Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a reçu une suspension d’une journée pour <<conduite inadmissible et inacceptable>> envers son gestionnaire, et il a contesté la sévérité de la mesure disciplinaire imposée - au cours d’une téléconférence, le fonctionnaire s’estimant lésé a révélé qu’il avait déposé deux griefs à propos de la même mesure disciplinaire - les mesures correctives demandées dans les griefs étaient différentes - l’autre grief a été renvoyé à l’arbitrage séparément et devait être entendu en même temps que le présent grief - la question des procédures en double serait tranchée au début de l’audience - l’arbitre de grief a demandé aux parties de présenter des observations écrites quant à sa compétence pour accorder la mesure corrective demandée - l’employeur a fait valoir que l’arbitre de grief n’avait pas la compétence pour accorder la mesure corrective demandée, ce dont le fonctionnaire s’estimant lésé a convenu, tout en indiquant qu’il n’était pas disposé à retirer volontairement son grief - l’employeur a allégué qu’il ressortait clairement de la mesure corrective demandée que le grief n’était pas de nature disciplinaire, mais qu’il s’agissait, pour l’essentiel, d’une plainte de harcèlement à l’égard de laquelle l’arbitre de grief n’avait pas compétence - l’arbitre de grief a conclu que, à première vue, l’essence du grief tombait sous le coup de l’alinéa209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) et que sa compétence était déterminée par l’essence du grief - la section du grief se rapportant aux mesures correctives demandées n’a aucune incidence sur la compétence - rien n’obligeait le fonctionnaire s’estimant lésé à obtenir l’autorisation de son agent négociateur pour le représenter puisque le grief a été renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’alinéa209(1)b) de la LRTFP et non pas en vertu de l’alinéa209(1)a). Demande rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2009-06-11
  • Dossier:  566-34-1413
  • Référence:  2009 CRTFP 74

Devant un arbitre de grief


ENTRE

STANLEY BAHNIUK

fonctionnaire s'estimant lésé

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

employeur

Répertorié
Bahniuk c. Agence du revenu du Canada

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Margaret E. Hughes, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Lui-même

Pour l'employeur:
Barry Benkendorf, avocat

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés les 6 février et 9 mars 2009,
et de téléconférences tenues le 6 novembre 2008 et le 12 mai 2009.
(Traduction de la CRTFP)

I. Affaire devant la Commission

1 Il s’agit d’une décision provisoire sur une demande formulée par l’Agence du revenu du Canada (l’« employeur » ou l’ARC), dans des arguments écrits datés du 6 février 2009, visant à ce que le grief déposé par Stanley Bahniuk, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), le 8 mai 2007, soit rejeté de façon sommaire.

II. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

2 Dans une lettre datée du 3 avril 2007, l’employeur a infligé une suspension d’une journée (7,5 heures) au fonctionnaire pour la conduite et le comportement « inadmissibles et inacceptables » qu’il avait eus durant une réunion avec son gestionnaire, le 1er mars 2007. La lettre disciplinaire indique notamment que le comportement du fonctionnaire [traduction] « […] dénote un manque de professionnalisme et un manque de respect à l’égard de la direction […] » et que l’employeur s’attend à ce que le fonctionnaire se conforme au « Code d’éthique et de conduite » de l’ARC, ainsi qu’aux valeurs et aux politiques qui le sous-tendent.

3 Le fonctionnaire a contesté, en vertu de l’article 208 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »), [traduction] « […] la sévérité de la mesure disciplinaire imposée par l’ARC dans la lettre disciplinaire du 3 avril 2007 ». Il a allégué que [traduction] « […] les événements ayant donné lieu à la lettre disciplinaire n’[avaient] aucun rapport avec un manque de coopération, de professionnalisme et de respect, mais concern[aient] plutôt le manque de compétence, d’efforts et d’intégrité du gestionnaire lui-même ».

4 Le fonctionnaire a demandé diverses mesures correctives, notamment :

[Traduction]

Que le harcèlement cesse et qu’une enquête indépendante complète soit instituée pour faire la lumière sur les événements passés qui sont à l’origine de la dernière mesure imposée par M. [« X »] et la haute direction. Aux termes de la politique sur [traduction] « l’Indemnisation et l’assistance judiciaire des employés de l’ARC », je demande l’autorisation de retenir les services d’un conseiller juridique indépendant, car j’estime que les actes dont je suis l’objet sont diffamatoires et malicieux et procèdent d’un esprit de revanche. J’estime que ces actes n’ont aucun rapport avec des problèmes de rendement ou de discipline et qu’il s’agit plutôt de mesures d’intimidation déguisées résultant d’un refus volontaire de réagir à des actes et à des griefs passés.

5 Le grief a été renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi dans un document daté du 17 août 2007. Le dossier de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») est daté du 24 août 2007.

III. Événements qui sont survenus après le renvoi du grief à l’arbitrage

6 L’instruction du grief, qui devait initialement avoir lieu du 16 au 19 septembre 2008, a été reportée à d’autres dates, soit du 2 au 5 décembre 2008, en raison de la non-disponibilité du fonctionnaire.

7 Dans une lettre datée du 2 octobre 2008, l’avocat de l’employeur indiquait à la Commission que, en vertu de l’article 224 de la Loi, un arbitre de grief pouvait trancher toute affaire dont il était saisi sans tenir d’audience publique et que l’avocat de l’employeur [traduction] « […] ne pouvait que présumer que cela signifi[ait] qu’une affaire comme celle-ci, qui a été renvoyée à l’arbitrage, p[ouvait] être rejetée de façon sommaire ». Il a observé que, selon lui, le grief [traduction] « […] [était] sans fondement ». Il a demandé l’autorisation de soumettre des arguments écrits à l’arbitre de grief en présentant une demande de décision sommaire afin de restreindre les questions à trancher ou peut-être même d’éliminer la nécessité de tenir une audience.

8 Dans une lettre en date du 21 octobre 2008, le fonctionnaire s’est vivement opposé à ce que l’arbitre de grief tranche l’affaire à partir des arguments écrits des parties. Précisons ici que le fonctionnaire se représente lui-même. Il a fait valoir, notamment, que soumettre exclusivement des arguments écrits limiterait sa capacité de prouver le bien-fondé de ses prétentions et de contre-interroger des témoins, le cas échéant, et que, vu l’envergure de l’information en cause, il aurait besoin d’obtenir des précisions supplémentaires, ce qu’il serait mieux à même de faire dans le cadre d’une audience.

9 Le 22 octobre 2008, le président de la Commission a rejeté la demande de l’employeur visant à trancher la cause à partir des arguments écrits, sans motiver sa décision. Il a indiqué, dans ses directives, que l’arbitre de grief devait tenir une téléconférence avec les parties pour limiter la preuve à ce qui est pertinent.

10 J’ai tenu une téléconférence le 6 novembre 2008. Le fonctionnaire a révélé à ce moment-là qu’il avait déposé un grief similaire à celui dont je suis actuellement saisie à propos de la même mesure disciplinaire (la sévérité de la mesure disciplinaire, une suspension d’une journée, imposée par la lettre disciplinaire du 3 avril 2007) et que ce grief en était actuellement au troisième ou au quatrième palier de la procédure de règlement des griefs. Il a déclaré que les mesures correctives demandées dans ce grief étaient différentes de celles contenues dans le grief dont je suis saisie et qu’il avait reçu l’appui de son agent négociateur. Il semble que l’agent négociateur avait refusé d'inclure la question du harcèlement et la mesure corrective connexe dans le grief et de fournir une représentation au fonctionnaire sur ce point. Le fonctionnaire avait alors déposé un grief distinct, le 8 mai 2007, à propos du même incident, mais en demandant des mesures correctives différentes et plus exhaustives. C’est ce grief qui est devant la Commission et sur lequel a porté la téléconférence.

11 Durant la téléconférence, j’ai défini les paramètres de la compétence de l’arbitre de grief qui est nommé par la Commission en application de la Loi. En ce qui concerne la portée du grief dont je suis saisie, j’ai observé que le fonctionnaire contestait la sévérité de la mesure disciplinaire qui lui a été imposée par la lettre disciplinaire du 3 avril 2007. J’ai expliqué au fonctionnaire que la preuve produite à l’audience doit se rapporter à une question substantielle soulevée dans la cause pour être recevable. J’ai aussi expliqué qu’un grief portant sur la sévérité de la mesure disciplinaire imposée par l’employeur soulève généralement les questions substantielles de savoir si le fonctionnaire a commis des actions fautives au travail justifiant l’imposition d’une mesure disciplinaire et, le cas échéant, si la mesure disciplinaire imposée était raisonnable dans ce cas-là.

12 À la fin de la téléconférence, j’ai annoncé que j’entendrais les arguments des parties sur les deux questions préliminaires, en l’occurrence, les deux griefs similaires et la compétence de l’arbitre de grief pour accorder les diverses mesures correctives demandées par le fonctionnaire, dès le début de l’audience le 2 décembre 2008.

13 Dans une lettre en date du 13 novembre 2008, l’avocat de l’employeur a avisé officiellement la Commission que le témoin principal de l’employeur, le gestionnaire du fonctionnaire au moment où la mesure disciplinaire en question avait été imposée, était en phase terminale et qu’il n’était plus en mesure de témoigner ou de comparaître devant la Commission. Comme le témoin substitut de l’employeur, Rick Leigh, n’était pas disponible aux dates prévues, l’avocat de l’employeur a demandé le report de l’audience, qui devait avoir lieu du 2 au 5 décembre 2008. Il a également demandé que les deux questions préliminaires définies durant la téléconférence soient tranchées à partir des arguments écrits des parties.

14 Dans une lettre en date du 22 novembre 2008, le fonctionnaire s’est vivement opposé à la demande de report de l’audience. Il a allégué, entre autres choses, que l’employeur savait, à la fin d’août ou au début de septembre, que le gestionnaire était en phase terminale et que, à sa connaissance, il avait attendu jusqu’à la téléconférence du 6 novembre 2008 pour soulever la question de la non-disponibilité de son témoin substitut.

15 Avant de me prononcer sur la demande de l’employeur, j’ai demandé à son avocat de me faire savoir à quelle date exactement il avait appris que la maladie du témoin principal de l’employeur allait l’obliger à demander le report de l’audience.

16 Après avoir pris connaissance du courriel reçu de l’avocat de l’employeur, en date du 25 novembre 2008, et déterminé que le report de l’audience ne causerait pas de préjudice au fonctionnaire, mais que l’employeur était susceptible de subir un véritable préjudice, en raison de la variété des questions que le fonctionnaire voulait soulever, si l’employeur était obligé de présenter sa preuve sans appeler son témoin substitut le plus apte à déposer, j’ai décidé d’accueillir la demande de l’employeur de report de l’audience.

17 En ce qui concerne la demande de l’avocat de l’employeur, en date du 13 novembre 2008, visant à ce que je tranche les deux questions préliminaires définies durant la téléconférence à partir des arguments écrits des parties, j’ai observé que le fonctionnaire n’avait pas expressément abordé ce point dans sa réponse du 22 novembre 2008. J’ai demandé au fonctionnaire de me faire connaître sa position sur la demande visant à soumettre des arguments écrits pour trancher les questions préliminaires, à savoir que la présente affaire faisait « double emploi » et que l’arbitre de grief « n’a[vait] pas compétence » pour accorder la mesure corrective demandée par le fonctionnaire même s’il accueillait son grief au fond.

18 Dans une lettre datée du 16 décembre 2008, le fonctionnaire s’est opposé à ce que je tranche les questions préliminaires à partir des arguments écrits des parties. Il a défendu la position que le président de la Commission avait déjà rendu une décision sur ce point le 23 octobre 2008.

19 J’ai examiné la demande de l’avocat de l’employeur, en date du 13 novembre 2008, et la réponse du fonctionnaire, en date du 16 décembre 2008. J’ai également examiné la demande antérieure de l’employeur, en date du 2 octobre 2008, la réponse du fonctionnaire, en date du 21 octobre 2008, et la décision du président de la Commission, en date du 22 octobre 2008. Dans cette décision non motivée, le président de la Commission rejetait la demande de l’avocat de l’employeur, en date du 2 octobre 2008, visant à ce que l’affaire soit tranchée à partir des arguments écrits.

20 Il faut savoir que l’objection du fonctionnaire, en date du 21 octobre 2008, à la demande antérieure de l’employeur visant à ce que l’affaire soit tranchée à partir des arguments écrits a été accueillie, même si le président de la Commission n’a pas expliqué les motifs du rejet de la demande de l’employeur. Le fonctionnaire a fait valoir que la suspension était l’aboutissement d’une série d’incidents qui constituaient, selon lui, de l’abus de pouvoir et que, s’il devait s’en tenir à présenter des arguments écrits, cela aurait une incidence sur sa capacité de prouver le bien-fondé de ses prétentions et de contre-interroger des témoins. Il a également déclaré qu’il ne disposait pas des ressources de l’employeur et qu’il ne voulait pas faire traîner l’affaire en longueur en soumettant de nombreux arguments. Il a défendu la position, à ce moment-là, que [traduction] « […] vu l’envergure de l’information en cause, il aurait besoin d’obtenir des précisions supplémentaires, ce qu’il serait mieux à même de faire dans le cadre d’une audience ».

21 Après avoir examiné les documents susmentionnés, j’ai déterminé que la décision rendue par le président, le 22 octobre 2008, signifiait vraisemblablement qu’il rejetait exclusivement la demande de l’employeur visant à présenter des arguments écrits à propos de la preuve et des arguments portant sur le bien-fondé de l’ensemble du grief et que je pouvais statuer sur la demande de l’employeur visant à ce que les deux questions préliminaires définies durant la téléconférence du 6 novembre 2008 soient tranchées à partir des arguments écrits. J’ai donc accueilli la demande de l’employeur en partie.

22 Le 9 janvier 2009, la Commission a écrit aux parties pour les informer que la question de savoir si l’arbitre de grief avait compétence pour accorder l’une ou l’autre des mesures correctives demandées par le fonctionnaire, pour autant que l’arbitre de grief donne raison au fonctionnaire sur le fond du grief, serait tranchée à partir des arguments écrits. La question des procédures en double serait tranchée au début de l’audience, qui devait maintenant avoir lieu du 16 au 19 juin 2009.

23 Le 6 février 2009, l’employeur a fourni des arguments détaillés et une annexe contenant de la jurisprudence et des documents.

24 Le 9 mars 2009, le fonctionnaire a déposé devant la Commission une brève réponse à la demande de l’employeur, dans laquelle il disait souscrire en partie aux arguments de l’employeur.

25 Le grief initial du fonctionnaire, en date du 20 avril 2007, à propos de la sévérité de la mesure disciplinaire imposée par la lettre disciplinaire de l’employeur en date du 3 avril 2007, a été renvoyé à l’arbitrage le 8 janvier 2009 (dossier de la CRTFP 566-34-2743). À la demande du fonctionnaire, ce grief sera instruit avec le présent grief (dossier de la CRTFP 566-34-1413) à l’audience qui se tiendra du 16 au 19 juin 2009.

26 J’ai tenu une téléconférence le 12 mai 2009 pour discuter des arguments des parties dans l’affaire qui nous occupe, ainsi que de questions de procédure découlant des arguments des parties et de la décision de la Commission d’entendre les griefs ensemble à l’audience prévue pour juin 2009.

27 Durant la téléconférence, j’ai demandé au fonctionnaire de me fournir des précisions à propos de sa réponse du 9 mars 2009 et de me dire s’il retirait volontairement son grief. Je lui ai expliqué que j’acceptais l’argument de l’employeur selon lequel je n’avais pas compétence pour accorder l’une ou l’autre des mesures correctives demandées, dans l’éventualité où j’accueillerais son grief au fond. Le fonctionnaire m’a dit qu’il comprenait que je n’avais pas compétence pour accorder ces mesures, mais qu’il ne retirait pas volontairement son grief.

28 J’ai également rappelé au fonctionnaire les questions dont nous avions discuté lors de la téléconférence antérieure. En premier lieu, la preuve présentée à l’audience doit se rapporter à une question substantielle soulevée dans la cause pour être recevable. En second lieu, un grief qui porte sur la sévérité de la mesure disciplinaire imposée par l’employeur soulève généralement la question de savoir si le fonctionnaire s’estimant lésé a commis des actions fautives au travail qui pourraient justifier l’imposition de mesures disciplinaires et, le cas échéant, si la mesure imposée par l’employeur était raisonnable dans ce cas-là.

29 À la fin de la téléconférence, j’ai informé les parties que je rejetais la demande de l’employeur visant à rejeter le présent grief de façon sommaire. L’avocat de l’employeur m’a demandé de motiver ma décision par écrit, de manière à pouvoir éventuellement déposer une demande de contrôle judiciaire.

30 Le 15 mai 2009, la Commission a écrit ce qui suit aux parties :

[Traduction]

La présente fait suite à la téléconférence préparatoire à l’audience […]

M. Bahniuk ayant refusé de retirer volontairement son grief dans le dossier de la Commission 566-34-1413, l’arbitre de grief a rejeté la demande de l’employeur visant à rejeter le grief de façon sommaire, pour l’instant.

La décision écrite de l’arbitre de grief sur la question susmentionnée sera communiquée aux parties en temps voulu.

[Nota : La date de la téléconférence consignée dans le dossier de la Commission est erronée. La téléconférence s’est tenue le 12 mai 2009.]

31 La présente décision porte exclusivement sur les arguments reçus à propos de cette question préliminaire et sur la décision que j’ai rendue.

IV. Résumé de l’argumentation

32 La position de l’employeur est résumée au paragraphe 3 de ses arguments datés du 6 février 2009, qui est libellé comme suit :

[Traduction]

Comme il est indiqué ci-après, l’employeur estime que, vu la nature des mesures correctives demandées, plus particulièrement la tenue d’une enquête pour faire la lumière sur les allégations de harcèlement et le paiement des honoraires d’un avocat par l’État, M. Bahniuk demande une réparation qui déborde le cadre de la compétence de la CRTFP. De plus, il ressort clairement des mesures correctives demandées que l’arbitre de grief n’est pas saisi à bon droit de la présente affaire puisqu’elle ne coïncide pas avec les paramètres de l’article 209 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »).

33 L’avocat de l’employeur soutient que le fonctionnaire sollicite, dans la description de son grief, l’examen de la mesure disciplinaire qui lui a été imposée — la suspension d’une journée —, et que cela m’autoriserait d’ordinaire à trancher le grief en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi. Seulement, je ne peux pas trancher le grief dans ce cas-ci parce qu’il ressort clairement des mesures correctives demandées que le grief ne porte pas essentiellement sur une mesure disciplinaire. L’employeur avance que le grief porte principalement sur une série d’« événements » continus mettant en cause le fonctionnaire et qu’il s’agit, en essence, d’une plainte de harcèlement. Il s’ensuit, soutient l’employeur, que je n’ai pas compétence pour instruire la cause.

34 L’employeur avance également que l’employé doit obtenir l’autorisation de son agent négociateur pour le représenter dans la procédure d’arbitrage, en vertu du paragraphe 209(2) de la Loi. Le fonctionnaire n’ayant pas obtenu cette autorisation, il ne satisfait pas aux conditions établies par la Loi.

35 L’employeur soutient également que le grief du fonctionnaire est presque identique à celui dont il est question dans Canada (Procureur général) c. Lâm, 2008 CF 874. Étant donné que la réparation demandée dans ce cas-ci est à toutes fins utiles identique à celle demandée dans Lâm, je suis liée par cette décision.

36 La réponse du fonctionnaire, en date du 9 mars 2009, est brève et dit ceci :

[Traduction]

Après avoir pris connaissance des observations de l’employeur en date du 6 février, j’ai décidé de ne pas présenter d’arguments sur la question relative à l’allégation de harcèlement. J’estime que le processus d’arbitrage n’est pas en mesure de m’accorder la réparation demandée ni n’a la capacité de se pencher sur les diverses responsabilités de l’Agence du revenu du Canada. Par conséquent, dans le cas de l’allégation de harcèlement et de la réparation connexe demandée, mais uniquement en ce qui concerne cet élément particulier, je dois convenir avec l’employeur que la Commission n’a pas compétence pour trancher cette question. Je devrais être en mesure de me prévaloir d’un autre processus judiciaire concernant cet aspect de la plainte.

[Je souligne]

V. Motifs

37 La demande de l’employeur, datée du 8 mai 2007, visant à ce que le grief du fonctionnaire soit rejeté de façon sommaire, soulève deux questions : est-ce que la Commission a compétence pour rejeter le grief de façon sommaire? Si la réponse à cette question est oui, est-ce que la Commission est fondée à rejeter le grief de façon sommaire au vu des faits de l’affaire?

38 L’employeur a soulevé la question de la compétence de la Commission pour rejeter un grief de façon sommaire dans sa lettre à la Commission en date du 2 octobre 2008, en tant que présomption logique découlant du pouvoir qui est conféré à l’arbitre de grief par l’article 224 de la Loi. Ce pouvoir autorise l’arbitre de grief à trancher toute affaire dont il est saisi sans tenir d’audience. Cependant, ce point n’a pas été débattu devant moi, si bien que j’ai décidé de me pencher uniquement sur le bien-fondé de la demande de l’employeur visant à rejeter le grief de façon sommaire. Cela dit, il ne s’agit pas de déterminer ici si la Commission a compétence pour rejeter un grief de façon sommaire, car je tiens pour acquis qu’elle possède ce pouvoir.

39 La position que l’employeur avait défendue de vive voix pour me convaincre de rejeter le grief de façon sommaire était qu’il avait démontré, dans ses arguments écrits, que l’arbitre de grief n’avait pas compétence pour accorder l’une ou l’autre des mesures de réparation demandées même s’il accueillait le grief du fonctionnaire au fond. Il faut ajouter à cela que, dans ses propres arguments écrits, le fonctionnaire donne raison à l’employeur sur ce point.

40 Le fonctionnaire a indiqué qu’il convenait avec l’employeur que la Commission n’avait pas compétence [traduction] « […] dans le cas de l’allégation de harcèlement et de la réparation connexe demandée, mais uniquement en ce qui concern[ait] cet élément […] » et qu’il n’était pas disposé à retirer volontairement son grief.

41 Si j’accepte l’argument de l’employeur que je n’ai pas compétence pour accorder l’une ou l’autre des mesures correctives que le fonctionnaire demande dans ce grief, je ne crois pas que cela signifie nécessairement que je ne suis pas saisie à bon droit du grief et que je devrais le rejeter de façon sommaire.

42 Dans l’administration publique fédérale, la Loi accorde aux employés le droit de déposer un grief à propos de n’importe quoi en vertu de l’article 208, mais elle limite le type de différends qui peuvent être renvoyés à l’arbitrage en vertu de l’article 209.

43 Le passage pertinent de l’article 209 de la Loi dit ceci :

Renvoi d’un grief à l’arbitrage

209.(1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

[…]

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

44 Dans ce cas-ci, le grief a été renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi. Le fonctionnaire conteste la mesure disciplinaire, une suspension d’une journée, qui lui a été imposée par l’employeur dans une lettre disciplinaire en date du 3 avril 2007 pour avoir prétendument eu un comportement inadmissible durant une réunion avec son gestionnaire. Il s’ensuit que, à première vue, l’essence du grief tombe sous le coup de l’alinéa 209(1)b) de la Loi. Or ma compétence est déterminée par l’essence du grief. La section se rapportant aux mesures correctives demandées revêt un caractère accessoire, ce qui ne lui enlève pas son importance, et n’a aucune incidence sur ma compétence pour instruire la cause. Le fonctionnaire a le droit d’avoir une juste occasion de prouver le bien-fondé de ses prétentions. S’il réussit à faire cette preuve, il se peut que je sois en mesure de lui accorder une mesure corrective appropriée.

45 L’affaire Lâm est différente de la présente cause, car l’essence du grief était le harcèlement. La fonctionnaire s’estimant lésée contestait la décision de son employeur, Santé Canada, concernant sa plainte de harcèlement et alléguait que les représentants de l’employeur n’avaient respecté ni l’esprit ni la lettre des politiques de Santé Canada et du Conseil du Trésor interdisant le harcèlement et que l’employeur avait contrevenu à plusieurs articles de la convention collective, notamment les articles 1 et 19.

46 La Cour n’a pas conclu que les allégations de harcèlement de la fonctionnaire s’estimant lésée avaient un rapport avec une violation de la convention collective. Elle a statué que l’article 19 de la convention collective ne s’appliquait pas à la fonctionnaire s’estimant lésée parce que le harcèlement personnel n’y était pas mentionné. La Cour a également déclaré qu’il n’y avait rien dans la convention collective qui pouvait mener à la conclusion que celle-ci voulait inclure la politique du Conseil du Trésor. La Cour a conclu que l’article 1 était une clause générale, une introduction ou un avant-propos qui ne conférait aucun droit fondamental aux employés. En décidant que la politique relative au harcèlement en milieu de travail du Conseil du Trésor s’inscrivait dans le cadre des objectifs de l’article 1 de la convention collective, et que le grief devait être rejeté, l’arbitre de grief avait mal interprété l’article en question et excédé sa compétence.

47 Dans ce cas-ci, par contre, l’essence du grief est la sévérité de la mesure disciplinaire (c.-à-d. la suspension d’un jour) que l’employeur a imposée au fonctionnaire. L’alinéa 209(1)b) de la Loi accorde aux employés le droit fondamental de renvoyer une mesure disciplinaire, dont une suspension, à l’arbitrage. De plus, le contexte dans lequel la mesure disciplinaire est imposée par l’employeur peut être important pour déterminer le caractère raisonnable de cette mesure disciplinaire.

48 En ce qui concerne l’argument de l’employeur à propos du paragraphe 209(2) de la Loi, je crois que l’avocat de l’employeur a mal interprété cette disposition, qui prévoit ceci :

209.(2) Pour que le fonctionnaire puisse renvoyer à l’arbitrage un grief individuel du type visé à l’alinéa (1)a), il faut que son agent négociateur accepte de le représenter dans la procédure d’arbitrage.

49 L’alinéa 209(1)a) de la Loi traite du renvoi à l’arbitrage d’un grief individuel qui porte sur l’interprétation ou l’application, à l’égard de l’employé, d’une disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale.

50 Le fonctionnaire a renvoyé son grief à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi, et non pas en vertu de l’alinéa 209(1)a), et rien ne dit au paragraphe 209(2) qu’il devait obtenir l’autorisation de son agent négociateur pour le représenter dans la procédure d’arbitrage dans ces cas-là.

51 Il convient également de noter que le grief du 8 mai 2007, qui est l’objet de la présente décision (dossier de la CRTFP 566-34-1413), a été renvoyé à l’arbitrage avant l’autre grief (dossier de la CRTFP 566-34-2743) et que j’ai compétence pour trancher le grief du 8 mai 2007 sans égard à l’existence de l’autre grief. La question des griefs en double peut être tranchée au début de l’audience qui se tiendra du 16 au 19 juin 2009, tel qu’il est indiqué dans les directives données aux parties dans la lettre de la Commission en date du 9 janvier 2009.

52 Je tiens à rappeler, avant de terminer, qu’il s’agit d’une décision provisoire sur la demande de l’employeur visant à ce que je rejette le grief de façon sommaire et que, partant, j’ai rendu cette décision en m’appuyant sur la preuve et les arguments limités dont je disposais. Une décision définitive sera rendue sur le bien-fondé du grief à l’issue d’une audience.

53 Pour ces motifs, je rends les ordonnances qui suivent :

VI. Ordonnances

54 La demande de l’employeur visant à rejeter le grief de façon sommaire est rejetée.

55 L’audience se tiendra à la date prévue.

Le 11 juin 2009.

Traduction de la CRTFP

Margaret E. Hughes,
arbitre de grief

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