Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a formulé des allégations selon lesquelles l'intimé aurait abusé de son pouvoir dans le choix d'un processus non annoncé et aurait effectué la nomination par favoritisme personnel. L'intimé a fait valoir que son action était raisonnable et appropriée en l'occurrence et que le processus de nomination était fondé sur des besoins opérationnels et non sur le favoritisme personnel. La Commission de la fonction publique (CFP) a soutenu qu'il aurait été préférable de préparer la justification écrite au moment de la nomination plutôt que trois mois après. Toutefois, elle a ajouté que pour qu'il y ait abus de pouvoir par manquement à l'une des lignes directrices de la CFP, il faut que ce manquement résulte d'une intention illégitime telle que la mauvaise foi, le favoritisme personnel ou encore une insouciance ou négligence grave. Décision : Le Tribunal a déterminé qu'en dépit des erreurs et omissions survenues au cours du processus de nomination, il y a insuffisance de preuve pour conclure à la mauvaise foi par suite de négligence grave. Les éléments de preuve produits ont démontré que la personne nommée possédait toutes les qualifications essentielles pour le poste. Le Tribunal a jugé, d'autre part, que la plaignante n'a pas établi selon la prépondérance des probabilités que la nomination était entachée de favoritisme personnel. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossier:
2007-0544
Rendue à:
Ottawa, le 10 juillet 2009

JANE TURNER
Plaignante
ET
LE SOUS-MINISTRE DE CITOYENNETÉ ET IMMIGRATION CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plaintes d'abus de pouvoir en vertu de l'alinéa 77(1)b) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision:
La plainte est rejetée
Décision rendue par:
Kenneth J. Gibson, membre
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Turner c. Sous-ministre de Citoyenneté et Immigration Canada et al.
Référence neutre:
2009 TDFP 0022

Motifs de la décision

Introduction

1La plaignante, Jane Turner, croit que l’intimé, le sous‑ministre de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), a abusé de son pouvoir lorsqu’il a utilisé un processus non annoncé pour effectuer une nomination intérimaire à un poste d’agent des politiques de groupe et niveau PM‑06. La plaignante affirme que le processus de nomination n’a été ni juste ni transparent. En plus de soutenir qu’il y a eu mauvaise foi, elle est d’avis que la personne nommée, Debra Fox, a peut-être bénéficié de favoritisme personnel.

2L’intimé déclare que le processus de nomination en question était fondé sur un besoin opérationnel et non sur le favoritisme personnel. Il estime avoir agi de façon raisonnable et appropriée dans les circonstances.

Contexte

3De décembre 2003 à mars 2006, la plaignante a pris part au projet du Système mondial de gestion des cas (SMGC), projet conjoint du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration (CIC) et de l’Agence des Services frontaliers du Canada (ASFC). En 2006, comme le projet du SMGC tirait à sa fin, CIC a lancé un processus visant à réaffecter les employés, notamment la plaignante, à d’autres postes à durée indéterminée au sein de CIC ou de l’ASFC. En mars 2006, la plaignante a été affectée pour un an à un poste de conseiller ministériel au sein de la Direction générale du règlement des cas de CIC. Au cours de l’année 2006, la Direction générale des solutions fonctionnelles de CIC a changé de nom pour devenir le Bureau de l’amélioration du service (BAS).

4Le 4 septembre 2007, Debra Fox a été nommée à titre intérimaire, selon un processus non annoncé, à un poste d’agent des politiques de niveau PM‑06 au BAS pour une durée d’un an moins un jour. La candidature de la plaignante n’a pas été prise en considération pour ce poste.

5L’avis de nomination intérimaire a été publié sur Publiservice le 5 octobre 2007. La plainte a été présentée le 22 octobre 2007.

Questions en litige

6Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. L’intimé a‑t‑il abusé de son pouvoir en ayant recours à un processus de nomination non annoncé?
  2. L’intimé a‑t‑il fait preuve de favoritisme personnel en nommant Mme Fox au poste d’agent des politiques?

Résumé des éléments de preuve pertinents

7La plaignante a décrit son expérience professionnelle à CIC, qui s’étend sur 30 ans, et a expliqué comment elle en était venue à participer au projet du SMGC à Ottawa. En 2004, elle œuvrait au sein du projet en question, à Ottawa. Au départ, il s’agissait d’une affectation; son poste d’attache était alors un poste de gestionnaire des opérations de niveau PM‑05 au bureau d’Etobicoke. En 2005, on l’a informée qu’elle devait retourner à Etobicoke ou abandonner son poste là‑bas. Elle a décidé de demeurer au sein du projet du SMGC, car elle voulait s’assurer que les nouveaux systèmes fonctionnaient comme prévu. Elle a été mutée à un poste d’expert fonctionnel à la Direction générale des solutions fonctionnelles, et elle a poursuivi son travail pour le projet du SMGC.

8En 2006, le projet du SMGC tirait à sa fin. Le 10 mai 2006, un courriel envoyé à la plaignante de même qu’à d’autres employés faisait état de la nécessité de procéder à une réaffectation des employés. La plaignante venait d’être affectée à la Direction générale du règlement des cas à titre de conseillère ministérielle, groupe et niveau PM‑05. Le poste lui a été offert pour une durée indéterminée, mais elle a refusé l’offre avec l’espoir d’obtenir un emploi à Toronto dans le cadre du processus de réaffectation.

9En septembre 2006, la plaignante a pris un congé pendant lequel elle a déménagé à Toronto. Le 22 septembre 2006, Rénald Gilbert, directeur général du BAS, a diffusé un avis d’affectation visant plusieurs affectations d’un à deux ans.

10La plaignante a affirmé que c’était la diffusion de cet avis qui l’avait poussée à envoyer un courriel au directeur du BAS, Donald Pineau, le 29 novembre 2006. Voici un extrait du courriel en question :

Votre organisation offre‑t‑elle la possibilité aux gens de travailler à distance, par exemple à l’extérieur du bureau? Comme bien d’autres, j’ai perdu le poste que j’occupais dans le cadre du projet du SMGC et je suis à la recherche d’un emploi à Toronto. J’ai pensé communiquer avec vous pour savoir si vous offriez des solutions créatives d’emploi.

[traduction]

11La plaignante a indiqué avoir envoyé ce courriel pour s’informer des possibilités de télétravail ou d’autres occasions au sein du BAS, mais qu’elle n’avait jamais reçu de réponse. Elle a reconnu que tous les postes dont il était question dans l’avis d’affectation étaient à Ottawa et qu’elle préférait trouver un emploi à Toronto.

12La plaignante a repris le travail le 19 mars 2007. Ce jour‑là, elle a envoyé le courriel suivant à M. Gilbert, qui, comme M. Pineau, ne lui a pas répondu :

Je suis à la recherche d’un nouveau défi et, comme je travaillais pour la Direction générale des solutions fonctionnelles avant mon affectation à la Direction générale du règlement des cas, j’aimerais savoir s’il y a actuellement des emplois vacants au sein de votre Direction générale. Je joins mon curriculum vitae à ce courriel, et je suis disponible pour une rencontre, à votre convenance.

[traduction]

13La plaignante a présenté une série de courriels échangés avec plusieurs gestionnaires et membres du personnel de CIC, et tous envoyés entre le 19 mars et le 10 mai 2007. Ces messages avaient pour but de déterminer qui était responsable du poste d’attache de la plaignante. Dans certains d’entre eux, il est indiqué que le poste de la plaignante relève du BAS et, dans un autre, il est mentionné qu’il fait plutôt partie du projet du SMGC.

14Tout en continuant de chercher un poste à durée indéterminée, la plaignante a accepté une affectation à la Direction générale de la gestion opérationnelle et de la coordination (DGGOC). Selon elle, il y a eu des discussions pour établir qui devait autoriser son affectation puisque personne ne disait être responsable de son poste d’attache. Finalement, c’est un représentant du projet du SMGC qui a donné l’autorisation requise.

15Dans son témoignage, la plaignante a indiqué que sa plainte visait d’abord à pousser le ministère à régler sa situation d’emploi. Elle a ajouté que c’était « la seule façon d’amener quelqu’un à s’en occuper » [traduction].

16Après la nomination de Mme Fox, la plaignante a rencontré M. Gilbert. Lorsque ce dernier lui a dit que son poste ne relevait pas de son organisation, la plaignante lui a montré un organigramme du BAS, où son nom figurait à côté d’un poste d’expert fonctionnel (PM‑05). L’organigramme indiquait par ailleurs que Mme Fox occupait un poste bilingue.

17La plaignante a présenté une lettre d’offre adressée à Mme Fox, datée du 3 avril 2006, visant une mutation à un poste bilingue d’expert fonctionnel (PM‑05) au sein de la Direction générale des solutions fonctionnelles. La plaignante a indiqué que cette lettre l’avait préoccupée, puisque Mme Fox n’était pas bilingue. Elle a précisé qu’une directrice du nom de Shirley Holmstrom l’avait pourtant informée qu’il était impossible, vu les règles établies, que sa candidature soit prise en considération pour des postes bilingues.

18La plaignante a également présenté un courriel, daté du 21 novembre 2007, rédigé par le sous‑ministre à l’intention de tous les cadres de direction (EX) et cadres intermédiaires de CIC. Le sous‑ministre y indiquait que tous les postes de direction et de supervision devaient être traités comme des postes à dotation bilingue impérative. Il précisait qu’il pouvait y avoir des exceptions, notamment dans le cas où un processus de nomination annoncé n’attirait aucun candidat ayant le niveau de bilinguisme recherché.

19La plaignante a déposé un résumé d’affectation concernant Mme Fox, selon lequel cette dernière a, à partir de janvier 2006, occupé de façon continue, à titre intérimaire, un poste de gestionnaire et un poste de directeur exécutif, tous deux bilingues, jusqu’à ce qu’elle accepte le poste d’agent des politiques en septembre 2007. Sachant que Mme Fox n’était pas bilingue, la plaignante a commencé à penser « que quelque chose ne tournait pas rond » [traduction].

20En contre‑interrogatoire, la plaignante a reconnu qu’au vu de la lettre, le poste offert à Mme Fox était un poste bilingue à nomination « non impérative ». Elle a en outre admis que l’organigramme, qui indiquait que Mme Fox occupait un poste bilingue, ne faisait pas expressément état du fait qu’il s’agissait d’un poste à dotation bilingue « impérative ».

21La plaignante a présenté des listes téléphoniques du BAS datées du 10 octobre et du 20 décembre 2007. Selon ces listes, Mme Fox occupait toujours le poste bilingue de directeur adjoint du cybercontinuum, alors qu’elle était censée, à ce moment‑là, exercer les fonctions d’un poste d’agent des politiques. La plaignante a admis qu’il était possible que les listes téléphoniques sur lesquelles Mme Fox était encore désignée comme directrice adjointe n’aient pas été à jour.

22La plaignante a indiqué qu’elle savait que Mme Fox allait suivre une formation linguistique peu de temps après sa nomination, et elle n’arrivait pas à comprendre pourquoi M. Gilbert l’avait nommée au poste d’agent des politiques pour une période d’un an alors qu’elle ne serait pas là pour en exercer les fonctions. Elle a déclaré qu’elle était elle aussi tout à fait qualifiée pour le poste, mais que sa candidature n’avait pas été prise en considération parce que, d’après ce que lui avait dit M. Gilbert, elle ne faisait pas partie de son groupe.

23Selon la plaignante, Mme Fox a commencé sa formation linguistique à temps plein en novembre 2007, et elle est toujours en formation. Mme Fox a récemment été nommée pour une durée indéterminée à un poste de gestionnaire, poste bilingue à nomination impérative. La plaignante a admis que, selon la politique du Conseil du Trésor, il était dans certains cas permis de doter des postes bilingues de manière non impérative; elle a toutefois précisé que c’était tout de même contraire à la politique de CIC.

24En outre, la plaignante a reconnu qu’elle n’avait pas été jugée qualifiée dans un processus de nomination visant la dotation d’un poste de gestionnaire de groupe et niveau PM‑06, mais elle a précisé qu’il ne fallait pas en déduire qu’elle ne se qualifierait pas pour d’autres postes du même niveau.

25M. Gilbert, qui a témoigné au nom de l’intimé, occupe le poste de directeur général (DG) du BAS depuis mai 2006. Le personnel du BAS s’occupe des services électroniques, des normes de service et des processus fonctionnels pour CIC. Quatre directeurs relèvent de M. Gilbert, et le poste de groupe et niveau PM‑06 dont il est ici question est sous la responsabilité d’un de ces directeurs.

26M. Gilbert a suivi une formation de deux jours sur la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (LEFP), et il exerce des pouvoirs délégués en matière de dotation. Il a déclaré que le BAS provenait de la Direction générale des solutions fonctionnelles. Lorsqu’il est arrivé au BAS, il y avait dix postes et huit employés. En 2006 et 2007, il a beaucoup embauché, surtout à des postes à durée déterminée parce que le BAS n’était censé être qu’une organisation temporaire. Toutefois, il dispose maintenant d’un budget de trois millions de dollars et peut recruter davantage d’employés pour des postes à durée indéterminée.

27Lorsque M. Gilbert était DG, Mme Fox, qui était titulaire d’un poste de groupe et niveau PM‑05, exerçait, comme deux autres personnes de même niveau, les fonctions de directeur adjoint (PM‑06) à titre intérimaire. Le titre de directeur adjoint a depuis été changé pour celui de gestionnaire. Mme Fox relevait d’un directeur exécutif, Michael Rooney. Le titre de ce poste a lui aussi changé pour celui de directeur. M. Rooney a pris sa retraite à l’été 2007, et Mme Fox a occupé son poste de façon intérimaire jusqu’à ce que le remplaçant de M. Rooney soit nommé, à l’automne.

28Dans son témoignage, M. Gilbert a indiqué qu’il ignorait que la plaignante avait déjà fait partie du personnel du BAS. Il savait qu’elle avait travaillé à la Direction générale de la gestion opérationnelle et au Cabinet du ministre, mais ce n’est que lorsqu’elle a présenté sa plainte qu’il a appris qu’elle avait été une employée du BAS. Il a indiqué qu’il avait demandé aux Ressources humaines d’examiner le dossier en février ou en mars 2008.

29Deux nouveaux postes d’agent des politiques ont été créés à l’automne 2007. M. Gilbert a nommé Mme Fox à titre intérimaire à un de ces postes parce que le directeur et le directeur adjoint venaient tout juste d’entrer en fonction et que l’autre agente d’expérience, Mme Weber, s’était absentée pour suivre une formation linguistique. Il a eu recours à un processus de nomination non annoncé vu le caractère unique du projet de demande en ligne et le nombre limité de personnes possédant de l’expérience à cet égard. Il croyait que Mme Fox était la bonne personne pour le poste puisqu’elle avait pris part au projet en 2006 et en 2007 et qu’elle avait fait un bon travail lorsqu’elle avait occupé le poste de directeur à titre intérimaire. La nomination portait sur un an, étant entendu que Mme Fox suivrait un cours de français. M. Gilbert ne savait pas combien de temps Mme Weber serait absente, et il voulait « éviter de lancer un long processus de nomination » [traduction]. Mme Weber a terminé sa formation plus tôt que prévu, de sorte que Mme Fox a pu à son tour suivre sa formation linguistique, en novembre 2007.

30M. Gilbert a déclaré qu’il était convaincu que l’évaluation de Mme Fox au regard de l’énoncé des critères de mérite était « appropriée », et il l’a signée le 5 septembre 2007.

31Par ailleurs, M. Gilbert a indiqué être bien au fait de la justification écrite fournie par M. Pineau relativement à la nomination non annoncée, datée du 27 novembre 2007. Dans son témoignage, il a déclaré que le projet de demande en ligne était un projet important à l’époque, et qu’il fallait pouvoir compter sur une personne d’expérience. Il a ajouté qu’aujourd’hui, il pourrait peut‑être procéder de façon différente puisqu’il a dans ses rangs un directeur expérimenté.

32M. Gilbert a déclaré qu’il ne se rappelait pas avoir répondu au courriel envoyé par la plaignante le 19 mars 2007, dans lequel cette dernière s’informait des possibilités d’emploi au sein de la Direction générale des solutions fonctionnelles (aujourd’hui le BAS). D’autre part, il ne pouvait se rappeler s’il croyait que le courriel lui avait été envoyé en réponse à l’avis d’affectation qu’il avait diffusé à l’automne 2006.

33M. Gilbert a expliqué que Mme Fox était en droit de suivre une formation linguistique depuis sa mutation au poste d’expert fonctionnel, mais que celle‑ci avait été repoussée pour des raisons opérationnelles. Étant donné que Mme Weber a terminé sa formation linguistique plus tôt que prévu, il a été possible d’envoyer Mme Fox en formation. M. Gilbert a en outre indiqué dans son témoignage que la mutation de Mme Fox au poste d’expert fonctionnel (PM‑05) à dotation bilingue non impérative a eu lieu en avril 2006, soit avant qu’il devienne DG et avant l’envoi du courriel du sous‑ministre (le 21 novembre 2007).

34M. Gilbert a déclaré qu’il entretenait avec Mme Fox une relation professionnelle.

35M. Pineau, qui a témoigné au nom de l’intimé, est directeur de la Gouvernance de la modernisation du service à CIC. À partir de 1994, il a occupé divers postes de gestionnaire et de directeur à CIC. Il a suivi plusieurs cours sur la dotation sous le régime de la nouvelle LEFP, notamment sur la délégation. Avant de se joindre à CIC, il a été pendant 12 ans à la Commission de la capitale nationale.

36M. Pineau est arrivé au BAS en août 2006. Lorsqu’il est entré en fonction, Mme Fox occupait à titre intérimaire le poste de directeur adjoint (PM‑06). Dans son témoignage, M. Pineau a indiqué que, peu après son arrivée, le BAS avait créé deux postes d’agent des politiques, assortis du profil linguistique « anglais essentiel ». Mme Fox a été nommée à titre intérimaire parce qu’à cette époque, peu de postes à durée indéterminée étaient offerts au BAS.

37Dans son témoignage, M. Pineau a indiqué que la personne qui occupait le poste d’agent des politiques était responsable du projet de demande en ligne, projet pilote assorti de délais stricts. Il était important d’assurer une continuité dans ce projet, et la lettre d’appel qui a été envoyée en septembre 2006 n’a permis de trouver aucun candidat qualifié. Par conséquent, il était logique de nommer Mme Fox par l’entremise d’un processus non annoncé. M. Pineau a fait référence à diverses parties du plan des ressources humaines du BAS, qui prévoyait que la majorité des employés seraient en affectation plutôt que d’être nommés pour une durée indéterminée.

38Lorsqu’il a reçu le courriel de Mme Turner, le 29 novembre 2006, M. Pineau a cru qu’il s’agissait là d’une déclaration d’intérêt de la part d’une personne de l’extérieur de l’organisation; rien dans le courriel ne laissait entendre que Mme Turner faisait partie du personnel du BAS.

39M. Pineau a déclaré qu’il avait préparé l’évaluation de Mme Fox au regard de l’énoncé des critères de mérite, aux fins d’approbation par M. Gilbert. Pour ce faire, il a consulté le curriculum vitæ de Mme Fox, il a pris connaissance de commentaires fournis par des collègues sur le rendement de celle‑ci et il s’est fié à la connaissance personnelle qu’il avait de certains aspects de son travail.

40M. Pineau a reconnu que Mme Turner travaillait déjà au BAS lorsqu’il s’était lui‑même joint à l’équipe, mais il a déclaré dans son témoignage qu’il ne s’en était rendu compte que plus tard. Il a expliqué ne pas avoir pris la candidature de Mme Turner en considération lorsqu’il avait doté le poste d’agent des politiques parce qu’il ignorait, à ce moment‑là, qu’elle était une employée du BAS. Il a reconnu qu’il aurait été « extrêmement utile de savoir » [traduction] qu’elle faisait partie du personnel du BAS.

41M. Pineau a déclaré que s’il avait su que Mme Turner était au BAS à l’été 2007, il « aurait eu à déterminer qui était admissible » [traduction], mais seule Mme Fox possédait l’expérience requise pour le poste d’agent des politiques. Mme Turner n’a fait part de son intérêt pour un poste au BAS que dans le courriel qu’elle a envoyé le 29 novembre 2006, dans lequel elle disait par ailleurs chercher un emploi à Toronto. Or, le BAS n’offre aucun emploi à Toronto.

42Lorsqu’il a témoigné, M. Pineau a déclaré que, même si Mme Turner était payée à partir du budget de services votés du BAS, il n’aurait pas nécessairement pu savoir qu’elle faisait partie du personnel du BAS puisqu’il n’y avait pas de noms associés au budget, mais seulement des chiffres. Il a indiqué que le BAS était une organisation en pleine croissance, composée d’employés occasionnels, d’agents contractuels et de personnes en affectation ou en détachement. Le mouvement de personnel était élevé, et le BAS pouvait très bien verser le salaire de Mme Turner sans savoir qu’elle faisait partie du groupe.

43M. Pineau a reconnu que le niveau PM‑06, entre autres classifications, constituait un groupe de relève pour les postes de direction. Il a contesté le fait que les possibilités offertes à Mme Fox, notamment l’occasion pour elle d’occuper à titre intérimaire des postes de groupe et niveau PM‑06 et de suivre une formation linguistique, faisaient partie d’un plan visant à la « préparer » [traduction] à exercer les fonctions d’un poste de direction.

44M. Pineau a confirmé le fait que Mme Fox avait occupé le poste de directeur exécutif à titre intérimaire à sept reprises entre le 24 juillet 2006 et le 9 mars 2007. Il a expliqué que ces nominations intérimaires, généralement de courte durée, étaient nécessaires en raison du congé de préretraite de M. Rooney. Certaines des nominations ne visaient d’ailleurs qu’une période de trois ou quatre jours. M. Pineau a ajouté que toutes ces nominations intérimaires avaient été effectuées avant que le sous‑ministre envoie un courriel en date du 21 novembre 2007 dans lequel il indiquait que, pour l’ensemble des postes de direction et de supervision, il fallait recourir à la dotation bilingue impérative.

45Pour ce qui est de la décision d’envoyer Mme Fox suivre une formation linguistique, M. Pineau a expliqué que l’engagement qui avait été pris relativement à la formation linguistique dans la lettre de mutation de Mme Fox, datée d’avril 2006, était tributaire des exigences opérationnelles. En avril 2008, Mme Fox suivait une formation linguistique mais, comme la période de deux ans prévue s’était écoulée, elle ne pouvait pas continuer d’exercer les fonctions du poste bilingue; elle a donc été mutée à un poste assorti du profil linguistique « anglais essentiel ». Néanmoins, Mme Fox s’était vu promettre qu’elle pourrait suivre une formation linguistique, et il était « logique » [traduction] de lui laisser terminer cette formation. Mme Fox n’a pas fait l’objet de favoritisme, puisque sa formation a commencé pendant qu’elle occupait un poste bilingue.

46M. Pineau a déclaré que les relations qu’il entretenait avec sa collègue, Mme Fox, étaient des relations professionnelles.

Argumentation des parties

A) Argumentation de la plaignante

47 La plaignante soutient que l’intimé a procédé à de nombreuses nominations à des postes aux titres, numéros, qualifications et profils linguistiques différents, et ce, de façon à semer la confusion et à camoufler ses actes, lesquels ont favorisé Mme Fox. Il a notamment nommé Mme Fox à titre intérimaire à des postes pour lesquels elle ne satisfaisait pas aux exigences linguistiques établies.

48En outre, l’intimé n’a jamais pris en considération la candidature de la plaignante pour un poste au BAS, déclarant qu’il ignorait qu’elle faisait partie du personnel du BAS. L’intimé a reconnu son erreur à l’audience, lorsqu’un organigramme daté du 19 novembre 2007, sur lequel figuraient le nom de la plaignante et le poste qu’elle occupait, a été présenté.

49La plaignante soutient également que sa candidature n’a été prise en considération pour aucun poste parce que MM. Gilbert et Pineau avaient décidé de faire progresser la carrière de Mme Fox en lui offrant plusieurs nominations intérimaires de même que de la formation linguistique à temps plein.

50La plaignante soutient que les actes de l’intimé témoignent à la fois de mauvaise foi et de favoritisme. L’intimé a fait preuve de mauvaise foi en ne reconnaissant pas le fait que la plaignante était une employée du BAS et en ne prenant pas en considération sa candidature pour des postes au BAS. Par ailleurs, il a fait montre de favoritisme en procédant à une série de nominations intérimaires non annoncées entachées d’irrégularités, lesquelles ont constitué pour Mme Fox des possibilités d’avancement, et ce, au détriment d’autres employés.

51La plaignante s’appuie sur la décision Tibbs c. Sous‑ministre de la Défense nationale et al., [2006] TDFP 0008 pour soutenir que le préambule fait partie intégrante de la LEFP et que les valeurs fondamentales doivent être prises en compte. Elle soutient que l’intimé a abusé de son pouvoir en ce qui concerne trois des catégories d’abus de pouvoir énoncées dans la décision Tibbs, soit :

  • Lorsqu’un délégué exerce son pouvoir discrétionnaire dans une intention illégitime […]
  • Lorsqu’un délégué se fonde sur des éléments insuffisants […]
  • Lorsque le résultat est inéquitable […]

52En ce qui a trait au premier type d’abus, la plaignante a énuméré les mutations et les nominations qui ont été offertes à Mme Fox de 2006 à 2008, notamment ses nominations intérimaires aux postes bilingues de gestionnaire et de directeur exécutif. Elle a fait remarqué que Mme Fox n’avait jamais exercé les fonctions du poste bilingue d’expert fonctionnel qui lui a valu de devenir admissible à une formation linguistique, et qu’elle a commencé cette formation moins de trois mois après le début de sa nomination intérimaire au poste d’agent des politiques. Elle a ajouté que Mme Fox avait poursuivi sa formation linguistique après avoir été réaffectée à un poste d’expert fonctionnel assorti du profil linguistique « anglais essentiel ». La plaignante soutient que l’intimé a abusé de son pouvoir en permettant à Mme Fox de poursuivre sa formation linguistique alors que son poste d’attache, de groupe et niveau PM‑05, n’était pas un poste bilingue, et en continuant de lui verser le salaire correspondant au poste d’agent des politiques, de groupe et niveau PM‑06, dont elle n’exerçait pas les fonctions.

53En outre, la plaignante remet en doute la justification qu’a fournie l’intimé en ce qui a trait à la nomination intérimaire de Mme Fox au poste d’agent des politiques. L’intimé a nommé Mme Fox à ce poste pour que le nouveau directeur par intérim puisse profiter de son savoir‑faire en l’absence de Mme Weber, l’autre employée participant au projet de demande en ligne, qui était en formation linguistique. La plaignante soutient qu’étant donné que Mme Weber occupait un poste à titre intérimaire de groupe et niveau PM‑05, Mme Fox aurait pu partager son savoir‑faire tout en continuant d’exercer les fonctions de son poste d’attache, soit expert fonctionnel de groupe et niveau PM‑05.

54Pour ce qui est du deuxième type d’abus, soit le fait de se fonder sur des éléments insuffisants, la plaignante affirme qu’elle faisait partie de la zone de sélection, mais que sa candidature a été écartée délibérément. Des courriels du personnel des ressources humaines de même que des organigrammes démontrent que la plaignante faisait partie du personnel du BAS. La plaignante fait remarquer que bien que les témoins de l’intimé aient déclaré que plusieurs de leurs organigrammes différaient de ceux qu’elle a elle‑même présentés, aucun d’entre eux n’a été déposé en preuve. Selon elle, la position de l’intimé selon laquelle MM. Gilbert et Pineau ne se sont rendu compte qu’elle faisait partie du personnel du BAS qu’après la présentation de sa plainte manque de crédibilité. En effet, comme les effectifs que gère M. Gilbert sont peu élevés, celui‑ci aurait dû savoir que la plaignante était une employée du BAS. La plaignante croit qu’il a choisi de l’ignorer et de favoriser Mme Fox.

55Relativement au troisième type d’abus, c’est‑à‑dire les situations où le résultat est inéquitable, la plaignante fait valoir que Mme Fox n’aurait jamais dû être mutée au poste bilingue d’expert fonctionnel en avril 2006, pas plus qu’elle n’aurait dû occuper les autres postes bilingues à titre intérimaire dont il a été question, puisqu’elle ne satisfaisait pas aux exigences linguistiques établies pour ces postes. La plaignante a fait référence au courriel envoyé par le sous‑ministre le 27 novembre 2007, dans lequel il était indiqué que les postes de direction et de supervision étaient des postes à dotation bilingue impérative. Elle soutient que les nominations intérimaires de Mme Fox au poste bilingue de gestionnaire vont à l’encontre de l’article 15 du Règlement sur l’emploi dans la fonction publique, DORS/2005‑334 (le REFP), puisque celle‑ci a occupé le poste à titre intérimaire pendant plus de 12 mois, abstraction faite des périodes où elle occupait le poste bilingue de directeur exécutif, également à titre intérimaire.

56La plaignante se fonde sur le paragraphe 57 de la décision Cameron et Maheux c. l’Administrateur général de Service Canada et al.,[2008] TDFP 0016 pour déclarer qu’une preuve circonstancielle peut appuyer une constatation d’abus de pouvoir. La plaignante estime que, compte tenu de toutes les irrégularités liées aux nominations de Mme Fox,  une personne raisonnable devrait conclure que cette dernière a été favorisée tandis que la plaignante a été défavorisée. Par ailleurs, la plaignante soutient que Mme Fox fait toujours l’objet de favoritisme puisqu’elle poursuit sa formation linguistique, et ce, même si elle n’occupe plus de poste bilingue.

57La plaignante déclare que la présente affaire est très semblable aux faits relatifs à la décision Robert et Sabourin c. le Sous‑ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et al., [2008] TDFP 0024.

B) Argumentation de l’intimé

58L’intimé soutient que, selon l’article 33 de la LEFP, l’administrateur général peut avoir recours à un processus annoncé ou à un processus non annoncé. La plaignante ne peut faire valoir qu’il y a eu abus de pouvoir simplement parce qu’un processus non annoncé a été utilisé. En effet, elle doit prouver que la décision d’avoir recours à ce type de processus constitue un abus de pouvoir. (Robbins c. l’Administrateur général de Service Canada et al., [2006] TDFP 0017, paragraphe 35; Kilbray et Wersch c. Administrateur général de Service Canada et al., [2007] TDFP 0049, paragraphe 77; Clout c. Sous‑ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile et al., [2008] TDFP 0022, paragraphe 34.)

59L’intimé affirme que le recours à un processus de nomination non annoncé était fondé, comme en font foi la justification écrite, le plan des ressources humaines du BAS et les témoignages de MM. Gilbert et Pineau. La plaignante a admis que Mme Fox possédait les connaissances spécialisées requises pour le poste.

60En outre, l’intimé soutient que la LEFP ne confère pas aux employés un droit automatique à une prise en considération dans un processus de nomination. D’ailleurs, M. Gilbert a déclaré dans son témoignage que, même s’il avait su que la plaignante était une employée du BAS, il n’aurait pas modifié sa décision de nommer Mme Fox selon un processus de nomination non annoncé.

61L’intimé ajoute que la déclaration de la plaignante selon laquelle elle faisait partie de la zone de sélection est fausse. Aux termes du paragraphe 34(1) de la LEFP, l’administrateur général définit la zone de sélection applicable en vue de l’admissibilité à tout processus de sélection. Dans le cas du processus de nomination non annoncé en l’espèce, seule Mme Fox faisait partie de la zone de sélection.

62L’intimé soutient que l’affirmation de la plaignante selon laquelle sa réponse à l’appel d’intérêt n’a jamais été examinée est trompeuse. Dans son témoignage, M. Pineau a indiqué qu’il n’avait pas tenu compte de la demande de la plaignante parce que l’appel d’intérêt visait des postes à Ottawa et que la plaignante avait indiqué qu’elle cherchait un emploi à Toronto.

63Selon l’intimé, l’argument de la plaignante  selon lequel le préambule de la LEFP appuie les principes fondamentaux de même que les valeurs que sont le mérite, l’équité, la transparence et l’accessibilité est également trompeur. Le terme « accessibilité » figure dans les lignes directrices de la Commission de la fonction publique (CFP), mais il n’apparaît nulle part dans le préambule de la LEFP.

64L’intimé soutient qu’il est facile d’établir la distinction entre la présente affaire et les faits liés à la décision Robert et Sabourin. En effet, dans la décision Robert et Sabourin, il a été déterminé que la personne nommée ne satisfaisait pas aux exigences linguistiques fixées pour le poste alors qu’en l’espèce, il ne fait aucun doute que Mme Fox possédait le profil linguistique (anglais essentiel) établi pour le poste d’agent des politiques. De même, la décision Cameron et Maheux peut être considérée inapplicable puisque, la preuve y indiquait que d’autres employés qualifiés auraient pu occuper le poste. Dans le cas qui nous occupe, rien n’indique qu’il y avait d’autres employés qualifiés.

65Par ailleurs, selon l’intimé, il n’existe aucune preuve démontrant que la plaignante était qualifiée pour le poste en question. La plaignante a reconnu avoir posé sa candidature au poste d’agent des politiques (PM‑06) à durée indéterminée, mais n’avoir pas été jugée qualifiée pour celui‑ci.

66En ce qui a trait à l’allégation de favoritisme personnel, l’intimé fait valoir que la plaignante devait démontrer qu’il avait abusé de son pouvoir en ne respectant pas les dispositions du paragraphe 30(2) de la LEFP. L’intimé se fonde sur la décision Carlson‑Needham et Borden c. Sous‑ministre de la Défense nationale et al.,[2007] TDFP 0038, pour soutenir que la plaignante doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la personne a été nommée par suite de favoritisme personnel sur la base de facteurs autres que le mérite. L’intimé s’appuie également sur la décision Glasgow c. Sous‑ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et al.,[2008] TDFP 0007, pour déclarer que c’est le favoritisme personnel qui constitue un abus de pouvoir. L’intimé soutient que l’ensemble des nominations accordées à Mme Fox ne permettent pas de conclure qu’il y a eu favoritisme personnel. La plaignante n’a fourni aucun élément de preuve contredisant les témoignages de MM. Gilbert et Pineau, selon lesquels ces derniers entretiennent des relations purement professionnelles avec Mme Fox, qui a, selon eux, été nommée au poste d’agent des politiques de groupe et niveau PM‑06 parce qu’elle était qualifiée pour ce poste.

67De même, l’intimé soutient que le Tribunal n’a été saisi d’aucune preuve selon laquelle un employé doit occuper un poste bilingue pour se voir reconnaître le droit de suivre une formation linguistique. Dans leur témoignage respectif, MM. Gilbert et Pineau ont déclaré que, pour des raisons opérationnelles, Mme Fox n’avait pas été autorisée à suivre sa formation linguistique au cours des deux années où elle exerçait les fonctions du poste PM‑05 à dotation bilingue non impérative. Toutefois, la direction ne voulait pas compromettre les chances de Mme Fox de suivre une formation linguistique; elle l’a donc autorisée à suivre celle‑ci lorsque les exigences opérationnelles le permettraient. Avec le temps, le nouveau directeur, Mike Floyd, s’est familiarisé avec son rôle, et Mme Weber, une autre employée, est revenue plus tôt que prévu de sa formation linguistique; les exigences opérationnelles s’en sont donc trouvées changées. Selon l’intimé, rien n’indique que la décision de permettre à Mme Fox de suivre une formation linguistique est entachée de mauvaise foi, a été prise pour des motifs illégitimes ou constitue en quelque sorte une récompense pour Mme Fox.

C) Argumentation de la Commission de la fonction publique

68La CFP ne se prononce pas sur la question de savoir s’il y a eu abus de pouvoir en l’espèce.

69Selon les lignes directrices en matière de choix du processus de nomination de la CFP, l’administrateur général doit : 1) établir et communiquer les critères régissant l’utilisation de processus non annoncés; 2) s’assurer que la justification écrite démontre comment un processus non annoncé respecte les critères établis et les valeurs en matière de nomination.

70La CFP estime que l’administrateur général a satisfait à la première exigence.

71Par ailleurs, la CFP soutient que l’administrateur général n’a pas entièrement satisfait à la deuxième exigence puisque la justification écrite n’a pas démontré comment la décision d’avoir recours à un processus non annoncé respecte les critères du ministère. Selon la CFP, la justification écrite ne convient pas, et ce, pour les raisons suivantes :

  • Même si cela était peut‑être implicite, il n’est nulle part fait mention du critère 4h), qui permet d’utiliser un processus non annoncé pour effectuer une nomination intérimaire d’une durée allant jusqu’à douze mois.
  • La justification écrite n’explique pas de façon exhaustive en quoi la décision d’avoir recours à un processus non annoncé est conforme au plan des ressources humaines.
  • Il n’y a aucune explication quant à la façon dont la nomination respecte les valeurs en matière de nomination suivantes : accessibilité, équité et transparence.

[traduction]

72En outre, la CFP fait remarquer que la justification écrite est datée du 27 novembre 2007, ce qui signifie qu’elle a été rédigée près de trois mois après le début de la nomination. La CFP soutient que le fait de présenter la justification écrite au moment où la nomination est effectuée peut rehausser la perception au regard des valeurs que sont l’équité et la transparence.

73Néanmoins, la CFP déclare que, pour qu’un manquement à l’une des lignes directrices de la CFP constitue un abus de pouvoir, il faut que le manquement résulte d’une intention illégitime comme de la mauvaise foi ou du favoritisme personnel, ou encore d’une insouciance ou d’une négligence grave pouvant probablement constituer de la mauvaise foi.

D) Réplique de la plaignante

74La plaignante soutient que, contrairement à ce qu’a déclaré l’intimé, le plan des ressources humaines ne servait pas de fondement au recours à un processus non annoncé dans la présente affaire.

75En outre, la plaignante met en doute la position de l’intimé selon laquelle il était nécessaire d’opter pour une nomination intérimaire jusqu’à ce qu’un processus annoncé visant la dotation d’un poste d’agent des politiques (PM‑06) à durée indéterminée soit mené à terme. Le poste PM‑06 dont a parlé l’intimé était en fait un poste de gestionnaire à la Direction générale de la gestion opérationnelle et de la coordination, et non un poste d’agent des politiques au BAS. Le processus de nomination pour le poste de gestionnaire de groupe et niveau PM‑06 n’est aucunement pertinent en l’espèce.

76La plaignante précise que Mme Fox avait peut‑être l’expérience et les connaissances spécialisées requises pour le poste d’agent des politiques, mais que d’autres employés, notamment des employés participant à la formation linguistique, possédaient des qualifications semblables.

Dispositions législatives et lignes directrices pertinentes

77Les dispositions suivantes de la LEFP sont pertinentes en l’espèce :

2. (4) Il est entendu que, pour l’application de la présente loi, on entend notamment par « abus de pouvoir » la mauvaise foi et le favoritisme personnel.

16. L’administrateur général est tenu, lorsqu’il exerce les attributions de la Commission visées à l’article 15, de se conformer aux lignes directrices visées au paragraphe 29(3).

29. (3) La Commission peut établir des lignes directrices sur la façon de faire et de révoquer les nominations et de prendre des mesures correctives.

30. (1) Les nominations — internes ou externes — à la fonction publique faites par la Commission sont fondées sur le mérite et sont indépendantes de toute influence politique.

(2) Une nomination est fondée sur le mérite lorsque les conditions suivantes sont réunies :

  1. selon la Commission, la personne à nommer possède les qualifications essentielles — notamment la compétence dans les langues officielles — établies par l’administrateur général pour le travail à accomplir;
  2. la Commission prend en compte :
    1. toute qualification supplémentaire que l’administrateur général considère comme un atout pour le travail à accomplir ou pour l’administration, pour le présent ou l’avenir,
    2. toute exigence opérationnelle actuelle ou future de l’administration précisée par l’administrateur général,
    3. tout besoin actuel ou futur de l’administration précisé par l’administrateur général.

[…]

(4) La Commission n’est pas tenue de prendre en compte plus d’une personne pour faire une nomination fondée sur le mérite.

33. La Commission peut, en vue d’une nomination, avoir recours à un processus de nomination annoncé ou à un processus de nomination non annoncé.

34. (1) En vue de l’admissibilité à tout processus de nomination sauf un processus de nomination fondé sur les qualités du titulaire, la Commission peut définir une zone de sélection en fixant des critères géographiques, organisationnels ou professionnels, ou en fixant comme critère l’appartenance à un groupe désigné au sens de l’article 3 de la Loi sur l’équité en matière d’emploi.

53. (1) Les mutations ne constituent pas des nominations pour l’application de la présente loi.

77. (1) Lorsque la Commission a fait une proposition de nomination ou une nomination dans le cadre d’un processus de nomination interne, la personne qui est dans la zone de recours visée au paragraphe (2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement du Tribunal, présenter à celui‑ci une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination pour l’une ou l’autre des raisons suivantes :

[…]

b) abus de pouvoir de la part de la Commission du fait qu’elle a choisi un processus de nomination interne annoncé ou non annoncé, selon le cas […]

78L’article suivant du REFP est pertinent :

15. (1) Sous réserve du paragraphe (2), les nominations intérimaires de quatre mois ou plus mais d’au plus douze mois à tout poste bilingue non vacant que la Commission n’a pas été en mesure de combler par la nomination intérimaire d’une personne qui possède la qualification de la compétence dans les langues officielles prévue à l’alinéa 30(2)a) de la Loi sont soustraites à l’application de cet alinéa quant à la compétence dans les langues officielles.

(2) Le paragraphe (1) ne s’applique pas aux nominations intérimaires à un même poste si la durée cumulative des nominations intérimaires d’une ou de plusieurs personnes à ce poste est de plus de douze mois.

79Les parties suivantes des lignes directrices en matière de choix du processus de nomination de la CFP et des lignes directrices connexes de CIC sont pertinentes en l’espèce :

Lignes directrices de la CFP en matière de choix du processus de nomination

Énoncé des lignes directrices

Le choix entre des processus de nomination annoncés ou non annoncés, internes ou externes, est conforme au plan des ressources humaines de l'administration et aux valeurs fondamentales et directrices.

[…]

Exigences des lignes directrices

En plus d'être responsables du respect de l'énoncé des lignes directrices, les administrateurs généraux et les administratrices générales doivent :

[…]

  • établir et communiquer les critères régissant l'utilisation de processus non annoncés;
  • s'assurer que la justification écrite démontre comment un processus non annoncé respecte les critères établis et les valeurs en matière de nomination.

Critères de CIC relatifs aux processus de nomination non annoncés

2.1 Le choix d’un processus de nomination non annoncé doit respecter les exigences suivantes :

  1. Le plan opérationnel des ressources humaines de la direction générale/du bureau régional;
  2. Les critères établis par le ministère;
  3. Les lignes directrices de la CFP et du ministère sur le choix du processus de nomination;
  4. Les valeurs de nomination que sont l’équité, l’accessibilité et la transparence.

2.2 Les gestionnaires doivent fournir une justification écrite démontrant de quelle façon le processus de nomination non annoncé est cohérent par rapport aux exigences susmentionnées. Une justification écrite doit être préparée par le gestionnaire et doit être gardée dans le dossier de dotation. […]

4. Processus de nomination internes non annoncés

Un processus de nomination interne non annoncé peut être utilisé dans les situations suivantes :

[…]

h) une nomination intérimaire d’une durée allant jusqu’à 12 mois […]

[traduction]

Analyse

Question I L’intimé a‑t‑il abusé de son pouvoir en ayant recours à un processus de nomination non annoncé?

80Dans son argumentation écrite, l’intimé a indiqué que la plaignante ne faisait pas partie de la zone de sélection établie pour le poste d’agent des politiques. Dans l’avis d’information concernant une nomination intérimaire affiché sur Publiservice, la zone de sélection était définie ainsi : « Employés de Citoyenneté et Immigration Canada travaillant au sein du Bureau de l’amélioration du service dans la région de la capitale nationale » [traduction]. Les témoins de l’intimé ont respectivement admis que la plaignante travaillait au BAS, dans la RCN, lorsque la nomination a eu lieu. Par conséquent, le Tribunal juge que la plaignante faisait partie de la zone de sélection.

81En l’espèce, l’argumentation de la plaignante porte essentiellement sur le fait que l’intimé a fait preuve de mauvaise foi en omettant de prendre sa candidature en considération pour le poste d’agent des politiques. La plaignante soutient que l’intimé savait, ou aurait dû savoir, qu’elle faisait effectivement partie du personnel du BAS lorsque la nomination non annoncée a eu lieu, et qu’il aurait dû prendre sa candidature en compte pour le poste visé.

82Un problème se pose toutefois dans l’argumentation de la plaignante; en effet, aux termes de la LEFP, l’intimé n’avait pas l’obligation de prendre sa candidature en considération, et il en aurait été ainsi même si MM. Gilbert et Pineau avaient su qu’elle faisait partie du personnel du BAS quand la nomination non annoncée a été effectuée. Dans la décision Robert et Sabourin, le Tribunal a décidé que la preuve n’avait pas permis d’établir qu’il y avait eu abus de pouvoir dans le choix du processus de nomination, et il a fourni les précisions suivantes à cet égard :

[58] Les plaignants affirment que l’intimé n’a pas fait preuve de transparence dans le cadre du présent processus de nomination et qu’il aurait dû prendre en considération la candidature d’autres employés. Toutefois, les gestionnaires possèdent le pouvoir discrétionnaire de choisir entre un processus annoncé et un processus non annoncé en vertu de l’article 33 de la LEFP, et le fait de prendre en compte une seule personne est autorisé expressément au paragraphe 30(4).

83Comme le Tribunal l’a expliqué dans plusieurs décisions, le pouvoir discrétionnaire n’est pas absolu. En effet, il doit être exercé conformément à l’objet législatif de la LEFP.

84Selon les propos qu’il a tenus dans son témoignage, M. Gilbert a eu recours à un processus de nomination non annoncé pour nommer Mme Fox en raison du caractère unique du projet de demande en ligne et du nombre limité de personnes possédant de l’expérience à cet égard. Le fait que le directeur et le directeur adjoint étaient en poste depuis peu a également eu une incidence sur sa décision. M. Pineau a pour sa part déclaré que le projet de demande en ligne était un projet pilote assorti de délais stricts, et qu’il était important d’en assurer la continuité.

85Ces témoignages cadrent avec la justification écrite fournie à l’appui de la nomination, dont voici un extrait :

La décision de nommer Debra à un poste intérimaire visait à assurer la continuité du projet de demande en ligne, un projet de grande importance dont elle assumait la responsabilité première. Cette décision coïncidait avec l’arrivée, le 3 septembre 2007, d’un nouveau directeur par intérim à la tête de la Division des activités électroniques; celui‑ci avait besoin du savoir‑faire de Debra et de sa contribution au niveau PM‑06.

[…]

La Direction générale doit veiller à la stabilité des principales activités qu’elle entreprend de façon à assurer une certaine continuité dans les projets sous la responsabilité du BAS. La contribution de Debra au projet de demande en ligne et ses connaissances à cet égard se sont avérées d’une importance primordiale au cours des derniers mois.

[traduction]

86Le Tribunal estime que la justification écrite rédigée par l’intimé n’était pas conforme aux lignes directrices de la CFP en matière de choix du processus de nomination ni aux lignes directrices établies par son propre ministère à cet égard. Comme l’a expliqué le Tribunal dans la décision Robert et Sabourin :

[69] […] En vertu du paragraphe 29(3) de la LEFP, la CFP peut établir des lignes directrices se rapportant à la façon de faire des nominations. Selon l’article 16 de la LEFP, les administrateurs généraux doivent se conformer à ces lignes directrices. Contrairement aux observations de l’intimé, il ne s’agit pas seulement d’une question de lignes directrices; en vertu de la LEFP, les administrateurs généraux et leurs gestionnaires délégataires ont clairement l’obligation de se conformer aux lignes directrices de la CFP établies en vertu du paragraphe 29(3).

87Dans un premier temps, la justification écrite ne faisait pas clairement état d’un des critères servant à justifier le recours à un processus non annoncé, soit le fait de procéder à une « nomination intérimaire d’une durée allant jusqu’à 12 mois ». Bien qu’il n’y ait aucune précision à cet égard dans la justification écrite, le Tribunal estime, d’après la preuve qui lui a été présentée, que Mme Fox a été nommée au poste d’agent des politiques à titre intérimaire pour une période de 12 mois moins un jour. Par conséquent, la faute commise par l’intimé, bien qu’elle témoigne d’une certaine négligence, ne constitue pas une omission grave.

88Dans un deuxième temps, il n’était pas indiqué, dans la justification écrite, que la nomination non annoncée était conforme au plan des ressources humaines du BAS. Le plan en question a été déposé en preuve, mais les témoignages sur celui‑ci portaient principalement sur la question de savoir s’il démontrait que la plaignante faisait partie du personnel du BAS. L’intimé a déclaré que le plan des ressources humaines servait de fondement au recours à la nomination non annoncée de Mme Fox au poste d’agent des politiques; or, bien que le plan facilite les nominations temporaires et intérimaires, aucune preuve n’a été fournie pour démontrer qu’il appuyait l’utilisation de processus de nomination non annoncés.

89En outre, le Tribunal estime que l’intimé n’a pas expliqué comment la nomination respectait les valeurs en matière de nomination, notamment celles qui sont énoncées dans le préambule de la LEFP, alors qu’il s’agit pourtant d’une exigence à la fois des lignes directrices de la CFP et de CIC. D’autre part, l’intimé n’a parachevé la justification écrite que le 27 novembre 2007, soit près de trois mois après le début de la nomination.

90Le Tribunal a récemment déclaré ce qui suit dans la décision Beyak c. Sous‑ministre de Ressources naturelles Canada et al., [2009] TDFP 0007 :

[126] Il y a un recours lorsque le choix d’un processus annoncé ou non annoncé n’est pas exercé de façon conforme à des pratiques d’emploi équitables et transparentes. Ce recours consiste à présenter une plainte d’abus de pouvoir en vertu de l’alinéa 77(1)b) de la LEFP.

91La justification écrite est d’une importance primordiale. Comme le Tribunal l’a brièvement expliqué au paragraphe 71 de la décision Robert et Sabourin : « […] la justification écrite constitue une des façons importantes de mettre en œuvre des pratiques d’emploi transparentes. » Il ne faut toutefois pas nécessairement en déduire qu’un retard dans la présentation de la justification écrite entraîne une constatation d’abus de pouvoir. (Voir la décision Morris c. le commissaire du Service correctionnel du Canada et al., [2009] TDFP 0009.)

92Un retard de près de trois mois dans la présentation de la justification écrite est inacceptable. Il s’agit là d’une omission importante et il est compréhensible qu’un tel retard puisse nourrir les spéculations quant à l’existence d’un mobile. En l’espèce, contrairement à ce qui s’est produit dans l’affaire Robert et Sabourin, une justification écrite a finalement été fournie. Aucune preuve n’a été présentée à l’audience pour expliquer pourquoi il a fallu autant de temps avant de parachever la justification écrite. Il est certainement possible de voir là de la négligence, mais le Tribunal ne dispose pas d’éléments de preuve suffisants pour conclure que cette négligence est grave au point de constituer de la mauvaise foi. Le Tribunal fait toutefois remarquer que c’est la deuxième fois que la preuve permet d’établir que le ministère n’a pas fourni de justification écrite ou qu’il n’en a pas présenté dans un délai raisonnable.

93Bien que plusieurs erreurs et omissions aient été commises pendant le processus de nomination visé, le Tribunal estime que celles‑ci ne découlent pas d’une négligence ou d’une insouciance telle que l’on pourrait la qualifier de mauvaise foi. Le Tribunal juge que la plaignante n’a pas établi que le fait pour l’intimé d’avoir recours à un processus de nomination non annoncé constituait un manquement à l’exercice de son pouvoir discrétionnaire conformément à l’objet législatif de la LEFP. Certes, les erreurs et les omissions relevées sont préoccupantes et doivent être rectifiées dans les processus à venir, mais le Tribunal n’est pas convaincu que la plaignante a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y avait eu abus de pouvoir dans le choix du processus de nomination (annoncé ou non annoncé).

Question II : L’intimé a‑t‑il fait preuve de favoritisme personnel en nommant Mme Fox au poste d’agent des politiques?

94Le Tribunal s’est penché sur la question du favoritisme personnel dans la décision Glasgow :

[39] […] Il convient de noter que le mot « favoritisme » est qualifié par l’adjectif « personnel », ce qui met en évidence l’intention du législateur de faire en sorte que les deux mots soient lus ensemble, et que c’est le favoritisme personnel, non pas tout autre type de favoritisme, qui constitue un abus de pouvoir.

[…]

[41] […] Des intérêts personnels indus, comme une relation personnelle entre la personne chargée de la sélection et la personne nommée, ne devraient jamais constituer le motif d’une nomination. De la même façon, la sélection d’une personne à titre de faveur personnelle ou pour obtenir la faveur de quelqu’un serait un autre exemple de favoritisme personnel.

95 Plus récemment, dans la décision Beyak, le Tribunal a donné d’autres exemples de favoritisme personnel :

[185] […] Préparer une description de travail qui ne correspond pas aux fonctions réelles d’un poste pour assurer une classification supérieure et, donc, une rémunération plus élevée, dans le but de récompenser un employé, est du favoritisme personnel. Établir des qualifications essentielles pour un poste et évaluer un employé afin d’assurer sa nomination sans égard pour les exigences réelles du poste en question est aussi du favoritisme personnel. Nommer un employé qui ne possède pas les qualifications essentielles d’un poste parce que le gestionnaire désire récompenser celui‑ci constitue aussi du favoritisme personnel.

96Selon la plaignante, les décisions relatives à la dotation concernant Mme Fox, notamment sa mutation à un poste bilingue d’expert fonctionnel (PM‑05) ainsi que les diverses nominations intérimaires au poste de gestionnaire (PM‑06) et de directeur exécutif (EX‑01), témoignent d’un type de comportement visant à faire progresser la carrière de Mme Fox, au détriment d’autres employés; il y a donc eu favoritisme personnel, ce qui peut donner lieu à une plainte aux termes de l’article 77 de la LEFP.

97L’intimé est pour sa part d’avis que les nominations de Mme Fox reposent sur l’expérience et les compétences spécialisées de cette dernière de même que sur les exigences opérationnelles du BAS.

98Le résumé d’affectation préparé pour Mme Fox indique qu’elle a occupé à titre intérimaire le poste de gestionnaire (PM‑06) de façon continue du 10 janvier 2006 au 4 septembre 2007, période qui a été interrompue uniquement lorsqu’elle a dû s’acquitter de façon intérimaire des fonctions du poste de directeur exécutif (EX‑01), ce qui s’est produit à quelques reprises. Bien qu’elle ait été mutée au poste bilingue d’expert fonctionnel le 3 avril 2006, il n’est pas évident qu’elle ait exercé les fonctions de ce poste. Sa nomination intérimaire au poste de gestionnaire a été interrompue à sept reprises, notamment lorsqu’elle a occupé à titre intérimaire le poste de directeur exécutif, pour des périodes allant de quatre à soixante jours.

99Les allégations de favoritisme personnel qu’a formulées la plaignante visent MM. Gilbert et Pineau. Or, étant donné que la mutation de Mme Fox au poste bilingue d’expert fonctionnel a eu lieu avant que ces derniers arrivent au BAS, celle‑ci n’est pas pertinente pour les allégations de favoritisme personnel soulevées à leur endroit. Par ailleurs, la nomination intérimaire initiale de Mme Fox au poste de gestionnaire a eu lieu avant que M. Gilbert se joigne au BAS, comme en témoigne le résumé d’affectation; deux des prolongations de cette nomination intérimaire ont été accordées après l’entrée en fonctions de celui‑ci à titre de directeur général. Dans le même ordre d’idées, Mme Fox occupait déjà le poste de gestionnaire de façon intérimaire lorsque M. Pineau a joint l’équipe du BAS, et une des prolongations de cette nomination intérimaire a été accordée après l’arrivée de celui‑ci au BAS.

100La personne qui occupait le poste de gestionnaire relevait du directeur exécutif, Michael Rooney. Il n’est pas rare de voir un employé occuper à titre intérimaire le poste de son supérieur immédiat lorsque celui‑ci est absent. En l’espèce, la plupart des nominations intérimaires ont été de courte durée; d’à peine quatre ou cinq jours dans certains cas. C’est au moment de la retraite de M. Rooney que la nomination de Mme Fox a duré le plus longtemps, puisqu’elle a occupé le poste de M. Rooney jusqu’à ce qu’on trouve un remplaçant à ce dernier, après quoi sa nomination intérimaire à ce poste a pris fin. À elles seules, les nominations intérimaires de Mme Fox au poste de directeur exécutif ne démontrent pas qu’il y a eu favoritisme personnel. La nomination intérimaire de Mme Fox au poste de gestionnaire a servi de tremplin pour sa nomination au poste de directeur exécutif. Toutefois, la preuve démontre que Mme Fox exerçait les fonctions du poste de gestionnaire à titre intérimaire depuis déjà plusieurs mois lorsque MM. Gilbert et Pineau se sont joints au BAS. Aucun élément de preuve n’a été présenté relativement aux circonstances qui ont mené à la nomination intérimaire initiale de Mme Fox au poste de gestionnaire, ni au fait que M. Gilbert ou M. Pineau soit intervenu à cet égard.

101La plaignante soutient également que les nominations intérimaires de Mme Fox aux postes bilingues de directeur exécutif et de gestionnaire vont à l’encontre des lignes directrices de CIC en ce qui a trait aux nominations à des postes bilingues, et qu’elles témoignent du favoritisme personnel dont cette dernière a bénéficié à plus d’une occasion. Pour appuyer son allégation, la plaignante cite un courriel envoyé par le sous‑ministre le 21 novembre 2007. Cependant, toutes les nominations aux postes de gestionnaire et de directeur exécutif ont eu lieu avant l’envoi de ce courriel, lequel indique que les conclusions formulées résultent d’une réunion du comité exécutif visant à « réexaminer » [traduction] la question des exigences linguistiques et qu’elles « confirment » [traduction] une décision prise auparavant; or, aucune preuve n’a été fournie concernant les détails d’une quelconque décision ou du moment où celle‑ci aurait pris effet. Il n’existe absolument aucune preuve selon laquelle ces nominations sont fondées sur du favoritisme personnel plutôt que sur des exigences opérationnelles, comme le soutient l’intimé.

102La plaignante s’appuie également sur la décision rendue par le Tribunal dans l’affaire Robert et Sabourin, qui traite d’une nomination intérimaire effectuée au sein de la Direction générale du règlement des cas à CIC. Dans cette affaire, le Tribunal a conclu que l’intimé avait commis plusieurs erreurs et omissions graves. Il avait notamment pris la décision d’utiliser un processus non annoncé pour nommer à un poste de conseiller ministériel une personne qui ne satisfaisait pas aux exigences linguistiques. L’intimé avait expliqué que personne d’autre n’était intéressé ou qualifié. Toutefois, le Tribunal a établi qu’au moins quatre personnes étaient bilingues, possédaient les autres qualifications requises et avaient manifesté leur intérêt pour le poste. Le Tribunal a conclu que cette erreur, ajoutée aux autres erreurs et omissions, correspondait à un abus de pouvoir.

103Dans l’affaire Robert et Sabourin, le profil linguistique du poste à doter était « bilingue ». Toutefois, pour le poste d’agent des politiques qui fait l’objet de la plainte en l’espèce, le profil linguistique est « anglais essentiel ». Il ne fait aucun doute que Mme Fox satisfait aux exigences linguistiques établies pour le poste.

104La plaignante soutient en outre que la décision de l’intimé de permettre à Mme Fox de poursuivre sa formation linguistique et de continuer de toucher le salaire associé au poste PM‑06 après sa réaffectation à un poste unilingue d’expert fonctionnel (PM‑05) n’est pas appropriée et constitue une preuve circonstancielle de favoritisme personnel. M. Pineau a indiqué dans son témoignage qu’en raison des exigences opérationnelles, Mme Fox n’avait pas pu suivre sa formation linguistique avant novembre 2007. Mme Fox avait deux ans pour devenir bilingue; lorsque la période de deux ans a pris fin, en avril 2008, elle a été mutée à un poste unilingue anglais, mais la décision de la laisser poursuivre sa formation linguistique a été prise en raison de la promesse qui lui avait été faite lorsqu’elle avait été nommée au poste bilingue. Rien n’indique que l’intimé n’avait pas le pouvoir de prendre cette décision ou que celle‑ci était fondée sur le favoritisme personnel. La preuve, en fait, démontre qu’un engagement avait été pris envers Mme Fox avant que MM. Gilbert et Pineau ne se joignent au BAS.

105Dans la décision Cameron et Maheux, le Tribunal a conclu que la nomination n’était pas fondée sur le mérite. Toutefois, en l’espèce, la plaignante n’a pas établi que la nomination de Mme Fox n’était pas fondée sur le mérite. Au contraire, la valeur probante de la preuve porte à conclure que la nomination de Mme Fox était bel et bien fondée sur le mérite et, par le fait même, conforme à l’objet législatif de la LEFP. L a plaignante a d’ailleurs reconnu que Mme Fox était qualifiée.

106Dans leurs témoignages, MM. Gilbert et Pineau ont tous deux indiqué qu’ils entretenaient avec Mme Fox des relations professionnelles, et aucun élément de preuve n’a permis de réfuter leurs déclarations à cet égard. Par ailleurs, rien n’indique que Mme Fox ne possédait pas les qualifications essentielles établies pour le poste.

107Le Tribunal conclut que la plaignante n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que le favoritisme personnel est à l’origine de la nomination de Mme Fox.

Décision

108 Pour tous ces motifs, la plainte est rejetée.

Kenneth J. Gibson

Membre

Parties au dossier

Dossier du Tribunal:
2007-0544
Intitulé de la cause:
Jane Turner et le Sous-ministre de Citoyenneté et Immigration Canada et al.
Audience:
Les 6 et 7 juillet 2009
Ottawa, (Ontario)
Date des motifs:
Le 10 juillet 2009

Comparutions:

Pour la plaignante:
Fred Sadori
Pour l'intimé:
Lesa Brown
Pour la Commission
de la fonction publique:
John Unrau
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.