Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Dans une décision antérieure, l’arbitre de grief a conclu qu’il avait la compétence voulue pour déterminer si l’entente de règlement des parties est définitive et exécutoire, pour entendre une allégation selon laquelle l’administrateur général n’a pas respecté l’entente de règlement et pour rendre une décision qu’il juge appropriée aux circonstances: Amos c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2008 CRTFP 74 - l’arbitre de grief a ordonné la reprise de l’audience afin de déterminer si l’entente de règlement a été respectée et, au besoin, de fixer un redressement approprié - l’administrateur général a plus tard reconnu ne pas avoir respecté l’entente de règlement et demandé qu’un dressement soit fixé sur la foi d’arguments écrits - le fonctionnaire s’estimant lésé a acquiescé à cette demande - l’arbitre de grief a conclu que l’administrateur général ne pouvait soulever de nouveau les questions de compétence tranchées dans la décision antérieure - l’arbitre de grief a par ailleurs conclu qu’il n’a pas compétence pour ordonner l’octroi de dommages pour le licenciement, en soi, du fonctionnaire s’estimant lésé, qui est survenue après la conclusion de l’entente - enfin, l’arbitre de grief a conclu que la preuve était insuffisante pour fixer un redressement approprié. Instructions données. Audience appelée afin de déterminer les conséquences précises de la violation de l’entente de règlement pour le fonctionnaire s’estimant lésé, et de fixer un redressement approprié.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2009-05-19
  • Dossier:  566-02-10
  • Référence:  2009 CRTFP 61

Devant un arbitre de grief


ENTRE

ANDREW DONNIE AMOS

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux)

défendeur

Répertorié
Amos c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Dan Butler, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Kenneth A. MacLean, avocat

Pour le défendeur:
Jennifer Lewis, avocate

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 2 et le 24 mars et le 1er avril 2009.
(Traduction de la CRTFP)

I. Question devant l’arbitre de grief

1 L’administrateur général du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux a reconnu ne pas s’être conformé à une disposition d’une entente de règlement concernant un grief individuel ayant été renvoyé à l’arbitrage par Andrew Donnie Amos, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »). La question en litige dans la présente décision porte sur le redressement pour cette violation.

2 Dans le grief déposé le 2 mai 2005, le fonctionnaire contestait la suspension disciplinaire de 20 jours lui ayant été imposée par l’administrateur général. Il décrit comme suit les détails de son grief :

[Traduction]

[…]

[…] ce grief a trait à la mesure disciplinaire énoncée dans l’avis disciplinaire daté du 29 mars 2005 signé par le SMA Shearer et à d’autres mesures disciplinaires prises à ce jour. Ces mesures étaient et demeurent tout à fait injustifiées. Des lacunes ont été constatées au niveau de l’observation de la procédure établie, du respect du droit naturel, du fardeau de la preuve, de la norme de preuve et de l’équité administrative.

Veuillez prendre note que j’attends toujours de recevoir le reste des renseignements demandés depuis longtemps, c’est-à-dire il y a 6 mois, par le truchement de l’AIPRP.

[mesure corrective]

Que les mesures disciplinaires soient annulées et que je sois dédommagé de toutes les pertes et de tous les dommages que j’ai subis.

3 Le fonctionnaire a renvoyé son grief à l’arbitrage le 10 août 2005.

4 J’ai été nommé pour instruire et trancher l’affaire à titre d’arbitre de grief. À l’audience, les parties ont convenu de tenter de régler le litige par la voie de la médiation. Elles ont signé une formule de consentement à la médiation et se sont rencontrées en privé (pour l’essentiel). J’ai apporté occasionnellement mon soutien comme médiateur conformément au paragraphe 226(2) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »), édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22.

5 Le 2 mai 2007, les parties ont annoncé qu’elles avaient conclu un règlement. J’ai alors mis fin à l’audience.

6 Le 14 décembre 2007, le greffe de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (le « greffe ») a reçu la demande suivante du fonctionnaire :

[Traduction]

[…]

En mai 2007, les parties ont convenu d’un protocole d’entente réglant le dossier susmentionné. Sur la foi de cette entente, le fonctionnaire s’estimant lésé a convenu de retirer ses griefs. L’une des conditions spécifiques de cette entente sur laquelle se fondait le fonctionnaire s’estimant lésé est ainsi rédigée:

Les parties conviennent par les présentes :

1.   De participer à une réunion ou à des réunions raisonnablement nécessaires afin de discuter et de régler des questions d’intérêt mutuel qui ont trait à la relation de travail du fonctionnaire s’estimant lésé avec TPSGC. Ce processus doit avoir lieu dans les plus brefs délais possibles. Les deux parties entendent établir une relation de travail positive dans leur intérêt mutuel futur.

Malheureusement, bien que le fonctionnaire s’estimant lésé ait tenté d’obtenir une date de rencontre tout de suite après la signature de l’entente et à plusieurs reprises au cours des sept mois suivants, le Ministère ne voulait pas prendre part à une réunion. Ce retard de sept mois nous a menés bien au-delà « des plus brefs délais possibles ». En plus, il a été impossible d’établir une « relation de travail positive ». En fait, la relation s’est gravement détériorée.

En conséquence de ce qui précède, M. Amos demande par la présente qu’il soit donné suite à son grief initial en raison de la violation par l’employeur du protocole d’entente conclu par les parties.

[…]

7 L’administrateur général a contesté ma compétence à me prononcer sur la prétendue violation de l’entente de règlement, en ces termes :

[Traduction]

[…]

L’employeur estime que l’arbitre de grief n’a plus compétence sur cette affaire étant donné qu’un règlement complet et définitif (PE) a été conclu entre les parties le 2 mai 2007.

L’existence d’un règlement définitif et exécutoire rend l’arbitre de grief totalement inhabile à se saisir de l’affaire. La jurisprudence est sans équivoque sur cette question […]

En outre, il existe un principe bien établi selon lequel un arbitre de grief n’a pas compétence sur la mise en œuvre d’un PE […]

Nonobstant ce qui précède, si le fonctionnaire s’estimant lésé a des préoccupations au sujet de la mise en œuvre du PE, ses gestionnaires locaux sont tout à fait disposés à en discuter avec lui.

[…]

8 Sous ma gouverne, le greffe a demandé et reçu les arguments écrits des parties sur les trois questions suivantes soulevées par la contestation de ma compétence :

[Traduction]

[…]

1) Lorsque les parties ont conclu une entente de règlement à l’égard d’un grief individuel renvoyé à l’arbitrage à l’encontre d’une mesure disciplinaire entraînant une suspension, la nouvelle Loi donne-t-elle compétence à un arbitre de grief pour décider si l’entente de règlement des parties est finale et exécutoire?

2) Dans l’éventualité où la nouvelle Loi donne compétence à un arbitre de grief pour décider si l’entente de règlement des parties est finale et exécutoire, l’arbitre de grief a-t-il compétence pour entendre une allégation à l’effet qu’une partie ne s’est pas conformée à l’entente de règlement finale et exécutoire?

3) Dans l’éventualité où l’arbitre de grief a compétence pour entendre une allégation à l’effet qu’une partie ne s’est pas conformée à l’entente de règlement finale et exécutoire, l’arbitre de grief a-t-il la compétence d’émettre l’ordonnance qu’il juge indiquée dans les circonstances?

9 J’ai également reçu les arguments des trois intervenants suivants : la section locale 2228 de la Fraternité internationale des ouvriers en électricité (FIOÉ), l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC).

10 Pour les motifs énoncés dans Amos c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2008 CRTFP 74, j’ai rendu l’ordonnance suivante :

[…]

[129] Je déclare qu’un arbitre de grief a compétence pour déterminer si les parties ont conclu une entente de règlement finale et exécutoire.

[130] Je déclare en outre qu’un arbitre de grief a compétence pour examiner l’allégation du fonctionnaire s’estimant lésé selon laquelle l’administrateur général n’a pas respecté l’entente de règlement finale et exécutoire conclue par les parties.

[131] Je déclare également qu’un arbitre de grief a compétence pour rendre l’ordonnance qu’il juge indiquée dans les circonstances.

[132] L’audience d’arbitrage de grief doit reprendre aux fins de déterminer si l’administrateur général a manqué aux modalités de l’entente de règlement signée par les parties le 2 mai 2007, et, le cas échéant, pour déterminer un redressement indiqué.

L’administrateur général a soumis une demande de contrôle judiciaire de cette décision. Cette demande est en instance.

11 Selon mes instructions, le greffe a fixé une nouvelle audience pour trancher la question de la prétendue violation de l’entente de règlement. Avant l’audience, l’administrateur général a écrit au greffe pour reconnaître qu’il ne s’était pas conformé à la disposition suivante de l’entente de règlement :

[Traduction]

[…]

Les parties conviennent par les présentes :

1.   De participer à une réunion ou à des réunions raisonnablement nécessaires afin de discuter et de régler des questions d’intérêt mutuel qui ont trait à la relation de travail du fonctionnaire s’estimant lésé avec TPSGC. Ce processus doit avoir lieu dans les plus brefs délais possibles. Les deux parties entendent établir une relation de travail positive dans leur intérêt mutuel futur.

[…]

12 L’administrateur général m’a demandé de déterminer une mesure de redressement pour la violation reconnue en me fondant sur les arguments écrits. Le fonctionnaire a donné son aval, et j’ai ordonné la poursuite sur cette base.

II. Résumé de l’argumentation

A. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

13 Le 2 mars 2009, le fonctionnaire a déposé ses arguments écrits.

14 Le fonctionnaire a invoqué la conclusion de l’arbitre de grief dans 2008 CRTFP 74 selon laquelle les pouvoirs de redressement d’un arbitre de grief en vertu de la Loi sont étendus, comme le prévoit le paragraphe 228(2). Lorsqu’une question d’inobservation d’une entente se pose, l’arbitre de grief rend l’ordonnance « […] qu’il juge indiquée dans les circonstances ».

15 Habituellement, un fonctionnaire s’estimant lésé qui allègue un manquement à une entente de règlement cherche à obtenir un redressement qui, selon ses prétentions, a déjà fait l’objet d’une entente entre les parties. Les événements ont passablement compliqué la capacité du fonctionnaire d’obtenir un tel redressement. Le fonctionnaire a décrit comme suit la suite d’événements s’étant produits depuis le dépôt de sa demande, le 14 décembre 2007 :

[Traduction]

[…]

Étonnamment, au cours des neuf mois suivants, entre le moment où nous avons écrit au greffe et celui où [Amos] a été émis en septembre 2008, TPSGC n’a pas pris de disposition pour rencontrer M. Amos. Après la signature de l’entente de règlement par les parties, il n’y a simplement aucune preuve démontrant que TPSGC n’ait jamais eu l’intention de respecter son engagement de rencontrer M. Amos pour « établir une relation de travail positive dans leur intérêt mutuel futur », comme le prévoyait l’entente de règlement. En effet, lorsque M. Amos a demandé à un membre de la haute direction, au cours d’une brève conversation en face à face, quand se tiendrait la réunion prévue dans l’entente de règlement, on lui aurait répondu « je n’ai pas signé cette entente ».

Éventuellement, M. Amos s’est résigné au fait que TPSGC ne ferait pas sa part pour établir une relation de travail positive. Il a travaillé au seul dossier lui étant confié, un immeuble de la GRC.

Depuis, un nouvel événement choquant est cependant survenu dans le dossier de M. Amos. Le 2 février 2009, M. Amos a été avisé par les représentants de TPSGC de son licenciement pour un motif valable. M. Amos a été abasourdi et extrêmement bouleversé par cette nouvelle. Il affirme que son licenciement était relié directement à la violation de l’entente de règlement par l’employeur. En réalité, le licenciement découlait de prétendus actes fautifs ayant été commis et ayant fait l’objet d’une enquête avant la signature de l’entente de règlement.

M. Amos est choqué et extrêmement bouleversé que TPSGC ait pu signer l’entente de règlement en s’engageant à travailler avec lui, dans le cadre d’une réunion ou plus, « afin de discuter et de régler » des questions ayant trait à sa relation de travail avec TPSGC, et ce en vue d’établir « une relation de travail positive dans leur intérêt mutuel futur », alors que le Ministère était déjà au fait et avait déjà enquêté sur les actes qui, selon ses dires, constituent maintenant (deux années complètes plus tard) un motif valable de licenciement. TPSGC a agi de cette manière sans même faire un effort pour le rencontrer afin de régler ces questions ou toutes autres questions. M. Amos prétend que si TPSGC avait seulement accepté de le rencontrer comme le prévoyait l’entente de règlement, son licenciement aurait pu être évité. M. Amos n’a jamais eu la chance de parler à la haute direction de quelque question que ce soit, ni de l’entente de règlement, ni de l’inconduite alléguée qui aurait mené à son licenciement, selon le Ministère. M. Amos soumet respectueusement que c’est cette attitude négative même à son endroit, devant être réglée grâce aux réunions, qui a mené à son licenciement.

M. Amos soumet que l’enquête relative aux prétendus actes fautifs ayant mené à son licenciement ont été mis de l’avant seulement après qu’il a demandé la tenue des réunions prévues dans l’entente de règlement (en mai et juin 2007) et qu’il se soit adressé de nouveau à l’arbitre de grief (14 décembre 2007). Il ressort clairement de la manière dont l’enquête sur les actes fautifs allégués a progressé que, plutôt que de rencontrer M. Amos tel que convenu, TPSGC a préféré réactiver une enquête stagnante et le licencier. Bien que l’enquête sur les actes fautifs se soit terminée en février/mars 2007, M. Amos a reçu des questions de suivi en juillet 2007 et a appris que le DGR ne le rencontrerait pas à la fin décembre 2007. En septembre 2008, plus d’un an et demi après l’enquête, M. Amos a reçu un autre rapport d’enquête sur les prétendus actes fautifs. Les représentants locaux de TPSGC à Halifax n’avaient clairement pas l’intention de rencontrer M. Amos afin de tenter de régler les problèmes et de créer un contexte de travail positif dans le futur, nonobstant l’entente de règlement.

[…]

16 Compte tenu de la décision de l’administrateur général de le licencier en se basant sur des faits que l’administrateur général connaissait avant de signer l’entente de règlement, le fonctionnaire prétend qu’il a droit à des dommages-intérêts importants. Ces dommages-intérêts se rapportent à la violation de l’entente de règlement, ainsi qu’aux actions subséquentes de l’administrateur général, qui témoignent de sa mauvaise foi.

17 Pour exécuter les conditions de l’entente initiale, l’arbitre de grief doit ordonner une réparation qui place le fonctionnaire dans la situation où il aurait dû se trouver si les parties s’étaient rencontrées pour discuter et régler les questions reliées à leur relation de travail. La réparation doit comprendre des dommages-intérêts découlant de la violation de l’entente. Hadley v. Baxendale (1854), [1843-60] All E.R. Rep. 461 déclare que des dommages-intérêts peuvent être recouvrés à la suite d’une contravention si les dommages-intérêts sont [traduction] « ceux que l’on peut justement et raisonnablement considérer soit comme ceux découlant naturellement […] de l’inexécution du contrat, soit comme ceux que les parties pouvaient raisonnablement envisager […] » lorsqu’elles ont signé l’entente.

18 Le fonctionnaire prétend que tous les préjudices qu’il subit découlent de la violation de l’entente de règlement. L’acte fautif allégué et les résultats de l’enquête connexe ayant mené à son licenciement étaient connus de l’administrateur général avant que les parties ne concluent l’entente de règlement. La réparation ordonnée par l’arbitre de grief doit tenir compte de l’ensemble des préjudices subis par le fonctionnaire.

19 Le fonctionnaire soumet que l’arbitre de grief devrait émettre une ordonnance prévoyant les mesures de redressement suivantes :

[Traduction]

1. Rétablissement de M. Amos, ainsi que de son salaire, ses avantages sociaux et son ancienneté perdus :

2. Dédommagement pour les heures supplémentaires perdues que M. Amos s’attendait raisonnablement à pouvoir faire à la suite de la rencontre des parties et au règlement de leurs différends. (L’employeur avait convenu dans le premier paragraphe no 2 de l’entente de règlement que la perte en heures supplémentaires pour M. Amos s’élevait à 2 000 $ par mois.) Comme l’entente de règlement prévoyait que les parties devaient se rencontrer « dans les plus brefs délais », nous soumettons que ces heures supplémentaires auraient vraisemblablement dû être remises à M. Amos au moment où nous avons signalé la violation au greffe, en décembre 2007, si une relation de travail positive avait été rétablie. Le montant remis aurait correspondu à environ 14 mois d’heures supplémentaires perdues multipliés par 2 000 $ par mois, ce qui donnerait un total de 28 000 $.

3. Comme l’entente de règlement n’a pas été respectée, M. Amos s’est adressé au greffe et a par la suite soumis des arguments par l’entremise de son avocat. Il demande un dédommagement pour les honoraires d’avocats qu’il a dû débourser en raison de la violation de l’entente de règlement, ce qui comprend les frais reliés à la préparation des arguments ayant mené à la décision et autres questions connexes.

4. M. Amos précise que, dans le cadre de l’entente de règlement, il a accepté un dédommagement d’environ 45 % des honoraires d’avocats engagés jusqu’au moment de la conclusion de l’entente de règlement, le 2 mai 2007. Comme la réparation négociée ne s’est pas concrétisée, il demande que le solde de ces honoraires d’avocats (55 %) lui soit versé.

5. Dans une affaire récente, la Cour suprême du Canada a précisé la portée des dommages-intérêts découlant de la mauvaise foi dans le contexte de l’emploi. Dans Honda c. Keays [2008] A.C.S. no 40, la Cour suprême du Canada a établi qu’il demeure une obligation implicite de bonne foi et de traitement équitable dans les contrats de travail et que les dommages-intérêts s’appliquent de la même manière que pour les autres « préjudices moraux ». Au moins deux affaires ont traité de la notion de « préjudices moraux » causés par la mauvaise foi dans les contrats de travail depuis Honda, Simmons v. Webb [2008] O.J. No. 5249 et Piresferreira v. Ayotte [2008] O.J. No. 5187, ayant conclu à des préjudices moraux d’une valeur de 20 000 $ et 45 000 $ en dommages-intérêts généraux pour mauvaise foi de la part de l’employeur. Nous soumettons que pour satisfaire aux objectifs énoncés dans le préambule de la LRTFP, M. Amos devrait avoir droit à des dommages-intérêts se situant dans la fourchette supérieure entre ces deux montants.

6. Nous soumettons que M. Amos devrait avoir droit à des dommages-intérêts majorés ou punitifs dans cette affaire inhabituelle où l’employeur s’est conduit de manière tyrannique et outrageante.

7. Nous soumettons que M. Amos devrait toucher des intérêts sur l’ensemble de ces montants, à compter de la date de la conclusion de l’entente de règlement, le 2 mai 2007.

20 Le fonctionnaire a mentionné qu’il ne savait pas que l’administrateur général avait l’intention de le licencier à cause d’un problème survenu avant la conclusion de l’entente de règlement lorsqu’il a consenti à procéder sur la base de ces arguments écrits. À l’époque, l’arbitre de grief a rendu son ordonnance sur ces arguments écrits en imposant comme restriction qu’en cas de litige entourant des éléments de preuve, de nouvelles procédures pourraient être nécessaires. Le fonctionnaire reconnaît maintenant que d’autres procédures pourraient être nécessaires. L’arbitre de grief peut juger que, compte tenu des nouvelles circonstances en l’espèce, une audience doit être tenue pour déterminer comment il peut exécuter le redressement sur lequel les parties se sont entendues antérieurement. Subsidiairement, le fonctionnaire indique que, compte tenu des questions relatives à la preuve concernant les nouveaux événements survenus dans cette affaire, la tenue d’une audience sera vraisemblablement requise, même s’il préfèrerait d’autres mesures de règlement des différends.

B. Pour l’administrateur général

21 L’administrateur général a déposé des arguments écrits en réplique le 24 mai 2009.

22 L’administrateur général soumet que l’entente de règlement a pour effet d’empêcher un fonctionnaire s’estimant lésé de rouvrir un même grief et, dans bien des cas, des questions reliées d’une manière quelconque au grief initial. Le 7 janvier 2008, l’administrateur général a prétendu que l’existence d’une entente de règlement finale et exécutoire rendait l’arbitre de grief totalement inhabile à se saisir de l’affaire. Dans 2008 CRTFP 74, l’arbitre de grief a jugé que l’obstacle traditionnel à l’arbitrage n’était plus valide et qu’il était habile à se pencher sur les allégations du fonctionnaire s’estimant lésé relativement au non-respect. Comme l’administrateur général a admis qu’il y avait eu manquement à l’entente de règlement, la question à laquelle il faut maintenant répondre est : « Quelle mesure de redressement s’applique dans les circonstances? »

23 L’arbitre de grief a tiré sa compétence de la suspension initiale de 20 jours visée par le grief ayant été renvoyé à l’arbitrage, en conformité avec l’article 209 de la Loi. L’arbitre de grief a conclu à l’existence d’un lien inextricable entre l’entente de règlement et le grief initial. L’administrateur général soumet que c’est ce lien qui a habilité l’arbitre de grief à rendre des ordonnances comme il l’a fait dans cette affaire. Cependant, il est important de mentionner que l’arbitre de grief n’avait pas de compétence initiale en ce qui concerne l’entente de règlement. Sa compétence à l’égard de l’entente de règlement découlait indirectement de sa compétence initiale à l’égard de la suspension de 20 jours.

24 Le fonctionnaire prétend que le pouvoir de réparation de l’arbitre de grief comporte l’ordonnance de mesure de redressement pour le non-respect de l’entente de règlement, non pas pour la suspension de 20 jours. L’arbitrage de ce non-respect de l’entente de règlement, un contrat de common law, ne relève clairement pas de la compétence d’un arbitre de grief nommé en vertu de la Loi.

25 La position de l’administrateur général est qu’un arbitre de grief peut examiner les éléments de preuve et les arguments relatifs à sa compétence à instruire un grief qui, autrement, ne pourrait pas être renvoyé à l’arbitrage. La différence est que maintenant, en conformité avec la décision de l’arbitre de grief, les arbitres de griefs peuvent se demander non seulement si les parties ont conclu une entente de règlement valide et exécutoire, mais également si cette entente de règlement a été exécutée selon les modalités prévues dans l’entente. En cas de non-respect, l’arbitre de grief peut tout au plus demeurer saisi du grief initial et ordonner la reprise de l’audience. Autrement dit, l’arbitre de grief est habile à déterminer s’il a la compétence ou non pour instruire le grief initial, mais il n’est pas compétent à l’égard de l’entente de règlement, au même titre qu’il l’aurait été pour un grief renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’article 209 de la Loi. Par conséquent, toute autre mesure de redressement dépendrait du fond du grief ayant été renvoyé à l’arbitrage et non, comme le demande le fonctionnaire, en considération de la violation de l’entente de règlement.

26 Dans ce contexte, l’administrateur général soumet que le fonctionnaire peut souhaiter poursuivre l’audience sur le fond de la suspension de 20 jours, si l’arbitre de grief juge que la violation de l’entente de règlement est telle que l’administrateur général ne peut plus l’invoquer dans sa défense à l’arbitrage. Advenant que l’audience reprenne sur cette base, l’administrateur général demande le remboursement de toutes sommes d’argent versées en vertu de l’entente de règlement avant de poursuivre le grief sur le fond.

27 Subsidiairement, l’administrateur général soumet qu’une audience doit être tenue sur cette question, si l’arbitre de grief n’accepte pas la position susmentionnée de l’administrateur général concernant le pouvoir de réparation. Il est devenu clair que le licenciement du fonctionnaire, et les préjudices découlant de ce licenciement, est au cœur de la demande de réparation en l’espèce. Bien que l’administrateur général estime que l’arbitre de grief n’est pas saisi de la question touchant le licenciement du fonctionnaire, il est évident que la preuve soumise dans les arguments du fonctionnaire ne peut être examinée que dans le contexte d’une audience en bonne et due forme.

C. Réfutation du fonctionnaire s’estimant lésé

28 Le fonctionnaire a déposé des arguments en réfutation, le 1er avril 2009.

29 Le fonctionnaire soumet qu’une grande partie des arguments de l’administrateur général portent sur la compétence de l’arbitre de grief à se prononcer sur les préjudices découlant de la violation de l’entente de règlement. Le fonctionnaire argue que l’administrateur général avait la possibilité de soumettre des arguments sur la question soulevée dans la décision 2008 CRTFP 74, mais qu’il a choisi de ne pas le faire. La question a été tranchée. Au paragraphe 122, l’arbitre de grief a déclaré ce qui suit :

[122] Il est malheureux que je n’aie pas d’observations de l’administrateur général sur la nature de la compétence d’un arbitre de grief dans les cas où l’arbitre de grief a effectivement compétence pour entendre une allégation selon laquelle une partie n’a pas respecté une entente de règlement finale et exécutoire. En ce sens, la réponse de l’administrateur général à la question 3 ne répond pas à la question 3.

[Le passage souligné l’est dans l’original]

L’arbitre de grief a ensuite répondu à la question, au paragraphe 123 :

[123] […] Les pouvoirs de redressement d’un arbitre de grief en vertu de la nouvelle Loi sont étendus. Un arbitre de grief n’est pas lié par une liste précise de redressements : la nouvelle Loi ne renferme pas une telle liste. La nouvelle Loi prévoit plutôt ce qui suit au paragraphe 228(2) :

228. (2) Après étude du grief, il tranche celui-ci par l’ordonnance qu’il juge indiquée […]

[…]

Il poursuit ainsi au paragraphe 124 :

[124] Je conclus donc qu’un arbitre de grief a compétence pour rendre l’ordonnance qu’il juge indiquée dans les circonstances […]

30 Selon le fonctionnaire, il n’y a maintenant aucun motif de reprendre une audience sur le grief initial. Ce grief a été réglé, et l’administrateur général a admis qu’il avait violé l’entente de règlement. Rien ne justifie le remboursement des sommes d’argent payées en vertu du règlement — cette demande témoigne de l’effort continu et potentiellement renouvelé de l’administrateur général de répudier l’entente de règlement initiale et de causer de plus amples difficultés au fonctionnaire.

31 L’administrateur général n’a déposé aucun argument relativement aux dommages-intérêts. Par conséquent, le fonctionnaire prétend que l’arbitre de grief devrait rendre une ordonnance de dommages-intérêts en se fondant sur ses arguments et sur toute autre information factuelle que l’arbitre de grief pourrait demander. Ce serait le résultat le plus compatible avec le préambule de la Loi qui prévoit l’engagement du gouvernement du Canada à résoudre « […] de façon juste, crédible et efficace les problèmes liés aux conditions d’emploi ».

III. Motifs

32 Au paragraphe 132 de la décision 2008 CRTFP 74, l’objet des procédures est clairement énoncé comme suit :

[132] L’audience d’arbitrage de grief doit reprendre aux fins de déterminer si l’administrateur général a manqué aux modalités de l’entente de règlement signée par les parties le 2 mai 2007, et, le cas échéant, pour déterminer un redressement indiqué.

33 L’administrateur général a reconnu son manquement à l’égard de la modalité suivante du règlement :

[Traduction]

Les parties conviennent par les présentes :

1.   De participer à une réunion ou à des réunions raisonnablement nécessaires afin de discuter et de régler des questions d’intérêt mutuel qui ont trait à la relation de travail du fonctionnaire s’estimant lésé avec TPSGC. Ce processus doit avoir lieu dans les plus brefs délais possibles. Les deux parties entendent établir une relation de travail positive dans leur intérêt mutuel futur.

Le fonctionnaire n’a pas allégué d’autres violations de l’entente de règlement. Par conséquent, la seule question que je dois trancher concerne la mesure de redressement convenable pour la violation de l’entente de règlement ayant été reconnue par l’administrateur général.

34 La présente instance n’est pas la procédure appropriée pour débattre à nouveau une question déjà tranchée dans 2008 CRTFP 74. Comme mentionné dans la réfutation du fonctionnaire, rien n’empêchait l’administrateur général de soumettre, dans 2008 CRTFP 74, des arguments au sujet de la portée du pouvoir de redressement de l’arbitre de grief relativement à la violation alléguée de l’entente de règlement, mais il n’a pas choisi de le faire. Il cherche maintenant à faire valoir que le pouvoir de redressement d’un arbitre de grief se limite à l’étude du fond du grief initial et qu’il ne s’étend pas à la violation d’une entente de règlement. De plus, l’administrateur général semble soulever à nouveau la question de savoir si un arbitre de grief est compétent à l’égard d’une entente de règlement, au même titre qu’il le serait pour un grief initial.

35 Dans 2008 CRTFP 74, j’ai fait les déclarations suivantes :

[…]

[130] Je déclare en outre qu’un arbitre de grief a compétence pour examiner l’allégation du fonctionnaire s’estimant lésé selon laquelle l’administrateur général n’a pas respecté l’entente de règlement finale et exécutoire conclue par les parties.

[131] Je déclare également qu’un arbitre de grief a compétence pour rendre l’ordonnance qu’il juge indiquée dans les circonstances.

[…]

Jusqu’à ce qu’un tribunal judiciaire compétent juge, par suite d’une demande de contrôle judiciaire ou d’un autre appel, que les ordonnances sont erronées, il ne m’appartient pas en l’espèce de rouvrir les questions de compétence soulevées et réglées dans cette décision. En vertu de ces ordonnances, ma tâche est maintenant d’évaluer s’il est indiqué d’ordonner la mesure de redressement demandée par le fonctionnaire, en totalité ou en partie, ou toute autre mesure de redressement que je jugerais indiquée dans les circonstances.

36 La seule preuve dont je dispose pour déterminer la mesure de redressement appropriée découlant de la violation de l’entente de règlement est le compte rendu des événements fait par le fonctionnaire. L’administrateur général ne conteste pas directement ce compte rendu. L’administrateur général soutient toutefois qu’une audience sur la preuve pourrait être nécessaire si j’accepte la compétence pour me prononcer sur la violation de l’entente de règlement comme telle et sur la mesure de redressement qui s’impose.

37 Si j’étais d’avis que les faits allégués par le fonctionnaire étaient suffisants pour me permettre de rendre une décision quant à la réparation, en me fondant sur les arguments écrits reçus jusqu’à maintenant, je le ferais — mais cela m’est impossible. J’estime qu’il me faut de plus amples éléments de preuve énonçant les conséquences précises qui découlent de la violation de l’entente de règlement.

38 Le fonctionnaire est justifié de soutenir que la question de la réparation est devenue plus complexe en raison de son récent licenciement. Cependant, il argue également que je suis en mesure de formuler une décision en matière de dommages-intérêts englobant l’ensemble des actions de l’administrateur général, ce qui comprend son licenciement. Je ne suis pas d’accord. Je ne suis pas saisi sur le fond de la décision de licencier le fonctionnaire. En tirant cette conclusion, je suis conscient du fait que le fonctionnaire dispose d’un mécanisme de règlement des griefs lui permettant de contester son licenciement et, sous réserve de satisfaire aux exigences de la Loi, de la possibilité de demander une réparation par la voie de l’arbitrage. L’entente de règlement, dont la violation est la question m’étant soumise, constituait un règlement final et exécutoire d’un grief relatif à une suspension sans salaire de quatre semaines. Dans la situation où se trouvait le fonctionnaire, il peut s’avérer passablement difficile de percevoir la ligne qui existe entre la question de l’exécution d’une entente de règlement et une décision distincte prise par l’administrateur général de le licencier, mais cette ligne existe pourtant et elle est nécessaire aux fins du respect de ma compétence.

39 Ceci étant, le fait que l’administrateur général ait licencié le fonctionnaire n’est pas un élément sans pertinence lorsqu’il s’agit de déterminer le redressement s’appliquant « dans les circonstances ». Que le fonctionnaire ne soit plus à l’emploi de l’administrateur général est une « circonstance » importante dont je dois tenir compte dans la formulation de la mesure de redressement, s’il y a lieu.

40 Je dois maintenant en savoir plus de la part des parties afin de pouvoir déterminer les conséquences exactes pour le fonctionnaire de la violation de l’entente de règlement reconnue par l’administrateur général, de sorte à connaître également la mesure de redressement appropriée que je peux imposer pour corriger cette violation. J’invite les parties à produire tous autres éléments de preuve qu’elles jugent utiles pour m’aider à rendre une décision, ainsi que leurs autres arguments quant à l’interprétation de ces éléments de preuve et à l’application, selon le cas, de la jurisprudence en matière de dommages-intérêts.

41 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

IV. Ordonnance

42 Je donne instruction au greffe de consulter les parties pour fixer des dates d’audience afin de recevoir de nouveaux éléments de preuve et arguments relativement aux conséquences exactes pour le fonctionnaire de la violation de l’entente de règlement reconnue par l’administrateur général, à la réparation appropriée que peut ordonner un arbitre de grief en vue de corriger cette violation et, s’il y a lieu, à la jurisprudence en matière de dommages-intérêts.

Le 19 mai 2009.

Traduction de la CRTFP

Dan Butler,
arbitre de grief

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