Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

À la fin de chacune de quatre années consécutives, le fonctionnaire a touché la contrepartie monétaire des crédits de congés annuels inutilisés qu’il avait accumulés au cours de la période de report maximale autorisée par la convention collective - l’employeur a vérifié le solde des crédits de congés annuels du fonctionnaire et constaté que les congés annuels qu’il avait pris au cours des quatre années n’avaient pas été traités correctement, si bien qu’il avait accumulé des crédits inutilisés auxquels il n’avait pas droit - l’employeur a recouvré les trop-payés à titre de créance envers la Couronne et suspendu le fonctionnaire pendant cinqjours pour avoir sciemment accepté des paiements auxquels il n’avait pas droit - il n’a jamais été de l’intention des parties de permettre l’utilisation de la clause14.03 de la convention collective par des employés qui cherchaient à tirer parti d’erreurs administratives, à plus forte raison si celles-ci étaient la conséquence de leur propre erreur - l’intention de la clause est de préserver le droit légitime et acquis d’un employé à ses crédits de congés annuels lorsqu’il change d’unité de négociation - la clause14.03 ne s’applique pas au cas d’une demande non fondée - la sanction disciplinaire était appropriée - le fonctionnaire a choisi de ne pas signaler les trop-payés à son employeur, ce qui représente un acte de tromperie volontaire - la pénalité était appropriée. Grief portant sur le recouvrement de trop-payés accueilli en partie. Grief portant sur la suspension refusée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2009-07-06
  • Dossier:  566-02-754 et 2643
  • Référence:  2009 CRTFP 83

Devant un arbitre de grief


ENTRE

GEORGE A. CHURCHER

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère des Pêches et Océans)

employeur

Répertorié
Churcher c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et Océans)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
D. R. Quigley, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Evan M. Heidinger, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Ward Bansley, avocat

Affaire entendue à Victoria (Colombie Britannique),
du 3 au 6 mars 2009.
(Traduction de la CRTFP)

Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

1  Le 25 novembre 2006, George A. Churcher, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), ingénieur ENG-04 au ministère des Pêches et Océans (le « MPO » ou l’« employeur ») à Victoria, en Colombie-Britannique, a présenté un grief après que l’employeur eut décidé de recouvrer les trop-payés de crédits excédentaires de congé annuel qu’il avait touchés de 2001 à 2005. Le fonctionnaire allègue que recouvrer ces trop-payés est contraire à la clause 14.03 de la convention collective entre le Conseil du Trésor et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l’IPFPC) pour le groupe Architecture, génie et arpentage signée le 26 janvier 2006 et expirée le 30 septembre 2007 (la « convention collective »). Il allègue également que recouvrer les trop-payés est contraire à la doctrine de préclusion et constitue une sanction disciplinaire.

2 Comme redressement, le fonctionnaire demande que l’employeur lui rembourse les trop-payés recouvrés.

3 Le 23 juillet 2008, le fonctionnaire a présenté un second grief après avoir écopé d’une suspension de cinq jours sans traitement pour avoir accepté ces trop-payés. L’employeur a allégué qu’il savait ne pas y avoir droit.

4 Comme redressement dans ce second grief, le fonctionnaire demande d’être dédommagé de toutes les pertes subies au titre du traitement et des avantages par suite de cette suspension de cinq jours sans traitement. Il demande également que la lettre de suspension et toute la correspondance connexe soient retirées de son dossier personnel.

5 Le 16 janvier 2009, à la demande des deux parties, j’ai accepté d’entendre les deux griefs ensemble.

6 L’employeur a fait comparaître trois témoins et déposé vingt-huit pièces. Le fonctionnaire a témoigné pour lui-même et son représentant a déposé cinq pièces.

7 Les parties se sont rencontrées à de nombreuses reprises avant l’audience sans pouvoir arriver à s’entendre sur la valeur exacte des trop-payés et sur les congés annuels pris par le fonctionnaire. À l’audience, elles ont convenu que les montants et les chiffres figurant à la pièce E-22 seraient considérés comme correspondant aux faits. La pièce E-22 se lit comme suit :

[Traduction]

Doc.

Exercice

Congés annuels

 

Solde des congés annuels

Utilisation totale

Valeur brute des trop-payés ($)

 

 

 

Période

Crédits

Dette

 

 

 

 

Report

2000-2001

111,62***

 

 

 

 

 

Attribution

2000-2001

155

 

111,62+155 =266,62

 

 

1

2000-2001

11 mai 2000

 

8,33

 

 

 

2

2000-2001

18-20 déc. 2000

 

25

 

 

 

3

2000-2001

15-18 janv. 2001

 

33,32

 

66,65

 

 

Remboursement admissible

2000-2001 aucun remboursement noté

 

 

 

 

 

 

Remboursement effectif

Aucun remboursement versé

 

 

 

 

 

 

Différence/
remboursement

 

 

 

 

 

 

 

Report

Convenu entre le fonctionnaire et la Rémunération

 

199,97

 

 

 

 

 

Attribution

2001-2002

167,5**

 

199,97+167,5=367,47

 

 

4

2001-2002

23-24 mai 2001

 

16,67

 

 

 

5

2001-2002

4 octobre 2001

 

8,33

 

 

 

6

2001-2002

28-29 nov. 2001

 

16,66

 

 

 

7

2001-2002

27-28 déc. 2001

 

16,33

 

57,99

 

 

Remboursement admissible

367,47-57,99-309,48 309,48-262,5*=46,98

 

 

 

 

 

8

Remboursement effectif

Confirmé par le chèque no 6631-02945996

 

117,47

 

 

 

 

Différence/
remboursement

117,47-46,98 =

70,49

 

 

 

2 547,20 $

 

Report rajusté

 

262,5*

 

 

 

 

 

Attribution

2002-2003

187,5

 

262,5+187,5 =450

 

 

9

2002-2003

30 août 2002

 

8,33

 

 

 

9

2002-2003

3-5 sept. 2002

 

25

 

 

 

9

2002-2003

9-13 sept. 2002

 

41,7

 

 

 

9

2002-2003

30 sept.-3 oct. 2002

 

33,3

 

 

 

10

2002-2003

7 octobre 2002

 

8,33

 

 

 

11

2002-2003

9 janvier 2003

 

8,33

 

124,99

 

 

Remboursement admissible

450-124,99-325,01 325,01-262,5=62,51

 

 

 

 

 

12

Remboursement effectif

Confirmé par le chèque no 6631-03705322

 

187,5

 

 

 

 

Différence/
remboursement

187,5-62,51=

124,99

 

 

 

4 795,37 $

 

Report rajusté

 

262,5

 

 

 

 

 

Attribution

2003-2004

187,5

,

262,5+187,5 =450

 

 

13

2003-2004

26-28 mai 2003

 

25

 

 

 

14

2003-2004

5-29 août 2003

 

142,5

 

 

 

15

2003-2004

11-26 sept. 2003

 

90

 

 

 

16

2003-2004

17 octobre 2003

 

8,33

 

 

 

17

2003-2004

2-8 janv. 2004

 

41,65

 

307,48

 

 

Remboursement admissible

450-307,48-142,52
donc non admissible

 

 

 

 

 

18

Remboursement effectif

Confirmé par le chèque no 6631-04354202

 

55,85

 

 

 

 

Différence/
remboursement

Non admissible

55,85

 

 

 

2 196,32 $

 

Report rajusté

 

142,52

 

 

 

 

 

Attribution

2004-2005

187,5

 

142,52+187,5=330,02

 

 

19

2004-2005

31 mai-2 juin 2004

 

25

 

 

 

 

Doc.

Exercice

Congés annuels

 

 

Solde des congés annuels

Utili-
sation totale

Valeur brute des trop-payés ($)

19

2004-2005

23-25 juin 2004

 

25

 

 

 

20

2004-2005

12 août-7 sept. 2004

 

127,5

 

 

 

21

2004-2005

15 octobre 2004

 

8,33

 

 

 

22

2004-2005

3-7 janv. 2005

 

41,65

 

 

 

23

2004-2005

10-11 févr. 2005

 

16,66

 

244,14

 

 

Remboursement admissible

330,02-244,14-85,88
donc non admissible

 

 

 

 

 

24

Remboursement effectif

Confirmé par le chèque no 6631-05146755

 

60

 

 

 

 

Différence/
remboursement

Non admissible

60

 

 

 

2 418,52 $

 

Report rajusté

 

85,88

 

 

 

 

 

Attribution

2005-2006

187,5

 

85,88+187,5 = 273,38

 

 

 

Attribution une seule fois (clause 15.18)

2005-2006

37,5

 

 

 

 

25

2005-2006

18-19 avril 2005

 

16,67

 

 

 

26

2005-2006

28 avril 2005

 

8,33

 

 

 

26

2005-2006

2-20 mai 2005

 

112,5

 

 

 

26

2005-2006

24-27 mai 2005

 

30

 

 

 

27

2005-2006

22-24 août 2005

 

25

 

 

 

28

2005-2006

6 sept.-3 oct. 2005

 

150

 

 

 

29

2005-2006

14 octobre 2005

 

8,33

 

 

 

30

2005-2006

21-22 déc. 2005

 

16,67

 

 

 

30

2005-2006

28-30 déc. 2005

 

25

 

392,5

 

 

Remboursement admissible

273,38-392,5 = -119,12
donc non admissible

 

 

 

 

 

 

100ai trop-payés

 

 

 

 

 

11 957 41 $

 

Surutilisation

2005-2006

-119,12

 

 

 

 

 

Surutilisation

Attribution une seule fois appliquée à la surutilisation 119,1 +37,5=

-81,2

 

 

 

 

Notes :

* le maximum reportable en vertu de la clause 15.07 de la convention collective est de 262,5 heures.
**l’attribution des congés annuels est basée sur le nombre d’années de service de l’employé (clause 15.01).
***sur la base de l’information fournie par l’employé.
Doc. : formulaires de demande de congé/documents de paie/chèques.
Les lignes en caractères gras correspondent aux formulaires de demande de congé saisis dans PeopleSoft avant l’examen.

[Le passage en évidence l’est dans l’original.]

8 La clause 14.03 de la convention collective se lit comme il suit :

14.03 Le nombre de jours de congé payé porté au crédit d’un employé par l’Employeur au moment de la signature de la présente convention ou au moment où l’employé commence à être assujetti à la présente convention est conservé par l’employé.

II. Résumé de la preuve

9 Wai Leung était gestionnaire du Soutien technique à la Division des biens immobiliers et du soutien technique de la Région du Pacifique du MPO du 1er avril 2001 jusqu’à son départ à la retraite en décembre 2008; à ce titre, il était aussi le superviseur immédiat du fonctionnaire. Son bureau était situé à Vancouver et celui du fonctionnaire à Victoria.

10 M. Leung a commencé son témoignage en expliquant la procédure de déclaration des congés du MPO durant la période pertinente. Avant 2000, les employés soumettaient leurs demandes de congé en remplissant une formule « Demande de congé et rapport d’absence » (DCRA) qui était approuvée par l’agent autorisé puis envoyée aux Ressources humaines (RH). Au cours de l’exercice 2000-2001, le MPO a commencé à utiliser PeopleSoft Leave Self-Service (l’application logicielle « PeopleSoft »), permettant à ses utilisateurs (fonctionnaires et gestionnaires) d’effectuer toutes leurs opérations et de visualiser tous leurs soldes en direct.

11 M. Leung a déclaré que le fonctionnaire était le seul de ses 19 subordonnés qui ait refusé d’utiliser PeopleSoft. Il avait continué à remplir des DCRA, ce que M. Leung avait accepté. Le fonctionnaire remplissait une DCRA et la lui faisait parvenir par télécopieur; M. Leung la signait et la datait pour l’approuver, puis la lui renvoyait, également par télécopieur. Il a souligné qu’il conservait des copies de toutes les DCRA du fonctionnaire à son bureau, dans un dossier.

12 On a montré à M. Leung une note de service que le fonctionnaire lui avait envoyée le 4 juin 2001 (pièce E-3) pour lui demander de modifier une demande de congé annuel que M. Leung avait approuvée pour août 2001. M. Leung a approuvé cette demande de modification en renvoyant la note de service par télécopieur au fonctionnaire avec la note suivante : [traduction] « Veuillez envoyer ces documents vous-même aux RH. »

13 Même si la plupart des demandes de congé du fonctionnaire lui étaient communiquées par télécopieur et qu’il les approuvait également par télécopieur, M. Leung a témoigné qu’il lui arrivait à l’occasion, quand l’intéressé était à Vancouver pour affaires, d’approuver ses demandes de congé de vive voix.

14 M. Leung a également témoigné qu’il était convaincu que le fonctionnaire faisait parvenir aux RH les DCRA qu’il lui avait retournées après les avoir approuvées et conservait un relevé du solde de ses congés.

15 M. Leung s’est fait montrer une autre note de service que le fonctionnaire lui avait envoyée le 27 août 2002 (pièce E-4), également pour lui demander de modifier une demande de congé annuel qu’il avait approuvée, celle-là le 21 mai 2002. M. Leung avait aussi approuvé cette demande du fonctionnaire, en lui renvoyant la DCRA par télécopieur. Il a souligné que l’intéressé avait précisé ce qui suit dans sa note de service : [traduction] « Je vais faire les changements/modifications nécessaires avec le Personnel »; il s’était donc dit que ce serait fait.

16 M. Leung a déclaré avoir rencontré au début de mai 2006 Bonnie Richardson, conseillère en Relations de travail du Groupe des biens immobiliers et des services techniques des Services généraux du Secteur de la côte Nord du MPO, au sujet du refus du fonctionnaire d’utiliser PeopleSoft.

17 Lors de cette rencontre, Mme Richardson avait demandé à M. Leung s’il avait comparé les soldes des congés du fonctionnaire dans PeopleSoft avec ses DCRA remplies et approuvées. Il avait répondu que non, en remettant à Mme Richardson une copie de toutes les DCRA de l’intéressé qu’il avait conservées dans un dossier. Mme Richardson avait décidé de les envoyer à l’unité de la Rémunération du MPO, en lui demandant d’effectuer un examen pour les rapprocher des soldes de PeopleSoft. M. Leung a confirmé qu’il n’avait pas participé à cet examen.

18 Une fois l’examen de rapprochement conclu, Mme Richardson a informé M. Leung que le fonctionnaire avait reçu de 2001 à 2005 plusieurs chèques de trop-payés pour des crédits de congé annuel excédentaires auxquels il n’avait pas droit.

19 M. Leung a reconnu que la clause 15.07a) de la convention collective autorise l’employé à reporter à l’année de congé annuel suivante ses crédits de congé annuel inutilisés, jusqu’à concurrence de 262,5 heures. À la fin de chaque exercice, les crédits en sus de ces heures sont payés en argent :

Report des congés

15.07

a)       Lorsqu’au cours d’une année de congé annuel l’Employeur n’a pas fixé à l’employé un congé annuel jusqu’à l’épuisement de tous les crédits de congés annuels portés au crédit de l’employé, l’employé peut reporter ces crédits à l’année de congé annuel suivante jusqu’à concurrence de deux cent soixante-deux virgule cinq (262,5) heures de crédit. Tous les crédits de congé annuel en sus de deux cent soixante-deux virgule cinq (262,5) heures seront payés en argent au taux de rémunération journalier de l’employé calculé selon la classification indiquée dans son certificat de nomination à son poste d’attache le dernier jour de l’année de congé annuel.

20 M. Leung a identifié la pièce E-5, une série de courriels entre lui-même, le fonctionnaire et Greg Caw, le directeur par intérim du Soutien technique au MPO. Dans un courriel daté du 20 janvier 2005, M. Caw informait le fonctionnaire et M. Leung que, selon PeopleSoft, au 31 décembre 2004, le solde de crédits de congé annuel du fonctionnaire s’élevait à 322,5 heures et dépassait donc de 60 heures le maximum reportable autorisé de 262,5 heures. M. Caw demandait au fonctionnaire de prendre des arrangements avec M. Leung pour prendre ces 60 heures avant la fin de l’exercice.

21 M. Leung a témoigné que le fonctionnaire avait demandé à prendre 16,67 heures de congé annuel les 10 et 11 février 2005 à la suite de ce courriel de M. Caw. Il a déclaré avoir demandé au fonctionnaire dans un courriel daté du 24 janvier 2005 (pièce E-5) de soumettre [traduction] « le plus tôt possible » une demande de congé annuel pour les 43,33 heures restantes.

22 Le 31 janvier 2005, le fonctionnaire a télécopié à M. Leung une DCRA dans laquelle il demandait 150 heures de congé annuel qu’il voulait prendre en avril et en mai 2005. Le même jour, M. Leung lui a envoyé un courriel pour lui dire qu’il devrait s’empresser de prendre les 43,33 heures restant à son crédit avant le 1er avril 2005, en lui redemandant de lui répondre [traduction] « le plus tôt possible. » Plus tard cet après-midi-là, le fonctionnaire a envoyé un courriel à M. Leung en déclarant que les 43,33 heures en sus de la limite reportable devraient lui être payées si le [traduction] « […] MPO ne [voulait] pas les reporter à 2005-2006 ».

23 Le 1er février 2005, le fonctionnaire a envoyé un autre courriel à M. Leung pour l’informer qu’il ne voulait plus prendre les 16,67 heures de congé annuel qu’il avait demandées pour les 10 et 11 février 2005. Il déclarait aussi qu’il allait utiliser ses crédits de congé annuel restants entre mai et septembre 2005, pour faire en sorte que [traduction] « […] cette situation [de dépassement de la limite de remboursement] ne se reproduise pas à la fin de 2005-2006 » (pièce E-5).

24 Le 10 février 2006, M. Leung a envoyé au fonctionnaire un courriel (pièce E-6) pour lui rappeler qu’il avait 187,5 heures de crédits de congé annuel en sus de la limite de report de 262,5 heures. Il lui a encore redemandé de présenter une demande de congé annuel avant la fin de l’exercice (le 31 mars 2006), puisque la Division du soutien technique n’avait pas de budget pour lui payer d’autres heures de congé.

25 Le 20 février 2006, le fonctionnaire a répondu ainsi à M. Leung :

[Traduction]

[…]

Mon interprétation de la convention collective est que le remboursement des congés dépassant la limite est une prérogative de l’Employeur, mais que j’ai le choix d’exiger ce remboursement en argent ou sous forme de congé annuel. Le Bureau régional de l’IPFPC souscrit à cette interprétation.

J’ai réservé des vacances assez longues pour l’été prochain. J’ai récemment payé de grosses factures de réparations pour mes véhicules personnels.

Je suis actuellement très occupé avec le Plan du réservoir de combustible du RPTS et avec la charge de travail du GCC NCSP N65N2. Les clients ne seraient pas contents que ce travail soit reporté pour une longue période.

Je préfère prendre l’argent, ce qui va se passer, je pense, si je décide simplement de ne rien faire en ce qui concerne les autres demandes de congé.

[…]

26 Le 1er août 2006, M. Leung a envoyé au fonctionnaire un autre courriel où il lui écrivait [traduction] : « Depuis le tout début, je vous avais enjoint de faire parvenir vos formules de demande de congé à la Rémunération une fois que je les avais approuvées. » Quelques minutes plus tard, le fonctionnaire a répondu [traduction] « […] le superviseur doit envoyer la première copie au Personnel, à la Rémunération et aux avantages sociaux. Les instructions semblent bien claires sur l’attribution des responsabilités pour le traitement des formules, une fois qu’elles sont approuvées » (pièce E-7).

27 En contre-interrogatoire, M. Leung a reconnu que le fonctionnaire faisait beaucoup d’heures supplémentaires et que la majorité d’entre elles étaient payées en argent, même si l’intéressé demandait la plupart du temps des congés compensatoires plutôt que de l’argent pour ses heures supplémentaires.

28 On a montré à M. Leung une copie d’une DCRA que le fonctionnaire avait soumise pour approbation (pièce E-2), en lui soulignant le point 3 (« À la fin du mois, le superviseur et l’employé lisent et signent la formule. ») et le point 4 (« Le superviseur doit envoyer la première copie au Personnel, Rémunération et avantages sociaux. »). M. Leung a admis qu’il ne s’était pas conformé à ces instructions.

29 En réinterrogatoire, M. Leung a souligné qu’un fonctionnaire ne peut prendre des congés (sauf des congés de maladie) qu’après les avoir fait approuver par son superviseur.

30 Mme Richardson a témoigné ensuite. Elle a déclaré avoir parlé au début de mai 2006 avec M. Leung du refus du fonctionnaire d’utiliser PeopleSoft. Elle a souligné s’être fait dire à cette occasion que le fonctionnaire allait se faire payer 187 heures (sept semaines) de congé annuel pour l’exercice 2005-2006. Elle a expliqué que PeopleSoft génère automatiquement un chèque pour les heures de congé annuel en sus de la limite de report de 262,5 heures à la fin de chaque exercice.

31 Mme Richardson a aussi témoigné que PeopleSoft indiquait que le fonctionnaire avait 187 heures de congé annuel à son crédit en sus de la limite de 262,5 heures pour l’exercice 2005-2006. Le système avait donc automatiquement généré un chèque de 4 589,39 $ (pièce E-21).

32 Mme Richardson a examiné les DCRA du fonctionnaire qu’elle avait reçues de M. Leung. Elle a constaté une différence entre ces formules et les soldes enregistrés dans PeopleSoft. Elle a donc annulé le chèque et demandé à Larry Robertson, un conseiller en rémunération du MPO, de faire un examen dans l’optique de la rémunération de tous les congés annuels pris par le fonctionnaire.

33 Les pièces E-17 à E-20 ont été produites par Mme Richardson. Les parties ont reconnu qu’elles correspondent à des chèques reçus et encaissés par le fonctionnaire de 2001 à 2005. Les montants sont les suivants :

Pièce E-17

2001-2002

2 513,26 $ net

Pièce E-18

2002-2003

3 946,52 $ net

Pièce E-19

2003-2004

1 172,17 $ net

Pièce E-20

2004-2005

1 456,53 $ net

TOTAL

 

9 088,48 $

[Je souligne.]

34 Mme Richardson a déclaré avoir conçu la pièce E-22 comme un tableur; elle y a présenté de façon détaillée tous les crédits de congé du fonctionnaire pour les exercices 2001 à 2006. Le tableur comprend les calculs détaillés qui ont servi à déterminer les paiements des congés annuels en sus des 262,5 heures qui ont été versés à l’intéressé. Mme Richardson a déclaré que les trop-payés bruts totaux au fonctionnaire s’élevaient à 11 957,41 $.

35 Mme Richardson a témoigné que c’est à la demande du fonctionnaire que Lana Kainz, une adjointe à la dotation des Services techniques intégrés de la Garde côtière canadienne à Victoria, en Colombie-Britannique, l’avait aidé à entrer six demandes de congé de maladie, deux demandes de congé annuel et une demande de congé compensatoire dans PeopleSoft en 2002, 2003 et 2004 (pièce E-23). Selon Mme Richardson, même si le fonctionnaire préférait remplir des DCRA, il connaissait bien PeopleSoft, parce que c’était indispensable pour qu’il soit capable de donner son mot de passe à Mme Kainz afin qu’elle puisse entrer dans le système.

36 Mme Richardson a identifié la pièce E-24, une note de service que Mme Kainz lui a envoyée le 16 juillet 2008 pour lui confirmer qu’elle avait donné au fonctionnaire dans le passé, à la demande de ce dernier, les soldes de ses crédits de congé dans PeopleSoft.

37 Mme Richardson a témoigné qu’on affiche un message depuis 2001 sur le site intranet du MPO (« Dans le circuit ») pour informer les employés de vérifier les congés qu’ils prennent et le solde de leurs crédits de congé, avant la fin de chaque exercice (pièce E-13) :

[Traduction]

[…]

Rappel - PROCESSUS DE REMBOURSEMENT DES CONGÉS EN FIN D’EXERCICE

Nous aimerions profiter de l’occasion pour rappeler à tous les employés et à tous les gestionnaires le processus de remboursement des congés en fin d’exercice. Comme vous le savez peut-être déjà, votre convention collective impose légalement la liquidation des congés compensatoires ainsi que des crédits de congé annuel en sus des limites autorisables.

Par ce message, nous vous invitons tous à vérifier vos soldes de crédits de congé et à vous reporter à votre convention collective, en cliquant sur le lien ci-dessous, pour déterminer si vous dépassez les limites prescrites. Cette simple vérification facilitera la liquidation de vos crédits excédentaires et vous évitera des surprises le 31 mars 2004, quand les bureaux de rémunération devront procéder au remboursement en fin d’exercice.

[…]

38 Mme Richardson a déclaré que Paul Macgillivray, le directeur général régional associé de la Région du Pacifique du MPO, lui a demandé après cet examen de rapprochement de déterminer la culpabilité du fonctionnaire quant aux trop-payés qu’il avait touchés pour les années 2001 à 2005.

39  Le 29 octobre 2007, une rencontre a eu lieu entre le fonctionnaire, le représentant de son agent négociateur, Evan M. Heidinger, M. Macgillivray et Mme Richardson, pour déterminer si l’intéressé avait accepté les trop-payés en sachant qu’il n’y avait pas droit.

40 Mme Richardson a souligné que le fonctionnaire s’était servi de PeopleSoft pour faire toutes ses demandes de temps supplémentaire et toutes ses demandes de congé de maladie, à deux exceptions près, même s’il n’utilisait pas le système pour ses demandes de congé annuel.

41 Mme Richardson a terminé son témoignage en déclarant que le fonctionnaire n’acceptait aucune responsabilité pour les trop-payés qu’il avait touchés et qu’il n’avait fait aucun effort pour informer la direction qu’il y avait peut-être une erreur lorsqu’il les avait reçus. En sa qualité d’ingénieur, a-t-elle dit, il est responsable de projets de plusieurs millions de dollars. Par conséquent, il aurait dû savoir qu’il n’avait pas droit à ces trop-payés, ou au moins dû demander pourquoi il les recevait.

42 En contre-interrogatoire, Mme Richardson a reconnu que M. Leung devait conserver une copie des DCRA, comme le point 1 de la formule le stipule. Elle a aussi reconnu que, comme le point 3 de la DCRA le dit, le superviseur et l’employé doivent la lire et la signer à la fin du mois. Toutefois, elle a souligné, en ce qui concerne le point 4 de la DCRA, que M. Leung avait enjoint au fonctionnaire d’envoyer les DCRA approuvées directement aux RH (pièce E-3).

43 Mme Richardson a témoigné que la mention « -119,12 » (heures) figurant à la deuxième page du tableur (pièce E-22) correspond à une surutilisation des crédits de congé annuel de l’exercice 2005-2006. Elle a expliqué qu’un exercice ne peut pas commencer avec un solde négatif dans PeopleSoft. En 2005-2006, le fonctionnaire avait pris plus de congés annuels qu’il n’y avait droit, de sorte que l’employeur a radié les -119,12 heures et le montant correspondant, qui n’étaient pas reflétés dans les trop-payés bruts totaux de 11 957,41 $ que le fonctionnaire avait touchés.

44 Mme Richardson n’a pas contesté la déduction du représentant du fonctionnaire que M. Leung n’avait jamais dit à ce dernier qu’il était tenu d’utiliser PeopleSoft et qu’il ne pouvait pas continuer à présenter des DCRA. Elle a reconnu que l’administration centrale n’avait pas envoyé de directive claire aux employés pour les informer qu’ils étaient tenus de se servir de PeopleSoft.

45 M. Robertson a témoigné qu’il avait envoyé le 30 août 2006 une note de service au fonctionnaire (pièce E-26) l’informant que les trop-payés de traitement sont une créance de la Couronne et que leur recouvrement est obligatoire. Le pouvoir de recouvrer les trop-payés est précisé dans la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP) et dans les Lignes directrices sur l’administration de la paye, plus précisément au paragraphe 155(1) de la LGFP. M. Robertson avait aussi informé le fonctionnaire que les trop-payés seraient recouvrés à raison de 10 p. 100 de son traitement bihebdomadaire brut (353,06 $) (pièce E-25).

46 M. Robertson a déclaré que le fonctionnaire avait également touché un trop-payé de 2 400 $ pour des congés compensatoires qui n’avaient pas été inclus dans les chèques de trop-payés totalisant 11 957,41 $ qu’il avait touchés.

47 M. Robertson a dit qu’on avait demandé aux employés de présenter leurs demandes de congé sur support électronique après l’introduction de PeopleSoft, mais qu’il y avait quelques exceptions, notamment les employés qui travaillent dans les piscicultures et dans les phares ainsi que les équipages de navires, puisqu’ils n’ont pas accès à des ordinateurs. Ils remplissent une DCRA et la demande de congé est ensuite entrée dans PeopleSoft par une adjointe ou par un adjoint.

48 En contre-interrogatoire, M. Robertson a déclaré qu’il ne savait pas que le fonctionnaire continuait à présenter des DCRA plutôt qu’à se servir de PeopleSoft.

49 M. Robertson a témoigné qu’il est lié par la LGFP et que s’il a l’impression que la convention collective est incompatible avec la Loi, il demande des explications ou une interprétation au personnel du Conseil du Trésor.

50 Il a reconnu que le message à l’intention des employés dans le site intranet du MPO (pièce E-13) les invite à présenter leurs demandes de congé avec PeopleSoft, sans toutefois préciser expressément qu’ils doivent s’en servir.

51 En réinterrogatoire, M. Robertson a souligné qu’on demandait aux employés de vérifier les congés qu’ils avaient pris et le solde de leurs crédits de congé avant la fin de chaque exercice financier.

52 M. Macgillivray a témoigné qu’il avait constaté la différence entre les soldes des crédits de congé annuel du fonctionnaire quand il avait comparé ses DCRA aux soldes enregistrés dans PeopleSoft, en mai 2006.

53 Il a déclaré que le recouvrement des trop-payés n’était pas une sanction disciplinaire, mais une mesure prise en vertu de la LGFP.

54 M. Macgillivray a dit qu’il avait décidé de faire enquête sur la question pour être informé clairement et tenu au courant de tous les faits. Il a eu plusieurs rencontres avec le fonctionnaire et avec le représentant de son agent négociateur.

55 Il a souligné qu’il s’était conformé aux lignes directrices sur la discipline du Conseil du Trésor, qu’il interprétait en se disant que si des sanctions disciplinaires sont justifiées, elles doivent être correctives plutôt que punitives.

56 M. Macgillivray a confirmé qu’il avait envoyé une lettre au fonctionnaire le 11 juillet 2008 (pièce E-28) pour lui expliquer les raisons de sa décision de lui imposer une suspension de cinq jours sans traitement. Il avait conclu que le fonctionnaire avait délibérément adopté la stratégie de ne pas s’informer de ses soldes de crédits de congé annuel pour rester dans l’ignorance et, par conséquent, pour toucher des trop-payés auxquels il n’avait pas droit (pièce E-28). Et M. Macgillivray avait conclu que, dans les circonstances, une suspension de cinq jours sans traitement était appropriée.

57  Le témoignage de M. Macgillivray sur ses raisons d’imposer la suspension de cinq jours sans traitement reflète fidèlement la pièce E-28, la lettre qu’il avait envoyée au fonctionnaire le 11 juillet 2008 pour lui imposer la suspension de cinq jours sans traitement :

[Traduction]

[…]

Je vous écris pour vous informer de ma décision sur votre culpabilité quant aux trop-payés pour des crédits de congé qui vous ont été versés au cours de la période de 2001-2002 à 2005-2006. Comme vous le savez, la question de votre culpabilité quant à ce trop-payé a été reportée pour plusieurs raisons, notamment vos longues absences en congé de maladie de même que la difficulté de m’assurer que votre représentant syndical et vous-même seriez disponibles pour être présents aux rencontres requises avec moi.

J’ai maintenant pris pleinement connaissance de tous les renseignements pertinents. En plus de tenir compte des points soulevés à notre plus récente rencontre, le 3 juin 2008, j’ai soigneusement analysé toute l’information que vous-même, votre représentant syndical, vos superviseurs, le personnel de l’Unité de la rémunération de Vancouver et le personnel administratif de la Base de Victoria de la GCC ont fournie.

J’ai conclu que vous êtes partiellement responsable du trop-payé pour ces crédits de congé annuel sur une période de cinq exercices consécutifs. J’estime que vous avez délibérément adopté une stratégie consistant à éviter à dessein de vous informer du solde de vos crédits de congé alors que vous auriez dû le faire, parce que vous vouliez rester dans l’ignorance. Je crois que vous avez accepté avec préméditation des remboursements de crédits de congé annuel auxquels vous n’aviez pas droit, pendant cinq années financières.

Le fait que vous avez insisté pour continuer à demander vos congés sur support papier en dépit du fait que votre superviseur vous avait encouragé à utiliser le système électronique PeopleSoft du Ministère a largement contribué à cette situation. Vous deviez par conséquent assumer une partie de la responsabilité de faire en sorte que ce système de demande de congés sur support papier fonctionne efficacement et correctement.

Qui plus est, la responsabilité de gérer les soldes de vos crédits de congé qui incombe conjointement à vous et à votre superviseur a été stipulée de façon répétée dans diverses communications avec les employés.

Compte tenu de votre insistance à ne pas utiliser le système PeopleSoft, M. Leung, votre ancien superviseur, a déclaré qu’il vous avait enjoint de soumettre les formules de demande de congé « sur papier » (qu’il avait signées et qu’il vous avait retournées) directement à l’Unité de la rémunération pour qu’elle les entre dans le système électronique PeopleSoft. Vous ne l’avez pas fait régulièrement. Les dossiers de PeopleSoft révèlent en effet que seules quelques demandes de congé ont été entrées dans ce système. Je sais que ces demandes ont été entrées dans le système par le personnel administratif, sur vos instructions. Cela confirmerait que vous saviez que les demandes de congé devaient être entrées dans le système. Qui plus est, à une occasion, vous vous êtes engagé par écrit vis-à-vis de votre superviseur à envoyer une demande de modification d’une formule de demande de congé à l’Unité de la rémunération, mais vous ne l’avez pas fait.

Il est significatif que vous ayez adopté une autre approche pour présenter vos demandes de rémunération d’heures supplémentaires et qu’on n’ait pas constaté de problème quant à l’exactitude des paiements de vos heures supplémentaires. C’est peut-être en partie attribuable à l’explication que vous m’avez donnée, en disant que vous aviez intérêt à vous assurer que vos demandes de paiement d’heures supplémentaires soient entrées correctement et rapidement.

Vous m’avez dit et répété que la raison pour laquelle vous n’utilisiez pas le système PeopleSoft était que vous ne faisiez pas confiance à vos superviseurs. Vous teniez expressément à avoir un relevé sur papier de vos congés en cas de différend avec vos superviseurs quant à vos allées et venues. Je trouve cette explication difficile à accepter, pour deux raisons. Premièrement, vous dites que vous ne receviez pas de copie signée (approuvée) de votre superviseur quand vous lui soumettiez des formules de demande de congé sur papier. Deuxièmement, vous ne faisiez pas de vérification pour vous assurer que le solde de vos crédits de congé était correct à la fin de chaque exercice. Sur chacun de ces points, il m’est difficile de concilier la méfiance à l’endroit de vos superviseurs qui vous incitait à ne pas vous servir du système PeopleSoft avec la confiance aveugle que vous leur accordiez. Votre explication de l’approche que vous insistiez à prendre pour faire approuver vos congés avait pour résultat que vous preniez des congés sans avoir reçu l’approbation écrite de votre superviseur. En outre, vous aviez confiance que des formules de demande de congé approuvées que vous n’aviez jamais vues se refléteraient correctement dans vos soldes de crédits de congé annuel sans que vous les ayez jamais vérifiés.

J’ai aussi des doutes sur la crédibilité de votre explication quand vous dites que vous ne saviez pas à quoi correspondaient les chèques que vous receviez. Chaque chèque délivré est accompagné d’un « talon » précisant son objet. Les chèques de remboursement des crédits de congé précisent le nombre d’heures. Si vous ne saviez pas exactement pourquoi vous receviez un chèque, il vous incombait d’obtenir des explications soit de votre superviseur, soit de l’Unité de la rémunération.

Il est arrivé deux fois, je pense, où il aurait été difficile que vous ne sachiez pas que vous receviez des paiements pour des crédits de congé annuel quand vous aviez bel et bien pris ces congés. En 2004-2005, les crédits de congé annuel qui vous avaient été attribués étaient de 187,5 heures (25 jours). Cette même année, vous aviez pris 244,14 heures de congé annuel (environ 32 jours), ce qui dépassait nettement les heures de congé annuel qui vous avaient été attribuées pour l’année. Pourtant, cette année-là, vous avez aussi accepté un paiement en argent tenant lieu de 60 heures (huit jours) de congé annuel.

La deuxième fois qui m’a fait tiquer était en 2005-2006. Dans un échange de courriels à la fin de janvier 2005 au sujet de la « liquidation des congés au-delà de la limite », vous écriviez à votre superviseur que vous aviez demandé suffisamment de congés pour 2005-2006 pour qu’il n’y ait pas de nouveau une situation de report dans l’exercice 2005-2006. Dans un courriel de suivi daté du 1er février 2005, vous vous étiez engagé à [traduction] « épuiser les crédits de congé annuel accumulés de façon à ce que cette situation ne se reproduise pas à la fin de 2005-2006 ». Par la suite, vous aviez pris 392,5 heures (55 jours ou 11 semaines) de congé annuel, ce qui épuisait effectivement vos crédits excédentaires, comme vous vous y étiez engagé. Toutefois, le 10 février 2006, quand on vous a informé que vous aviez encore 187,5 heures de crédits de congé annuel en sus de la limite autorisée de 262,5 heures au solde de vos crédits de congé annuel, vous auriez dû savoir que ce solde était incorrect. Vous aviez pris plus que le double des crédits de congé annuel auxquels vous aviez droit et vous avez clairement eu l’occasion de corriger cette erreur évidente, mais vous n’avez fait aucun effort pour prendre les mesures qui s’imposaient afin qu’elle soit corrigée.

C’est important pour moi, compte tenu de tous les congés que vous aviez pris en 2005-2006 (392,5 heures plutôt que votre attribution annuelle de 187,5 heures). Il me semble évident que vous aviez choisi de ne pas reconnaître la différence, en vous contentant d’écrire à votre superviseur dans un courriel que vous alliez préférer « prendre l’argent ». Pire, quand cette erreur a été constatée par la suite et que le personnel de l’Unité de la rémunération vous a informé que vous aviez surutilisé vos crédits de congé annuel de 2005-2006, vous avez réagi en déclarant que vous aviez droit à un remboursement (courriel du 14 juin 2006). Force m’est de conclure que — même si vous comprenez clairement que vous avez droit à un remboursement de vos crédits de congé annuel en sus de 262,5 heures — vous avez délibérément choisi de ne pas signaler la différence à votre gestionnaire.

J’ai dûment tenu compte des circonstances atténuantes que vous avez soulevées, y compris votre prétention que vous avez de la difficulté à vous servir du système électronique PeopleSoft. J’ai aussi tenu compte de la responsabilité de votre gestionnaire à cet égard, puisqu’il devait assumer une partie de la responsabilité de s’assurer que les demandes de congé approuvées sur support papier étaient entrées dans le système PeopleSoft. J’ai tenu compte aussi de votre rôle au sein du Ministère à titre d’ingénieur principal de projet et des exigences de votre profession. Après avoir pesé toute cette information, je n’en conclus pas moins que les explications de votre conduite que vous m’avez données restent incomplètes et inacceptables. Je regrette aussi que vous n’ayez fait preuve d’aucune compréhension ni d’aucune acceptation de votre responsabilité dans cette situation.

Compte tenu de tout ce qui précède, j’ai conclu que vous avez accepté des trop-payés pour des crédits de congé de 14 080,87 $ sur la période de 2001 à 2005, même si vous saviez que vous aviez pris les crédits de congé pour lesquels vous avez touché ces trop-payés. En n’ayant pas porté cette question à l’attention de vos superviseurs ou en n’ayant pas demandé les renseignements qui seraient considérés comme raisonnables dans ces circonstances, vous vous êtes rendu coupable d’un abus de confiance qui justifie une sanction disciplinaire consistant en une suspension de cinq jours sans traitement que vous servirez du 28 juillet au 1er août 2008 inclusivement.

Je dois vous informer que toute autre inconduite pourrait entraîner d’autres sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu’au licenciement. Si cette décision ne vous convient pas, vous avez le droit de présenter un grief, conformément aux dispositions de votre convention collective. En vertu de la clause 38.04 de votre convention collective, une copie de cette lettre sera versée à votre dossier personnel pour une période de deux ans (de cette date), si vous n’écopez d’aucune autre mesure disciplinaire.

[…]

58 M. Macgillivray a témoigné qu’il avait tenu compte de plusieurs facteurs atténuants avant d’imposer la suspension de cinq jours sans traitement. Il estimait que la responsabilité des trop-payés était partagée entre le fonctionnaire et M. Leung. Il a déclaré que, lorsqu’il l’avait rencontré, M. Leung avait reconnu qu’il aurait dû être plus diligent et qu’il avait contribué au problème faute de l’avoir été.

59  M. Macgillivray a déclaré que, tout au contraire de M. Leung, le fonctionnaire n’acceptait aucune responsabilité et affirmait que son superviseur avait l’entière responsabilité de s’assurer que les DCRA approuvées étaient acheminées aux RH. M. Macgillivray a dit qu’on s’attendait à ce que le fonctionnaire respecte les normes d’éthique, en sa qualité d’ingénieur. Il a confirmé qu’il avait aussi tenu compte du dossier d’emploi de l’intéressé vierge d’infractions disciplinaires pendant 23 ans et du fait qu’il n’avait jamais manifesté ni exprimé aucun remords et ne s’était jamais demandé pourquoi il recevait les trop-payés. En d’autres termes, selon M. Macgillivray, le fonctionnaire restait « délibérément dans l’ignorance » pour pouvoir toucher de l’argent auquel il n’avait pas droit.

60  M. Macgillivray a étudié plusieurs décisions de la Commission des relations de travail dans la fonction publique portant sur des affaires analogues avant de décider qu’une suspension de cinq jours sans traitement était bien conforme à la norme. Il a aussi déclaré qu’il considérait cette suspension de cinq jours sans traitement comme une mesure corrective plutôt que punitive. Il a souligné qu’on n’avait pas imposé de sanction disciplinaire à M. Leung.

61 En contre-interrogatoire, le représentant du fonctionnaire a demandé à M. Macgillivray pourquoi il n’avait pas imposé de sanction disciplinaire à M. Leung. M. Macgillivray a répondu que M. Leung avait accepté une certaine responsabilité au cours d’une des rencontres qu’il avait eues avec lui, en reconnaissant qu’il aurait dû agir différemment et en admettant qu’il avait contribué au problème. M. Macgillivray a déclaré qu’il était évident que M. Leung n’avait rien à gagner.

62 Lorsqu’il s’est fait demander s’il avait eu quoi que ce soit à reprocher aux demandes de congé de maladie ou d’heures supplémentaires du fonctionnaire, M. Macgillivray a répondu qu’il ne s’était intéressé qu’à ses trop-payés de crédits de congé annuel.

63 Le fonctionnaire a témoigné ensuite. Il a expliqué que ses fonctions d’ingénieur principal de projet consistent notamment à superviser et à gérer de grands projets d’immobilisations dans plusieurs installations de la Garde côtière canadienne. Ces projets nécessitent des dépenses en capital de 1 million de dollars à 25 millions de dollars.

64  Le fonctionnaire a déclaré être entré dans la fonction publique à Transports Canada en décembre 1983. Il est resté fonctionnaire durant les nombreuses permutations (changements de nom) qui l’ont mené à son poste actuel au MPO. Il a confirmé qu’il relevait de M. Leung d’avril 2001 jusqu’au départ à la retraite de ce dernier. Il a aussi dit qu’il était depuis longtemps représentant syndical de l’IPFPC et qu’il l’est encore aujourd’hui.

65 Le représentant du fonctionnaire l’a invité à se reporter à plusieurs courriels datés du 7 au 10 décembre 2001 (pièce G-3) qu’il avait échangés avec M. Leung. Ces courriels portaient sur un cours de gestion des risques de deux jours offert à Ottawa par la Commission de la fonction publique (CFP), qui avait convenu de payer le congé de quatre jours du fonctionnaire, incluant deux jours de voyage, pour qu’il puisse suivre le cours. M. Leung avait approuvé la demande de congé le 26 septembre 2001. Le 19 novembre 2001, le fonctionnaire a demandé deux autres jours de congé pour les 28 et 29 novembre 2001, afin d’assister à une réunion du Comité de consultation syndicale-patronale (CCSP) national, qui devait avoir lieu à Ottawa juste après le cours de la CFP.

66 Le 7 décembre 2001, M. Leung a envoyé au fonctionnaire un courriel lui reprochant de ne pas l’avoir informé qu’il n’assisterait pas à la réunion des gestionnaires des Biens immobiliers prévue pour le 28 novembre 2001 et de ne pas l’avoir informé non plus qu’il allait se consacrer ce jour-là à des activités de l’agent négociateur.

67 Le 10 décembre 2001, le fonctionnaire a répondu à M. Leung en lui déclarant que le congé annuel que son superviseur avait approuvé le 19 novembre 2001 était pour des activités de l’agent négociateur.

68 Plus tard ce jour-là, M. Leung a informé le fonctionnaire qu’il avait retrouvé la DCRA qu’il avait approuvée, en déclarant toutefois qu’il ne savait pas que le fonctionnaire se servait de ses congés annuels pour des activités de l’agent négociateur.

69 Le fonctionnaire a témoigné qu’il ne savait pas comment les congés approuvés étaient saisis dans PeopleSoft. Il a souligné que plusieurs membres du syndicat étaient venus le voir pour se plaindre des difficultés qu’ils avaient eues à se servir de ce système, après son introduction.

70 Le fonctionnaire a déclaré qu’il envoyait toujours ses DCRA à M. Leung par télécopieur pour les lui faire approuver. Toutefois, M. Leung les lui renvoyait parfois par télécopieur, et parfois pas. Ce n’est qu’en juillet 2006 que la haute direction lui a enjoint de soumettre ses demandes de congé directement par PeopleSoft.

71 Le fonctionnaire a contredit le témoignage de M. Leung, quand son superviseur a déclaré lui avoir dit de soumettre ses DCRA directement aux RH (pièce E-3). Il a aussi contesté le courriel (pièce E-7) du 1er août 2006 de M. Leung, dans lequel celui-ci déclarait : [traduction] « Depuis le tout début, je vous avais enjoint de faire parvenir vos formules de demande de congé à la Rémunération une fois que je les avais approuvées. »

72 Le fonctionnaire a témoigné n’avoir jamais reçu avant juillet 2006 d’instructions verbales ni écrites lui enjoignant d’envoyer ses DCRA aux RH. Il s’est reporté au point 4 de la DCRA (pièce E-2), qui stipule que le superviseur doit envoyer une copie de la DCRA au Personnel, Rémunération et avantages. Il a donné un exemple : quand il était superviseur (de 1995 à 2002), avec sept subordonnés, lorsqu’un de ses subordonnés lui présentait une DCRA, il approuvait la demande, en faisait une photocopie, envoyait l’original aux RH et remettait une copie à l’intéressé.

73 Quand le fonctionnaire s’est fait demander par son représentant ce que signifiait [traduction] « Je vais faire les changements/modifications nécessaires avec le Personnel » dans une note manuscrite (pièce E-4) datée du 21 août 2002 adressée à M. Leung, il a déclaré qu’il [traduction] « avait agi comme un bon gars » : comme il avait demandé une modification, il pensait qu’il devrait envoyer la DCRA aux RH.

74 Le fonctionnaire a admis que Mme Kainz l’avait aidé plusieurs fois à présenter des demandes de congé modifiées en utilisant PeopleSoft et qu’elle avait aussi plusieurs autres fois imprimé ses soldes de crédits de congé et les lui avait remis, à sa demande.

75 Il a expliqué que la Division du soutien technique manquait d’argent en 2001 pour acheter de nouveaux ordinateurs. À l’époque, il avait un modèle 1996 doté de très peu de mémoire et doutait de sa capacité de faire fonctionner PeopleSoft. En juillet 2006, on avait installé plus de mémoire dans son ordinateur et y chargeant aussi PeopleSoft, mais le système fonctionnait un certain temps, puis s’arrêtait. En octobre 2007, on lui a fourni un nouvel ordinateur.

76 Le fonctionnaire a admis qu’il n’avait pas fait de suivi de ses soldes de crédits de congé annuel dans PeopleSoft et il a reconnu, avec le recul, qu’il aurait peut-être dû le faire.

77  Le 10 février 2006, quand M. Leung l’a informé qu’il avait un total de 187,5 heures de crédits de congé annuel de trop pour l’exercice 2005-2006, le fonctionnaire a déclaré qu’il pensait que c’était vrai, parce qu’il n’était pas allé vérifier ses soldes dans PeopleSoft. Il a déclaré que sa réponse à M. Leung le 20 février 2006 (pièce E-6) était cavalière et qu’il reconnaissait que c’était probablement une erreur de sa part.

78 Le fonctionnaire a témoigné avoir été très perturbé lorsqu’il a reçu la lettre du 11 juillet 2008 (pièce E-28) de M. Macgillivray lui imposant la suspension de cinq jours sans traitement. Il a déclaré qu’il n’avait pas adopté délibérément ni avec préméditation une stratégie pour rester dans l’ignorance sur ses crédits de congé annuel. Il ne savait pas que M. Leung n’envoyait pas ses DCRA aux RH après les avoir approuvées. Par conséquent, il pensait que les soldes de ses crédits que l’employeur lui donnait à la fin de l’exercice étaient corrects. Il a aussi déclaré n’avoir jamais reçu d’instructions écrites ni verbales lui enjoignant de soumettre ses DCRA aux RH et de conserver un relevé de ses soldes de crédits de congé annuel.

79 Il a expliqué qu’il lui était arrivé à l’occasion de prendre des congés annuels sans recevoir l’autorisation écrite de M. Leung. Toutefois, il a déclaré que c’était un moindre mal, en mentionnant la pièce G-3, dans laquelle M. Leung lui avait reproché de prendre des congés annuels pour activités syndicales.

80 Le fonctionnaire a témoigné qu’il ne s’était pas demandé pourquoi il touchait des trop-payés, puisqu’il n’était pas inhabituel pour lui de recevoir plusieurs chèques par mois de remboursement de frais de voyage et de paiement d’heures supplémentaires qu’il avait travaillées dans ses voyages d’affaires.

81 Le fonctionnaire a déclaré avoir toujours agi de manière conforme à l’éthique et de bonne foi. Il a dit qu’il ne pouvait pas assumer quelque responsabilité que ce soit pour l’erreur relative aux chèques de trop-payé puisque cette responsabilité incombe selon lui à son employeur. S’il s’était rendu compte qu’on avait fait erreur sur ses crédits de congé, il en aurait informé son superviseur, M. Leung. Il n’a donc aucun remords puisqu’il n’a rien fait de mal. Néanmoins, avec le recul, il a reconnu que s’il avait su que M. Leung n’envoyait pas ses DCRA approuvées aux RH, il lui aurait envoyé un courriel pour lui dire que c’était à lui de les acheminer aux RH.

82 En contre-interrogatoire, le fonctionnaire a reconnu avoir accepté les chèques de trop-payé pour ses crédits de congé annuel, en soulignant toutefois que les talons de ces chèques ne précisaient pas le nombre d’heures qu’on lui payait.

83 Il a aussi reconnu que l’employeur lui rappelait chaque année de vérifier les congés annuels qu’il avait pris et le solde de ses crédits de congé annuel.

84 Le fonctionnaire a déclaré avoir demandé en 2006 qu’on lui paie ses crédits de congé annuel en sus de la limite de report de 262,5 heures, en disant avoir pris cette décision sur la foi de l’information que M. Leung lui avait donnée. Il n’a pas contesté cette information parce qu’il ne faisait pas le suivi de ses crédits de congé annuel. Il a également déclaré qu’il n’était pas négligent, mais qu’il ne savait pas que la direction l’avait rendu responsable d’envoyer toutes ses DCRA aux RH, et c’est pourquoi il ne doutait pas de l’information qu’il recevait. Il a expliqué que travailler pour le gouvernement fédéral signifie qu’on accepte que l’information qu’un superviseur nous donne est correcte et donnée de bonne foi.

85 Le fonctionnaire a reconnu avoir pris au cours de l’exercice 2005-2006 392,5 heures (11 semaines) de congé annuel, alors qu’on ne lui en avait attribué que 187,5 heures (cinq semaines). Quand l’avocat de l’employeur lui a dit que son courriel à M. Leung, où il avait déclaré qu’il tenait encore à se faire payer ses 187,5 heures en sus de la limite de report de 262,5 heures parce qu’il avait eu de grosses factures de réparations, il ne s’agissait pas d’une [traduction] « réponse cavalière », mais bien d’une [traduction] « réponse calculée », ce que le fonctionnaire a nié.

86 Le fonctionnaire a déclaré n’avoir demandé qu’une seule fois à Mme Kainz de vérifier le solde de ses crédits de congé annuel dans PeopleSoft.

87 Quand on lui a montré la pièce E-23, la liste des demandes de congé que Mme Kainz avait entrées dans PeopleSoft de 2002 à 2004, le fonctionnaire a catégoriquement déclaré [traduction] : « […] elle a peut-être envoyé les DCRA à la Rémunération, mais je ne le lui ai pas demandé. » Quand l’avocat de l’employeur lui a fait remarquer qu’elle dessinait toujours un visage souriant sur les DCRA qu’elle entrait dans PeopleSoft, le fonctionnaire a déclaré qu’il ne pouvait pas se rappeler s’il avait remis ces DCRA-là à Mme Kainz.

88 Lorsque l’avocat de l’employeur lui a demandé comment il avait pu prendre le chèque de 3 946,52 $ qu’il avait reçu en mai 2003 pour un chèque de paiement d’heures supplémentaires ou de remboursement de frais de voyage, le fonctionnaire a répondu qu’il recevait une ou deux fois par année des chèques de remboursement de voyages d’affaires de 2 600 $.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le fonctionnaire (dossier de la CRTFP 566-02-754)

89 Le représentant du fonctionnaire a soutenu que l’employeur avait contrevenu à la clause 14.03 de la convention collective :

14.03 Le nombre de jours de congé payé porté au crédit d’un employé par l’Employeur au moment de la signature de la présente convention ou au moment où l’employé commence à être assujetti à la présente convention est conservé par l’employé.

90 Le fonctionnaire est membre de l’unité de négociation depuis le 26 janvier 2006, date à laquelle le Conseil du Trésor et l’IPFPC ont signé la convention collective. Par conséquent, il devait conserver les jours de congé portés à son crédit au 26 janvier 2006. En outre, la clause 14.03 de la convention collective interdit à l’employeur de recouvrer rétroactivement les crédits de congé annuel que le fonctionnaire a pris et les trop-payés de congé annuel qu’il a touchés.

91 Le représentant du fonctionnaire a maintenu que le libellé de la clause 14.03 de la convention collective est clair et que l’employeur doit l’appliquer telle quelle. Cette clause figure dans la convention collective depuis 1995; si les parties avaient des réserves ou si elles voulaient modifier son libellé ou le changer, elles ont eu de nombreuses occasions de le faire au fil des années, dans le cadre du processus de négociation collective.

92 En citant Williams c. Conseil du Trésor (Défense nationale), dossier de la CRTFP 166-02-26410 (19951214), le représentant du fonctionnaire a soutenu que, même si les faits en l’espèce ne sont pas identiques, ils sont très semblables. Dans Williams,l’arbitre de grief avait conclu que le fonctionnaire conserve le nombre de jours de congé payé qu’il possède au moment où il devient assujetti à la convention collective. Dans son analyse de cette affaire, il avait souligné que la clause pertinente de la convention collective ne disait pas « congé payé accumulé », mais bien « congé payé porté au crédit ». Dans le dernier paragraphe de son analyse, il soulignait : « Si les parties avaient voulu parler de congé ‘accumulé’, je suppose que c’est l’expression qu’elles auraient utilisée. »

93 L’employeur avait la responsabilité de s’assurer que les DCRA approuvées du fonctionnaire étaient acheminées aux RH. Il a fait une erreur, et le fonctionnaire s’est retrouvé avec trop de crédits de congé annuel. L’employeur lui a ordonné de prendre ces congés annuels, ce qu’il a fait. Si le fonctionnaire n’avait pas pris ces congés annuels, il aurait eu plus de crédits de congé annuel en sus de la limite de report, et les trop-payés pour les crédits de congé annuel qu’il a touchés auraient été plus gros.

94 Le fonctionnaire s’est fondé à son détriment sur l’information qui lui avait été donnée par l’employeur, puisque ce même employeur a ensuite recouvré 11 957,41 $ de trop-payés pour des crédits de congé annuel.

95 M. Robertson a justifié le recouvrement des trop-payés en invoquant les Lignes directrices sur l’administration de la paye annexées à sa lettre du 30 août 2006 au fonctionnaire (pièce E-26). Or, les Lignes directrices sur l’administration de la paye ne sont précisément que des lignes directrices et elles ne prévalent pas sur la convention collective.

96 Pour conclure, le représentant du fonctionnaire a déclaré que celui-ci s’était fondé sur l’information qui lui avait été donnée par l’employeur : les crédits de congé annuel qu’il était autorisé à prendre et le remboursement des crédits de congé annuel en sus de la limite de report de 262,5 heures, pendant plusieurs années. Par conséquent, la doctrine de préclusion interdit à l’employeur de recouvrer les trop-payés que le fonctionnaire a touchés.

B. Pour l’employeur (dossier de la CRTFP 566-02-754)

97 L’avocat de l’employeur a déclaré qu’on ne peut pas se limiter au libellé de la clause 14.03 de la convention collective; il faut aussi en déterminer l’esprit, pour éviter une interprétation absurde.

98 En l’espèce, le fonctionnaire a pris 11 semaines de congé annuel au cours de l’exercice 2005-2006. M. Leung l’avait informé que, selon PeopleSoft, il avait 187,5 heures de crédits de congé annuel en sus de la limite de 262,5 heures. Il serait absurde de conclure, à la lecture de la clause 14.03 de la convention collective, que le fonctionnaire aurait eu droit à un remboursement de 187,5 heures après avoir pris 11 semaines de congé annuel au cours d’un même exercice, à cause d’une erreur flagrante.

99 L’avocat de l’employeur a fait valoir que l’employeur pourrait dire que l’employé n’aurait pas droit à des crédits de congé annuel si celui-ci n’avait pas pris de congé annuel au cours d’un exercice financier et si les soldes de ces crédits établis par l’employeur étaient incorrects, s’il fallait retenir l’interprétation de l’agent négociateur. Ce serait également une interprétation absurde.

100 L’interprétation que fait l’agent négociateur de la clause 14.03 de la convention collective permettrait clairement aux employés d’orchestrer soigneusement des fraudes en s’assurant de ne pas envoyer leurs formules approuvées de demande de congé aux RH, puis en prétendant avoir droit à des chèques de trop-payé pour des crédits de congé annuel en sus de la limite. Ce serait absurde, car les employés se feraient payer deux fois leurs congés.

101 La raison d’être des dispositions de la clause 14.03 de la convention collective consiste à protéger les crédits de congé annuel légitimement accumulés quand de nouvelles dispositions sont négociées ou ajoutées dans le contexte de la négociation collective.

102 En réplique, le représentant du fonctionnaire a déclaré que le libellé de la clause 14.03 de la convention collective est parfaitement clair. Même si des résultats regrettables peuvent se produire, les conventions collectives sont périodiquement renouvelées à la table de négociation et leur libellé est révisé pour cette raison.

C. Pour l’employeur (dossier de la CRTFP 566-02-2643)

103 L’avocat de l’employeur a déclaré qu’il faut se poser deux questions dans une affaire disciplinaire : quelles sont les raisons d’imposer une sanction disciplinaire et, si ces raisons sont valides, la sanction imposée est-elle appropriée?

104 Le fonctionnaire n’a pas écopé d’une sanction disciplinaire pour n’avoir pas envoyé ses DCRA aux RH, même si l’on a pensé à le punir. Il a été puni pour avoir consciemment accepté des trop-payés sans se demander à quel titre. Il n’a manifesté aucun remords et n’a assumé aucune responsabilité pour ses actions. En sa qualité d’ingénieur responsable de projets de millions de dollars, il aurait dû savoir, quand il recevait de gros chèques où il était précisé que c’était pour [traduction] « paiement de congé » qu’il aurait dû communiquer avec son superviseur ou avec les RH pour obtenir des explications.

105 M. Macgillivray a déclaré qu’il avait tenu compte des circonstances atténuantes, dont la responsabilité de M. Leung et la position du fonctionnaire dans l’organisation, avant de lui imposer sa suspension de cinq jours sans traitement. Il est arrivé à la conclusion que la sanction disciplinaire était tout à fait conforme à la norme, puisque le fonctionnaire avait accepté les trop-payés sans les signaler à M. Leung ni aux RH, de sorte que ses actions revenaient à abuser de la confiance de l’employeur.

D. Pour le fonctionnaire (dossier de la CRTFP 566-02-2643)

106 Le représentant du fonctionnaire a déclaré que celui-ci travaille dans la fonction publique depuis environ 23 ans et qu’il n’avait jamais fait l’objet d’une sanction disciplinaire.

107 Le représentant du fonctionnaire a déclaré que le fonctionnaire a peut-être fait une erreur, mais qu’il n’a contrevenu délibérément à rien ni refusé délibérément quoi que ce soit et n’a commis aucun acte répréhensible. Par conséquent, où est l’inconduite?

108 Le fonctionnaire a témoigné avoir reçu des chèques de remboursement de frais de voyage de 2 600 $ et déclaré qu’il ne se rendait pas compte que les chèques de trop-payés correspondaient à des crédits de congé annuel excédentaires.

109 C’est à M. Leung qu’il incombait de s’assurer que les DCRA approuvées étaient acheminées aux RH. Le fonctionnaire ne savait pas que M. Leung ne les acheminait pas. L’explication du fonctionnaire quand on lui reproche de ne pas avoir fait d’excuses et de ne manifester aucun remords est crédible parce qu’il n’a rien fait de mal. Rien dans la preuve produite par l’employeur ne démontre que le fonctionnaire cherchait à se procurer un avantage (des chèques de trop-payés) en contournant PeopleSoft.

110 En réplique, l’avocat de l’employeur a déclaré que les longs états de service du fonctionnaire et son dossier disciplinaire vierge ont été pris en compte avant qu’on lui impose la suspension de cinq jours sans traitement. Cette suspension sans traitement lui a été imposée non pour son refus de se servir de PeopleSoft, mais plutôt pour sa négligence et son inconduite.

111 L’employeur m’a renvoyé aux décisions suivantes : Bolton c. Conseil du Trésor (Affaires indiennes et du Nord Canada), 2003 CRTFP 39; Ellement c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada), dossier de la CRTFP 166-02-27688 (19970611); Millar c. Conseil du Trésor (Développement des ressources humaines Canada), 2001 CRTFP 120; Faryna v. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354; et Potvin c. Conseil du Trésor (Affaires extérieures Canada), dossier de la CRTFP 166-02-23870 (19940318).

IV. Motifs

Charge de la preuve

112 Les parties ont convenu que la charge de la preuve incombait au fonctionnaire dans le dossier de la CRTFP 566-02-754, mais qu’elle incombait à l’employeur dans le dossier de la CRTFP 566-02-2643.

A. Premier grief (dossier de la CRTFP 566-02-754)

113 Le 25 novembre 2006, le fonctionnaire a déposé ce grief alléguant que, parce qu’il s’était conformé aux instructions écrites et verbales de son superviseur lui enjoignant de prendre des congés annuels, instructions basées sur des renseignements incorrects et sur l’administration incorrecte aussi de ses DCRA, le recouvrement de 11 957,41 $ de trop-payés pour des crédits de congé annuel qu’il avait touchés de 2002 à 2005 était injustifié.

114 Le fonctionnaire prétend que recouvrer ces trop-payés est contraire à la clause 14.03 de la convention collective et contraire également à la doctrine de préclusion, et que c’est une sanction disciplinaire injustifiée imposée sans raison.

115 Comme redressement, le fonctionnaire demande que l’employeur lui rembourse les trop-payés recouvrés.

116 Pour interpréter la clause 14.03 de la convention collective, je dois interpréter son libellé afin de déterminer l’intention des parties.

117 Dans Canadian Labour Arbitration, 4e edition, chapitres 4:37 et 4:41, les auteurs Brown et Beatty ont résumé les règles d’interprétation dont les arbitres de grief s’inspirent pour interpréter les dispositions d’une convention collective :

[Traduction]

[…]

On a souvent dit que l’essentiel pour interpréter les termes d’une convention collective consiste à découvrir l’intention des parties à la convention.

Il s’ensuit que, pour déterminer l’intention des parties, l’hypothèse fondamentale est qu’elles avaient l’intention de dire ce qu’elles ont dit et qu’il faut rechercher le sens de la convention collective dans ses dispositions expresses.

En cherchant à découvrir l’intention des parties à l’égard d’une disposition particulière de la convention, les arbitres ont généralement supposé que le libellé dont ils sont saisis doit s’entendre au sens normal ou ordinaire, à moins que cette interprétation ne donne lieu à une absurdité ou à une contradiction avec le reste de la convention collective, ou à moins que le contexte ne révèle que les mots sont employés dans un autre sens.

[…]

118 Le MPO a introduit PeopleSoft en 2000, mais le fonctionnaire a choisi de continuer à demander ses congés annuels en soumettant des DCRA. L’employeur n’a produit aucune preuve démontrant que les employés s’étaient fait ordonner de se servir de PeopleSoft, de sorte que la décision du fonctionnaire de soumettre des DCRA plutôt que d’utiliser PeopleSoft n’est pas en question.

119 Le fonctionnaire prétend que c’est à M. Leung qu’il incombait de faire parvenir les DCRA approuvées aux RH (pièce E-2, point 4). Je suis d’accord avec lui : c’est ce qui aurait dû être fait. Toutefois, M. Leung, que je considère comme crédible, a témoigné avoir enjoint au fonctionnaire, le 4 juin 2001 [traduction] « […] veuillez [envoyer les DCRA] vous-même aux RH. » À mon avis, la franchise et la transparence dont M. Leung a fait preuve dans son témoignage, le fait qu’il a reconnu qu’il aurait dû jouer un rôle plus proactif en s’assurant que les soldes des crédits de congé annuel du fonctionnaire étaient corrects et le fait enfin qu’il n’avait rien à gagner l’emportent de beaucoup sur l’attitude élusive du fonctionnaire durant son témoignage et son contre-interrogatoire.

120 Il s’ensuit que la plus grande partie des congés annuels que le fonctionnaire a pris de 2001 à 2005 n’avaient pas été enregistrés dans PeopleSoft. Comme la preuve l’a montré, quand les crédits de congé annuel dépassent la limite de report de 262,5 heures, ils sont automatiquement payés par chèque. À la fin des exercices 2002, 2003, 2004 et 2005, le fonctionnaire s’est donc fait payer des crédits de congé annuel excédentaires d’une valeur totale de 11 957,41 $.

121 Le représentant du fonctionnaire a déclaré que le libellé de la clause 14.03 de la convention collective est clair et concis. Son argument consiste à dire qu’un employé qui était membre de l’unité de négociation le 26 janvier 2006, date à laquelle le Conseil du Trésor et l’IPFPC l’ont signée, a droit au nombre de jours de congé payé porté à son crédit par l’employeur. Il a déclaré que le fonctionnaire avait pris des congés annuels à la demande de l’employeur, mais ces congés annuels n’avaient pas été notés dans PeopleSoft, de sorte que les heures portées à son crédit au 26 janvier 2006 empêchaient l’employeur de recouvrer les trop-payés pour ces mêmes crédits de congé annuel.

122 Cette affaire fait ressortir le genre d’absurdités qui résulteraient d’une combinaison d’erreurs dans les faits et d’interprétation stricte de la convention collective. Le fonctionnaire demande qu’on se fonde sur des erreurs factuelles pour rendre la justice, et j’estime que si je devais accueillir ce grief, une erreur factuelle engendrerait une erreur de droit. Le fonctionnaire prétend que quels que soient les faits et quelle que soit la description qu’on en fait (fraude, négligence, ignorance à dessein ou pur accident), la convention collective lui donne un droit absolu de conserver les crédits de congé incorrectement inscrits dans sa banque. Je ne crois pas que les parties aient voulu que la clause 14.03 soit utilisée par des employés qui cherchent à exploiter des erreurs administratives, quelle que soit leur cause, dans le calcul de leurs crédits de congé, surtout pas dans un cas où l’erreur est au moins en partie attribuable à l’erreur de l’employé lui-même. Comme je l’ai dit, mon rôle consiste à refléter l’intention des parties, et le fonctionnaire ne m’a pas convaincu que les parties se seraient entendues pour inclure cette clause dans la convention collective si l’interprétation qu’il propose avait été envisageable.

123 En droit, on a l’habitude de dire que la bonne foi va de soi et que la mauvaise foi doit être prouvée. Bien que cette maxime ne soit pas normalement appliquée dans des situations comme celle-ci, sa sagesse me vient quand même à l’esprit. La négociation d’une convention collective doit partir du principe que les deux parties sont de bonne foi; l’article 106 de la LRTFP le confirme, d’ailleurs. M. Churcher réclame ce que j’estime être une interprétation entièrement de mauvaise foi et il n’a pas réussi à me convaincre que les parties s’étaient ou se seraient entendues sur une telle interprétation en négociant la clause en question.

124 L’intention de cette clause n’est peut-être pas claire à première vue, peut-être en partie parce qu’une clause identique (ou très semblable) figure dans les conventions collectives d’une vaste gamme d’agents négociateurs comme l’IPFPC, l’AFPC, l’ACEP, le SCEPT et l’UCCO-SACC-CSN, depuis au moins vingt-cinq ans. L’histoire des négociations de cette clause est depuis longtemps voilée par le passage du temps.

125 Néanmoins, si je lis l’article 14 dans son ensemble, je ne crois pas que la clause soit ambiguë ou qu’il faille autre chose que du bon sens et que les règles normales d’interprétation pour la comprendre. Les trois premières clauses de l’article 14 s’appliquent de toute évidence aux employés et à la protection de leur droit légitimement acquis à des congés. La clause 14.01 protège les employés en cas de décès ou de mise en disponibilité quand ils ont bénéficié de plus de jours de congé annuel ou de maladie qu’ils n’en ont acquis, en empêchant l’employeur de recouvrer ces jours-là. Cette clause a été conçue dans une optique d’équité et de compassion.

126 La clause 14.02 protège les droits des employés d’être informés du solde de leurs crédits de congé, en leur donnant le droit de l’être une fois par exercice financier. De cette façon, ils peuvent vérifier leurs soldes et prendre rapidement des mesures s’ils constatent une erreur.

127 La clause 14.03 a manifestement pour but de protéger les crédits de congé accumulés des employés. Même si les situations ou les circonstances dans lesquelles cette clause s’applique ne sont pas précisées dans la convention collective, je suis absolument certain que les parties n’ont jamais voulu qu’elle s’applique dans toutes les circonstances, y compris dans les cas de fraude ou d’ignorance à dessein. Au contraire, je pense que la clause 14.03 a été incluse dans la convention collective pour préserver les droits acquis des employés à leurs crédits de congé accumulés quand ils changent d’unité de négociation, comme Williams l’a souligné.

128 Dans Williams, le fonctionnaire avait le droit qu’on tienne compte de son service antérieur comme militaire pour les fins du calcul de ses crédits de congé annuel quand il a quitté les Forces armées canadiennes pour devenir membre civil de l’Union des employés de la Défense nationale, un élément de l’Alliance de la Fonction publique du Canada. Il a participé à un concours et est devenu membre de l’unité de négociation du Conseil des métiers et du travail des chantiers maritimes du gouvernement fédéral (Esquimalt), dans laquelle le transfert des congés annuels n’était pas prévu. L’arbitre de grief a jugé qu’il avait le droit de conserver le nombre de jours de congé payé qu’il possédait au moment où il avait changé d’unité de négociation.

129 Dans les années qui ont précédé l’imposition de limites à l’accumulation des crédits de congé annuel, c’était un droit particulièrement précieux pour les employés. L’employeur, lui, avait intérêt à préserver et à encourager (au moins dans une certaine mesure) la mobilité des employés. Cela dit, pour les fins de la présente affaire, je n’ai pas à préciser toutes les circonstances dans lesquelles la clause 14.03 s’applique. Ma tâche consiste à décider si elle s’applique ou pas dans la situation actuelle, et j’ai conclu qu’elle ne s’y applique pas.

130 J’estime que la clause 14.03 de la convention collective a pour but de faire en sorte que tous les congés légitimement acquis sont portés au crédit de l’employé à la date à laquelle les parties signent la convention collective ou à laquelle il change d’unité de négociation. Cette clause est une garantie que l’employé reçoive et se fasse créditer les différents congés, annuel, de maladie, de paternité, de maternité, etc., négociés collectivement. À la date de signature d’une nouvelle convention collective ou du transfert à une autre unité de négociation, les crédits de congé de l’employé le suivent.

131 J’ai conclu que l’esprit et l’intention de cette clause ne consistent pas à emprisonner des gens dans des situations intenables, mais plutôt à protéger les droits légitimes de l’employé. Dans des cas comme celui-ci, où la requête de l’employé n’est pas légitime, cette clause ne peut pas le protéger.

132  Je souscris à l’argument de l’employeur que les 11 957,41 $ de trop-payés sont une créance de la Couronne et que, en vertu du paragraphe 155(1) de la LGFP et des Lignes directrices sur l’administration de la paye, le recouvrement de cette créance n’est pas interdit par la clause 14.03 de la convention collective. Je note toutefois que le montant net des chèques encaissés par le fonctionnaire à ce titre de 2001 à 2005 s’élève à 9 088,48 $, si j’en crois les pièces E-17 à E-20. J’ordonne donc à l’employeur de lui rembourser 2 868,93 $.

133 Je rejette l’allégation du fonctionnaire que le recouvrement des trop-payés est contraire à la doctrine de préclusion et constitue une sanction disciplinaire injustifiée imposée sans raison. Je n’ai aucune preuve que le fonctionnaire s’était fait promettre ou assurer qu’il était autorisé à prendre plus de congés annuels que la convention collective ne l’autorisait. Je n’ai aussi aucune preuve que l’employeur lui ait imposé une sanction disciplinaire.

134 Pour les motifs qui précèdent, ce grief est accueilli en partie.

B. Second grief (dossier de la CRTFP 566-02-2643)

135 Le fonctionnaire allègue que la suspension de cinq jours sans traitement imposée par M. Macgillivray était injustifiée. Comme redressement, il demande qu’on le dédommage de toute perte subie au titre du traitement et des avantages et qu’on retire de son dossier personnel toute mention de la suspension.

136 Je dois déterminer si la suspension de cinq jours sans traitement est justifiée et, si oui, si elle était appropriée.

137 Après avoir soigneusement analysé la preuve et les arguments, je conclus qu’elle était appropriée, pour les raisons suivantes.

138 J’accepte l’argument que M. Leung a contribué au problème en ne s’assurant pas que les DCRA du fonctionnaire étaient acheminées aux RH, car c’était sa responsabilité. Toutefois, à titre d’ingénieur principal responsable de projets de millions de dollars, le fonctionnaire aurait dû tenir ses propres relevés de ses crédits de congé. Comme je l’ai déjà dit, M. Leung lui avait enjoint d’envoyer ses DCRA aux RH, mais le fonctionnaire avait choisi de ne pas le faire, sauf à quelques occasions, quand il leur avait envoyé des formules de demande de congé modifiées.

139 Le fonctionnaire a témoigné qu’il avait demandé à Mme Kainz de vérifier ses soldes de crédits de congé dans PeopleSoft. De toute évidence, il avait un mot de passe pour lui permettre d’entrer dans PeopleSoft. En d’autres termes, il connaissait assez bien le système et ses capacités; il aurait pu y accéder lui-même pour vérifier les soldes de ses crédits de congé.

140 Le fonctionnaire a également témoigné qu’il avait reçu des chèques de remboursement de frais de voyage pour des montants semblables aux trop-payés et que cela aurait pu causer une certaine confusion. Toutefois, son manque de crédibilité reste évident. Dans la fonction publique, tous les voyages en service commandé doivent être justifiés par des reçus (billet d’avion, taxis, hôtels, etc.). Le fonctionnaire devait produire les reçus exigibles et signer les formulaires d’autorisation de voyage requis pour être remboursé. Cela signifie qu’il devait connaître le montant exact de ses chèques de remboursement et les périodes correspondant aux voyages.

141 Les talons des chèques de trop-payé portent la mention [traduction] « paiement tenant lieu », multiplié par le nombre d’heures. Le fonctionnaire aurait pu prétendre à de la confusion dans le cas du chèque de trop-payé de 2001-2002 (2 513,26 $), mais après avoir reçu des chèques de trop-payé de 3 946,52 $ en 2002-2003, de 1 172,17 $ en 2003-2004 et de 2 418,53 $ en 2004-2005, une personne raisonnable aurait demandé à son superviseur, à son gestionnaire ou aux RH pourquoi elle recevait cet argent.

142 En 2005-2006, le fonctionnaire avait droit pour ses années de service à 187,5 heures de congé annuel. Cette année-là, il en a pris 392,5 heures. M. Leung lui a envoyé un courriel pour l’informer que, selon PeopleSoft, il avait 187,5 heures de crédits de congé annuel en sus de la limite de report de 262,5 heures. Le fonctionnaire a répondu qu’il préférait se faire payer les 187,5 heures en sus plutôt que de les prendre en congé, étant donné qu’il avait récemment payé de grosses factures de réparations pour ses véhicules personnels (pièce E-6). Il a témoigné que c’était une réponse cavalière et une erreur de sa part. Malheureusement pour lui, c’est cette réponse qui a incité l’employeur à faire enquête et à effectuer un rapprochement de ses congés annuels en remontant jusqu’en 2001.

143 J’ai eu l’impression qu’il ne s’agissait pas d’une réponse cavalière du fonctionnaire, mais plutôt d’une réponse calculée basée sur une excellente possibilité de toucher de l’argent auquel il n’avait pas droit. Le fonctionnaire a pris le risque que les trop-payés indétectés ne seraient pas découverts et qu’il serait payé comme il l’avait été dans le passé.

144 Je pense que le fonctionnaire a délibérément choisi de ne pas signaler les trop-payés à son superviseur, à son gestionnaire ni aux RH. Je conclus qu’il ne s’agissait pas d’une simple négligence de sa part, mais bien d’une supercherie préméditée.

145 Par conséquent, je conclus que, dans les circonstances, la suspension de cinq jours sans traitement est une sanction entièrement appropriée pour les actions du fonctionnaire. Je n’ai aucune raison de réduire cette pénalité.

146 Ce grief est rejeté.

147 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit:

V. Ordonnance

148 Le grief dans le dossier de la CRTFP 566-02-754 est accueilli en partie. L’employeur devra rembourser 2 868,93 $ au fonctionnaire.

149 Le grief dans le dossier de la CRTFP 566-02-2643, concernant la suspension de cinq jours sans traitement, est rejeté.

Le 6 juillet 2009.

Traduction de la CRTFP

D. R. Quigley,
arbitre de grief

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