Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les fonctionnaires s'estimant lésés ont allégué que l'employeur avait violé les dispositions de la convention collective portant sur la répartition des heures supplémentaires - outre ce que prescrit la convention collective, le pénitencier dans lequel travaillent les fonctionnaires s'estimant lésés dispose d'une procédure écrite concernant la répartition des heures supplémentaires - l'agent négociateur est généralement d'accord avec ce qu'indique la procédure, à une exception près: l'employeur offre la possibilité de faire des heures supplémentaires d'abord aux agents de correction qui seront rémunérés au tarif et demi (premier jour de repos), et ne fait appel aux agents qui seront rémunérés au tarif double (deuxième jour de repos) une fois seulement qu'il a épuisé la liste des agents qui devraient être payés au tarif et demi - le nombre d'heures travaillées par les agents retombait à zéro au début de chaque trimestre, après quoi les heures recommençaient à être comptabilisées quotidiennement - M.Hunt a allégué qu'on ne l'avait pas appelé pour faire des heures supplémentaires parce qu'il en était à son deuxième jour de repos, et qu'on avait plutôt fait appel à d'autres agents qui avaient déjà travaillé plus d'heures supplémentaires que lui mais qui en était à leur premier jour de repos - M.Shaw n'a pas été appelé, même s'il en était à son premier jour de repos, parce qu'on avait commis une erreur en transcrivant son numéro de téléphone à la maison - l'employeur doit faire tout effort raisonnable pour répartir les heures supplémentaires sur une base équitable - la répartition équitable ne veut pas dire une répartition égale- bien que le caractère équitable soit habituellement évalué sur une certaine période de temps, la procédure du pénitencier concernant la répartition des heures supplémentaires rendait compte d'une acceptation commune de ce que signifie la notion de <<sur une base équitable>>, et elle a établi que le caractère équitable serait évalué quotidiennement - la pratique de l'employeur consistait à accorder la priorité aux employés qui en étaient à leur premier jour de repos - cela ne constituait pas une violation de la convention collective - l'employeur n'a pas violé la convention collective dans le cas de M.Hunt, car l'agent négociateur n'a pas fait la preuve que le fonctionnaire s'estimant lésé se trouvait dans une situation allant à l'encontre de la convention collective - dans le cas de M.Shaw, celui-ci n'a pas été appelé pour faire des heures supplémentaires uniquement en raison d'une erreur administrative commise par l'employeur, et il devrait donc recevoir une rémunération pour ces heures. Un grief rejeté. Un grief accueilli.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2009-05-29
  • Dossier:  566-02-1626 et 1761
  • Référence:  2009 CRTFP 65

Devant un arbitre de grief


ENTRE

DONI HUNT ET STEVE SHAW

fonctionnaires s'estimant lésés

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)

employeur

Répertorié
Hunt et Shaw c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief

Pour les fonctionnaires s'estimant lésés:
Michel Bouchard, Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada - CSN

Pour l'employeur:
Pierre Marc Champagne, avocat

Affaire entendue à Kingston (Ontario),
les 21 et 22 avril 2009.
(Traduction de la CRTFP)

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

1 Doni Hunt et Steve Shaw, les fonctionnaires s’estimant lésés (les « fonctionnaires »), ont déposé des griefs individuels alléguant que le Service correctionnel du Canada (l’« employeur ») avait contrevenu aux dispositions relatives à la répartition des heures supplémentaires contenues dans la convention collective conclue le 26 juin 2006 entre le Conseil du Trésor et le Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN (l’« agent négociateur ») pour l’unité de négociation des Services correctionnels (CX) (la « convention collective »). Les fonctionnaires travaillent comme agents correctionnels à l’établissement Millhaven situé à Bath (Ontario).

2 Le 3 juillet 2007, M. Hunt a déposé un grief alléguant que l’employeur avait contrevenu à la convention collective, le 30 juin 2007, en ne répartissant pas les heures supplémentaires de manière juste et équitable. Il alléguait que l’employeur avait omis de l’appeler pour lui offrir des heures supplémentaires et, à titre de réparation, il demandait 16 heures supplémentaires à tarif double et l’équivalent de 180 kilomètres en frais de déplacement. L’employeur a rejeté le grief au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, le 21 juillet 2008. L’agent négociateur a renvoyé le grief à l’arbitrage le 17 décembre 2007.

3 Le 27 octobre 2007, M. Shaw a déposé un grief alléguant que l’employeur avait contrevenu à la convention collective, le 19 octobre 2007, en ne répartissant pas les heures supplémentaires de manière juste et équitable. Il alléguait que l’employeur ne l’avait pas appelé pour lui offrir des heures supplémentaires et, à titre de réparation, il demandait d’être indemnisé pour les heures supplémentaires qu’il avait perdues. L’employeur a rejeté le grief au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, le 24 mars 2009. L’agent négociateur a renvoyé le grief à l’arbitrage le 25 janvier 2008.

4 Les dispositions pertinentes de la convention collective sont les suivantes :

21.10 Répartition des heures de travail

L'Employeur fait tout effort raisonnable pour :

a)       répartir les heures supplémentaires de travail sur une base équitable parmi les employé-e-s qualifiés facilement disponibles,

b)       attribuer du travail en temps supplémentaire aux employé-e-s faisant partie du même groupe et niveau par rapport au poste à combler, p. ex. Agent correctionnel 1 (CX-1) à agent correctionnel 1 (CX-1), agent correctionnel 2 (CX-2) à agent correctionnel 2 (CX-2), etc.

Cependant, il est possible pour une section locale de convenir par entente écrite avec le directeur de l'établissement d'une méthode différente en ce qui a trait à l'attribution du temps supplémentaire.

[…]

21.12 Rémunération du travail supplémentaire

L'employé-e a droit à une rémunération à temps et demi (1 1/2) sous réserve du paragraphe 21.13 pour chaque heure supplémentaire de travail supplémentaire exécutée par lui.

21.13 Sous réserve du paragraphe 21.14, tout employé-e a droit au tarif double (2) pour chaque heure supplémentaire de travail effectuée par lui,

a)       un deuxième (2e) jour de repos ou un (1) jour de repos subséquent (deuxième (2e) jour de repos ou jour de repos subséquent désigne le deuxième (2e) jour, ou le jour subséquent d'une série ininterrompue de jours de repos civils consécutifs et accolés),

[…]

II. Résumé de la preuve

5 Les parties ont déposé 21 documents en preuve. Les fonctionnaires ont appelé à témoigner Blair Pound et Mark Shipman. M. Pound est agent correctionnel à l’établissement Millhaven en plus d’être président de la section locale de l’unité de négociation de cet établissement. M. Shipman est agent correctionnel à l’établissement Millhaven. M. Hunt et M. Shaw ont également témoigné. L’employeur a appelé Shauna Dickie et John Houde. Mme Dickie et M. Houde sont l’un et l’autre agents correctionnels à l’établissement Millhaven.

6 À l’époque où les griefs ont été déposés, il y avait une procédure écrite – développée par l’employeur - en place à l’établissement Millhaven pour la répartition des heures supplémentaires. La section locale de l’agent négociateur trouvait en général que c’était une procédure équitable pour répartir les heures supplémentaires parmi les agents correctionnels, sauf à un point de vue : le fait que l’employeur offrait d’abord les heures supplémentaires aux agents correctionnels qui seraient rémunérés à temps et demi. Les agents qui avaient droit au tarif double se faisaient offrir des heures seulement quand la première liste d’agents était épuisée. La preuve a établi que l’agent négociateur avait fait savoir par écrit à l’employeur qu’il était en désaccord avec cet aspect de la procédure, avant les événements qui ont donné lieu aux griefs. L’employeur et la section locale de l’agent négociateur avaient confirmé leurs positions respectives dans une entente signée à la fin de 2007.

7 Aux termes des clauses 21.12 et 21.13 de la convention collective, les heures supplémentaires sont généralement rémunérées à temps et demi, sauf si elles sont effectuées le deuxième jour de repos ou le jour de repos subséquent de l’employé.

8 La première étape de la procédure établie pour la répartition des heures supplémentaires à l’établissement Millhaven consistait à consigner les périodes de disponibilité des agents correctionnels au début de chaque semaine, sur le rapport des heures supplémentaires volontaires. Le formulaire contenait le nom de chaque agent classifié dans le groupe et au niveau CX-01 et CX-02. Les agents y inscrivaient, pour les sept jours suivants, les jours et les postes de travail où ils étaient disponibles pour faire des heures supplémentaires. Le formulaire indiquait également les postes et les heures de travail habituels des agents; la date de leurs jours de repos; leur numéro de téléphone et le nombre total d’heures supplémentaires qu’ils avaient effectuées durant le trimestre applicable. L’employeur remettait le « compteur » à zéro au début de chaque trimestre et les heures supplémentaires recommençaient à s’additionner. Les trimestres étaient répartis comme suit : 1er janvier au 31 mars, 1er avril au 30 juin, 1er juillet au 30 septembre et 1er octobre au 31 décembre.

9 Avant chaque poste de travail, le gestionnaire correctionnel transcrivait sur la fiche de répartition des heures supplémentaires pour le poste suivant les renseignements pertinents consignés sur le rapport des heures supplémentaires volontaires. Cette fiche était ensuite utilisée pour déterminer quel agent était appelé en premier pour faire des heures supplémentaires.

10 Aux termes de la procédure en vigueur dans l’établissement Millhaven, les données utilisées pour la répartition des heures supplémentaires étaient constamment mises à jour. On offrait les heures supplémentaires aux agents disponibles en commençant par l’agent qui avait effectué le moins grand nombre d’heures supplémentaires durant le trimestre. Cependant, les agents qui en étaient à leur premier jour de repos (et qui avaient droit à une rémunération à temps et demi) étaient appelés en premier. L’employeur commençait ensuite à appeler les agents qui en étaient à leur deuxième jour de repos ou à leur jour subséquent de repos (et qui avaient droit au tarif double).

11 Pour la semaine du 25 juin au 1er juillet 2007, M. Hunt avait indiqué sur le rapport des heures supplémentaires volontaires qu’il était disponible durant les postes de jour et de soir, le 30 juin 2007, et que c’était son deuxième jour de repos. Il n’a pas reçu d’appel de l’employeur pour faire des heures supplémentaires ce jour-là. En date du 30 juin 2007, M. Hunt avait effectué 27,5 heures supplémentaires durant le trimestre. L’employeur avait jugé bon d’appeler des agents qui cumulaient un plus grand nombre d’heures supplémentaires que lui durant le trimestre parce qu’il pouvait les rémunérer à temps et demi alors qu’il aurait été obligé de le rémunérer à tarif double.

12 La preuve produite par M. Hunt, qui n’a pas été réfutée par l’employeur, a permis d’établir que M. Hunt aurait effectué 16 heures supplémentaires si l’employeur l’avait appelé le 30 juin 2007.

13 Pour la semaine du 15 au 21 octobre 2007, M. Shaw avait indiqué sur le rapport des heures supplémentaires volontaires qu’il était disponible durant les postes de jour et de nuit, le 19 octobre 2007; il avait aussi inscrit son numéro de téléphone. Or en transcrivant l’information sur la fiche de répartition des heures supplémentaires pour le poste de soir du 19 octobre 2007, le gestionnaire correctionnel avait inscrit par erreur le numéro de téléphone d’un autre agent correctionnel. M. Shaw était l’agent qui avait accumulé le moins grand nombre d’heures supplémentaires durant le trimestre, ce qui lui fait dire que l’employeur aurait dû lui offrir des heures supplémentaires, puisqu’il a appelé d’autres agents.

14 M. Shaw a déclaré, durant son témoignage, qu’il n’avait pas reçu d’appel pour faire des heures supplémentaires le soir du 19 octobre 2007. M. Houde est le gestionnaire correctionnel qui a appelé les employés pour leur offrir des heures supplémentaires pour ce poste de travail. Il a déclaré qu’il avait inscrit les lettres N.D. en regard du nom de M. Shaw sur la fiche d’appel pour le poste de soir du 19 octobre 2007. Il inscrit généralement cette mention quand l’agent n’est pas disponible pour faire des heures supplémentaires. Il coche aussi la case « oui » dans la colonne appropriée quand il laisse un message à un agent. Or cette case n’avait pas été cochée dans le cas de M. Shaw, alors qu’elle l’avait été dans le cas des agents dont le nom venait avant ou après celui de M. Shaw sur la fiche. M. Houde ne peut pas confirmer qu’il a composé le numéro de téléphone de M. Shaw ou le numéro erroné indiqué sur la fiche d’appel. Quoi qu’il soit, il suppose qu’il a dû se rendre compte de son erreur et composer ensuite le numéro de M. Shaw.

15 M. Shaw n’a pas été capable d’établir avec précision le nombre d’heures supplémentaires qu’il aurait effectuées, le 19 octobre 2007, si l’employeur l’avait appelé pour lui offrir des heures supplémentaires.

16 L’employeur a fourni des données pour montrer qu’il n’y avait pas une grande différence dans le nombre d’heures supplémentaires effectuées par les agents qui étaient disponibles pour les postes de travail de juin et d’octobre 2007. Mme Dickie a admis que ces données avaient été colligées après les faits, mais elle n’a pas été en mesure de confirmer la méthode de calcul qui avait été utilisée.

17 Mme Dickie et M. Houde ont indiqué que d’autres établissements pénitentiaires appliquaient des procédures comparables à celles de l’établissement Millhaven pour la répartition des heures supplémentaires.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour les fonctionnaires

18 La convention collective oblige l’employeur à faire tout effort raisonnable pour répartir les heures supplémentaires sur une base équitable parmi les employés disponibles. À l’établissement Millhaven, l’employeur et la section locale se sont mis d’accord sur le sens de la notion de « base équitable ». Il existe des procédures détaillées pour calculer le nombre d’heures supplémentaires effectuées par les employés; de plus, les heures supplémentaires sont généralement offertes aux employés qui ont accumulé le moins grand nombre d’heures supplémentaires durant le trimestre.

19 Les faits des deux griefs ne sont pas contestés. M. Hunt aurait dû se faire offrir des heures supplémentaires le 30 juin 2007. L’employeur n’a pas respecté sa propre procédure en offrant le travail à des employés qui avaient déjà accumulé un plus grand nombre d’heures supplémentaires que M. Hunt durant ce trimestre.

20 L’employeur n’a pas fait tout effort raisonnable pour répartir les heures supplémentaires sur une base équitable quand il a décidé de ne pas offrir d’heures supplémentaires à M. Hunt parce qu’il aurait été obligé de le rémunérer à tarif double. La pratique qui consiste à appeler les employés qui seraient rémunérés à temps et demi avant ceux qui auraient droit au tarif double va à l’encontre de la convention collective. En procédant de cette manière, l’employeur ne fait pas tout effort raisonnable pour répartir les heures supplémentaires sur une base équitable.

21 La preuve a établi que l’employeur avait commis une erreur en transcrivant de façon erronée le numéro de téléphone de M. Shaw sur la fiche de répartition des heures supplémentaires pour le poste de soir du 19 octobre 2007. Il s’ensuit que M. Shaw ne s’est pas fait offrir d’heures supplémentaires ce jour-là, même s’il cumulait le moins grand nombre d’heures supplémentaires durant le trimestre.

22 Les fonctionnaires devraient être indemnisés pour les heures supplémentaires qui auraient dû leur être offertes si la convention collective avait été respectée. À titre de mesure corrective, l’arbitre de grief pourrait ordonner à l’employeur de leur attribuer ce nombre d’heures supplémentaires durant un poste donné, mais cela serait inéquitable pour les autres employés qui seraient aussi privés de la possibilité de faire ces heures supplémentaires.

23 Les fonctionnaires m’ont renvoyé à la jurisprudence suivante : Mungham c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada, 2005 CRTFP 106; Greater Sudbury Hydro Plus Inc. c. Syndicat canadien de la fonction publique, Local 4705, (2003) 115 L.A.C. (4th) 385; Federal White Cement Ltd. c. United Cement Workers, Local 368, (1981) 29 L.A.C. (2d) 342; 3M Canada Inc. c. Energy and Chemical Worker’s Union., Local 294, (1984) 15 L.A.C. (3d) 316; et Cambridge (City) c. Amalgamated Transit Union, Local 1608, (1997) 65 L.A.C. (4th) 13.

B. Pour l’employeur

24 Les fonctionnaires ont la charge de démontrer que l’employeur n’a pas respecté l’obligation qui lui est comférée par la convention collective de répartir les heures supplémentaires sur une base équitable. Au vu de la preuve produite, les fonctionnaires ne se sont pas acquittés de cette charge.

25 L’équitabilité de la répartition des heures supplémentaires ne doit pas être établie au jour le jour, mais sur une période plus longue. De plus, l’employeur a toujours procédé de la même manière en offrant d’abord les heures supplémentaires aux employés qui seraient rémunérés à temps et demi en premier et ensuite à ceux qui auraient droit au tarif double.

26 En juin et en octobre 2007, la procédure en vigueur à l’établissement Millhaven pour la répartition des heures supplémentaires n’avait pas encore fait l’objet d’une entente avec la section locale. Cette entente n’a été signée qu’à la fin de 2007.

27 M. Shaw n’a pas fait la preuve que c’est en raison de l’erreur de transcription de son numéro de téléphone qu’il n’a pas reçu d’appel pour faire des heures supplémentaires le 19 octobre 2007. Il n’a pas non plus prouvé qu’il était disponible pour effectuer des heures supplémentaires ce jour-là. Au surplus, rien dans la preuve n’indique que l’employeur n’a pas fait tout effort raisonnable pour lui offrir des heures supplémentaires ce jour-là.

28 Les fonctionnaires n’ont pas démontré que la manière dont l’employeur avait appliqué les procédures établies pour la répartition des heures supplémentaires avait occasionné un écart dans l’attribution de ces heures. En comparant les données sur les heures supplémentaires qui ont été offertes aux employés disponibles sur une plus longue période, on constate que les fonctionnaires ont été traités de manière équitable.

29 L’employeur m’a renvoyé à la jurisprudence suivante : Armand c. le Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada – Service correctionnel), dossier de la CRTFP 166-02-19560 (19900629); Roireau et Gamache c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada – Service correctionnel), 2004 CRTFP 85; Evans c. le Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada – Service correctionnel), dossier de la CRTFP 166-02-17195 (19881007); Lay c. le Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 166-02-14889 (19861124); Sturt-Smith c. le Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada), dossier de la CRTFP 166-02-15137 (19860731); et Sumanik c. Conseil du Trésor (ministère des Transports), dossier de la CRTFP 166-02-395 (19710927).

IV. Motifs

30 Les parties admettent l’une et l’autre que l’employeur doit faire tout effort raisonnable pour répartir les heures supplémentaires sur une base équitable parmi les employés disponibles. Cependant, à en juger par leurs arguments, elles ont une conception différente de ce que signifie répartir les heures « sur une base équitable ».

31 Dans la cause Sumanik, l’arbitre de grief a conclu que équitable ne voulait pas dire la même chose que égal. Ce que cela signifie plutôt c’est que, sur une période donnée,  « équitable » pourrait vouloir dire « approximativement ég[al] ». Dans les causes Armand, Evans et Lay, les arbitres de grief ont également conclu que l’équitabilité devait être examinée sur une période donnée, qui pourrait s’étaler sur un an.

32 Cela dit, il existait un consensus entre l’employeur et la section locale, à l’établissement Millhaven, sur ce qui constituait une répartition équitable. Une procédure était en place pour calculer le nombre d’heures supplémentaires effectuées par les employés chaque semaine. De plus, la feuille de calcul hebdomadaire était mise à jour toutes les 24 heures. En procédant de cette manière, l’employeur assurait au jour le jour l’équité dans la répartition des heures supplémentaires avant d’en offrir  aux employés disponibles. Dans la cause Mungham, l’arbitre de grief a écrit ce qui suit à propos d’une procédure comparable à l’établissement Fenbrook :

[…]

[31] Ce passage laisse entendre que la politique sur les heures supplémentaires représente la façon généralement admise d’attribuer les heures supplémentaires de façon équitable, comme l’exige la convention collective. Bien que le document ne fasse pas partie de la convention, il est pertinent à son interprétation et à son application (voir Canadian Labour Arbitration, supra, paragraphe 4 :1220). Le manuel de procédures (annexe D de l’Exposé conjoint des faits) précise que, s’il est nécessaire de recourir au travail en heures supplémentaires, [traduction] « le SC en service doit veiller à ce que toutes les heures supplémentaires soient attribuées de manière rentable et de plus que toutes les heures supplémentaires soient réparties de manière égale entre les employés […] ». En adoptant cette politique, l’employeur a limité son pouvoir discrétionnaire dans l’attribution des heures supplémentaires. M. Mungham a témoigné que l’agent négociateur acceptait cette politique comme étant une méthode équitable d’attribution des possibilités d’effectuer des heures supplémentaires. Il a été démontré que cette politique est appliquée de façon régulière, même si d’autres griefs sont encore non réglés. De cette façon, la politique sur les heures supplémentaires représente la façon généralement admise de répartir de façon équitable les heures supplémentaires. Je conclus par conséquent que la politique sur les heures supplémentaires lie l’employeur. Personne n’a contesté que, selon la politique, M. Mungham aurait dû se faire offrir la possibilité d’effectuer des heures supplémentaires le 30 décembre 2003. Je conclus donc qu’il y a eu contravention à la convention collective.

[…]

33 Les parties ont produit une profusion d’éléments de preuve pour démontrer qu’elles estimaient l’une et l’autre que l’équité s’appliquait à la journée. Or, dans son argumentation, l’employeur a défendu la position que la répartition des heures supplémentaires doit être examinée dans une perspective à long terme. En établissant une procédure pour la répartition des heures supplémentaires et en l’appliquant pendant une longue période, l’employeur a limité son pouvoir discrétionnaire pour l’attribution des heures supplémentaires, dans la mesure où la procédure ne contrevient pas à la convention collective. Rien ne l’obligeait à instaurer un système aussi complexe pour colliger des données chaque jour sur les heures supplémentaires effectuées. Ce système constitue désormais l’interprétation juridique officielle de ce que signifie la répartition équitable des heures supplémentaires à l’établissement Millhaven. La seule preuve qui m’a été présentée pour établir que l’équité devait être déterminée sur une plus longue période pour l’application de la procédure, c’est le fait que les heures étaient cumulées durant chaque trimestre avant que le « compteur » soit remis à zéro. Je conclus que les parties appliquaient la politique en établissant l’équité toutes les 24 heures et que c’est exclusivement pour des raisons de commodité que les « compteurs » étaient remis à zéro au début de chaque trimestre.

34 Maintenant que cela a été établi, faut-il en conclure que l’employeur ne respecte pas la convention collective lorsqu’il offre d’abord les heures supplémentaires aux employés qui en sont à leur premier jour de repos plutôt qu’à ceux qui en sont à leur deuxième jour?

35 Il a été démontré que la pratique qui a cours depuis des années est de donner la priorité aux employés qui en sont à leur premier jour de repos. Dans les causes Lay et Evans, les arbitres de grief ont conclu que cette façon de répartir les heures supplémentaires n’était pas contraire à la convention collective et que cela ne représentait pas un critère inéquitable. Par contre, dans la cause Evans, l’arbitre a écrit que si on lui avait démontré que la pratique de donner la priorité aux employés qui en sont à leur premier jour de repos occasionnait une répartition inéquitable des heures supplémentaires, il aurait accueilli le grief. Dans la cause Sturt-Smith, l’arbitre a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé aurait dû se faire offrir des heures supplémentaires même s’il avait droit au tarif double. Dans la cause Sumanik, l’arbitre a déclaré que le coût ne doit pas entrer en ligne de compte pour définir la répartition équitable des heures supplémentaires.

36 La procédure en vigueur à l’établissement Millhaven est claire : les heures supplémentaires sont offertes en premier aux employés disponibles qui seraient rémunérés à temps et demi. S’agit-il d’un critère qui occasionne une répartition inéquitable des heures supplémentaires dans le cas de M. Hunt? Même s’il est évident que c’est uniquement parce qu’il aurait été obligé de le rémunérer à tarif double que l’employeur n’a pas offert d’heures supplémentaires à M. Hunt, le 30 juin 2007, cela ne signifie pas nécessairement que les heures supplémentaires ont été réparties de manière inéquitable.

37 La politique sur la répartition des heures supplémentaires divise les employés en deux catégories, selon qu’ils en sont à leur premier ou à leur deuxième jour de repos, et donne la priorité aux premiers lorsque vient le moment de répartir les heures supplémentaires. Le fonctionnaire ne m’a pas démontré que cela occasionnait un manque d’équité, ni que sa situation le 30 juin 2007 allait à l’encontre de la convention collective.

38 Comme dans la cause Evans, si le fonctionnaire avait démontré que le fait de donner la priorité aux employés qui en sont à leur premier jour de repos avait occasionné une répartition inéquitable des heures supplémentaires, j’aurais accueilli le grief. Je ne nie pas que la procédure appliquée de l’employeur peut mener à un système inéquitable pour la répartition des heures supplémentaires, mais le fonctionnaire doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités, ce qu’il n’a pas fait. L’employeur n’a pas non plus prouvé que la procédure était équitable, mais il n’avait pas à faire cette preuve.

39 Le grief de M. Shaw est basé sur une série de faits différents. On ne lui a pas offert d’heures supplémentaires, le 19 octobre 2007, même s’il aurait été rémunéré à temps et demi et même s’il avait effectué un moins grand nombre d’heures supplémentaires que les employés qui ont reçu un appel. Selon la prépondérance des probabilités, je crois que M. Shaw dit vrai et qu'on ne lui a pas offert d’heures supplémentaires pour le poste de soir, le 19 octobre 2007.

40 M. Shaw a déclaré dans son témoignage qu’il n’avait pas reçu d’appel. M. Houde croit qu’il l'a appelé, mais il n’en est pas sûr. Rien n’indique sur la fiche de répartition des heures supplémentaires pour le poste de soir du 19 octobre 2007 que M. Houde a laissé un message à M. Shaw, même s’il en a laissé un aux autres employés. De plus, le numéro de téléphone de M. Shaw inscrit sur la fiche était erroné. M. Hunt a déclaré qu’il aurait certainement relevé l’erreur.

41 Résumons les faits. D’une part M. Shaw est formel : il n’a pas reçu d’appel. D’autre part, M. Houde base son témoignage sur la manière dont il aurait normalement agi et non sur ce dont il se souvient des événements de ce jour-là.

42 M. Shaw aurait dû se faire offrir des heures supplémentaires pour le poste de soir du 19 octobre 2007, mais on ne lui en a pas offert et ce, uniquement à cause d’une erreur administrative de l’employeur. Ce dernier a manqué à son obligation d’offrir des heures supplémentaires à M. Shaw sur une base équitable et conformément à la politique établie, et cela étant, il devrait indemniser le fonctionnaire.

43 Après avoir examiné la jurisprudence soumise par les parties, je conclus que la mesure corrective qui s’impose ici est d’exiger de l’employeur qu’il indemnise M. Shaw pour les heures supplémentaires qu’il aurait effectuées si on l’avait appelé pour travailler dans la soirée du 19 octobre 2007. Je conviens avec le fonctionnaire qu’obliger l’employeur à lui offrir un poste de travail en heures supplémentaires causerait un préjudice aux autres employés qui ne pourraient pas se faire offrir ces heures supplémentaires.

44 Je ne peux établir le nombre d’heures supplémentaires que M. Shaw aurait effectuées ce jour-là, à partir de la preuve dont je dispose, et je laisse donc aux parties le soin de déterminer ce nombre. En cas de désaccord, je prendrai moi-même la décision après avoir invité les parties à me fournir des observations complémentaires sur ce point.

45 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

46 Le grief de M. Hunt est rejeté.

47 Le grief de M. Shaw est accueilli. Les parties détermineront ensemble le nombre d’heures supplémentaires pour lesquelles l’employeur doit indemniser M. Shaw.

48 Je demeure saisi du grief de M. Shaw pour une période de 60 jours à compter de la date de la présente décision, au cas où les parties n’arriveraient pas à s’entendre sur le nombre d’heures supplémentaires pour lesquelles M. Shaw doit être indemnisé.

Le 29 mai 2009.

Traduction de la CRTFP

Renaud Paquet,
arbitre de grief

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