Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a contesté l'évaluation de ses réponses à un examen de connaissances. Selon lui, cet examen comportait des failles car les candidats n'avaient pas été informés du fait que l'une des questions était composée de deux parties et qu'il fallait obtenir absolument la note de passage à chacune d'elles. Le plaignant a fait valoir d'autre part que, durant la discussion informelle, l'intimé n'avait pas fourni d'explication claire et cohérente par rapport à la méthode d'évaluation. L'intimé a soutenu qu'il n'y avait rien d'ambigu dans la formulation de la question en cause ni dans l'évaluation des réponses du plaignant, que celui-ci savait que ladite question comportait deux parties, que le but de la discussion informelle n'était pas de réévaluer un candidat, et que rien n'indiquait qu'une omission ou une erreur grave avait été commise. Décision : Le Tribunal a jugé que le plaignant savait que la question en cause était composée de deux parties et qu'il devait répondre à chacune d'elles. À la simple lecture de la question, une personne raisonnable pouvait conclure que le comité d'évaluation s'attendait au même niveau de détail pour les deux parties de la question. Le plaignant n'a pas présenté suffisamment d'éléments de preuve démontrant que le résultat du processus n'était pas équitable et que la méthode d'évaluation utilisée était déraisonnable. S'il est vrai que le plaignant n'avait pas reçu l'explication qu'il recherchait durant la discussion informelle, ce fait ne constituait pas en soi un abus de pouvoir. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

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Dossier:
2007-0384
Rendue à:
Ottawa, le 2 mars 2009

DAVID CARNEGIE
Plaignant
ET
LE SOUS-MINISTRE DE CITOYENNETÉ ET IMMIGRATION CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plainte d'abus de pouvoir en vertu de l'alinéa 77(1)a) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision:
La plainte est rejetée
Décision rendue par:
Kenneth J. Gibson, membre
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Carnegie c. Sous-ministre de Citoyenneté et Immigration Canada et al.
Référence neutre:
2009 TDFP 0006

Motifs de la décision

Introduction

1Le plaignant, David Carnegie, estime qu’il y a eu abus de pouvoir dans l’application du mérite concernant un processus de nomination visant la dotation d’un poste de gestionnaire de niveau PM‑05. Il conteste plus particulièrement l’évaluation des réponses qu’il a fournies à l’examen de connaissances auquel il s’est soumis pendant le processus.

2L’intimé, le sous‑ministre de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), est en désaccord. Il soutient que l’examen de connaissances était un outil d’évaluation approprié, et que le comité d’évaluation a évalué le plaignant de façon équitable.

Contexte

3Le plaignant a participé à un processus de nomination interne annoncé visant l’établissement d’un bassin de candidats qualifiés aux fins de la dotation immédiate et future de postes vacants de gestionnaire de niveau PM‑05.

4Le processus de nomination comprenait un examen écrit sur les connaissances, l’Exercice de simulation pour gestion intermédiaire, une entrevue et une vérification des références. Le comité d’évaluation, composé de Cheryl Monroe, directrice régionale des programmes, et Audrey Mitchell, gestionnaire du bureau de Mississauga, a procédé à l’évaluation des candidats.

5Les candidats ont eu trois occasions de se soumettre à l’examen écrit portant sur les connaissances. C’est le personnel du service des ressources humaines du ministère qui s’est chargé de la première séance. Mme Mitchell s’est pour sa part occupée des deux autres séances, organisées à l’intention des candidats qui n’avaient pas pu se présenter à la première séance; c’est à une de ces deux occasions que M. Carnegie a passé l’examen de connaissances.

6L’examen de connaissances visait l’évaluation de cinq qualifications liées aux connaissances, désignées par les codes CO1 à CO5 dans l’examen. Pour passer à l’étape suivante du processus de nomination, les candidats devaient obtenir la note de passage fixée pour chacune des cinq qualifications liées aux connaissances. Le plaignant n’a pas obtenu la note de passage établie pour la quatrième qualification (CO4), de sorte que sa candidature n’a pas été retenue pour l’étape suivante du processus.

7Le 7 août 2007, le plaignant a présenté une plainte au Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP).

Question préliminaire

8Au début de l’audience, l’intimé a présenté une requête indiquant que le Tribunal n’avait pas été saisi correctement des allégations modifiées du plaignant.

9Le Tribunal a rejeté la requête à l’audience pour les motifs énoncés ci‑dessous.

10Le 17 décembre 2007, le Tribunal a accueilli la demande qu’a présentée le plaignant afin de modifier ses allégations avant la tenue de l’audience, aux termes de l’article 23 du Règlement du Tribunal de la dotation de la fonction publique, DORS/2006‑06 (le Règlement du TDFP). Le Tribunal a ordonné que les allégations modifiées soient fondées sur des renseignements qui n’auraient pas pu être raisonnablement obtenus avant que le plaignant présente ses allégations initiales, et qu’aucune information obtenue pendant le processus de médiation ne soit utilisée par le plaignant.

11Le 7 janvier 2008, le plaignant a présenté ses allégations modifiées.

12L’intimé a soutenu que les allégations modifiées ne renfermaient aucun nouveau renseignement et que le contenu était demeuré essentiellement le même. Il a ajouté que les allégations modifiées contenaient de l’information obtenue pendant le processus de médiation, ce qui allait à l’encontre de l’ordonnance rendue par le Tribunal le 17 décembre 2007. Selon le plaignant, les allégations modifiées visaient à répondre à certaines parties de la réponse formulée par l’intimé le 22 novembre 2007 aux allégations initiales qu’il avait lui‑même présentées. Le plaignant a précisé que l’information qui y figurait n’avait pas été obtenue pendant le processus de médiation qui s’était déroulé par la suite.

13La Commission des relations de travail dans la fonction publique s’est penchée sur la question de la confidentialité des séances de médiation dans l’affaire Pepper c. le Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), [2008] C.R.T.F.P.C. no 8 (Q.L.), 170 L.A.C. (4th) 151. En voici un extrait :

107. La confidentialité du processus est un des éléments qui contribuent à ce sentiment de confiance mutuelle entre les parties à la médiation. En fait, la plupart des participants partent du principe que la confidentialité du processus est un fait acquis. Mais il y a plus : la confidentialité est aussi une condition expresse de l’accord conclu entre les parties à la médiation, ce qui signifie que seuls les participants et les personnes qui ont le pouvoir de régler le conflit en bout de ligne sont au courant des détails de la médiation. La confidentialité est importante parce que, du point de vue des parties en cause, les discussions peuvent soulever des éléments très personnels et entraîner des décisions concernant la carrière des intéressés.

[…]

109. De même, les parties hésitent à négocier un règlement du conflit si elles craignent que ce qu’elles disent dans le cadre de la médiation puisse être utilisé contre elles dans une autre procédure. Avec l’assurance que leurs discussions sont confidentielles, elles sont plus susceptibles de parler de tout sans se faire prier et de proposer des solutions pour résoudre leur conflit.

14Le Tribunal a rejeté la requête de l’intimé, mais il a statué que le plaignant ne pouvait pas présenter d’éléments de preuve obtenus pendant des discussions confidentielles tenues au cours du processus de médiation.

Question en litige

15Le Tribunal doit établir si l’intimé a abusé de son pouvoir dans l’application du mérite, plus précisément dans l’évaluation des qualifications liées aux connaissances.

Résumé des éléments de preuve pertinents

16M. Carnegie a témoigné en son propre nom. Il occupe un poste de niveau PM‑04 et exerce actuellement de façon intérimaire les fonctions d’agent de la sécurité et de conseiller aux installations. Il travaille à Citoyenneté et Immigration Canada depuis plus de 25 ans.

17M. Carnegie a expliqué que lorsque Mme Mitchell avait présenté l’examen de connaissances, elle avait précisé que les candidats devaient obtenir la note de passage fixée pour chaque question portant sur les connaissances. Il a déclaré que la question portant sur le quatrième facteur de connaissance (CO4) n’avait pas été abordée précisément pendant la présentation de l’examen et a ajouté qu’il n’avait jamais été informé du fait qu’il devait subir avec succès les deux parties de la question CO4. M. Carnegie a mentionné que, pendant la discussion informelle avec Mme Mitchell, qui a eu lieu après l’élimination de sa candidature, il a appris que la question CO4 avait fait l’objet d’une évaluation globale, et que sa réponse n’était pas acceptable pour le niveau de la gestion. Il a indiqué qu’à ce moment‑là, Mme Mitchell avait refusé de revoir avec lui les détails de l’examen et qu’elle ne lui avait jamais précisé qu’il fallait obtenir la note de passage aux deux parties de la question CO4. En fait, il n’a été informé de cette exigence que lorsqu’il a pris connaissance de la réponse de l’intimé à ses allégations initiales.

18Dans la réponse que l’intimé a fournie le 22 novembre 2007, on peut lire ce qui suit :

Pour que leur réponse soit considérée comme satisfaisante, les candidats devaient démontrer une bonne compréhension des aspects liés aux deux parties de la question. Le barème de correction était fondé sur la méthode non compensatoire, c’est‑à‑dire que les candidats devaient obtenir la note de passage aux deux parties de la question pour obtenir la note de passage.

[Traduction]

19Le plaignant a indiqué que s’il avait su qu’il devait obtenir la note de passage aux deux parties de la question CO4, il aurait consacré davantage de temps à la deuxième partie.

20En contre-interrogatoire, le plaignant a reconnu que la question CO4 exigeait qu’il fournisse des réponses pour la catégorie des « gestionnaires ». Il a également indiqué qu’il comprenait que la question CO4 comportait deux parties, et qu’il devait répondre à chacune d’entre elles. Il a en outre admis que Mme Mitchell l’avait informé du fait que les réponses qu’il avait fournies à la question CO4 n’étaient pas satisfaisantes pour le niveau de la gestion, et que cette qualification avait été notée selon une échelle de cotation globale. Toutefois, il a répété qu’il n’avait pas reçu d’explications concernant la façon dont l’échelle de cotation globale avait été appliquée.

21Cheryl Monroe, un témoin de l’intimé, qui était l’un des deux membres du comité d‘évaluation. Mme Monroe compte plus de 30 ans d’expérience au sein de la fonction publique; elle a commencé sa carrière en 1975 à un poste de niveau PM‑02. Avant de prendre sa retraite, Mme Monroe assumait les fonctions de directrice régionale de la région de l’Ontario. Lorsque le processus de dotation a eu lieu, elle occupait le poste de directrice pour la région du Grand Toronto – Est. Pendant sa carrière, Mme Monroe a participé à un grand nombre de processus de dotation, et elle a reçu de la formation liée à la nouvelle LEFP. Elle a d’ailleurs été responsable de postes de gestionnaire de niveau PM‑05 semblables aux postes à doter dans ce processus de dotation.

22Mme Monroe a indiqué que, à la suite d’un examen de la planification de la relève, quatre directeurs de la région de Toronto, dont elle‑même, avaient décidé d’entreprendre conjointement ce processus de dotation en vue d’établir un bassin de candidats qualifiés à partir duquel des postes vacants prévus (niveau PM‑05) seraient dotés. Ils prévoyaient qu’il y aurait cinq postes vacants, mais espéraient établir un bassin « solide » et plus large pour la dotation de postes vacants à venir. Ils ont été déçus du résultat du processus, puisque seulement deux candidats ont été jugés qualifiés.

23Mme Monroe a décrit les tâches associées au poste de gestionnaire, précisées dans l’annonce de possibilité d’emploi, et elle a expliqué le lien entre celles‑ci et les qualifications essentielles figurant dans l’énoncé des critères de mérite (ECM), dont faisait notamment partie la connaissance des « compétences clés en leadership et des comportements efficaces au sein de la fonction publique » [Traduction]. La question CO4 de l’examen de connaissances devait servir à évaluer les connaissances des candidats relativement à cette qualification.

24Mme Monroe a fait remarquer qu’il y avait dans l’ECM, sous les qualifications liées aux connaissances, un lien vers les sites Web de CIC et de l’ancienne Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique. Les candidats étaient d’ailleurs invités à visiter les sites Web en question pour obtenir de plus amples renseignements. Mme Monroe a indiqué qu’il y avait, sur le site Web de l’Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique de l’époque, de l’information concernant les comportements et les compétences clés en leadership.

25Selon Mme Monroe, le processus d’évaluation comprenait la présélection, un examen écrit portant sur les connaissances, un exercice de simulation, une entrevue et une vérification des références. M. Carnegie a franchi l’étape de la présélection, mais comme il a échoué à l’examen de connaissances, il n’a pas pu passer à l’étape suivante du processus.

26Mme Monroe a expliqué que l’examen de connaissances visait à évaluer cinq connaissance (CO1 à CO5). La question CO4 devait servir à évaluer la connaissance des comportements et des compétences clés en leadership. Le nombre de points prévu pour chaque facteur était indiqué sur la première page de l’examen. Pour la question CO4, une échelle d’évaluation globale était utilisée, et la note maximale était de 7 points. La question en entier a été évaluée comme une seule question, et la note de passage a été fixée à 4 points.

27La question CO4 était formulée ainsi :

Par rapport au niveau de « gestionnaire », veuillez décrire en détail les compétences qui font partie de la catégorie Valeurs et éthique. Veuillez ensuite sélectionner une autre compétence en leadership exigée des gestionnaires et en donner une description détaillée.

[Traduction]

28Mme Monroe a affirmé que tous les candidats avaient eu comme directive de décrire les compétences liées aux valeurs et à l’éthique parce que ces notions étaient considérées comme importantes; elle a ajouté que les candidats avaient toutefois eu la possibilité de choisir l’autre compétence sur laquelle ils allaient se pencher. Elle a précisé que le comité d’évaluation, lorsqu’il a évalué les réponses, ne cherchait pas des définitions mot à mot des compétences. Le comité voulait s’assurer que les candidats comprennaient ce qui était attendu d’eux à titre de gestionnaires.

29Mme Monroe a indiqué que le comité d’évaluation n’avait pas évalué la question CO4 comme si elle comportait deux parties, mais plutôt comme une seule question permettant d’évaluer deux compétences – une choisie par le comité d’évaluation et l’autre par le candidat. Elle a précisé que si une personne fournissait une réponse parfaite relativement à une compétence mais que sa réponse concernant l’autre compétence n’était pas satisfaisante, elle ne pouvait pas obtenir la note de passage à la question CO4. En effet, les candidats devaient démontrer leur compréhension de deux compétences requises au niveau de la gestion.

30Lorsqu’on lui a demandé d’expliquer la façon dont le comité d’évaluation avait noté l’examen du plaignant, Mme Monroe a répondu que pour chaque question, Mme Mitchell lisait la réponse attendue qui figurait dans le corrigé tandis que Mme Monroe cochait les réponses du plaignant qui, correctes ou incorrectes, nécessitaient une discussion plus approfondie. Puis, les deux membres du comité d’évaluation discutaient des réponses du candidat, en les comparant aux réponses attendues, jusqu’à ce qu’il y ait consensus sur la note à attribuer relativement à la question visée.

31Lorsqu’il a répondu à la question CO4, le plaignant a décidé de décrire la réflexion stratégique, en plus des compétences liées aux valeurs et à l’éthique. Mme Monroe a indiqué que le comité d’évaluation avait jugé que sa réponse concernant la réflexion stratégique était plutôt faible. En se fondant sur une échelle d’évaluation globale de 7, comme le prévoyait le corrigé de l’examen, le comité d’évaluation a attribué au plaignant la note de 2 pour la question CO4. Après de plus amples discussions, les membres du comité ont finalement décidé de faire passer la note de 2 à 3, ce qui n’était tout de même pas suffisant pour que le candidat obtienne la note de passage à la question CO4, puisqu’elle était fixée à 4.

32Pour conclure, Mme Monroe a déclaré qu’elle était, encore à ce jour, satisfaite de la façon dont le comité d’évaluation avait évalué la réponse du plaignant à la question CO4. Elle a ajouté qu’elle était convaincue que les deux candidats qui avaient été sélectionnés au terme du processus de dotation étaient qualifiés pour le poste.

33Audrey Mitchell, un autre témoin de l’intimé, occupe un poste de gestionnaire de niveau PM‑05 à CIC, et elle travaille actuellement au bureau de Mississauga. Depuis le début de sa carrière à CIC, qui remonte à 1987, elle a participé à au moins sept processus de nomination. En outre, elle a reçu de la formation liée à la tenue de processus de nomination sous le régime de la nouvelle LEFP et a acquis de l’expérience à cet égard. Elle s’est jointe au comité d’évaluation à la demande de son ancienne directrice, Mme Monroe.

34Mme Mitchell a déclaré qu’elle avait participé à la présélection des candidats, à la tenue des séances supplémentaires pour l’examen de connaissances, à l’évaluation de l’examen en question et de l’exercice de simulation, de même qu’à la vérification des références.

35Mme Mitchell a soutenu que c’était le service des ressources humaines qui s’était occupé de la première séance d’examen, mais que c’était elle qui avait été responsable des autres séances, tenues pour les candidats qui n’avaient pas pu se présenter à l’examen initial. Le plaignant s’est présenté à l’une de ces séances.

36Mme Mitchell a fait mention d’un courriel qui contenait les directives à l’intention des candidats qui devaient passer l’examen de connaissances. Elle a déclaré qu’elle s’était servie de ces mêmes directives à l’occasion des séances d’examen supplémentaires, et qu’elle les avait lues aux candidats avant l’examen. Les directives énonçaient notamment ce qui suit :

Les candidats doivent obtenir la note de passage établie pour chaque facteur de connaissance (CO1 à CO5).

La note de passage pour chacun des facteurs a été fixée à 60 %.

[Traduction]

37Autant qu’elle puisse s’en souvenir, aucun candidat, pas plus M. Carnegie que les autres, n’a posé de question au sujet des directives.

38Mme Mitchell a tenu essentiellement les mêmes propos que Mme Monroe en ce qui a trait à la façon dont les examens ont été corrigés, à savoir que Mme Monroe notait les copies d’examen pendant que Mme Mitchell lisait les réponses attendues à partir du corrigé. En ce qui a trait à l’évaluation de la réponse fournie par le plaignant à la question CO4, Mme Mitchell a expliqué que Mme Monroe et elle recherchaient une explication suffisamment détaillée de ce qui est attendu des gestionnaires. Elles se sont entendues pour dire que la réponse du plaignant méritait la note de 3, sur une échelle de 7.

39Mme Mitchell a affirmé que Mme Monroe et elle avaient classé les personnes dont la candidature n’avait pas été retenue par ordre alphabétique en prévision de la discussion informelle avec les candidats. C’est Mme Mitchell qui était responsable de la première moitié de la liste, dont faisait partie le plaignant.

40Mme Mitchell a indiqué que, pendant la discussion informelle, elle avait passé en revue les questions de l’examen avec le plaignant, notamment la question CO4. Étant donné que le plaignant n’a pas eu la note de passage à cette question, sa réponse à la question CO5 n’a pas été évaluée. Le plaignant ayant fourni de bonnes réponses aux questions CO1 à CO5, Mme Mitchell et lui se sont concentrés sur la question CO4. Celle‑ci a expliqué qu’ils avaient comparé les réponses fournies par le plaignant aux deux parties de la question CO4 avec les réponses attendues figurant dans le corrigé. Mme Mitchell s’est rendu compte, pendant la discussion, que le plaignant ne connaissait pas la méthode d’évaluation globale utilisée pour la question CO4. Elle a tenté de lui fournir des précisions à cet égard et de lui expliquer la façon dont les membres du comité d’évaluation s’en étaient servis pour lui attribuer sa note. Mme Mitchell a indiqué au plaignant que la question CO4 comportait deux parties distinctes, et qu’il semblait avoir mieux réussi la première partie. Toutefois, la réponse qu’il a fournie à la deuxième partie ne correspondait pas à ce qui est attendu de la part d’un gestionnaire. Mme Mitchell a déclaré qu’elle avait senti, pendant la discussion, que ses réponses exaspéraient le plaignant, et qu’elle avait conclu qu’elle n’arriverait pas à lui fournir d’explications qu’il jugerait satisfaisantes.

41En contre‑interrogatoire, Mme Mitchell a reconnu qu’elle n’avait pas, avant l’examen, mentionné aux candidats qu’ils devaient donner des réponses satisfaisantes pour chacune des parties de la question CO4 pour obtenir la note de passage fixée pour cette question. Elle a également admis qu’elle n’avait pas informé le plaignant, pendant la discussion informelle, que son échec à la question CO4 résultait de son insuccès à l’une des deux parties de la question.

Législation

42La plainte a été présentée en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la LEFP :

77. (1) Lorsque la Commission a fait une proposition de nomination ou une nomination dans le cadre d’un processus de nomination interne, la personne qui est dans la zone de recours visée au paragraphe (2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement du Tribunal, présenter à celui‑ci une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination pour l’une ou l’autre des raisons suivantes :

  1. abus de pouvoir de la part de la Commission ou de l’administrateur général dans l’exercice de leurs attributions respectives au titre du paragraphe 30(2);

[…]

43Le paragraphe 30(2) de la LEFP est libellé ainsi :

30. (1) Les nominations — internes ou externes — à la fonction publique faites par la Commission sont fondées sur le mérite et sont indépendantes de toute influence politique.

(2) Une nomination est fondée sur le mérite lorsque les conditions suivantes sont réunies :

  1. selon la Commission, la personne à nommer possède les qualifications essentielles — notamment la compétence dans les langues officielles — établies par l’administrateur général pour le travail à accomplir;
  2. la Commission prend en compte :
  1. toute qualification supplémentaire que l’administrateur général considère comme un atout pour le travail à accomplir ou pour l’administration, pour le présent ou l’avenir,
  2. toute exigence opérationnelle actuelle ou future de l’administration précisée par l’administrateur général,
  3. tout besoin actuel ou futur de l’administration précisé par l’administrateur général.

[…]

44En outre, l’article 36 de la LEFP prévoit ce qui suit :

36. La Commission peut avoir recours à toute méthode d’évaluation — notamment prise en compte des réalisations et du rendement antérieur, examens ou entrevues — qu’elle estime indiquée pour décider si une personne possède les qualifications visées à l’alinéa 30(2)a) et au sous‑alinéa 30(2)b)(i).

45Enfin, l’article 47 de la LEFP, reproduit ci‑dessous, traite des discussions informelles :

47. À toute étape du processus de nomination interne, la Commission peut, sur demande, discuter de façon informelle de sa décision avec les personnes qui sont informées que leur candidature n’a pas été retenue.

Argumentation des parties

A) Argumentation du plaignant

46Le plaignant soutient qu’il savait pertinemment que certaines questions de l’examen de connaissances comportaient plus d’une partie et qu’il devait répondre à chacune de ces parties. Toutefois, il précise que les candidats n’ont pas été informés du fait qu’ils devaient obtenir une note de passage pour toutes les parties des questions, plus particulièrement en ce qui a trait à la question CO4. Selon le plaignant, les membres du comité d’évaluation n’ont pas réfuté cet argument lorsqu’ils ont témoigné.

47Pour sa réponse concernant les compétences liées aux valeurs et à l’éthique, le plaignant s’est vu attribuer trois crochets accompagnés du commentaire « acceptable » [Traduction] sur sa feuille de réponse. Pour ce qui est de l’autre compétence en leadership (réflexion stratégique), il n’a reçu qu’un crochet, la note de 1 et le commentaire « insatisfaisant » [Traduction]. Selon lui, le comité d’évaluation n’a pas établi de lien entre les mentions « acceptable » et « insatisfaisant », et l’évaluation globale.

48Le plaignant a demandé une discussion informelle; il a donc rencontré Mme Mitchell, membre du comité d’évaluation. Il soutient qu’il n’a pour ainsi dire rien appris, outre le fait que la question CO4 a été évaluée globalement.

49À la lumière de la discussion informelle, le plaignant avance que le refus, ou l’incapacité, de l’intimé de lui fournir une explication constitue un abus de pouvoir; en effet, ce dernier s’est contenté de l’informer de la méthode d’évaluation globale et de lui indiquer qu’il n’avait pas répondu aux attentes.

50Le plaignant soutient que la réponse de l’intimé à ses allégations, datée du 22 novembre 2007, contient des renseignements qui diffèrent de ceux qui lui ont été transmis au moment où il a passé l’examen de connaissances et pendant la discussion informelle. En effet, le plaignant affirme que les membres du comité d’évaluation lui ont indiqué qu’ils avaient évalué la question CO4 comme une seule question et qu’ils avaient procédé à une évaluation globale. Or, dans sa réponse, l’intimé a mentionné que le plaignant n’avait pas été considéré comme qualifié à cause de son échec à la deuxième partie de la question.

51Le plaignant précise que si le ministère avait voulu que les candidats possèdent un certain niveau de connaissance en ce qui a trait aux compétences liées aux valeurs et à l’éthique ainsi qu’à une autre compétence, il aurait pu l’indiquer, ce qu’il n’a pas fait. Le ministère a plutôt fait savoir qu’il évaluait la compétence générale des candidats en ce qui a trait à chacun des facteurs de connaissance, notamment le quatrième. Il n’a jamais été mentionné qu’il était obligatoire de subir avec succès les deux parties de la question CO4.

52Si le plaignant avait su qu’il devait obtenir la note de passage aux deux parties de la question plutôt qu’à la question dans son ensemble, il n’aurait pas procédé de la même façon. Comme on l’avait informé qu’il devait répondre correctement à la question CO4, il a procédé de façon raisonnable, c’est‑à‑dire qu’il s’est concentré sur la partie de la question qui était obligatoire (les valeurs et l’éthique). Il a pris le temps nécessaire pour répondre à cette partie de la question d’une façon qu’il jugeait satisfaisante, et il a consacré moins de temps à l’autre partie, estimant que le comité allait accorder plus d’importance à la partie « obligatoire » qu’à la partie « optionnelle ».

53Dans la décision Tibbs c. Sous‑ministre de la Défense nationale et al., [2006] TDFP 0008, le Tribunal énonce cinq types d’abus, entre autres « […] les situations dans lesquelles le délégué se fonde sur des éléments insuffisants, notamment lorsqu’il ne dispose d’aucun élément de preuve ou qu’il ne tient pas compte d’éléments pertinents ». Le plaignant est d’avis que le comité d’évaluation s’est fondé sur des éléments de preuve insuffisants, puisqu’il n’a pas fourni la moindre explication convaincante à l’appui de sa décision.

54Le plaignant renvoie également à la décision Rozka et al. c. Sous‑ministre de Citoyenneté et Immigration Canada et al.,[2007] TDFP 0046, où le Tribunal, au paragraphe 76, indique que « La discussion informelle est un moyen de communication qui vise principalement à permettre à un candidat de discuter des raisons du rejet de sa candidature dans le cadre d'un processus ».

55Le plaignant avance que, pendant la discussion informelle, la représentante du comité d’évaluation qu’il a rencontrée lui a simplement précisé que le comité avait procédé à une évaluation globale et avait jugé qu’il ne répondait pas aux attentes – information que le plaignant possédait déjà – mais qu’elle ne lui a donné aucune explication supplémentaire sur la façon dont les réponses fournies avaient permis au comité d’arriver à cette conclusion.

56Le plaignant est revenu sur les observations des membres du comité selon lesquelles les crochets qui figuraient sur sa feuille de réponse constituaient en fait des rappels, c’est‑à‑dire qu’ils indiquaient que les membres du comité devaient y revenir pour discuter de façon plus approfondie des réponses fournies de façon à vérifier si elles correspondaient aux réponses attendues. Or, dans sa réponse aux allégations, l’intimé a indiqué que « les bonnes réponses étaient désignées par un crochet dans la grille des réponses » [Traduction]. Le plaignant avait donc quatre bonnes réponses dans les deux parties de la question CO4, mais il n’a reçu que trois points pour la question en général et n’a par conséquent pas été considéré comme qualifié puisque sa réponse relativement à la deuxième partie, et peut‑être même à la première partie, était insatisfaisante.

57Le plaignant se fonde en outre sur la décision Chiasson c. Sous‑ministre de Patrimoine canadien et al.,[2008] TDFP 0027, dans laquelle le Tribunal, au paragraphe 53, indique ce qui suit : « Si l’outil d’évaluation comporte un vice fondamental, son application cohérente ne peut pas être considérée comme raisonnable ou équitable ».

58Dans cette affaire, les instructions relatives à l’examen avaient été changées, mais certains candidats, et peut‑être même la totalité d’entre eux, n’en avaient pas été avisés. En l’espèce, le plaignant avance qu’il y avait, pour les candidats, beaucoup d’ambiguïté quant à la façon dont la question CO4 devait être évaluée.

59Le plaignant précise qu’il ne demande pas au Tribunal de procéder à une nouvelle évaluation des réponses qu’il a fournies à la question, puisqu’il sait qu’il ne s’agit pas là du rôle du Tribunal. Il demande plutôt à celui‑ci de reconnaître que, compte tenu des nombreuses explications différentes fournies par l’intimé concernant la notation, il est impossible d’établir avec certitude, selon la prépondérance des probabilités, la façon dont le plaignant a été évalué relativement à la question CO4.

60De plus, le plaignant fait référence à la décision Oddie c. Sous‑ministre de la Défense nationale et al.,[2007] TDFP 0030, dans laquelle le Tribunal a établi que le comité d’évaluation avait commis une erreur en ne fournissant pas de raison à l’appui de l’évaluation négative effectuée, mais étant donné que ladite erreur n’était pas le facteur déterminant dans la décision de ne pas nommer la plaignante, le Tribunal a conclu il n’y avait pas eu d’abus de pouvoir. À la lumière de cette décision, le plaignant déduit que si le facteur déterminant réside dans le fait qu’aucune raison valable n’a été fournie, cette erreur constitue un abus de pouvoir.

61Le plaignant soutient que l’allégation qu’il a formulée est grave. En effet, il ne se limite pas à contester les notes qui lui ont été attribuées par le comité d’évaluation, le barème de correction choisi et le fait que les explications qui lui ont été fournies sont insatisfaisantes. À son avis, puisque l’intimé n’a pas fourni d’explication claire et cohérente par rapport à la façon dont il a été évalué, ou, inversement, qu’il a fourni toutes sortes d’explications différentes à cet égard, il y a lieu de mettre en doute le fait qu’il existe vraiment une explication claire et cohérente concernant la façon dont il a été évalué. Il faut voir là une grave lacune, qui mine l’intention du législateur selon laquelle le pouvoir discrétionnaire doit être exercé dans le respect de pratiques d’emploi équitables et transparentes.

62Le plaignant ne demande pas la révocation des nominations qui ont été faites ou proposées par l’intimé au terme de ce processus. Il ne remet d’ailleurs pas en doute les qualifications des candidats qui ont été retenus.

63Le plaignant souhaite plutôt que le Tribunal ordonne à l’intimé de le faire réévaluer pour la question CO4 par un comité d’évaluation composé de membres différents, en utilisant une méthode assortie de critères bien définis.

B) Argumentation de l’intimé

64Selon l’intimé, l’affaire en l’espèce porte sur un fonctionnaire qui n’est pas satisfait de l’explication qui lui a été fournie concernant le rejet de sa candidature.

65L’intimé se fonde sur le paragraphe 42 de la décision Visca c. Sous‑ministre de la Justice et al., [2007] TDFP 0024, où le Tribunal indique qu’aux termes du paragraphe 30(2) de la LEFP, les gestionnaires disposent d’un pouvoir discrétionnaire considérable pour établir les qualifications essentielles liées au poste à doter et pour choisir la bonne personne pour occuper le poste visé. L’intimé est d’avis que la décision Visca appuie également le principe selon lequel l’article 36 de la LEFP confère aux personnes qui détiennent les pouvoirs de dotation un vaste pouvoir discrétionnaire pour choisir et utiliser les méthodes d’évaluation qui permettront de déterminer si la personne possède les qualifications établies.

66L’intimé soutient qu’il n’y a rien d’ambigu dans la question CO4 ni dans la façon dont celle‑ci a été évaluée. Le plaignant a reconnu qu’il avait eu comme directive de décrire les compétences liées aux valeurs et à l’éthique et qu’il avait également dû choisir et décrire une autre compétence. Le plaignant savait qu’il y avait deux parties à la question CO4, et il a répondu à chacune d’entre elles.

67Le plaignant a admis que les directives concernant la façon de répondre à la question CO4 figuraient dans l’examen, qu’il s’agissait d’une seule question, évaluée en deux parties, et que l’évaluation était faite globalement, en fonction du nombre de points prévu dans la marge de droite de la première page de l’examen.

68Au départ, le comité d’évaluation a attribué 2 points au plaignant pour sa réponse à la question CO4, mais après de plus amples discussions et analyses, les membres du comité ont décidé d’élever la note à 3. En somme, le plaignant a profité de l’analyse et des discussions approfondies du comité d’évaluation.

69L’intimé a soutenu que le plaignant avait affirmé avoir consacré davantage de temps à la première partie de la question parce qu’il croyait que la portion « optionnelle » revêtait moins d’importance que l’autre. Toutefois, le plaignant a déclaré qu’il comprenait qu’il devait obtenir la note de passage fixée pour chacune des questions de l’examen liées aux connaissances et que la question CO4 était composée de deux parties. Cette déclaration contredit son témoignage selon lequel il aurait obtenu l’information en question seulement en lisant la réponse de l’intimé et en participant à la discussion informelle.

70L’intimé soutient qu’après 25 ans à la fonction publique, le plaignant connaît bien le processus de dotation et sait qu’il doit répondre aux questions du mieux qu’il le peut, peu importe le barème de correction. D’ailleurs, pour l’examen de connaissances, le barème de correction figurait sur la première page, à droite. Le plaignant est peu crédible lorsqu’il affirme qu’il n’en savait rien.

71En ce qui a trait à la discussion informelle, l’intimé renvoie aux décisions Rozka, Neil c. Sous‑ministre d’Environnement Canada et al.,[2008] TDFP 0004 et Kitchen c. Sous‑ministre de Citoyenneté et Immigration Canada et al.,[2008] TDFP 0028,pour appuyer sa position selon laquelle la discussion informelle est avant tout un moyen de communication. Bien que la discussion informelle puisse servir à corriger les erreurs commises pendant un processus d’évaluation, elle ne vise pas à évaluer à nouveau les candidats. L’intimé précise que la discussion informelle ne relève pas de la compétence du Tribunal, à moins qu’elle ne concerne une décision d’éliminer de façon injuste une candidature dans un processus de dotation.

72Selon l’intimé, Mmes Monroe et Mitchell ont fourni des explications cohérentes sur la façon dont le processus d’évaluation et la discussion informelle se sont déroulés. L’intimé avance que le fait que le plaignant ne soit pas satisfait de ces explications n’a aucun poids du point de vue de la jurisprudence.

73C’est au plaignant qu’incombait le fardeau de la preuve. L’intimé affirme qu’il est possible d’établir, à la lumière de la preuve, et même du témoignage du plaignant, que les exigences relatives à la discussion informelle ont été satisfaites. Les témoins de l’intimé ont fourni de l’information cohérente par rapport à ce qui s’est passé, tandis que l’argumentation du plaignant manquait de cohérence.

74Par ailleurs, même s’il est possible qu’il y ait eu un problème de communication pendant la discussion informelle, l’intimé avance que les simples erreurs commises ne pourraient représenter un abus de pouvoir. La discussion informelle qui a eu lieu après l’élimination de la candidature du plaignant du processus de dotation n’a eu aucune incidence sur l’évaluation en soi.

75Les diverses personnes qui ont répondu aux demandes d’information du plaignant étaient toutes du même avis – le candidat devait démontrer sa compréhension des compétences en leadership attendues des gestionnaires. Le témoignage de Mme Monroe cadre avec la réponse de l’intimé aux allégations modifiées. La façon dont Mme Monroe a procédé en inscrivant des notes et en faisant des crochets sur la copie d’examen du plaignant constitue une pratique courante. La preuve démontre que tous les candidats ont été évalués uniformément au regard du quatrième facteur de connaissance.

76L’intimé soutient que rien n’indique qu’une omission ou une erreur grave a été commise. Même s’il est possible qu’il y ait eu des problèmes de communication, ceux‑ci ne constituent pas un abus de pouvoir; ils n’ont d’ailleurs eu aucune incidence sur la façon dont les candidats ont été évalués à l’examen.

77Le plaignant n’a pas été en mesure de réfuter l’affirmation de l’intimé selon laquelle les outils utilisés avaient permis d’évaluer efficacement les qualifications requises. L’argumentation du plaignant ne suffit pas à démontrer qu’il y a eu abus de pouvoir. L’intimé déclare que le comité d’évaluation a, à tout moment, agi de façon juste et transparente dans le choix des outils d’évaluation.

78L’intimé soutient que le plaignant ne s’est pas acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait, soit de démontrer que l’intimé avait abusé de son pouvoir, aux termes de l’article 77 de la LEFP.

C) Argumentation de la Commission de la fonction publique

79La Commission de la fonction publique (CFP) a présenté, de façon générale, des arguments écrits sur la notion d’abus de pouvoir et sur la façon dont le Tribunal devrait aborder cette question.

80La CFP a fait référence aux décisions Oddie et Portree c. Administrateur général de Service Canada et al., [2006] TDFP 0014, dans lesquelles le Tribunal a établi qu’il ne lui incombait pas de « reprendre » le processus de nomination. Il a également renvoyé aux décisions Visca et Jogarajah c. Administrateur en chef de la santé publique de l’Agence de la santé publique du Canada et al., [2008] TDFP 0015, où le Tribunal déclare que les personnes qui détiennent les pouvoirs de dotation jouissent d’un vaste pouvoir discrétionnaire pour choisir et utiliser les méthodes d’évaluation.

81Selon la CFP, le Tribunal peut conclure qu’une évaluation inappropriée équivaut à un abus de pouvoir si la preuve permet d’établir que l’évaluation a été entachée de mauvaise foi ou de favoritisme personnel, ou s’il est convaincu que les erreurs commises pendant le processus d’évaluation découlent d’une négligence ou d’une insouciance telle que l’on pourrait la qualifier de mauvaise foi. C’est d’ailleurs ce qu’a expliqué la Cour suprême du Canada dans la décision Finney c. Barreau du Québec, [2004] 2 R.C.S. 17.

D) Réplique du plaignant

82Le plaignant soutient que la question fondamentale réside dans le fait qu’il ne pouvait pas savoir qu’il devait subir avec succès les deux parties de la question CO4. Cette précision ne figurait pas sur le site Web ni dans le barème de correction, pas plus que dans la copie d’examen ou dans les directives fournies aux candidats au début de l’examen. Ce n’est pas le comité d’évaluation ni Mme Mitchell, pendant la discussion informelle, qui lui ont fourni les renseignements à cet égard; il en a plutôt pris connaissance dans la réponse de l’intimé à ses allégations.

83Si l’intimé ne peut expliquer de façon cohérente la manière dont il a procédé, il est impossible de se fier aux résultats, de sorte qu’il ne s’agit pas d’une simple erreur. L’intimé n’a pas expliqué pourquoi il avait indiqué, pendant la discussion informelle, qu’il avait procédé à une évaluation globale de la question, alors que dans sa réponse aux allégations, il a soutenu que les deux parties de la question avaient été évaluées séparément et que les candidats devaient obtenir la note de passage pour chacune d’entre elles. C’est là l’essentiel de l’allégation du plaignant.

Analyse

84Le plaignant avance qu’il y avait des failles dans l’examen de connaissances qui a été utilisé dans le processus de dotation. En effet, il explique que l’intimé n’a pas informé les candidats du fait que la question CO4 avait deux parties, et qu’il fallait absolument obtenir la note de passage à chacune d’entre elles.

85À la lumière de la preuve, le Tribunal tient pour avérés les faits pertinents suivants. Le plaignant a passé l’examen de connaissances lors d’une séance supervisée par Mme Mitchell, un membre du comité d’évaluation. Avant que les candidats commencent l’examen, Mme Mitchell a lu à leur intention les directives qui lui avaient été transmises par courriel par le service des ressources humaines. Les parties pertinentes du courriel ont été reproduites ci‑dessous.

Voici certains des renseignements qui ont été fournis aux candidats avant l’examen :

  • L’examen est d’une durée de 3 heures (9 h à 11 h) [sic].
  • Il s’agit d’un examen sans documentation. Il est donc interdit de consulter des documents ou d’en avoir sur sa table.
  • Il faut rappeler aux candidats qu’étant donné que le processus est en cours, ils ne peuvent discuter du contenu de l’examen avec personne.
  • Les candidats doivent obtenir la note de passage établie pour chaque facteur de connaissance (CO1 à CO5).
  • La note de passage pour chacun des facteurs a été fixée à 60 %.

[Traduction]

86Les parties ont présenté une copie de l’examen de connaissances sur consentement. La première page de l’examen fait état du nombre de points prévu pour chaque qualification liée aux connaissances.

TEST DE CONNAISSANCES

07‑IMC‑IA‑ONT‑RHQ‑02

PM‑05, GESTIONNAIRE

CITOYENNETÉ ET IMMIGRATION CANADA

FACTEUR POINTS

CO1 5

CO2 9

CO3 24 (2+2+5+15)

CO4 7

CO5 20 (10+10)

65

[Traduction]

87Voici comment était formulée la question CO4 dans l’examen :

CO4. Connaissance des compétences clés en leadership et des comportements efficaces au sein de la fonction publique

L’Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada (AGRHFPC) a procédé à un examen du Profil des compétences en leadership. Ces compétences en leadership ont été définies à tous les niveaux du continuum du leadership (du sous‑ministre au superviseur). Elles sont regroupées dans les catégories suivantes :

Valeurs et éthique : Service empreint d’intégrité et de respect

Réflexion stratégique : L’innovation grâce à l’analyse et aux idées

Engagement : Mobiliser les personnes, les organisations et les partenaires

Excellence en gestion : La gestion par l’action, la gestion de l‘effectif et la gestion des finances

Pour le niveau de « gestionnaire », veuillez décrire en détail les compétences qui font partie de la catégorie Valeurs et éthique. Veuillez ensuite sélectionner une autre compétence en leadership exigée des gestionnaires et en donner une description détaillée.

Évaluation globale de 1 à 7

[Traduction]

88Le Tribunal estime que le plaignant savait que la question CO4 était composée de deux parties et qu’il devait répondre à chacune d’entre elles. Le plaignant savait également que cette qualification serait évaluée globalement, selon une échelle de 1 à 7, comme il était indiqué dans le coin supérieur droit de la question. En outre, le Tribunal constate que personne n’a contesté le fait que le quatrième facteur de connaissance faisait partie des qualifications essentielles pour le poste. Les candidats avaient été informés des sources où ils pouvaient trouver de l’information sur les compétences évaluées par la question CO4. Il n’y avait qu’une question à deux parties, et elle était évaluée globalement, comme il était indiqué dans l’examen. La question était claire et il n’y avait aucune ambiguïté possible. Les candidats devaient décrire « en détail » les compétences liées aux valeurs et à l’éthique, de même qu’une autre compétence en matière de leadership, qu’ils choisissaient eux‑mêmes.

89Le Tribunal n’a aucune raison de douter du fait que le plaignant croyait qu’une bonne réponse à une partie de la question CO4 pouvait compenser une réponse moins pertinente à l’autre partie, ou qu’il avait pour stratégie de consacrer la plus grande part de son temps et de ses efforts à la première partie de la question. Toutefois, comme le Tribunal l’a déclaré brièvement dans le paragraphe 83 de la décision Robert et Sabourin c. le Sous‑ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et al., [2008] TDFP 0024, les idées que peut se faire une personne par rapport à une situation ne constituent pas une preuve.

90Après avoir examiné les documents liés à la question CO4, le Tribunal estime qu’il n’y avait pas lieu de croire qu’une des deux parties de la question était plus importante que l’autre. En outre, rien n’indique qu’un candidat pouvait obtenir la note de passage fixée pour cette question en ne fournissant une bonne réponse qu’à une des deux parties de la question. Dans leur réponse à cette question, les candidats devaient décrire en détail les compétences liées aux valeurs et à l’éthique attendues des gestionnaires. Ils devaient également choisir et décrire en détail une autre compétence en matière de leadership que doit posséder un gestionnaire. Le Tribunal juge, à la lumière de la preuve, que l’unique différence entre les deux parties de la question réside dans le fait que la direction a choisi une compétence, alors que c’est le candidat lui‑même qui a choisi l’autre. Rien ne permet de croire que, pour les besoins de l’examen, une compétence était plus importante que l’autre ou justifiait une réponse plus complète ou détaillée que l’autre.

91Aurait‑il été préférable que le plaignant sache à l’avance qu’il devait obligatoirement réussir les deux parties de la question CO4? Le plaignant est d’avis que s’il avait été informé de cette exigence, il aurait géré son temps différemment et consacré davantage de temps à la description de la deuxième compétence. Toutefois, comme il l’ignorait, il a dû se fier au libellé de la question. Le Tribunal juge que, à la simple lecture de la question, une personne raisonnable pouvait conclure que le comité d’évaluation s’attendait au même niveau de détail pour les deux parties de la question, c’est‑à‑dire à une description détaillée des connaissances liées à deux compétences.

92L’article 36 de la LEFP confère aux gestionnaires un vaste pouvoir discrétionnaire pour choisir et utiliser les méthodes d’évaluation qui permettront de déterminer si les candidats possèdent les qualifications établies. Toutefois, comme l’a établi le Tribunal dans la décision Tibbs, bien qu’il s’agisse d’un pouvoir discrétionnaire, celui‑ci n’est pas absolu et il ne doit pas être exercé de façon arbitraire ou non pertinente, même si ce n’est pas intentionnel.

93Dans la décision Jolin c. Administrateur général de Service Canada et al., [2007] TDFP 0011, le Tribunal s’est exprimé ainsi :

[77] […] Pour que le Tribunal considère qu’il y ait abus de pouvoir dans le choix des méthodes d’évaluation, la plaignante doit démontrer que le résultat est inéquitable et que les méthodes d’évaluation sont déraisonnables et ne peuvent évaluer les qualifications prévues à l’énoncé des critères de mérite, [qu’elles] n’ont aucun lien avec ceux‑ci ou qu’elles sont discriminatoires.

94Le plaignant ne met pas en doute les qualifications des candidats retenus. Il n’a d’ailleurs pas affirmé avoir été traité différemment des autres candidats. Compte tenu des faits, le Tribunal ne peut conclure que la question CO4 n’a pas permis d’évaluer les qualifications figurant dans l’énoncé des critères de mérite.

95Selon le plaignant, c’est le fait que l’intimé n’a pas indiqué sur la copie d’examen qu’il fallait obtenir la note de passage aux deux parties de la question CO4 et qu’il n’en a informé les candidats d’aucune façon, c’est ce fait qui constitue l’essentiel du problème. Bien que le Tribunal reconnaisse que des renseignements à cet égard auraient certainement aidé le plaignant et peut‑être même d’autres candidats, le fait de ne pas avoir fourni l’information en question ne constitue pas une omission ou une erreur flagrante équivalant à un abus de pouvoir.

96En l’espèce, les candidats se voyaient clairement demander, dans la question CO4, de décrire les compétences liées aux valeurs et à l’éthique de même qu’une autre compétence « en détail ». Le comité d’évaluation était à la recherche de réponses démontrant clairement que le candidat possédait une bonne connaissance non seulement d’une mais bien de deux compétences en matière de leadership. Le plaignant n’a pas réussi à démontrer, selon les exigences établies par le comité d’évaluation, qu’il possédait une bonne connaissance de deux compétences en matière de leadership.

97Par ailleurs, le plaignant ne voit pas comment il serait possible pour lui ou pour quiconque d’être certain que le processus de dotation était équitable et transparent et que le résultat de celui‑ci est approprié, si aucune explication cohérente ne peut être fournie relativement à la façon dont il a été évalué.

98Le Tribunal estime que le quatrième facteur de connaissance a été évalué au moyen d’une question comportant deux parties, ce qui ne va aucunement à l’encontre de ce qu’a indiqué l’intimé dans sa réponse aux allégations initiales du plaignant, dont voici un extrait :

La connaissance qu’a le plaignant des compétences clés en leadership et des comportements efficaces au sein de la fonction publique a été évaluée à l’aide d’une question composée de deux parties, dont la note de passage avait été établie à 4 sur 7. Pour que leur réponse soit considérée comme satisfaisante, les candidats devaient démontrer une bonne compréhension des aspects liés aux deux parties de la question. Le barème de correction était fondé sur la méthode non compensatoire, c’est‑à‑dire que les candidats devaient subir avec succès les deux parties de la question pour obtenir la note de passage. Les bonnes réponses étaient désignées par un crochet dans la grille des réponses.

Dans le cas qui nous intéresse, le plaignant a fourni une réponse partiellement exacte, en ce sens qu’il n’a abordé que certains des éléments de la réponse attendue pour ce qui est de la première partie de la question, qui traitait des valeurs et de l’éthique. Par ailleurs, le plaignant n’a pas réussi à obtenir une note satisfaisante pour la deuxième partie de la question. Il devait décrire une compétence de son choix en matière de leadership; il a opté pour la « réflexion stratégique », mais il n’a pas traité des deux éléments qui y sont associés, soit l’analyse et les idées. Les membres du comité d’évaluation ont établi que la réponse que le plaignant a fournie à la deuxième partie de la question n’était pas satisfaisante. Par conséquent, le plaignant a reçu une note globale de 3, laquelle est inférieure à la note de passage fixée pour la qualification liée aux connaissances faisant l’objet de l’évaluation.

[Traduction]

99Le Tribunal juge que l’information contenue dans la réponse de l’intimé a peut‑être semblé nouvelle au plaignant, en raison de la façon dont elle était présentée. Néanmoins, il existe une différence entre de l’information nouvelle et de l’information contradictoire. Personne ne conteste le fait que la question comportait deux parties. C’était peut‑être la première fois, en lisant la réponse de l’intimé, que le plaignant voyait le terme « non compensatoire » [Traduction]. Toutefois, le Tribunal estime qu’il n’existe aucune contradiction entre, d’une part, l’utilisation de ce terme et, d’autre part, l’exigence du comité d’évaluation selon laquelle les candidats devaient démontrer qu’ils possédaient une bonne compréhension de deux compétences en matière de leadership. La connaissance d’une seule compétence en matière de leadership ne permettait pas d’obtenir la note de passage.

100Le Tribunal conclut que le plaignant n’a pas présenté suffisamment d’éléments de preuve pour parvenir à démontrer que le résultat du processus n’est pas équitable et que la méthode d’évaluation utilisée était déraisonnable.

101Le plaignant a également avancé qu’il n’avait pas, pendant la discussion informelle, reçu d’explication satisfaisante concernant le rejet de sa candidature.

102Dans la décision Kitchen, le Tribunal indique, au paragraphe 78 :

[L]es discussions informelles ont pour but de fournir une occasion aux candidats non retenus de comprendre la raison pour laquelle ils n’ont pas été jugés qualifiés. Il s’agit donc d’une partie logique du processus qui permet de discuter des questions et des réponses. Par contre, cela ne signifie pas que les questions et les outils d’évaluation sont inadéquats.

103En outre, dans la décision Rozka,le Tribunal s’est exprimé ainsi :

[76] La discussion informelle est un moyen de communication qui vise principalement à permettre à un candidat de discuter des raisons du rejet de sa candidature dans le cadre d'un processus. Si l'on découvre qu'une erreur a été faite, par exemple si le comité d'évaluation a omis de tenir compte de certains renseignements figurant dans la demande d'emploi du candidat, la discussion informelle donne l'occasion au gestionnaire de corriger son erreur. Toutefois, la discussion informelle ne doit pas constituer un mécanisme permettant de demander que le comité d'évaluation réévalue les qualifications d'un candidat.

(Voir également les décisions suivantes : Neil; Dionne c. le Sous‑ministre de la Défense nationale et al., [2008] TDFP 0011; et Lavigne c. Sous‑ministre de la Justice et al., [2008] TDFP 0013.)

104Il ne fait aucun doute que le plaignant n’a pas reçu l’explication qu’il recherchait pendant la discussion informelle. Quoi qu’il en soit, le Tribunal ne s’est vu présenter aucun élément de preuve convaincant lui permettant de conclure que le comité d’évaluation s’est servi de la discussion informelle pour dissimuler des abus qui auraient été commis pendant le processus d’évaluation. Il est regrettable que le plaignant et Mme Mitchell n’aient pas réussi à s’entendre relativement à l’évaluation de la question CO4. S’ils y étaient parvenus, la plainte se serait fort probablement avérée inutile. Toutefois, bien que la discussion informelle constitue un des volets du processus d’évaluation, elle ne fait pas partie de l’évaluation proprement dite, et le fait qu’aucune explication satisfaisante aux yeux du plaignant n’ait été fournie pendant la discussion informelle ne constitue pas en soi un abus de pouvoir.

Décision

105Pour tous ces motifs, la plainte est rejetée.

Kenneth J. Gibson

Membre

Parties au dossier

Dossier du Tribunal:
2007-0384
Intitulé de la cause:
David Carnegie et le Sous-ministre de Citoyenneté et Immigration Canada et al.
Audience:
Les 18 et 19 novembre 2008
Toronto, ON
Date des motifs:
Le 2 mars 2009

Comparutions:

Pour le plaignant:
Alan Lennon
Pour l'intimé:
Amita Chandra
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