Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a allégué que l’arbitre de grief avait un parti pris à son endroit et il a demandé qu’il soit récusé - l’arbitre de grief a examiné les diverses allégations de comportement partial - en se fondant sur le critère de la crainte raisonnable de partialité décrit dans la jurisprudence, l’arbitre de grief a déterminé qu’une récusation n’était pas justifiée. Demande rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2009-01-26
  • Dossier:  566-02-800, 842, 843, 949 et 1268
  • Référence:  2009 CRTFP 8

Devant un arbitre de grief


ENTRE

MAHALINGAM SINGARAVELU

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Service correctionnel du Canada)

défendeur

Répertorié
Singaravelu c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Yavar Hameed, avocat

Pour le défendeur:
Karen Clifford, avocate

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés les 12 et 25 novembre et le 3 décembre 2008.
(Traduction de la CRTFP)

I. Demande de récusation

1 Mahalingam Singaravelu (le « fonctionnaire s’estimant lésé ») occupait le poste de superviseur des services techniques, 1re classe, au Service correctionnel du Canada (SCC) (le « défendeur ») à Kingston (Ontario). C’est l’Alliance de la Fonction publique du Canada qui est son agent négociateur, mais il a choisi de se faire représenter par un avocat dans cette caus­e-ci.

2 Dans l’un de ses griefs (dossier de la CRTFP 566-02-1268), le fonctionnaire s’estimant lésé conteste la décision du défendeur de le forcer à prendre un congé non rémunéré, le 25 janvier 2007, au terme d’une évaluation de la santé et de la sécurité au travail qui aurait déterminé qu’il n’était pas apte à occuper quelque poste que ce soit au SCC. Le grief a été déposé le 26 février 2007. Il a  été porté au dernier palier de la procédure de règlement des griefs le 4 avril 2007, puis renvoyé à l’arbitrage le 22 mai 2007. Le défendeur a répondu au grief au dernier palier de la procédure le 27 août 2007.

3 Dans les quatre autres griefs, le fonctionnaire s’estimant lésé conteste quatre suspensions de courte durée que le défendeur lui a imposées. Ces suspensions ont été subies en novembre et en décembre 2006, et les griefs ont été renvoyés à l’arbitrage en février et en mars 2007.

4 Les parties ont accepté de regrouper la preuve relative aux cinq griefs. Six journées d’audience se sont déjà tenues à Kingston (Ontario), du 29 juillet au 1er août 2008 et les 16 et 17 octobre 2008. Durant ces six jours, le défendeur a présenté sa preuve sur les cinq griefs. Peu de temps après la sixième journée d’audience, le fonctionnaire s’estimant lésé a demandé la récusation de l’arbitre de grief. La présente décision porte sur cette demande.

II. Résumé de l’argumentation

A. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

5 Le fonctionnaire s’estimant lésé avance que l’arbitre de grief ne l’a pas traité de manière équitable. Il base sa prétention sur plusieurs incidents qui sont survenus durant l’audience.

6 Le 17 octobre 2008, durant la déposition d’un des témoins du défendeur, le fonctionnaire s’estimant lésé a remarqué que l’avocate du défendeur faisait des gestes de la tête pour influencer son témoignage. Par ces gestes, l’avocate du défendeur se trouvait à guider le témoin et à orienter ses réponses.

7 Le 16 octobre 2008, le fonctionnaire s’estimant lésé a demandé l’autorisation d’enregistrer la procédure sur bande audio, mais l’arbitre de grief a refusé. Peu de temps après, alors que le fonctionnaire s’estimant lésé se trouvait à l’extérieur de la salle d’audience, l’avocate du défendeur a examiné le matériel qui se trouvait sur sa table pour s’assurer qu’il n’y avait pas de magnétophone. Or, l’arbitre de grief l’a laissée faire sans rien dire.

8 Toujours le 16 octobre 2008, l’arbitre de grief a refusé de laisser le fonctionnaire s’estimant lésé contre-­interroger les témoins du défendeur, le privant ainsi de la possibilité de faire valoir ses réserves à l’audience.

9 L’arbitre de grief a laissé les témoins du défendeur répondre à des questions non pertinentes qui ont entaché la réputation du fonctionnaire s’estimant lésé. Il a aussi accepté en preuve une décision du Tribunal de santé et de sécurité au travail qui lui était défavorable, même si son avocat s’y était opposé en indiquant que cette décision faisait l’objet d’une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale.

10 L’arbitre de grief a incité certains témoins du défendeur à prétexter un blanc de mémoire en réponse à des questions posées durant le contre-interrogatoire. Il leur a indiqué qu’il n’y avait rien de mal à répondre : [traduction] « Je ne me souviens pas. »

11 Au milieu de la journée, le 16 octobre 2008, l’arbitre de grief a changé la disposition de la salle d’audience, pour permettre à l’avocate du défendeur de mieux guider ses témoins.

12 L’arbitre de grief a autorisé un représentant du Syndicat des employés du Solliciteur général à assister à l’audience et à avoir des échanges avec les membres du syndicat qui comparaissaient comme témoins, après qu'il avait décrété une pause durant leur déposition. Il a également autorisé Theresa Westfall, le premier témoin du défendeur, à demeurer dans la salle d’audience pendant la déposition de deux autres témoins du défendeur. Il a en outre permis à Mme Westfall de s’entretenir avec ces témoins dans la salle d’audience. 

13 Le fonctionnaire s’estimant lésé veut que sa demande de récusation soit tranchée par un autre arbitre de grief qui pourrait entendre la preuve sur les diverses allégations. Il estime que la question de l’existence d’une crainte raisonnable de partialité à son endroit ne doit pas être tranchée par l’arbitre de grief qui instruit la cause, car cela le placerait dans la position peu enviable et sans doute incohérente d’avoir à apprécier sa propre impartialité.

14 Le fonctionnaire s’estimant lésé me renvoie à la jurisprudence suivante : Committee for Justice and Liberty c. L’Office national de l’énergie, [1978] 1 R.C.S. 369; Chow c. Conseil du Trésor (Statistique Canada), 2006 CRTFP 71; R. c. Valente, [1985] 2 R.C.S. 673; Bell Canada c. ACET, 2003 CSC 36; Canadien Pacifique Ltée c. Bande indienne de Matsqui, [1995] 1 R.C.S. 3; et S.C.F.P. c. Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29.

B. Pour le défendeur

15 Le défendeur trouve extrêmement choquantes les allégations du fonctionnaire s’estimant lésé selon lesquelles l’avocate du défendeur guidait les témoins durant leur déposition. Il n’est pas exclu que le fonctionnaire s’estimant lésé ait vu l’avocate du défendeur faire des gestes de la tête, puisqu’elle reçoit des traitements pour un problème au cou et aux épaules, mais ces gestes n’étaient pas reliés à la cause.

16 En règle générale, la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») ne permet pas que ses procédures soient enregistrées. Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas démontré que la situation était suffisamment exceptionnelle pour que l'on s'écarte de cette règle. Du reste, l’allégation selon laquelle l’avocate du défendeur a examiné les notes du fonctionnaire s’estimant lésé est choquante. La salle était disposée de telle manière qu’il était nécessaire de passer près de la table du fonctionnaire pour sortir de la pièce.

17 Le refus de l’arbitre de grief de laisser le fonctionnaire s’estimant lésé contre­-interroger des témoins ne constitue pas un déni de justice naturelle. Le fonctionnaire a bénéficié en tout temps de la présence d’un avocat, qui a soumis les témoins à un contre-interrogatoire, et il a eu la possibilité de s’entretenir avec lui chaque fois qu’il en a ressenti le besoin.

18 Rien ne justifie l’allégation que l’arbitre de grief a laissé des témoins du défendeur répondre à des questions non pertinentes qui ont entaché la réputation du fonctionnaire s’estimant lésé. Comme c’est le défendeur qui a le fardeau de la preuve dans les causes de nature disciplinaire, il fallait bien qu’il situe le contexte pour le bénéfice de l’arbitre de grief.

19 L’allégation selon laquelle l’arbitre de grief a incité des témoins à répondre qu’ils ne se souvenaient pas est certainement mal fondée. L’un des témoins a perdu ses moyens durant sa déposition, et l’arbitre de grief lui a tout simplement rappelé qu’il n’y avait rien de mal à avouer qu’on ne se souvient pas de quelque chose.

20 L’arbitre de grief a modifié la disposition de la salle d'audience, à la demande du défendeur, afin d’atténuer le malaise que pouvait susciter chez les témoins le fait d’être assis non loin du fonctionnaire s’estimant lésé, et de faciliter la communication dans la pièce, car le bruit causé par les ventilateurs et le matériel de ventilation était assourdissant. L’avocat du fonctionnaire s’estimant lésé n’a d’ailleurs pas émis de réserves à propos de l’endroit où a été placée la table des témoins.

21 Le fonctionnaire s’estimant lésé ne s’est pas opposé, durant l’audience, à la présence d’un représentant syndical. Du reste, l’arbitre du grief a fait les mises en garde habituelles à tous les témoins à propos des pauses et des suspensions d’audience qui surviennent durant la déposition d’un témoin. Mme Westfall n’a fait qu’échanger des propos aimables avec les autres témoins.

22 Le défendeur fait valoir que la demande de récusation n’a aucun fondement juridique ou factuel et me renvoie à la jurisprudence suivante : Committee for Justice and Liberty; Chow; Arthur c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 223; Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] R.C.S. 817; Pugh c. Sous-ministre de la santé et al., 2008 TDFP 0023; Rhéaume c. Canada, [1992] A.C.F. no 1131 (CAF) (QL); Bagri c. Canada (Procureur général), 2006 C.A.F. 134; et Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 301 c. Montréal (Ville), [1997] 1 R.C.S. 793.

III. Motifs

23 Le fonctionnaire s’estimant lésé formule plusieurs allégations à propos du manque d’équité de l’arbitre de grief à son endroit. Il veut aussi que ce soit un autre arbitre qui statue sur sa demande de récusation.

24 À ce jour, les demandes de récusation qui ont été présentées à Commission ont toujours été tranchées par l’arbitre de grief qui instruit la cause. C’est le cas dans les causes citées par les parties, ainsi que dans les affaires McElrea c. le Conseil du Trésor (Industrie Canada), dossier de la CRTFP 166-02-28144 (19990211), Ayangma c. Conseil du Trésor (ministère de la Santé), 2006 CRTFP 64, et Laferrière c. Administrateur général (Agence spatiale canadienne), 2008 CRTFP 53. Je ne vois pas de raison de déroger à cette pratique dans ce cas-ci; j’estime du reste qu’il n’y a personne de mieux qualifié que moi pour porter un jugement sur des allégations de partialité mettant en cause mes décisions et ma conduite dans l’affaire qui nous occupe.

25 Pour statuer sur la demande de récusation, je me reporte aux règles établies par la jurisprudence portant sur la notion de crainte raisonnable de partialité. Les principes applicables ont été énoncés par la Cour suprême du Canada dans Committee for Justice and Liberty :

[…]

[…] la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d'une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet […] « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, M. Crowe, consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? »

[…]

26 La décision rendue dans Adams v. British Columbia (Workers’ Compensation Board) (1989), 42 B.C.L.R. (2d) 228 (C.A.C.-B)), nous fournit aussi des indications utiles sur la nature de la preuve requise pour démontrer l’existence d’une apparence de partialité :

[Traduction]

[…]

des preuves suffisantes pour démontrer à une personne raisonnable qu’il y a tout lieu de craindre que la personne contre laquelle [l’allégation] est formulée ne fera pas montre d’un esprit impartial […] de simples soupçons ne sauraient être considérés comme suffisants.

[…]

27 Il s’ensuit que le fonctionnaire s’estimant lésé doit démontrer que, faisant abstraction de simples soupçons, une personne raisonnable et bien renseignée croirait, selon toute vraisemblance, que je suis partial et que je ne rendrai pas une décision juste. À l'appui de sa demande de récusation, fonctionnaire s’estimant lésé renvoie à des incidents qui sont survenus aux cours des six premiers jours d’audience. Je reprendrai ces incidents un à un et je déterminerai, comme le ferait toute personne raisonnable, s’ils donnent ouverture à une allégation de partialité.

28 Je n’ai pas remarqué que l’avocate du défendeur tentait de guider ses témoins ou d’orienter leurs réponses en faisant des gestes de la tête. Elle peut très bien avoir fait des gestes de la tête pour des raisons qui ne sont pas reliées à la cause, simplement, comme elle l’a dit, parce qu’elle recevait des traitements pour un problème au cou et aux épaules. Il s’agissait peut-aussi de montrer de l’empathie à un témoin qui semblait très fragile et très vulnérable durant sa déposition. Cela dit, je n’ai jamais eu l’impression que l’avocate du défendeur guidait ses témoins durant l’interrogatoire principal ou les contre-­interrogatoires et je suis d’avis qu’une personne raisonnable qui observerait les mêmes événements arriverait à la même conclusion.

29 Il est vrai que, le 16 octobre 2008, le fonctionnaire s’estimant lésé m’a demandé l’autorisation d’enregistrer la procédure et que j’ai refusé. Il faut savoir que la Commission n’enregistre pas ses procédures sur bande magnétique ou d’autres supports, ni n’autorise les parties à les enregistrer. Cela s’explique par le souci de ne pas judiciariser à outrance les procédures et audiences de la Commission et de préserver, dans la mesure du possible, le caractère informel des procédures qui se déroulent devant les tribunaux du travail en général. Il arrive, en de très rares occasions, qu’on s'écarte de cette règle, dans des causes d’une grande complexité où les audiences durent plusieurs semaines. Compte tenu de la pratique de la Commission et du fait que l’arbitre de grief a répondu à la demande du fonctionnaire s’estimant lésé de la même manière qu’il aurait répondu à une demande similaire du défendeur, une personne raisonnable n’aurait pas conclu que le refus de l’arbitre de grief représentait un parti pris contre le fonctionnaire.

30 Deux des allégations du fonctionnaire s’estimant lésé se rapportent à l’aménagement de la salle d’audience. Il est vrai que l’avocate du défendeur était obligée de passer près de la table du fonctionnaire s’estimant lésé pour sortir de la pièce, mais je ne l’ai jamais vue examiner ses notes. L’avocate du défendeur a affirmé qu’elle n’avait rien fait de tel et je suis convaincu qu’elle dit vrai. Et quand bien même elle aurait examiné ce qui se trouvait sur la table, une personne raisonnable ne conclurait pas que je suis partial parce que j’ai laissé faire quelque chose dont je n’ai pas eu connaissance. Il est également vrai qu'à la demande du défendeur, la table des témoins, qui était située tout près de celle du fonctionnaire s’estimant lésé, a été déplacée pour la rapprocher de celle du défendeur. J’ai accédé à la demande afin de faciliter les communications durant l’interrogatoire principal. L’avocat du fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas protesté, durant l’audience, contre le fait qu’on changeait de place la table des témoins. Une personne raisonnable n’aurait pas conclu que le fait d’autoriser ce changement représentait un parti pris contre le fonctionnaire s’estimant lésé.

31 Il est vrai que j’ai refusé au fonctionnaire s’estimant lésé la permission de contre-interroger personnellement certains témoins du défendeur, les 16 et 17 octobre 2008. J’ai pris cette décision parce que je croyais que le déroulement de l’audience gagnerait en efficacité si c’était seulement l’avocat du fonctionnaire s’estimant lésé qui contre-interrogeait les témoins. J’ai toutefois dit au fonctionnaire s’estimant lésé que rien ne l’empêchait de transmettre à son avocat les questions qu’il souhaitait poser aux témoins, le cas échéant. L’avocat du fonctionnaire s’estimant lésé m’a demandé à plusieurs reprises, durant les contre-interrogatoires, de suspendre l’audience afin de s’entretenir avec son client pour préparer certaines questions. J’ai accueilli toutes ses demandes afin que le fonctionnaire s’estimant lésé ait tout le temps nécessaire pour lui transmettre ses questions. En rejetant la demande du fonctionnaire s’estimant lésé, je n’ai pas transgressé un principe de justice naturelle ni agi de manière partiale à l’endroit du fonctionnaire. Je suis d’avis qu’une personne raisonnable ne conclurait pas que ma décision de rejeter la demande du fonctionnaire s’estimant lésé représentait un parti pris contre le fonctionnaire s’estimant lésé.

32 J’ai autorisé le défendeur à présenter sa preuve sur les circonstances qui l’ont amené à prendre des mesures disciplinaires à l'égard du fonctionnaire s’estimant lésé. La majeure partie de cette preuve se rapportait directement aux raisons qui l'avaient motivé à le faire. Il est vrai que l’avocat du fonctionnaire s’estimant lésé s’est opposé à la production en preuve d’une décision du Tribunal de santé et de sécurité au travail. Il se trouve que j’ai différé ma décision sur ce point et que j’ai pris note de l’objection. Je ne voyais pas nécessairement quel intérêt ce document pouvait présenter à ce moment-­­là, mais j’ai décidé de ne pas le refuser au cas où il se révélerait utile à une date ultérieure. De plus, le fait que cette décision faisait l’objet d’un contrôle judiciaire ne m’empêchait pas de l’accepter en preuve à l’audience. J’estime qu’une personne raisonnable ne conclurait pas que ma décision d’accepter éventuellement ce document en preuve représentait un parti pris contre le fonctionnaire s’estimant lésé.

33 Contrairement à ce que soutient le fonctionnaire s’estimant lésé, je n’ai pas incité des témoins à prétexter des blancs de mémoire en réponse à des questions qui leur ont été posées durant le contre-interrogatoire, les 16 et 17 octobre 2008. Ce que je leur ai dit en fait c’est qu’il n’y avait rien de mal à répondre : [traduction] « Je ne me souviens pas » quand ils avaient de la difficulté à se rappeler les événements particuliers survenus en 2003 et en 2004. Ces témoins sont tous à la retraite aujourd’hui et ils étaient visiblement incapables de répondre par un « oui » ou par un « non » catégoriques à certaines des questions de l’avocat du fonctionnaire s’estimant lésé. J’ai jugé bon de leur indiquer que rien ne les empêchait de dire qu’ils ne se souvenaient pas de quelque chose lorsque c’était le cas. J’estime qu’une personne raisonnable ne conclurait pas que le fait de donner ces indications représente un parti pris contre le fonctionnaire s’estimant lésé.

34 Le fonctionnaire s’estimant lésé allègue que j’ai autorisé un représentant syndical à assister à l’audience en tant qu’observateur. Il faut savoir que les audiences de la Commission sont ouvertes au public et que je n’avais aucune raison d’empêcher le représentant syndical d’y assister. Le fonctionnaire s’estimant lésé allègue également que j’ai laissé les témoins s’entretenir avec le représentant syndical quand il y avait des pauses. Il formule la même allégation à propos de Mme Westfall. J’ai fait la mise en garde habituelle à tous les témoins, durant l’audience, à propos des pauses et des suspensions d’audience qui sont parfois décrétées durant les dépositions des témoins. Je n’ai pas remarqué qu’on avait désobéi à mes consignes, et l’avocat du fonctionnaire s’estimant lésé ne m’a pas signalé qu’il y avait eu de manquement à cet égard. Ce n’est qu’en prenant connaissance de la demande de récusation en date du 12 novembre 2008 que j’ai su que le fonctionnaire s’estimant lésé avait formulé une allégation à propos de la présence du représentant syndical. Une personne raisonnable ne conclurait pas que j’ai fait preuve de partialité en n’intervenant pas pour mettre un terme à une violation dont j’ignorais l’existence.

35 Je n’ai agi d’aucune manière, durant l’audience, qui puisse laisser croire que j’avais un parti pris contre le fonctionnaire s’estimant lésé ou pour le défendeur. J’estime qu’une personne raisonnable qui examinerait les décisions que j’ai prises et la manière dont j’ai agi à l’audience arriverait à la même conclusion.

36 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

37 La demande de récusation est rejetée.

38 La Commission consultera les parties pour établir le calendrier de reprise de l’audience.

Le 26 janvier 2009.

Traduction de la CRTFP

Renaud Paquet,
arbitre de grief

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