Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’<<agent négociateur>>) a déposé un grief de principe contre l’Agence des services frontaliers du Canada (l’<<employeur>>) alléguant que l’employeur avait instauré un horaire de postes de travail qui n’était pas conforme à la convention collective - il alléguait également que l’employeur n’avait pas tenu de consultations valables avant d’instaurer unilatéralement l’horaire de postes de travail et qu’il n’avait pas rempli les conditions préalables prévues par la convention collective pour modifier les heures de début des postes de travail - la convention collective prévoyait que, lors de consultations, l’employeur devait <<établir que ces heures sont nécessaires pour répondre aux besoins du public ou assurer le bon fonctionnement du service>> - l’employeur a soulevé une objection préliminaire et demandé que l’arbitre de grief déclare que le grief était devenu sans objet - l’agent négociateur a défendu la position que, même s’il y avait eu des consultations valables, la première question demeurait pertinente et que l’employeur n’avait pas établi que les postes de travail étaient nécessaires - l’arbitre de grief a rejeté l’objection de l’employeur en concluant que le différend n’avait pas été résolu - il s’est également dit disposé à se saisir de demandes de divulgation si les renseignements recherchés se rapportaient directement aux questions à trancher durant la période visée par le grief - rien n’empêche l’employeur de faire valoir des considérations d’ordre financier pour justifier la nécessité d’assurer le bon fonctionnement du service - l’arbitre de grief a conclu que le mot <<établir>> devait être interprété au sens de démontrer, valider, justifier ou expliquer une proposition - la position que l’employeur avance durant les consultations doit être basée sur des faits concrets; l’employeur doit également expliquer les raisons qui sont directement ou significativement reliées à la nécessité de répondre aux besoins du public ou d’assurer le bon fonctionnement du service - ces raisons ne doivent pas être frivoles ni arbitraires ni être simplement la manifestation des préférences de l’employeur - chaque cause est un cas d’espèce - la convention collective n’indique pas comment l’employeur doit établir la nécessité de répondre aux besoins du public ou d’assurer le bon fonctionnement du service, ni quelle information il doit communiquer à l’agent négociateur - le processus de consultation commence dès que les postes de travail doivent être modifiés et se termine une fois que l’employeur a décidé d’instaurer les changements - par conséquent, l’arbitre de grief ne peut pas tenir compte de la preuve ayant trait à des événements qui sont survenus avant le début des consultations, sauf que dans la mesure où cette preuve nous éclaire sur les consultations ultérieures ou nous permet de les situer dans leur contexte, rien n’empêche l’arbitre de grief de l’utiliser pour mieux comprendre la situation - l’obligation de tenir des consultations s’applique à chaque poste de travail atypique que l’employeur veut instaurer - l’employeur avait contrevenu à la convention collective dans le cas de quatre des postes de travail qu’il avait instaurés - le manquement dans le cas des opérations des passagers était de nature plus technique, vu que l’agent négociateur ne voulait pas vraiment discuter de la proposition poste par poste et qu’il avait expressément indiqué qu’il ne voulait pas participer à une discussion de fond qui ne correspondait pas à ses attentes - de ce fait, la preuve contextuelle limite la gravité de la violation. Demande visant à déclarer le grief sans objet rejetée. Grief de principe accueilli en partie.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2009-05-29
  • Dossier:  569-02-34
  • Référence:  2009 CRTFP 66

Devant un arbitre de grief


ENTRE

L’ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

agent négociateur

et

LE CONSEIL DU TRÉSOR
(Agence des services frontaliers du Canada)

employeur

Répertorié
Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada)

Affaire concernant un grief de principe renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Dan Butler, arbitre de grief

Pour l'agent négociateur:
Susan Ballantyne, avocate

Pour l'employeur:
Richard Fader, avocat

Affaire entendue à Toronto (Ontario), les 5 et 6 février et les 1er et 2 octobre 2008,
et à Ottawa (Ontario), les 20 et 21 octobre 2008 et du 3 au 5 mars 2009.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief de principe renvoyé à l’arbitrage

1 Le 27 février 2007, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« agent négociateur ») a déposé un grief de principe contre le Conseil du Trésor (l’« employeur ») au nom de certains employés de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) qui travaillent à l’Aéroport international Pearson (« Pearson »). L’agent négociateur a allégué ce qui suit :

[Traduction]

[…]

L’employeur a mis en vigueur un horaire de postes contraire aux dispositions des clauses 25.13, 25.14, 25.16 et 25.17 de l’article 25 (Durée du travail) de la convention collective du groupe Services des programmes et de l’administration.

De plus, l’employeur a prétendu avoir établi et mis en œuvre l’horaire de postes conformément à la clause 25.22b), mais il n’a pas établi que l’horaire des postes était nécessaire pour répondre aux besoins du public ou assurer le bon fonctionnement du service.

[…]

2 À titre de mesure corrective, l’agent négociateur a proposé que [traduction] « […] les postes soient modifiés immédiatement de manière à ce qu’ils soient conformes aux dispositions des clauses 25.13, 25.14, 25.16 et 25.17 de la convention collective ».

3 La convention collective dont l’interprétation et l’application sont mises en cause par ce grief de principe s’applique au groupe Services des programmes et de l’administration (SPA), et elle est arrivée à échéance le 20 juin 2007 (la « convention collective »).

4 Les dispositions de la convention collective invoquées par l’agent négociateur sont les suivantes :

[…]

25.13 Lorsque, en raison des nécessités du service, la durée du travail des employé-e-s est répartie par roulement ou de façon irrégulière, elle doit être fixée de façon que les employé-e-s, au cours d'une période maximale de cinquante-six (56) jours civils :

a) sur une base hebdomadaire, travaillent en moyenne trente-sept virgule cinq (37,5) heures et en moyenne cinq (5) jours;

b) travaillent sept virgule cinq (7,5) heures consécutives par jour, sans compter la pause-repas d'une demi-heure (1/2);

c) bénéficient en moyenne de deux (2) jours de repos par semaine;

d) bénéficient d'au moins deux (2) jours de repos consécutifs à un moment donné, sauf quand un jour férié désigné payé qui est un jour chômé sépare les jours de repos; les jours de repos consécutifs peuvent faire partie de semaines civiles séparées.

25.14 L’employeur s’efforce, dans la mesure du possible :

a) d'éviter que le poste d'un employé-e commence moins de seize (16) heures après la fin de son poste précédent;

et

b) d'éviter les fluctuations excessives de l'horaire de travail.

[…]

25.16 L’employeur établit un horaire général des postes portant sur une période de cinquante-six (56) jours et l’affiche quinze (15) jours à l’avance; cet horaire doit répondre aux besoins normaux du lieu de travail.

25.17 Sauf indication contraire aux paragraphes 25.22 et 25.23, l’horaire normal des postes est le suivant:

a) de minuit à 8 h; de 8 h à 16 h; de 16 h à minuit;

ou

b) de 23 h à 7 h; de 7 h à 15 h; de 15 h à 23 h.

[…]

25.22b) Si les postes doivent être modifiés de sorte qu'ils diffèrent de ceux qui sont indiqués au paragraphe 25.17, l'employeur, sauf dans les cas d'urgence, doit consulter au préalable l'Alliance à ce sujet et établir, lors des consultations, que ces postes sont nécessaires pour répondre aux besoins du public ou assurer le bon fonctionnement du service.

[…]

5 La Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») a convoqué une audience d’arbitrage qui a commencé le 5 février 2008. Peu après le début de l’audience, les parties ont convenu de tenter de résoudre leurs différends par la médiation. L’audience a donc été ajournée, et la procédure de médiation a débouché sur un protocole d’accord devant être soumis à la ratification des membres de l’agent négociateur.

6 Le 23 avril 2008, après que les membres ont rejeté le protocole, l’agent négociateur a demandé à la Commission de convoquer de nouveau l’audience.

7 Le 19 juin 2008, l’employeur m’a demandé, en ma qualité d’arbitre de grief, de déclarer théorique le grief de principe.

II. Sommaire des arguments sur la question préliminaire – caractère théorique

A. Pour l’employeur

8 L’employeur invoque les modalités du protocole d’accord (le « protocole ») conclu par les parties par suite de la procédure de médiation qui a eu lieu à compter du 5 février 2008. Le protocole engageait l’agent négociateur à soumettre aux voix de ses membres un aménagement d’horaire de postes variable (AHPV) dont la mise en œuvre à Pearson était proposée. Si les employés représentés par l’agent négociateur devaient rejeter le projet d’AHPV, l’employeur était tenu, aux termes du protocole, de communiquer à l’agent négociateur certains renseignements sur l’établissement des heures de travail. Le protocole obligeait ensuite les parties à se consulter en vertu de la clause 25.22b) de la convention collective.

9 L’employeur a indiqué que, après le rejet de l’AHPV par les membres de l’agent négociateur à Pearson, il a communiqué des renseignements à celui-ci, conformément aux exigences du protocole, et un comité de consultation a été mis sur pied. L’employeur a présenté son point de vue sur les consultations qui ont suivi et les raisons pour lesquelles, à son avis, la rupture ultérieure des discussions était attribuable aux positions prises par le syndicat local et son représentant, John King.

10 Dans ses observations, l’employeur a fait valoir que les consultations qui ont eu lieu après la reprise des discussions étaient directement pertinentes au grief de principe. Il a soutenu ce qui suit :

[Traduction]

[…]

[…] ces faits les plus récents ont rejoint le thème des consultations initiales qui ont débouché sur la mise en œuvre de l’horaire de postes actuel. La jurisprudence indique clairement que la clause 25.22 est une clause de consultation. La convention collective n’exige pas le consentement de l’agent négociateur pour que l’employeur établisse des postes aux termes de la clause 25.22. Tout au plus, l’arbitre de grief est habilité à déclarer que l’employeur n’a pas consulté l’agent négociateur et à ordonner la tenue de consultations. L’employeur est disposé à consulter l’agent négociateur, mais celui-ci s’y refuse.

Par conséquent, l’employeur demande une déclaration portant que le grief de principe est théorique et que la meilleure ligne d’action consiste pour les parties à se réunir de nouveau dans le cadre du comité responsable du protocole d’accord, où l’employeur est disposé à communiquer les renseignements pertinents et à poursuivre les consultations sur la question. Bien qu’il soit reconnu que l’employeur demande un redressement discrétionnaire, il fait valoir respectueusement qu’il est inutile de poursuivre les discussions sur la question de savoir si des consultations valables ont eu lieu ou non préalablement à l’établissement de l’horaire de postes actuel, puisque l’employeur demeure engagé à poursuivre les consultations.

[…]

[Notes de pied de page exclues]

B. Pour l’agent négociateur

11 L’agent négociateur maintient que son grief de principe repose sur deux préoccupations. Premièrement, l’employeur n’a pas tenu de consultations significatives avant [traduction] « d’établir unilatéralement des postes » dont les heures de début diffèrent de celles que prévoit la clause 25.17 de la convention collective. Deuxièmement, l’employeur n’a pas rempli les conditions fixées dans la convention collective pour modifier les heures de début.

12 Selon l’agent négociateur, la seconde préoccupation était distincte de la première. Même si des consultations significatives avaient eu lieu, la seconde préoccupation serait demeurée pertinente, ce qui est toujours le cas. L’agent négociateur a affirmé que, contrairement aux exigences de la clause 25.22b) de la convention collective, les heures de début imposées par l’employeur n’étaient pas nécessaires pour répondre aux « besoins du public », ni pour « assurer le bon fonctionnement du service ».

13 L’agent négociateur me renvoie à la discussion sur la « doctrine du caractère théorique » contenue dans la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342, à compter de la page 353.

C. Réfutation de l’employeur

14 L’employeur a affirmé que l’agent négociateur estimait à tort que la clause 25.22b) de la convention collective exigeait un consentement plutôt que la tenue de consultations et a invoqué à l’appui Bernier et autres c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 166-02-13603 (19840522), et L’Alliance de la Fonction publique du Canada et le Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 169-02-49 (19741113).

15 Selon l’employeur, la seule condition imposée par la convention collective pour pouvoir modifier des postes est la tenue de consultations significatives, lesquelles ont effectivement eu lieu. Comme la seule question irrésolue entre les parties était celle de savoir si des consultations significatives avaient eu lieu, il n’y avait aucune raison de poursuivre l’audience.

III. Motifs – caractère théorique

16 Le greffe de la Commission a informé les parties, le 7 août 2008, que j’avais rejeté la demande présentée par l’employeur pour que le grief de principe soit déclaré théorique. Le greffe leur a appris que les motifs de mon refus seraient énoncés dans la décision finale. Ils sont décrits ci-après.

17 Le grief initial faisait valoir, dans un premier temps, que [traduction] « l’employeur a établi un horaire de postes contraire aux dispositions des clauses 25.13, 25.14, 25.16 et 25.17 de l’article 25 (Durée du travail) de la convention collective du groupe Services de l’administration [sic] ». Lorsque j’ai rejeté la demande de l’employeur, il restait à déterminer s’il existait une question de non-conformité avec l’une des clauses précitées indépendamment ou en sus des questions portant sur la clause 25.22b). En l’absence d’une indication expresse que l’agent négociateur avait retiré sa première allégation, je devais toujours potentiellement trancher l’affaire de l’interprétation des clauses 25.13, 25.14, 25.16 et 25.17.

18 Lorsque l’audience a repris le 1er octobre 2008, l’agent négociateur a précisé qu’il ne prétendait pas, en fait, que l’employeur avait enfreint indépendamment l’une ou l’autre des clauses 25.13, 25.14, 25.16 et 25.17 de la convention collective. Il avait mentionné les clauses précitées dans le libellé initial du grief, car il estimait que l’employeur avait changé l’horaire de postes, contrairement à la clause 25.22b), si bien qu’il n’était plus conforme aux normes fixées en vertu des clauses 25.13, 25.14, 25.16 et 25.17.

19 En ce qui concerne la clause 25.22b) de la convention collective, les parties ont maintenu leurs points de vue divergents sur l’interprétation de l’obligation qu’avait l’employeur d’« […] établir que ces postes sont nécessaires pour répondre aux besoins du public ou assurer le bon fonctionnement du service ». À mon avis, les parties devaient présenter des arguments et des preuves supplémentaires pour que soit déterminée l’interprétation exacte des autres éléments de la clause 25.22b). En somme, j’ai conclu que le différend visé par le grief de principe n’était pas résolu et que je devais convoquer de nouveau l’audience pour examiner la question.

20 Pour les raisons précitées, j’ai conclu que le grief de principe n’était pas théorique.

IV. Autres questions préliminaires

21 L’audience a repris le 1er octobre 2008. Au début de l’audience, l’agent négociateur s’est dit préoccupé que l’employeur n’ait pas divulgué tous les documents dont il disposait et dont l’agent négociateur avait fait la demande lors de la procédure de consultation découlant du protocole d’accord conclu en février 2008. J’ai reçu de courtes observations des parties sur l’état de la divulgation, puis j’ai rendu une décision verbale basée sur un texte préparé. Les points saillants de la décision sont présentés ci-après :

[Traduction]

[…]

J’ai tenté précédemment [lors d’une conférence préparatoire] de traiter de certaines des questions concernant la divulgation qui avaient été soulevées après l’échec de l’entente de principe […] J’ai signalé aux parties mes inquiétudes au sujet de la pertinence de l’information sur des événements ou des faits postérieurs à la date du grief. Certaines des questions concernant la divulgation découlent des engagements pris dans le protocole d’accord. Les parties ne m’ont pas demandé d’imposer l’application du protocole d’accord […]

[…] En quoi consiste ma tâche dans les circonstances? Bien que je sois sensible à l’intérêt que portent les parties à une décision qui les aiderait à administrer la clause 25.22b) — ce qui, peut-on soutenir, est l’un des motifs d’un grief de principe —, je dois néanmoins définir et mener la présente procédure dans le respect des paramètres du grief dont je suis saisi.

Le grief en question date originellement du 27 février 2007. Il y était affirmé, notamment, que l’employeur avait manqué à son obligation de remplir la ou les conditions préalables lorsque, en février 2007, il avait mis en œuvre, aux termes de la clause 25.22, un nouvel horaire de postes qui modifiait les heures de début.

J’estime qu’il m’incombe de décider si l’employeur s’est conformé à la clause 25.22b) lorsqu’il a agi de la sorte en février 2007. […] Je commettrais, en effet, une erreur en droit en considérant des éléments de preuve après le fait autrement que pour apprécier la crédibilité des parties ou décider d’un redressement.

S’agissant de divulgation, j’envisagerai toute demande de divulgation particulière, pourvu que je sois convaincu que l’information demandée est directement pertinente à la question de savoir si l’employeur s’est conformé à la clause 25.22b) au cours de la période visée par le grief.

[…]

22 À la suite de la décision, les parties ont confirmé qu’aucune autre question relative à la divulgation ne devait être soumise à l’arbitrage.

23 L’employeur a contesté la portée du grief de principe, qui, selon lui, devrait être limitée aux Opérations passagers à Pearson et ne devrait pas s’étendre aux Opérations commerciales. À son avis, le grief initial ne visait pas les Opérations commerciales et, selon le principe établi dans Burchill c. Procureur général du Canada, [1981] 1 C.F. 109 (C.A.), l’agent négociateur n’était pas autorisé à modifier la nature fondamentale de son grief lors de l’arbitrage afin qu’il englobe les Opérations commerciales aussi bien que les Opérations passagers.

24 Après les témoignages de deux témoins convoqués par l’employeur et d’un témoin convoqué par l’agent négociateur, l’employeur a demandé de retirer son objection fondée sur Burchill. J’ai accédé à sa demande.

V. Résumé de la preuve sur le fond

25 Les parties ont présenté une preuve distincte sur les Opérations passagers et les Opérations commerciales.

26 L’admissibilité de la preuve a été contestée à plusieurs reprises. J’ai invoqué plusieurs fois la décision décrite au paragraphe 21 de la présente décision pour trancher des objections concernant la pertinence et l’admissibilité d’information sur des faits qui ont eu lieu après le dépôt du grief de principe par l’agent négociateur.

27 J’ai également déclaré à plusieurs reprises que la preuve n’était pas pertinente ou qu’il n’était pas raisonnable de lui accorder de l’importance, pour les motifs résumés ci-après : la question à trancher aux termes de la clause 25.22b) de la convention collective est celle de savoir si l’employeur s’est acquitté de l’obligation d’établir que des postes supplémentaires étaient nécessaires « […] pour répondre aux besoins du public ou assurer le bon fonctionnement du service ». À mon avis, la question n’est pas de déterminer si l’employeur aurait pu s’acquitter de l’obligation s’il avait posé les gestes A, B ou C, mais plutôt si les faits montrent que les paroles ou les actes effectifs de l’employeur étaient conformes aux exigences de la convention collective. À cet égard, par exemple, l’information dont disposait l’employeur mais qu’il n’a pas effectivement fourni à l’agent négociateur lors des négociations pourrait ne pas avoir de valeur probante.

28 J’ai accueilli une requête pour exclure des témoins.

A. Opérations passagers

29 Dianne Farkas, premier témoin de l’agent négociateur, travaille au service des douanes depuis 28 ans. Elle a été nommée agente des services frontaliers en 2003 et assure le traitement des passagers à Pearson. Elle est également déléguée syndicale locale de l’agent négociateur depuis novembre 2001.

30 Mme Farkas a fait savoir que trois AHPV étaient en vigueur aux Opérations passagers avant que l’employeur impose un nouvel horaire dit de « six jours/deux jours » en février 2007 : un pour chacun des « anciens groupes » des douanes, de l’immigration et de l’inspection des aliments qui relevaient de ministères avant d’être réunis lorsque l’ASFC a été établie. Elle s’est rappelé l’avis donné par l’employeur au printemps 2006 de son intention d’annuler à un certain moment les AHPV des groupes de l’immigration et de l’inspection des aliments. M. King, au nom de l’agent négociateur, a informé l’employeur en décembre 2006 que l’agent négociateur annulait l’AHPV de l’ancien groupe des douanes aux Opérations passagers (pièce G-3, onglet 1). Mme Farkas a dit que la direction avait donné suite à son intention, annoncée préalablement, d’annuler les AHPV des groupes de l’immigration et de l’inspection des aliments lorsque M. King avait annoncé l’abrogation de l’AHPV du groupe des douanes.

31 À la suite de l’avis d’abrogation de l’AHPV du groupe des douanes donné par M. King, Norman Sheridan, directeur de district, Opérations passagers, à Pearson, a demandé officiellement de consulter l’agent négociateur, aux termes de la clause 25.22b) de la convention collective, concernant la nécessité d’établir des postes supplémentaires de durée normale (pièce G-3, onglet 4). Il a également informé tous les employés par courriel que l’employeur allait chercher à adopter un horaire de « six jours/deux jours », soit dans le cadre d’un nouvel AHPV, soit en menant des consultations sur l’établissement de nouveaux postes en vertu de la clause 25.22b) (pièce -3, onglet 5). M. Sheridan a décrit comme suit l’horaire de « six jours/deux jours » qui intéressait l’employeur :

[Traduction]

[…]

L’horaire proposé, dit communément « horaire de 6 jours/2 jours », prévoit les jours de travail et de repos suivants par période de 56 jours, la durée de tous les postes étant de 7,5 heures :

  • six jours de travail suivis de deux jours de repos;
  • six jours de travail suivis de deux jours de repos;
  • six jours de travail suivis de deux jours de repos;
  • cinq jours de travail suivis de trois jours de repos;
  • cinq jours de travail suivis de trois jours de repos;
  • six jours de travail suivis de deux jours de repos;
  • six jours de travail suivis de deux jours de repos.

[…]

32 Mme Farkas a ajouté que l’employeur n’avait pas discuté préalablement de l’option d’un horaire de « six jours/deux jours ». Elle a précisé que les employés étaient rébarbatifs à cette forme d’horaire pour diverses raisons, y compris la variation excessive des heures de début et la période de repos réduite entre les postes. Elle était d’avis que l’employeur aurait dû être au courant des préoccupations des employés concernant le modèle d’horaire proposé.

33 Mme Farkas a noté que, dans sa réponse au courriel de M. Sheridan, M. King avait rappelé à celui-ci qu’il existait plusieurs façons de satisfaire aux nécessités du service et l’avait encouragé à considérer les propositions antérieures du comité syndical-patronal sur l’AHPV de l’ancien groupe des douanes, qui recommandait [traduction] « […] un horaire amélioré de cinq jours/quatre jours, quatre jours/quatre jours ou un horaire de postes continental […] » (pièce G-3, onglet 6). Selon Mme Farkas, M. Sheridan n’avait pas répondu à la demande de M. King. Celui-ci avait également cherché en vain à plusieurs reprises à obtenir des données précises de M. Sheridan sur le nombre d’employés nécessaires au traitement des passagers passant à la douane un jour et une heure donnés, afin que le syndicat puisse tenir des discussions valables sur les horaires possibles et les niveaux de dotation (voir, par exemple, la pièce G-3, onglet 8). Elle s’est souvenue que M. Sheridan avait informé l’agent négociateur qu’il n’était pas en mesure de fournir les données demandées, étant donné qu’elles changeaient constamment en raison des aménagements qui avaient lieu à Pearson. M. King avait continué de le presser de lui fournir des renseignements détaillés. Il avait enfin consenti à assister à la réunion de consultation prévue pour le 12 janvier 2007 [traduction] « […] en vue d’obtenir tous les renseignements disponibles, qui ont été l’objet de demandes antérieures et qui définissent les nécessités du service […] » (pièce G-3, onglet 11).

34 Mme Farkas a fait savoir que M. Sheridan et M. King étaient les porte-parole de leur partie respective à la réunion de consultation. Selon elle, la direction n’avait pas du tout examiné les solutions de rechange proposées par M. King au cours de la rencontre, qui avait duré deux heures et demie. Elle s’est rappelé que M. Sheridan avait dit de l’ancien horaire de « cinq jours/trois jours » du groupe des douanes qu’il ne répondait plus aux besoins depuis plusieurs années et avait fait savoir que l’employeur voulait désormais que les trois secteurs d’activité – les trois anciens groupes – suivent le même horaire. Elle a mentionné que M. Sheridan avait présenté un document décrivant différents modèles d’horaire possibles à Pearson (pièce E-5, onglet 31) aussi bien que des données du système de totalisations opérationnelles du premier interrogatoire au point d’entrée (PIAPE) portant sur trois périodes d’une semaine (pièce E-6). Elle a ajouté que les parties n’avaient discuté en détail d’aucun des deux documents et que la direction n’avait étayé ses propositions d’aucune explication. Selon Mme Farkas, les parties s’étaient entretenues de la proposition de M. Sheridan dont le résultat aurait été de fixer une nouvelle heure de début de poste à 5 h, censément pour que des services soient disponibles pour les « arrivées tôt le matin »; ces services ayant jusque-là été effectués en heures supplémentaires. Selon M. Sheridan, [traduction] « les arrivées tôt le matin allaient devenir la norme ». Mme Farkas a mentionné que l’agent négociateur était d’avis que les agents du poste de nuit pouvaient s’occuper des premiers vols de la journée, mais elle a ajouté que l’employeur avait affirmé ne pas avoir besoin de tous les membres de l’équipe de nuit.

35 Mme Farkas a discuté des neuf autres options en matière d’heures de début mentionnées dans le document de l’employeur présenté par M. Sheridan (pièce E-5, onglet 31). Selon son propos, soit que les motifs justifiant la modification des heures de début n’avaient pas été discutés, soit qu’aucun autre renseignement n’avait été présenté à titre de justification. Elle s’est souvenue, toutefois, que l’employeur adéclaré que l’AHPV actuel selon un horaire de « cinq jours/trois jours » prévoyait une heure de début à 6 h.

36 Une deuxième réunion de consultation a eu lieu le 19 janvier 2007. Au dire de Mme Farkas, l’employeur n’avait fourni aucun renseignement supplémentaire à ce moment sur le besoin de modifier les heures de début. Selon elle, les « vols à risque élevé » ont été discutés de nouveau, soit à la seconde réunion ou le 12 janvier 2007. Elle a dit ne pas comprendre où voulait en venir l’employeur, car, à son avis, pratiquement tous les vols sont potentiellement « à risque élevé » et les postes normaux permettaient de fournir les services nécessaires.

37 En contre-interrogatoire, l’employeur a demandé à Mme Farkas si elle se souvenait que M. King avait examiné brièvement le document sur les options présenté par M. Sheridan (pièce E-5, onglet 31) à la réunion du 12 janvier 2007 avant de le repousser du côté opposé de la table en disant : [traduction] « Non merci, Norm. » Mme Farkas a répondu ne pas se souvenir de cette situation. Elle a ajouté qu’elle ne se rappelait pas non plus avoir reçu des graphiques en couleur de l’employeur à la réunion (pièce E-5, onglet 12, et pièce E-7), mais elle a reconnu la possibilité que M. Sheridan les ait remis aux représentants de l’agent négociateur. Elle a dit avoir parcouru le document sur les options à la réunion sans toutefois l’avoir examiné par la suite.

38 Mme Farkas a fait mention d’une analyse des différentes options concernant les postes qu’elle avait effectuée une semaine avant l’audience en se fondant sur les données du système de totalisations opérationnelles du PIAPE (pièce G-4), et elle était d’accord pour dire qu’elle aurait pu fournir un tel document à l’employeur avant qu’il mette en œuvre l’horaire de « six jours/deux jours », ce qu’elle n’avait pas fait. Elle a dit qu’elle n’avait participé à aucune discussion sur le modèle de « six jours/deux jours » avant le 12 janvier 2007 et qu’elle n’avait eu connaissance d’aucune discussion sur la question.

39 L’employeur a demandé à Mme Farkas si elle convenait que M. King ne voulait pas discuter des options concernant les postes contenues dans le document présenté par M. Sheridan à la réunion du 12 janvier 2007. Selon elle, l’agent négociateur estimait qu’il incombait à l’employeur de justifier tout poste atypique. Elle a reconnu que l’agent négociateur n’avait fait aucun effort pour examiner les postes proposés par M. Sheridan à la réunion. Elle a également convenu que l’agent négociateur n’avait pas non plus demandé de plus amples renseignements par la suite ni de précisions sur les heures de début proposées. Elle a mentionné un courriel que M. King avait adressé à M. Sheridan, le 18 janvier 2007, qui exposait le point de vue de la Customs Excise Union Douanes Accise (CEUDA) en réponse à la réunion du 12 janvier 2007 (pièce E-5, onglet 33) et a indiqué que l’agent négociateur n’avait fourni à l’employeur aucun autre renseignement sur l’horaire de « six jours/deux jours ».

40 Ken Kirkpatrick, deuxième témoin de l’agent négociateur, est un agent du renseignement à Pearson. Il est délégué syndical de l’agent négociateur depuis 2000 et exerce actuellement la fonction de deuxième vice-président de la section locale de la CEUDA.

41 M. Kirkpatrick a assisté à la réunion de consultation du 12 janvier 2007. Il se souvenait d’avoir reçu le document de l’employeur sur les options concernant les postes (pièce E-5, onglet 31) à ce moment, mais il ne pouvait se rappeler expressément avoir reçu d’autres documents. Il a ajouté qu’il ne se souvenait d’aucune discussion sur des heures de début particulières proposées autres que 18 h et 19 h. Il s’est souvenu d’avoir remis en question le besoin d’instaurer les postes proposés et d’avoir dit à l’employeur qu’aucun poste aux Opérations passagers ne s’était terminé aussi tard que 2 h depuis plus d’une décennie. Il a ajouté que, à son souvenir, l’employeur lui avait répondu que les Opérations passagers n’avaient pas fonctionné de façon efficiente parce que les postes proposés n’étaient pas utilisés et qu’ils étaient nécessaires [traduction] « […] à la prestation de services économiques ».

42 En réponse à de plus amples questions, M. Kirkpatrick a ajouté que la nécessité d’instaurer un poste débutant à 5 h avait été l’objet d’une certaine discussion. Selon lui, M. King avait précisé à la direction que des services avaient toujours été fournis aux passagers de vols qui arrivaient à 5 h par des agents qui étaient appelés pour faire des heures supplémentaires. Cependant, il ne pouvait se remémorer la réponse offerte par la direction. Il a ajouté ne pouvoir se rappeler si le besoin d’établir de nouvelles heures de début avait été discuté plus à fond.

43 Au sujet de la deuxième réunion de consultation, tenue le 19 janvier 2007, M. Kirkpatrick a déclaré qu’elle avait porté principalement sur l’AHPV proposé par l’employeur et qu’aucun autre renseignement n’avait été demandé ni offert concernant le besoin de modifier les heures de début.

44 En contre-interrogatoire, M. Kirkpatrick a fait savoir qu’il n’avait pas travaillé sur les documents fournis par M. Sheridan après la réunion du 12 janvier 2007. Il a admis la possibilité que la direction ait également distribué des graphiques en couleur à la rencontre (pièce E-7). Concernant le document de réponse de la CEUDA (pièce E-5, onglet 33), M. Kirkpatrick a dit ne pas avoir participé à sa rédaction et n’en avoir gardé qu’un « vague » souvenir. Il a convenu de ne pas avoir pris connaissance d’autres communications écrites ou verbales de l’agent négociateur concernant l’horaire de « six jours/deux jours », ni d’une demande de renseignements formulée par l’agent négociateur.

45 Le premier témoin convoqué par l’employeur, M. Sheridan, gère environ 750 employés, dont 625 agents des services frontaliers chargés d’exécuter le programme Opérations passagers à Pearson. M. Sheridan a expliqué que Pearson était l’aéroport canadien le plus occupé, comptant quelque 300 vols par jour. En 2007, 9,66 millions de passagers de vols transfrontaliers et internationaux ont atterri à Pearson et sont passés par les processus de triage des services des douanes, de l’immigration et de l’inspection des aliments dont est chargé M. Sheridan.

46 M. Sheridan a décrit les efforts engagés par l’ASFC pour intégrer et harmoniser les anciens groupes qui lui ont été légués par l’Agence des douanes et du revenu du Canada (« douanes »), Citoyenneté et Immigration Canada (« immigration ») et l’Agence canadienne d’inspection des aliments (« inspection des aliments ») pour présenter [traduction] « un seul visage à la frontière ». Depuis juillet 2005, toutes les recrues reçoivent une formation polyvalente dans les trois anciens secteurs d’activité. D’ici 2010, l’ASFC prévoit également d’avoir fourni une formation polyvalente comparable à tous les « empl0yés des anciens groupes ». L’actuelle description de travail commune du poste d’agent des services frontaliers (FB-03) (pièce E-12) traduit les responsabilités intégrées qu’assument désormais tous les agents.

47 Aux Opérations passagers, M. Sheridan a hérité de divers AHPV qui sont demeurés en vigueur. Le personnel de l’inspection des aliments travaillait selon un horaire de « quatre jours/quatre jours » (c’est-à-dire quatre jours de travail, suivis de quatre jours de congé) et assurait ainsi une permanence de 17 heures par période de 24 heures. Au cours des sept heures non prévues à l’horaire, le travail était effectué en heures supplémentaires. Le personnel de l’immigration travaillait selon un « horaire continental », soit « trois jours/deux jours » suivis de « deux jours/deux jours ». Chaque agent travaillait 28 heures par période de 56 jours. L’« horaire continental » permettait d’assurer une permanence 19 heures par jour, et, comme le prévoyait l’AHPV du groupe de l’inspection des aliments, les agents étaient appelés pour faire des heures supplémentaires lorsque des travaux devaient être effectués au cours des cinq heures non comprises à l’horaire. L’AHPV de l’ancien groupe des douanes prévoyait une période de 56 jours composée de tranches de « cinq jours/trois jours » et une permanence de 24 heures. Chaque agent travaillait 35 jours au total par période de 56 jours. Aux termes des AHPV respectifs, la durée moyenne des postes particuliers était de 10,71 heures pour le personnel de l’inspection des aliments, de 10,5 heures pour le personnel de l’immigration (9,5 heures les samedis et dimanches) et de 8,57 heures pour le personnel des douanes.

48 M. Sheridan était d’avis que le concept d’un emploi commun d’agent des services frontaliers et la formation polyvalente, tous deux essentiels à la réalisation de l’objectif d’une approche intégrée de la prestation de services, permettent de transférer le personnel entre secteurs d’activité au cours d’une journée donnée et, ce faisant, d’accroître l’efficience et l’efficacité. Cependant, cette façon de faire ne pouvait réussir si les différents horaires prévus par les AHPV des anciens groupes demeuraient en vigueur. Par exemple, les AHPV des groupes de l’immigration et de l’inspection des aliments ne prévoyaient pas une permanence de 24 heures et imposaient le recours aux heures supplémentaires lorsqu’il était nécessaire de fournir des services au cours des heures non prévues à l’horaire. M. Sheridan a mentionné également avoir compris que les employés mêmes souhaitaient la modification des aménagements d’horaire. Ainsi, des agents visés par l’AHPV du groupe des douanes pouvaient être attirés par des aspects d’autres AHPV qui prévoyaient un plus grand nombre de congés pendant la durée complète d’un horaire.

49 Au dire de M. Sheridan, la direction avait décidé de s’occuper des trois AHPV, en prenant modèle sur celui du groupe des douanes, peu après que le personnel chargé de l’inspection des aliments est passé à l’ASFC pour se joindre aux anciens groupes des douanes et de l’immigration. Il a fait état d’une série d’échanges avec l’agent négociateur concernant les horaires, certains remontant même à 1999. Il s’est concentré, tout particulièrement, sur les consultations menées au sujet de l’AHPV du groupe des douanes, qui ont débuté en février 2006 lorsqu’il avait fait savoir par courriel à M. King que la direction voulait instaurer des postes normaux aux Opérations passagers et établir la nécessité d’heures de début atypiques supplémentaires en vertu de la clause 25.22b) de la convention collective (pièce E-5, onglet 11). M. King lui avait répondu en soulignant que l’agent négociateur estimait que la convention collective obligeait l’employeur à expliquer pourquoi il lui fallait offrir des services à des heures autres que celles des postes normaux prévus par la clause 25.17. En outre, il avait demandé une fois de plus que l’employeur fournisse à l’agent négociateur des renseignements précis sur les niveaux de dotation requis pour tous les postes.

50 M. Sheridan a dit avoir rencontré des représentants de l’agent négociateur sous la direction de M. King, le 15 février 2006, et leur avoir présenté à ce moment des graphiques basés sur des données du système de totalisations opérationnelles des PIAPE illustrant le nombre de passagers prévu selon l’heure de la journée (pièce E-5, onglet 12). Il a discuté du point de vue de la direction, qui soutenait la nécessité d’augmenter le nombre d’heures de début pour répondre aux nécessités du service et assurer le chevauchement suffisant du personnel d’un poste à l’autre. Il avait présenté alors un horaire de postes possible à mettre en œuvre, aux fins des trois anciens groupes, qui prévoyait dix heures de début différentes et un modèle d’horaire de 56 jours composé de tranches de « six jours/deux jours ».

51 Le 24 février 2006, les parties ont conclu provisoirement un AHPV actualisé du groupe des douanes qui apportait des changements « esthétiques » à la terminologie, mais qui ne modifiait pas le fond de l’AHPV de l’ancien groupe des douanes (pièce E-5, onglet 14). Des représentants de la direction et de l’agent négociateur ont siégé à un comité mixte de l’AHPV et collaboré, au cours des mois suivants, à la définition de modifications plus importantes. Afin de permettre au comité d’effectuer son travail, la direction a décidé de ne pas donner suite à l’avis communiqué à l’agent négociateur en avril 2006 de son intention d’annuler les AHPV en vigueur aux Opérations passagers.

52 M. Sheridan a déclaré avoir reçu, en octobre 2006, une proposition du comité mixte de l’AHPV du groupe des douanes qu’il a qualifiée d’« encourageante », mais qui présentait « certains problèmes » par rapport aux principes de la rentabilité, de l’harmonisation et de la permanence commune adoptés par l’employeur. Selon lui, les autres facteurs importants à considérer étaient les questions de savoir si le projet d’AHPV témoignait des préférences des employés, était conforme à la convention collective et était susceptible d’être ratifié par les employés touchés, conformément aux exigences de ladite convention. Il a ajouté avoir reçu une proposition finale du comité le 1er novembre 2006 (pièce E-5, onglet 21). La proposition préconisait un horaire de « cinq jours/quatre jours » et des postes d’une durée de 9,65 heures. Elle ne prévoyait aucun poste débutant à 5 h. De l’avis de M. Sheridan, le fait qu’aucun poste ne débutait à 5 h haussait le coût des heures supplémentaires et ne permettait pas de réaliser son objectif, qui consistait à fournir des services au moyen de postes normaux en prévision des arrivées tôt le matin. Plus tard, M. Sheridan avait expliqué par courriel à Mary Parente, un membre du comité, pourquoi il ne pouvait pas recommander l’acceptation de la proposition finale (pièce E-5, onglet 23). Il avait résumé ainsi ses raisons : [traduction] « […] malheureusement […] la proposition prévoit une permanence limitée et hausse de façon inacceptable les frais d’exploitation ».

53 M. King a informé l’employeur, le 6 décembre 2006, que l’agent négociateur allait annuler l’AHPV du groupe des douanes, mais non ceux des groupes de l’immigration ou de l’inspection des aliments, ni celui des Opérations commerciales, non plus qu’un AHPV préalable autre qui visait les caissiers aux Opérations passagers (pièce E-5, onglet 22). Comme le processus de consultation concernant l’AHPV du groupe des douanes n’avait débouché sur aucun accord, la direction a avisé l’agent négociateur qu’elle donnait suite à son projet d’annulation des autres AHPV, comme prévu en avril 2006. Tous les horaires en vigueur étaient réputés échoir le 11 février 2007.

54 Le 28 décembre 2006, M. Sheridan a invité M. King, aux termes de la clause 25.22b) de la convention collective, à participer à des consultations sur la nécessité d’établir des postes supplémentaires et l’entrée en vigueur du nouvel horaire le 12 février 2007 (pièce E-5, onglet 24). Dans la réponse qu’il lui a signifiée le 4 janvier 2007, M. King a mis en doute la possibilité de tenir des consultations significatives avec M. Sheridan, étant donné que ce dernier était présumé incapable de [traduction] « […] fournir à la CEUDA un nombre précis d’ETP […] » nécessaires dans l’ensemble des secteurs d’activité de l’employeur dans la Région du Grand Toronto (RGT) (pièce E-5, onglet 26). Selon M. Sheridan, il était difficile de fournir à l’agent négociateur des « données fermes » sur les niveaux de dotation nécessaires et de quantifier ainsi les besoins du service, comme l’agent négociateur l’avait demandé à plusieurs occasions. La demande de services était en évolution constante, et il fallait tenir compte d’autres facteurs comme les besoins linguistiques, les besoins en agents masculins et féminins, l’heure du jour ou le moment de la semaine, la saison et, le cas échéant, les initiatives exceptionnelles d’application de la loi. M. Sheridan s’est dit en mesure d’estimer le nombre de ressources nécessaires, mais non de fournir des données fermes. Il a ajouté que M. King avait exagéré la praticabilité de transférer des ressources d’autres secteurs de la RGT pour répondre aux besoins particuliers en services des Opérations passagers à Pearson.

55 Dans un courriel daté du 8 février 2007, M. King a demandé officiellement à l’ASFC d’obtenir l’interprétation donnée par le Conseil du Trésor au passage « bon fonctionnement du service » contenu dans la clause 25.22b) de la convention collective et, plus particulièrement, l’avis du Conseil du Trésor sur la question de savoir si le passage englobait la notion d’économie (pièce E-5, onglet 27). M. Sheridan a témoigné qu’il avait répondu à M. King qu’un représentant de la direction de l’ASFC avait déjà communiqué à l’agent négociateur le point de vue du Conseil du Trésor sur la question. Il a affirmé dans sa réponse que, selon lui, [traduction] « […] il n’est que raisonnable que les coûts soient un facteur obligatoire à prendre en considération lors de nos discussions – aussi bien que les besoins du public » (pièce E-5, onglet 28).

56 Un courriel acheminé par M. King et daté du 11 janvier 2007, la veille d’une réunion de consultation prévue, se terminait comme suit :

[Traduction]

[…]

Tant que les parties ne se seront pas entendues sur l’interprétation de « bon fonctionnement », je ne vois pas l’utilité de tenir des consultations sur l’établissement de postes supplémentaires, auxquels s’oppose catégoriquement la CEUDA et que l’employeur entend mettre en œuvre quand même […].

[…]

(Pièce E-5, onglet 29)

57 Dans un deuxième courriel envoyé plus tard le même jour, M. King a manifesté sa volonté de rencontrer l’employeur le 12 janvier 2007 :

[Traduction]

[…]

[…] pour obtenir tous les renseignements disponibles que nous avions demandés précédemment, qui définissent les nécessités du service, soit le nombre d’agents qu’il faut pour traiter un nombre donné de voyageurs au cours d’une période déterminée.

[…]

Si l’actuel AHPV (« cinq jours/trois jours ») de l’ancien groupe des douanes lui a permis d’assurer le « bon fonctionnement du service » depuis les quelque 20 dernières années, tout comme l’horaire de postes continental de l’ancien groupe de l’immigration et l’horaire de postes de quatre jours/quatre jours de l’ancien groupe de l’agriculture, et si l’employeur soutient qu’il a le pouvoir unilatéral de les maintenir, sans le consentement du syndicat, aux fins des nécessités du service et/ou par souci d’économie, pourquoi l’ASFC refuse-t-elle de maintenir le statu quo si l’autre solution possible consiste à se rabattre sur la clause 25.17?

[…]

(Pièce E-5, onglet 30)

58 La réunion de consultation a eu lieu comme prévu le 12 janvier 2007. M. Sheridan a raconté avoir remis aux représentants de l’agent négociateur une trousse d’information contenant les raisons qu’il invoquait à l’appui d’un horaire proposé de « six jours/deux jours » et de dix heures de début différentes, une feuille faisant état des postes actuels et des graphiques à barres en couleur indiquant les volumes de trafic selon l’heure du jour à diverses dates (pièce E-5, onglet 31 et pièce E-7). M. Sheridan a noté que M. King, qui faisait fonction de porte-parole de l’agent négociateur, lui avait demandé en quoi consistait l’ensemble de documents et l’avait ensuite fait glisser sur la table vers M. Sheridan en déclarant « je n’ai pas besoin de ça » et « vous n’avez pas le droit de faire ça ».

59 M. Sheridan a déclaré avoir discuté de postes qui débuteraient à 5 h. Il s’est rappelé avoir décrit le besoin qui se manifestait d’assurer une permanence en prévision de vols qui arrivaient parfois dès 5 h, et il a mentionné deux d’entre eux, en provenance de Caracas et de Port of Spain. Il avait fait savoir aux représentants de l’agent négociateur qu’il avait appris que des services allaient peut-être devoir être fournis sous peu pour plusieurs autres vols dont l’arrivée était prévue tôt le matin. Il a ajouté que l’affectation d’agents supplémentaires aux postes de nuit en prévision des arrivées fixées à 5 h n’était pas une option efficiente et qu’il en résulterait une permanence réduite à d’autres moments de la journée. Il a également affirmé que la prestation de services par du personnel travaillant en heures supplémentaires n’était pas une solution acceptable et que les « heures supplémentaires structurées » n’étaient pas appropriées. Il a mentionné, de plus, que le poste débutant à 5 h n’était nécessaire que de façon saisonnière et ne concernait qu’un seul terminal de Pearson. Selon lui, M. King était d’avis que la direction n’était pas autorisée à instaurer des postes supplémentaires aux termes de la clause25.22b) de la convention collective sans le consentement de l’agent négociateur. M. King a également mis en doute les coûts comme étant une justification légitime de l’établissement d’un poste supplémentaire. Il a fait valoir que le personnel ne se présenterait pas à un poste débutant à 5 h et que l’employeur engagerait, par conséquent, des coûts énormes au titre des heures supplémentaires.

60 M. Sheridan a dit que, mis à part certaines brèves discussions sur les postes proposés qui devaient débuter à 18 h et à 19 h, il n’avait pas eu l’occasion d’expliquer les postes proposés individuellement à la rencontre, car M. King s’était refusé à discuter des détails. M. Sheridan a déclaré que l’agent négociateur n’avait pas demandé de données ni de renseignements à jour, que ce soit à la réunion même ou par la suite. Au terme de la rencontre, M. Sheridan a invité l’agent négociateur à lui présenter des commentaires écrits sur les heures de début proposées, car il n’a reçu aucune observation pendant la rencontre.

61 M. King a fait parvenir à M. Sheridan, le 18 janvier 2007, le point de vue de la CEUDA (pièce E-5, onglet 33). Le document de la CEUDA signalait que tant l’ancien groupe de l’immigration que celui de l’inspection des aliments avaient voté en faveur du maintien de leur horaire existant. Il annonçait également que la CEUDA était disposée à participer à des consultations sur un nouveau AHPV du groupe des douanes aux Opérations passagers qui ne prévoyait pas d’horaire de « cinq jours/trois jours ». Toutefois, il y était dit également que, [traduction] « […] à défaut d’un AHPV valide, les employés n’accepteront pas de nouvelles heures de début contraires aux dispositions de la clause 25.17 ».

62 Les parties se sont rencontrées de nouveau le 19 janvier 2007. Selon M. Sheridan, les parties ont marqué des progrès à la réunion lorsque M. King a accepté l’harmonisation des postes des trois anciens groupes et a consenti à ce que tous les postes soient de même durée. Néanmoins, il a répété le point de vue de la CEUDA selon lequel l’employeur n’était pas autorisé à mettre en œuvre l’horaire proposé de « six jours/deux jours ». M. Sheridan a ajouté que l’information qu’il avait fournie à la séance de consultation du 12 janvier 2007 n’avait pas été discutée à la rencontre. Il a fait savoir également que M. King avait changé par la suite sa position sur le concept de la durée harmonisée des postes et déclaré qu’il devait être mis aux voix de chaque ancien groupe.

63 Selon le témoignage de M. Sheridan, la direction a affiché, le 25 janvier 2007, le nouvel horaire de « six jours/deux jours », comportant des postes débutant à dix heures différentes, en prévision de son entrée en vigueur le 12 février 2007. Il aexpliqué la suite des événements qui a motivé la direction à procéder de la sorte dans un courriel qu’il a adressé au personnel le même jour (pièce E-5, onglet 37). L’employeur gère l’horaire de « six jours/deux jours » au cours d’une période de 56 jours pendant laquelle chaque employé travaille 40 jours et a 16 jours de congé. Les employés reçoivent au moins deux jours de congé consécutifs par semaine, sauf s’ils changent d’horaire avec le consentement de la direction.

64 L’agent négociateur a soumis M. Sheridan à un contre-interrogatoire détaillé. À mon avis, la preuve la plus pertinente émanant du contre-interrogatoire se trouve dans les paragraphes qui suivent.

65 M. Sheridan a convenu que M. King avait demandé des renseignements sur la dotation dès la réunion du 15 février 2006. Il a également mentionné deux courriels expédiés par M. King immédiatement avant la réunion, dans lesquels il formulait la demande (pièce E-5, onglets 10 et 11). Il a confirmé ne pas avoir répondu à la demande de M. King à la rencontre.

66 M. Sheridan n’était pas d’accord pour dire que les discussions tenues à la réunion du 15 février 2006 étaient centrées davantage sur un nouveau AHPV que sur le besoin d’instaurer des postes comportant de nouvelles heures de début. Il a déclaré que les questions étaient comparables dans les deux cas, qu’elles se chevauchaient et que les parties avaient traité des deux sujets en même temps à plusieurs réunions.

67 M. Sheridan a précisé que les parties ont conclu un nouvel AHPV pour le groupe des douanes neuf jours après la réunion du 15 février 2006. Il a confirmé que le nouvel AHPV ne prévoyait pas de poste débutant à 5 h, dont il avait fait valoir la nécessité à la réunion, ni aucun des postes proposés débutant à 8 h 30, à 14 h ou à 18h, qu’il avait également qualifiés de nécessaires.

68 L’agent négociateur a demandé à M. Sheridan quelle information l’employeur avait considéré en janvier 2007 lorsqu’il avait décidé de mettre en vigueur son horaire de « six jours/deux jours » comportant des postes en sus de ceux qui figuraient sur les graphiques que l’employeur avait remis à l’agent négociateur à la réunion du 15 février 2006. M. Sheridan a répondu qu’il avait examiné l’AHPV du groupe des douanes aussi bien que les AHPV des deux autres anciens groupes, les données du système de totalisations opérationnelles des PIAPE, les budgets des Opérations passagers et la convention collective. Il a confirmé que l’employeur n’avait pas fourni à l’agent négociateur les données du système de totalisations opérationnelles pour chaque jour et a avoué ne pas se rappeler avoir examiné tous les sommaires mensuels des données du système en prévision des consultations. Il a également confirmé que l’employeur n’avait pas fourni de rapports budgétaires mensuels à l’agent négociateur lors de la rencontre du 12 janvier 2007, mais il a précisé que des rapports budgétaires avaient été remis à l’agent négociateur à l’occasion de discussions antérieures sur les AHPV.

69 M. Sheridan a dit avoir également pris en considération des changements d’horaire communiqués par Air Canada aussi bien que des données fournies par la Greater Toronto Airport Authority (GTAA), et, bien qu’il n’en ait pas remis de copie à l’agent négociateur, il n’en apas discuté à la réunion de consultation.

70 Interrogé au sujet de l’effet de la mise en œuvre des seuls trois postes normaux prévus par la clause 25.17 de la convention collective, M. Sheridan a soutenu que, à défaut du chevauchement des postes, la relève de l’équipe complète aurait lieu au même moment, et les voyageurs en souffriraient. Le régime à trois postes occasionnerait également une augmentation importante des paiements d’heures supplémentaires, pouvant représenter, selon les estimations, de 150 à 200 heures additionnelles de travail par jour. Il a laissé entendre qu’un tel régime aurait un effet négatif sur les agents et exposerait l’employeur au risque d’enfreindre l’interdiction imposée par la convention collective de planifier un nombre excessif d’heures supplémentaires.

71 M. Sheridan a mentionné le couvre-feu en vigueur à Pearson qui proscrit les arrivées et les départs à compter de 2 h. Cependant, l’horaire indique l’arrivée de vols à 1 h 59 pour que la règle soit respectée.

72 La direction fixe le nombre d’agents à affecter à chaque poste en se fondant sur le volume de passagers attendus pendant la durée du poste. Elle recense les périodes de plus grande demande de service et forme ses équipes en conséquence, recourant parfois aux heures supplémentaires lorsqu’il est logique financièrement de le faire. Le nombre d’agents de service pendant un poste à un terminal donné varie d’un maximum de 25 à 30 à un minimum de cinq à huit. Lorsque le nombre d’agents est à son maximum, le volume de passagers peut varier de 25 000 à 32 000 par jour. La direction tente d’assurer « au meilleur de ses moyens » la concordance des niveaux de dotation en fonction des périodes de pointe. Les périodes de pointe et les périodes creuses en ce qui concerne le volume de voyageurs ne varient pas beaucoup.

73 M. Sheridan n’était pas d’accord avec l’agent négociateur pour dire que les niveaux de dotation équivalaient plus ou moins à un agent pour 1 000 passagers par jour et par poste. Il a insisté pour dire qu’il n’existait aucun rapport de cette nature. Il n’existe pas de données fermes sur le ratio entre le volume de passagers et le nombre d’agents. Invité à avancer une fourchette de données, il a déclaré qu’il fallait parfois disposer de 25 à 35 agents pour un poste au cours d’un après-midi occupé du mois d’août, alors que le volume de passagers au terminal 1 varie entre 28 000 et 32 000 ou 33 000. En revanche, lorsque le volume de passagers au terminal 3 un mardi matin de novembre est d’environ 14 000, il suffit d’une équipe de six à huit agents pour effectuer les premiers interrogatoires.

74 L’agent négociateur a mentionné des notes prises à une réunion tenue en mai 1999 où il a été question des niveaux de dotation « souhaitables », « acceptables » et « en mode survie » (pièce E-17). M. Sheridan a indiqué que, lors d’une journée occupée du mois d’août, entre 30 et 35 agents représentaient le niveau souhaitable, de 25 à 32 constituaient le niveau acceptable, et la présence de 23 à 25 permettait au service de fonctionner en mode survie. Une journée tranquille de novembre au terminal 3, la présence de six ou sept agents était souhaitable, celle de cinq ou six était acceptable, tandis qu’il en fallait quatre pour fonctionner en mode survie. Lorsque l’agent négociateur l’a invité à examiner les notes prises par Marlene Underwood à la réunion du 12 janvier 2007 (pièce E-20), M. Sheridan a reconnu que l’employeur n’avait fourni aucune estimation comparable à l’agent négociateur. Il a déclaré ne pas se rappeler que l’agent négociateur avait demandé des fourchettes de données à la réunion et a maintenu que l’objet de celle-ci était de discuter du besoin d’augmenter le nombre de postes, non de la constitution des équipes qui y seraient affectées.

75 M. Sheridan a convenu que la relation entre l’employeur et l’agent négociateur « n’était pas à son meilleur » en janvier 2007 et que les parties se méfiaient l’une de l’autre. Il s’est dit d’accord avec la thèse selon laquelle M. King, tout particulièrement, ne se contentait pas de prendre connaissance d’un fait mais insistait pour en avoir la preuve.

76 En réinterrogatoire, M. Sheridan a offert de plus amples explications sur son incapacité à répondre aux demandes répétées de M. King, qui voulait obtenir des renseignements précis sur les niveaux de dotation. Il a répété que la clause 25.22b) de la convention collective ne traite pas du nombre d’employés nécessaires pour un volume donné de passagers. Il estimait que le concept de « nécessités du service », au sens que M. King donnait à cette expression, ne pouvait être évalué simplement en termes du nombre d’agents. Le concept est beaucoup plus complexe. Par exemple, le temps de traitement et les ressources à prévoir dans le cas de l’arrivée d’un vol international, dont les passagers parlent de nombreuses langues, dépassent les besoins occasionnés par un vol d’affaires en provenance de Boston ou de New York.

77 En ce qui concerne l’usage qu’il a fait en janvier 2007 de l’information sur le volume de passagers qui a été l’objet de discussions avec l’agent négociateur en février 2006, M. Sheridan a indiqué que les tendances du trafic étaient en grande partie uniformes. Le nombre d’arrivées à 5 h a varié quelque peu et le volume global a progressé d’environ 3 % entre 2006 et 2007, mais, dans l’ensemble, les changements étaient sans importance relative, si bien que les graphiques qu’il avait utilisés demeuraient précis à 97 %.

78 M. Sheridan nous a également appris que, selon l’heure de la journée, il peut se révéler impossible de transférer des agents entre les terminaux : ils peuvent mettre de 15 à 30 minutes à se rendre à pied des postes de contrôle du terminal 3 à ceux du terminal 1.

79 En janvier 2007, Mme Underwood était agente des relations de travail (PE-03) de l’ASFC dans la RGT. Elle a pris des notes sur place aux réunions auxquelles les parties ont assisté les 15 février 2006, 12 janvier 2007 et 19 janvier 2007. Elle a par la suite transcrit ses notes manuscrites en prévision de l’audience (pièces E-21, E-20 et E-22 respectivement).

80 Lors de l’interrogatoire principal et du contre-interrogatoire, Mme Underwood a répondu à des questions concernant de nombreux points contenus dans ses notes. J’ai choisi de ne pas résumer son témoignage détaillé. Je ne me reporte que brièvement à son témoignage dans la section qui énonce les motifs de la présente décision, et j’offre des explications sur tous points dont je traite. De nombreuses sections des notes transcrites contiennent beaucoup de contradictions et sont à ce point abrégées qu’elles sont difficiles à déchiffrer. Si Mme Underwood a pu parfois faire appel à son souvenir pour nous offrir une version plus compréhensible des propos, il était évident que, à certains moments, elle s’efforçait d’interpréter de manière logique certains des passages les plus obscurs. Pour cette raison, je crois qu’il convient de se référer avec prudence à son témoignage.

B. Opérations commerciales

81 M. Kirkpatrick a dit avoir assisté à une réunion de consultation, le 23 janvier 2007, où il a été question des aménagements d’horaire de postes aux Opérations commerciales. Les porte-parole de l’agent négociateur et de l’employeur étaient, respectivement, M. King et Gerry Roussel, directeur de district, Opérations commerciales et postales.

82 M. Kirkpatrick ne pouvait se souvenir du nombre de nouvelles heures de début présentées par M. Roussel à la réunion, mais il a ajouté que l’employeur en avait mis en œuvre ultérieurement entre huit et dix. Selon M. Kirkpatrick, le besoin de fixer de nouvelles heures de début n’avait été aucunement discuté, et M. Roussel avait simplement déclaré à plusieurs reprises que de nouveaux postes allaient être établis aux fins du service aux Opérations commerciales. Il s’est rappelé que M. King avait discuté de la façon dont la permanence avait été assurée par le passé grâce aux heures supplémentaires pour répondre aux besoins des ententes de service conclues avec des entreprises de messagerie, mais ses commentaires n’avaient pas infléchi le point de vue de M. Roussel.

83 En contre-interrogatoire, M. Kirkpatrick a déclaré ne pas savoir combien de postes atypiques avaient été mis en œuvre aux Opérations commerciales. Il ne pouvait dire non plus avec certitude si la direction avait distribué une trousse d’information à la réunion, ni si les représentants de l’agent négociateur avaient contesté le poste débutant à six heures proposé par M. Roussel. Il a reconnu la « possibilité » que les tâches imposées par les ententes de service conclues avec les entreprises de messagerie aient été accomplies grâce à un poste qui débutait à six heures plutôt que par le recours à des heures supplémentaires.

84 Elise Butterworth, alors principale déléguée syndicale de l’agent négociateur aux Opérations commerciales, faisait partie de l’équipe de l’agent négociateur à la réunion de consultation sur les Opérations commerciales du 23 janvier 2007, dont elle a consigné les propos (pièce G-5).

85 Selon le témoignage de Mme Butterworth, la discussion sur les heures de début avait duré au plus dix minutes à la réunion. M. Roussel n’a discuté que du poste débutant à 6 h, en ce qu’il avait trait aux obligations de l’employeur d’appuyer l’activité de FedEx à ce moment. L’agent négociateur a rejeté l’explication de M. Roussel. M. King estimait que le contrat de service conclu avec FedEx obligeait celle-ci à acquitter une prime pour bénéficier du service des agents en dehors des heures normales de travail. Il avait demandé d’obtenir un exemplaire du contrat, mais l’employeur ne le lui avait fourni qu’après avoir imposé une heure de début atypique.

86 Mme Butterworth ne se souvenait pas si l’employeur avait présenté d’autres renseignements pour justifier un poste débutant à 6 h. Aucun renseignement n’a été fourni sur un poste débutant à midi.

87 Selon Mme Butterworth, la direction a ensuite imposé le poste débutant à 6 h et le poste débutant à midi, ce dernier ayant été instauré pour l’Unité de ciblage des passagers (UCP) au troisième étage de l’immeuble des Opérations commerciales.

88 En contre-interrogatoire, Mme Butterworth a affirmé que l’employeur a fourni un modèle type du nouvel horaire de « six jours/deux jours » à la réunion de consultation, mais que le poste débutant à midi n’y figurait pas. L’employeur a également présenté un graphique illustrant les heures de début des vols « à risque élevé », mais elle ne pouvait pas se remémorer une discussion à ce sujet lors de la réunion, seulement des échanges sur la situation de FedEx. Lorsque l’employeur a continué à l’interroger sur la question, Mme Butterworth lui a accordé qu’il était possible que M. Roussel ait discuté des vols à risque élevé sans qu’elle ne s’en souvienne.

89 Mme Butterworth a confirmé que l’agent négociateur avait annulé l’AHPV des Opérations commerciales après que ses membres dans le secteur avaient voté le rejet de l’horaire de « cinq jours/trois jours ». Lors de la réunion, M. King a informé M. Roussel que l’AHPV comportant l’horaire de « cinq jours/trois jours » pouvait demeurer en vigueur provisoirement si l’employeur consentait à discuter d’un nouvel AHPV. Selon l’agent négociateur, un horaire de « cinq jours/quatre jours » ou de « quatre jours/quatre jours » était susceptible d’être adopté. M. Roussel était d’accord pour que les parties discutent des options susmentionnées, mais à un autre moment. Il voulait se concentrer sur l’horaire de « six jours/deux jours » proposé par l’employeur.

90 M. Roussel, maintenant à la retraite, a travaillé pendant plus de 34 ans à l’ASFC et auprès des organismes qu’elle a remplacés. Il a dirigé les Opérations commerciales à Pearson entre août 2002 et décembre 2007.

91 M. Roussel a fait savoir que quatre AHPV étaient en vigueur dans son secteur de responsabilité avant la mise en œuvre de l’horaire de postes de « six jours/deux jours » en février 2007, soit un pour chacun des services suivants : les Opérations commerciales, l’UCP, l’Unité d’analyse des passagers (UAP) et les Opérations postales. L’AHPV des Opérations commerciales (pièce E-8, onglet 1) a été conclu en 1996 et prévoyait un horaire de postes de « cinq jours/trois jours » comparable à celui des Opérations passagers, mais comportant de moins nombreux postes. Une clause de l’AHPV autorisait l’une ou l’autre partie à l’annuler moyennant un préavis de 30 jours.

92 Après que les parties se sont entendues sur un AHPV au libellé actualisé pour les Opérations passagers, soit en mars 2006, M. Roussel a invité M. King à une réunion le 28 mars 2006 pour discuter de changements comparables à apporter à l’AHPV des Opérations commerciales et de l’évolution des travaux entrepris dans le district commercial. M. Roussel était d’avis que la réunion s’était bien déroulée, et les parties ont convenu de poursuivre les discussions sur la modification du libellé de l’AHPV avec des représentants locaux de l’agent négociateur. M. Roussel a déclaré que M. King n’avait soulevé à la réunion aucune question relative au poste débutant à 6 h aux Opérations commerciales.

93 M. Roussel a dit qu’il adiscuté de révisions particulières à apporter à l’AHPV des Opérations commerciales lorsqu’il a rencontré des représentants locaux de l’agent négociateur, le 20 avril 2006, et qu’il leur a fait parvenir par courriel le lendemain le projet de libellé de l’AHPV actualisé (pièce E-8, onglet 6). À la réunion, il n’a pas eu le sentiment que sa proposition posait problème aux représentants. Ces derniers se sont engagés alors à lui communiquer leurs commentaires à une date ultérieure.

94 Lorsqu’un certain temps s’est écoulé sans que l’agent négociateur ne se manifeste, M. Roussel s’est enquis de la situation auprès d’un de ses représentants locaux et a appris que la proposition de réviser l’AHPV des Opérations commerciales avait été mise en veilleuse en attendant l’autorisation de M. King. Par la suite, M. King n’a pas informé M. Roussel de sa position sur l’AHPV mis à jour.

95 M. Roussel a reçu un courriel de M. King daté du 15 janvier 2007 (pièce E-8, onglet 7) dans lequel l’auteur a écrit : [traduction] « […] la CEUDA a signifié son intention d’annuler l’horaire de postes actuel […] ». M. Roussel a dit qu’il était étonné que les membres de la CEUDA aient voté contre l’AHPV en vigueur aux Opérations commerciales, car il croyait que son personnel était généralement satisfait de l’horaire actuel de « cinq jours/trois jours », bien qu’il ait reconnu qu’il nécessitait une certaine « mise au point ». Selon lui, ce courriel était la première communication sur la question que M. King lui adressait. M. Roussel a confirmé qu’aucune consultation antérieure n’a eu lieu avec l’agent négociateur concernant l’annulation de l’AHPV existant.

96 M. Roussel a informé son personnel par courriel que l’annulation de l’AHPV n’offrait aux Opérations commerciales aucune autre option que de se rabattre sur les postes normaux prévus par la convention collective (pièce E-8, onglet 8). Il a informé les employés que la direction estimait nécessaire d’augmenter le nombre de postes de durée normale pour répondre aux besoins du public et assurer le bon fonctionnement du service, et il a ajouté qu’il consulterait sous peu l’agent négociateur sur la question des heures de début atypiques, conformément à la clause 25.22b) de la convention collective. Il a confirmé, de plus, qu’il voulait synchroniser les postes des Opérations commerciales et ceux des Opérations passagers, étant donné l’harmonisation en cours des secteurs d’activité et la formation polyvalente du personnel.

97 À la réunion de consultation tenue en conséquence le 23 janvier 2007, M. Roussel a présenté une trousse d’information (pièce E-8, onglet 9) faisant état de la répartition des vols « à risque élevé » selon l’heure du jour, et il a proposé trois possibilités d’horaire de postes (deux propositions d’horaire de « six jours/deux jours » et une autre de « cinq jours/trois jours »), chacun comprenant un poste atypique débutant à 6 h pour répondre aux besoins de la charge de travail tôt le matin. M. Roussel a dit que les représentants de l’agent négociateur n’étaient pas disposés à examiner les propositions de l’employeur et avaient plutôt déclaré vouloir discuter d’aménagements autres fondés sur des horaires de « cinq jours/quatre jours » et de « cinq jours/trois jours ».

98 Après une pause, M. Roussel a informé les représentants de l’agent négociateur que l’employeur n’était pas intéressé par les modèles d’horaire de « cinq jours/quatre jours » et de « cinq jours/trois jours », mais qu’il consentait à poursuivre les discussions. Il a dit à M. King que l’harmonisation des formules appliquées aux Opérations passagers et aux Opérations commerciales répondait à un principe important et a cherché à justifier l’intégration d’une heure de début plus tôt à l’horaire harmonisé de « six jours/deux jours ». Il a expliqué qu’il n’était ni praticable ni efficace d’augmenter l’équipe du poste de nuit pour assurer la permanence lors de l’arrivée de vols tôt le matin ou de réaffecter le personnel chargé des vols en question pour qu’il assure le service aux entreprises de messagerie à compter de 7 h, tel que le proposait l’agent négociateur. Il a ajouté que les parties avaient aussi discuté du recours aux heures supplémentaires aux fins susmentionnées, mais qu’il avait informé les représentants de l’agent négociateur que l’augmentation du nombre d’heures supplémentaires n’était ni nécessaire ni appropriée. Il a fait remarquer que les représentants n’avaient pas « rejeté » la possibilité d’un poste débutant à 6 h, mais qu’ils s’étaient appliqués plutôt à expliquer à l’employeur pourquoi un aménagement de « cinq jours/quatre jours » ou de « cinq jours/trois jours » était préférable à un horaire de « six jours/deux jours ».

99 Selon M. Roussel, la direction et l’agent négociateur n’avaient plus discuté de l’horaire de « six jours/deux jours » après la réunion du 23 janvier 2007. L’agent négociateur n’avait pas demandé de poursuivre les consultations ni d’obtenir de plus amples renseignements sur la mise en œuvre d’un tel horaire. Mme Butterworth lui avait fait parvenir des propositions portant sur un nouvel AHPV fondé sur un modèle soit de « cinq jours/quatre jours », soit de « cinq jours/trois jours », tous deux comportant un poste débutant à 6 h. M. Roussel lui avait répondu en expliquant pourquoi les modèles que préféraient l’agent négociateur lui étaient inacceptables (pièce E-8, onglet 12).

100 Le nouvel horaire de « six jours/deux jours », comportant un poste débutant à 6 h, est entré en vigueur le 12 février 2007. Il prévoyait également un nouveau poste débutant à midi pour l’UCP. M. Roussel a reconnu qu’il n’avait pas discuté de l’UCP avec l’agent négociateur à la réunion du 23 janvier 2007, et qu’une réunion de consultation aurait dû avoir lieu pour parler de la nouvelle heure de début en vigueur à l’UCP. Il a expliqué que l’UCP avait fait partie des Opérations passagers jusqu’au printemps 2006. Il croyait que les discussions sur les Opérations passagers englobaient la situation de l’UCP. Il a avoué s’être trompé en ne traitant pas du changement mis en œuvre à l’UCP.

101 En contre-interrogatoire, M. Roussel a indiqué que l’AHPV des Opérations postales était demeuré en vigueur, étant donné que les employés concernés avaient voté en faveur du maintien des aménagements des horaires existants. En ce qui concerne l’UAP et l’UCP, l’agent négociateur lui a mentionné que l’employeur avait annulé les AHPV les concernant. Il a répondu que, à sa connaissance, ils avaient plutôt été annulés par l’agent négociateur.

102 M. Roussel a confirmé qu’un comité mixte de la direction et de l’agent négociateur avait été mis sur pied après la réunion du 20 avril 2006 et chargé d’examiner la modification du libellé de l’AHPV des Opérations commerciales aussi bien que les besoins du secteur d’activité. Selon lui, le comité s’était réuni rarement et [traduction] « n’avait pas produit de véritables résultats », ni fait paraître un rapport.

103 En réponse à des questions sur les ententes de service entre les Opérations commerciales et des entreprises de messagerie, M. Roussel a expliqué que les entreprises voulaient que des agents soient de service, en général, dès 7 h. Il a indiqué que le besoin se faisait sentir d’établir un poste débutant à 6 h pour que les Opérations commerciales accueillent les vols à risque élevé arrivant tôt le matin en provenance, notamment, de São Paulo et de Buenos Aires. Les agents affectés au poste en question pouvaient fournir des services aux entreprises de messagerie à 7 h après avoir accueilli les vols à 6 h. Si des agents devaient être de service avant 7 h pour répondre aux besoins des entreprises de messagerie, ces dernières étaient tenues d’acquitter une prime au titre du service supplémentaire.

104 En ce qui concerne le poste débutant à midi à l’UCP, M. Roussel a dit en avoir hérité lorsque l’UCP avait été transférée des Opérations passagers à son district. Les postes des employés de l’UCP n’ont pas changé après le transfert.

VI. Résumé de l’argumentation sur le fond

A. Pour l’agent négociateur

105 La clause 25.17 de la convention collective établit des postes normaux à l’intention des employés de l’unité de négociation. La convention collective ne prévoit que deux exceptions : en vertu de la clause 25.23, les parties peuvent s’entendre sur un AHPV dont les postes diffèrent des postes normaux décrits à la clause 25.17; par ailleurs, l’employeur peut modifier les postes en vertu de la clause 25.22b. Celle-ci est une clause de consultation qui a ceci de distinctif : elle prescrit que non seulement l’employeur doit consulter l’agent négociateur avant de modifier les heures de travail, mais il doit également, par voie des consultations, établir que les postes modifiés « […] sont nécessaires pour répondre aux besoins du public ou assurer le bon fonctionnement du service ». La clause 25.22b) est une procédure d’application obligatoire. Elle impose une condition préalable à la mise en œuvre de postes atypiques.

106 Pour remplir les conditions énoncées à la clause 25.22b) de la convention collective, l’employeur n’est pas tenu d’en persuader l’agent négociateur, ni d’obtenir son consentement. Toutefois, selon l’interprétation la plus simple du libellé négocié de la clause, l’employeur doit faire la preuve de manière concluante, lors de consultations, que des postes débutant à des heures atypiques sont nécessaires pour répondre aux besoins du public, assurer le bon fonctionnement du service, ou les deux. (L’agent négociateur a précisé ultérieurement qu’il ne s’opposait pas à ce que l’employeur tienne compte de considérations financières pour assurer « le bon fonctionnement du service ».)

107 Le mot clé à interpréter de la clause 25.22b) de la convention collective est le verbe « établir ». Ce mot a un sens fort, comme l’illustrent les définitions suivantes tirées de dictionnaires :

Merriam Webster Online Dictionary

establish […] 7. to put beyond doubt; PROVE […] (démontrer de façon indubitable; prouver)

Oxford Concise Dictionary

establish […] 4. validate; place beyond dispute […] (valider; démontrer de façon incontestable)

108 L’agent négociateur fait valoir qu’il incombait à l’employeur de démontrer de façon indubitable ou incontestable la nécessité de mettre en œuvre les huit heures de début prévues dans le cadre de l’horaire de « six jours/deux jours », lesquelles sont des heures de début atypiques par rapport à celles que définit la clause 25.17 de la convention collective. L’obligation de l’employeur à cet égard s’applique à chaque heure de début. L’employeur peut démontrer la nécessité d’un ou de plusieurs postes mais non des autres, auquel cas il enfreint la clause 25.22b). L’analyse exigée doit être effectuée pour chaque poste particulier. La question clé à laquelle il faut répondre est la suivante : « Quelles mesures l’employeur a-t-il prises ou quels propos a-t-il eus au sujet de chaque poste atypique au cours des consultations tenues aux termes de la clause 25.22b)? »

109 L’agent négociateur soutient que l’employeur n’est pas autorisé à se reporter à de l’information fournie à la réunion de consultation tenue en février 2006, pratiquement un an plus tôt, pour justifier la décision qu’il a prise en janvier 2007 de mettre en œuvre des heures de début atypiques. Les propos tenus devant d’autres interlocuteurs, à un moment différent et à une autre fin, ne peuvent être considérés comme remplissant la condition de consultation prescrite par la clause 25.22b) de la convention collective. En vertu de la clause 25.22c), un avis de consultation engendre l’obligation de chacune des parties d’informer l’autre des noms de leurs représentants en prévision de consultations tenues dans les cinq jours. Or, M. Sheridan a adressé un avis de consultation à M. King en décembre 2006. Par conséquent, l’employeur ne peut pas prétendre s’être conformé à la clause 25.22b) en invoquant des discussions qui remontent à février 2006, plusieurs mois avant que les parties désignent des représentants aux termes de la clause 25.22c) pour discuter de nouvelles heures de début. L’obligation imposée par la clause 25.22b) d’établir la nécessité de modifier les heures est devenue exécutoire en janvier 2007, après que l’avis de consultation a été donné. Elle a procédé de la volonté déclarée de l’employeur d’effectuer des changements à ce moment, et non plus tôt. Il faut donc évaluer la conformité de l’employeur avec la convention collective au cours de cette période immédiate – en l’occurrence, le déroulement des réunions de consultation tenues en janvier 2007 concernant les Opérations passagers et les Opérations commerciales est primordial.

110 Par ailleurs, l’agent négociateur soutient qu’aucune conséquence des consultations tenues en février 2006 n’ajoute quoi que ce soit aux paroles prononcées par l’employeur en janvier 2007.

1. Opérations passagers – poste débutant à 5 h

111 Selon le document présenté par l’employeur à la réunion du 12 janvier 2007, un poste débutant à 5 h [traduction] « […] répond à un nouveau besoin opérationnel attribuable aux arrivées récentes de vols d’Air Canada tôt le matin » (pièce E-5, onglet 31).

112 L’information à l’appui fournie par l’employeur lors de la réunion (données sur le volume de passagers figurant dans la pièce E-5, onglet 12, ou la pièce E-7, et données du système de totalisations opérationnelles des PIAPE contenues dans la pièce E-6) ne fait que montrer qu’il y avait très peu d’activité à 5 h. Selon le témoignage de MmeFarkas, qui n’a pas été contredit, l’employeur avait affirmé à l’agent négociateur que les arrivées à 5 h [traduction] « allaient devenir la norme », sans pour autant que l’employeur ne présente d’échéancier pour répondre aux nouvelles exigences ni l’information que M. Sheridan dit avoir reçue d’Air Canada et de la GTAA concernant les arrivées tôt le matin. Les seules données sur le volume de passagers qui ont été fournies remontaient à deux ans, soit à février, juillet et octobre 2005. Or, des données vieilles de deux ans montrent que seul un petit nombre de vols arrivaient à 5 h quelques jours de la semaine. Les données précitées, conjuguées à l’affirmation selon laquelle le nombre de vols de cette catégorie était destiné à augmenter à l’avenir, ne démontrent pas de façon indubitable ou incontestable la nécessité d’un poste atypique débutant à 5 h « […] pour répondre aux besoins du public ou assurer le bon fonctionnement du service […] ».

113 Selon M. Sheridan, les postes normaux qui ne se chevauchent pas nuisent au public voyageur. Si la capacité de gérer le public voyageur est un facteur important à considérer en vertu de la clause 25.22b) de la convention collective, il est donc raisonnable que l’agent négociateur et M. King demandent des renseignements sur la dotation en personnel. L’employeur a fourni à l’agent négociateur de l’information limitée et périmée à l’appui de sa proposition, mais aucune donnée sur la pièce maîtresse manquante du casse-tête : le nombre d’agents qu’il faut pour traiter un volume X de passagers. Plusieurs variables influent sur les besoins en dotation, mais il faut tout au moins disposer d’une quelconque méthode pour évaluer les niveaux de dotation en prévision d’un volume de passagers donné. Bien qu’il ait été prié à maintes reprises de fournir des données sur la dotation, M. Sheridan s’y est refusé. À l’audience, il a affirmé ne jamais pouvoir fournir autre chose qu’une fourchette de données. Or, les fourchettes qu’il mentionne dans son témoignage n’ont pas été fournies à l’agent négociateur à la réunion du 12 janvier 2007.

114 L’employeur a présenté une preuve démontrant que M. King était peu intéressé par l’information fournie par l’employeur à la réunion de consultation du 12 janvier 2007. Il n’est pas étonnant que M. King ait été contrarié. Pour pouvoir discuter de manière valable de la modification des heures de travail, l’agent négociateur devait savoir combien de ses membres seraient affectés aux postes ou touchés par les modifications. Sans cette information sur la dotation, la consultation était unilatérale. L’employeur a mal agi en refusant de donner suite aux demandes que M. King a formulées pour obtenir de l’information sur la dotation à plusieurs reprises : avant et après la réunion de février 2006, plusieurs fois avant la réunion du 12 janvier 2007 et pendant celle-ci.

115 Face au refus de l’employeur de lui fournir de l’information sur la dotation, l’agent négociateur demande une décision afin qu’il soit reconnu que, à moins que l’information demandée soit fournie, l’agent négociateur ne pourra que très difficilement déterminer si l’employeur a démontré de façon indubitable ou incontestable la nécessité d’établir de nouvelles heures de début, tel que l’exige la clause 25.22b) de la convention collective.

2. Opérations passagers – poste débutant à 6 h

116 La preuve démontre que la possibilité d’établir un poste débutant à 6 h n’a, pour ainsi dire, jamais été discutée à une réunion, quelle qu’elle soit. Selon le témoignage non contredit de Mme Farkas, le seul renseignement à ce sujet fourni par l’employeur à la réunion du 12 janvier 2007 était qu’un poste débutant à 6 h avait été prévu dans un AHPV antérieur. Le fait que les parties étaient disposées par le passé à accepter un poste débutant à 6 h dans le cadre d’un AHPV négocié ne permet pas de savoir si un tel poste était « […] nécessaire pour répondre aux besoins du public ou assurer le bon fonctionnement du service […] » en janvier 2007. Cela n’a pas pour effet de démontrer de façon indubitable ou incontestable la nécessité de mettre en œuvre un poste débutant à 6h. Si l’employeur avait eu d’autres motifs pour procéder de la sorte, il les aurait déclarés. Or, il ne l’a pas fait.

3. Opérations passagers — poste débutant à 8 h 30

117 Le document explicatif présenté par l’employeur à la réunion du 12 janvier 2007 (pièce E-5, onglet 31) énonce simplement qu’un poste débutant à 8 h 30 est nécessaire à la formation. Selon le témoignage de Mme Farkas, l’employeur n’a présenté aucun autre renseignement sur le poste débutant à 8 h 30 à la réunion. Ni le témoignage de M. Sheridan ni le compte rendu de la réunion établi par Mme Underwood n’indiquent que l’employeur a fourni d’autres renseignements.

118 Une seule phrase ne suffit pas à démontrer de façon indubitable ou incontestable la nécessité d’un poste débutant à 8h 30 « […] pour répondre aux besoins du public ou assurer le bon fonctionnement du service […] ». Elle ne permet pas de comprendre, par exemple, pourquoi le poste normal de 7 h à 15 h ne pouvait pas répondre aux besoins en formation.

4. Opérations passagers – postes débutant à 13 h et à 14 h

119 Mme Farkas déclare dans son témoignage que l’employeur n’a pas discuté des postes débutant à 13 h ou à 14 h à la réunion du 12 janvier 2007. La preuve présentée par l’employeur ne contredit pas son témoignage. Le document explicatif de l’employeur (pièce E-5, onglet 31) dit simplement que les postes sont nécessaires pour assurer le bon fonctionnement du service et répondre aux besoins du public. Les données sur le volume de passagers (pièce E-5, onglet 12) indiquent divers niveaux d’activité à ce moment de la journée, mais ne permet pas de comprendre pourquoi l’équipe affectée au poste normal de 7 h à 15 h ne peut pas composer avec ces volumes. Les données du système de totalisations opérationnelles des PIAPE (pièce E-6) ne dépassent pas 13 h ou 14 h la plupart des jours.

120 Une fois de plus, l’employeur n’a pas démontré de façon indubitable ou incontestable la nécessité d’un poste débutant à 13 h ou à 14 h « […] pour répondre aux besoins du public ou assurer le bon fonctionnement du service […] ».

5. Opérations passagers — poste débutant à 17 h

121 L’employeur a reconnu le besoin d’établir un poste atypique débutant à 17 h pour composer avec les arrivées tardives suivant les principes de la bonne gestion financière (pièce E-5, onglet 31). La preuve indique que certaines discussions à la réunion du 12 janvier 2007 ont porté sur les vols tardifs et les frais d’heures supplémentaires occasionnés lorsque le personnel du poste normal existant devait travailler après minuit. M. Sheridan explique que la direction était préoccupée également par le temps mort entre 2 h et 5 h si elle devait augmenter l’équipe affectée au poste de minuit pour qu’elle s’occupe des arrivées tardives.

122 Si cette preuve limitée ayant été présentée justifie en quelque sorte un poste débutant à 17 h, elle demeure insuffisante. Il était primordial, tout particulièrement en ce qui concerne le poste débutant à 17 h, que l’employeur fournisse à l’agent négociateur l’information sur la dotation que ce dernier avait demandée : combien de passagers arrivent après le couvre-feu fixé à 2h à Pearson, quelle est la fréquence des arrivées et combien d’agents seraient nécessaires pour traiter les arrivées tardives? S’il y a des accalmies, est-il possible de transférer les employés à un autre terminal où les besoins sont plus grands? Il est possible que les réponses données à de telles questions auraient montré que les postes normaux étaient insuffisants pour composer avec le volume de passagers des vols tardifs, mais comme il n’a pas fourni de réponses, l’employeur n’a pas démontré de façon indubitable ou incontestable la nécessité d’un poste débutant à 17 h « […] pour répondre aux besoins du public ou assurer le bon fonctionnement du service […] ».

6. Opérations passagers — postes débutant à 18 h et à 19 h (saisonniers)

123 Une fois de plus, le témoignage non contesté de Mme Farkas prouve que l’employeur n’a pas discuté des postes saisonniers débutant à 18 h et à 19 h à la réunion du 12 janvier 2007. La seule justification mentionnée dans le document explicatif fourni par l’employeur est celle des vols nolisés arrivant à des heures tardives en hiver (pièce E-5, onglet 31).

124 L’agent négociateur reconnaît que les vols nolisés arrivent à des heures tardives en hiver. Toutefois, il n’admet pas que l’employeur a satisfait aux exigences de la clause 25.22b) de la convention collective en ce qui a trait aux postes proposés débutant à 18 h et à 19h. Par exemple, l’employeur n’a aucunement expliqué pourquoi le poste existant de minuit ne pouvait pas répondre aux nécessités du service occasionnées par l’arrivée tard le soir de vols nolisés de passagers.

7. Opérations commerciales

125 L’employeur a proposé deux postes atypiques pour les Opérations commerciales, l’un débutant à 6 h, l’autre à midi. M. Roussel affirme dans son témoignage que le poste de 6 h est nécessaire pour que l’employeur respecte ses obligations contractuelles de fournir des services à FedEx. Il ajoute que la direction souhaitait éviter de recourir à des heures supplémentaires à cette fin.

126 M. Roussel reconnaît qu’aucune consultation n’a eu lieu au sujet du poste proposé débutant à midi.

127 Lors de la réunion de consultation concernant les Opérations commerciales tenue le 23 janvier 2007, M. King a demandé d’obtenir des exemplaires des contrats de service conclus avec des entreprises de messagerie, car, selon lui, ils prévoyaient le versement d’une prime par les entreprises contractantes si elles demandaient que la permanence soit assurée tôt le matin. La direction n’a pas fourni les contrats à M. King à la réunion même, mais ultérieurement. Lors de son témoignage, M. Roussel confirme l’interprétation de M. King, à savoir que les contrats susmentionnés prévoient le versement de primes en contrepartie du travail effectué par les agents tôt le matin. Par conséquent, la question des heures supplémentaires ne justifiait donc pas l’établissement d’un poste débutant à 6 h.

128 Ainsi, l’agent négociateur soutient que l’employeur n’a pas démontré de façon indubitable ou incontestable la nécessité d’un poste débutant à 6 h aux Opérations commerciales « […] pour répondre aux besoins du public ou assurer le bon fonctionnement du service […] ». La direction avait la possibilité, notamment, de charger le personnel du poste de 7 h de fournir des services aux entreprises de messagerie tôt le matin et de recouvrer ses frais d’heures supplémentaires en vertu des contrats en vigueur.

129 Après son examen des postes débutant à des heures atypiques, l’agent négociateur a invoqué la jurisprudence suivante : dans l’affaire L’Alliance de la Fonction publique du Canada et le Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 169-02-49 (19741113), l’arbitre de grief a examiné une clause semblable qui obligeait l’employeur, notamment, à « […] établir […] que ces postes sont nécessaires pour répondre aux besoins du public et (ou) de l’exploitation efficace du Service ». En mettant l’accent sur le mot « établir », il a formulé les commentaires suivants à la page 48 :

[…]

          À mon sens, par l’utilisation du mot « établir » on a voulu insister sur le fait qu’à la suite d’une consultation tenue en vertu de la clause 25.08 l’employeur doit fournir des raisons valables, qui ne soient ni futiles ni capricieuses et qui concernent directement et de façon déterminante les « besoins du public et (ou) de l’exploitation efficace du service ». Une tentative semblable au moyen d’un mot également équivoque a été faite dans d’autres conventions qui ont recours à l’expression « consultation significative ».

[…]

L’agent négociateur soutient que les commentaires de l’arbitre de grief appuient son affirmation, selon laquelle « établir » signifie démontrer de façon indubitable ou incontestable.

130 La décision rendue dans l’affaire Power et le Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 166-02-17064 (19880225) comprend un examen de l’expression « nécessités du service ». L’arbitre de grief a statué que l’employeur ne peut pas contracter des obligations financières puis affirmer qu’il ne peut pas honorer un droit prévu dans la convention collective (dans cette affaire, celui de reporter des crédits de congé annuel) parce qu’il n’en a pas les moyens financiers. Dans le cas qui nous occupe, l’employeur aurait pu fournir des ressources supplémentaires pour éviter d’imposer des postes aux heures de début atypiques. Il aurait pu soit transférer des employés entre les terminaux pour répondre à la variation de la charge de travail, soit augmenter le nombre d’employés affectés au poste existant débutant à 23 h pour répondre aux nécessités du service occasionnés par l’augmentation du nombre de vols susceptibles d’arriver à 5 h.

131 L’agent négociateur m’a renvoyé à des décisions à l’appui de plusieurs thèses, dont celles qui exigent que les consultations aient un sens et soient significatives : Fraternité internationale des ouvriers en électricité, section locale 2228 et Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 169-02-11 (19710713); Burrard Yarrows Corporation, Vancouver Division v. International Brotherhood of Painters, Local 138 (1981), 30 L.A.C. (2d) 331; Eldorado Nuclear Ltd. v. Public Service Alliance of Canada (1975), 5 L.A.C. (2d) 94; Canada Safeway Ltd. v. Retail, Wholesale and Department Store Union (1999), 82 L.A.C. (4th) 1; Delta Toronto East Hotel v. Hotel Employees Restaurant Employees Union, Local 75 (2001), 98 L.A.C. (4th) 31.

132 L’agent négociateur a fait valoir également la jurisprudence sur l’octroi de dommages-intérêts pour violation d’une convention collective. À la suite de l’audience, l’agent négociateur a informé la Commission qu’il ne demandait pas de redressement sous forme de dommages-intérêts

133 L’agent négociateur a conclu en me demandant de rendre une décision déclarant que l’employeur a enfreint la clause 25.22b) de la convention collective. Il soutient que la preuve montre clairement que l’employeur n’a pas démontré de façon indubitable ou incontestable la nécessité d’établir de nouvelles heures de début « […] pour répondre aux besoins du public ou assurer le bon fonctionnement du service […] ».

B. Pour l’employeur

134 Il incombe à l’agent négociateur de montrer que l’employeur a enfreint la convention collective.

135 Le litige porte sur une clause de consultation. La principale question à trancher est la suivante : « L’employeur a-t-il mené des consultations sur l’établissement de postes supplémentaires, tel que l’exige la clause 25.22b) de la convention collective? » L’affaire n’est pas un débat de novo sur le transfert à l’employeur de l’obligation de démontrer actuellement la nécessité de chaque poste supplémentaire.

136 La preuve montre que les parties discutent de longue date des trois différents AHPV des anciens groupes aux Opérations passagers. L’ASFC souhaitait mettre en œuvre une stratégie portuaire intégrée grâce à laquelle le personnel pourrait travailler dans n’importe lequel des trois secteurs d’activité. L’harmonisation des AHPV existants était un important objectif à réaliser pour assurer le succès de la stratégie.

137 Dans son témoignage, M. Sheridan affirme que M. King a informé l’employeur, le 2 février 2006, que l’agent négociateur annulait l’AHPV du groupe des douanes aux Opérations passagers (pièce E-5, onglet 8). Au dire de M. Sheridan, les discussions se sont poursuivies depuis lors sur de nouveaux AHPV et des postes supplémentaires assortis de nouvelles heures de début (pièce E-5, onglet 9). L’employeur fait valoir la nécessité de prendre en considération le contexte global des discussions lorsqu’il s’agit d’évaluer s’il a satisfait à ses obligations aux termes de la clause 25.22b) de la convention collective. On ne peut pas faire abstraction de la relation suivie des parties et de leurs longues discussions sur la nécessité de divers postes.

138 L’employeur a présenté un volume important d’information pour expliquer son point de vue sur les postes supplémentaires aux Opérations passagers lors de la réunion de consultation tenue le 15 février 2006 (pièce E-5, onglet 12). Quelques jours plus tard, l’agent négociateur a signé un AHPV pour le groupe des douanes identique à celui qu’il avait annulé, à quelques changements de nomenclature près. Le nouvel AHPV prévoyait huit postes aux heures de début différentes, comme c’était le cas par le passé. Il y était dit clairement que les parties s’étaient entendues alors sur la nécessité de postes supplémentaires se chevauchant (pièce E-5, onglet 14). Par la suite, un comité mixte a continué à examiner les questions relatives aux horaires dans le dessein de conclure un AHPV révisé (pièce E-5, onglet 19). Le 1er novembre 2006, le comité a fait parvenir à M. Sheridan une « proposition finale » qui prévoyait, notamment, des postes atypiques (pièce E-5, onglet 21). En bout de ligne, M. Sheridan a rejeté la proposition, car elle réduisait les périodes de permanence et occasionnait une hausse des frais d’exploitation (pièce E-5, onglet 23).

139 L’agent négociateur a annulé l’AHPV du groupe des douanes le 6 décembre 2006 (pièce E-5, onglet 22). L’horaire de postes en vigueur à ce moment devait se terminer le 11 février 2007. Comme la convention collective imposait l’affichage d’un nouvel horaire 15 jours d’avance, le temps susceptible d’être consacré aux consultations était limité. En l’absence d’un AHPV du groupe des douanes — l’aménagement qui portait sur le groupe le plus nombreux d’agents des services frontaliers —, l’employeur a fait savoir que tous les employés seraient affectés à des postes de durée normale à compter du 12 février 2007, conformément à la convention collective. Comme les AHPV visant tous les anciens groupes étaient annulés, l’employeur a amorcé des consultations, en vertu de la clause 25.22b) de la convention collective, en vue de mettre en œuvre les nouvelles heures de début des postes normaux qu’il jugeait nécessaires et qui assureraient l’harmonisation souhaitée des aménagements d’horaire des trois anciens groupes aux Opérations passagers.

140 L’AHPV en vigueur aux Opérations commerciales depuis mai 1996 prévoyait des postes débutant à 6 h et à 23 h (pièce E-8, onglet 1). Les parties ont collaboré, au début de 2006, à moderniser le libellé de l’AHPV. À ce moment, l’agent négociateur ne s’est opposé à aucune des heures de début. En avril 2006, les parties se sont entendues provisoirement sur un nouvel AHPV, moyennant l’approbation de M. King (pièce E-8, onglet 6). En attendant que M. King donne son aval, l’AHPV existant est demeuré en vigueur. Le 15 janvier 2007, l’agent négociateur a annulé l’AHPV des Opérations commerciales (pièce E-8, onglet 7). M. Roussel affirme qu’un nouvel horaire devait entrer en vigueur le 12 février 2007 et être affiché au plus tard le 15 janvier 2007, ce qui ne laissait que 11 jours à consacrer aux consultations imposées par la clause 25.22b) de la convention collective.

141 Tant aux Opérations passagers qu’aux Opérations commerciales, la question centrale de la présente affaire s’est cristallisée lorsque l’employeur a affiché, le 25 janvier 2007, un nouvel horaire composé de postes de durée normale assortis d’heures de début supplémentaires. Il incombe à l’arbitre de grief de soupeser la preuve afin de déterminer si l’employeur a satisfait à l’obligation que lui imposait la clause 25.22b) de la convention collective de consulter l’agent négociateur sur la nécessité de postes supplémentaires avant d’afficher un nouvel horaire.

142 Les niveaux de dotation ne sont pas en litige. La clause 25.22b) de la convention collective n’oblige pas la direction à préciser le nombre d’employés nécessaires au cours d’un poste donné, ni ne mentionne l’expression « nécessités du service », une expression utilisée fréquemment par le syndicat en parlant des niveaux de dotation. Si les parties avaient voulu que les consultations qu’exige la clause 25.22b) portent sur les « nécessités du service », elles auraient intégré l’expression à la clause en question, comme elles l’ont fait, notamment, dans le cas de la clause 25.23d), qui établit expressément un rapport entre le fonctionnement des AHPV et les nécessités du service.

143 La clause 25.15 de la convention collective prévoit, de plus, que la dotation d’un horaire est du ressort exclusif de l’employeur :

25.15. La dotation en personnel, l’établissement, l’affichage et l’administration des horaires des postes sont la responsabilité de l’Employeur.

144 L’effet conjugué des clauses 25.15 et 25.22b) de la convention collective est manifestement d’obliger les parties à se consulter sur le besoin de postes et non sur la manière de les doter en personnel. Les consultations obligatoires visent à déterminer si les postes sont nécessaires pour répondre aux besoins du public ou assurer le bon fonctionnement du service, non pour satisfaire aux nécessités du service ou atteindre des niveaux donnés de dotation.

145 La preuve non contredite montre que la direction a fait valoir à l’agent négociateur, que la question n’intéressait pas, la nécessité de postes supplémentaires aux Opérations passagers. L’agent négociateur a plutôt demandé une formule précise de calcul des niveaux de dotation. Il a également soutenu que les coûts n’intervenaient pas dans l’évaluation du besoin de postes supplémentaires. Dans les deux cas, l’agent négociateur s’est « carrément trompé ».

146 Contrairement à ce qu’affirme l’agent négociateur, c’est-à-dire que M. Sheridan a refusé à maintes reprises de lui fournir des renseignements sur les niveaux de dotation, le témoignage de M. Sheridan montre qu’il était disposé à fournir à M. King un éventail de données illustrant les besoins en dotation. Cependant, il n’était pas en mesure de fournir une formule exacte, ce sur quoi insistait M. King, pour des motifs légitimes dont M. Sheridan a fait état dans son témoignage. Il n’est donc pas loisible à l’agent négociateur d’affirmer que l’employeur a enfreint les exigences de la clause 25.22b) de la convention collective en ne fournissant pas la formule de dotation précise qu’exigeait M. King.

147 L’agent négociateur ne peut non plus objecter que les coûts n’étaient pas une préoccupation légitime lorsque l’employeur a élaboré sa proposition en vue d’établir un nouvel horaire de postes. La jurisprudence confirme que les coûts entrent effectivement dans une évaluation du « bon fonctionnement du service » : Rice et le Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 166-02-21070 (19910401), et Alliance de la fonction publique du Canada et Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), dossier de la CRTFP 169-02-568 (19970702).

148 L’Alliance de la Fonction publique du Canada et le Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 169-02-49, citée par l’agent négociateur, est la décision la plus importante en ce qui concerne l’interprétation du libellé de la convention collective en litige dans la présente affaire. L’arbitre en chef (d’alors) examine en détail, de la page 47 à la page 49, l’argument selon lequel le mot « établir » laisse entendre une obligation de démontrer de façon indubitable ou incontestable l’existence d’une nécessité :

[…]

          On a fait valoir dans la clause 25.08 que le mot « établir » signifie « prouver ». Dans certains contextes l’équivalence est sans aucun doute correcte. Cependant, le verbe « établir » a plusieurs sens. Le Oxford Universal Dictionary, 3e édition, en donne sept acceptions différentes parmi lesquelles une seule a une connotation juridique : « Démontrer; prouver ». Donc, dans le contexte d’un différend entre deux parties, où l’une d’elles doit « établir » ou prouver sa thèse devant un tiers chargé d’en déterminer la validité, le mot est parfaitement approprié.

          Si dans la clause 25.08 le mot « établir » est employé dans le sens juridique, alors qui doit décider que le point a été « établi » ou prouvé? Il me semble que le mot est tout à fait inapproprié et non conforme au génie de la langue anglaise à moins que l’affaire ne soit « tranchée » devant une cour ou un tribunal ou tout autre organisme ayant un pouvoir de décision.

[…]

          Il faut faire le rapprochement entre le verbe « établir » et le mot « consultations » […] Les mots « consulter » et « consultations signifient clairement une discussion entre des parties qui n’ont ni l’une ni l’autre aucun pouvoir arbitral ou judiciaire et qui sont par définition des parties intéressées, vouées à faire valoir ou à défendre les objectifs et le bien-être de ceux qu’elles représentent respectivement […]

[…]

          À mon sens, par l’utilisation du mot « établir » on a voulu insister sur le faite qu’à la suite d’une consultation tenue en vertu de la clause 25.08 l’employeur doit fournir des raisons valables, qui ne soient ni futiles ni capricieuses et qui concernent directement et de façon déterminante les « besoins du public et (ou) de l’exploitation efficace du service ». Une tentative semblable au moyen d’un mot également équivoque a été faite dans d’autres conventions qui ont recours à l’expression « consultation significative ».

[…]

149 Plus loin, en page 53, l’arbitre de grief en chef dit ceci : « […] Il n’y a pas lieu pour moi de déterminer si l’employeur a établi ‘au-delà de tout doute raisonnable’ la nécessité des mesures qu’il a prises ». L’employeur fait valoir que l’argument de l’agent négociateur selon lequel la clause 25.22b) de la convention collective oblige l’employeur à démontrer de façon incontestable l’existence d’une nécessité ressemble à la norme « au-delà de tout doute raisonnable », un critère rejeté par l’arbitre en chef.

150 La décision rendue dans L’Alliance de la Fonction publique du Canada et le Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 168-02-76 (19751124), fait écho aux conclusions susmentionnées. La Commission a convenu que la convention collective exige que l’employeur offre simplement des « raisons valables » pour modifier les postes. Dans les affaires Conseil du Trésor et Alliance de la fonction publique du Canada, dossiers de la CRTFP 169-02-409 et 412 (19850613), on a également appliqué un critère moins rigoureux à l’évaluation du respect par l’employeur de son obligation de se livrer à des consultations.

151 L’employeur m’a également renvoyé à Bernier et à l’Institut professionnel de la Fonction publique du Canada et le Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 169-02-458 (19871207).

152 Compte tenu de l’interprétation donnée à l’obligation d’« établir » la nécessité de postes supplémentaires dans la jurisprudence, il ne fait aucun doute que la preuve confirme le respect par l’employeur de la clause 25.22b) de la convention collective. À propos des Opérations passagers, les courriels de M. King antérieurs au 12 janvier 2007 montrent clairement que l’agent négociateur ne souhaitait pas participer à des consultations sur des postes supplémentaires (pièce E-5, onglet 29). M. King a exigé à maintes reprises que l’employeur fournisse des renseignements précis sur les niveaux de dotation comme condition préalable aux consultations (pièce E-5, onglets 22, 24 et 30). Or, M. Sheridan a répété qu’il était dans l’impossibilité d’acquiescer à sa demande. Il a néanmoins rencontré des représentants de l’agent négociateur, le 22 janvier 2007, pour amorcer des discussions sur un ensemble de propositions, accompagnées d’information à l’appui qui expliquait la nécessité de postes supplémentaires (pièce E-5, onglet 31). L’employeur a tenté de présenter sa documentation et l’information à l’appui, mais il s’est heurté au refus de l’agent négociateur. Celui-ci n’était toujours pas intéressé. M. King a repoussé de la main la trousse d’information offerte par l’employeur. Il a objecté que la direction ne pouvait établir de nouveaux postes sans l’accord de l’agent négociateur, a continué à soutenir que les coûts ne pouvaient être pris en compte dans l’évaluation du « bon fonctionnement », et a déclaré que l’employeur devrait recourir aux heures supplémentaires plutôt que d’établir de nouveaux postes, tel celui qui débuterait à 17 h.

153 Lorsque M. Sheridan a mis fin à la réunion, il a invité l’agent négociateur à lui présenter des commentaires écrits sur les postes supplémentaires. Selon son témoignage, l’agent négociateur n’a jamais demandé de renseignements supplémentaires concernant les postes entre le moment de la réunion et celui de l’affichage du nouvel horaire.

154 Mme Farkas, une représentante de l’agent négociateur qui a assisté à la réunion, déclare, lors de son témoignage, avoir consacré peu de temps à la trousse d’information de l’employeur et ne pas l’avoir examinée après la réunion. Elle confirme que l’agent négociateur n’a jamais demandé un plus long délai pour pouvoir examiner la trousse ni de plus amples renseignements.

155 L’agent négociateur a fait connaître sa réponse par écrit le 18 janvier 2007 (pièce E-5, onglet 33). Il n’a pas commenté les particularités de la proposition de l’employeur. Il a simplement affirmé que, [traduction] « […] à défaut d’un AHPV valide, les employés n’accepteront pas de nouvelles heures de début contraires aux dispositions de la clause 25.17 ».

156 Les parties se sont rencontrées de nouveau le 19 janvier 2007 pour discuter de projets d’AHPV. L’agent négociateur n’a pas posé de questions sur la trousse d’information présentée par l’employeur à la réunion du 12 janvier 2007 et a simplement réaffirmé son opposition à l’établissement de nouveaux postes.

157 L’employeur a continué de présenter ses arguments en examinant en détail les comptes rendus de réunion rédigés par Mme Underwood. Selon l’employeur, les comptes rendus confirment les efforts engagés par celui-ci, à compter de février 2006, pour établir la nécessité de postes supplémentaires auprès de l’agent négociateur (pièces E-20, E-21 et E-22). (Comme il a été dit déjà, le contenu des comptes rendus ne sera invoqué que très brièvement dans la section de la présente décision qui énonce les motifs.)

158 En ce qui concerne les Opérations commerciales, le témoignage de M. Roussel indique que l’employeur a rencontré l’agent négociateur le 23 janvier 2007 et lui a présenté une série de graphiques à l’appui de son point de vue sur la nécessité d’établir des postes supplémentaires (pièce E-8 onglet 9). M. Roussel avait expliqué au syndicat que le poste débutant à 6 h était nécessaire en raison de l’arrivée de vols à risque élevé peu après 6 h et des services que des agents devaient fournir à FedEx. Or, l’agent négociateur n’avait pas rejeté la nécessité d’un poste débutant à 6 h, ni demandé de plus amples renseignements par la suite.

159 M. Roussel a expliqué que l’employeur n’a pas abordé la question du poste débutant à midi lors de la réunion de consultation du 23 janvier 2007 parce qu’il a oublié de le faire.

160 L’employeur affirme que l’agent négociateur a enfreint les modalités de l’AHPV existant des Opérations commerciales en n’offrant pas de préavis suffisant de son intention de l’annuler le 15 janvier 2007. Les actes de l’agent négociateur ont obligé l’employeur à tenir des consultations dans de très courts délais avant la date à laquelle il était tenu d’afficher un nouvel horaire. L’employeur ne doit pas être pénalisé maintenant pour avoir déployé les meilleurs efforts possibles lors des consultations, étant donné les délais serrés qu’il devait respecter.

161 En résumé, l’employeur soutient que le grief doit être rejeté. Il a satisfait à ses obligations de tenir des consultations préalables, tant aux Opérations passagers qu’aux Opérations commerciales. Tel que l’exige la jurisprudence, il a communiqué à l’agent négociateur de l’information concrète pour justifier la nécessité de postes supplémentaires « […] pour répondre aux besoins du public ou assurer le bon fonctionnement du service […] ». Il n’était pas tenu d’obtenir l’accord de l’agent négociateur ni de démontrer de façon indubitable ou incontestable la nécessité d’adopter les heures de début proposées. Il s’est conformé à la clause 25.22b) de la convention collective.

162 En ce qui a trait au redressement, l’employeur a invoqué les dispositions suivantes de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »), qui limitent le pouvoir de redressement d’un arbitre dans le cas d’un grief de principe :

          232. Dans sa décision sur un grief de principe qui porte sur une question qui a fait ou aurait pu faire l’objet d’un grief individuel ou d’un grief collectif, l’arbitre de grief ne peut prendre que les mesures suivantes :

a) donner l’interprétation ou l’application exacte de la convention collective ou de la décision arbitrale;

b) conclure qu’il a été contrevenu à la convention collective ou à la décision arbitrale;

c) enjoindre à l’employeur ou à l’agent négociateur, selon le cas, d’interpréter ou d’appliquer la convention collective ou la décision arbitrale selon les modalités qu’il fixe.

163 L’employeur offre des commentaires complémentaires en réponse à l’argument de l’agent négociateur, dont les suivants : (1) à la réunion du 12 janvier 2007, l’employeur était disposé à expliquer sa proposition, mais l’agent négociateur s’y est refusé. Il ne peut donc pas soutenir maintenant que l’employeur était tenu, à la réunion, d’établir la nécessité de chaque poste supplémentaire pour se conformer à la clause 25.22b) de la convention collective; (2) l’agent négociateur souligne que les données offertes par l’employeur à l’appui de la nécessité d’établir des postes supplémentaires remontaient à deux ans plus tôt. M. Sheridan affirme, lors de son témoignage, que les périodes de pointe et les périodes creuses en ce qui concerne le volume de passagers dont témoignaient les données étaient les mêmes au moment où les nouveaux postes sont entrés en vigueur et que les données demeuraient précises à 97 %; (3) l’agent négociateur encourage l’arbitre de grief à ne pas tenir compte des discussions antérieures entre les parties sur les mêmes postes lorsqu’il évaluera si l’employeur a respecté la clause 25.22b). Toutefois, la clause ne prescrit pas d’écarter totalement les relations antérieures entre les parties. L’argument de l’agent négociateur en ce sens est extrêmement formaliste et ne répond pas aux principes des bonnes relations de travail; (4) en ce qui concerne les primes acquittées par FedEx et les autres entreprises de messagerie, l’avocat de l’employeur fait valoir que, à son avis, M. Roussel a dit, lors de son témoignage, que l’argent ainsi perçu était versé au Trésor et ne pouvait pas servir à renflouer le budget de dotation; (5) il n’est pas pratique de transférer le personnel de terminal en terminal comme solution permanente; (6) l’augmentation du personnel affecté au poste de minuit se solde par une hausse du temps mort et a pour conséquence de réduire la permanence à d’autres moments de la journée.

C. Réfutation de l’agent négociateur

164 L’employeur conclut qu’il n’a pu présenter d’information sur certains postes supplémentaires, car M. King ne lui a pas permis de le faire à la réunion du 12 janvier 2007. En réalité, l’employeur n’avait aucun renseignement pertinent à présenter outre ceux qu’il avait effectivement offerts à la réunion. Le fait que M. King aurait pu se montrer plus souple n’est tout simplement pas pertinent. Il incombe à l’arbitre de juger de la qualité de la divulgation de l’information par l’employeur, non du comportement des deux parties.

165 Même si l’agent négociateur a enfreint l’AHPV des Opérations commerciales en ne donnant pas de préavis suffisant avant son annulation, le manquement de l’agent négociateur ne relevait pas l’employeur de son obligation de respecter la clause 25.22b) de la convention collective. Le manquement de l’agent négociateur ne peut certainement pas être invoqué pour justifier la dérogation de l’employeur à son obligation de tenir des consultations concernant le poste proposé débutant à midi aux Opérations commerciales.

166 Il est inexact de dire que l’agent négociateur n’a pas demandé de renseignements sur les postes supplémentaires après la réunion du 12 janvier 2007. À la deuxième réunion de consultation tenue en janvier, M. King a demandé une fois de plus, mais en vain, l’information sur la dotation dont il avait besoin pour évaluer les postes supplémentaires.

167 Le fait que la clause 25.22b) de la convention collective ne comprenne pas l’expression « nécessités du service » est sans importance. La clause a le même effet que si elle englobait le concept des « nécessités du service », et la mention des « besoins du public » en élargit le sens.

168 En ce qui concerne le pouvoir de redressement de l’arbitre de grief, l’affaire qui nous occupe constitue un véritable « grief syndical » ou « grief de principe », et l’article 232 de la Loi ne s’y applique pas.

VII. Motifs

169 Le préambule de la Loi reconnaît « […] que l’engagement de l’employeur et des agents négociateurs à l’égard du respect mutuel et de l’établissement de relations harmonieuses est un élément indispensable pour ériger une fonction publique performante et productive […] ».

170 Il n’est pas difficile de déduire de la preuve présentée en l’espèce que le véritable problème entre les parties au cours de la période visée par le grief de principe était davantage affaire d’absence de respect mutuel et d’engagement à l’égard de l’établissement de relations harmonieuses que d’interprétation de dispositions particulières de la convention collective. La clause 25.22b) de la convention collective traite de ce que les spécialistes des relations de travail qualifient normalement de « consultations significatives ». Au terme de l’audience, j’avais nettement le sentiment que le climat des relations syndicales-patronales à Pearson en 2006 et au début de 2007 était de nature telle à entraver sérieusement parfois les consultations significatives sur toute question. Lorsque les parties devaient traiter d’une question aussi délicate que l’établissement d’horaires de postes, il était peu probable qu’elles parviennent à mener des consultations significatives en vertu de la clause 25.22b) en janvier 2007.

171 À la fin de l’audience, j’ai signalé aux parties que je jugeais douteux que ma décision – qui consistait à déclarer qu’il y avait eu ou non dérogation à la convention collective – contribue à améliorer leurs relations de travail. Que l’une ou l’autre interprétation de la clause 25.22b) de la convention collective soit retenue ne changera rien à la nécessité pour les parties de transformer du tout au tout leur mode de collaboration, notamment la démarche qu’elles utilisent pour régler leurs différends lorsque leurs intérêts sont diamétralement opposés. Je tire un certain optimisme des déclarations faites au terme de l’audience par les deux porte-parole, qui estiment que la situation à Pearson a commencé à s’améliorer récemment. Je souhaite vivement qu’ils aient raison.

172 Peu importe l’effet modeste d’une décision rendue en l’espèce sur la qualité des relations, je suis néanmoins saisi du différend et je dois rendre une décision dans les limites des paramètres de la preuve et des arguments que les parties m’ont exposés. J’ai structuré la tâche en posant les questions suivantes :

1)        Quelle est la définition exacte du différend?

2)        Quels éléments de preuve suis-je autorisé à prendre en compte en traitant de la question?

3)        L’obligation énoncée à la clause 25.22b) de la convention collective s’applique-t-elle séparément à chaque poste supplémentaire proposée par l’employeur?

4)        Que révèle la preuve?

A. Quelle est la définition exacte du différend?

173 Il est utile de rappeler à nouveau le libellé de la clause 25.22b) de la convention collective :

25.22b) Si les postes doivent être modifiés de sorte qu'ils diffèrent de ceux qui sont indiqués au paragraphe 25.17, l'Employeur, sauf dans les cas d'urgence, doit consulter au préalable l'Alliance à ce sujet et établir, lors des consultations, que ces postes sont nécessaires pour répondre aux besoins du public ou assurer le bon fonctionnement du service.

174 L’agent négociateur accuse l’employeur d’avoir enfreint la clause 25.22b) de la convention collective lorsque, en février 2007, il a mis en vigueur un horaire de « six jours/deux jours » comportant des heures de début atypiques, tant aux Opérations passagers qu’aux Opérations commerciales à Pearson. Il incombe à l’agent négociateur de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la clause a été enfreinte. L’identification du responsable de la preuve est importante dans l’affaire qui nous occupe. Étant donné le libellé de la clause en litige, il pourrait sembler qu’une part de la responsabilité de prouver qu’il a respecté les exigences de la clause 25.22b) incombe à l’employeur. Toutefois, comme il s’agit d’interpréter la convention collective, il appartient à l’agent négociateur de prouver qu’il y a eu dérogation. Il en est ainsi même s’il semble que l’agent négociateur doit prouver une thèse négative, à savoir que l’employeur a omis de poser un geste X ou Y.

175 La clause 25.17 de la convention collective fixe deux horaires contractuels normaux, chacun comportant trois postes : dans le premier cas, de minuit à 8 h, de 8 h à 16 h, de 16 h à minuit et, dans le second, de 23 h à 7 h, de 7 h à 15 h, de 15 h à 23 h. Conformément aux exigences de la clause 25.06b), la durée de chaque poste normal est de 7,5 heures. La clause 25.22b) est entrée en jeu en l’espèce lorsque l’employeur a jugé nécessaire de mettre en œuvre des postes de durée normale à des heures autres que celles que précise la clause 25.17.

176 La clause 25.22b) de la convention collective porte sur la consultation, mais, à l’instigation de l’agent négociateur, cette clause comporte une singularité. Plutôt que d’énoncer simplement l’obligation qu’a l’employeur de consulter l’agent négociateur « […] si les postes doivent être modifiés de sorte qu’ils diffèrent de ceux qui sont indiqués au paragraphe 25.17 […] », elle définit l’obligation de l’employeur lors des consultations. L’employeur doit « […] établir, lors des consultations, que ces postes sont nécessaires pour répondre aux besoins du public ou assurer le bon fonctionnement du service ».

177 En des termes généraux, l’affaire dont je suis saisi consiste à trancher la question de savoir si l’employeur a mené des consultations significatives — selon la définition usuelle de cette expression dans le contexte des relations de travail — avant de mettre en œuvre son nouvel horaire de « six jours/deux jours » à Pearson en février 2007. La cause diffère quelque peu des autres affaires dans lesquelles les consultations significatives sont en litige, en ce sens que les parties ont inclus dans leur convention collective une norme particulière sur laquelle fonder l’évaluation du caractère significatif des consultations obligatoires. Si l’employeur ne réussit pas à « […] établir, lors des consultations, que ces postes sont nécessaires pour répondre aux besoins du public ou assurer le bon fonctionnement du service », les consultations menées par l’employeur ne remplissent pas les conditions dont ont convenu les parties. Le défi à relever pour l’agent négociateur consiste à prouver que l’employeur n’a pas satisfait à la norme fixée dans la convention collective.

178 Certains éléments de preuve présentés par les deux parties à l’audience peuvent être considérés raisonnablement comme mettant en doute ou appuyant les avantages de l’horaire de « six jours/deux jours » mis en œuvre par l’employeur et des heures de début qu’il comporte. Je suis d’avis que ma tâche relative à la décision à rendre n’est pas de faire fonction d’arbitre des avantages de l’un ou de l’ensemble des postes proposés, puis mis en œuvre par l’employeur. Mes opinions sur les avantages et les inconvénients d’un poste donné ne sont pas pertinentes. Je crois qu’un examen rigoureux du libellé de la clause 25.22b) de la convention collective révèle un critère à la nuance distinctive. La clause commande un examen des faits dont l’objet est de déterminer les propos tenus et les gestes posés effectivement par l’employeur lors des consultations qui ont eu lieu dans la période qui a précédé la mise en œuvre du nouvel horaire. La preuve en la matière pourrait englober des opinions, à la seule condition qu’une partie les ait communiquées à l’autre lors des réunions ou des échanges. Compte tenu de l’ensemble de la preuve factuelle, l’agent négociateur a pour tâche de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que les propos et les actes de l’employeur au cours de la période visée par le grief n’ont pas « établi » — peu importe le sens donné au mot « établir » — que les nouveaux postes étaient nécessaires pour répondre aux besoins du public ou assurer le bon fonctionnement du service.

179 Les mots qui composent la clause 25.22b) de la convention collective, dans leur sens normal et usuel, et tels qu’ils sont compris dans le cadre élargi de la convention collective, ne peuvent pas être interprétés comme signifiant que l’employeur doit amener l’agent négociateur à convenir que les postes atypiques proposés sont nécessaires pour répondre aux besoins du public ou assurer le bon fonctionnement du service. C’est d’ailleurs ce qu’a reconnu l’agent négociateur lors de la présentation des arguments. Les parties ont formulé de manière claire et précise les autres dispositions de la convention collective pour établir qu’un accord bilatéral est obligatoire avant qu’une mesure particulière puisse être prise ou qu’une situation donnée puisse être mise en place. À titre d’exemple, la clause 25.23 de la convention collective précise qu’un AHPV doit être mutuellement acceptable au niveau local, puis soumis à l’employeur et à l’administration centrale de l’agent négociateur avant sa mise en vigueur. Les dispositions pertinentes de la clause 25.23 sont les suivantes :

[…]

25.23 Aménagements d’horaires de postes variables

a) Nonobstant les dispositions des paragraphes 25.06, et 25.13 à 25.22 inclusivement, des consultations peuvent être tenues au niveau local en vue d'établir des horaires de travail par poste qui pourraient être différents de ceux établis par les paragraphes 25.13 et 25.17. De telles consultations incluront tous les aspects des aménagements des horaires de travail par poste.

b) Quand une entente mutuelle acceptable est obtenue au niveau local, l'horaire de travail variable proposé sera soumis aux niveaux respectifs de l'administration centrale de l'Employeur et de l'Alliance avant la mise en vigueur.

[…]

180 À la suite des éclaircissements offerts par l’agent négociateur au cours de la présentation de l’argumentation, les parties conviennent désormais qu’il n’est pas interdit à l’employeur de se reporter à des facteurs financiers lorsqu’il traite du « bon fonctionnement du service », tel qu’il est mentionné à la clause 25.22b) de la convention collective.

181 D’évidence, le différend s’articule autour du sens que les parties entendaient donner au verbe « établir » dans la clause 25.22b) de la convention collective. L’agent négociateur soutient que je dois interpréter la clause 25.22b) comme obligeant l’employeur à « démontrer de façon indubitable » ou « à démontrer de façon incontestable » la nécessité des postes proposés « […] pour répondre aux besoins du public ou assurer le bon fonctionnement du service ». L’agent négociateur interprète l’obligation qu’a l’employeur d’« établir » la nécessité des postes mentionnée à la clause 25.22b) en se fondant sur des définitions de dictionnaire aussi bien que sur les commentaires de l’arbitre dans l’affaire L’Alliance de la Fonction publique du Canada et le Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 169-02-49, qui a consisté à examiner des dispositions comparables d’une convention collective.

182 En toute déférence, j’estime que la norme minimale proposée par l’agent négociateur est trop élevée et éventuellement inspirée trop sélectivement de définitions de dictionnaire. De plus, je crois que la décision de l’arbitre qu’invoque l’agent négociateur comme appuyant son point de vue tend à avérer le point de vue contraire.

183 Je constate que le Merriam-Webster Online Dictionary, cité par l’agent négociateur, propose également « to put on a firm basis » (asseoir sur des fondements solides) comme définition d’« establish » (établir). La définition donnée dans l’Oxford Concise Dictionary, également invoquée par l’agent négociateur, mentionne le verbe « validate » (valider), avant de mentionner « place beyond dispute » (démontrer de façon incontestable). Par ailleurs, le New Shorter Oxford English Dictionary mentionne les verbes « ascertain » (vérifier) et « demonstrate » (démontrer) aussi bien que l’expression « place beyond dispute » (démontrer de façon incontestable) et le verbe « prove » (prouver) dans sa définition d’« establish » (établir). Le Webster’s Third New International Dictionary donne « make acceptable beyond a reasonable doubt » (rendre acceptable avec quasi-certitude) comme définition, mais propose également « to provide strong evidence for » (fonder sur des preuves solides), « confirm, validate » (confirmer, valider) et « to found or base securely » (asseoir ou fonder sûrement). En ce qui concerne le verbe « établir » dans le texte français de la clause 25.22b) de la convention collective, Le Petit Robert propose, parmi ses définitions « fonder sur des arguments solides, sur des preuves » aussi bien que « démontrer, montrer, prouver ».

184 Comme il est mentionné dans la longue citation tirée de la décision L’Alliance de la Fonction publique du Canada et le Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 169-02-49, et reproduite au paragraphe 148, l’arbitre de grief a expressément contesté l’attribution du sens « démontrer » ou « prouver » au verbe « établir » dans le contexte des consultations là où aucun décideur ne peut déterminer si une proposition a été prouvée ou démontrée. La décision de la Commission dans l’affaire L’Alliance de la Fonction publique du Canada et le Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 168-02-76, allait dans le même sens en affirmant que le verbe « établir » obligeait l’employeur à se fonder sur des « raisons valables » pour modifier les postes. J’invoquerai un autre précédent, Alliance de la fonction publique du Canada et le Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 169-02-448 (19870611), car l’arbitre semble avoir évalué la preuve en se référant au même mode d’interprétation.

185 Bien que je ne sois pas tenu de me référer à aucune des décisions précitées, je reconnais qu’il me faudrait de bonnes raisons pour interpréter de manière sensiblement différentes des autres arbitres des dispositions de conventions collective équivalentes ou comparables à la clause 25.22b). Je conclus que je n’ai aucune raison valable de le faire. Compte tenu de l’éventail de définitions du verbe « établir » offertes par plusieurs dictionnaires et de la jurisprudence la plus pertinente, je ne trouve pas concluante la position prise par l’agent négociateur. Son argument semble exiger de l’employeur qu’il produise une preuve incontestable ou « quasi certaine » de la nécessité d’établir des postes supplémentaires. À mon avis, les parties n’avaient pas l’intention de donner un tel sens à l’obligation que traduit l’expression « doit établir ». Dans le contexte d’un processus de consultation où une partie tente de persuader l’autre des avantages d’une proposition dans l’espoir — mais non dans l’obligation — de gagner l’accord ou la compréhension de l’autre partie, j’estime que le sens à donner à « établir » rejoint des notions de démonstration, de validation, de justification d’une proposition ou de production de motifs.

186 Comme l’indique la jurisprudence, la position mise de l’avant par l’employeur lors de consultations aux termes de la clause 25.22b) de la convention collective doit reposer sur des raisons valables. En décrivant sa position, l’employeur doit faire connaître des raisons ayant directement pour objet de « répondre aux besoins du public ou assurer le bon fonctionnement du service ». Les raisons ne doivent pas être frivoles ni arbitraires, ni être simplement la manifestation des préférences de l’employeur. Un observateur raisonnable et impartial doit pouvoir se fonder sur les raisons données pour conclure que l’employeur a décrit les fondements de la positon qu’il entend poursuivre et est disposé à en discuter. En d’autres termes, l’employeur a-t-il mené des consultations significatives?

187 La réponse à la question précitée appelle un examen des faits particuliers et du contexte de l’affaire. Il n’existe pas de paramètres normalisés à employer pour déterminer si le comportement de l’employeur lors d’un ensemble donné de consultations répond au critère minimal fixé par la clause 25.22b) de la convention collective. Chaque situation dans laquelle la clause 25.22b) est en cause nécessite une analyse particulière qui tient compte des nuances de la situation donnée.

188 En résumé, je définis ainsi la question dont je suis saisi : l’agent négociateur a-t-il prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que l’employeur n’a pas fourni de raisons valables à l’appui de sa position selon laquelle des postes supplémentaires étaient « […] nécessaires pour répondre aux besoins du public ou assurer le bon fonctionnement du service » avant de mettre en œuvre le nouvel horaire de « six jours/deux jours » comportant lesdits postes en février 2007?

B. Quels éléments de preuve suis-je autorisé à prendre en compte en traitant de la question?

189 Selon l’agent négociateur, je ne dois pas tenir compte de la preuve produite par l’employeur concernant des événements qui ont eu lieu avant que l’annulation des AHPV existants l’incite à entamer des consultations en vertu de la clause 25.22b) de la convention collective en janvier 2007. L’employeur a rétorqué que la clause 25.22b) n’évacue pas l’interaction des parties préalable à janvier 2007 concernant les horaires de postes. Au dire de l’employeur, je dois, ce pour quoi je suis habilité, tenir compte de la preuve se rapportant aux événements antérieurs lorsque je tranche la question de savoir si l’employeur s’est conformé à la clause 25.22b) avant de mettre en œuvre des postes supplémentaires en février 2007.

190 Je souscris au point de vue de l’agent négociateur, mais avec une réserve. Le processus de consultation visé par la clause 25.22b) de la convention collective n’est pas un processus continu. Il est délimité dans le temps. Il débute lorsque « […] les postes doivent être modifiés de sorte qu’ils diffèrent de ceux qui sont indiqués au paragraphe 25.17 ». Il se termine lorsque l’employeur a décidé s’il doit ou non procéder aux changements envisagés.

191 L’employeur peut effectivement avoir envisagé d’apporter les mêmes changements ou des changements comparables aux postes en vigueur à Pearson à une ou à plusieurs occasions antérieures et avoir discuté de la possibilité avec l’agent négociateur. En effet, la preuve en l’espèce nous apprend que, à tout le moins, M. Sheridan songeait à instaurer un horaire de « six jours/deux jours » comportant des postes supplémentaires atypiques depuis un certain temps, au moins depuis le début de 2006. Cependant, la question à trancher est celle de savoir à quel moment l’intention qu’avait l’employeur de modifier les postes est devenue réalité, si bien qu’il devait invoquer la clause 25.22b) de la convention collective pour parvenir à ses fins. En l’occurrence, il est clair que l’intention de l’employeur de modifier les postes relevant de la clause 25.22b) est devenue réalité aux Opérations passagers lorsque M. Sheridan a adressé à M. King, le 28 décembre 2006, un courriel (pièce E-5, onglet 24) dont un extrait suit :

[Traduction]

[…]

[…] la direction demande officiellement que nous traitions d’abord, à notre première rencontre, des consultations visées par la clause 25.22, à savoir des consultations sur la nécessité de postes supplémentaires de durée normale autres que ceux que prévoit déjà la clause 25.17 […]

[…]

[Le passage en gras l’est dans l’original.]

192 Je suis donc appelé à juger, dans le cas des Opérations passagers, du respect par l’employeur de la clause 25.22b) de la convention collective depuis le moment où il a adressé un avis à l’agent négociateur, le 28 décembre 2006, jusqu’à ce qu’il ait décidé de mettre en œuvre un nouvel horaire de postes en vertu de la clause 25.22b), à compter du 12 février 2007. En pratique, j’estime que le processus de consultation s’est terminé le 25 janvier 2007 lorsque M. Sheridan a adressé à ses chefs de section une note de service à distribuer aux employés qui expliquait le nouvel horaire de postes (pièce E-5, onglet 37) et que l’employeur a affiché le nouvel horaire ce jour-là. La réunion du 12 janvier 2007 est l’événement capital de la période.

193 Le début du processus de consultation aux Opérations commerciales peut être fixé au 16 janvier 2007, date à laquelle M. Roussel a adressé à M. King un courriel (pièce E-8, onglet 7) comprenant l’énoncé suivant :

[Traduction]

[…]

[…] la direction demande la tenue d’une réunion afin de nous consulter sur des postes supplémentaires de durée normale, conformément à la clause 25.22 b), autres que ceux que prévoit déjà la clause 25.17.

[…]

Le processus de consultation s’était terminé au moment de l’affichage conjoint d’un nouvel horaire le 25 janvier 2007. La réunion de consultation du 23 janvier 2007 était l’événement capital de la période.

194 La réserve que j’ai au moment d’examiner les deux processus de consultation tient à ce que les deux parties se présentent à la table de consultation avec leurs antécédents. J’estime pouvoir me fonder sur des éléments de preuve antérieurs au 28 décembre 2006 et au 16 janvier 2007 respectivement dans la mesure où ils peuvent éclairer ou mettre en contexte les propos ou les actes de l’une ou l’autre des parties au cours des consultations menées en vertu de la clause 25.22b) de la convention collective. Cependant, l’employeur ne peut pas prétendre que les faits liés aux actes ou aux événements antérieurs constituent en soi une preuve valable du respect de la convention collective lors de processus de consultation qui sont tous postérieurs au 28 décembre 2006 et au 16 janvier 2007 respectivement.

C. L’obligation énoncée à la clause 25.22b) de la convention collective s’applique-t-elle séparément à chaque poste supplémentaire proposé par l’employeur? 

195 L’agent négociateur soutient que je dois déterminer si l’employeur a respecté la clause 25.22b) de la convention collective relativement à chaque poste atypique proposé dans le cadre du nouvel horaire de « six jours/deux jours ». En réalité, il fait valoir que je dois conclure que l’employeur a enfreint la convention collective même s’il n’a pas réussi à établir que l’une des heures de début atypiques proposées n’était pas « […] nécessaire pour répondre aux besoins du public ou assurer le bon fonctionnement du service ».

196 Bien que l’employeur n’ait pas traité expressément du point de vue de l’agent négociateur sur la question, il semble ressortir de ses arguments qu’il envisage de manière globale les exigences de la clause 25.22b) de la convention collective. Compte tenu de l’ensemble de la preuve, l’employeur a-t-il mené les consultations que lui prescrivait d’effectuer la convention collective?

197 Tout compte fait, je conclus que le libellé de la clause 25.22b) de la convention collective formulée par les parties tend à accréditer le point de vue de l’agent négociateur. Les dispositions en question précisent que l’employeur doit effectuer des consultations « à ce sujet » et établir que « ces postes sont nécessaires ». Les dispositions ne comprennent peut-être pas des passages tels « chacune des modifications proposées » ou « tous les postes dont c’est le cas », mais elles ne précisent pas non plus que l’objet des consultations est l’« horaire de postes » ou l’« ensemble des postes dont c’est le cas », ni que l’employeur doit établir que « l’horaire de postes est nécessaire » ou que « l’ensemble des postes dont c’est le cas sont nécessaires ». Les dernières formules mentionnées auraient clairement signifié que l’exigence de la clause 25.22b) s’applique à l’ensemble d’un horaire de postes ou à l’ensemble des postes dont la modification est envisagée (« à ce sujet »). À défaut d’un libellé qui rend le sens précité, la construction classique « à ce sujet » utilisée doit être interprétée dans le sens de « chacun des postes », formule qui signifie, dans le contexte, chacun des postes modifiés ou chacune des heures de début supplémentaires (en comparaison de la norme fixée par la clause 25.17).

198 Si les parties n’avaient pas l’intention d’appliquer l’obligation de mener des consultations à chaque poste modifié ou à chaque heure de début supplémentaire, quelle règle décisionnelle interviendrait si la preuve démontrait, par exemple, que l’employeur a établi que quatre heures de débuts supplémentaires étaient nécessaires « […] pour répondre aux besoins du public ou assurer le bon fonctionnement du service », mais qu’il n’avait pas réussi à le faire pour trois heures de début supplémentaires? Le dilemme auquel fait face le décideur semble évident.

199 Je conclus donc que l’obligation de mener des consultations aux termes de la clause 25.22b) de la convention collective s’appliquait à chaque poste atypique aux Opérations passagers et aux Opérations commerciales. Je dois donc décider si l’agent négociateur a prouvé que l’employeur a dérogé à l’obligation de la clause 25.22b) dans le cas de chacun des postes atypique précités.

200 L’analyse de la preuve doit englober tous les faits concernant le déroulement des événements, y compris ceux qui tendraient éventuellement à atténuer une infraction alléguée de la convention collective par l’employeur relative à un ou à plusieurs postes atypiques. À cet égard, je n’accepte pas entièrement l’argument présenté par l’agent négociateur en réfutation, selon lequel je [traduction] « […] dois juger de la qualité de la divulgation de l’information par l’employeur, non du comportement des deux parties ». En l’espèce, les deux parties avaient une obligation fondamentale commune de participer aux consultations en respectant une norme minimale de bonne foi et de collaboration. Si les actes de l’agent négociateur avaient eu pour effet d’empêcher l’employeur d’établir la nécessité de chaque poste supplémentaire, alors ces actes ne seraient pas sans importance pour l’évaluation du respect par l’employeur de la clause 25.22b) de la convention collective pour chacun des postes.

D. Que révèle la preuve?

1. Opérations passagers

201 L’agent négociateur affirme principalement que les propos tenus par M. Sheridan à la réunion du 12 janvier 2007 et l’information à l’appui qu’il a fournie à l’agent négociateur lors de la rencontre ne satisfont pas aux exigences de la clause 25.22b) de la convention collective relativement à chacune des heures de début atypiques qui ont été imposées par la suite. Les arguments selon lesquels l’employeur a enfreint la clause 25.22b) reposent sur plusieurs thèmes réciproquement liés qui s’appliquent à un ou à plusieurs des postes atypiques. Les thèmes en question sont les suivants : (1) la raison énoncée par l’employeur dans son document justificatif (pièce E-5, onglet 31) était insuffisante ou l’information à l’appui qui y était fournie était inadéquate; (2) aucun renseignement n’a été fourni pour justifier la nécessité de certains postes; (3) l’employeur n’a pas discuté de certains postes; (4) l’information fournie par l’employeur était périmée ou incomplète (pièce E-5, onglet 31, ou pièces E-6 et E-7); (5) l’employeur ne pouvait pas s’attendre à ce que l’agent négociateur évalue les postes supplémentaires sans lui fournir l’information sur les niveaux de dotation qu’il avait demandée à plusieurs reprises mais qu’il n’avait jamais reçue; (6) l’employeur n’a pas fait la démonstration que les exigences ne pouvaient être satisfaites par d’autres moyens, par exemple le recours à des heures supplémentaires ou le transfert d’agents d’un terminal à l’autre, selon le volume de passagers.

202 En soupesant la preuve, je ne suis pas convaincu que l’agent négociateur a démontré le fondement, selon la prépondérance des probabilités, des allégations (4), (5) et (6) ci-dessus.

203 Selon le témoignage de M. Sheridan, l’information fournie sur l’arrivée des vols à Pearson (pièce E-5, onglet 12, ou pièce E-7), bien qu’elle ait décrit la situation au cours de trois mois distincts en 2005, demeurait essentiellement pertinente et utile. Selon lui, les périodes de pointe et les périodes creuses en ce qui concerne le volume de passagers qu’illustraient les graphiques n’avaient pas sensiblement changé au cours des mois écoulés, et les données demeuraient précises à 97 %. L’agent négociateur n’a offert aucune preuve concrète pour contredire les affirmations de M. Sheridan. Toutefois, l’agent négociateur avait raison de dire que les données de 2006 du système de totalisations opérationnelles des PIAPE fournies par l’employeur (pièce E-6) ne précisaient pas le nombre de passagers soumis à un premier interrogatoire à certaines heures des jours donnés. Cependant, l’observation de l’agent négociateur n’invalide pas nécessairement les données offertes du système de totalisations, qui illustraient les tendances du volume de passagers dont on peut dire qu’elles étaient pertinentes à certains des postes supplémentaires.

204 L’intérêt que l’agent négociateur a montré pour les niveaux de dotation est compréhensible. Les postes ne sont pas simplement des concepts abstraits ou des périodes de travail des employés. Plus concrètement, ils consistent à assigner des tâches à des employés à certains moments ou pour certaines périodes. La méthode employée pour affecter le personnel aux postes éclaire sans aucun doute les conséquences de la mise en œuvre d’aménagements atypiques. Les arguments offerts par M. Sheridan pour expliquer la difficulté de fournir à l’agent négociateur une formule de dotation précise m’ont paru fort plausibles. En revanche, certains éléments de son témoignage indiquaient qu’il avait adopté une position plutôt intransigeante à l’égard de la communication d’information sur la dotation, étant donné que, selon lui, il n’y était pas contraint par la clause 25.22b) de la convention collective. À mon avis, sa position n’a pas contribué à des consultations efficaces.

205 Cela dit, je ne puis acquiescer à la demande de l’agent négociateur, qui voudrait que je rende une décision confirmant qu’il sera difficile pour l’agent négociateur de savoir si l’employeur a établi ou démontré de façon indubitable la nécessité de nouvelles heures de début, conformément aux exigences de la clause 25.22b) de la convention collective, si l’employeur ne lui fournit pas d’information sur les niveaux de dotation. Bien que je puisse convenir que le point de vue de l’agent négociateur est fondé, il ne s’agit pas d’une question à trancher au moyen d’une décision à proprement parler. Il revenait à l’employeur de choisir les renseignements qu’il voulait communiquer à l’agent négociateur pour « établir » que des postes supplémentaires étaient « […] nécessaires pour répondre aux besoins du public ou assurer le bon fonctionnement du service ». La clause 25.22b) ne prescrit pas à l’employeur comment établir la nécessité des postes ni quel type d’information utiliser à cette fin. Par conséquent, il n’est pas de mon ressort de déterminer en définitive le type d’information que l’employeur doit communiquer à l’agent négociateur pour respecter la convention collective ni la forme qu’elle doit prendre. Le rôle de l’arbitre de grief consiste plutôt à rendre une décision fondée sur les gestes effectivement posés par l’employeur et l’information qu’il a réellement fournie.

206 Je constate également que les parties ont reconnu le droit exclusif de l’employeur de doter les postes en vertu de la clause 25.15 de la convention collective :

25.15 La dotation en personnel, l’établissement, l’affichage et l’administration des horaires des postes sont la responsabilité de l’Employeur.

207 J’adopte un point de vue quelque peu semblable concernant la position de l’agent négociateur à l’égard du fait que l’employeur est présumé avoir omis de prendre en considération d’autres options pour répondre aux exigences de la convention collective, par exemple le recours aux heures supplémentaires ou le transfert d’agents d’un terminal à l’autre, tel que le dictait la variation du volume de passagers. Un processus de consultation efficace aurait certainement favorisé une discussion ouverte et franche sur les solutions possibles. Certains éléments de preuve indirects indiquent que M. Sheridan était peut-être à ce point convaincu de la validité du nouvel horaire de « six jours/deux jours » et de ses heures de début supplémentaires que l’agent négociateur n’aurait vraisemblablement pas réussi à infléchir son avis lors des consultations. Par contre, la preuve indique également que M. Sheridan n’a pas cherché à expliquer pourquoi, dans la perspective de l’employeur, les options préférées par l’agent négociateur ne répondaient pas aux besoins du public et ne permettaient pas d’assurer le bon fonctionnement du service. Tout compte fait, l’agent négociateur ne m’a pas démontré en quoi l’examen d’autres options par l’employeur — ou l’omission d’envisager d’autres options — constitue la preuve du manquement à l’obligation d’établir la nécessité des postes atypiques « […] pour répondre aux besoins du public ou assurer le bon fonctionnement du service ». Je reconnais que la logique d’établir que des postes supplémentaires sont nécessaires « […] pour répondre aux besoins du public ou assurer le bon fonctionnement du service » implique une certaine obligation d’expliquer pourquoi les postes et les autres aménagements normaux existants ne répondent pas à ces exigences. Toutefois, en examinant l’ensemble de la preuve, je ne constate rien qui indiquerait que l’employeur n’a pas envisagé la possibilité de continuer à exercer son activité en misant sur les postes et les aménagements normaux existants. Qu’il ait eu tort ou raison, il a conclu que la situation existante ne lui convenait plus, puis il a défini les changements nécessaires. Lorsque l’agent négociateur a interrogé l’employeur en cours de route sur d’autres solutions possibles, la preuve illustrant la réponse de l’employeur laisse croire qu’il ne s’est pas montré obstiné ni n’a refusé d’expliquer le fondement de sa position au point de mettre en doute sérieusement sa bonne foi ou de transformer en supercherie les consultations qui ont eu lieu.

208 Je reviens aux thèmes (1), (2) et (3) que l’agent négociateur a soulevés dans ses arguments et que décrit le paragraphe 201 de la présente décision. Je conclus ce qui suit : les thèmes (1) et (2) mettent en doute le caractère suffisant de l’information justificative fournie par l’employeur ou affirment qu’il n’en a fournie aucune. Un examen de l’information documentaire fournie par l’employeur à l’agent négociateur, c’est-à-dire des listes d’arrivées de vols (pièce E-5, onglet 12, ou pièce E-7) et des données sur les volumes de passagers du système de totalisations opérationnelles des PIAPE (pièce E-6), soulève inéluctablement la question légitime de savoir comment cette information peut-être utile pour comprendre la nécessité du poste de formation débutant à 8 h 30 et des postes saisonniers débutant à 18 h et à 19 h proposés par l’employeur. Quant aux cinq autres heures de début atypiques proposées, des personnes raisonnables pourraient très bien débattre de l’utilité de l’information fournie, de son intégralité et de la meilleure façon de l’interpréter. La question importante, toutefois, est de savoir si la communication de cette information, à première vue, peut être considérée comme fournissant des raisons valables, aux termes de la clause 25.22b) de la convention collective, pour justifier l’établissement des postes pour « […] répondre aux besoins du public ou assurer le bon fonctionnement du service »?

209 Tout compte fait, je conclus que l’agent négociateur n’a pas prouvé que les documents remis ne fournissaient pas de raisons valables pour justifier l’établissement de postes débutant à 5 h, à 6 h et à 17 h. Les documents en question, à première vue, contiennent des éléments de preuve qui confirment que Pearson accueille des vols tôt le matin et tard le soir et qu’une personne raisonnable pourrait considérer comme justifiant les postes supplémentaires proposés par l’employeur. J’hésite à me prononcer sur la façon dont les documents traitent des postes proposés à 13 h et à 14 h, mais il n’en demeure pas moins qu’une personne raisonnable pourrait conclure que l’information sur la répartition des arrivées au cours de la journée, de prime abord, justifie la nécessité des postes proposés. L’agent négociateur ne m’a pas convaincu du contraire.

210 Concernant les thèmes (1) et (2) avancés par l’agent négociateur, je ne peux donc conclure que, tout bien considéré, l’employeur n’a pas fourni de raisons valables sous forme d’information documentaire pertinente pour établir la nécessité des postes débutant à 5 h, à 6 h, à 13 h, à 14h et à 17 h.

211 Il reste à trancher la question du poste de formation débutant à 8 h 30 et des postes saisonniers débutant à 18 h et à 19h. Le témoignage offert par Mme Farkas, en grande partie non contredit, montre que l’employeur a tenu peu de propos, sinon aucun, à la réunion du 12 janvier 2007 ou à un autre moment qui pourraient être considérés comme satisfaisant à l’obligation d’offrir des raisons valables pour l’établissement des trois postes (thème 3). Après avoir examiné les documents et le compte rendu de la réunion du 12 janvier 2007 (pièce E-20), je suis d’accord avec elle. Je conviens également avec l’agent négociateur qu’aucune preuve ne démontre que l’employeur a fourni une raison valable pour justifier le poste de formation proposé débutant à 8 h 30 outre l’énoncé d’une phrase contenue dans son document justificatif (pièce E-5, onglet 31).

212 Je suis donc fondé à conclure que l’employeur a enfreint la clause 25.22b) de la convention collective en n’offrant aucune raison valable indiquant pourquoi le poste de formation débutant à 8 h 30 et les postes saisonniers débutant à 18 h et à 19 h étaient nécessaires pour « […] répondre aux besoins du public ou assurer le bon fonctionnement du service ».

213 Néanmoins, je constate que l’infraction est peut-être de nature technique et ne constitue pas une violation grave de la convention collective. Certains éléments de preuve contraires portent à croire que la situation aurait été un peu différente si l’employeur s’était acquitté de l’obligation que lui imposait la clause 25.22b) de la convention collective d’offrir des raisons valables pour instaurer le poste de formation débutant à 8 h 30 et les postes saisonniers débutant à 18 h et à 19 h. Comme l’a soutenu l’employeur, il semble effectivement que l’agent négociateur, tout particulièrement M. King, n’ait pas été véritablement disposé à discuter de la proposition de l’employeur, poste par poste. Il a clairement signifié à l’employeur qu’il n’avait pas l’intention de participer à un échange de fond en vertu de la clause 25.22b) qui ne tenait pas compte de ses propres attentes à l’égard de l’information que, à son avis, l’employeur devait fournir, de son point de vue sur les facteurs financiers qu’il considérait non pertinents et de son affirmation sur le caractère obligatoire du consentement de l’agent négociateur.

214 Préalablement aux consultations, M. King a adressé plusieurs messages à l’employeur, dont voici des passages types :

Courriel du 1er janvier 2007 (pièce E-5, onglet 25)

[Traduction]

[…]

Il doit être clairement entendu que, au cours des consultations, l’employeur énoncera/définira les nécessités du service, soit le nombre d’ASF nécessaires à tout moment particulier pour traiter un nombre donné de voyageurs au cours d’une période déterminée.

[…] les coûts supplémentaires engagés par l’employeur pour la reprise de l’un ou l’autre jeu de trois postes normaux dans le cadre d’un horaire de « six jours/deux jours » ne sera pas considéré comme justifiant la mise en œuvre arbitraire par l’employeur de postes supplémentaires variables. Tout effort déployé à cette fin sera considéré comme une tentative flagrante de violer les droits contractuels de nos membres et, le cas échéant, la question sera soulevée par l’intermédiaire de l’AFPC comme constituant un cas de négociation de mauvaise foi.

[…]

Courriel du 8 janvier 2007 (pièce E-5, onglet 27)

[…]

[…] l’employeur ne peut pas arbitrairement ajouter des dispositions à la convention ni modifier l’interprétation de la clause 25.22b de manière à lui attribuer le sens de rentable, car l’acceptation d’une telle interprétation rendrait la clause 25.17 redondante.

[Les passages soulignés en gras le sont dans l’original.]

[…]

Courriel du 11 janvier 2007 (pièce E-5, onglet 29)

[…]

Tant que les parties ne se seront pas entendues sur l’interprétation de « bon fonctionnement », je ne vois pas l’utilité de tenir des consultations sur l’établissement de postes supplémentaires, auxquels s’oppose catégoriquement la CEUDA et que l’employeur entend mettre en œuvre quand même […]

[…]

Courriel du 11 janvier 2007 (pièce E-5, onglet 30)

[…]

Je suis disposé à vous rencontrer demain à 13 h 30 pour recueillir tous les renseignements disponibles, en réponse à nos demandes antérieures, définissant les nécessités du service. Le nombre d’agents nécessaires pour traiter un nombre donné de voyageurs au cours d’une période de durée déterminée.

[…]

[...] Le ton des courriels récents de l’employeur incite la CEUDA à croire que ces consultations de bonne foi que vous proposez ne sont rien de plus qu’une réunion à laquelle l’employeur entend informer le syndicat des mesures de gestion qu’il a l’intention de prendre et pour lesquelles il suppose déjà que notre autorisation n’est pas nécessaire.

[…]

215 À la réunion de consultation du 12 janvier 2007, dès qu’il a pris la parole, M. King a demandé des renseignements sur les « nécessités du service » (pièce E-20). Il a abordé le même sujet à plusieurs reprises et a répété maintes fois que les coûts ne constituaient pas un facteur légitime que l’employeur pouvait prendre en considération en vertu de la clause 25.22b) de la convention collective. Tout compte fait, la preuve portant sur la rencontre indique que M. King n’était pas disposé à discuter de la proposition de l’employeur, un poste à la fois, et qu’il avait la conviction ferme qu’il était possible de répondre aux besoins du public et d’assurer le bon fonctionnement du service au moyen des postes normaux, des heures supplémentaires et d’autres aménagements, si les parties ne pouvaient pas s’entendre sur un nouvel AHPV.

216 La preuve telle que celle qui précède peut situer dans un contexte global la question du non-respect par l’employeur des exigences de la clause 25.22b) de la convention collective. Des observateurs raisonnables pourraient bien croire que l’employeur n’a pas cherché davantage à expliquer la nécessité de postes supplémentaires ou à fournir de plus amples renseignements justificatifs, ni à la réunion du 12 janvier 2007 ni à d’autres moments au cours de la période de consultation, parce qu’il y avait peu de chance qu’il infléchisse la position de son interlocuteur à la table des négociations. Il arrive fréquemment, en situation de conflit syndical-patronal, qu’une partie interprète de façon restreinte une obligation que lui impose la convention collective ou, au contraire, se montre impérieuse vis-à-vis d’une obligation de l’autre partie. En pareil cas, la collaboration est difficile et les gestes de rapprochement sont rares, sinon inexistants. Normalement, le climat moins qu’idéal qui en résulte est à mettre sur le compte des deux parties. À n’en point douter, aucun aspect de la situation en l’espèce ne relève l’employeur de l’obligation de se conformer à la clause 25.22b). À mon avis, toutefois, la situation atténue dans une certaine mesure la gravité du manquement de l’employeur à l’obligation que lui impose la clause 25.22b) d’établir la nécessité de certains des postes supplémentaires proposés.

2. Opérations commerciales

217 L’employeur a proposé deux postes supplémentaires aux Opérations commerciales, l’un débutant à 6 h, l’autre à midi.

218 De son propre aveu, l’employeur a oublié de discuter du poste débutant à midi lors des consultations tenues avec l’agent négociateur.

219 L’employeur a soutenu que son oubli ne devrait lui valoir aucune pénalité, étant donné que l’agent négociateur ne l’a pas avisé plus tôt de l’annulation de l’AHPV, conformément aux modalités de celui-ci. Je comprends la préoccupation de l’employeur face aux brefs délais dont il disposait pour s’acquitter de ses obligations aux termes de la clause 25.22b) de la convention collective. Il n’en demeure pas moins que l’employeur n’a offert aucune raison valable pour établir la nécessité d’un poste débutant à midi aux Opérations commerciales avant de le mettre en œuvre. Il a donc enfreint la convention collective.

220 En soupesant la preuve offerte par M. Kirkpatrick et Mme Butterworth en regard du témoignage de M. Roussel, je conclus que l’agent négociateur n’a pas prouvé que l’employeur n’a pas fourni de raisons valables justifiant l’heure de début supplémentaire de 6 h aux Opérations commerciales. Je suis convaincu que, à la réunion de consultation du 23 janvier 2007, M. Roussel a discuté tant de l’obligation d’appuyer les contrats de service conclus par l’ASFC avec une ou plusieurs entreprises de messagerie que de la question des vols « à risque élevé ». Je suis également convaincu qu’il a fourni de l’information documentaire pertinente à la seconde question mentionnée (pièce E-8, onglet 9). Une fois de plus, la question centrale n’est pas celle de l’opinion que se ferait une personne raisonnable de l’information que l’employeur a communiquée à l’agent négociateur, mais plutôt celle de savoir si les commentaires et l’information documentaire offerts par M. Roussel constituent la preuve que l’employeur a donné des raisons valables pour établir le poste débutant à 6 h, conformément aux exigences de la convention collective. Tout bien considéré, je réponds par l’affirmative. (Que l’ASFC ait pu ou non toucher les sommes versées par les entreprises de messagerie en contrepartie des services offerts lors des postes normaux ne modifie en rien l’analyse. La preuve concernant le revenu que l’ASFC a tiré des contrats de service est, au mieux, incomplète, et elle est insuffisante en soi pour prouver qu’il y a eu violation de la convention collective.)

221 L’agent négociateur n’a pas prouvé, tout compte fait, que l’employeur a enfreint la clause 25.22b) de la convention collective en ce qui a trait au poste débutant à 6 h aux Opérations commerciales.

VIII. Résumé des constatations

222 Le fardeau de la preuve en l’espèce incombait à l’agent négociateur, qui devait montrer que l’employeur a manqué à son obligation de fournir des raisons valables pour établir la nécessité de postes ou d’heures de début supplémentaires atypiques pour « […] répondre aux besoins du public ou assurer le bon fonctionnement du service », conformément à la clause 25.22b) de la convention collective.

223 J’ai conclu que, tout bien considéré, l’agent négociateur a prouvé que l’employeur a enfreint la convention collective relativement au poste de formation débutant à 8 h 30, aux postes saisonniers débutant à 18 h et à 19 h aux Opérations passagers et au poste débutant à midi aux Opérations commerciales.

224 Dans une certaine mesure du moins, la preuve contextuelle atténue la gravité de la violation par l’employeur de la convention collective dans le cas des Opérations passagers.

225 L’agent négociateur a demandé, lors de l’audience, pour toute mesure corrective, qu’il soit déclaré que l’employeur a enfreint la clause 25.22b) de la convention collective. Un arbitre de grief a la compétence voulue pour déclarer, à titre de mesure corrective, qu’il y a infraction de la convention collective, peu importe que la nature du grief de principe soit visée ou non par l’article 232 de la Loi (voir le paragraphe 162). Je dois donc rendre une décision en l’espèce pour confirmer que, d’après les faits, l’affaire est visée par l’article 232.

226 Pour tous ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

IX. Ordonnance

227 La demande de l’employeur en vue de déclarer le grief de principe théorique est rejetée.

228 Le grief de principe est accueilli en partie.

229 Je déclare que l’employeur a enfreint la clause 25.22b) de la convention collective relativement à trois heures de début de postes aux Opérations passagers et à une heure de début de poste aux Opérations commerciales.

Le 29 mai 2009.

Traduction de la CRTFP

Dan Butler,
arbitre de grief

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