Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L'employeur s'est opposé au redressement demandé dans le grief - l'arbitre a autorisé une modification au redressement, car l'employeur n'était pas surpris par la demande - la fonctionnaire s'estimant lésée avait eu des absences répétées dans le passé et, au moment de l'incident en question, son solde de congés de maladie était négatif - elle a été réprimandée pour avoir pris des congés annuels dépassant ses crédits accumulés, et on lui a dit qu'elle devrait à l'avenir présenter des certificats médicaux justifiant ses absences - l'employeur était principalement préoccupé par son utilisation excessive des congés, même s'il savait qu'elle avait des problèmes de santé importants et qu'il ne suspectait ou n'alléguait pas qu'elle faisait un usage inapproprié ou abusif de ses congés de maladie - peu de temps après, la fonctionnaire s'estimant lésée a appelé l'employeur pour l'informer qu'elle serait absente du travail, et on lui a dit qu'elle devrait présenter un certificat médical à son retour au travail - elle n'a pas présenté de certificat médical et s'est vu imposer une sanction pécuniaire de 160$ - l'ordre était justifié par la convention collective, qui prévoyait que l'employeur pouvait exiger un certificat médical s'il observait une <<tendance dans la prise des congés de maladie>> - l'employeur doit être capable d'examiner les raisons des absences en cas d'utilisation excessive des congés - l'ordre de présenter un certificat médical n'était pas illégitime - la fonctionnaire s'estimant lésée a omis de se conformer à un ordre légitime - la mesure disciplinaire imposée était appropriée et raisonnable. Le grief est rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2009-06-12
  • Dossier:  566-02-2350
  • Référence:  2009 CRTFP 75

Devant un arbitre de grief


ENTRE

LAURIANNE BENCHARSKI

fonctionnaire s'estimant lésée

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
Service correctionnel du Canada)

défendeur

Répertorié
Bencharski c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
George Filliter, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Jessie Caron, Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada — CSN

Pour le défendeur:
Chris Bernier, avocat, Eve Roquebrune, conseillère en relations de travail

Affaire entendue à Saskatoon (Saskatchewan),
du 5 au 8 mai 2009
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Laurianne Bencharski, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), est agente correctionnelle au Service correctionnel du Canada (l’« employeur »). Elle travaille à l’établissement pénitentiaire Saskatchewan (l’« établissement pénitentiaire ») situé à Prince Albert (Saskatchewan), depuis 1997. Elle a des antécédents d’absences répétées du travail. Le 30 mai 2008, l’employeur lui a imposé une sanction pécuniaire de 160 $ parce qu’elle n’avait pas fourni de certificat médical pour justifier son absence. La fonctionnaire a déposé un grief parce qu’elle estimait, pour diverses raisons qui seront expliquées plus loin, que cette sanction était injustifiée.

II. Questions préliminaires

A. Objection de l’employeur à ma compétence

2 Dans le grief, la fonctionnaire fait référence au Comité de gestion des présences et d’assiduité au travail (CGPAT). Les parties ont convenu que le CGPAT avait été créé aux termes du Programme de gestion des présences et d’assiduité au travail dans la région des Prairies (PGPAT). Le PGPAT est le fruit d’un effort concerté de l’employeur et de l’Union of Canadian Correctional Officers — Syndicat des agents correctionnels du Canada (l’« agent négociateur ») dans la région des Prairies. Un document décrivant le programme a été publié en janvier 2007.

3 Il ressort de la preuve que l’établissement pénitentiaire a constitué un CGPAT à un moment donné, mais les témoins entendus ne s’entendaient pas sur la question de savoir si ce comité existait quand la fonctionnaire a déposé son grief. Jason Layman, agent correctionnel à l’établissement pénitentiaire, a témoigné pour le compte de la fonctionnaire. Il avait occupé divers postes au sein de la section locale de l’agent négociateur et il était convaincu que le CGPAT existait à ce moment-là. Jason Hope, qui a été nommé directeur de l’établissement pénitentiaire en février 2008, a déclaré qu’il n’y avait pas de CGPAT à son arrivée à l’établissement pénitentiaire. Il a ajouté qu’il avait eu une discussion avec des dirigeants de l’agent négociateur à propos de la nomination de leurs représentants au CGPAT. M. Layman a confirmé qu’il n’avait pas participé à ces discussions puisqu’il avait quitté son poste de président de la section locale de l’agent négociateur en janvier 2008.

4 J’estime que, s’il y avait un CGPAT en place, il était tombé en désuétude par manque d’activité ou pour d’autres raisons, mais, quoi qu’il en soit, ce comité n’existait pas à l’établissement pénitentiaire quand la fonctionnaire a déposé son grief, le 30 mai 2008.

5 Après s’être opposé à ce que la fonctionnaire fasse référence au CGPAT dans son grief l’employeur a soutenu que je n’avais pas compétence pour interpréter ou examiner l’affaire, vu que le PGPAT ne faisait pas partie intégrante de la convention collective ou qu’il n’y avait pas été incorporé d’une autre façon. La convention collective en question est la « Convention entre le Conseil du Trésor et l’Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN », qui expire le 31 mai 2010. Au début de l’audience, l’avocat de l’employeur a étoffé sa position et indiqué que c’était en réalité la mesure corrective demandée par la fonctionnaire qui lui causait un problème.

6 Le grief est libellé comme suit :

[Traduction]

Détails du grief

Depuis le 30 décembre 2007, l’employeur m’impose constamment des mesures disciplinaires pour mes absences imprévues. Contrairement à ce que prévoit le Programme de gestion des présences et d’assiduité au travail qui s’applique aux agents correctionnels de la région des Prairies, je suis constamment obligée de justifier mes absences à divers superviseurs alors que j’ai déjà répondu aux questions de mes superviseurs correctionnels à ce propos. Ces superviseurs m’ont imposé des mesures disciplinaires et ont limité l’utilisation de mes congés sans soumettre d’abord mon dossier au « Comité de gestion des congés et d’assiduité au travail (CGPAT) ». Les renseignements que je leur ai fournis de vive voix et par écrit sont consignés dans leurs notes, lesquelles peuvent être consultées par un grand nombre de membres du personnel. Cela est également contraire à ce que prévoit le Programme de gestion des présences et d’assiduité au travail.

Mesure corrective demandée

1. Que toutes les mesures disciplinaires qui m’ont été imposées relativement à l’utilisation de mes congés soient retirées de mon dossier et que le montant de la sanction pécuniaire que j’ai été obligée de payer me soit remboursé.

2. Que tous les renseignements concernant mes congés soient supprimés des notes des superviseurs correctionnels et versés à mon dossier de congés (s’il y a lieu) aux RH, conformément aux Lignes directrices sur l’assiduité au travail.

3. Que les autres superviseurs correctionnels soient avisés que je me suis acquittée de mes obligations à titre d’employée aux termes du protocole d’assiduité au travail pour ce qui est d’expliquer mes absences à mon superviseur correctionnel et qu’ils n’ont désormais plus le droit de contrôler l’utilisation de mes congés de cette manière.

4. Si des mesures doivent être prises contre moi concernant l’utilisation de mes congés, que je sois convoquée devant le Comité de gestion des congés et d’assiduité au travail à l’avenir.

5. Avant que toute mesure soit prise contre moi à propos de l’utilisation de mes congés, je désire être entendue par le (CGPAT).

7 L’avocat de l’employeur soutient notamment que je ne suis pas compétent pour rendre les ordonnances demandées aux paragraphes 3 à 5 du grief de la fonctionnaire. Il avance également que les neuf derniers mots du paragraphe 2 m’empêchent aussi d’exercer ma compétence.

8 L’avocate de la fonctionnaire a proposé de modifier le grief en supprimant les paragraphes 3 à 5, ainsi que les neuf derniers mots du paragraphe 2. Même si l’avocat de l’employeur voulait faire consigner au dossier qu’il s’opposait à cette modification, j’ai accueilli la requête.

9 En rendant cette décision, j’ai rappelé aux parties que, ayant parcouru le grief, il me paraissait porter essentiellement sur une mesure disciplinaire imposée par l’employeur, ce que l’avocate de la fonctionnaire a confirmé. Il s’ensuit que l’employeur ne pouvait pas être étonné par la requête et je dois dire que dans les faits il n’a pas paru étonné.

10 Il s’ensuit que la mesure corrective demandée dans le grief a été modifiée comme suit :

[Traduction]

1. Que toutes les mesures disciplinaires qui m’ont été imposées relativement à l’utilisation de mes congés soient retirées de mon dossier et que le montant de la sanction pécuniaire que j’ai été obligée de payer me soit remboursé.

2. Que tous les renseignements concernant mes congés soient supprimés des notes des superviseurs correctionnels et versés à mon dossier de congés (s’il y a lieu) aux RH.

11 Après que cette modification eut été apportée et que l’avocate de la fonctionnaire eut indiqué que le PGPAT serait seulement appliqué comme moyen de défense à la mesure disciplinaire imposée, sans prétendre qu’il faisait partie intégrante de la convention collective, l’objection préliminaire de l’employeur est devenue sans objet. J’ai donc avisé les parties que je ne rendrais pas de décision sur la question de savoir si le PGPAT avait été incorporé dans la convention collective, ni n’interpréterais autrement le PGPAT. De plus, comme nous le verrons plus loin dans la présente décision, j’ai déterminé que toutes les mentions du PGPAT et du CGPAT contenues dans le grief de la fonctionnaire étaient dénuées de pertinence.

B. Question à trancher

12 La question peut être énoncée simplement. La mesure disciplinaire que l’employeur a imposée à la fonctionnaire était-elle raisonnable? Le pouvoir de trancher le grief m’est conféré par le paragraphe 209(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, qui dit ceci :

          209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

[…]

          b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

[…]

C. Dispositions pertinentes de la convention collective

13 L’une et l’autre partie ont convenu que les dispositions pertinentes de la convention collective sont les clauses 31.02 et 31.03, qui sont libellées comme suit :

31.02  L'employé-e bénéficie d'un congé de maladie payé lorsqu'il est incapable d'exercer ses fonctions en raison d'une maladie ou d'une blessure, à la condition :

          a)       qu'il puisse convaincre l'Employeur de son état de la façon et au moment que ce dernier détermine,

                   et

          b)       qu'il ait les crédits de congé de maladie nécessaires.

31.03  Une déclaration signée par l'employé-e indiquant que, par suite de maladie ou de blessure, il a été incapable d'exercer ses fonctions, est considérée, une fois remise au [sic] l'Employeur comme satisfaisant aux exigences de l'alinéa 31.02a). Cependant, l'Employeur peut demander un certificat médical à l'employé-e pour qui il a été noté une tendance dans la prise de ses congés de maladie.

III. Position de l’employeur

14 L’employeur a défendu la position selon laquelle la mesure disciplinaire était raisonnable. L’avocat de l’employeur a avancé l’argument selon lequel mon pouvoir se limitait à déterminer si la sanction disciplinaire était juste et raisonnable (voir Paradis c. le Conseil du Trésor (Revenu Canada, Douanes et accise), dossier de la CRTFP 166-02-14626 (19850613)) et que l’arbitre de grief ne doit pas intervenir pour modifier une mesure disciplinaire qui n’est ni excessive ni déraisonnable (voir Russell c. le Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 166-02-22980 (19930621)).

15 L’avocat de l’employeur m’a rappelé que l’employeur a la charge d’établir que la mesure disciplinaire imposée était raisonnable selon les circonstances du dossier (voir Tobin c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2007 CRTFP 26). Dans ce cas-ci, la fonctionnaire avait reçu la consigne légitime et claire de fournir un certificat médical le premier jour de son retour au travail après un congé de maladie. La consigne avait été donnée à l’issue d’une réunion disciplinaire, à la fin de février 2008, qui s’était soldée par une réprimande écrite, le 19 mars 2008. Le superviseur responsable avait réitéré la consigne le 9 mai 2008, lorsque la fonctionnaire avait téléphoné pour dire qu’elle était malade.

16 L’employeur a soutenu que le pouvoir de donner la consigne en question lui était conféré par les clauses 31.02 et 31.03 de la convention collective et que la consigne était raisonnable et justifiée au vu des absences répétées de la fonctionnaire. Il a également défendu la position selon laquelle la sanction pécuniaire constituait l’étape suivante dans la gradation des mesures disciplinaires, que cette mesure était justifiée dans ce cas-là et qu’elle était autorisée par l’Entente globale entre Service correctionnel du Canada (CSC) et the Union of Canadian Correctional Officers — Syndicat des agents correctionnels du Canada — CSN (UCCO-SACC-CSN) (l’« entente »).

17 L'employeur a déclaré qu’il existait un principe bien établi en droit selon lequel l’arbitre de grief ne doit pas modifier une sanction disciplinaire uniquement pour des raisons humanitaires, ni substituer son jugement à celui de l'employeur (voir Miller c. le Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), dossier de la CRTFP 166-02-13697 (19830222)).

IV. Position de la fonctionnaire

18 La fonctionnaire défend la position selon laquelle la mesure disciplinaire qui lui a été imposée, en l’occurrence la sanction pécuniaire de 160 $, n’était pas raisonnable au vu des faits de l’affaire. Elle a admis qu’elle avait reçu une consigne ou une directive à l’issue d’une réunion disciplinaire, en février 2008, qui s’était soldée par une réprimande écrite. La consigne était qu’elle devait désormais fournir un certificat médical le premier jour de son retour au travail après un congé de maladie. Elle a admis qu’un superviseur lui avait rappelé cette consigne, le 9 mai 2008, lorsqu’elle avait appelé pour dire qu’elle était malade. J’ajouterai ici que la fonctionnaire n’a pas contesté le fait que la consigne lui avait été donnée par une personne responsable et qu’elle lui avait été clairement communiquée.

19 La fonctionnaire a néanmoins défendu la position selon laquelle la consigne n’était pas légitime, d’abord parce qu’il est impossible d’obéir dans toutes les circonstances, comme dans celles de la présente affaire. C’est donc à dire que la consigne ne peut pas être considérée comme légitime. Ensuite, l’employeur n’a pas établi qu’il avait le pouvoir, aux termes de la convention collective, de l’obliger à fournir un certificat médical pour justifier ses congés de maladie puisqu’il n’a pas prouvé qu’il avait noté une « tendance ».

20 L’avocate de la fonctionnaire a expressément relevé que l’employeur ne pouvait pas s’appuyer uniquement sur des données en disant qu’il s’agissait d’une « utilisation excessive de congés » pour établir l’existence d’une « tendance » au sens de la convention collective. Pour établir qu’il y a une « tendance », il doit y avoir un comportement qui ressort et cela ne peut être prouvé qu’après avoir rencontré la fonctionnaire pour discuter des raisons de ses absences. Selon l’avocate de la fonctionnaire [traduction] « […] on ne peut pas établir l’existence d’une tendance à partir de données seulement ».

21 En dernier lieu, la fonctionnaire a mis en doute le caractère progressif de la sanction pécuniaire. Dans ses observations, l’avocate de la fonctionnaire a noté que la réprimande écrite remise à la fonctionnaire, le 19 mars 2008, concernait le fait qu’elle avait pris 2,862 heures de congé annuel sans avoir les crédits nécessaires. La mesure disciplinaire imposée le 30 mai 2008 par suite de l’incident du 9 mai 2008, tenait au fait qu’elle n’avait pas obéi à la consigne de son superviseur de fournir un certificat médical le premier jour de son retour au travail après un congé de maladie.

V. Circonstances ayant donné lieu à l’imposition de la sanction pécuniaire

22 L’employeur a appelé M. Hope, Glen Frank, gestionnaire correctionnel, qui travaille à l’établissement pénitentiaire depuis 2007, et Grant Fowler, gestionnaire correctionnel des opérations, qui travaille à l’établissement pénitentiaire depuis 1998. La fonctionnaire et M. Layman ont aussi témoigné.

23 La section de l’établissement pénitentiaire dite à sécurité maximale se compose de deux unités, les unités 6 et 7, qui accueillent environ 200 détenus. La section dite à sécurité moyenne accueille pour sa part quelque 536 détenus.

24 La fonctionnaire est arrivée à l’établissement pénitentiaire en 1997. Elle travaille dans la section dite à sécurité maximale depuis 1999. Elle a déclaré qu’elle s’était séparée de son époux après 13 ans de mariage, en 2005, et qu’elle était alors devenue parent unique de deux jeunes enfants. Elle résidait, à ce moment-là, à une cinquante de kilomètres de l'établissement pénitentiaire, dans une région rurale où les choix étaient limités pour faire garder des enfants. Cela lui occasionnait des problèmes, et c’est ainsi qu’elle avait commencé à s’absenter du travail, vu qu’elle faisait partie d’une équipe tournante.

25 En août 2006, la fonctionnaire a rencontré son superviseur immédiat, Allan Mardell, pour lui expliquer sa situation. Il lui avait conseillé de poser sa candidature à un poste « 5-2 », qui était sur le point de devenir vacant. Le poste en question comportait un horaire régulier, du lundi au vendredi exclusivement. La fonctionnaire a suivi son conseil et obtenu le poste.

26 En octobre 2006, la fonctionnaire a acheté une maison à Prince Albert. Avec l’autorisation de M. Mardell, elle a pris un congé non rémunéré du 23 octobre au 13 novembre 2006 afin de s’installer avec sa famille dans leur nouvelle demeure.

27 MM. Frank et Fowler ont confirmé que M. Fowler avait rencontré la fonctionnaire, le 24 janvier 2007, pour discuter des absences qui étaient survenues plus tôt ce mois-là. Pour être juste envers M. Fowler, je dois dire qu’il ne se rappelait pas s’il avait prononcé les mots « réprimande verbale » lors de cette discussion, mais, dans son esprit, c’est bien une réprimande verbale qu’il avait donnée à la fonctionnaire ce jour-là. La fonctionnaire a admis que la discussion avait eu lieu, mais elle a déclaré qu’elle n’avait pas perçu cela comme une réprimande verbale, car M. Fowler n’avaient pas prononcé ces mots-là.

28 En mars 2007, la fonctionnaire est tombée malade. On lui a diagnostiqué un cancer, qui l’a obligée à subir trois interventions chirurgicales entre avril et août 2007. De plus, en septembre 2007, elle a commencé une série de traitements de radiothérapie qui s’est poursuivie jusqu’en janvier 2008. La fonctionnaire a admis que peu de gens étaient au courant de ses problèmes de santé, hormis M. Mardell, à qui elle en avait parlé en toute confidence.

29 À la fin d’octobre 2007, la fonctionnaire a pris un congé de maladie jusqu’à la fin de décembre 2007 en raison des effets secondaires que lui causaient les traitements de radiothérapie. Pour justifier cette absence, elle a fourni une note du médecin spécialiste qui la soignait. À ce moment-là, ni M. Mardell ni aucun membre de la direction n’avaient remis son absence en question.

30 Le 19 mars 2008, la fonctionnaire a reçu une réprimande écrite de M. Fowler. Il y avait eu une réunion disciplinaire le 22 février 2008. La preuve a établi que la fonctionnaire ne s’était pas présentée à une réunion disciplinaire précédente qui devait avoir lieu le 14 février 2008, mais je ne vois pas en quoi cela est pertinent puisqu’il y a eu une autre réunion après.

31 La fonctionnaire a reçu cette réprimande parce qu’elle avait pris 12,5 heures de congé annuel, soit 2,862 heures de plus que ce qu’elle avait accumulé. L’avis de réunion disciplinaire et, en fait, les notes de M. Fowler indiquent que la réunion avait initialement été pour but de discuter de plusieurs jours de congé de maladie que la fonctionnaire avait apparemment utilisés sans fournir de certificat médical. Durant la réunion, la fonctionnaire a établi qu’elle avait fourni les documents nécessaires. Il ressort également du témoignage de M. Fowler qu’il s’interrogeait sur son « utilisation excessive de congés ».

32 Quoi qu’il en soit, la réprimande écrite a été remise pour les motifs que je viens d’expliquer. Elle se terminait comme ceci : [traduction] « Laurie a également été avisée qu’elle devait fournir un certificat médical le premier jour de son retour au travail après un congé de maladie ».

33 L’employeur signale que la fonctionnaire a désobéi à la consigne le 9 mai 2008, d’où la mesure disciplinaire qui est l’objet du présent grief. La fonctionnaire a admis qu’elle n’avait pas déposé de grief pour contester la réprimande.

34 Des éléments de preuve ont été produits pour établir que la fonctionnaire était souvent absente du travail. En fait, par le truchement de son avocate, la fonctionnaire a convenu qu’en date du 9 mai 2008, elle avait manqué énormément de jours de travail. Au début de l’exercice commençant le 1er avril 2008, elle avait un déficit de 198,2 heures de congés de maladie.

35 Il ne fait aucun doute dans mon esprit que c’est ce déficit qui préoccupait M. Fowler au premier chef. Le 19 mars 2008, en plus de la réprimande écrite, il a remis à la fonctionnaire une demande d’évaluation de sa capacité de travailler par Santé Canada. Dans la demande, il dressait la liste de toutes les absences de la fonctionnaire depuis 2006, y compris le congé non rémunéré qu’elle avait pris en 2006 pour emménager dans sa nouvelle demeure ainsi que les périodes où elle s’était absentée en 2007 et au début de 2008 durant sa lutte contre le cancer.

36 Il est important de noter que, partout dans la documentation et tout au long des témoignages de MM. Fowler, Frank et Hope, l’employeur faisait allusion à « l’utilisation excessive des congés » de la fonctionnaire. J’ajouterais que M. Fowler a admis qu’il s’était entretenu avec le superviseur immédiat de la fonctionnaire, M. Mardell, qui lui avait dit, sans donner de détails, que la fonctionnaire était atteinte d’une grave maladie.

37 Selon le témoignage non contesté de la fonctionnaire, M. Mardell connaissait les raisons de toutes ses absences en 2006, 2007 et 2008. Je ne dispose d’aucune preuve qui me permette de dire que M. Mardell était préoccupé par les absences répétées de la fonctionnaire, ce que je trouve assez remarquable vu qu’il était son supérieur immédiat. M. Fowler a déclaré durant son témoignage que M. Mardell l’avait généralement mis au courant des « graves problèmes de santé » de la fonctionnaire, sans toutefois révéler ce qu’elle lui avait confié en toute confidence. Malgré cela, M. Fowler a décidé de sévir contre la fonctionnaire parce qu’elle avait utilisé 2,862 heures de congé annuel sans avoir les crédits nécessaires et de demander à Santé Canada d’évaluer sa capacité de travailler.

38 La fonctionnaire avait des réserves à propos de cette demande d’évaluation. Elle avait d’abord cru qu’il s’agissait d’une mesure disciplinaire, mais elle avait finalement conclu que ce n'était pas le but visé. Durant l’audience, elle a déclaré qu’elle n’avait toujours pas donné son accord à cette évaluation.

39 Le 9 mai 2008, la journée de travail de la fonctionnaire à l’établissement pénitentiaire devait commencer à 18 h 45 et se terminer à 7 h 15 le 10 mai 2008. La fonctionnaire a déclaré que ses enfants et elle avaient éprouvé divers malaises ce jour-là, mais qu’elle espérait être en mesure de se présenter au travail. Elle avait communiqué avec le gestionnaire, M. Frank, pour obtenir quatre heures de congé pour raisons familiales et il les lui avait accordées.

40 À 17 h 50, les symptômes ne s’étaient toujours pas résorbés. La fonctionnaire a appelé de nouveau au travail et demandé à son superviseur de lui accorder 8,5 heures de congé annuel. M. Frank a refusé parce qu’elle n’avait pas donné deux jours de préavis, qu’il y avait déjà trois personnes en vacances (le nombre maximal d’absences autorisé) et que la seule façon de la remplacer était de faire travailler d’autres agents en heures supplémentaires. Si la fonctionnaire a demandé des congés annuels cette fois-là, a-t-elle expliqué à l’audience, c’est qu’elle tentait de regarnir sa banque de congés de maladie, qui était déficitaire à ce moment-là parce qu’elle avait emprunté 200 heures avec l’autorisation du directeur.

41 La fonctionnaire a également tenté de se faire remplacer par un collègue, mais en vain. Plus tard dans la soirée, elle a appelé le sous-directeur par intérim, à qui elle a fait la même demande de congé annuel, toujours sans succès. Durant la conversation, elle a mentionné que M. Frank avait déjà rejeté une demande analogue, mais qu’elle espérait que le sous-directeur par intérim accepterait de lui accorder le congé en question pour des raisons humanitaires.

42 À 21 h 30, la fonctionnaire a appelé M. Frank pour lui dire qu’elle était malade et qu’elle ne pouvait pas se présenter au travail. M. Frank lui a rappelé que, par suite de la réprimande écrite qui avait été versée à son dossier deux mois plus tôt, elle devait fournir un certificat médical le premier jour de son retour au travail. La fonctionnaire a admis qu’elle devait se conformer à cette exigence.

43 Le 10 mai 2008, la fonctionnaire était en congé annuel, mais elle avait des engagements à Regina, ce qui fait qu’elle n’a pas tenté de voir son médecin pour obtenir un certificat médical.

44 La fonctionnaire est retournée au travail le 11 mai 2008. Le 12 mai 2008, M. Frank lui a demandé ce qu’il en était du certificat médical. M. Frank a déclaré que la fonctionnaire avait répondu qu’elle en avait obtenu un, mais qu’elle l’avait laissé à la maison. La fonctionnaire a affirmé, pour sa part, qu’elle avait simplement dit qu’elle pouvait en obtenir un et que M. Frank avait déclaré que c’était inutile car c’était la veille que la note devait être remise.

45 La fonctionnaire a mis en preuve un certificat signé par son médecin et daté du 14 mai 2008, qui indique qu’elle était incapable de travailler le 9 mai 2008, pour des raisons de santé. L’employeur n’avait jamais reçu ce certificat avant la tenue de l’audience et, comme dans le cas du refus de la fonctionnaire de se soumettre à une évaluation à Santé Canada, aucune explication n’a été fournie.

46 À la suite de la réunion disciplinaire du 30 mai 2008, M. Fowler a décidé d’imposer une sanction pécuniaire de 160 $, selon le principe de la gradation des mesures disciplinaires. On m’a renvoyé à la Partie III, article III-A – Mesures disciplinaires, de l’entente globale. Dans cette disposition, je constate que les parties ont décidé d’un commun accord d’imposer des sanctions pécuniaires dans certains cas, à la place de suspensions non rémunérées.

47 De plus, une directive du Conseil du Trésor, intitulée « Lignes directrices concernant la discipline », datée du 1er avril 2005, a été produite en preuve. Il y est écrit qu’une sanction pécuniaire peut être imposée « […] lorsque ce type de sanction s'avère préférable pour des raisons financières ou pour répondre aux besoins du service […] ». En fait, il convient d’imposer une sanction pécuniaire « […] lorsqu’il s'agit d'un travail continu effectué par équipes […] ». M. Hope a déclaré que, en tant que directeur, il avait tendance à imposer des sanctions pécuniaires, plutôt que des suspensions, sauf dans les cas les plus graves. Il a expliqué qu’il agissait ainsi pour des raisons économiques et opérationnelles. La fonctionnaire n’a pas réellement contesté ce point.

VI. Motifs

48 Avant d’examiner directement la question en litige, je vais d’abord me pencher sur ce PGPAT auquel les parties font l’une et l’autre référence. Les témoignages ont porté en bonne partie sur la question de savoir s’il y avait ou s’il aurait dû y avoir un PGPAT en place à l’établissement pénitentiaire. De plus, les deux parties ont longuement débattu de ce point dans leur argumentation. J’estime pour ma part que toute cette question du PGPAT est dénuée de pertinence ou, comme je l’ai dit à l’audience, que c’est simplement un faux-fuyant. J’ai conclu qu’il n’y avait pas de CGPAT en place à l’établissement pénitentiaire durant la période pertinente, ce qui fait que même si la fonctionnaire avait été une bonne candidate pour ce programme en 2008, il n’aurait pas été possible de l’en faire bénéficier.

49 De plus, après avoir entendu les divers témoignages, il serait peut-être plus pertinent de dire que la fonctionnaire n’était pas, à mon sens, une bonne candidate pour le PGPAT en 2008. Un examen très rapide du document relatif au PGPAT révèle que les employés sont dirigés vers ce programme lorsqu’on soupçonne qu’ils font un usage inadéquat ou abusif de leurs congés. Or, je ne dispose d’aucune preuve que la fonctionnaire a fait un usage inadéquat ou abusif de ses congés ou, en fait, que la direction soupçonnait qu’elle en faisait un tel usage. La seule préoccupation qui a été formulée durant les témoignages concernait l’« utilisation excessive des congés ».

50 La fonctionnaire était-elle obligée d’obéir à la consigne écrite du 19 mars 2008 que M. Frank lui a rappelée de vive voix le 9 mai 2008? C’est en réalité la seule question que je dois trancher ici, même si la fonctionnaire affirme que c’est la légitimité de cette consigne qui doit retenir mon attention.

51 Cela dit, il m’apparaît que la consigne était justifiée aux termes des clauses 31.02 et 31.03 de la convention collective. Ces clauses signifient, selon moi, que l’employeur considérera une déclaration signée par l’employé comme une preuve suffisante « [...] à moins qu[’il ait] noté une tendance dans la prise de ses congés de maladie ». À partir de ce moment-là, rien ne l’empêche d’exiger que l’employé produise un certificat médical.

52 Dans ce cas-ci, l’employeur a constamment fait allusion à « l’utilisation excessive des congés par la fonctionnaire ». Même si la clause 31.03 de la convention collective contient le mot « tendance », je ne crois pas que cela limite les droits inhérents de la direction autant que la fonctionnaire le dit. Je conclus qu’en cas d’« utilisation excessive des congés », l’employeur doit être capable d’examiner les raisons de chaque absence. C’est un droit qu’il peut exercer pour plusieurs raisons valables, dont l’obligation de s’assurer que le lieu de travail est sûr pour le travailleur et pour le reste de l’effectif.

53 Une chose est sûre c’est que dans les cas où un employé s’absente du travail au-delà de quelques jours, il est tout à fait approprié d’exiger qu’il produise un certificat médical le jour de son retour au travail. Mais qu’en est-il d’une situation comme celle qui nous occupe ici, où l’employé est en congé de maladie seulement pendant une partie de son poste de travail? Est-ce à dire que, dans un tel cas, l’employé doit consulter un médecin pour obtenir un certificat au lieu de rester à la maison et de se reposer? La réponse à cette question est oui, mais c’est là l’objet du principe généralement reconnu en droit du travail qui dit qu’il faut « obéir d’abord et contester ensuite ». Dans ce cas-ci, la fonctionnaire aurait dû obtenir un certificat médical comme la consigne l’exigeait et le remettre à l’employeur. Si le certificat n’avait pas été accepté, l’employeur aurait pu soit imposer une mesure disciplinaire, soit offrir un autre type de congé à la fonctionnaire. Dans l’un et l’autre cas, la fonctionnaire aurait pu déposer un grief qui aurait été traité conformément à la procédure établie.

54 En ce qui concerne la prétention de la fonctionnaire que la consigne était illégitime, je ne suis pas convaincu que cet argument soit fondé dans ce cas-ci. Je me suis penché sur l’un des aspects de cette prétention au paragraphe 52 de la présente décision, mais pour ce qui est de l’allégation que la consigne ne pouvait pas être respectée parce qu’il n’est pas toujours possible d’obtenir un rendez-vous avec un médecin après une courte absence, cet argument doit être examiné au cas par cas. Dans l’affaire qui nous occupe, la fonctionnaire était en congé annuel le lendemain de son absence et la seule preuve qui m’a été présentée pour expliquer qu’elle n’avait pas tenté d’avoir une consultation avec son médecin est qu’elle avait des engagements à Regina. Si tel était le cas, la fonctionnaire aurait dû fournir le certificat médical qu’elle a obtenu quelques jours plus tard et expliquer la situation à l’employeur. Si la réponse de l’employeur ne lui avait pas convenu, elle aurait pu décider de déposer un grief à ce moment-là.

55 Je conclus expressément que la fonctionnaire n’a pas obéi à la consigne de l’employeur de fournir un certificat médical le premier jour de son retour au travail. Elle aurait dû lui fournir le certificat médical qu’elle a obtenu quatre jours après son retour au travail et déposer un grief s’il avait été refusé.

56 Voilà une situation qui témoigne d’un manque de communication entre les parties et qui, à mon humble avis, n’aurait jamais dû se rendre jusqu’à l’arbitrage. En utilisant le mot « communication », j’insiste tout particulièrement sur le fait que communiquer ne veut pas simplement dire exposer sa position. Il me revient souvent à l’esprit qu’on a tous une bouche et deux oreilles et qu’il y a probablement une très bonne raison à cela. Pour communiquer, il faut savoir écouter aussi bien que parler.

57 Les gestionnaires, MM. Fowler et Frank, n’ont pas communiqué avec la fonctionnaire et ne lui ont pas demandé de fournir des explications avant de s’engager dans le processus disciplinaire. De plus, ils n’ont pas écouté le superviseur immédiat de la fonctionnaire, M. Mardell, qui connaissait les raisons de la plupart des absences qu’ils jugeaient « excessives ». M. Mardell aurait vraisemblablement expliqué à M. Fowler que la fonctionnaire avait de bonnes raisons de s’absenter si souvent, et il aurait pu lui donner cette information sans révéler de confidences. S’il y avait eu de bonnes communications, l’approche utilisée aurait été entièrement différente.

58 La fonctionnaire n’a rien fait non plus pour s’aider; on peut même dire qu’à certains égards, elle a été l’artisan de son propre malheur, du moins en ce qui concerne la mesure disciplinaire qui lui a été imposée. Elle aurait pu et elle aurait dû fournir à son superviseur le certificat médical qu’elle a obtenu le 14 mai 2008. De plus, elle a eu toutes les occasions possibles de dire à M. Fowler, sans s’étendre inutilement sur ses problèmes de santé, qu’elle avait de bonnes raisons de s’absenter du travail et que son superviseur immédiat n’y voyait aucune objection. Cette discussion aurait pu avoir lieu, par exemple, le jour où M. Fowler lui a remis la demande d’évaluation à Santé Canada.

59 Malheureusement, les parties n’ont pas été capables de communiquer ensemble, ce qui fait que la mesure disciplinaire a été imposée, d’où le présent renvoi à l’arbitrage. J’espère que tous ceux qui sont concernés par cette affaire ont su tirer les leçons qui s’imposent ici.

60 Quoi qu’il en soit, malgré les observations que je viens de formuler, j’en suis venu à la conclusion que la consigne ou la directive donnée à la fonctionnaire le 19 mars 2008 et réitérée de vive voix par M. Frank, le 9 mai 2008, n’était pas contraire à la convention collective et qu’elle s’inscrivait dans le contexte des droits qui sont reconnus à la direction. Il s’ensuit que la mesure disciplinaire imposée à la fonctionnaire pour avoir désobéi à la consigne est maintenue. J’estime que la sanction est adéquate et raisonnable et qu’elle s’inscrit, à première vue, dans une série de mesures disciplinaires progressives; bien que l’avocate de la fonctionnaire ait soulevé ce point, elle n’a pas étoffé sa position, ni cité de jurisprudence qui aurait pu orienter ma réflexion.

VII. Décision

61 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

VIII. Ordonnance

62 Le grief est rejeté.

Le 12 juin 2009.

Traduction de la CRTFP

George Filliter,
arbitre de grief

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.