Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La partie plaignante a soutenu que l'intimé avait abusé de son pouvoir au motif qu'il n'avait pas évalué convenablement ses qualifications, d'où l'élimination de sa candidature du processus de nomination à l'étape de la présélection. La partie plaignante a allégué, d'autre part, que l'intimé avait fait preuve de mauvaise foi et de favoritisme personnel. L'intimé a fait valoir que sa décision d'éliminer la candidature du plaignant du processus de nomination à l'étape de la présélection était raisonnable et appropriée puisque la partie plaignante n'avait pas démontré dans sa demande qu'il possédait une expérience appréciable et récente sur le plan opérationnel. Décision : Le Tribunal a établi qu'il n'y avait aucune preuve de mauvaise foi dans l'application du mérite car la partie plaignante n'avait pas démontré au comité d'évaluation qu'il possédait la qualification essentielle " expérience appréciable et récente sur le plan opérationnel ". Il aurait été préférable que l'intimé expliquât de façon plus détaillée ce qu'il entendait par " expérience appréciable et récente ". Néanmoins, le fait de ne pas fournir ce genre de précisions ne constituait pas en soi un abus de pouvoir. Le Tribunal a jugé, par ailleurs, que la partie plaignante n'avait pas fourni de preuves à l'appui de son allégation de favoritisme personnel. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossier:
2007-0436
Rendue à:
Ottawa, le 2 avril 2009

PIERRE RICHARD
Plaignant
ET
LE SOUS-MINISTRE DE PATRIMOINE CANADIEN
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plaintes d'abus de pouvoir en vertu de l'alinéa 77(1)a) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision:
La plainte est rejetée
Décision rendue par:
Kenneth Gibson, membre
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Richard c. Sous-ministre de Patrimoine canadien et al.
Référence neutre:
2009 TDFP 0012

Motifs de la décision

Introduction

1Le plaignant, Pierre Richard, soutient que l’intimé a abusé de son pouvoir, car il n’a pas évalué de façon appropriée ses qualifications, ce qui a entraîné le rejet de sa candidature à l’étape de la présélection d’un processus de nomination visant la dotation du poste de conseiller principal en rémunération et avantages sociaux (AS-05). Il avance que l’intimé a fait preuve de mauvaise foi et de favoritisme personnel. Pendant la conférence préparatoire, le plaignant a retiré une allégation de discrimination qu’il avait au préalable soulevée.

2L’intimé, le sous-ministre de Patrimoine canadien, déclare que sa décision d’éliminer la candidature du plaignant à l’étape de la présélection du processus de nomination est raisonnable et appropriée. Selon lui, le plaignant n’a pas démontré, dans sa demande, qu’il avait une expérience appréciable et récente sur le plan opérationnel; il ne possédait donc pas l’une des qualifications essentielles établies pour le poste.

Contexte

3Lorsqu’il a présenté sa demande, le plaignant occupait le poste d’administrateur, Rémunération et Système d’information sur les ressources humaines (AS-04) à la Commission nationale des libérations conditionnelles (CNLC).

4Le 13 avril 2007, l’intimé a informé le plaignant que sa candidature avait été éliminée du processus de nomination visant la dotation du poste de conseiller principal en rémunération et avantages sociaux parce qu’il ne répondait pas au critère de mérite suivant : « Expérience appréciable et récente de la prestation de services en matière de rémunération et d’avantages sociaux (opérationnels et corporatifs) au sein de la fonction publique fédérale » [traduction].

5Un avis de nomination a été affiché sur Publiservice le 22 août 2007. Le plaignant a présenté sa plainte au Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) le 6 septembre 2007, en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP).

Question en litige

6L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir lorsqu’il a évalué le plaignant et déterminé que ce dernier ne possédait pas l’une des qualifications essentielles établies pour le poste?

Résumé des éléments de preuve pertinents

7Le plaignant a déclaré que l’intimé avait éliminé sa candidature du processus de nomination parce qu’il n’avait pas constaté, à la lecture de son curriculum vitæ (C.V.), qu’il possédait une expérience appréciable et récente sur le plan opérationnel, laquelle constituait une qualification essentielle.

8Le plaignant a expliqué que son C.V. faisait état de ses 25 années d’expérience dans le domaine de l’administration et de la gestion de programmes de rémunération.

9Au moment où il a présenté sa demande, le plaignant occupait à la CNLC le poste d’administrateur, Rémunération et Système d’information sur les ressources humaines, depuis environ trois ans. Il a indiqué que la CNLC était une petite organisation, et qu’il y était responsable d’un groupe de quatre employés. Il a ajouté que si l’un de ses subalternes était absent, il devait lui-même exercer les fonctions opérationnelles de ce dernier.

10Le plaignant a affirmé que son C.V. faisait état de son expérience récente et appréciable sur le plan opérationnel. Il a fait plus particulièrement référence à une partie de son C.V. où il est précisé que son poste à la CNLC « nécessite de l’expérience sur le plan opérationnel » [traduction], puis à une autre partie où il est indiqué que, dans l’exercice de ses fonctions, il « procède à l’évaluation du rendement des employés, recommande des programmes de formation et forme les nouveaux employés » [traduction]. Le C.V. du plaignant indique également que ce dernier a suivi « tous les cours liés à la paye » [traduction].

11Le plaignant a présenté des annonces de possibilité d’emploi affichées à l’occasion de trois autres processus de nomination. Il a expliqué que les qualifications établies pour les postes faisant l’objet de ces annonces étaient semblables aux qualifications liées au poste à doter au ministère du Patrimoine canadien, et que sa candidature avait été retenue à l’étape de la présélection de chacun de ces processus.

12Le plaignant a également présenté le rapport qu’a rédigé le comité de présélection pendant le processus de nomination tenu par Patrimoine canadien. Il a indiqué que, d’après ce rapport, quatre candidats possédaient les qualifications essentielles, et que la personne retenue était la seule qui possédait les deux qualifications constituant un atout. Selon le plaignant, seule la personne retenue a été convoquée à une entrevue, ce qui signifie que l’intimé ne s’est probablement pas limité à l’évaluation des qualifications essentielles à l’étape de la présélection.

13Le plaignant a déclaré qu’il avait, le 18 octobre 2007, rencontré le gestionnaire délégataire, Luc Bégin, pour une discussion informelle; il voulait savoir pourquoi sa candidature n’avait pas été retenue à la présélection. M. Bégin avait, en tant que gestionnaire délégataire, la responsabilité de doter le poste. Le plaignant soutient que M. Bégin lui a expliqué qu’au terme de l’examen de son C.V., il avait été établi qu’il avait davantage le profil d’un gestionnaire de projet que d’un gestionnaire des opérations. M. Bégin a indiqué au plaignant qu’il cherchait une personne qui pouvait elle-même, de façon concrète, effectuer le travail si un des employés s’absentait.

14En contre-interrogatoire, le plaignant a reconnu que le comité d’évaluation n’avait en main que son C.V. lorsqu’il a évalué sa demande. En outre, il a admis qu’il savait que l’annonce de possibilité d’emploi établie pour le poste indiquait que les candidats devaient clairement démontrer dans leur demande qu’ils possédaient toutes les qualifications essentielles, à défaut de quoi leur candidature pourrait être rejetée.

15Toujours en contre-interrogatoire, le plaignant a dû répondre à une série de questions concernant son C.V. Plus précisément, il a été invité à expliquer à quel endroit, dans son C.V., il était indiqué qu’il remplaçait ses subalternes en leur absence. Le plaignant a déclaré qu’il allait sans dire qu’en l’absence d’un employé, le gestionnaire devait prendre le relais; en effet, la nécessité de verser au personnel sa rémunération demeure même si un subalterne est absent. Selon le plaignant, il est impossible de gérer les activités de rémunération de même que d’évaluer et de former des employés à moins de connaître le travail à effectuer. Il a déclaré que M. Bégin aurait dû être conscient de cette réalité.

16L’intimé a également questionné le plaignant au sujet de la pertinence des trois autres annonces de possibilité d’emploi qu’il avait produites en preuve. Le plaignant a admis que la première annonce ne faisait pas état d’une expérience appréciable et récente sur le plan « opérationnel » [traduction]. En outre, il a reconnu que, dans la deuxième annonce, les qualifications essentielles n’étaient pas énoncées de la même façon que dans l’annonce correspondant au poste à doter à Patrimoine canadien. En ce qui a trait à la troisième annonce, le plaignant a admis que l’ « expérience récente et appréciable sur le plan opérationnel » [traduction] était en fait une qualification constituant un atout et non une qualification essentielle pour le poste en question.

17L’intimé a par ailleurs demandé au plaignant si une personne qui avait suivi tous les cours liés à la paye pouvait à coup sûr effectuer le travail. Le plaignant a reconnu qu’il fallait également avoir de l’expérience pratique pour y arriver.

18M.Bégin, un témoin de l’intimé, est le directeur de l’Initiative du service à la clientèle à Patrimoine canadien. Au moment où le processus de nomination a eu lieu, il occupait le poste de directeur des relations de travail, de la rémunération et du mieux-être et il était responsable du poste de conseiller principal en rémunération et avantages sociaux par l’entremise du gestionnaire de la rémunération et des avantages sociaux.

19M. Bégin a expliqué que le conseiller principal en rémunération et avantages sociaux est responsable d’un poste de groupe et niveau AS-03 à Patrimoine canadien et assume la responsabilité fonctionnelle de deux postes de groupe et niveau AS-02 au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC). Des services en matière de rémunération et d’avantages sociaux sont offerts à 2 200 employés de Patrimoine canadien de même qu’à 425 employés du CRTC.

20M. Bégin a expliqué que, pour les besoins du processus de nomination, le comité d’évaluation était composé de trois personnes : le gestionnaire de la rémunération et des avantages sociaux de Patrimoine canadien, le directeur général des ressources humaines du CRTC, et lui-même, qui assumait la présidence du comité.

21L’énoncé des critères de mérite (ECM) pour le poste a été préparé par le gestionnaire de la rémunération et des avantages sociaux, de concert avec M. Bégin. L’ « expérience appréciable et récente de la prestation de services en matière de rémunération et d’avantages sociaux (opérationnels et corporatifs) au sein de la fonction publique fédérale » [traduction] a été désignée comme une qualification essentielle, étant donné que le titulaire du poste offre des services corporatifs et est responsable de la supervision quotidienne des titulaires de postes au groupe et niveau AS-02.

22M. Bégin a également déclaré que le comité d’évaluation cherchait une personne ayant acquis de l’expérience sur le plan opérationnel au cours des deux dernières années. La personne recherchée devait bien connaître les conventions collectives en vigueur et être en mesure de fournir aux membres du personnel, directement et sans délai, des renseignements concernant les pensions, les congés sans solde, l’invalidité de longue durée et d’autres programmes, si l’une des personnes occupant un poste AS-02 n’était pas disponible. Autrement dit, le conseiller principal en rémunération devait pouvoir exercer les fonctions liées au poste du groupe et niveau AS-02.

23M. Bégin a contesté le témoignage du plaignant selon lequel quatre candidats possédaient les qualifications essentielles, mais seulement un des quatre avait été convoqué en entrevue. Il a affirmé qu’en réalité, cinq candidats possédaient les qualifications essentielles et qu’ils avaient tous été invités à passer une entrevue.

24M. Bégin a indiqué que le comité d’évaluation avait évalué 13 demandes. Chaque membre du comité a procédé à une évaluation indépendante, puis les membres se sont réunis pour discuter de leurs conclusions. Le rapport du comité de présélection témoigne du consensus atteint par le comité d’évaluation.

25En outre, M. Bégin a expliqué que le comité d’évaluation cherchait, dans le C.V. des postulants, des renseignements démontrant précisément que ceux‑ci avaient exercé toute une série de fonctions liées à la paye et aux avantages sociaux au cours des deux dernières années. Le comité a conclu que le plaignant possédait beaucoup d’expérience dans le domaine visé, mais qu’il n’avait pas clairement démontré, dans son C.V., qu’il avait une expérience appréciable et récente sur le plan opérationnel.

26Selon M. Bégin, le fait que le plaignant soit gestionnaire ou responsable de la fonction de rémunération ne signifie pas pour autant qu’il a de l’expérience récente du point de vue pratique. Le comité d’évaluation a établi que le plaignant, puisqu’il procède à l’évaluation du rendement de son personnel, possède une autre des qualifications essentielles, soit l’« expérience de la gestion de ressources humaines » [traduction]. Toutefois, M. Bégin est d’avis qu’il existe une différence entre la connaissance du domaine et la capacité d’effectuer le travail.

27Même si le plaignant a indiqué, dans son C.V., qu’il avait suivi tous les cours liés à la paye, le comité d’évaluation ne pouvait savoir, comme l’a expliqué M. Bégin, si ces cours étaient récents ou dataient du début de sa carrière. Le comité d’évaluation ne doutait aucunement du fait que le plaignant possédait de l’expérience pertinente, mais il ne pouvait déterminer si cette expérience était récente ou non.

28M. Bégin a affirmé avoir donné toutes ces explications au plaignant pendant la discussion informelle.

29En contre-interrogatoire, M. Bégin a expliqué que lorsqu’il avait examiné le C.V. du plaignant, il avait eu de la difficulté à établir la différence entre l’expérience et les connaissances. Il a également eu peine à déterminer si les connaissances et l’expérience avaient été acquises récemment ou non.

30M. Bégin a reconnu qu’il savait que le plaignant travaillait au sein d’une petite organisation; il ne pouvait cependant pas en déduire que l’unité de travail qui employait le plaignant était structurée comme Patrimoine canadien ou que le mode de fonctionnement y était le même.

31M. Bégin s’est vu demander si d’autres candidats avaient déclaré, dans leur C.V., qu’ils participaient aux opérations quotidiennes de leur organisation. Il a répondu qu’il était possible qu’ils ne l’aient pas formulé en ces termes; il a expliqué qu’en fait, le comité d’évaluation cherchait des renseignements démontrant que les candidats avaient acquis beaucoup d’expérience sur le plan opérationnel au cours des deux dernières années. Les candidats qui ont été convoqués à une entrevue avaient démontré, dans leur C.V., qu’ils possédaient l’expérience exigée sur le plan opérationnel.

32M. Bégin a admis qu’il aurait pu communiquer avec le plaignant pour lui poser des questions au sujet de l’expérience décrite dans son C.V., mais il a déclaré qu’étant donné que le comité d’évaluation avait employé des termes clairs dans l’annonce de possibilité d’emploi, il incombait aux postulants de démontrer qu’ils possédaient l’expérience requise.

Législation

33La plainte a été présentée en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la LEFP :

77. (1) Lorsque la Commission a fait une proposition de nomination ou une nomination dans le cadre d’un processus de nomination interne, la personne qui est dans la zone de recours visée au paragraphe (2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement du Tribunal, présenter à celui‑ci une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination pour l’une ou l’autre des raisons suivantes :

  1. abus de pouvoir de la part de la Commission ou de l’administrateur général dans l’exercice de leurs attributions respectives au titre du paragraphe 30(2);

[…]

34Le paragraphe 30(2) de la LEFP est libellé ainsi :

30. (1) Les nominations — internes ou externes — à la fonction publique faites par la Commission sont fondées sur le mérite et sont indépendantes de toute influence politique.

(2) Une nomination est fondée sur le mérite lorsque les conditions suivantes sont réunies :

  1. selon la Commission, la personne à nommer possède les qualifications essentielles — notamment la compétence dans les langues officielles — établies par l’administrateur général pour le travail à accomplir;
  2. la Commission prend en compte :
    1. toute qualification supplémentaire que l’administrateur général considère comme un atout pour le travail à accomplir ou pour l’administration, pour le présent ou l’avenir,
    2. toute exigence opérationnelle actuelle ou future de l’administration précisée par l’administrateur général,
    3. tout besoin actuel ou futur de l’administration précisé par l’administrateur général.

[…]

35En outre, l’article 36 de la LEFP, qui prévoit ce qui suit, est également pertinent en l’espèce :

36. La Commission peut avoir recours à toute méthode d’évaluation — notamment prise en compte des réalisations et du rendement antérieur, examens ou entrevues — qu’elle estime indiquée pour décider si une personne possède les qualifications visées à l’alinéa 30(2)a) et au sous-alinéa 30(2)b)(i).

Argumentation des parties

A) Argumentation du plaignant

36Le plaignant soutient que le domaine de la paye et des avantages sociaux est très spécialisé et que toute personne occupant un poste de gestionnaire de la rémunération et des avantages sociaux doit avoir à son actif une expérience pratique. Par ailleurs, il déclare qu’il est tout à fait normal de remplacer des subalternes lorsqu’ils sont, par exemple, en congé de maladie ou en congé de maternité; en effet, il faut s’assurer, peu importe les circonstances, que les employés de l’organisation touchent leur rémunération. Lorsque c’est nécessaire, le gestionnaire doit prendre la relève puisqu’il ne serait pas raisonnable, vu la nature spécialisée du travail, de déléguer les tâches à quelqu’un qui ne connaît pas le domaine.

37Le plaignant avance que le comité d’évaluation a, en l’espèce, agi de façon déraisonnable lorsqu’il a éliminé sa candidature à l’étape de la présélection du processus de nomination. Pour appuyer sa position, il fait référence à la décision Richard c. le ministère de la Défense nationale, 06‑DND‑00430, rendue par un comité d’appel en vertu de l’ancienne LEFP. Dans cette décision, le comité d’appel a établi que l’appelant n’avait jamais eu la possibilité de fournir au jury de présélection des renseignements supplémentaires concernant son expérience, lesquels auraient pu avoir une incidence sur le résultat du processus de présélection.

38Le plaignant fait également mention de la décision Bell c. Administrateur général de Service Canada et al., [2008] TDFP 0033. Dans cette affaire, le plaignant avait soutenu que le fait d’inclure l’exigence d’une expérience « récente » comme gestionnaire parmi les qualifications essentielles constituait un abus de pouvoir. Au paragraphe 37 de cette décision, le Tribunal déclare que les qualifications doivent être énoncées de façon suffisamment détaillée, afin de permettre aux candidats de connaître les exigences auxquelles ils doivent satisfaire.

39Le plaignant estime qu’étant donné qu’il possède les qualifications essentielles à l’exercice des tâches, le principe du mérite n’a pas été appliqué en l’espèce.

40Avant l’audience et dans ses allégations écrites, le plaignant a déclaré que ce n’était que pendant la discussion informelle avec M. Bégin qu’il avait appris que le comité d’évaluation avait évalué les candidats en fonction de leur expérience sur le plan opérationnel à l’étape de la présélection. Selon le plaignant, il n’est indiqué nulle part dans la description de travail établie pour le poste de conseiller principal en rémunération à Patrimoine canadien que le titulaire du poste doit accomplir les tâches des conseillers en rémunération qui relèvent de lui. Par conséquent, il a avancé que le fait de ne pas posséder cette qualification n’aurait pas dû entraîner l’élimination d’une candidature à l’étape de la présélection du processus de nomination. Il a également indiqué ce qui suit : « Une telle façon de faire favorise les candidats qui ont inscrit dans leur C.V. qu’ils possédaient de l’expérience dans un poste de conseiller en rémunération de groupe et niveau AS-02 » [traduction]. À l’audience, le plaignant a déclaré, pendant sa réplique, que le comité d’évaluation l’avait traité de façon déraisonnable et avait omis d’exercer ses fonctions avec diligence en évaluant ses qualifications, ce qui constituait du favoritisme personnel envers les autres candidats de la part du comité d’évaluation.

41Le plaignant demande au Tribunal de conclure que l’intimé a abusé de son pouvoir lorsqu’il a éliminé sa candidature à l’étape de la présélection du processus de nomination. Le plaignant demande également d’ordonner à l’intimé d’évaluer sa candidature de la même façon dont il a évalué celle des candidats qui ont été retenus à la présélection.

B) Argumentation de l’intimé

42L’intimé soutient qu’il s’agit en l’espèce d’établir s’il avait le pouvoir d’exiger une expérience récente et appréciable sur le plan opérationnel.

43L’intimé fait référence au paragraphe 42 de la décision Visca c. Sous-ministre de la Justice et al., [2007] TDFP 0024, pour appuyer son affirmation selon laquelle il dispose d’un pouvoir discrétionnaire considérable pour établir les qualifications nécessaires à l’exercice des fonctions d’un poste.

44L’intimé déclare qu’il faut beaucoup pour conclure à un abus de pouvoir et que, pour avoir gain de cause, un plaignant doit démontrer qu’il y a eu un acte répréhensible grave ou une faute majeure dans le processus, qui constitue plus qu’une simple erreur ou omission. Pour appuyer ce principe, l’intimé fait référence au paragraphe 47 de la décision Portree c. Administrateur général de Service Canada et al., [2006] TDFP 0014. L’intimé cite également les décisions Visca et Oddie c. Sous-ministre de la Défense nationale et al., [2007] TDFP 0030.

45L’annonce de possibilité d’emploi établie pour le poste indiquait ce qui suit : « Les postulants doivent clairement démontrer dans leur demande qu’ils possèdent toutes les qualifications essentielles suivantes et qu’ils sont dans la zone de sélection, à défaut de quoi leur candidature pourrait être rejetée » [traduction] [soulignement ajouté]. L’intimé soutient que selon le dictionnaire d’Oxford University Press, le terme démontrer signifie « […] décrire et expliquer à l’aide d’exemples […] » [traduction].

46Bien que le plaignant soutienne que l’intimé aurait pu communiquer avec lui pour obtenir plus de renseignements, l’intimé indique pour sa part que là n’était pas sa responsabilité. Il incombait au plaignant de « clairement démontrer » [traduction] qu’il possédait les qualifications essentielles liées au poste.

47L’intimé a fait référence à la première page du C.V. du plaignant, où il est indiqué ce qui suit : « Étant donné que l’organisation est de petite taille, je suis responsable de l’ensemble des activités de rémunération de même que des opérations » [traduction] [soulignement ajouté]. Dans le dictionnaire d’Oxford University Press, le terme responsable est défini ainsi : « [&hellip] qui peut être appelé à rendre compte (à une personne ou à l’égard d’une chose) » [traduction]. Selon l’intimé, le fait qu’une personne soit responsable d’une tâche quelconque ne signifie pas pour autant qu’elle possède l’expérience pratique nécessaire pour l’exécuter.

48L’intimé s’appuie sur le paragraphe 38 de la décision Charter c. Sous-ministre de la Défense nationale et al., [2007] TDFP 0048 pour faire valoir que le plaignant ne pouvait présumer que l’intimé allait pouvoir déduire, à partir de sa demande d’emploi, qu’il possédait les qualifications demandées. Les postulants étaient censés démontrer qu’ils avaient l’expérience requise.

49L’intimé soutient que le même principe s’applique en ce qui a trait à la formation du plaignant. En effet, il n’était pas vraiment possible de conclure, à la lecture du C.V. du plaignant, que sa formation était « récente » [traduction]. Il était également difficile de savoir si la formation était liée à l’acquisition de connaissances ou d’expérience. Ce n’est pas parce que le plaignant a suivi des séances de formation qu’il a nécessairement de l’expérience dans le domaine.

50L’intimé a fait remarquer que, dans l’affaire Feeney c. Sous-ministre de la Défense nationale et al., [2008] TDFP 0017, le libellé de l’annonce de possibilité d’emploi, reproduit au paragraphe 47 de la décision, était identique à celui en l’espèce. Dans la décision Feeney, le Tribunal a conclu que les postulants savaient que leur candidature pouvait être éliminée du processus s’ils ne répondaient pas à tous les critères essentiels de présélection.

51En ce qui a trait à la déclaration du plaignant selon laquelle sa candidature a été retenue à l’étape de la présélection dans d’autres processus de nomination exigeant des qualifications semblables, l’intimé déclare que le Tribunal s’est penché sur une question analogue dans la décision Feeney. Dans cette affaire, le Tribunal a conclu que les administrateurs généraux jouissent d’un vaste pouvoir discrétionnaire pour établir les qualifications essentielles, qui varient d’un poste à un autre. L’intimé fait valoir qu’aucun élément de preuve présenté au Tribunal ne permet à ce dernier de savoir laquelle des versions de son C.V. le plaignant a fournie aux comités d’évaluation responsables des processus dont il a fait mention. En bref, il est impossible de savoir comment les comités d’évaluation ont évalué la demande du plaignant. Dans l’un des exemples fournis par ce dernier, l’expérience appréciable et récente était une qualification constituant un atout; rien n’indique toutefois la façon dont elle a été évaluée. L’intimé avance que les qualifications peuvent varier d’un poste à l’autre et qu’en l’espèce, il ne fallait pas présumer que les qualifications exigées dans d’autres processus étaient les mêmes que celles requises pour ce processus.

52En outre, l’intimé soutient que l’une des décisions auxquelles le plaignant a fait référence, soit celle qui a été rendue par un comité d’appel en vertu de l’ancienne LEFP, ne peut servir de précédent en l’espèce. En effet, cette décision a été rendue sous un autre régime, au moyen d’une méthode et d’un processus différents. Elle n’est donc pas pertinente dans ce processus de recours.

53En conclusion, l’intimé déclare que l’argumentation du plaignant est fondée sur une opinion personnelle et qu’aucun élément de preuve permettant de conclure à un abus de pouvoir n’a été présenté.

C) Argumentation de la Commission de la fonction publique

54La Commission de la fonction publique (CFP) n’était pas représentée à l’audience, mais elle a fourni des arguments écrits.

55Selon la CFP, le plaignant semble considérer que le gestionnaire délégataire a mal évalué l’importance de ses 25 années d’expérience pertinente sur le plan opérationnel. La CFP soutient que, dans bon nombre d’affaires, le Tribunal a confirmé que l’administrateur général jouit du pouvoir discrétionnaire nécessaire pour établir les qualifications essentielles liées au poste à doter.

56La CFP est d’avis que les méthodes d’évaluation utilisées doivent permettre d’évaluer efficacement les qualifications essentielles établies de même que les autres critères de mérite. Les méthodes en question doivent être directement liées aux critères de mérite établis et permettre de les évaluer adéquatement. Pour que l’administration d’un processus de nomination soit jugée équitable, il faut que chaque candidat ait eu la possibilité de démontrer son mérite par rapport au poste à doter.

Analyse

57Le paragraphe suivant figure sous la rubrique « Qualifications essentielles » de l’annonce de possibilité d’emploi établie pour le poste de conseiller principal en rémunération et avantages sociaux :

Les postulants doivent clairement démontrer dans leur demande qu’ils possèdent toutes les qualifications essentielles suivantes et qu’ils sont dans la zone de sélection, à défaut de quoi leur demande pourrait être rejetée.

[traduction]

58Parmi les six qualifications essentielles énoncées sous la remarque susmentionnée figure l’« expérience appréciable et récente de la prestation de services en matière de rémunération et d’avantages sociaux (opérationnels et corporatifs) au sein de la fonction publique fédérale » [traduction].

59Le plaignant soutient que le comité d’évaluation a fait preuve de mauvaise foi, puisqu’il n’a pas évalué ses qualifications de façon appropriée.

60Le Tribunal a conclu que la mauvaise foi pouvait être établie au moyen de preuves directes ou circonstancielles, et que la négligence ou l’insouciance grave dans un processus de nomination pouvait constituer de la mauvaise foi. Voir notamment les décisions Cameron et Maheux c. l’Administrateur général de Service Canada et al., [2008] TDFP 0016, et Robert et Sabourin c. Sous-ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et al., [2008] TDFP 0024.

61Pour appuyer son argumentation, le plaignant a fait état de la décision Bell, dans laquelle le Tribunal a indiqué qu’il était important que les énoncés des critères de mérite soient clairs et transparents afin que les candidats connaissent les exigences auxquelles ils doivent satisfaire. Il convient de souligner que dans la décision Bell, le Tribunal n’a pas conclu à un abus de pouvoir. Dans cette affaire, la candidature du plaignant a été éliminée du processus de nomination à l’étape de la présélection parce que le plaignant ne possédait pas une expérience « récente » comme gestionnaire. Au paragraphe 37 de ladite décision, le Tribunal déclare ce qui suit : « De son propre aveu, le plaignant a acquis son expérience comme gestionnaire au moins dix ans avant la tenue du processus de nomination visé. Quelle que soit la définition du terme “récent”, le plaignant n’aurait pas possédé cette qualification essentielle. »

62Néanmoins, le plaignant a raison lorsqu’il souligne que le terme « récent » n’est défini ni dans l’annonce de possibilité d’emploi ni dans l’énoncé des critères de mérite. Dans la décision Bell,le Tribunal reprend les observations formulées précédemment dans la décision Neil c. Sous-ministre d’Environnement Canada et al., [2008] TDFP 0004 :

[50] Le Tribunal tient à souligner que, bien qu’il ne soit pas obligatoire d’informer les candidats de tous les détails concernant la façon dont une qualification en particulier sera évaluée, il est dans l’intérêt de tous de faire preuve de clarté et de transparence dans la mesure du possible dans le cadre d’un processus de nomination. Il s’agit de s’assurer que tous ceux qui possèdent effectivement une qualification peuvent le démontrer et passer à la prochaine étape du processus. Il aurait donc été préférable que l’intimé fournisse aux candidats plus de détails dans l’énoncé des critères de mérite sur la façon dont « l’expérience appréciable « serait évaluée par le comité. Cette démarche est d’ailleurs recommandée dans la Série d’orientation de la Commission de la fonction publique portant sur l’évaluation, la sélection et la nomination. En voici un extrait :

Dans le but de faciliter la présélection des candidats et candidates, il est important que le ou la gestionnaire mette au point une définition de certains mots : par exemple, la signification d’une expérience « récente » ou « appréciable ». Une fois qu’une telle définition a été établie, le ou la gestionnaire, ou le comité d’évaluation si le ou la gestionnaire en fait la demande, devrait être prêt à répondre aux demandes et à transmettre ces renseignements aux candidats ou aux candidats éventuels. (…) Les définitions sont élaborées en fonction des exigences du poste et non pas d’après l’expérience ou les compétences du candidat ou de la candidate. Par conséquent, elles devraient être élaborées avant de passer en revue les candidatures et les qualifications des personnes considérées.

  • Exemple – L’annonce pour un poste précisait que les personnes devaient posséder « une expérience appréciable en élaboration de politiques ». Le ou la gestionnaire devrait définir le mot « appréciable » et il ou elle pourrait inclure cette définition dans l’annonce (…).

[51] Toutefois, le fait de ne pas informer les candidats de la définition précise d’un critère de mérite ne constitue pas, en soi, un abus de pouvoir. La qualification choisie par les gestionnaires et en fonction de laquelle les candidats seraient évalués figurait dans l’énoncé des critères de mérite. Le Tribunal estime que cette qualification était suffisamment détaillée pour permettre aux candidats de démontrer qu’ils la possédaient.

[caractères gras ajoutés]

63Les commentaires susmentionnés, tirés des décisions Neil et Bell, s’appliquent en l’espèce. En effet, il aurait été préférable que l’intimé explique de façon plus détaillée ce qu’il entendait par « expérience appréciable et récente » [traduction]. La communication de renseignements supplémentaires aurait d’ailleurs pu empêcher la présentation de cette plainte. Toutefois, comme il a été mentionné dans les décisions Neil et Bell, le fait de ne pas fournir ce genre de précisions ne constitue pas, en soi, un abus de pouvoir.

64En contre-interrogatoire, le plaignant a admis qu’il savait qu’il devait clairement démontrer, dans sa demande, qu’il possédait les qualifications essentielles. L’argumentation du plaignant est fondée essentiellement sur le fait que son C.V. contenait suffisamment d’information pour que le comité d’évaluation puisse établir qu’il possédait les qualifications essentielles liées au poste. Si le comité d’évaluation avait des questions en ce qui a trait à son expérience, il aurait dû communiquer avec lui afin d’obtenir des précisions.

65Le plaignant a plus particulièrement attiré l’attention sur les extraits suivants de son C.V. :

25 ans d’expérience.

[…] ce qui nécessite de l’expérience sur le plan opérationnel […]

Procède à l’évaluation du rendement des employés, recommande des programmes de formation et forme les nouveaux employés.

Procède à l’évaluation du rendement du personnel.

Étant donné que l’organisation est de petite taille, je suis responsable de l’ensemble des activités de rémunération de même que des opérations.

Cours : Tous les cours liés à la paye.

[traduction]

66L’intimé a reconnu qu’il avait jugé que le plaignant possédait beaucoup de connaissances et d’expérience dans le domaine visé. Toutefois, il soutient que le plaignant n’a pas, dans son C.V., « clairement démontré » [traduction] qu’il possédait l’expérience « appréciable et récente » [traduction] exigée sur le plan opérationnel.

67Le plaignant soutient que ses responsabilités, son expérience et sa formation auraient dû convaincre le président du comité d’évaluation qu’il était en mesure d’assumer les fonctions liées aux opérations. Un argument semblable a été présenté dans l’affaire Charter c. Sous-ministre de la Défense nationale et al., [2007] TDFP 0048. Au paragraphe 37 de cette décision, le Tribunal s’exprime ainsi :

[37] Pour qu’un candidat soit nommé à un poste, il doit démontrer, dans le cadre du processus d’évaluation choisi, qu’il possède les qualifications essentielles liées au poste. En l’espèce, le comité d’évaluation a utilisé une méthode d’évaluation courante afin d’évaluer les études et l’expérience, c’est‑à‑dire qu’il a demandé aux candidats de présenter une demande indiquant qu’ils possèdent les qualifications.

68Dans l’affaire Charter, le plaignant avait présumé que le comité d’évaluation déduirait, à la lecture de certains commentaires contenus dans sa demande, qu’il possédait l’expérience que le conseil recherchait. Toutefois, comme l’a confirmé le Tribunal dans ladite décision, il n’existe aucune obligation de déduire qu’un candidat possède quelque qualification que ce soit lorsqu’il est indiqué dans l’annonce de possibilité d’emploi qu’il incombe aux postulants de « clairement démontrer » [traduction] dans leur demande qu’ils possèdent les qualifications exigées.

69Le Tribunal estime qu’il n’y a aucune preuve de mauvaise foi dans l’application du mérite puisque le plaignant n’a pas démontré au comité d’évaluation qu’il possédait la qualification essentielle dont il est ici question.

70Par ailleurs, le plaignant avance que sa candidature a été retenue à l’étape de la présélection de trois autres processus de nomination exigeant des qualifications semblables. Or, dans le premier processus de nomination auquel le plaignant fait référence, l’expérience de nature opérationnelle ne constituait pas une qualification essentielle. Dans le deuxième processus de nomination, il n’était pas question, dans les qualifications, d’expérience « appréciable et récente » [traduction] sur le plan opérationnel. Enfin, dans le troisième processus de nomination, une des qualifications essentielles était semblable, mais non identique, à la qualification dont il est question en l’espèce. Par surcroît, aucun élément de preuve ne permet au Tribunal de savoir si le plaignant a fourni, à l’occasion de chacun de ces processus de nomination, le même C.V. qu’il a présenté dans le processus dont il est ici question, ni de connaître la façon dont les différents comités d’évaluation ont évalué sa demande. Somme toute, le fait que la candidature du plaignant ait apparemment été retenue à l’étape de la présélection de ces autres processus de nomination n’a aucune incidence sur la façon dont doit être tranchée la question en l’espèce.

71Le plaignant a également fait mention d’une décision rendue en vertu de l’ancienne LEFP, dans laquelle l’appel qu’il avait interjeté avait été accueilli, de sorte qu’il avait pu présenter des renseignements supplémentaires concernant son expérience. Toutefois, dans cette affaire, l’appel avait été accueilli parce que le plaignant, contrairement aux autres candidats, n’avait pas eu la possibilité de fournir des renseignements supplémentaires au comité de présélection. Or, en l’espèce, aucune preuve n’indique que le plaignant ait été traité différemment des autres candidats à l’étape de la présélection.

72Le plaignant avance en outre qu’il y a eu abus de pouvoir sous la forme de « favoritisme ». Pendant l’audience, le plaignant n’a cependant présenté aucune preuve appuyant cette allégation. En fait, à l’audience, le plaignant n’a prononcé le mot « favoritisme » que pendant sa réplique, lorsqu’il a indiqué que le comité d’évaluation avait évalué ses qualifications de façon déraisonnable, ce qui démontrait que celui-ci avait fait preuve de favoritisme personnel envers d’autres candidats.

73Dans ses allégations écrites, le plaignant déclare que la nécessité de remplacer les conseillers en rémunération (AS-02) n’était mentionnée nulle part dans la description de travail établie pour le poste de conseiller principal en rémunération et en avantages sociaux et que, par conséquent, elle ne pouvait être considérée comme une qualification essentielle. Selon le plaignant, il y a eu abus de pouvoir puisque les candidats qui ont indiqué dans leur C.V. qu’ils possédaient de l’expérience à titre de conseiller en rémunération (AS-02) étaient favorisés. Le plaignant n’a toutefois pas soumis de copie de la description de travail pas plus qu’il n’a présenté d’élément de preuve appuyant son allégation selon laquelle la qualification essentielle en question n’était pas liée au poste à doter.

74Le Tribunal a établi que c’est le favoritisme personnel qui constitue un abus de pouvoir. Il a abordé cette question dans la décision Glasgow c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et al., [2008] TDFP 0007 :

[39] […] En effet, le législateur fait précisément référence à la mauvaise foi et au favoritisme personnel pour s’assurer que nul ne conteste le fait que ces formes d’inconduite constituent un abus de pouvoir. Il convient de noter que le mot « favoritisme » est qualifié par l’adjectif « personnel », ce qui met en évidence l’intention du législateur de faire en sorte que les deux mots soient lus ensemble, et que c’est le favoritisme personnel, non pas tout autre type de favoritisme, qui constitue un abus de pouvoir.

[…]

[41] Lorsqu’il faut choisir parmi plusieurs candidats qualifiés, l’alinéa 30(2)b) de la LEFP prévoit que la sélection peut reposer sur les qualifications constituant un atout, les exigences opérationnelles et les besoins organisationnels. La sélection ne doit jamais être teintée de favoritisme personnel. Des intérêts personnels indus, comme une relation personnelle entre la personne chargée de la sélection et la personne nommée, ne devraient jamais constituer le motif d’une nomination. De la même façon, la sélection d’une personne à titre de faveur personnelle ou pour obtenir la faveur de quelqu’un serait un autre exemple de favoritisme personnel.

[en caractères gras dans l’original]

75Le plaignant n’a présenté aucun élément de preuve appuyant son allégation selon laquelle l’intimé a fait preuve de favoritisme personnel. Le Tribunal se retrouve donc devant des allégations non fondées en ce qui a trait à cette question.

76Le Tribunal a déjà déclaré qu’il aurait été préférable que l’intimé indique ce qu’il entendait par une expérience « appréciable » et « récente » opérationnelle et corporative. Toutefois, aucune preuve ne démontre au Tribunal que la qualification, telle qu’elle est définie, n’est pas essentielle à l’exercice des fonctions du poste. En fait, pendant l’audience, le témoin de l’intimé a décrit en détail les raisons pour lesquelles ce type d’expérience était nécessaire.

77En conclusion, le Tribunal estime que le plaignant n’a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que l’intimé a abusé de son pouvoir lorsqu’il a évalué le plaignant et qu’il a établi que ce dernier ne possédait pas la qualification essentielle suivante : « Expérience appréciable et récente de la prestation de services en matière de rémunération et d’avantages sociaux (opérationnels et corporatifs) au sein de la fonction publique fédérale » [traduction].

Décision

78Pour tous ces motifs, la plainte est rejetée.

Kenneth Gibson

Membre

Parties au dossier

Dossier du Tribunal:
2007-0436
Intitulé de la cause:
Pierre Richard et le Sous-ministre de Patrimoine canadien et al.
Audience:
Le 22 janvier 2009
Ottawa (Ontario)
Date des motifs:
Le 2 avril 2009

Comparutions:

Pour les plaignants:
Pierre Richard
Pour l'intimé:
Dora Benbaruk et
Caroline Proulx
Pour la Commission
de la fonction publique:
Marc Séguin
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