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Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a été rappelé au travail par un collègue pour déverrouiller la porte donnant accès au lieu de travail - le fonctionnaire s’estimant lésé a présenté une indemnité d’heures supplémentaires pour un rappel au travail - l’employeur a rejeté la demande parce qu’il n’avait pas autorisé le rappel au travail - l’arbitre de grief a conclu qu’il y avait des situations d’urgence où un employé pouvait être obligé de se présenter au travail sans avoir été rappelé par un représentant autorisé de l’employeur, mais que cela ne s’appliquait pas dans ce cas-ci - le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas tenté de vérifier auprès d’un superviseur s’il devait aller déverrouiller la porte pour son collègue, et il ne s’agissait pas d’une situation d’urgence. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2009-06-10
  • Dossier:  566-32-746
  • Référence:  2009 CRTFP 71

Devant un arbitre de grief


ENTRE

ED VERRETH

fonctionnaire s'estimant lésé

et

AGENCE CANADIENNE D’INSPECTION DES ALIMENTS

employeur

Répertorié
Verreth c. Agence canadienne d’inspection des aliments

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Dan Butler, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Ray Domeij, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Barry Benkendorf, avocat

Affaire entendue à Vancouver (Colombie-Britannique),
le 5 mai 2009.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Ed Verreth, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), a réclamé une indemnité de rappel au travail après avoir répondu à l’appel d’un collègue qui lui demandait de rentrer au travail, tôt dans la matinée du 9 mai 2005, pour lui venir en aide. L’employeur, l’Agence canadienne d’inspection des aliments, a refusé la demande d’indemnité au motif que le rappel n’avait pas été approuvé par un représentant autorisé de l’employeur et que le fonctionnaire n’avait pas accompli de travail.

2 Je dois déterminer ici si l’employeur a contrevenu à la disposition de la convention collective relative à l’indemnité de rappel au travail en refusant la demande d’indemnité du fonctionnaire.

3 À titre de mesure corrective, le fonctionnaire veut [traduction] « […] être rémunéré pour tout le travail effectué […] » le matin du 9 mai 2005 [traduction] « […] au taux applicable […] » et être indemnisé [traduction] « […] pour tous les avantages applicables aux heures supplémentaires, conformément à la convention collective ».

II. Résumé de la preuve

4 Les parties ont soumis l’énoncé conjoint des faits suivant :

[Traduction]

1. La convention collective applicable est la Convention collective entre l’Agence canadienne d’inspection des aliments et l’Alliance de la Fonction publique du Canada concernant l’unité de négociation de l’Alliance de la Fonction publique du Canada, signée le 9 mars 2005.

2. M. Ed Verreth occupe le poste d’inspecteur spécialiste en transformation des aliments, EG-04, pour une durée indéterminée, au bureau de district de Parksville situé au 457, Standford Est, à Parksville (Colombie-Britannique). M. Verreth travaille pour l’ACIA et ses prédécesseurs depuis le 9 novembre 1981.

3. M. Verreth relève de Raymond Schaff, superviseur en transformation des aliments.

4. M. Schaff relève de M. Sam Elder, gestionnaire de l’inspection, au bureau de district de Victoria.

5. Le 9 mai 2005, M. Paul Richardson, inspecteur, programmes relatifs aux animaux, EG-03, a quitté le bureau de district de Parksville sans ses clés. Après s’être rendu compte qu’il était enfermé dehors, il a tenté de rentrer dans l’édifice, ce qui a fait déclencher l’alarme. Comme il était enfermé dehors, il ne pouvait pas arrêter l’alarme.

6. Selon la règle établie, M. Richardson devait appeler ses deux superviseurs, M. Elder et M. Schaff, sur leur téléphone portatif. Il a tenté de joindre M. Elder, l’un de ses superviseurs, mais il a fait un faux numéro. Il n’a pas appelé Ray Schaff.

7. M. Richardson a appelé la GRC pour signaler qu’il avait déclenché l’alarme.

8. M. Richardson a ensuite appelé le fonctionnaire, chez lui, à 5 h 06 pour qu’il vienne lui ouvrir la porte de l’immeuble. Le fonctionnaire n’avait pas encore commencé sa journée de travail habituelle à ce moment-là.

9. M. Richardson a appelé le fonctionnaire parce son numéro de téléphone était écrit sur un bout de papier qu’il avait dans sa poche. Le fonctionnaire lui avait donné son numéro parce que les deux projetaient de faire certaines activités ensemble à l’extérieur du bureau.

10. Le fonctionnaire n’a pas de lien hiérarchique avec M. Richardson et M. Richardson n’a pas le pouvoir de rappeler le fonctionnaire au travail.

11. Il n’est dans les attributions du fonctionnaire de répondre aux appels d’urgence, d’ouvrir des portes en cas d’urgence ou de réparer ou arrêter des systèmes d’alarme à la demande. (pièce E1 – description de travail)

12. Le système d’alarme n’était pas relié à une centrale privée ni à un service de police.

13. Le fonctionnaire est venu au bureau une dizaine (10) de minutes pour ouvrir la porte et arrêter l’alarme.

14. La disposition de la convention collective qui s’applique est l’article 28, qui dit ceci :

Si l’employé-e est rappelé au travail

[…]

c) après avoir terminé son travail de la journée et avoir quitté les lieux de travail, et rentre au travail, il ou elle touche le plus élevé des deux montants suivants :

(i) une rémunération équivalant à trois (3) heures de rémunération calculée au tarif des heures supplémentaires applicable pour chaque rappel, jusqu’à concurrence de huit (8) heures. Ce maximum doit comprendre toute indemnité de rentrée au travail versée en vertu du paragraphe 31.06 et des dispositions concernant l’indemnité de rentrée au travail;

ou

(ii) la rémunération calculée au tarif des heures supplémentaires applicable pour les heures de travail effectuées, à la condition que la période travaillée ne soit pas accolée aux heures de travail normales de l’employé-e.

15. L’article 7.3 de la [traduction] « Délégation de pouvoirs en matière de ressources humaines de l’ACIA »,entrée en vigueur le 18 juin 2003, accorde aux superviseurs ou aux titulaires de postes équivalents autorisés à exercer un contrôle budgétaire, qui sont placés sous la direction d’un gestionnaire, le pouvoir d’approuver des horaires pour du travail par poste, des heures supplémentaires, du travail un jour férié, des indemnités de rappel au travail et des indemnités de disponibilité.

16. Le gestionnaire ou superviseur délégué du fonctionnaire n’a jamais autorisé un rappel au travail ou des heures supplémentaires relativement à l’incident du 9 mai 2005.

17. Le grief a été déposé dans le délai prévu par la convention collective.

18. La question à trancher est celle de savoir si le fonctionnaire a droit à une indemnité de rappel au travail conformément à l’article 28 de la convention collective.

19. Les parties conviennent de ne pas produire d’autre élément de preuve.

5 Les parties ont également soumis, sur consentement, la description de travail générique du poste d’inspecteur spécialiste en transformation des aliments (pièce E-1).

6 Aucun témoin n’a été appelé par l’une ou l’autre partie.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le fonctionnaire

7 Le fonctionnaire a défendu la position que l’indemnité de rappel au travail avait pour but d’indemniser l’employé pour les désagréments et les bouleversements que lui occasionne le fait de devoir rentrer au travail après sa journée de travail. C’est aussi un moyen de s’assurer que l’employé rentre au travail comme prévu : Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, ¶8:3410.

8 Le fonctionnaire m’a également renvoyé à l’ouvrage de E.E. Palmer, Collective Agreement Arbitration in Canada, 3e éd., qui contient également une analyse à propos de l’objet de l’indemnité de rappel au travail et la définition de « work » (« travail »).

9 Le fonctionnaire a avancé que l’employeur allait soutenir qu’il n’avait pas accompli de travail le matin du 9 mai 2005. En s’appuyant sur la définition de « work » (« travail ») contenue dans le Black’s Law Dictionary, 1990, il a déclaré qu’au contraire, il avait clairement accompli du travail ce matin-là. Le fonctionnaire a répondu à l’appel de Paul Richardson pour le compte de l’employeur exclusivement. Il n’a pas agi pour son plaisir ni pour en retirer une satisfaction personnelle.

10 Le fonctionnaire a attiré l’attention sur le fait que la convention collective ne fixait pas de période minimale de travail pour avoir droit à l’indemnité de rappel au travail. La quantité de travail effectuée le 9 mai 2005 n’est pas en cause ici.

11 Le fonctionnaire m’a exhorté à accepter une interprétation fondée sur l’objet de la clause de la convention collective qui est en litige dans ce cas-ci. Il est rentré au travail pour accomplir une tâche pour l’employeur — en l’occurrence déverrouiller la porte pour un collègue. Il a fait ce qu’on lui demandait de faire pour le compte de l’employeur.

12 Le fonctionnaire a terminé en disant qu’il s’était acquitté de la charge d’établir qu’il avait droit à l’indemnité de rappel au travail aux termes de la clause 28.01c) de la convention collective. Il m’a demandé de déclarer que l’employeur avait contrevenu à la convention collective et de demeurer saisi de l’affaire au cas où les parties n’arriveraient pas à s’entendre sur la mesure corrective à appliquer pour l’indemniser intégralement.

B. Pour l’employeur

13 L’employeur a défendu la position que, selon la règle établie, M. Richardson aurait dû appeler ses superviseurs pour recevoir des instructions dans le cas qui nous occupe ici. La preuve a établi qu’il s’était trompé de numéro en appelant le premier superviseur et qu'il n’avait pas appelé le deuxième. Après avoir prévenu la Gendarmerie royale du Canada qu’il avait déclenché l’alarme, il a appelé le fonctionnaire pour obtenir son aide parce qu’il avait son numéro de téléphone à la portée de la main pour des raisons personnelles.

14 Compte tenu de ces faits, l’employeur a maintenu que la disposition de la convention collective ayant trait au rappel au travail ne s’appliquait pas. Il n’y avait pas de lien hiérarchique entre le fonctionnaire et M. Richardson et celui-ci n’était pas autorisé à faire rentrer le fonctionnaire au travail. Il s’agit simplement ici d’un cas où un collègue a demandé de l’aide à un autre collègue.

15 Quand M. Richardson l’a appelé, le fonctionnaire aurait pu refuser de lui venir en aide et ce refus n’aurait pas eu de conséquences pour lui. Rien dans sa description de travail (pièce E-1) n’indique qu’il doit répondre à des demandes de ce genre. Il n’était pas en disponibilité et il n’était pas non plus désigné pour fournir des services d’urgence.

16 Pour avoir droit à une indemnité de rappel au travail aux termes de la clause 28.01c) de la convention collective, l’employé doit 1) recevoir un appel d’un représentant autorisé de l’employeur et 2) accomplir une tâche reliée à ses fonctions. Aucune de ces conditions ne s’applique dans le cas de l’action du fonctionnaire le 9 mai 2005.

17 L’employeur m’a renvoyé aux affaires Hydro-Electric Commission of Town of Mississauga v. International Brotherhood of Electrical Workers, Local 636 (1975), 8 L.A.C. (2d) 158 et Perley Hospital v. Ontario Nurses’ Association (1981), 29 L.A.C. (2d) 178 et, tout comme le fonctionnaire, à la définition de « work » (« travail ») contenue dans le Black’s Law Dictionary.

18 En se basant sur la jurisprudence, l’employeur a défendu la position que l’employeur doit avoir la possibilité, lorsque survient une situation où un rappel au travail pourrait être nécessaire, de décider s’il doit demander à un employé de rentrer au travail. C’est l’employeur qui a la responsabilité de gérer les ressources humaines, y compris de prendre les décisions concernant l’utilisation de la main-d’œuvre. Si le représentant autorisé de l’employeur n’a pas la possibilité de décider ce qu’il faut faire, on se retrouve dans une situation où l’employeur ne gère plus ni ses ressources humaines ni ses ressources financières et où les employés peuvent s’appeler l’un l’autre pour faire du travail.

19 L’employeur a soutenu que le fonctionnaire ne se trouvait pas dans une situation où il ne pouvait pas refuser de rentrer au travail. M. Richardson ou le fonctionnaire aurait dû joindre un superviseur et attendre de recevoir ses instructions. La réalité est que le fonctionnaire a agi tout à fait volontairement, sans y être contraint par l’employeur.

20 L’employeur a déclaré qu’il avait été incapable de trouver une cause dans laquelle un employé qui n’était pas en disponibilité et qui n’avait pas la responsabilité de répondre à des appels dans le cadre de ses fonctions après sa journée de travail avait obtenu une indemnité de rappel au travail dans une situation comparable.

21 L’employeur m’a exhorté à rejeter le grief.

C. Réfutation du fonctionnaire

22 Le fonctionnaire a soutenu que rien dans la convention collective n’indiquait qu’un rappel au travail devait être autorisé au préalable. L’employeur défend à tort la position que l’arbitre de grief doit interpoler cette exigence dans la disposition sur le rappel au travail. Un employé peut être obligé de rentrer au travail parce qu’il s’est produit un événement imprévu, comme un incendie ou une autre situation mettant en jeu la sécurité. Le matin du 9 mai 2005, l’appel que le fonctionnaire a reçu comportait un élément d’urgence. Une autorisation préalable n’était pas nécessaire.

23 En ne répondant pas à l’appel de M. Richardson, le fonctionnaire aurait pu être l’objet d’une mesure disciplinaire. L’argument de l’employeur selon lequel il n’aurait pas encouru de mesure disciplinaire s’il avait refusé de répondre repose sur des conjectures à propos des conséquences de ce refus et n’est pas étayé par la preuve.

24 Le fonctionnaire estime que Hydro-Electric Commission of Town of Mississauga n’est pas pertinente dans ce cas-ci. Dans cette affaire, l’employé qui réclamait une indemnité de rappel au travail était déjà au travail. Il n’existe aucune cause, au dire du fonctionnaire, dans laquelle un tribunal a conclu que l’employeur avait eu raison de refuser de payer une indemnité de rappel au travail à un employé qui se trouvait dans une situation semblable à celle du fonctionnaire.

IV. Motifs

A. Décision procédurale

25 J’ai demandé au fonctionnaire, durant l’audience, de produire une copie de la convention collective, comme l’exige l’Avis d’audience officiel. Les deux parties ont commencé par s’opposer à ma demande, en faisant valoir qu’elles croyaient comprendre qu’un arbitre de grief devait limiter son examen aux faits décrits dans l’énoncé conjoint des faits, y compris le passage de la convention collective qu’il contient. Après avoir entendu les arguments des parties sur ce point, j’ai ordonné au fonctionnaire de produire la convention collective.

26 Les principes fondamentaux de l’interprétation arbitrale qui sont définis dans la jurisprudence reconnaissent amplement aux décideurs chargés d’instruire une cause portant sur l’interprétation ou l’application d’une disposition d’une convention collective le pouvoir de déterminer l’intention des parties en attribuant leur sens ordinaire aux mots qu’elles ont utilisés dans leur convention collective, [traduction] « […] à moins que cela ne conduise à quelque absurdité ou incohérence par rapport au reste de la convention collective, ou que le contexte révèle que les mots sont utilisés dans un sens différent » : Brown et Beatty, ¶4:2110. L’ordonnance que j’ai rendue à l’audience s’accordait avec cette règle courante. Elle procédait du principe que je pourrais juger nécessaire de prendre connaissance d’autres dispositions de l’article 28 (indemnité de rappel au travail) ou d’autres dispositions de la convention collective pour rendre ma décision. À mon humble avis, l’ordonnance s’inscrivait dans le cadre des pouvoirs qui sont conférés à l’arbitre de grief par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, et par le Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, DORS/2005-79 (le « Règlement »). Je veux plus particulièrement attirer l’attention des parties sur le paragraphe 97(1) du Règlement, qui est libellé comme suit :

          97. (1) Dans le cas où le grief porte sur l’interprétation ou l’application de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale, la partie ayant renvoyé le grief à l’arbitrage fournit, au plus tard à l’audience, une copie de la convention collective ou de la décision arbitrale à l’autre partie ou à son représentant, le cas échéant, à l’arbitre de grief, aux intervenants et à la Commission canadienne des droits de la personne si celle-ci a reçu l’un des avis prévus aux paragraphes 210(1), 217(1) et 222(1) de la Loi.

27 En fin de compte, comme on le verra ci-après, je n’ai pas eu besoin d’examiner d’autres dispositions de la convention collective pour rendre ma décision.

B. L’employeur a-t-il contrevenu à la convention collective?

28 Le fonctionnaire doit démontrer que l’employeur a contrevenu à la disposition de la convention collective ayant trait au rappel au travail en refusant de lui payer une indemnité pour l’avoir prétendument rappelé au travail le matin du 9 mai 2005.

29 La clause 28.01 de la convention collective est libellée en partie comme suit :

28.01 Si l’employé-e est rappelé au travail

[…]

c) après avoir terminé son travail de la journée et avoir quitté les lieux de travail, et rentre au travail, il ou elle touche le plus élevé des deux montants suivants :

(i) une rémunération équivalant à trois (3) heures de rémunération calculée au tarif des heures supplémentaires applicable pour chaque rappel, jusqu’à concurrence de huit (8) heures. Ce maximum doit comprendre toute indemnité de rentrée au travail versée en vertu du paragraphe 31.06 et des dispositions concernant l’indemnité de rentrée au travail;

ou

(ii) la rémunération calculée au tarif des heures supplémentaires applicable pour les heures de travail effectuées, à la condition que la période travaillée ne soit pas accolée aux heures de travail normales de l’employé-e.

[…]

30 Le différend entre les parties porte essentiellement sur la question de savoir si l’appel d’un collègue, par opposition à une demande reçue d’un représentant autorisé de l’employeur, constitue un rappel au travail au sens de la clause 28.01 de la convention collective.

31 L’argument principal du fonctionnaire est que la clause 28.01 n’exige pas une autorisation préalable par l’employeur. Il suffit que l’employé réponde à une demande de rappel au travail pour accomplir une fonction qui constitue du travail pour que les conditions ouvrant droit à une indemnité de rappel au travail soient remplies.

32 L’employeur ne partage évidemment pas ce point de vue. Il fait valoir que la capacité de l’employeur de déterminer les obligations de travail et de répartir la main-d’œuvre doit être respectée. L’employeur doit avoir la possibilité de décider si une situation nécessite qu'on rappelle un employé au travail. L’employeur ne devrait pas être tenu de payer une indemnité de rappel au travail lorsque aucun représentant autorisé de l’employeur n’a approuvé le travail qui doit être accompli à la suite d’un rappel au travail.

33 Je note que la clause 28.01 de la convention collective ne contient aucune mention d’une autorisation préalable de l’employeur. La phrase d’introduction ne dit pas, par exemple, [traduction] « Si l’employé-e est rappelé au travail par l’employeur […] [je souligne] ». Faut-il en conclure que l’intention des parties était que la disposition relative au rappel au travail s’applique chaque fois qu’un employé « […] est rappelé au travail […] », peu importe qui le rappelle au travail?

34 La preuve produite d’un commun accord par les parties indique que [traduction] « […] les superviseurs ou les titulaires de postes équivalents autorisés à exercer un contrôle budgétaire […] » sont les personnes qui sont autorisées à approuver un rappel au travail. On peut lire ceci au paragraphe 15 de l’énoncé conjoint des faits :

[Traduction]

15. L’article 7.3 de la [traduction] « Délégation de pouvoirs en matière de ressources humaines de l’ACIA »,entrée en vigueur le 18 juin 2003, accorde aux superviseurs ou aux titulaires de postes équivalents autorisés à exercer un contrôle budgétaire, qui sont placés sous la direction d’un gestionnaire, le pouvoir d’approuver des horaires pour du travail par poste, des heures supplémentaires, du travail un jour férié, des indemnités de rappel au travail et des indemnités de disponibilité.

Je ne dispose d’aucune preuve que d’autres personnes ont le pouvoir d’approuver des rappels au travail ou qu’elles pourraient avoir ce pouvoir dans certains cas. De même, je ne dispose d’aucune preuve que la pratique en vigueur concernant l’autorisation des rappels au travail peut ne pas correspondre à ce que prévoit la délégation de pouvoir. J’ajouterai que le fonctionnaire a implicitement admis que la règle établie voulait que l’employé communique d’abord avec son superviseur ou son gestionnaire pour obtenir son autorisation quand survient une situation qui nécessite un rappel au travail. Cette exigence est expressément décrite au paragraphe 6 de l’énoncé conjoint des faits à propos de M. Richardson. Il est tout à fait raisonnable de conclure qu’elle s’appliquait également au fonctionnaire.

35 Les parties n’ont pas abordé, dans leur argumentation, la question du caractère juridique de la [traduction] « Délégation de pouvoirs en matière de ressources humaines de l’ACIA » pour l’interprétation de la convention collective. Sans porter de jugement formel sur son caractère juridique, j’estime néanmoins avoir le droit de m’appuyer sur ce qui y est écrit, et que les parties ont admis, pour mieux comprendre comment la clause 28.01 de la convention collective s’applique dans la réalité. Dans la même optique, je crois également que je peux m’appuyer sur l’existence reconnue d’une règle établie dans les cas où un employé est rappelé au travail. Ces faits m’autorisent certainement à penser qu’il est raisonnable d’interpréter la clause 28.01 sous l’angle d’une attente courante, comprise par les deux parties, que tout rappel au travail doit généralement être autorisé par un représentant de l’employeur dûment autorisé.

36 En omettant les mots « par l’employeur » dans le texte de la clause 28.01 de la convention collective, je crois que les parties voulaient s’accorder une certaine marge de manœuvre dans l’application de cette disposition. À mon avis, on ne peut exclure la possibilité que surviennent des situations où un employé qui n’a pas obtenu l’autorisation préalable de l’employeur en vienne à la conclusion logique qu’il doit rentrer au travail pour accomplir une tâche pour l’employeur. Une variété de situations urgentes me vient d’ailleurs à l’esprit. Dans ces cas-là, il serait probablement irréaliste d’exiger que l’employé obtienne d’abord l’autorisation de l’employeur. Il est logique de penser que la conduite de l’employé dans une situation particulière pourrait quand même lui donner droit à une indemnité de rappel au travail.

37 La preuve incontestée dont je dispose dans ce cas-ci m’indique que le fonctionnaire n’a pas essayé de communiquer avec son superviseur, Raymond Schaff, ou son gestionnaire, Sam Elder, pour vérifier s’il devait rentrer au travail pour venir en aide à M. Richardson. M. Richardson, quant à lui, avait tenté de joindre de M. Elder, à un numéro erroné, mais il n’avait pas tenté de communiquer avec M. Schaff. Dans le cas de M. Schaff du moins, le fonctionnaire ne pouvait pas présumer, en se basant sur l’expérience de M. Richardson, que le superviseur responsable n’était pas disponible. Il a répondu à l’appel de M. Richardson sans savoir ce qu’auraient pu être les instructions de M. Schaff. (La question de savoir si M. Richardson s’est lui-même confirmé suffisamment à la règle établie est sans intérêt ici.)

38 Il est évident que M. Richardson n’avait pas le pouvoir d’autoriser le rappel au travail — ce que confirme d’ailleurs le paragraphe 10 de l’énoncé conjoint des faits. Je reconnais que le fonctionnaire a agi de bonne foi en venant en aide à M. Richardson, mais cela ne m’empêche pas de conclure, en me basant sur la preuve dont je dispose, qu’il existait, à son égard, une attente raisonnable qu’il ferait le nécessaire pour joindre l’employeur avant d’accomplir le travail. C’est bien certain que l’obligation de donner à l’employeur la possibilité de déterminer les exigences de travail déborde le cadre de la simple obligation d’observer la politique et la règle établies par l’employeur. C’est une obligation qui touche à l’essence même de la relation d’emploi et qui admet très peu d’exceptions. Cette obligation doit éclairer l’interprétation de la convention collective, à moins que le texte de la convention indique le contraire ou qu’il s’agisse d’un cas exceptionnel. J’estime qu’aucune de ces situations ne s’applique ici.

39 En me basant sur la preuve produite d’un commun accord par les parties, je conclus que le fonctionnaire ne s’est pas acquitté de la charge de démontrer que l’employeur a contrevenu à la clause 28.01 de la convention collective. Cela dit, j’estime bien humblement que l’employeur pourrait vouloir trouver un moyen de reconnaître le fait que le fonctionnaire a répondu à une demande inhabituelle en toute bonne foi, le 9 mai 2005, et qu’il est venu en aide à un collègue qui se trouvait véritablement dans une situation difficile.

40 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

41 Le grief est rejeté.

Le 10 juin 2009.

Traduction de la CRTFP

Dan Butler,
arbitre de grief

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