Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les plaignants ont contesté l'utilisation du test de l'Exercice de simulation pour superviseur 428 (ESS) 428 comme méthode de présélection au motif qu'il ne tenait pas compte de la partialité possible des membres du comité d'évaluation. Les plaignants ont soutenu d'autre part que le témoin expert du Centre de psychologie du personnel (CPP) a reconnu que l'administration de l'ESS 428 sous-tend suffisamment de pouvoir discrétionnaire pour permettre à une personne affichant un parti pris de manipuler les résultats. Ils ont enfin fait valoir que la modification par l'intimé de l'une des conditions d'emploi après l'affichage du poste constituait un abus de pouvoir. L'intimé a soutenu qu'il incombait aux plaignants de prouver la partialité de tel ou tel membre du comité d'évaluation et que le témoignage des plaignants n'était pas crédible parce qu'il était purement subjectif. La Commission de la fonction publique (CFP) a soutenu que l'ESS 428 a été administré correctement, qu'il n'existe aucune preuve d'erreurs et que l'exercice était structuré de façon à réduire la possibilité de partialité dans l'évaluation. Décision : Le Tribunal a conclu que les plaignants n'ont pas réussi à établir un lien suffisant entre les événements passés et ce processus de nomination afin de prouver leur allégation de partialité. De plus, les plaignants n'ont fourni aucune preuve démontrant une faille quelconque dans l'administration de l'ESS 428. Enfin, le Tribunal a déterminé que la modification de l'une des conditions d'emploi ne pouvait faire l'objet d'une plainte d'abus de pouvoir en vertu de l'article 77 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Plaintes rejetées.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossiers:
2007-0455 et 0458
Rendue à:
Ottawa, le 19 janvier 2009

JUDY PRAUGHT ET CLAUDIO PELLICORE
Plaignants
ET
LE PRÉSIDENT DE L'AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plaintes d'abus de pouvoir en vertu de l'alinéa 77(1)a) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision:
Les plaintes sont rejetées
Décision rendue par:
Helen Barkley, membre
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Praught et Pellicore c. Président de l'Agence des services frontaliers du Canada et al.
Référence neutre:
2009 TDFP 0001

Motifs de la décision

Introduction

1 Judy Praught et Claudio Pellicore ont participé à un processus de nomination interne annoncé visant la dotation du poste de superviseur de l’exécution de la loi (FB‑05) à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), à Toronto (processus de nomination nº 07‑BSF‑IDA‑GTA‑GTEC‑FB‑001). Les deux candidats ont échoué à l’Exercice de simulation pour superviseur 428 de la Commission de la fonction publique (CFP), un test standardisé servant à évaluer la capacité de superviser. Les candidats ont tous deux présenté une plainte au Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique,L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP). Les plaignants soutiennent qu’ils n’ont pas été nommés en raison d’un abus de pouvoir dans l’application du mérite.

2 Conformément à l’article 8 du Règlement du Tribunal de la dotation de la fonction publique, DORS/2006‑6 (le Règlement du TDFP), le Tribunal a procédé à la jonction des plaintes aux fins de l’audience.

Question préliminaire

3 La CFP a indiqué que l’utilisation de l’un de ses tests standardisés, soit l’Exercice de simulation pour superviseur 428 (ESS 428), était contestée. Étant donné que l’ESS 428 est couramment utilisé dans la fonction publique, la CFP a exprimé des préoccupations au sujet du maintien de la confidentialité de certains documents. La CFP a demandé que le contenu des documents d’évaluation ne soit pas cité dans la présente décision, que ceux‑ci obtiennent la mention « Protégé » et qu’ils soient conservés à l’écart des autres documents versés au dossier.

4 Le Tribunal a acquiescé à cette demande afin d’assurer la confidentialité du test standardisé.

Contexte

5 Le 4 mai 2007, une annonce a été affichée pour le poste de superviseur de l’exécution de la loi. Cette annonce contenait les conditions d’emploi suivantes :

Pour être nommés, les candidats doivent avoir achevé et réussi la formation en tactiques de maîtrise et de défense (antérieurement appelée « Recours à la force et tactiques de contrôle par points de compression »). Ils doivent obtenir une nouvelle accréditation avant la nomination si le certificat détenu est périmé. S’ils ne détiennent pas de certificat, ils doivent en obtenir un avant la nomination. Certains candidats nommés à partir de ce processus devront peut‑être porter une arme à feu et acquérir les qualifications voulues pour l’utiliser et la manier en toute sécurité. Outre les conditions d’emploi susmentionnées, ces candidats devront réussir tous les cours connexes et les évaluations préalables (physiques et d’autre nature).

6 Le 8 mai 2007, l’annonce a été modifiée. Le nouveau libellé indique que l’exigence relative à la formation en tactiques de maîtrise et de défense (TDM) était nécessaire « pour certains postes » [Traduction] (autrement dit, les candidats à certains postes devaient avoir terminé avec succès la formation). L’énoncé des critères de mérite (ECM) et des conditions d’emploi contenait également une précision supplémentaire à la rubrique des conditions d’emploi, soit : « Consentir à occuper, par rotation, les différents postes de supervision au Centre d’exécution de la loi du Toronto métropolitain » [Traduction].

7 Le comité d’évaluation était composé de Reg Williams, directeur, Exécution de la loi en matière d’immigration, Centre d’exécution de la loi du Toronto métropolitain (CELTM), de Didi Gilker, chef des opérations, CELTM, et d’Antonella DiGirolamo, conseillère en ressources humaines, Bureau régional.

8 Le comité a effectué la présélection des candidats en fonction du critère de l’expérience et leur a fait passer un examen des connaissances. Le comité a ensuite administré l’ESS 428 élaboré par le Centre de psychologie du personnel (CPP) de la CFP afin d’évaluer la capacité des candidats à superviser. Les deux plaignants ont vu leur candidature éliminée du processus de nomination, car ils n’ont pas obtenu le résultat minimal à l’ESS 428.

Questions en litige

9 Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en faisant preuve de partialité à l’égard des plaignants dans l’administration de l’ESS 428?
  2. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir lorsqu’il a modifié l’une des conditions d’emploi après l’affichage du poste?

Résumé des éléments de preuve pertinents

10 Dans son témoignage, Judy Praught a affirmé qu’elle avait commencé sa carrière à Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) en 1989. Elle a d’abord occupé le poste d’agente d’immigration, puis d’agente des passeports, pour ensuite devenir agente de l’exécution de la loi en 1997. En 1999, elle a accepté un poste à la Gendarmerie royale du Canada (GRC), à l’Unité de filtrage des demandes de visas. Elle est retournée au CELTM en 2004, époque où Reg Williams était directeur intérimaire du Centre.

11 M. Williams a apporté des changements considérables au CELTM, qui ont eu des répercussions sur le travail des employés. Il a établi un code vestimentaire obligatoire et a instauré le travail par postes. À la suite de ces décisions, les employés ont formulé des griefs collectifs.

12 En 2004, Mme Praught a eu une conversation dans le couloir avec M. Williams, au cours de laquelle elle a soulevé des préoccupations au sujet d’un autre employé. Durant cette conversation, M. Williams a fait la remarque suivante : « Judy, Il faut tous que nous arrivions à nous entendre. Rappelle‑toi que c’est moi qui t’ai fait entrer ici » [Traduction]. Mme Praught a répondu : « J’étais enquêteuse à l’époque où tu occupais toujours un poste d’agent à l’aéroport » [Traduction]. Mme Praught a affirmé que, après cette conversation, M. Williams ne lui a plus adressé la parole. Elle a ensuite été mutée à l’Unité d’examen des cas de renvoi de l’ASFC, ce qui est couramment considéré comme une « punition » [Traduction]. Selon Mme Praught, c’est en raison de son différend avec M. Williams qu’on l’a mutée à cette unité.

13 En octobre 2004, Mme Praught était chef de grève pour les agents négociateurs au cours de la grève de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC). M. Williams était contrarié en raison de ce qui se passait sur les piquets de grève. Un matin, Mme Praught et M. Williams ont eu une conversation au cours de laquelle ce dernier a affirmé : « Tu devrais faire attention. Ici, ça fonctionne dans les deux sens » [Traduction]. Mme Praught a indiqué que cette situation a marqué un tournant dans sa carrière.

14 À l’époque, la plaignante a fait une déclaration solennelle (datée du 18 octobre 2004) à sa représentante syndicale, Janina Lebon, dans laquelle elle décrivait la situation et indiquait qu’elle craignait sérieusement que M. Williams prenne des mesures punitives à son endroit dans l’avenir. Malheureusement, ce document a été égaré durant la grève. Lorsque la plaignante a assuré un suivi à ce sujet auprès de Mme Lebon après la grève, on lui a dit que de telles situations se produisaient en période de grève.

15 Dans son témoignage, Mme Praught a indiqué que, depuis que M. Williams était à la tête du CELTM, tous les processus de nomination étaient dirigés par lui ou par des personnes de son entourage. Elle a indiqué que ceux qui représentaient le syndicat ou qui se prononçaient ouvertement contre M. Williams n’obtenaient pas de promotions. Mme Praught a interjeté appel à l’encontre d’un certain nombre de processus de nomination sous le régime de l’ancienne LEFP.

16 Mme Praught a indiqué que le test standardisé ne tenait pas compte de la partialité possible des membres du comité. Contrairement à d’autres tests standardisés, il n’est pas évalué par une tierce partie indépendante, mais bien par les membres du comité d’évaluation. Mme Praught a affirmé que M. Williams et Mme Gilker, qui faisait également partie du comité d’évaluation, n’avaient aucune intention de retenir sa candidature.

17 Mme Praught a ajouté qu’elle avait travaillé pour Mme Gilker pendant une très courte période. Dans le cadre d’un concours visant la dotation d’un poste de superviseur de l’exécution de la loi en 2004‑2005, Mme Gilker avait effectué une évaluation très négative à l’égard de Mme Praught.

18 Après l’élimination de sa candidature en raison de ses résultats à l’ESS 428, Mme Praught a participé à une discussion informelle avec Mmes Gilker et DiGirolamo. Selon Mme Praught, il était très clair que le comité d’évaluation avait l’intention de lui accorder des notes légèrement inférieures à la note de passage. Mme Gilker s’est montrée presque hostile durant la discussion. Elle refusait de répondre aux questions de Mme Praught. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi l’une des réponses de Mme Praught n’avait pas été acceptée par le comité, Mme Gilker a répondu qu’il ne revenait pas à la plaignante de formuler une pareille hypothèse.

19 Claudio Pellicore a indiqué qu’il était agent d’exécution de la loi pour les services intérieurs au CELTM. Il a commencé sa carrière à la fonction publique en tant qu’inspecteur des douanes en 1986, puis, dans les années 1990, il a travaillé comme enquêteur en immigration. En février 2007, il a reçu la description de travail du poste d’agent d’exécution de la loi pour les services intérieurs, description qui ne lui convenait pas. En avril 2007, on l’a muté à l’Unité d’examen des cas de renvoi, qu’il a décrit comme une « punition » [Traductionet un poste de niveau d’entrée. Il n’avait jamais eu à assumer ce type de fonctions avant février 2007. Dans cette unité, il faisait le nécessaire pour que les personnes mises en liberté puissent quitter le pays. Il prenait les dispositions relatives aux itinéraires de voyage et aux titres de transport.

20 M. Pellicore a rencontré M. Williams pour la première fois en 1998, à l’époque où il était vice‑président de la section locale. Le CELTM venait tout juste d’être créé, et M. Williams avait sa propre interprétation des différentes politiques et conventions collectives. Il en a découlé un certain nombre de griefs, qui ont mis plusieurs années à se régler. À un moment donné, M. Pellicore a demandé à M. Williams pourquoi il n’avait pas encore été promu depuis son arrivée au CELTM. M. Williams a répondu que M. Pellicore « devait choisir entre sa carrière et ses activités syndicales » [Traduction]. En juin 2005, M. Pellicore a quitté son poste de vice‑président de la section locale.

21 M. Pellicore a fait référence à la description de travail du poste de superviseur d’exécution de la loi, en particulier à « l’exigence d’utiliser des techniques de protection individuelle et de recours à la force » [Traduction]. M. Pellicore soutient que cette phrase signifie clairement que tous les postes de superviseur d’exécution de la loi nécessitent une formation préalable en TDM. Selon lui, étant donné que les titulaires peuvent être appelés à occuper ces postes partout au Canada, il est nécessaire que toutes les personnes nommées aient suivi la formation en TDM.

22 Aux termes de la politique de l’intimé sur le recours à la force, les superviseurs doivent déterminer si des techniques de recours à la force appropriées ont été appliquées à la suite d’un incident donné. La politique exige que les superviseurs maintiennent leurs compétences dans le domaine des techniques de TDM. Selon M. Pellicore, il s’agit d’une qualification essentielle pour le poste, étant donné qu’à la rubrique des conditions d’emploi figure la mention selon laquelle les superviseurs de l’exécution de la loi doivent accepter d’occuper d’autres postes de supervision par rotation.

23 M. Pellicore a affirmé que l’une des personnes proposées en vue d’une nomination n’était pas qualifiée. En effet, Bukola Eshiokwu n’a pas suivi de formation en TDM.

24 M. Pellicore a passé avec succès d’autres tests standardisés, comme les exercices « in‑basket » pour la gestion intermédiaire 810 et 820, qui sont notés par des tierces parties. Lorsque M. Pellicore a participé à la discussion informelle, il a constaté que c’est M. Williams qui avait pris toutes les notes. Celles‑ci ne contenaient pas un seul commentaire positif. Il a conclu que M. Williams ne cherchait à relever que les aspects négatifs afin de critiquer sa présentation.

25 M. Pellicore s’est soumis à l’ESS 428 à trois reprises. Chaque fois, cet exercice a été administré différemment, sans surveillance aucune de la CFP. Pour ce processus, M. Pellicore a reçu l’instruction de limiter son résumé à quatre pages, instruction qu’il n’avait pas reçue les deux autres fois qu’il avait effectué l’exercice. Au moment de la communication des renseignements, l’intimé a informé le plaignant qu’aucun des membres du comité n’avait suivi de formation particulière portant sur le test standardisé, même si le site Web de la CFP parle de formation des membres du comité pour administrer le test.

26 M. Williams a témoigné en faveur de l’intimé. Il a affirmé qu’il était directeur du CELTM depuis 2006. De juin 2004 à 2006, il a occupé le poste de directeur intérimaire des Opérations.

27 Lorsqu’il a élaboré le processus de nomination annoncé susmentionné, M. Williams souhaitait élargir au maximum la zone de sélection. Le processus s’adressait aux employés de l’ASFC, de même qu’à ceux de CIC. Selon M. Williams, même si l’« expérience appréciable » correspond généralement à cinq ans d’expérience, il n’a demandé qu’un an d’expérience dans ce contexte, car il souhaitait attirer le plus de candidats possible.

28 Pour ce qui est de la condition d’emploi relative à la formation en TDM, il a discuté de cette exigence avec le conseiller en ressources humaines et a décidé de modifier l’annonce pour qu’elle indique que cette formation était nécessaire « pour certains postes » [Traduction]. Cette modification avait pour but d’attirer plus de candidats, selon M. Williams. Certains superviseurs n’ont pas à superviser d’agents d’exécution de la loi, par exemple le superviseur d’exécution de la loi à la Salle de dossiers et à la Salle du courrier. Si un superviseur devait occuper un poste où il était appelé à superviser des agents d’exécution de la loi, il serait tenu de suivre la formation en TDM. Outre le fait qu’il souhaitait attirer plus de candidats, M. Williams espérait ainsi éviter les plaintes provenant de personnes qui n’avaient pas suivi cette formation. Le fait de consentir à occuper, par rotation, les différents postes de supervision a également été ajouté comme condition d’emploi. Même si ce fait allait de soi, M. Williams souhaitait indiquer clairement qu’il pouvait demander à des employés d’occuper des postes à différents endroits.

29 Mme Gilker s’est vu confier la responsabilité d’administrer l’ESS 428. Les candidats ont reçu les documents relatifs à la simulation et devaient rédiger un résumé. Le lendemain, chaque candidat devait présenter un exposé aux trois membres du comité. Il avait été convenu que M. Williams présenterait l’introduction et que tous les membres du comité prendraient des notes durant la présentation. Après l’entrevue, chaque membre du comité a examiné ses propres notes ainsi que le résumé du candidat en fonction des critères établis dans le guide de l’évaluateur et devait ensuite accorder une cote provisoire. Par la suite, les membres du comité ont discuté pour parvenir à un consensus sur la note finale. M. Williams devait rédiger les notes au cours de cette discussion, tâche dont il s’est acquitté au moment de la cotation des candidats.

30 M. Williams a indiqué qu’il avait utilisé l’exercice de simulation à plusieurs reprises et qu’il estimait qu’il s’agissait d’un outil utile. Même si cet exercice demande plus d’efforts de la part du comité d’évaluation et des candidats, il croit qu’il s’agit de l’un des meilleurs outils qui soient.

31 Dans son témoignage, M. Williams a indiqué qu’il n’avait eu vent d’aucune préoccupation concernant la grève jusqu’à ce qu’il prenne connaissance des allégations de Mme Praught, lesquelles indiquent qu’il l’avait harcelée durant la grève et qu’elle avait ensuite présenté une plainte de harcèlement à son encontre. M. Williams n’a jamais reçu de plainte de harcèlement. Il connaissait Mme Praught, car ils avaient tous deux travaillé à l’Aéroport international Pearson par le passé. La plaignante n’a jamais relevé de M. Williams. Ce dernier a indiqué que les notes qui lui ont été attribuées représentaient fidèlement les compétences qu’elle avait démontrées durant l’exercice de simulation.

32 M. Williams a affirmé que le poste d’agent d’exécution de la loi à l’Unité d’examen des cas de renvoi ne constituait pas un poste de niveau d’entrée, pas plus qu’il ne s’agissait d’une punition. Les agents de ce secteur étaient responsables du tri des dossiers, ce qui demande une bonne connaissance pratique des processus d’exécution de la loi. Lorsque des personnes sont en détention, le renvoi de leur dossier doit se faire rapidement, et cette décision doit être prise par un agent d’expérience. L’exécution de la loi comprend à la fois les enquêtes et les renvois. M. Williams a tenté d’atteindre le juste équilibre entre l’expérience et les besoins.

33 M. Williams a confirmé que Mme Eshiokwu, qui a été nommée, n’a pas suivi la formation en TDM. Toutefois, elle supervise les membres du personnel de la Salle de dossiers et de la Salle du courrier, qui n’ont pas à utiliser de techniques de recours à la force.

34 Mme Gilker a également témoigné en faveur de l’intimé. Elle a indiqué qu’elle avait travaillé dans le domaine de l’immigration pendant la majeure partie de sa carrière de fonctionnaire, qui s’est échelonnée sur 35 ans. Elle a pris sa retraite en 2007, époque où elle occupait le poste de chef des Opérations au CELTM. M. Williams lui a demandé de faire partie du comité d’évaluation une fois que le poste a été annoncé. Mme Gilker n’a pas participé à la modification de l’annonce d’emploi.

35 Dans son témoignage, Mme Gilker a affirmé qu’elle avait administré l’ESS 428 pour des processus de sélection menés en 2001, en 2003 et en 2005. Elle avait alors reçu une formation du CPP avant d’administrer le test pour la première fois. Dans son rôle d’administratrice de l’exercice, elle fournissait les documents requis aux candidats et supervisait la rédaction du résumé la première journée, puis elle organisait l’horaire pour la présentation de chaque candidat la deuxième journée.

36 Mme Gilker a confirmé que les trois membres du comité d’évaluation avaient pris des notes durant la présentation de chaque candidat. Les candidats étaient évalués par les membres du comité, qui examinaient le guide de cotation ainsi que leurs notes, discutaient ensuite de la présentation jusqu’à ce qu’ils atteignent un consensus. Comme son écriture était facile à comprendre, c’est M. Williams qui a pris les notes faisant état du consensus.

37 Au cours de la discussion informelle, Mme Gilker a décrit les problèmes qu’avaient éprouvés les deux plaignants au cours de leur présentation, mais elle se devait de protéger l’intégrité du test standardisé. Par conséquent, elle ne pouvait pas divulguer tous les renseignements aux candidats.

38 Selon Mme Gilker, les plaignants ont clairement omis de démontrer qu’ils satisfaisaient aux critères de l’ESS 428.

39 M. David Forster, psychologue principal, CPP, a été admis comme témoin expert dans le domaine de l’élaboration et de l’évaluation de tests standardisés.

40 Dans son témoignage, il a indiqué que l’utilisation de l’ESS 428 était approuvée par le CPP et considérée comme appropriée pour le poste. M. Forster a expliqué que cet outil permettait au comité d’évaluation d’observer et d’évaluer les candidats dans une situation fictive.

41 M. Forster a indiqué qu’il était impossible d’éliminer complètement la possibilité de partialité ou de mauvaise foi dans l’utilisation de tout outil d’évaluation comportant un élément de subjectivité ou de jugement. Toutefois, certaines mesures ont été prises en vue de réduire la possibilité de partialité dans l’évaluation. À son avis, la possibilité de partialité dans l’administration de l’ESS 428 est largement inférieure à celle qui pourrait entacher l’évaluation d’un exercice plus subjectif comme une entrevue non structurée élaborée sur place. Les mesures visant à réduire la subjectivité comprennent notamment la description claire des critères d’évaluation dans le guide de l’évaluateur ainsi que des indicateurs de comportement particuliers pour chacune des compétences évaluées.

42 M. Forster a également indiqué que la méthode d’évaluation des candidats axée sur le consensus, recommandée dans le guide de l’évaluateur et suivie par le comité d’évaluation en l’espèce, visait à éviter le risque d’abus d’influence par rapport à l’évaluation des candidats, par suite des opinions personnelles ou de la partialité d’un membre du comité.

43 M. Forster a examiné les notes prises par tous les membres du comité, de même que celles qui faisaient état du consensus. À son avis, ces dernières notes prises par M. Williams étaient plus détaillées que celles que prennent la plupart des comités d’évaluation. Elles contenaient des commentaires précis concernant le comportement des candidats et les décisions prises.

44 M. Forster a examiné les notes relatives aux tests des plaignants et leur résumé écrit, ainsi que les notes de chaque membre du comité d’évaluation. À son avis, il n’y a rien d’irrégulier dans la façon dont les plaignants ont été évalués à l’exercice. M. Forster n’a rien décelé dans son examen qui puisse indiquer que le comité d’évaluation a évalué les plaignants de façon incorrecte. Il est plutôt d’avis que le comité a administré correctement l’ESS 428.

45 M. Forster a ajouté qu’aucune qualification particulière n’était requise de la part des membres du comité d’évaluation, que ce soit pour l’administration du test ou pour la cotation des candidats. L’exercice a été conçu à l’intention des gestionnaires et des spécialistes des ressources humaines. Bien que la formation ne soit pas obligatoire, il est très rare qu’un comité d’évaluation administre le test sans avoir suivi de formation dans le domaine. Généralement, les personnes qui administrent l’exercice pour la première fois participent à une conférence téléphonique avec un psychologue qui leur présente les documents et leur explique les principes de l’observation des comportements et de la prise de notes. Selon M. Forster, le comité d’évaluation était entièrement en mesure d’administrer l’ESS 428, étant donné que deux membres du comité, soit Mme Gilker et M. Williams, avaient déjà suivi une formation sur la simulation et avaient déjà administré le test.

46 M. Forster estime qu’il n’est pas contradictoire qu’un candidat ait obtenu de bons résultats à l’exercice 810 ou 820 et que ce même candidat échoue à l’ESS 428, étant donné que les deux types de tests sont de nature très différente. Dans le cas de l’exercice 810 ou 820, les candidats fournissent toutes leurs réponses par écrit et sont ensuite évalués par le CPP en fonction d’une série de réponses attendues. Quant à l’ESS 428, il requiert l’observation d’un candidat dans un contexte fictif et la cotation de comportements précis, ce qui se traduit par une cote globale en fonction des indicateurs de comportement.

47 Au cours du contre-interrogatoire, M. Forster a indiqué que, dès lors qu’il y avait un élément de jugement dans une évaluation, il n’y avait aucune façon de garantir que celle‑ci était entièrement impartiale.

Argumentation des parties

A) Argumentation des plaignants

48 Les plaignants soutiennent qu’il existe des preuves incontestables selon lesquelles M. Williams a fait preuve de partialité à leur égard en raison de leurs activités syndicales.

49 Pour ce qui est de l’ESS 428, les plaignants soutiennent que M. Forster n’a pas été en mesure de vérifier le contenu de leur exercice en particulier. De plus, les plaignants affirment que cet exercice confère un pouvoir discrétionnaire suffisant aux membres du comité pour leur permettre d’agir dans une intention illégitime et d’éliminer la candidature des plaignants en raison de leurs activités syndicales. À leur avis, il s’agit simplement d’un instrument qui permet au gestionnaire d’agir en faisant preuve de mauvaise foi.

50 Selon les plaignants, la totalité de l’évaluation était fondée sur les notes prises par les membres du comité d’évaluation, notes qui peuvent ou non correspondre à ce qui a été dit par les candidats. Les plaignants soutiennent que M. Forster a reconnu que l’administration de ce test sous‑entendait un pouvoir discrétionnaire suffisant pour permettre à une personne affichant un parti pris de manipuler les résultats.

51 Les plaignants affirment également que l’explication de M. Williams concernant la raison pour laquelle il a modifié l’exigence relative à la formation en TDM n’est pas crédible. La personne qui occupe le poste de superviseur d’exécution de la loi a sous sa responsabilité des agents d’exécution de la loi pour les services intérieurs, qui utilisent des techniques d’application de la loi. En modifiant l’annonce, l’intimé a permis à des personnes qui n’étaient pas qualifiées dans ce domaine de participer au processus.

52 Les plaignants estiment que M. Williams a reçu des commentaires d’un employé qui n’avait pas suivi la formation en TDM et qu’il s’agit là de l’explication la plus plausible pour ce qui est de la modification de l’annonce. M. Williams a ensuite modifié les exigences dans le but de favoriser un candidat ou des candidats en particulier. Or, la description de travail du poste en question démontre clairement que celui‑ci requiert l’utilisation de techniques de protection personnelle et de recours à la force. En permettant à des personnes ne possédant pas de formation en TDM d’être nommées, l’intimé a fait en sorte que des personnes non qualifiées obtiennent le poste. Ces faits démontrent que M. Williams a exercé son pouvoir discrétionnaire dans une intention illégitime.

B) Argumentation de l’intimé

53 En ce qui concerne les allégations de partialité, l’intimé indique qu’il incombe aux plaignants de prouver qu’au moins un membre du comité d’évaluation s’est montré partial. L’intimé soutient que le témoignage des plaignants n’était pas crédible et qu’il est fondé sur des suppositions. L’intimé s’appuie sur la décision Portree c. l’Administrateur général de Service Canada et al., [2006] TDFP 0014, où le Tribunal a indiqué que, pour établir qu’il y a eu abus de pouvoir, il ne suffit pas d’exposer ce que l’on considère comme une injustice. Il faut produire une preuve claire et convaincante.

54 Pour ce qui est des faits de 2004 relatifs aux activités syndicales de Mme Praught, l’intimé est d’avis qu’il est possible que celle‑ci ait perçu les commentaires de M. Williams comme négatifs, mais qu’il s’agissait de sa propre opinion. Mme Praught n’a pas présenté de plainte de harcèlement, et la situation n’a pas été portée à l’attention de M. Williams jusqu’à ce qu’il lise les allégations présentées dans cette plainte.

55 M. Forster a expliqué que, avant de permettre à un ministère d’utiliser l’exercice de simulation, le CPP examine la demande et l’ECM pour décider si le test est approprié en fonction du poste à doter. Il a été établi que l’exercice de simulation était valable pour évaluer la capacité de superviser, et l’exercice a été approuvé par la CFP pour le processus susmentionné. M. Forster a également indiqué que l’exercice avait été administré conformément aux instructions et que les notes avaient été prises de façon plus rigoureuse que dans bien d’autres cas. Dans son témoignage, M. Forster a également affirmé que l’ESS 428 comportait un certain nombre de mesures visant à réduire la probabilité de partialité; par exemple, les critères d’évaluation sont définis clairement, l’exercice comporte des indicateurs de comportement et exige une justification écrite à l’appui de la cote attribuée, et la cote finale doit faire l’objet d’un consensus parmi les membres du comité. L’intimé est d’avis que les plaignants ont omis de démontrer que le comité d’évaluation a fait preuve de partialité dans l’administration de l’ESS 428 lorsqu’il a évalué leur candidature pour le poste.

56 Quant aux allégations relatives à la modification de l’annonce d’emploi, l’intimé indique que M. Williams devait procéder à une reclassification et doter un certain nombre de postes de supervision. Il a consulté les Ressources humaines, après quoi l’annonce a été produite. Il a décidé de modifier l’annonce le lendemain afin de clarifier les intentions de la direction, après avoir consulté à nouveau les Ressources humaines. Le processus s’adressait aux employés de l’ASFC et de CIC, étant donné que l’intimé souhaitait créer le bassin le plus vaste possible. L’intimé estime que ces actes ne constituent pas un abus de pouvoir.

C) Argumentation de la Commission de la fonction publique

57 La CFP soutient que l’ESS 428 a été administré correctement dans le cadre du processus d’évaluation susmentionné. Il n’existe aucune preuve indiquant que des erreurs ont été commises. M. Forster, le témoin expert de la CFP provenant du CPP, a indiqué que l’exercice de simulation était structuré de façon à réduire la possibilité de partialité dans l’évaluation.

58 M. Forster a examiné les notes relatives au test des plaignants et leur résumé, de même que les notes prises par les membres du comité d’évaluation. À son avis, il n’y a rien d’irrégulier dans la manière dont les plaignants ont été évalués à cet exercice. M. Forster estime que le comité a administré l’ESS 428 de façon appropriée.

59 La CFP ajoute que, même si le Tribunal relevait des erreurs dans le processus, celles‑ci ne correspondraient pas automatiquement à un abus de pouvoir. Selon la CFP, pour conclure à un abus de pouvoir, le Tribunal doit être convaincu que l’erreur décelée découlait d’une négligence ou d’une insouciance telle que l’on pourrait la qualifier de mauvaise foi, tel qu’il est décrit dans la décision Finney c. Barreau du Québec,[2004] 2 R.C.S. 17.

Analyse

Question 1: L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en faisant preuve de partialité à l’égard des plaignants dans l’administration de l’ESS 428?

60 Dans la décision Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale et al., [2006] TDFP 0008, le Tribunal a établi qu’il incombait aux plaignants de prouver le bien‑fondé des plaintes d’abus de pouvoir qu’ils présentaient au Tribunal et qu’ils devaient le faire selon la prépondérance des probabilités.

61 Les plaignants soutiennent que l’intimé a abusé de son pouvoir au motif que le président du comité d’évaluation, M. Williams, a fait preuve de partialité à leur endroit en raison de leurs activités syndicales et a intentionnellement éliminé leur candidature du processus d’évaluation au cours de leur évaluation respective à l’ESS 428. Mme Praught soutient également que Mme Gilker a fait preuve de partialité à son égard.

62 Mme Gilker a présenté des éléments de preuve détaillés et crédibles concernant la façon dont elle a administré l’ESS 428 et la démarche adoptée par les membres du comité pour atteindre un consensus relativement à l’évaluation des candidats. M. Williams a expliqué son choix de l’ESS 428 et la manière dont les candidats ont été évalués au moyen d’une méthode axée sur le consensus.

63 Dans son témoignage, M. Forster a expliqué les mesures contenues dans le test qui visent à réduire au minimum les effets de la subjectivité chez les évaluateurs. De plus, M. Forster a examiné les notes prises par les membres du comité et les renseignements fournis par les plaignants, après quoi il a conclu que l’ESS 428 avait été administré de façon appropriée.

64 Les plaignants n’ont fourni aucun élément de preuve démontrant quelque faille que ce soit dans l’administration de l’ESS 428. Leur preuve relative à l’allégation de partialité porte sur des incidents survenus dans le passé. Pour ce qui est de Mme Praught, il y a eu deux incidents entre elle et M. Williams en 2004. Mme Praught a d’abord contredit M. Williams lorsqu’il a affirmé qu’il l’avait fait entrer au CELTM. Puis, au cours d’une grève de l’AFPC, M. Williams a conseillé à la plaignante de se montrer prudente, car les choses allaient dans les deux sens. M. Williams ne se rappelle aucun de ces deux incidents. Quant à M. Pellicore, les éléments de preuve qu’il a présentés indiquent que M. Williams lui a conseillé de choisir entre ses activités syndicales et sa carrière à l’ASFC en 2005.

65 Mme Praught a également affirmé que Mme Gilker avait fait preuve de partialité à son endroit. La preuve présentée par la plaignante indique que Mme Gilker lui avait accordé de mauvaises notes à une évaluation dans un processus de sélection mené en 2004‑2005.

66 Le Tribunal juge que ces incidents ont probablement eu lieu en 2004 et en 2005, bien que M. Williams ne s’en souvienne pas. En l’espèce, il convient de déterminer l’importance des commentaires qui ont été formulés et d’établir s’il existe un lien entre ces commentaires et le processus de nomination en question. Ces incidents ont amené les plaignants à croire que M. Williams avait fait preuve de partialité à leur égard. Or, les incidents datent de plusieurs années, et aucun fait récent ne permet d’établir un lien entre ceux‑ci et le processus de nomination susmentionné. En soi, les incidents ne constituent pas une preuve suffisante pour que le Tribunal conclue qu’il y a eu partialité dans le processus de nomination. De la même façon, le fait que Mme Gilker ait effectué une évaluation négative de Mme Praught en 2004‑2005 ne suffit pas pour que le Tribunal conclue que cette dernière s’est montrée partiale à l’égard de Mme Praught dans le processus de nomination susmentionné.

67 Les plaignants ont également affirmé qu’on les avait « punis » [Traductionen leur demandant de travailler à l’Unité d’examen des cas de renvoi. M. Williams a expliqué qu’il fallait des agents d’exécution de la loi expérimentés pour travailler dans cette unité et qu’il avait tenté d’atteindre un juste équilibre entre l’expérience et les besoins. Bien que les plaignants considèrent cette mutation comme une punition, ils n’ont pas fourni d’éléments de preuve suffisants pour que le Tribunal tire cette conclusion.

68 Le Tribunal estime que les plaignants n’ont pas su prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a eu partialité dans l’administration de l’ESS 428 et dans l’évaluation des plaignants à cet exercice. Par conséquent, l’allégation d’abus de pouvoir est considérée comme non fondée.

Question 2: L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir lorsqu’il a modifié l’une des conditions d’emploi après l’affichage du poste?

69 Les plaintes ont été présentées en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la LEFP, aux termes duquel les employés ont le droit de présenter une plainte au Tribunal au motif qu’il y a eu « abus de pouvoir de la part de la Commission ou de l’administrateur général dans l’exercice de leurs attributions respectives au titre du paragraphe 30(2) ». Le paragraphe 30(2) est libellé comme suit :

30. (2) Une nomination est fondée sur le mérite lorsque les conditions suivantes sont réunies :

a) selon la Commission, la personne à nommer possède les qualifications essentielles – notamment la compétence dans les langues officielles – établies par l’administrateur général pour le travail à accomplir;

b) la Commission prend en compte :

  1. toute qualification supplémentaire que l’administrateur général considère comme un atout pour le travail à accomplir ou pour l’administration, pour le présent ou l’avenir,
  2. toute exigence opérationnelle actuelle ou future de l’administration précisée par l’administrateur général,
  3. tout besoin actuel ou futur de l’administration précisé par l’administrateur général.

70 Dans la décision Hammond et al. c. Administrateur général de Service Canada et al.,[2008] TDFP 0008, le Tribunal a indiqué ce qui suit :

[24] En vertu du paragraphe 30(2), les administrateurs généraux peuvent établir des qualifications. La CFP, ou l’administrateur général délégataire s’il y a lieu, est autorisée à déterminer si une personne est qualifiée ou non; autrement dit, elle est autorisée à évaluer les candidats. Dans la pratique, ce sont les gestionnaires et les membres du comité d’évaluation qui exercent ces pouvoirs. Par conséquent, une allégation d’abus de pouvoir en vertu de l’alinéa 77(1)a) se limite aux personnes qui exercent le pouvoir d’établir des qualifications et d’évaluer des candidats.

71 Par conséquent, le Tribunal a compétence pour déterminer s’il y a eu abus de pouvoir dans l’établissement ou dans l’évaluation des qualifications essentielles et des qualifications constituant un atout, des exigences opérationnelles et des besoins organisationnels.

72 Tout au long de l’audience, les parties ont évoqué la formation en TDM à titre de qualification essentielle. Toutefois, dans les deux ECM (l’un datant du 4 mai 2007 et l’autre, du 8 mai 2007), cette exigence figurait à la rubrique « Conditions d’emploi ».

73 L’établissement des conditions d’emploi dans la fonction publique est un pouvoir général de gestion qui découle de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R. 1985, ch. F‑11. L’alinéa 11.1(1)j) se lit ainsi :

Le Conseil du Trésor peut, dans l’exercice des attributions en matière de gestion des ressources humaines que lui confère l’alinéa 7(1)e) :
[…]

j) régir toute autre question, notamment les conditions de travail non prévues de façon expresse par le présent article, dans la mesure où il l’estime nécessaire à la bonne gestion des ressources humaines de la fonction publique.

74 En vertu de la LEFP, le Conseil du Trésor est l’« employeur » de l’ASFC. Les gestionnaires se voient conférer certains pouvoirs de gestion provenant du Conseil du Trésor, comme celui d’établir les conditions de travail, tel qu’il est énoncé ci‑dessus. Le Tribunal conclut que M. Williams n’exerçait pas de pouvoir en vertu du paragraphe 30(2) de la LEFP lorsqu’il a décidé de modifier la condition d’emploi relative à la formation en TDM. Par conséquent, cette modification ne peut faire l’objet d’une plainte d’abus de pouvoir en vertu de l’article 77 de la LEFP, de sorte que le Tribunal n’a pas compétence à cet égard.

Décision

75 Pour tous ces motifs, les plaintes sont rejetées.

Helen Barkley

Membre

Parties au dossier

Dossiers du Tribunal:
2007-0455 et 0458
Intitulé de la cause:
Judy Praught et Claudio Pellicore et le Président de l'Agence des services frontaliers du Canada et al.
Audience:
Les 1er, 2 et 4 avril 2008
Toronto (Ontario)
Date des motifs:
Le 19 janvier 2009

Comparutions:

Pour les plaignants:
Laurel Randle
Pour l'intimé:
Amita Chandra
Pour la Commission
de la fonction publique:
John Unrau
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.