à l’employeur de retirer un employé de la liste quelles que soient les circonstances – la question est de savoir si l’employeur peut retirer les fonctionnaires dans les circonstances examinées ici. Donc, aux fins de l’analyse susmentionnée, la question est d’établir si la décision de l’employeur de retirer les fonctionnaires du Bureau d’aide des employés en disponibilité était déraisonnable ou prise en l’absence d’un objectif opérationnel légitime.

38 Les faits en l’espèce sont que les fonctionnaires avaient la possibilité de faire partie de la liste pendant un certain nombre d’années et puis que leur nom en a été retiré. La raison de ce retrait était qu’ils étaient classifiés au niveau CS-02 et que l’employeur souhaitait épargner de l’argent en faisant appel à des employés classifiés au niveau CS-01, qui étaient rémunérés à un taux inférieur. La clause 11.02 n’est pas particulièrement utile pour les fonctionnaires sur ce point, puisqu’elle n’exige rien d’autre de l’employeur que de faire un effort pour répartir équitablement le travail parmi les employés figurant dans la liste de disponibilité. Elle ne précise pas que l’employeur est obligé de prévoir une répartition équitable des fonctions de disponibilité, par exemple, parmi « tous les employés ». De plus, une telle interprétation est problématique parce que, par exemple, elle ne permet pas d’examiner si les employés possèdent les qualifications nécessaires pour faire partie de la liste de disponibilité. Ainsi, la décision quant au groupe d’employés auxquels l’employeur fait appel pour constituer sa liste de disponibilité semble également être de nature discrétionnaire et, une fois de plus, être assujettie à une norme visant à établir son caractère raisonnable.

39 La question de savoir si le retrait des fonctionnaires de la liste du Bureau d’aide a permis dans les faits de réaliser des économies était une question très importante dans le contexte de la preuve. De façon générale, il est clair que l’employeur faisait face à un certain nombre de pressions budgétaires et, plus particulièrement, à l’égard de ses fonctions de TI, aux moments pertinents. La preuve est que des pressions étaient occasionnées par une réduction de 10 % du budget et que cette réduction faisait suite à un important examen des opérations de TI, y compris de leur coût. D’après l’employeur, cette situation a conduit à un certain nombre de décisions qui avaient pour but de faire des économies et qui incluaient l’élimination des CS-02 de la liste de disponibilité, ainsi que des réductions au chapitre de la formation, des voyages et d’autres aspects. Ce fait n’est pas contesté, étant donné que les deux fonctionnaires ont déclaré, lors de leur témoignage, qu’ils étaient conscients des pressions budgétaires subies par l’employeur.

40 Plus particulièrement, les fonctionnaires doutent que leur retrait de la liste de disponibilité du Bureau d’aide se soit traduit par des économies significatives pour l’employeur. En réponse à leurs demandes de renseignements sur la question, M. Oke Millett, directeur adjoint, ARC, a écrit un courriel le 14 avril 2003. M. Millett a fait un certain nombre d’affirmations, y compris les suivantes :

[Traduction]

[…]

Darlene a réexaminé les chiffres, et voici les résultats qu’elle a obtenus :

Quand les employés CS-1 sont rendus à l’échelon supérieur de leur échelle de traitement, la différence de salaire entre eux et un CS-2 au quatrième échelon est petite. Les économies réalisées entre un CS-2 à l’échelon 4 et un CS-1 à l’échelon 15 ne s’élève qu’à 200 $ par an (si le CS-1 et le CS-2 travaillent le même nombre d’heures supplémentaires – supposition faite pour le modèle décrit ici). Cependant – lorsque les employés CS-1 se trouvent à mi-chemin dans l’échelle (échelon 9), les économies sont nettement plus importantes – approximativement 2 500 $ par an. De plus, si nous maintenons la pratique de permettre à des membres du personnel CS-2 d’accomplir des fonctions de disponibilité, les employés CS-2 qui sont rémunérés au-delà de la quatrième augmentation salariale coûterait progressivement plus cher. Notre profil actuel d'affectation de CS-1 (six personnes) au bureau d’aide inclut des employés CS-1 qui sont rémunérés entre le 9e et le 15e échelons.

Lorsque nous combinons les économies prévues et des plans de réduction du volume du nombre des appels reçus après les heures (dans la mesure où c’est faisable), nous obtenons une réduction des coûts qui augmente de façon exponentielle si nous faisons appel à des employés CS-1. Ainsi, les économies estimées à 7 000 $ par an sont justifiées, à mon avis, si l’on se base sur une combinaison de coûts salariaux inférieurs et un volume d’appels réduit.

Je prévois de continuer à utiliser du personnel CS-2 après les heures pour les visites sur place/la résolution de problèmes d’urgence, lorsqu’un tel rappel au travail est justifié à cause de la priorité/gravité de l’incident. Ces rappels au travail ne feraient pas partie d’un régime formel « de disponibilité », mais se feraient selon le besoin et d’après la disponibilité des employés. (Par exemple – si un CS-2 était appelé après les heures et était prié de se rendre à un endroit pour résoudre un problème, il n’y aurait aucune obligation contractuelle pour cette personne d’être disponible pour recevoir cette communication et elle aurait le droit de refuser d’intervenir ainsi. La raison en est qu’elle ne serait pas officiellement « en disponibilité », et qu’elle ne toucherait pas la rémunération de disponibilité en vertu de la convention collective).

On n'a constaté aucune différence importante dans la fréquence des appels transmis au niveau des CS-3 ou MG-6 au moment de la comparaison des CS-1 et des CS-2. Essentiellement, les seuls appels renvoyés ainsi à un palier supérieur sont ceux où il y a lieu de déterminer s’il faut se rendre sur place en personne après les heures – et CHACUNE de ces situations exige le renvoi à un palier supérieur, peu importe que l’appel soit pris par un CS-1 ou un CS-2.

Essentiellement, on peut réaliser de véritables économies mesurables en ne demandant plus à du personnel CS-2 de se charger de fonctions de disponibilité. En procédant ainsi, nous mettrons l’accent sur la formation et le perfectionnement de nos employés CS-1 pour qu’ils assurent un soutien de haute qualité durant les heures hors-service, et la nature du travail auquel nous nous attendons après les heures est un travail effectué au niveau CS-1. En outre, ces projets s’inscrivent dans notre effort continu pour mieux structurer le bureau d’aide, pour adopter de meilleurs scénarios/fonctions reliées à la base de connaissances, pour officialiser davantage le nombre des employés dans le « bassin » de disponibilité et pour mieux structurer les attentes de résolution des problèmes lorsque les employés sont en disponibilité.

[…]

41 Les fonctionnaires s’appuient sur la mention d’une économie de 200 $ par an, qui d’après eux n’était pas suffisamment importante pour justifier leur retrait de la liste de disponibilité par rotation en avril 2003. Cependant, lorsqu’on lit le courriel de M. Millett, on constate qu’il s’agissait d’un montant minimal d’économies basé sur ce que l’on pourrait décrire comme des chiffres très modestes. Comme il l’a indiqué, M. Millett évaluait les économies aux alentours de 7 000 $ par an. Je devrais peut-être noter à ce stade-ci que ce n’est pas à moi d’essayer de deviner quels étaient les détails de la situation budgétaire de l’employeur; mon rôle consiste à déterminer si les droits de la direction ont été exercés raisonnablement.

42 Je conclus que, dans ce cas-ci, la décision de retirer les fonctionnaires de la liste de disponibilité du Bureau d’aide était fondée sur des pressions économiques véritables et qu’on ne peut la qualifier de déraisonnable ou comme répondant à un objectif opérationnel illégitime. Les fonctionnaires reconnaissent la situation financière dans laquelle se trouvait leur employeur aux moments pertinents et leur litige porte sur la question de savoir si le retrait des CS-02 du Bureau d’aide des employés en disponibilité s’est fait pour une raison significative ou non. Le témoignage des fonctionnaires laisse entendre implicitement qu’une économie de 7 000 $ par an aurait été significative, et il y a une preuve selon laquelle l’employeur s’est fondé sur ce montant pour prendre sa décision.

43 Pour résumer, j’ai conclu que la principale disposition de la convention collective qui s’applique aux griefs examinés ici est la clause 11.02. Je reconnais que la clause 9.03b) porte sur les heures supplémentaires et une répartition équitable du travail supplémentaire, mais je ne partage pas l’avis de l’agent négociateur que la clause 9.03b) est déterminante. J’accepte que les fonctionnaires étaient disponibles et qualifiés mais la question ne se limite pas à cela. L’exigence de « s’efforcer autant que possible » d’offrir le travail supplémentaire de façon équitable n’oblige pas l’employeur d'offrir des fonctions de disponibilité d’une façon similaire et, par conséquent, cette exigence est quelque peu semblable à la clause 11.02b) selon laquelle l’employeur « doit s’efforcer » de prévoir une répartition équitable des fonctions de disponibilité. Il ne s'agit pas d'une situation où il y aurait un droit spécifique de travailler au Bureau d’aide des employés en disponibilité. Ainsi, ce cas est différent des autres cas où une décision financière unilatérale prise par l’employeur prive quelqu’un d’un droit en vertu d’une convention collective comme c’était le cas dans Tremblay c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), dossier de la CRTFP 166-02-17538 (1989) (QL), au paragr. 31. De toute manière, dans ce cas-là, pour rendre sa décision, l’employeur s’était basé sur les « nécessités du service ».

44 J’ai indiqué plus haut que l’agent négociateur se fonde sur la clause 9.03b) et j’ai conclu que ces griefs concernent principalement une question visée par une autre clause, soit la clause 11.02. Par conséquent, l’analyse effectuée dans Zelisko et Audia ne s’applique pas, puisque cette décision était basée uniquement sur un libellé équivalent à celui de la clause 9.03b). Je dis « principalement » parce que la clause 9.03b) s’applique de façon générale aux heures supplémentaires et parce que les employés qui travaillent au Bureau d’aide  des employés en disponibilité sont payés au taux des heures supplémentaires. Tel qu’indiqué plus haut, j’ai examiné les deux dispositions pour résoudre la question de l’interprétation déjà abordée, mais cette démarche n’est pas utile. Par ailleurs, je ne partage pas l’avis de l’agent négociateur que la clause 9.03b) est « obligatoire » en ce sens qu’elle obligerait l’employeur d’offrir du travail supplémentaire de façon équitable, dans la mesure où les employés qualifiés sont facilement disponibles.

45 Il reste à régler quelques faits découlant de la preuve.

46 Dans la preuve, il y avait un certain désaccord entourant les différences entre une classification au niveau CS-01 et une classification au niveau CS-02. On ne conteste pas que, de façon générale, un CS-02 est un employé plus haut placé ayant une plus grande responsabilité et qu’il est donc rémunéré à un niveau plus élevé. Or, cela est compliqué par le fait qu’aux échelons plus élevés de la classification CS-01, les employés sont payés plus que les employés aux échelons plus bas de la classification CS-02. Par exemple, en mai 2003, la rémunération la plus élevée d’un CS-01 était de 55 127 $, tandis qu’un employé CS-02 au plus bas échelon touchait 50 981 $. Cette situation n’est pas particulièrement inhabituelle puisqu’elle reflète simplement la structure courante des barèmes des salaires et, dans le contexte des griefs examinés ici, on ne peut accorder aucune signification aux différents échelons salariaux dans chacune des classifications.

47 Le désaccord au sujet de la nature des postes CS-01 et CS-02 s’étendait aussi au type de travail accompli au Bureau d’aide des employés en disponibilité. Durant la journée, un employé CS-01 prenait invariablement le premier appel et cette personne pouvait communiquer ensuite le problème à un palier supérieur, c’est-à-dire à un CS-02. Avant le changement qui fait l’objet des présents griefs, des CS-01 et CS-02 travaillaient au Bureau d’aide  des employés en disponibilité après les heures. Cependant, ce changement a eu pour effet que seulement des CS-01 étaient disponibles pour prendre les appels après les heures. Les fonctionnaires remettent en question la qualité du service qui était fourni sans la présence de CS-02 au Bureau d’aide.

48 Dans une certaine mesure, les positions adoptées par les fonctionnaires sont qu’un CS-02 est nécessaire pour fournir un service adéquat après les heures. Évidemment, il ne m’appartient pas d’examiner le niveau de service assuré par l’employeur et de décider s’il est adéquat ou non; mon rôle est de décider si la décision de l’employeur de retirer les fonctionnaires du Bureau d’aide  des employés en disponibilité était un exercice raisonnable des droits de la direction ou autrement conforme à la convention collective. Ceci dit, si les questions liées au service soulevées par les fonctionnaires ont une quelconque pertinence, je note qu’il n’y a aucune preuve que le fait d’affecter uniquement des employés CS-01 au Bureau d’aide des employés en disponibilité depuis le printemps 2003 aurait causé de quelconques difficultés.

49 Une dernière question est que les fonctionnaires et l’agent négociateur ont critiqué de façon constante le processus utilisé par l’employeur pour en arriver à sa décision de rayer les fonctionnaires de la liste du Bureau d’aide. Ils s’appuient sur une décision antérieure dans laquelle on a rendu, dans des circonstances similaires, que l’employeur « doit expliquer et démontrer qu’il agit de manière raisonnable et non arbitraire » (Cardinal et Leclerc c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux  Canada), 2001 CRTFP 133, au paragr. 43). Outre cette affirmation, je n’ai connaissance d’aucune exigence juridique selon laquelle un employeur doit non seulement agir raisonnablement mais également fournir une explication et « prouver » aux employés qu’il a agi de manière raisonnable. En fin d'analyse, du point de vue juridique, l’employeur est tenu de prouver le caractère raisonnable de sa décision à un arbitre de grief et non pas aux employés au lieu de travail. La communication d’une explication aux employés à propos des raisons d’un changement peut être importante pour le moral sur les lieux de travail, mais ce n’est pas une question à soumettre à la Commission.

50 De plus, je ne pense pas qu’il faille interpréter l’affirmation tirée de Cardinal et Leclerc comme voulant dire que, d’une manière ou d’une autre, le fardeau de la preuve en l’espèce incombe à l’employeur; il est bien établi que le fardeau de la preuve incombe à l’agent négociateur et aux fonctionnaires s’estimant lésés dans une situation comme celle-ci où il y a une question d’interprétation. Cependant, il arrive souvent qu’au moment de la présentation des éléments de preuve dans une affaire, l’employeur doive produire de la preuve au sujet des raisons à l’origine de ses décisions. Du point de vue technique, cela signifie que le fardeau de la preuve s’est déplacé, même si la charge de la preuve demeure inchangée et continue d’incomber aux fonctionnaires s’estimant lésés. En me basant sur la preuve que j’ai devant moi, je conclus que la décision de l’employeur de retirer les fonctionnaires du Bureau d’aide des employés en disponibilité a été prise pour des raisons économiques valides et qu’elle n’était pas arbitraire ou déraisonnable d’une quelconque autre manière. En outre, si l'on prend en considération la clause 9.03b), il ressort que les pressions économiques aux moments pertinents constituaient une exigence opérationnelle valide. En bref, les fonctionnaires n’ont pas prouvé, en se conformant à la norme à appliquer, que leur retrait du Bureau d’aide des employés en disponibilité était déraisonnable ou reposait sur des raisons opérationnelles illégitimes.

51 Plus particulièrement, les fonctionnaires font valoir qu’ils n’ont jamais reçu une explication à propos de la décision de l’employeur. En réalité, ils ont reçu une explication dans les courriels qui leur avaient été envoyés par M. Millett et qui ont été décrits plus haut; les raisons étaient les pressions économiques et le souhait de rationaliser des processus de travail. Il est vrai qu’une partie de l’explication a été donnée durant la procédure de règlement des griefs, mais cela n’est pas inhabituel.

52 Ceci dit, les fonctionnaires ont soulevé des points valides à propos de certains des éléments de preuve en l’espèce. Par exemple, M. Millett et d’autres personnes ayant participé directement à la prise de la décision de l’employeur n’étaient pas disponibles; une de ces personnes était en Afghanistan et une autre n’a pas été appelée à témoigner. Dans une certaine mesure, cela s’explique par le temps qui s’est écoulé depuis 2003. Cependant, tel qu’indiqué plus haut, on ne conteste aucunement, comme l’a montré la preuve fournie par les fonctionnaires eux-mêmes, que l’employeur faisait face à des pressions économiques aux moments pertinents. En outre, tandis que le montant des économies réalisées par le retrait des CS-02 de la liste de disponibilité est controversé, il ne fait aucun doute que la décision a permis d’épargner de l’argent et probablement davantage que le montant estimé par les fonctionnaires. La principale observation des fonctionnaires était que la clause 9.03b) obligeait l’employeur de leur offrir du travail au Bureau d’aide des employés en disponibilité, et je ne suis pas d’accord avec cette observation, pour les motifs énoncés plus haut.

53 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

54    Les griefs sont rejetés.

Le 7 avril 2009.

Traduction de la CRTFP

John Steeves,
arbitre de grief

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