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Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé avait accumulé l’équivalent de plusieurs mois en crédits de congé annuel - l’employeur l’a contraint à prendre quatresemaines de congés annuels - le fonctionnaire s’estimant lésé a soutenu qu’il avait le droit d’accumuler ses crédits de congé annuel sans être contraint à les utiliser - l’arbitre de grief a conclu que l’employeur était en droit, aux termes de la convention collective, d’obliger ses employés à prendre des vacances - l’arbitre de grief a également conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas un droit illimité d’accumuler des crédits de congé annuel. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2009-05-28
  • Dossier:  566-32-1361
  • Référence:  2009 CRTFP 63

Devant un arbitre de grief


ENTRE

STEPHEN SHAW

fonctionnaire s'estimant lésé

et

AGENCE CANADIENNE D’INSPECTION DES ALIMENTS

employeur

Répertorié
Shaw c. Agence canadienne d’inspection des aliments

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Michele A. Pineau, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Mélanie Chenier

Pour l'employeur:
Pierre Marc Champagne, avocat

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
le 14 avril 2009.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Stephen Shaw, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), est un employé de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (l’ACIA ou l’« employeur »). Il travaille comme spécialiste de la microbiologie (groupe et niveau BI-03), à la Division de la salubrité des aliments de la Direction de la salubrité des aliments de la Direction générale des programmes de l’ACIA. M. Shaw est dans la fonction publique depuis environ 28 ans et est un employé de l’ACIA depuis 1997.

2 Le 23 août 2006, M. Shaw a déposé un grief alléguant que l’employeur avait contrevenu à la clause B11.07(a) de la convention collective pour le groupe scientifique et analytique entre l’ACIA et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada arrivant à expiration le 13 juin 2007 (la « convention collective »), en fixant unilatéralement des crédits de congé annuel d’années précédentes, ce qui a soi-disant limité la quantité de crédits de congé annuel que M. Shaw est en droit d’accumuler. M. Shaw a aussi allégué que, contrairement à la clause B11.07(b) de la convention collective, une demande qu’il avait présentée pour que des crédits de congé annuel lui soient payés en argent avait été rejetée, mais cette allégation a été retirée au début de la procédure d’arbitrage.

3 Par conséquent, il s’agit de savoir si la convention collective permet à l’employeur d’obliger l’employé à prendre un congé annuel et, dans l’affirmative, selon quelles conditions.

4 Les parties ont produit un exposé conjoint des faits, dont bon nombre concernent la demande de M. Shaw visant à obtenir un congé avec étalement du revenu (CER) ainsi que le paiement en argent d’une partie de son solde de congés annuels. Vu les questions à trancher, voici les faits qui sont pertinents pour l’arbitrage du présent grief.

II. Résumé de la preuve

5 Le 1er avril 2006, M. Shaw avait des crédits de congé annuel non utilisés de 754,534 heures qu’il avait accumulés en reportant des congés annuels d’exercices précédents non utilisés. De plus, M. Shaw a acquis 187,5 heures de crédits de congé annuel pour l’exercice 2006-2007. Il est à noter que, le 14 février 2006, M. Shaw a décliné une offre de l’employeur visant à lui payer en argent les congés annuels d’exercices précédents qu’il avait accumulés. Le 10 avril 2006, son superviseur immédiat, Dr Burton Blais, a rejeté la demande de CER et a demandé à M. Shaw de lui fournir, pour la fin de mai, un plan de réduction du solde excédentaire de congés annuels de M. Shaw. (Le délai a été reporté au 7 juillet 2006.) M. Shaw n’a pas répondu à cette demande directement, mais a écrit au Dr Blais pour lui signaler qu’il solliciterait l’aide de la haute direction afin de résoudre leur différend. Il a écrit à Shelagh McDonagh, directrice intérimaire au laboratoire d’Ottawa (Carling), où il travaille. Mme McDonagh lui a conseillé d’élaborer un plan avec le Dr Blais concernant son solde de congés annuels parce que [traduction] « […] les quantités excessives de congés annuels doivent être gérées ».

6 Le 22 juin 2006, M. Shaw a demandé le paiement en argent de 450 heures de congé annuel. Mme McDonagh a refusé, parce qu’il était trop tôt dans cet exercice pour s’assurer de la disponibilité des fonds, mais elle a déclaré que la demande serait réexaminée en janvier 2007.

7 Le 25 juillet 2006, M. Shaw a réitéré sa demande de CER. Le Dr Blais a rejeté cette demande en se fondant sur les nécessités du service. Le Dr Blais a signalé que M. Shaw avait un solde de congés annuels très important (cinq à six mois) et l’a encouragé à solliciter un congé annuel au lieu d’un CER ou à présenter un plan visant à épuiser ses crédits de congé annuel. Le 26 juillet 2006, le Dr Blais a de nouveau demandé à M. Shaw de lui fournir un plan pour l’utilisation de ses crédits de congé annuel et il lui a donné jusqu’au 4 août 2006 pour s’exécuter. Le 2 août 2006, M. Shaw a informé le Dr Blais qu’il ne prévoyait pas prendre de congés annuels cette année-là.

8 Le 4 août 2006, le Dr Blais a écrit à M. Shaw pour l’aviser que, puisqu’il n’avait pas présenté un plan pour commencer à utiliser son solde important de crédits de congé annuel pendant cet exercice-là, un plan avait été conçu pour qu’il prenne quatre semaines de congé conformément aux exigences de l’employeur relatives aux nécessités du service. M. Shaw a été prié de communiquer ses préférences. Le 9 août 2006, M. Shaw a refusé les dates de congé annuel proposées par le Dr Blais. Ce dernier a répliqué que le plan n’était pas [traduction] « facultatif » et qu’il exigeait que M. Shaw prenne le congé en conformité avec le plan. M. Shaw a accepté de prendre une période de deux semaines consécutives de congé annuel en septembre et, après d’autres négociations, il a consenti à prendre également une période de deux semaines consécutives de congé annuel en décembre. Dans l’intervalle, M. Shaw a déposé son grief alléguant que son congé annuel avait été unilatéralement fixé par l’employeur.

9 Le 4 janvier 2007, M. Shaw a sollicité le paiement en argent de 466,648 heures de congé annuel, ce que l’employeur a approuvé le 24 janvier 2007. M. Shaw a donc retiré cette partie de son grief concernant la clause B11.07(b) de la convention collective.

10 Mme McDonagh a été le seul témoin. Elle a témoigné que, dans l’ensemble, en 2006, les congés annuels accumulés étaient considérés comme un passif financier lourd pour l’ACIA, car le paiement en argent d’un nombre excessif de congés pouvait alourdir un budget salarial déjà serré. Une partie du budget salarial était nécessaire cette année-là pour des interventions d’urgence potentielles ainsi que pour des heures supplémentaires se rapportant à certains projets. Ainsi, Mme McDonagh a été chargée par la haute direction de gérer les congés excédentaires de son personnel. Mme McDonagh a reconnu que, lorsqu’elle a ordonné à M. Shaw de s’entendre avec M. Blais sur un plan en matière de congé annuel, elle a pris en compte non pas les dispositions de la convention collective mais simplement les instructions qu’elle avait reçues.

III. Résumé de l’argumentation

11 L’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l’« agent négociateur ») argue que fixer unilatéralement le congé annuel du fonctionnaire est contraire à la clause B11.07(a) de la convention collective, qui permet que la portion non utilisée de ce congé soit reportée. L’agent négociateur allègue que l’employeur a unilatéralement fixé le congé annuel afin de s’occuper de son passif financier à l’égard des congés annuels accumulés de ses employés et que cela n’avait rien à voir avec les nécessités du service. L’agent négociateur argue aussi que les prétendues préoccupations au sujet des nécessités du service excluent des préoccupations quant au passif financier. Il souligne les nombreuses mentions — dans l’échange de courriels entre le fonctionnaire, le Dr Blais et Mme McDonagh — des soldes importants de crédits de congé annuel du fonctionnaire.

12 L’agent négociateur maintient que la clause A5.01 (Droits de la direction) de la convention collective a été modifiée par la clause B11.07(a), qui accorde à l’employé le droit de reporter un solde de congés annuels. L’agent négociateur maintient également qu’il n’y a dans la convention collective aucune disposition qui limite la quantité de congés annuels pouvant être reportés ou qui oblige l’employé à prendre ses congés annuels dans l’année au cours de laquelle ces congés sont acquis. Si les parties avaient voulu créer de telles limites relativement aux droits de l’employé, ces limites auraient été clairement exprimées dans la convention collective. L’employé peut, comme bon lui semble, utiliser ses congés annuels ou en obtenir le paiement en argent; l’employeur ne peut imposer la manière dont les employés prennent leurs congés annuels et il ne peut, pour satisfaire aux besoins budgétaires, obliger l’employé à utiliser des crédits de congé annuel accumulés.

13 L’agent négociateur m’a demandé de prendre en considération les décisions suivantes à l’appui de sa thèse :

  • Bozek et al. c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2002 CRTFP 60;
  • Tremblay c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), dossier de la CRTFP 166-02-17538 (19890214);
  • Power c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 166-02-17064 (19880225);
  • Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2008 CRTFP 78.

14 L’agent négociateur allègue que, en obligeant le fonctionnaire à fixer des périodes de congé annuel pour réduire les crédits de congé annuel accumulés, l’employeur a contrevenu à la clause B11.07(a) de la convention collective. L’agent négociateur me demande de déclarer que l’employeur a contrevenu à la convention collective et qu’il doit prendre des mesures pour éviter de nouveaux cas de fixation unilatérale de congé annuel. L’agent négociateur demande en outre que le fonctionnaire soit remboursé de tous les crédits de congé annuel qu’on l’a obligé à utiliser (158,327 heures).

15 L’employeur argue qu’il a le droit de prendre en considération le passif financier dans le cadre des nécessités du service et que l’accumulation de crédits de congé annuel excessifs par ses employés constitue un tel passif. Le fonctionnaire a été prié à maintes occasions de fixer des périodes de congé annuel. Chaque fois, il n’a pas répondu ou a proposé quelque chose d’autre n’incluant pas la prise de congé annuel ou a simplement refusé de prendre un congé annuel. Par conséquent, l’employeur a fixé le congé annuel du fonctionnaire conformément à la clause A5.01 (Droits de la direction) et à la clause B11.05 (Attribution de congé annuel) de la convention collective, compte tenu des nécessités du service.

16 L’employeur affirme que la seule restriction à son droit de fixer le congé annuel de l’employé est qu’il doit faire tout effort raisonnable pour accorder un congé annuel dont la durée et le moment sont conformes aux vœux de l’employé. Dans le cas du fonctionnaire, 19 des 25 jours auxquels il avait droit dans l’exercice 2006-2007 ont été fixés après qu’il fut consulté. L’employeur n’a pas à justifier les nécessités du service pour fixer le congé annuel, et les considérations financières représentent en fait une partie des considérations opérationnelles.

17 L’employeur affirme aussi que le report de congés annuels est un droit seulement lorsque l’employé ne s’est pas vu accorder de congé annuel dans l’année courante. Il ne s’agit pas d’un droit discrétionnaire de l’employé.

18 L’employeur reconnaît que, dans certaines décisions de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, l’arbitre de grief s’est basé sur une disposition de la convention collective indiquant que l’on s’attendait que l’employé prenne ses congés annuels dans l’année au cours de laquelle ils étaient acquis. L’employeur argue que l’absence d’une telle disposition en l’espèce ne devrait pas être fatale pour sa thèse. Le principe fondamental est que l’employeur a le droit de fixer le congé annuel selon les nécessités du service, à moins d’une disposition contraire claire. Une telle limitation ne figure pas dans la convention collective.

19 L’employeur m’a demandé de prendre en compte les décisions suivantes au soutien de sa thèse :

  • Rosekat c. Conseil du Trésor (ministère des Travaux publics et Services gouvernementaux),2005 CRTFP 149;
  • Rosekat c. Canada (Procureur général), 2006 CF 769;
  • Rosekat c. Canada (Procureur général), 2007 CAF 117;
  • Ladouceur c. Conseil du Trésor (Défense nationale), 2000 CRTFP 51;
  • Ladouceur c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2006 CRTFP 89;
  • Marin c. Conseil du Trésor (Développement des ressources humaines Canada), 2002 CRTFP 109.

IV. Motifs

20 Le présent renvoi à l’arbitrage concerne l’interprétation des trois clauses suivantes de la convention collective.

La clause A5.01 est une disposition générale sur les droits de la direction :

A5.01 L’Institut reconnaît que l’Employeur retient les fonctions, les droits, les pouvoirs et l’autorité que ce dernier n’a pas, d’une façon précise, diminués, délégués ou modifiés par la présente convention.

La clause B11.05 décrit le droit de l’employeur de fixer le congé annuel de l’employé, sous réserve des nécessités du service :

B11.05  Attribution de congé annuel

Afin de répondre aux nécessités du service, l’Employeur se réserve le droit de fixer le congé annuel de l’employé, mais doit faire tout effort raisonnable pour :

(a) lui accorder le congé annuel dont la durée et le moment sont conformes aux vœux de l’employé;

(b) ne pas le rappeler au travail après son départ pour son congé annuel.

La clause B11.07(a) prévoit le report de congés annuels dans les cas où tous ces congés n’ont pas été attribués :

B11.07 (a) Report des congés annuels

Lorsque, dans une année de référence pour congé, tous les congés n’ont pas été attribués, la portion non utilisée de ces congés annuels est reportée à l’année suivante.

21 En 2006, se fondant sur ces dispositions de la convention collective, l’employeur a obligé le fonctionnaire à prendre des congés annuels pour éviter l’augmentation d’un solde déjà important de congés annuels reportés. L’employeur a donné au fonctionnaire l’occasion de présenter un plan visant l’utilisation de ses congés annuels et, l’employé n’étant pas coopératif, l’employeur lui a offert son propre plan basé sur les nécessités du service. Les nécessités du service avaient un rapport avec la décision de l’employeur de contrôler l’accroissement du passif financier se rapportant au paiement en argent de tels congés. L’employeur désirait se servir de son budget salarial pour des opérations courantes plutôt que pour de vieux passifs. Pour déterminer si l’employeur a violé les dispositions de la convention collective, je dois trancher les trois questions suivantes :

1) Est-ce que l’employeur a le droit en vertu de la clause B11.05 de la convention collective de fixer unilatéralement le congé annuel?

Si la réponse à la question 1) est affirmative :

2) Est-ce que le droit de l’employeur de fixer le congé annuel est limité de quelque manière par la clause B11.07(a) de la convention collective?

Sinon :

3) Est-ce que l’employé a le droit discrétionnaire d’accumuler des crédits de congé annuel illimités?

A. Est-ce que l’employeur a le droit en vertu de la clause B11.05 de la convention collective de fixer unilatéralement le congé annuel?

22 La clause B11.05 de la convention collective me semble claire : l’employeur peut fixer le congé annuel, sous réserve des nécessités du service; la seule restriction est qu’il doit faire tout effort raisonnable pour accorder un congé dont la durée et le moment sont conformes aux vœux de l’employé. Cette clause va de pair avec la disposition générale sur les droits de la direction figurant à la clause A5.01, en vertu de laquelle l’employeur retient les fonctions, les droits, les pouvoirs et l’autorité qu’il n’a pas, d’une façon précise, diminués, délégués ou modifiés par la convention collective.

23 Ainsi, si l’employé ne communique pas une demande de congé précisant la durée et le moment de celui-ci, rien n’empêche l’employeur de fixer unilatéralement le congé annuel de l’employé. En l’espèce, le fonctionnaire a été prié de présenter un plan de congé annuel à plusieurs reprises avant que l’employeur l’oblige à prendre un tel congé selon son propre choix de plan de congé annuel. Lorsque le fonctionnaire a demandé d’autres dates pour la deuxième période de congés consécutifs en décembre 2006, l’employeur a accédé à cette demande. Par conséquent, je dois conclure que l’employeur a fait tout effort raisonnable pour accorder un congé dont la durée et le moment étaient conformes aux vœux du fonctionnaire.

24 Ce serait différent si le fonctionnaire s’était vu refuser un congé annuel demandé. Le fait que le fonctionnaire ait voulu prendre le CER au lieu d’un congé annuel ou qu’il ait demandé le paiement en argent d’une certaine partie de ses crédits de congé annuel accumulés n’équivaut pas à un [traduction] « plan de congé annuel » ou à une demande légitime de congé annuel. Comme je suis d’avis que ces autres solutions n’étaient pas des demandes de congé annuel au sens de la clause B11.05 de la convention collective, l’employeur avait le droit d’obliger le fonctionnaire à prendre des congés annuels en 2006.

25 Je suis en outre persuadée que le congé du fonctionnaire a été fixé selon les nécessités du service. L’employeur se préoccupait de son passif financier croissant, car les crédits de congé annuel accumulés pouvaient entraver les opérations courantes de l’exercice. L’agent négociateur n’a pas contesté ou contredit cet élément de preuve. Il a seulement argué que je devrais donner une interprétation restrictive de la clause B11.05 de la convention collective de manière à limiter l’application des « nécessités du service ». Il n’a pas argué de manière convaincante que les nécessités du service excluent les considérations financières légitimes. En fait, Rosekat (CF) et Rosekat (CAF) ne sont aucunement ambigües sur ce point.

B. Est-ce que le droit de l’employeur de fixer le congé annuel est limité de quelque manière par la clause B11.07(a) de la convention collective?

26 On ne m’a pas convaincue que le droit de l’employeur de fixer le congé annuel est limité par une disposition quelconque de la convention collective. La clause B11.07 stipule que des congés annuels peuvent être reportés lorsqu’ils n’ont pas été attribués dans une année de référence pour congé. Aux fins de l’espèce, je dois présumer que l’employeur n’a pas attribué de congé annuel au fonctionnaire lors d’années antérieures ou que l’employeur a autorisé M. Shaw à accumuler la partie non utilisée de précédents congés annuels. Je ne suis pas saisie de la question de savoir quand ou pourquoi l’accumulation de congés annuels a été permise, ce qui n’est d’ailleurs pas pertinent pour ma décision. En deux mots, l’accumulation de crédits de congé annuel a été autorisée et, lorsque le grief a été déposé, l’employeur a décidé de limiter les reports de congé pour cette année-là en exerçant son droit de fixer le congé annuel en vertu de la clause B11.05.

27 En réponse à mes questions, l’agent négociateur et l’employeur ont adopté des positions différentes quant à savoir précisément quelle partie des droits à congé annuel du fonctionnaire a été unilatéralement fixée par l’employeur. L’agent négociateur soutenait que l’employeur avait obligé le fonctionnaire à prendre des congés annuels sur des crédits de congés annuels reportés et que c’était ce type de fixation unilatérale de congé que la convention collective interdisait.

28 L’employeur maintenait que, conformément à la clause B11.05 de la convention collective, il avait établi que le fonctionnaire prendrait 19 jours de congé annuel sur ses crédits pour l’exercice alors en cours. La période de 19 jours ne représentait qu’une partie des droits à congé annuel du fonctionnaire pour 2006-2007, qui étaient de 25 jours.

29 Malgré l’argument sérieux de l’agent négociateur selon lequel la convention collective permet seulement à l’employeur de fixer le congé annuel dû dans l’exercice courant, je suis arrivée à la conclusion que l’origine des crédits de congé annuel n’est pas pertinente aux fins du présent grief. Les crédits de congé annuel accumulés d’année en année constituent une seule et unique banque de crédits de congé annuel. Les congés annuels qui sont pris proviennent de cette seule et unique banque de crédits de congé annuel, que l’on épuise à mesure que l’on prend des congés. Aucun élément de preuve n’indique que les vieux crédits sont utilisés en premier. Dans la mesure où l’employeur n’a pas unilatéralement fixé des congés excédant les droits à congé du fonctionnaire pour 2006-2007, c’est raisonnable de conclure que l’employeur a fixé des journées de cet exercice courant pour éviter que le fonctionnaire reporte une quantité toujours croissante de crédits de congé annuel correspondant pour l’employeur à un passif financier. L’agent négociateur ne m’a pas convaincue du contraire.

30 Par conséquent, je conclus que le droit de l’employeur de fixer le congé annuel n’est pas limité par la clause B11.07(a) de la convention collective.

C. Est-ce que l’employé a le droit discrétionnaire d’accumuler des crédits de congé annuel illimités?

31 Le congé annuel représente une condition d’emploi négociée entre l’employeur et l’agent négociateur. La convention collective prévoit que le congé annuel est un droit annuel. Les employés sont autorisés à reporter de tels congés lorsqu’ils ne sont pas attribués. Il n’y a, dans la clause B11.07(a) de la convention collective, aucune disposition qui accorde à l’employé le pouvoir discrétionnaire de faire fi du droit de l’employeur de fixer le congé annuel selon la clause B11.05. L’employeur peut fixer le congé annuel conformément à la clause B11.05 dans la mesure des limitations de celle-ci. La clause B11.07(a) ne restreint pas le pouvoir de l’employeur à cet égard, et, aux termes de cette clause, l’employé ne peut, pour accumuler une quantité illimitée de crédits de congé annuel, passer outre à la décision de l’employeur de fixer le congé annuel (clause B11.05).

32 Par conséquent, je conclus que le fonctionnaire n’avait pas le droit discrétionnaire illimité d’accumuler des crédits de congé annuel. Le fonctionnaire devait déterminer son congé dans une année donnée si l’employeur l’exigeait. Son seul choix se rapportait aux dates de son congé.

33 Voilà pourquoi je considère que l’employeur n’a pas contrevenu à la clause B11.07(a) de la convention collective.

34 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

35 Le grief est rejeté.

Le 28 mai 2009.

Traduction de la CRTFP

Michele A. Pineau,
arbitre de grief

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