Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les fonctionnaires s’estimant lésés ont contesté le rejet par l’employeur de leurs demandes de congé payé parce qu’ils ont affirmé n’avoir pu se présenter au travail en raison des mauvaises conditions météorologiques - M.Coppin a tenté de déplacer sa camionnette, mais est resté coincé et a mis deux heures à pelleter pour pouvoir stationner son camion dans l'entrée de cour de son voisin - sa rue n’a été déneigée qu’au milieu de l’après-midi ce jour-là et les transports en commun n’étaient pas une option pratique puisque l’arrêt d’autobus était trop loin pour qu’il s’y rende à pied et le circuit d’autobus trop long - MmeGill-Conlon a tenté de se rendre au travail, mais a rebroussé chemin après avoir constaté que les routes étaient trop risquées - elle ne connaissait aucun transport en commun qui se rendait à son lieu de travail - l’employeur était d’avis que les fonctionnaires s’estimant lésés n’avaient pas fait un effort raisonnable pour se rendre au travail - tous les autres employés travaillant au lieu de travail des fonctionnaires s’estimant lésés ont soit réussi à se rendre au travail ou demandé un congé annuel - l’arbitre de grief a soutenu que les droits des fonctionnaires s’estimant lésés ne devraient pas être limités par l’interprétation faite par d’autres employés de la convention collective - la décision de l’employeur doit être basée sur le bien-fondé de chaque demande - les deux fonctionnaires s’estimant ont fait des efforts raisonnables pour se rendre au travail. Griefs accueillis.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2009-06-30
  • Dossier:  166-34-37530 et 37531
  • Référence:  2009 CRTFP 81

Devant un arbitre de grief


ENTRE

PAUL COPPIN ET PATRICIA GILL CONLON

fonctionnaire s'estimant lésés

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

employeur

Répertorié
Coppin et Gill-Conlon c. Agence du revenu du Canada

Affaire concernant des griefs renvoyés à l’arbitrage en vertu de l’article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief

Pour les fonctionnaires s'estimant lésés:
Douglas Hill, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Debra L. Prupas, avocate

Affaire entendue à Toronto (Ontario),
le 11 juin 2009.
(Traduction de la CRTFP)

Griefs renvoyés à l’arbitrage

1 Le 23 décembre 2004, les conditions météorologiques étaient particulièrement mauvaises dans le sud de l’Ontario. Paul Coppin et Patricia Gill-Conlon, les fonctionnaires s’estimant lésés (les « fonctionnaires »), affirment que, à cause de ces conditions météorologiques, ils n’ont pu se présenter au travail. Les fonctionnaires sont agents de recouvrement de l’impôt au bureau de services fiscaux de Toronto-Ouest (BSFTO) de l’Agence du revenu du Canada (l’« employeur »).

2 Les fonctionnaires ont demandé à l’employeur de leur accorder un congé payé en vertu de la clause 54.01a) de leur convention collective. L’employeur a rejeté leur demande et leur a plutôt accordé un congé annuel. Les fonctionnaires allèguent que la décision de l’employeur enfreint la clause 54.01a) de la convention collective signée le 10 décembre 2004 entre l’Agence des douanes et du revenu du Canada et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (la « convention collective »). La clause 54.01a) est libellée en ces termes :

[…]

54.01 L’Employeur peut, à sa discrétion, accorder :

a)      un congé payé lorsque des circonstances qui ne sont pas directement imputables à l’employé-e l’empêchent de se rendre au travail; ce congé n’est pas refusé sans motif raisonnable;

[…]

3 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l’article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ces renvois à l’arbitrage de grief doivent être décidés conformément à l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35.

II. Résumé de la preuve

4 Les parties ont produit 16 documents en preuve, y compris des bulletins météorologiques, ainsi que la politique du BSFTO sur les conditions météorologiques extrêmes et plusieurs documents liés aux situations qui sont l’objet des griefs. M. Coppin et Mme Gill-Conlon ont témoigné. L’employeur a cité comme témoins Lynda Hayter et Patrick Mendes. En décembre 2004, Mme Hayter était la gestionnaire de l’une des sections du recouvrement des recettes du BSFTO. Mme Gill-Conlon travaillait dans cette section. M. Mendes était un chef d’équipe au BSFTO, et M. Coppin relevait de M. Mendes.

5 La résidence de M. Coppin se trouve à Dundas (qui fait partie de Hamilton), en Ontario, à 52 kilomètres du BSFTO, lequel est situé rue Hurontario à Mississauga (Ontario). M. Coppin met une heure à une heure et dix minutes pour se rendre au travail avec son véhicule. Il part normalement de chez lui à 7 h 45 et arrive au travail avant 9 h.

6 Le 22 décembre 2004, M. Coppin avait entendu aux nouvelles qu’il y aurait une grosse tempête dans la région pendant la nuit. Il s’est révélé qu’il y a eu des averses de neige, de la poudrerie, du grésil et de la pluie verglaçante dans la région de Hamilton de minuit à 14 h le 23 décembre 2004, soit 25 centimètres de neige et 7 millimètres de pluie. Ce jour-là, Mississauga a reçu 15 centimètres de neige et 4,2 millimètres de pluie. Fondamentalement, les conditions météorologiques étaient mauvaises aux deux endroits entre lesquels M. Coppin faisait régulièrement la navette.

7 Le 23 décembre 2004, M. Coppin est sorti de chez lui à 7 h. Il y avait environ 20 centimètres de neige, et de la pluie verglaçante avait commencé à tomber. M. Coppin a, en vain, cherché à déplacer son véhicule (une camionnette) qui était stationné dans la rue. Il est rentré dans la maison et a composé le numéro de téléphone du service d’urgence de son bureau. Le message enregistré disait que le bureau n’était pas fermé pour la journée. Vers 7 h 45 selon M. Coppin, mais à 8 h 37 d’après M. Mendes, M. Coppin a laissé un message à M. Mendes pour l’informer qu’il arriverait au travail en retard ou qu’il pourrait être dans l’impossibilité de se présenter au travail à cause des conditions météorologiques.

8 À peu près en même temps, M. Coppin a entendu aux nouvelles que la municipalité avait transmis un communiqué faisant état d’une situation d’urgence en raison des conditions météorologiques extrêmes. Cela signifiait que M. Coppin devait enlever son véhicule de la rue. Pendant les deux heures suivantes, il a pelleté assez de neige pour pouvoir stationner son véhicule dans l’allée du voisin.

9 Entre 10 h 15 et 10 h 30, M. Coppin a appelé M. Mendes. Ils ont discuté des conditions météorologiques. M. Coppin a témoigné qu’il avait avisé M. Mendes que les conditions météorologiques étaient encore mauvaises à Dundas et il a ajouté que M. Mendes avait déclaré que les conditions étaient également mauvaises à Mississauga. Selon M. Coppin, M. Mendes lui a dit que c’était insensé de continuer à essayer de se rendre au travail vu les conditions météorologiques et qu’il ne l’attendait pas au bureau ce jour-là. D’après M. Mendes, la conversation s’était limitée à ceci : M. Coppin l’avait informé des conditions météorologiques à Dundas et l’avait avisé qu’il n’irait pas travailler. Il n’avait pas été question du genre de congé que l’employeur accorderait à M. Coppin pour son absence du 23 décembre 2004. Après cette conversation téléphonique, M. Coppin ne s’est pas davantage efforcé de se rendre au travail.

10 M. Coppin a témoigné que la rue où il habite a été déneigée à 14 h 30 seulement. Il s’attendait qu’elle soit déblayée plus tôt. Il a également témoigné que le transport en commun ne représentait pas une possibilité pour lui, car l’arrêt d’autobus le plus proche est à environ 750 mètres de sa maison, et c’était trop loin pour y aller à pied. De plus, même un jour normal, a témoigné M. Coppin, utiliser le transport en commun pour se rendre au bureau demande beaucoup de temps. Selon M. Coppin, un jour normal, cela prendrait 45 minutes pour aller au centre-ville de Hamilton, puis 20 minutes pour aller de Hamilton à Oakville, 30 à 40 minutes pour aller d’Oakville au « Square I » à Mississauga et 30 minutes pour aller du « Square I » au bureau. Le temps d’attente à chaque transfert doit être ajouté à ces périodes de déplacement.

11 Mme Gill-Conlon habite à Barrie (Ontario), qui est à 100 kilomètres du BSFTO. Elle se rend quotidiennement au travail en voiture avec son conjoint, lequel travaille aussi au BSFTO. Elle n’utilise jamais le transport en commun pour faire la navette entre Barrie et Mississauga. Elle croit qu’il n’y a pas de transport en commun direct de Barrie à Mississauga et qu’il faudrait aller à Toronto et revenir ensuite à Mississauga.

12 Un jour normal, Mme Gill-Conlon met environ une heure pour se rendre en voiture de chez elle jusqu’au BSFTO, ce qui inclut approximativement 40 minutes sur l’autoroute 400, qui est à cinq minutes de chez elle. Elle quitte habituellement la maison vers 7 h et commence à travailler entre 8 h 15 et 8 h 30.

13 Le 23 décembre 2004, Mme Gill-Conlon a quitté la maison à 6 h 30, dans la voiture de la famille. Les routes n’étaient pas déblayées; de gros flocons de neige humide tombaient, et il commençait à pleuvoir. La chaussée était extrêmement glissante. Mme Gill-Conlon a mis beaucoup de temps juste pour se rendre à l’autoroute 400. Elle a mis une heure et quinze minutes pour se rendre à la deuxième sortie sur l’autoroute 400, ce qui prend normalement 10 à 15 minutes. La circulation était très lente, et de nombreux véhicules étaient hors de la route. Mme Gill-Conlon a témoigné que c’étaient les pires conditions qu’elle ait vues dans les trois années depuis lesquelles elle faisait la navette entre Barrie et Mississauga. Elle avait estimé que c’était dangereux ou trop risqué de continuer et était retournée chez elle. En arrivant à la maison, elle avait appelé au bureau pour aviser son superviseur qu’elle n’irait pas travailler à cause du mauvais temps.

14 Lors du contre-interrogatoire, Mme Gill-Conlon a témoigné qu’elle et son conjoint sont propriétaires d’une camionnette. Elle a déclaré qu’ils n’utilisent jamais la camionnette pour faire le trajet régulier. Mme Hayter a toutefois témoigné qu’elle a vu Mme Gill-Conlon et son conjoint venir travailler en camionnette deux ou trois fois par semaine. Pour Mme Gill-Conlon, utiliser la camionnette le matin du 23 décembre 2004 n’aurait rien changé parce que les routes étaient glissantes et dangereuses.

15 Les bulletins météorologiques présentés en preuve étayaient le témoignage de M. Coppin sur les conditions météorologiques à Dundas le 23 décembre 2004. Le témoignage de Mme Gill-Conlon était en grande partie confirmé par un courriel du directeur du bureau de services fiscaux de Barrie, qui écrivait ceci à Mme Hayter le 4 janvier 2005 :

[Traduction]

Lynda — le bureau n’était pas fermé le 23. Les conditions d’enneigement dans la région de Barrie et aux alentours étaient bien mauvaises. Plusieurs membres de notre personnel n’ont pu se présenter au travail étant donné l’endroit où ils habitent. On a traité tous ces cas en se basant sur le principe de l’effort raisonnable.

J’ai personnellement pris un jour de congé annuel, car j’avais décidé tôt le matin de ne pas tenter de me rendre au travail. Jusqu’à 9 h à peu près, j’ai dégagé l’allée à la pelle, ce qui m’a demandé deux heures, puis il m’a fallu répéter cette opération vers 13 h.

[…]

16 Lorsque M. Coppin et Mme Gill-Conlon sont allés travailler le 24 décembre 2004, ils ont tous les deux demandé un congé payé pour d’autres motifs. L’employeur a rejeté les deux demandes, considérant que les fonctionnaires n’avaient pas fait un effort raisonnable pour se rendre au travail. L’employeur a décidé d’accorder plutôt un congé annuel aux fonctionnaires même s’ils ne l’avaient pas demandé.

17 Le BSFTO a une politique écrite officielle sur les conditions météorologiques extrêmes. D’après cette politique, on s’attend à ce que les employés fassent un effort raisonnable pour se présenter à leur lieu de travail. Cette politique dit que le critère généralement utilisé pour établir qu’un employé devrait pouvoir se rendre au travail est que le système de transport en commun fonctionne. Dans le cas des employés qui vivent dans des régions éloignées où le transport en commun est inexistant ou peu fréquent, le caractère raisonnable des efforts de l’employé pour se rendre au travail sera le facteur déterminant dans l’octroi du congé. Le lieu de résidence sera également pris en considération.

18 Le 23 décembre 2004, plusieurs employés ne sont pas allés travailler au BSFTO à cause du mauvais temps. Ces employés, sauf M. Coppin et Mme Gill-Conlon, ont demandé un congé annuel pour l’absence du travail. Mme Gill-Conlon a admis que son conjoint avait demandé un congé annuel. Le 23 décembre 2004, le BSFTO est resté ouvert toute la journée et n’a pas fermé plus tôt. En outre, le système de transport en commun fonctionnait.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour les fonctionnaires

19 Les fonctionnaires ont argué que l’employeur aurait dû leur accorder le congé payé selon la clause 54.01a) de la convention collective pour leurs absences du 23 décembre 2004. La preuve qui a été produite montrait que les conditions météorologiques étaient particulièrement mauvaises ce jour-là. Les deux fonctionnaires ont fait des efforts raisonnables pour se rendre au travail mais en ont été empêchés par la tempête. La décision de rejeter la demande de congé payé des fonctionnaires était déraisonnable.

20 Dans le cas des tempêtes de neige, l’employeur doit examiner la situation propre à l’employé et déterminer si celui-ci a fait des efforts raisonnables pour se présenter au travail. Telle n’est pas la manière dont l’employeur a procédé. L’employeur a plutôt décidé de rejeter les demandes parce que le système de transport en commun fonctionnait.

21 Il n’est pas contesté que les conditions météorologiques étaient mauvaises le 23 décembre 2004. Dans ces mauvaises conditions, les deux employés se sont efforcés d’aller travailler. M. Coppin n’a pu sortir de sa rue parce que cette dernière n’a été déneigée qu’à 14 h 30. Mme Gill-Conlon a conduit pendant plus d’une heure et a décidé de rentrer parce que les routes étaient trop dangereuses. Les deux employés ont téléphoné au bureau quand ils ont constaté qu’ils ne pourraient pas se rendre au travail.

22 Les fonctionnaires ont cité la jurisprudence suivante : Cloutier et al. c. Conseil du Trésor (Agriculture Canada), dossiers de la CRTFP 166-02-21838 à 21840 (19920721) et Colp et Bunch c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), dossiers de la CRTFP 166-02-23215 et 23216 (19930803).

B. Pour l’employeur

23 L’employeur a argué qu’il avait agi raisonnablement en refusant d’accorder aux fonctionnaires le congé payé qu’ils demandaient pour leurs absences du 23 décembre 2004. La preuve a révélé que les fonctionnaires n’avaient pas fait un effort raisonnable pour se rendre au travail ce jour-là. En examinant les faits ainsi que les efforts des fonctionnaires, l’employeur a décidé de refuser les congés demandés et d’approuver plutôt un congé annuel.

24 Le matin du 23 décembre 2004, M. Coppin n’a pas essayé de quitter la maison plus tôt que d’habitude, alors qu’il savait que les prévisions météorologiques pour la journée n’étaient pas bonnes. De plus, il avait laissé son véhicule stationné dans la rue pendant la nuit.

25 M. Coppin ne s’est nullement efforcé d’utiliser le transport en commun. Il n’a pas produit de preuve que le système de transport en commun ne fonctionnait pas. Il n’a pas cherché d’autres façons de se rendre au travail ce jour-là.

26 Bien que M. Coppin ait parlé avec son superviseur le matin du 23 décembre 2004, il n’y a pas eu de discussion quant au type de congé qui lui serait accordé. Le superviseur a simplement pris note de l’information de M. Coppin selon laquelle celui-ci ne viendrait pas travailler.

27 Mme Gill-Conlon s’est efforcée de se rendre au travail tôt dans la matinée, ce pourquoi l’employeur a modifié sa décision de rejeter sa demande et a décidé de lui accorder deux heures et demie de congé payé selon la clause 54.01a) de la convention collective. Toutefois, après être rentrée vers 9 h, elle n’a pas fait d’effort pour aller travailler. Elle n’a pas cherché à savoir si le système de transport en commun fonctionnait.

28 Mme Gill-Conlon avait accès ce matin-là à une camionnette à quatre roues motrices, mais elle a décidé de prendre sa voiture. Si elle avait pris la camionnette, il lui aurait été plus facile d’atteindre le bureau. De plus, son conjoint, qui voyageait avec elle ce matin-là, a demandé un congé annuel et non un congé pour d’autres motifs.

29 L’employeur a cité la jurisprudence suivante : Strickland c. Conseil du Trésor (Commission de la capitale nationale), dossier de la CRTFP 166-02-14697 (19850215).

IV. Motifs

30 En l’espèce, les fonctionnaires doivent prouver que l’employeur n’a pas agi de façon raisonnable dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, c’est-à-dire en rejetant leurs demandes de congé.

31 Le 23 décembre 2004, il y avait une tempête à Dundas et à Barrie, et les conditions météorologiques à Mississauga n’étaient pas très bonnes non plus. Ce jour-là, certains employés sont allés travailler, et d’autres ont téléphoné au bureau pour signaler qu’ils resteraient à la maison à cause du mauvais temps. Tous ces employés, sauf les fonctionnaires, ont demandé un congé annuel pour couvrir la durée de leurs absences. En outre, le BSFTO est resté ouvert toute la journée. On n’a produit aucune preuve indiquant que le système de transport en commun ne fonctionnait pas.

32 Le fait que le système de transport en commun fonctionnait, que le bureau était resté ouvert et que tous les employés en question sauf les fonctionnaires ont demandé un congé annuel pour cette journée-là ne permet pas de conclure que l’employeur a agi de manière raisonnable dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. Peut-être que ce n’était pas réaliste ou possible que les fonctionnaires utilisent le transport en commun cette journée-là. Il se peut également que les conditions météorologiques n’aient pas été assez mauvaises pour fermer le bureau à Mississauga et qu’elles aient par contre été assez mauvaises pour empêcher quelqu’un d’effectuer le trajet régulier avec son véhicule à partir de Dundas ou de Barrie. Concernant les autres employés qui ont demandé un congé annuel pour cette journée-là, c’était leur choix, et les fonctionnaires ne devraient pas être pénalisés parce que leur propre choix a été différent. De plus, les droits des fonctionnaires ne devraient pas être limités par l’interprétation de la convention collective donnée par d’autres employés. Le fait que d’autres employés n’aient pas demandé un congé payé pour d’autres motifs ne peut en soi servir à nier les droits des fonctionnaires.

33 Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, l’employeur doit examiner séparément chaque demande ainsi que la série de faits afférents, et sa décision doit être basée sur le bien-fondé de chaque demande. Il n’y a pas de mal à ce que l’employeur élabore une politique pour gérer les demandes de congé après une tempête de neige, mais cette politique doit être appliquée avec une certaine souplesse dans l’évaluation des faits relatifs à chaque demande, étant donné que le facteur clé est de savoir si l’employé a été empêché de se présenter au travail par des circonstances qui ne lui étaient pas directement imputables.

34 Vers 7 h le 23 décembre 2004, M. Coppin a essayé d’utiliser son véhicule qui était dans sa rue. Il a témoigné que le véhicule ne bougeait pas parce qu’il y avait trop de neige et que c’était très glissant. Que le véhicule ait été stationné dans la rue et non dans l’allée de M. Coppin, cela n’importe pas; la rue n’était pas déneigée et ne l’a été qu’à 14 h 30. M. Coppin aurait pu réessayer de déplacer le véhicule toutes les demi-heures, toutes les heures ou toutes les deux heures, mais le résultat aurait été le même, puisque les précipitations ont continué après 7 h cette journée-là et que la rue n’a été déblayée qu’à 14 h 30.

35 Me fondant sur la preuve qui a été présentée, je ne peux déterminer si le système de transport en commun fonctionnait de Dundas à Mississauga cette journée-là. Même si le système fonctionnait, M. Coppin aurait eu à parcourir à pied 750 mètres dans 20 centimètres de neige pour arriver à l’arrêt d’autobus le plus près. Vu le gros effort physique nécessaire pour une telle marche pendant une tempête de neige et étant donné que la rue aurait pu être déblayée n’importe quand, je ne considère pas comme déraisonnable que M. Coppin ne se soit pas rendu à l’arrêt d’autobus à pied ce matin-là. À 14 h 30, après que sa rue eut été déneigée, M. Coppin aurait pu chercher à savoir si le système de transport en commun fonctionnait. Toutefois, si le système fonctionnait, je conclus que M. Coppin ne serait pas arrivé au bureau avant la fin de ses heures de travail, dans la mesure où je prends en compte la durée de la marche jusqu’à l’arrêt d’autobus le plus proche, ainsi que le temps de déplacement et le temps d’attente entre les transferts. Après 14 h 30, M. Coppin aurait pu sortir de sa rue avec son véhicule et aurait peut-être pu atteindre le bureau pour 16 h. Je ne pense pas que c’était déraisonnable de sa part de ne pas conduire jusqu’à Mississauga pour une heure de travail étant donné qu’il y avait de la pluie verglaçante à Mississauga l’après-midi en question.

36 Je conclus que M. Coppin a fait des efforts raisonnables pour se rendre au travail le 23 décembre 2004 et que ses efforts ont été vains à cause des conditions météorologiques particulièrement mauvaises. L’employeur a agi de manière déraisonnable en refusant d’accorder à M. Coppin le congé payé qu’il avait demandé pour son absence en vertu de la clause 54.01a) de la convention collective.

37 Mme Gill-Conlon effectue quotidiennement le trajet entre Barrie et Mississauga, soit 200 kilomètres aller-retour. Elle était partie de chez elle plus tôt que d’habitude le 23 décembre 2004. Ce jour-là, elle a conduit pendant plus d’une heure et est ensuite rentrée. La chaussée était extrêmement glissante, et de nombreux véhicules étaient hors de la route.

38 Dans un courriel envoyé à Mme Hayter, le directeur du bureau de services fiscaux de Barrie a confirmé que les conditions météorologiques étaient mauvaises à Barrie le 23 décembre 2004. Plusieurs employés n’ont pu se rendre au bureau. Le directeur lui-même n’est pas allé travailler. Il lui a fallu deux heures pour pelleter la neige dans la matinée et il a dû répéter l’opération vers 13 h. C’est une indication que la neige a continué à tomber après que Mme Gill-Conlon eut tenté de se rendre au bureau en voiture pendant la matinée.

39 Mme Gill-Conlon m’a convaincu que, le 23 décembre 2004, elle n’aurait pu en toute sécurité se rendre en voiture de Barrie à Mississauga. Son court trajet sur l’autoroute 400 ce matin-là lui a pris plus d’une heure. Elle a fait un effort raisonnable pour se rendre au travail mais en a été empêchée par les mauvaises conditions météorologiques. Elle a témoigné qu’il n’y aurait pas eu de différence si elle avait pris sa camionnette ce matin-là. Je crois que c’est ce qu’elle pensait et je n’ai aucune raison d’arriver à une conclusion différente. Pourquoi aurait-elle mis sa sécurité en péril ce matin-là en utilisant son automobile plutôt que sa camionnette si c’était plus prudent d’utiliser la camionnette? Quel que soit le véhicule utilisé, une chaussée qui est glissante demeure glissante.

40 Mme Gill-Conlon n’a jamais utilisé le transport en commun pour faire la navette entre Barrie et Mississauga. Elle croit que le service n’existe pas. On n’a présenté à l’audience aucune preuve me permettant de conclure que Mme Gill-Conlon se trompe. Manifestement, si elle croyait qu’il n’y avait pas de service de transport en commun, c’était normal qu’elle n’essaie pas de l’utiliser le 23 décembre 2004.

41 L’employeur a produit une preuve selon laquelle d’autres employés du BSFTO ne sont pas allés travailler à cause des conditions météorologiques le 23 décembre 2004 et ont demandé un congé annuel. Ce n’est pas pertinent, car chaque cas doit être l’objet d’un examen sur le fond. Peut-être que d’autres employés ne savaient pas qu’ils pourraient se voir accorder un congé payé pour d’autres motifs quand ils ont été empêchés de se rendre au travail. Et la plupart des employés habitent probablement plus près du bureau que M. Coppin ou Mme Gill-Conlon. En ce qui concerne le conjoint de Mme Gill-Conlon, je ne sais pas pourquoi il n’a pas demandé un congé payé pour d’autres motifs au lieu d’un congé annuel. Vu l’absence d’une preuve expliquant ce choix du conjoint, cette question n’est pas pertinente aux fins de ma décision.

42 Mme Gill-Conlon a fait tous les efforts raisonnables pour se rendre au travail le 23 décembre 2004 et en a été empêchée par les mauvaises conditions météorologiques. L’employeur a été déraisonnable en refusant de lui accorder un congé payé pour son absence en vertu de la clause 54.01a) de la convention collective.

43 Les cas qui nous occupent sont différents de Strickland, que l’employeur a cité à l’appui de son argumentation. Dans Strickland, on avait présenté à l’arbitre de grief des témoignages contradictoires sur l’effet et la violence d’une tempête de neige. L’arbitre de grief a choisi de croire une personne représentant le ministère des Transports, laquelle personne a témoigné que les routes étaient praticables même si la chaussée était mouillée et qu’il y avait de la neige fondue. De plus, l’arbitre de grief a mis en doute la valeur d’autres éléments du témoignage du fonctionnaire s’estimant lésé concernant ce qui était arrivé le matin où il n’était pas allé travailler. En l’espèce, l’employeur n’a produit aucune preuve qui contredise la description que les fonctionnaires ont donnée des conditions météorologiques et des conditions routières le 23 décembre 2004. En outre, je crois les témoignages des fonctionnaires sur les efforts qu’ils ont faits et sur la situation avec laquelle ils ont dû composer quand ils ont essayé de se rendre au travail le 23 décembre 2004.

44 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

45 Le grief de M. Coppin est accueilli, et l’employeur devra porter au crédit du solde de congés annuels de M. Coppin le nombre d’heures de congé annuel qu’il a déduit pour l’absence du 23 décembre 2004.

46 Le grief de Mme Gill-Conlon est accueilli, et l’employeur devra porter au crédit du solde de congés annuels de Mme Gill-Conlon le nombre d’heures de congé annuel qu’il a déduit pour l’absence du 23 décembre 2004.

Le 30 juin 2009.

Traduction de la CRTFP

Renaud Paquet,
arbitre de grief

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