Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a allégué que la section locale de son agent négociateur l’avait exclu de l’audience d’un grief, ne l’avait pas appuyé dans le cadre d’un autre grief, avait tenté de l’empêcher d’assister à une réunion syndicale et avait refusé de le choisir comme délégué syndical parce qu’il avait déposé une plainte - l’agent négociateur défendeur a soutenu que la Commission n’avait pas compétence pour décider des plaintes relatives à la participation à des réunions syndicales ou à la sélection à titre de délégué syndical puisqu’il s’agissait de questions syndicales internes - en ce qui concerne le devoir de représentation équitable, l’agent négociateur a fait valoir qu’il avait représenté équitablement le plaignant dans le cadre du grief - la Commission a conclu qu’elle n’avait pas compétence à l’égard des plaintes relatives aux questions internes et que le plaignant n’avait présenté aucun fait pour démontrer que l’agent négociateur ne l’avait pas représenté équitablement. Plaintes rejetées.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2009-06-17
  • Dossier:  561-34-217 et 343
  • Référence:  2009 CRTFP 77

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique


ENTRE

CHRIS O’HARA

plaignant

et

SYNDICAT DES EMPLOYÉ(E)S DE L’IMPÔT ET SECTION LOCALE 90006, SYNDICAT
DES EMPLOYÉ(E)S DE L’IMPÔT

défendeurs

Répertorié
O’Hara c. Syndicat des employé(e)s de l’impôt et Section locale 90006, Syndicat des employé(e)s de l’impôt

Affaire concernant des plaintes visées à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, commissaire

Pour le plaignant:
Lui-même

Pour les défendeurs:
Krista Devine, Alliance de la Fonction publique du Canada

Décision rendue sur la foi d’observations écrites,
déposées le 10 mars, le 29 août et le 22 septembre 2008, ainsi que le 9 mars,
le 21 avril et le  1er juin 2009.

I. Plaintes devant la Commission

1 Le 12 février et le 25 juillet 2008, Chris O’Hara (« le plaignant ») a déposé des plaintes contre le Syndicat des employé(e)s de l’impôt et la Section locale 90006 du Syndicat des employé(e)s de l’impôt (« les défendeurs »). Le Syndicat des employé(e)s de l’impôt est une composante de l’Alliance de la Fonction publique du Canada, l’agent négociateur du plaignant. Le plaignant allègue que les défendeurs se sont livrés à des pratiques déloyales au sens de l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (« la Loi »). Le plaignant allègue que les défendeurs l’ont empêché d’assister à une réunion syndicale de l’exécutif local et qu’ils ont refusé de le choisir comme délégué syndical. Il allègue également que les défendeurs ont refusé de le représenter ou qu’ils l’ont représenté de manière inadéquate dans le cadre de griefs qu’il a déposés contre l’employeur, l’Agence du revenu du Canada.

2 La plainte mettait en cause les dispositions suivantes de la Loi :

190. (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle

g) l’employeur, l’organisation syndicale ou toute personne s’est livré à une pratique déloyale au sens de l’article 185.

185. Dans la présente section, « pratiques déloyales » s’entend de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) et (2), les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1).

187. Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

188. Il est interdit à l’organisation syndicale, à ses dirigeants ou représentants ainsi qu’aux autres personnes agissant pour son compte :

e) de faire des distinctions illicites à l’égard d’une personne en matière d’adhésion à une organisation syndicale, d’user de menaces ou de coercition à son égard ou de lui imposer une sanction, pécuniaire ou autre, pour l’un ou l’autre des motifs suivants

(i) elle a participé, à titre de témoin ou autrement, à une procédure prévue par la présente partie ou la partie 2, ou pourrait le faire,

(ii) elle a soit présenté une demande ou déposé une plainte sous le régime de la présente partie, soit déposé un grief sous le régime de la partie 2, …

Résumé des observations du plaignant

3 En mars 2006, le plaignant est devenu délégué syndical de la section locale 90006 du Syndicat des employé(e)s de l’impôt (« la section locale »). En septembre 2006, il est devenu délégué syndical en chef après que le président local lui a offert le poste.

4 En avril 2007, le plaignant a déposé un grief pour contester contre le refus de l’employeur de lui accorder un congé pour un rendez-vous chez le médecin. Ginger Cole a représenté le plaignant au premier palier de la procédure de règlement des griefs. Après l’audience au premier palier, Mme Cole lui aurait signifié, selon le plaignant, que son grief jetait la honte sur le syndicat et qu’il ne devrait pas être renvoyé aux autres paliers de la procédure. Après cet événement, le plaignant a cessé d’assister aux réunions de l’exécutif local. Il est important de mentionner que, le 21 avril 2009, le plaignant a admis devant la Commission que le comportement de Mme Cole ne constituait pas une pratique déloyale.

5 À une date non précisée, l’employeur a imposé une mesure disciplinaire au plaignant suite à une interaction qu’il a eue avec son superviseur. Le plaignant a déposé un grief. Il a prétendu que l’audience du grief avait été fixée à une date où il était absent du travail de sorte à ce qu’il ne puisse pas y assister.

6 À une date non précisée, l’exécutif local a avisé le plaignant qu’il était mis en « congé de maladie » des affaires syndicales. Après une période de « congé de maladie », le plaignant a informé l’exécutif local qu’il souhaitait assister à une de ses réunions pour discuter de la reprise de ses fonctions syndicales. Le plaignant a assisté à la réunion, mais la question de son retour a été discutée seulement à une réunion ultérieure à laquelle il n’était pas présent. Après cette dernière réunion, l’exécutif local a demandé au plaignant de prolonger son absence d’une autre période de six mois.

7 Le plaignant a assisté à une autre réunion de l’exécutif local au cours de laquelle il a été question de sa participation à l’exécutif. Certains des membres présents à la réunion ont déclaré qu’ils démissionneraient du syndicat si le plaignant reprenait ses fonctions.

8 Le plaignant a également invoqué un incident survenu lorsque l’employeur lui a initialement refusé l’accès au lieu de travail pour assister à une réunion de l’exécutif local. Le plaignant a appris ultérieurement que le refus de l’employeur faisait suite à un avis reçu du président local l’informant que le plaignant n’avait pas été invité à assister à la réunion. Après cet incident, le plaignant souhaitait déposer un grief, mais la section locale a refusé de l’aider.

9 En avril 2008, le plaignant a avisé l’exécutif local qu’il souhaitait devenir un délégué syndical. L’exécutif local a refusé sa demande. Le 25 avril 2008, le président local a écrit au plaignant en lui expliquant que sa candidature au poste de délégué syndical était rejetée en raison de son incapacité à travailler avec la direction à tous les niveaux, de l’incidence potentielle sur l’exécutif local et de la confiance et du respect mutuels étant requis pour travailler les uns avec les autres, ainsi qu’avec la direction. Le président local a ajouté que l’exécutif estimait que la participation du plaignant dans les affaires syndicales nuirait à la capacité de l’exécutif d’effectuer le travail devant être accompli pour créer un milieu de travail meilleur pour les membres. Selon le plaignant, un vice-président local aurait déclaré que le plaignant n’avait pas été choisi comme délégué syndical parce qu’il n’était pas digne de confiance. Le vice-président local a cité comme exemple la plainte déposée par le plaignant auprès de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (« la Commission ») en février 2008.

10 Le plaignant s’est senti pénalisé par la manière d’agir des défendeurs. Il a invoqué le paragraphe 188e) de la Loi en faisant valoir que les défendeurs refusaient de lui accorder le poste de délégué syndical en raison de sa plainte auprès de la Commission.

Résumé des observations des défendeurs

11 Les défendeurs signalent que le plaignant a reconnu que l’incident d’avril 2007, lié à un grief contestant le refus d’un congé pour un rendez-vous chez le médecin, ne constituait pas une pratique déloyale de la part de l’agent négociateur. En ce qui concerne le grief contestant une mesure disciplinaire, il n’a pas précisé quand, ni où cette mesure disciplinaire a été prise ou qui elle visait. Le plaignant n’a pas établi qu’il y avait eu pratique déloyale.

12 Les défendeurs soumettent que les autres éléments de la plainte concernent la régie interne du syndicat. Par conséquent, la plainte devrait être rejetée puisque la Commission n’a pas la compétence requise. Le syndicat n’a pas pris de mesure disciplinaire contre le plaignant. La plainte porte plutôt sur le processus interne de sélection des délégués syndicaux. L’exécutif local a expliqué par écrit au plaignant pourquoi sa candidature n’a pas été retenue. Le plaignant a également fait part de problèmes auxquels il a fait face lorsqu’il a tenté d’accéder aux installations de l’employeur pour assister à une réunion de l’exécutif local. Or, ceci est également une question de régie interne du syndicat.

Motifs

13 Le plaignant a prétendu que les défendeurs avaient enfreint le paragraphe 188e) de la Loi en refusant sa candidature au poste de délégué syndical. Selon ce que le plaignant avait appris du vice-président local, l’exécutif local ne lui faisait pas confiance, notamment parce qu’il avait déposé une plainte auprès de la Commission en février 2008. Cependant, le lendemain de la prise de la décision, le président local a expliqué en détails au plaignant les motifs du rejet de sa candidature.

14 Il incombait au plaignant de démontrer de manière crédible que l’exécutif local n’avait pas retenu sa candidature au poste de délégué syndical parce qu’il avait déposé une plainte auprès de la Commission, en février 2008. Une fois cette démonstration faite, il devait également établir que ce refus constituait une sanction en vertu du paragraphe 188e) de la Loi. Le plaignant n’a pas établi qu’il n’avait pas été choisi comme délégué syndical parce qu’il avait déposé une plainte auprès de la Commission. Dans les faits, l’exécutif local a motivé par écrit sa décision de ne pas choisir le plaignant comme délégué syndical. Rien ne me porte à croire que ces motifs n’étaient pas les motifs réels du rejet de la candidature du plaignant. Ces motifs convainquent la Commission qu’il s’agit d’une affaire de régie interne du syndicat. Par conséquent, je ne suis pas compétent pour intervenir.

15 Le plaignant a également allégué qu’il n’a pas eu droit à une représentation adéquate ou à un soutien adéquat de la part de la section locale dans le cadre de trois griefs : une demande de congé pour un rendez-vous chez le médecin, une mesure disciplinaire reliée à une interaction avec son superviseur et un incident survenu lorsqu’il a voulu accéder aux installations de l’employeur pour assister à une réunion de l’exécutif local.

16 En avril 2009, le plaignant a informé la Commission qu’il n’estimait plus que la manière d’agir de la section locale dans le cadre de son premier grief constituait une pratique déloyale.

17 Le plaignant n’a pas fourni de précisions dans sa plainte au sujet du deuxième grief, sauf le fait que l’audience avait été fixée à un moment où il était absent du travail. La section locale n’avait absolument aucune obligation d’aviser le plaignant de la date de l’audience ou de l’inviter à cette audience. Par ailleurs, le plaignant n’a pas fourni de précisions au sujet de la date, de la personne concernée et de l’infraction de la Loi étant alléguée. Dans un tel contexte, il est impossible pour les défendeurs de fournir une explication sur la manière dont ils ont agi.

18 En ce qui concerne le troisième grief, le plaignant n’a pas présenté quoi que ce soit qui mènerait à conclure qu’il y a eu pratique déloyale. Ce n’est pas la section locale qui a contrôlé l’accès à l’immeuble lors de ses réunions, mais bien l’employeur. Il semble que l’exécutif local ait fourni une liste des employés qui étaient censés assister aux réunions et auxquels l’employeur devait accorder un accès. Si la section locale n’a pas initialement fourni le nom du plaignant à l’employeur, il serait ridicule que la section locale ou le plaignant reproche par la suite à l’employeur de lui avoir refusé l’accès à l’immeuble. Par ailleurs, la Commission n’interviendra certainement pas pour établir si l’exécutif local peut décider qui peut assister à ses réunions. Cette question dépasse largement le mandat, l’intérêt et la compétence de la Commission.

19 Un agent négociateur n’a pas l’obligation de représenter un membre. Dans l’arrêt Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon et autre, [1984] 1 R.C.S. 509, la Cour suprême du Canada a établi qu’il est suffisant de la part d’un agent négociateur de démontrer qu’il a pris en considération les circonstances relatives au grief, qu’il a examiné le bien-fondé de celui-ci et qu’il a pris une décision rationnelle sur la question de savoir s’il convenait de poursuivre l’affaire. En l’espèce, le plaignant ne m’a pas convaincu que les défendeurs ne se sont pas acquittés de leur obligation juridique en refusant d’appuyer son grief.

20 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

21 Les plaintes sont rejetées.

Le 17 juin 2009.

Renaud Paquet,
commissaire

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