Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a formulé des allégations de favoritisme personnel et de mauvaise foi par rapport au choix d'un processus non annoncé, à l'établissement et à l'évaluation des qualifications essentielles ainsi que qu'à l'adaptation de la description de travail, afin d'obtenir la classification voulue bien que les fonctions du poste soient de nature différente. L'intimé a nié les allégations tout en faisant valoir que la partie plaignante n'avait aucun intérêt personnel dans les plaintes, que la LEFP ne confère aucun droit de recours à l'encontre d'une affectation et que les lignes directrices de la CFP concernant la notification et le choix du processus de nomination sont des documents de référence sans autorité juridique. Décision : Le Tribunal a établi que la partie plaignante avait un intérêt personnel dans les plaintes et que l'affectation était en fait une nomination intérimaire susceptible de recours et qu'en vertu de la LEFP les administrateurs généraux ont l'obligation d'observer les lignes directrices de la CFP en matière de nomination. Le Tribunal a jugé que l'intimé a fait preuve de mauvaise foi dans le choix du processus de nomination, laquelle s'est traduite par les attitudes suivantes : contournement du Règlement sur l'emploi dans la fonction publique en ce qui concerne les nominations intérimaires; justification écrite trompeuse, erronée et incompréhensible; justification présentée sans tenir compte du contenu et avec l'intention illégitime de récompenser la personne nommée. Le Tribunal a estimé d'autre part que les nominations portaient l'empreinte d'un favoritisme personnel puisque la description de travail ne correspondait pas aux fonctions réelles du poste et servait à assurer un relèvement de classification et de salaire visant à récompenser la personne nommée; les qualifications essentielles étaient établies et l'employée en cause évaluée de manière à assurer sa nomination sans tenir compte des exigences réelles du poste; la nomination de l'employée, qui ne possédait pas les qualifications essentielles requises pour le poste, relevait de la volonté du gestionnaire de la récompenser. Le Tribunal a enfin conclu que les gestionnaires en cause ont abusé de leur pouvoir par mauvaise foi et par des comportements irrationnels et déraisonnables, entraînant ainsi ces nominations injustes. Plaintes accueillies. Le Tribunal a ordonné à l'intimé de révoquer les nominations à compter de leurs dates d'entrée en vigueur. Le Tribunal a également prescrit des mesures correctives.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossiers:
2007-0048 et 0087
Rendue à:
Ottawa, le 3 mars 2009

JENNIFER BEYAK
Plaignante
ET
LE SOUS-MINISTRE DE RESSOURCES NATURELLES CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plaintes d'abus de pouvoir en vertu des l'alinéas 77(1)a) et 77(a)b) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision:
Les plaintes sont fondées
Décision rendue par:
Guy Giguère, président
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Beyak c. Sous-Ministre de Ressources naturelles Canada et al.
Référence neutre:
2009 TDFP 0007

Motifs de la décision

Introduction

1Jennifer Beyak a présenté deux plaintes d’abus de pouvoir relativement aux nominations de Monique Delorme à titre d’agente de développement des opérations. Mme Beyak soutient que le titre et la description de travail de ce poste ne correspondent pas aux tâches administratives exécutées par la personne nommée. Ses allégations dénoncent toute une série d’actions mais, essentiellement, elle soutient que ces nominations sont fondées sur le favoritisme personnel et que les gestionnaires responsables ont agi de mauvaise foi. Elle déclare que l’abus de pouvoir a été manifeste dans l’établissement et dans l’évaluation des qualifications essentielles ainsi que dans l’adaptation de la description de travail en vue d’obtenir la classification voulue, bien que le travail exigé soit de nature différente. Elle présente également une plainte d’abus de pouvoir quant au choix d’un processus non annoncé pour ces deux nominations. Elle soutient que ces nominations ne respectent pas les exigences des lignes directrices en matière de processus de nomination non annoncés.

2L’intimé, le sous-ministre de Ressources naturelles Canada (RNCan), nie tout abus de pouvoir dans le choix du processus ou dans la sélection de la personne nommée. L’intimé affirme que la décision de nommer Mme Delorme était fondée sur son rendement antérieur, sur les besoins de l’organisation et sur le fait qu’elle possédait l’ensemble des qualifications essentielles pour le poste.

3La personne nommée, Monique Delorme, n’a pas pris part à l’audience. Toutefois, elle a exercé son droit d’être entendue en présentant une réponse écrite aux allégations de la plaignante dans laquelle elle conteste celles-ci. Elle affirme que d’autres candidats ont été pris en considération et qu’elle a été évaluée en fonction des qualifications nécessaires pour le poste. On lui avait indiqué qu’elle avait été retenue pour travailler au Bureau des affaires et qu’elle conserverait son groupe et son niveau actuels, puisque le poste n’avait pas encore été classifié.

Contexte

4RNCan est divisé en secteurs, lesquels correspondent aux diverses activités de l’organisation. Les Laboratoires des mines et des sciences minérales (LMSM) constituent l’une des diverses directions générales du Secteur des minéraux et des métaux (SMM). Les LMSM sont des laboratoires de recherche du gouvernement fédéral chargés de fournir des conseils scientifiques et en recherche à l’industrie ainsi qu’aux ministères des administrations provinciales, territoriales et fédérale. Les LMSM comprennent plusieurs bureaux, y compris le Bureau des affaires, le Bureau du Programme sur les changements climatiques et le Bureau du Programme Minéralogie et procédés métallurgiques.

5Mme Delorme a commencé à travailler le 1er juin 2006 dans le cadre d’une affectation au Bureau des affaires des LMSM au groupe et niveau AS-02, soit ceux de son poste d’attache. Ensuite, elle a été nommée rétroactivement à un poste intérimaire d’agent du développement des opérations au Bureau des affaires des LMSM. Plus tard, elle a été nommée à ce poste pour une période indéterminée. Dans les deux cas, les nominations ont été effectuées au moyen de processus non annoncés. Ce poste est classifié au groupe et niveau CO-01.

6Les plaintes ont été présentées au Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) en vertu des alinéas 77(1)a) et 77(1)b)de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L. C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP), le 25 janvier et le 21 février 2007 (processus numéro 2006-RSN-ACIN-ACXT-0663-46537). Les plaintes ont été entendues en même temps, et le Tribunal a procédé à leur jonction pour les besoins de la décision, conformément à l’article 8 du Règlement du Tribunal de la dotation de la fonction publique, DORS/2006-6 (le Règlement du TDFP).

Question préliminaire

7Au début de l’audience, l’intimé a soulevé une question préliminaire, à savoir que la plaignante n’a aucun intérêt personnel en ce qui a trait aux plaintes présentées en l’espèce. Il a demandé au Tribunal de statuer sur cette question avant de procéder à une audition complète des plaintes.

8Le Tribunal a rejeté la requête préliminaire de l’intimé visant la disjonction de l’audience. Le Tribunal a statué qu’il se prononcerait sur cette question dans ses motifs de décision concernant le bien-fondé des plaintes.

Questions en litige

9Pour résoudre ces plaintes, le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. La plaignante a-t-elle le droit de porter plainte?
  2. L’affectation constituait-elle une nomination?
  3. Si la réponse à la question (ii) est positive, l’intimé a-t-il mené un véritable processus d’évaluation en vue de sélectionner une personne apte à exercer les fonctions de ce poste?
  4. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en choisissant un processus non annoncé pour la nomination intérimaire et la nomination à durée indéterminée?
  5. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en nommant Mme Delorme?

Résumé des éléments de preuve pertinents

Événements de 2005-2006

10Au moment des nominations faisant l’objet des plaintes, Tom Hynes était directeur des LMSM. Il en est actuellement le directeur général. À l’été 2005, il y avait deux postes vacants au Bureau des affaires. Un employé de groupe et niveau AS-02 était en congé de maladie prolongé, et un employé de groupe et niveau AS-04 était parti à la retraite. Comme il y avait un gel de la dotation en personnel dans le secteur, M. Hynes a envisagé de procéder à une affectation afin de redresser la situation.

11Le gouvernement avait annoncé la fin du Programme sur les changements climatiques (PCC), un programme autonome relevant directement de M. Hynes. Lynda Wilson (PC-04) était responsable de ce programme, et elle était assistée par Amelia Atkin, une employée nommée pour une période déterminée (PC-01). Mme Wilson a quitté RNCan aux alentours de Noël 2005 pour aller travailler dans un autre ministère. Elisabeth Giziewicz (PC-03), la remplaçante de Mme Wilson, était partie deux semaines plus tard, car elle trouvait le travail trop difficile. Deux autres postes figuraient dans l’organigramme du PCC : un poste d’adjoint administratif (AS-01), qui était vacant, et un poste d’adjoint administratif et financier (CR-04), dont le titulaire était parti ailleurs.

12M. Hynes a expliqué qu’il ne s’agissait pas, selon lui, d’un travail facile compte tenu des lacunes au PCC en matière de tenue de dossiers. Le Programme se terminait et devait faire l’objet d’une vérification. M. Hynes a mentionné que, n’arrivant pas à trouver un autre scientifique pour prendre le relais, il avait demandé à Monique Delorme d’aider à clore ce programme. Mme Delorme était l’adjointe exécutive de M. Hynes et de deux directeurs adjoints depuis un an et demi. Pendant un certain temps, Mme Delorme avait exécuté des tâches pour le PCC, tout en conservant ses fonctions d’adjointe exécutive à temps partiel.

13M. Hynes n’a cherché personne d’autre pour travailler au PCC. Il a expliqué que personne ne voulait s’y aventurer. M. Hynes a indiqué qu’il n’entretenait aucune relation personnelle avec Mme Delorme. Il a précisé qu’elle avait une vaste expérience dans le domaine des finances et qu’à cette étape, le PCC devait rendre compte de tous les fonds qui lui avaient été attribués.

14M. Hynes a expliqué que le PCC devait se terminer le 1er avril 2006 au plus tard; la date de fin avait été reportée, mais il ne se souvenait plus à quel moment. Mme Delorme avait été nommée à titre intérimaire au PCC à un poste PC-01 pour une période de quatre mois moins un jour, mais il ne se souvenait pas de la date. Aucun autre témoin ne pouvait préciser ces dates à l’audience, et l’intimé n’a pas été en mesure de produire des documents pour les établir.

15À ce stade, M. Hynes ne croyait pas qu’une formation en sciences soit nécessaire, puisque le programme arrivait à son terme et que tous les fonds en avaient été attribués. Toutefois, puisqu’il appartenait au groupe PC, le poste nécessitait des études en sciences. Comme Mme Delorme ne possédait pas cette formation, elle ne pouvait pas être nommée à ce poste pour une période de quatre mois ou plus.

16En contre-interrogatoire, on a demandé à M. Hynes pourquoi il n’avait pas nommé Mme Delorme à un poste administratif puisque son travail était avant tout d’ordre financier. M. Hynes a répondu que les Ressources humaines lui avaient indiqué qu’il était plus facile de trouver un remplaçant pour une période de quatre mois moins un jour pour un poste PC-01 existant.

17Le 26 mars 2006, M. Hynes a envoyé un courriel concernant les changements de personnel au sein des LMSM. Donna Mingie-Cahill devenait gestionnaire, Services analytiques et Programme canadien de matériaux de référence. John MacMillan, qui était conseiller en ressources humaines, devait occuper le poste de gestionnaire, Bureau des affaires. Enfin, Monique Delorme obtenait une affectation de perfectionnement au PCC afin d’aider à la fermeture du bureau.

18John MacMillan a indiqué que Mme Delorme avait commencé à travailler à la fermeture du PCC aux alentours de janvier 2006. Elle avait ensuite été nommée à un poste PC-01 pour une période de quatre mois moins un jour.

19En février 2006 environ, M. MacMillan a parlé à Mme Atkin, laquelle possédait une formation scientifique et était à la recherche d’un emploi de groupe et niveau PC-01. M. MacMillan a affirmé ce qui suit : « Nous voulions garder Amelia [Atkin]. Nous lui avons offert un emploi au Bureau des affaires. Son emploi devait être prolongé jusqu’au retour de Jennifer [Beyak]. » [Traduction] À ce moment-là, la plaignante était en congé de maternité jusqu’en janvier 2007. M. MacMillan a expliqué que, comme le PCC prenait fin, il projetait de déplacer Amelia au poste de Jennifer Beyak, si elle restait. Mme Atkin a travaillé au PCC jusqu’aux alentours de mars 2006, moment où elle s’est vu offrir un poste PC-02 à durée indéterminée dans un autre ministère.

20Donna Mingie-Cahill, un témoin de la plaignante, a expliqué qu’elle avait été gestionnaire (PC-05) au Bureau des affaires pendant cinq ans. Or, aux alentours de janvier 2006, Louise Laverdure, directrice adjointe aux LMSM, lui avait demandé si elle voulait gérer le groupe Services analytiques et Programme canadien de matériaux de référence. Mme Laverdure lui avait indiqué que, si elle restait au Bureau des affaires, elle devrait voyager souvent, c’est-à-dire 50 p. 100 de son temps. Mme Mingie-Cahill a précisé que M. Hynes avait prévu que les longs voyages feraient partie du travail au Bureau des affaires. Mme Mingie-Cahill avait hésité à quitter, mais elle se sentait contrainte à laisser son emploi. En fin de compte, elle a décidé de s’en aller rapidement et elle est partie en mars 2006.

21M. MacMillan a indiqué que les LMSM faisaient de moins en moins appel à des scientifiques pour la gestion du Bureau des affaires; on privilégiait plutôt l’embauche d’agents de commerce du groupe CO. Il a indiqué que M. Hynes voulait qu’il gère le Bureau des affaires jusqu’à ce qu’une description de travail soit créée pour le nouveau poste et que celui-ci soit doté. Au début de mars 2006, le Comité de gestion a été consulté concernant le remplacement de Mme Mingie-Cahill. Le Comité de gestion souhaitait lui confier ce poste parce qu’il était titulaire d’une maîtrise en administration des affaires et qu’il était disponible dans un court délai.

22Au cours du contre-interrogatoire, M. MacMillan a reconnu qu’il n’avait jamais travaillé dans un bureau de développement des opérations ni rempli les fonctions d’un poste CO. Avant d’occuper ce poste, il avait travaillé pendant cinq ans à titre de conseiller en ressources humaines à RNCan. Son emploi au Bureau des affaires constituait une affectation, et son poste d’attache était de groupe et de niveau PE-04.

23En contre-interrogatoire, on a demandé à M. MacMillan si son travail au Bureau des affaires était davantage axé sur les ressources humaines que sur la gestion. Il a répondu : « Oui, je m’étais occupé de certains dossiers de ressources humaines et j’en avais encore quelques-uns. » [Traduction] On lui a aussi demandé si M. Hynes l’avait affecté à ce poste afin qu’il fasse office de consultant interne en ressources humaines au Bureau des affaires. Il a répondu : « Ce facteur a peut-être joué un rôle, mais ce n’en était pas la raison. » [Traduction]

24M. Hynes a affirmé qu’il y avait eu des discussions en mai 2006 selon lesquelles Mme Delorme serait « envoyée au Bureau des affaires. » [Traduction] En contre-interrogatoire, M. MacMillan a reconnu qu’il avait entamé les formalités administratives destinées à la création du poste CO-01 en juin 2006. Il avait eu certaines discussions avec M. Hynes, mais l’idée que Mme Delorme travaille dorénavant au Bureau des affaires était la sienne.

25Le 1er juin 2006, Mme Delorme a commencé à s’acquitter de tâches liées au PCC depuis le Bureau des affaires, où son poste d’attache était de groupe et niveau AS-02. Au cours du contre-interrogatoire, M. MacMillan a confirmé que c’est lui qui avait planifié la création d’un nouveau poste CO-01 pour Mme Delorme et qu’elle connaissait son intention en juin 2006. Un poste semblable de groupe et de niveau CO-01 avait été créé dans une autre direction générale du SMM. Cependant, il n’y avait aucune assurance que ce nouveau poste serait classifié à ce niveau ni qu’il serait de durée indéterminée.

26En contre-interrogatoire, on a demandé à M. Hynes si Mme Delorme savait, lorsqu’elle a commencé à travailler au Bureau des affaires en juin 2006, que le plan prévoyait que ce poste devienne un poste CO-01. Il a répondu : « Nous pensions combiner les deux fonctions et en faire un CO-01. » [traduction] Toutefois, il n’y avait aucune certitude quant à sa classification. On lui a demandé s’il visait un CO-01. Il a répondu qu’il pensait qu’un CO-01 était approprié.Il a confirmé que les postes PC-01 et CO-01 s’équivalaient en ce qui a trait au niveau de la rémunération.

27Le 28 août 2006, M. Hynes a envoyé un courriel aux employés des LMSM et d’autres directions générales du SMM, les avisant d’une occasion d’emploi au Bureau des affaires. M. Hynes avait rédigé la majeure partie de ce courriel et y avait ajouté quelques suggestions de M. MacMillan. M. Hynes a indiqué que ce courriel avait pour but de voir si quelqu’un était intéressé par ces fonctions. Dans son courriel, M. Hynes écrivait que l’on avait besoin d’une personne jusqu’à la fin de mars 2007 pour voir à la clôture des projets en cours du PCC; il avait été confirmé que le PCC serait prolongé pour une dernière année. L’emploi devait aussi comprendre des fonctions de gestion de projet liées au marketing et à l’administration d’une base de données en ligne sur la recherche minière en cours. Ces fonctions devaient, en définitive, occuper une personne à temps plein, lorsque le PCC prendrait fin. Ce poste exigeait de bonnes compétences en finances et en gestion de projet, car son titulaire devrait assurer le suivi des dépenses par rapport aux budgets et surveiller les progrès en fonction des produits livrables. Les employés intéressés devaient répondre à M. MacMillan avant le 8 septembre 2006.

28M. MacMillan a indiqué qu’il s’agissait, à ce moment-là, d’un poste temporaire jusqu’à la fin de mars 2007. Il a expliqué que le PCC avait été prolongé d’un an et qu’il avait été décidé d’en parler au personnel pour voir si l’un ou l’autre des employés était intéressé.

29Le 30 août 2006, Mme Mingie-Cahill a envoyé un courriel à M. MacMillan lui demandant de préciser la classification du poste au Bureau des affaires auquel M. Hynes faisait référence dans son courriel. Il lui a répondu ce qui suit :

La classification n’a pas encore été décidée, et cela pourrait prendre des mois. J’espère que les gens exprimeront un intérêt pour les tâches sans tenir compte du salaire. S’il s’avère que la meilleure personne occupe un poste de niveau équivalent ou supérieur, elle pourra conserver son salaire actuel, grâce à une affectation. [Traduction]

30Mme Mingie-Cahill a déduit de cette réponse que la possibilité d’emploi était au niveau du titulaire, ce qui correspond à une affectation de perfectionnement. En contre-interrogatoire, Mme Mingie-Cahill a expliqué qu’elle établissait un lien entre le courriel du 26 mars 2006, qui annonçait que Mme Delorme était en affection de perfectionnement, et celui du 28 août 2006, et qu’il était clair qu’il s’agissait du même poste. Elle a tenu pour acquis que, puisque Mme Delorme travaillait à la clôture du PCC dans le cadre d’une affectation de perfectionnement, cette dernière était de groupe et de niveau AS-02, lesquels correspondent à ceux de son poste d’attache.

31Johanne Bourque a travaillé au Bureau des affaires pendant neuf ans. Lorsqu’elle est partie, son poste était de groupe et de niveau AS-01. Elle a témoigné pour la plaignante. Elle a expliqué qu’il n’y avait peu de roulement de personnel et qu’il y régnait un bon esprit d’équipe sous la direction de Mme Mingie-Cahill. Les choses ont changé lorsque M. MacMillan l’a remplacée; il ne pratiquait pas son style de gestion ouverte. M. MacMillan ne s’intéressait pas au travail du Bureau, et il s’occupait encore des dossiers de ressources humaines. Il a paru étrange à Mme Bourque que ce dernier prépare lui-même les documents administratifs destinés à la dotation du poste CO-01 pour Mme Delorme.

32Trois employés se sont montrés intéressés par la perspective d’emploi : Mme Delorme, Karen Beaudoin et Richard Couture. Un comité d’évaluation composé de M. Hynes, de M. MacMillan et d’un autre employé relevant également de M. Hynes a été mis sur pied. M. Hynes a expliqué qu’il avait siégé au comité d’évaluation parce qu’il était responsable du PCC. En contre-interrogatoire, M. MacMillan a admis qu’il n’est pas habituel qu’un directeur fasse partie d’un comité d’évaluation pour un poste de niveau d’entrée. Cependant, M. MacMillan a nié que cela ait eu quelque incidence que ce soit sur l’évaluation des candidats ou que M. Hynes ait siégé au comité dans le but d’influencer les deux autres membres.

33À la suite du courriel du 28 août 2006, M. Couture, un gestionnaire de projet possédant une formation scientifique, s’est enquis auprès de Mme Bourque de la nature de ce poste. Il a rencontré M. MacMillan et, quand il a quitté la réunion, il a déclaré à Mme Bourque que ce poste n’était pas pour lui, car il s’agissait principalement d’administration et non de gestion de projet.

34En contre-interrogatoire, on a demandé à M. MacMillan s’il avait discuté avec Mme Beaudoin de son intention de créer un poste CO-01 à durée indéterminée. Il a affirmé qu’il n’avait pas discuté de ceci car il ne voulait pas susciter d’attentes. Il ne se souvenait pas d’avoir rencontré M. Couture.

35M. MacMillan a aussi expliqué, en contre-interrogatoire, qu’il avait communiqué une ébauche des objectifs de travail relatifs au poste CO-01 à Mme Delorme, comme elle occupait le poste, il souhaitait obtenir des commentaires de sa part. Il a précisé que cela n’avait pas eu d’incidence sur le processus de sélection lié à l’affectation puisqu’il n’y avait pas de questions portant sur les objectifs de travail. M. MacMillan avait préparé un document intitulé « Objectifs de travail » [Traduction], qui constituait une description de travail pour le poste d’agent de développement des opérations, et il avait montré ce document à Mme Delorme avant de l’envoyer à la classification. De même, il avait expliqué à Mme Delorme que ce document avait été rédigé en fonction d’un poste CO-01. Il a indiqué que c’est à l’automne qu’il lui avait appris qu’il s’agirait d’un poste CO-01, lorsqu’il avait commencé à rédiger la description de travail.

36Mme Beaudoin, un témoin de la plaignante, a expliqué qu’elle était intéressée par l’occasion d’emploi offerte dans le courriel du 28 août 2006. Elle est allée voir Mme Mingie-Cahill, qui était sa gestionnaire à l’époque, car elle avait été gestionnaire du Bureau des affaires antérieurement. Mme Beaudoin a affirmé qu’elle s’était entretenue du poste avec M. MacMillan. Ce dernier lui avait mentionné qu’il s’agissait de mettre fin au PCC et que le poste serait au niveau du poste d’attache. Mme Beaudoin a expliqué que son poste d’attache était un poste EG-04, lequel équivaut à un poste CO-01 sur le plan de la rémunération, et que cette expérience l’intéressait.

37Le 2 octobre 2006, le poste de gestionnaire (CO-03) au sein du Bureau des affaires a été créé. M. MacMillan a été nommé rétroactivement, de façon intérimaire, à partir du moment où son affectation avait débuté. M. MacMillan a expliqué qu’il avait pris part à l’établissement de son propre poste en préparant les objectifs de travail, mais que d’autres personnes, notamment l’agent de classification, avaient été impliquées. Il a assuré qu’il ne savait pas et qu’il n’avait pas vérifié si une notification de candidature retenue ou de nomination intérimaire avait été préparée ou affichée relativement à sa nomination. M. Hynes a déclaré qu’il avait tenu pour acquis que M. MacMillan veillerait à préparer la justification relative à la décision de ne pas annoncer la nomination intérimaire au poste CO-03.

38Mmes Delorme et Beaudoin, les deux candidates demeurant intéressées, ont été convoquées en entrevue à la fin d’octobre 2006. M. MacMillan a expliqué que le comité n’a pas discuté de la classification du poste avec les candidates, car celle-ci n’avait pas encore été déterminée. Il a aussi affirmé que la description de travail du poste n’était pas rédigée à l’époque et qu’il s’en était chargé plus tard.

39M. MacMillan a préparé les questions en fonction des responsabilités énumérées dans le courriel du 28 août 2006. Il y avait dix questions. Les six premières portaient sur la gestion d’un programme en mettant l’accent sur le budget, tandis que les deux questions suivantes portaient sur le marketing des LMSM en général, c’est-à-dire sur leurs produits et sur leur avantage concurrentiel. Dans les dernières questions, on demandait aux candidats de donner des exemples personnels de leadership et de travail sous pression. Le comité d’évaluation est parvenu à un consensus selon lequel Mme Delorme constituait la bonne personne pour cet emploi.

40Le 29 novembre 2006, M. Hynes a signé un formulaire de demande de services en personnel approuvant la création du poste d’agent de développement des opérations à durée indéterminée (CO-01), tel qu’il l’avait proposé. Il est indiqué dans ce formulaire que le poste « a été créé le 1er juin 2006 et relève de M. Hynes. À compter du 2 octobre 2006, le lien hiérarchique a été modifié, et le poste relevait désormais du nouveau CO-03. » Plus tard, soit le 5 décembre 2006, Marilyn Bressan, Opérations en ressources humaines, a cosigné le formulaire, confirmant ainsi que la classification avait été vérifiée et entrait en vigueur le 1er juin 2006.

41La classification a été déterminée par une spécialiste contractuelle, Brenda Miller. M. MacMillan avait préparé un document intitulé « Objectifs de travail » [Traduction] qui faisait essentiellement état des fonctions du poste et qui a été remis à Mme Miller pour les besoins de la classification. Le poste a été classifié officiellement le 11 décembre 2006 au groupe et niveau CO-01. À cette date, M. Hynes avait signé deux formulaires de demande de services en personnel afin d’autoriser une rémunération d’intérim pour Mme Delorme. L’un de ces formulaires porte sur la période du 1er juin 2006 au 28 septembre 2006 et indique « Versez une rémunération d’intérim pour 4 mois moins un jour. Suivra une rémunération d’intérim (processus non annoncé) » [Traduction]. L’autre formulaire couvre la période du 29 septembre 2006 au 28 septembre 2007 et indique « Nomination intérimaire jusqu’à la dotation du poste pour une période indéterminée » [Traduction].

42M. MacMillan a expliqué que Mme Delorme avait été nommée de façon intérimaire rétroactivement, à partir du début de son affectation au Bureau des affaires. Il a affirmé qu’en vertu de la convention collective, les employés ont le droit de recevoir une rémunération d’intérim s’ils exercent des fonctions d’un poste de niveau supérieur et que Mme Delorme avait rempli en grande partie les fonctions du poste.

43M. MacMillan a indiqué qu’aucun avis de nomination n’avait été affiché relativement à la nomination intérimaire rétroactive au 1er juin 2006. Il a affirmé que l’obligation relative à la notification ne s’applique que lorsqu’une nomination intérimaire dépasse quatre mois. Il a expliqué que la date de fin de la première nomination intérimaire avait été fixée au 28 septembre 2006 puisque, après cette date, celle-ci aurait été de plus de quatre mois et aurait donc dû faire l’objet d’une notification. Le 10 janvier 2007, un avis relatif à la deuxième nomination intérimaire, pour la période du 29 septembre 2006 au 28 septembre 2007, a été affiché sur Publiservice.

44En contre-interrogatoire, on a demandé à M. Hynes s’il avait terminé l’évaluation de Mme Delorme lorsqu’il a signé les formulaires de demande de services en personnel. Il ne s’en souvenait pas. M. Hynes a aussi été questionné en contre-interrogatoire, au sujet des deux périodes de rémunération d’intérim. On lui a demandé si M. MacMillan l’avait avisé que cette méthode permettrait de légitimer une nomination intérimaire découlant d’un processus non annoncé. Il a répondu que cette observation pourrait être exacte. On lui a ensuite demandé si en procédant de cette façon, les employés seraient empêchés de présenter des plaintes relativement à la première nomination intérimaire, et sa réponse a été : « Probablement. » [Traduction]

Événements de 2007

45M. MacMillan a préparé la justification du choix d’un processus non annoncé afin de nommer Mme Delorme de façon intérimaire au poste d’agent de développement des opérations au groupe et niveau CO-01. Le 2 janvier 2007, il a signé la justification de la nomination intérimaire débutant le 1er juin 2006, et M. Hynes l’a signée à son tour le 3 janvier 2007.

46Le 5 janvier 2007, M. Hynes a signé un formulaire de demande de services en personnel pour autoriser la nomination de Mme Delorme pour une durée indéterminée. M. MacMillan a indiqué qu’il avait été convenu, en janvier 2007, que ce poste serait doté pour une durée indéterminée et au moyen d’un processus interne non annoncé. En contre-interrogatoire, on a demandé à M. Hynes si l’objectif était de nommer Mme Delorme à partir du 5 janvier 2007, soit avant que quiconque ne soit au courant de la nature de la nomination intérimaire et de la nomination pour une durée indéterminée. M. Hynes a répondu : « Peut-être. Le plan était de la nommer au poste; nous n’avions pas prévu d’objection. » [Traduction]

47M. MacMillan a aussi préparé et signé une justification concernant le processus non annoncé de nomination à durée indéterminée, justification qui est datée du 29 janvier 2007. Le 30 janvier 2007, une notification de candidature retenue a été affichée sur Publiservice. Elle a étésuivie, le 7 février 2007, de l’affichage de l’avis de nomination (pour une durée indéterminée) de Mme Delorme.

48RNCan a établi des critères relatifs à l’utilisation de processus de nomination non annoncés. M. MacMillan a examiné ces derniers et a expliqué qu’aucun d’eux n’était applicable aux circonstances entourant la nomination de Mme Delorme. C’est pour cette raison qu’il a dû étayer le recours à un processus non annoncé par une justification détaillée, où il expliquait la conformité du processus avec les valeurs de dotation que sont l’équité, la transparence et l’accessibilité.

49Au cours du contre-interrogatoire, on a demandé à M. MacMillan pourquoi il avait fait référence à des considérations d’équité en matière d’emploi dans les deux justifications puisque le personnel du Bureau des affaires ne comptait que des femmes jusqu’à ce que lui-même remplace la gestionnaire précédente. M. MacMillan a répondu qu’il n’y avait pas de lacune sur le plan de la représentation des femmes dans les postes du groupe CO à RNCan, mais qu’il y en avait dans la fonction publique en général et qu’il était donc approprié que le poste soit offert à une femme.

50M. MacMillan a témoigné sur le contenu des justifications. Il a expliqué avoir écrit, tant pour la nomination intérimaire que pour la nomination à durée indéterminée, que si un processus de nomination annoncé avait été mené, Mme Delorme aurait été considérée comme la candidate la plus qualifiée et, vraisemblablement, elle aurait été la seule candidate retenue. Dans le cas de la nomination intérimaire, il avait écrit que le principe du mérite était protégé par le droit de recours. De même, dans le cas de la nomination pour une durée indéterminée, il avait expliqué que d’éventuels candidats auraient accès au processus de nomination par l’intermédiaire du mécanisme de recours, puisque tout plaignant verrait ainsi sa candidature prise en considération pour le poste. Dans la justification relative à la nomination pour une durée indéterminée, il avait mentionné que la notification contenant les détails du processus en assurait la transparence. M. MacMillan a expliqué qu’il était évident que, de par sa nature, la nomination intérimaire rétroactive ne pouvait pas faire l’objet d’un processus de nomination annoncé.

51En contre-interrogatoire, on a demandé à M. Hynes s’il avait participé à la rédaction des justifications. Il a répondu que c’est M. MacMillan qui les avait préparées et a déclaré : « Je n’y ai pas pris part; j’ai laissé cette tâche aux Ressources humaines. J’ai signé les justifications. Je crois avoir lu le document. J’en suis responsable. » [Traduction] On a également demandé à M. Hynes la raison pour laquelle les justifications faisaient état de la futilité d’examiner la candidature de qui que ce soit d’autre. Il a répondu qu’il ne se souvenait pas de cela. On lui a ensuite demandé s’il avait été formé pour assumer les responsabilités de gestionnaire délégataire. Il a répondu que la formation qu’il avait reçue lui permettait de comprendre les principes de base, mais n’était pas adéquate pour comprendre les processus dans leur application quotidienne. Il a ensuite ajouté : « J’ai été conseillé par les Ressources humaines. Tout le monde fait des erreurs, autant moi qu’un conseiller en ressources humaines. Je crois avoir fait de mon mieux. » [Traduction]

52M. MacMillan a indiqué que les tâches de Mme Delorme consistaient principalement à clore le PCC. Cette dernière l’assistait aussi au Bureau des affaires en préparant les prévisions budgétaires de revenus et en assurant le suivi des comptes débiteurs. Il a expliqué, en contre-interrogatoire, que la préparation des prévisions budgétaires était un élément clé des responsabilités de Mme Delorme et représentait la moitié de ses tâches. Il a précisé que, dans le passé, ces tâches étaient exécutées par une personne occupant un poste AS-02.

53Au cours du contre-interrogatoire, on a ensuite demandé à M. MacMillan de parcourir le document intitulé « Objectifs de travail » [Traduction], qu’il avait préparé pour la classification du poste, et d’indiquer, parmi les tâches énumérées dans le document, celles qu’accomplissait Mme Delorme lorsqu’elle travaillait au Bureau des affaires. Les objectifs de travail étaient les suivants :

PROFIL/RÉSULTATS AXÉS SUR LE SERVICE À LA CLIENTÈLE

Sous la responsabilité du gestionnaire du Bureau des affaires, effectuer des études de marché afin de dresser la liste des clients potentiels; produire des documents de marketing et promouvoir la recherche en sciences minières et minérales auprès de l'industrie; faire connaître la Division du programme sur le changement climatique; rédiger des rapports sommaires et des notes d'information après avoir fait les recherches nécessaires.

ACTIVITÉS PRINCIPALES

Effectuer des recherches sur l’industrie minière afin de repérer des consommateurs de recherches minières et de créer et de maintenir des dossiers de client et d’autres dossiers ainsi que des bases de données de sociétés; analyser les données courantes et antérieures en matière de recouvrement des coûts; effectuer des recherches et produire, pour la haute direction, des rapports financiers statistiques des opérations de même que des notes d’information sur le segment de marché potentiel.

Mener des recherches à l’appui des stratégies de marketing déterminées par les gestionnaires du programme et d’autres gestionnaires; communiquer avec les clients actuels et antérieurs pour obtenir leur rétroaction et pour cerner leurs besoins en matière de recherche; effectuer des rapports des résultats de vive voix et par écrit.

Recenser les clients externes, les universités, les organisations de l’industrie et les sociétés de recherche afin de promouvoir la recherche scientifique et le transfert de technologie au sein de l’industrie minière.

Produire des documents promotionnels et d’information sur les programmes, les activités et les capacités de la Division en recueillant de l’information technique, en rédigeant et en révisant des textes sur les programmes de la Division et en négociant des contrats pour la fabrication de produits sélectionnés.

Promouvoir les services et les capacités de la Division, concourant ainsi à la croissance, à la rentabilité et à la sécurité de l’industrie minière et à la protection de l’environnement, par Internet, au moyen de matériel publicitaire, en personne, par téléphone, auprès des représentants des sociétés et des organisations de l’industrie ainsi que dans le cadre de conférences et de salons professionnels.

Établir et entretenir des liens avec la communauté des changements climatiques au sein des organisations fédérales, provinciales et non gouvernementales et dans le secteur privé; assurer le suivi des ententes et des rapports de façon à aider la recherche scientifique et le transfert de la technologie.

Effectuer le suivi des activités, recueillir les données et faire rapport concernant les principaux indicateurs de rendement, les dernières prévisions budgétaires et les autres mesures du rendement de la Division sur le marché.

[Traduction]

54Au cours de son contre-interrogatoire, M. MacMillan a admis qu’un grand nombre de ces fonctions n’étaient pas exercées par Mme Delorme. Il a indiqué que plusieurs d’entre elles étaient en grande partie assumées par d’autres ou qu’il n’avait jamais attribué ces tâches à Mme Delorme. Il a indiqué que le document « Objectifs de travail » [traduction] avait été rédigé pour l’avenir. Il a également affirmé que Mme Delorme consacrait plus de la moitié de son temps à la clôture du PCC.

55M. MacMillan a confirmé que Mme Delorme n’avait ni créé ni préparé de base de données sur les sociétés minières. Elle n’avait pas effectué de recherche sur l’industrie, car il s’en était lui-même chargé. Elle n’avait pas dressé de profils commerciaux des clients, pas plus qu’elle n’avait analysé les données courantes et antérieures en matière de recouvrement des coûts. Elle n’avait pas mené de recherches sur les statistiques économiques ni préparé ces dernières. Elle n’avait pas non plus produit de rapport sur les besoins en recherche ni préparé de notes d’information sur le segment de marché potentiel. Elle n’avait pas négocié de contrat, puisque c’est la plaignante qui s’en chargeait. M. MacMillan ne se souvenait pas que Mme Delorme ait pris part à un salon professionnel du temps où il était gestionnaire. Néanmoins, elle avait créé de nouvelles affiches, car il fallait du matériel à jour pour les salons professionnels. Elle avait préparé des rapports financiers. Elle avait également assumé la liaison avec des sociétés concernant la fermeture du PCC. Finalement, elle avait rédigé des notes d’information destinées à M. Hynes à propos de la fermeture du PCC.

56M. MacMillan a indiqué que c’est en l’évaluant en fonction des critères de mérite qu’il avait déterminé que Mme Delorme possédait les qualifications essentielles pour le poste à durée indéterminée. Les qualifications essentielles et les qualifications constituant un atout étaient les suivantes :

Études :

Certificat, diplôme ou grade acceptable qui fait état d’une spécialisation acceptable en comptabilité, en administration des affaires, en commerce, en économie, en droit, en gestion ou en marketing et qui a été décerné par un établissement d’enseignement reconnu.

Éxigences linguistiques :

Bilingue impératif, niveau : CBC/CBC

Expérience :

Expérience de la gestion financière.

Expérience de la gestion de projet.

Connaissances :

Connaissance de la gestion de projet.

Connaissance des stipulations contractuelles dans le cas des projets.

Capacités :

Capacité de coordonner des activités de développement des affaires.

Capacité de commercialiser de la recherche et de la technologie auprès d’éventuels clients de l’extérieur.

Capacité de communiquer les buts et les objectifs d’un projet ainsi que les attentes quant au rendement d’un projet.

Capacité de travailler en autonomie.

Capacité de travailler sous pression.

Qualités personnelles :

Sens de l’initiative

Tact

Jugement sûr

Capacité d’entretenir des relations interpersonnelles efficaces

Qualifications constituant un atout

Connaissance de l’industrie minière canadienne.

Expérience de l’examen de propositions et de rapports techniques rédigés par des experts scientifiques, afin de s’assurer de leur structure, de leur présentation matérielle et de leur clarté et de veiller à ce qu’ils soient complets.

Connaissance du mandat et de l’organisation des Laboratoires des mines et des sciences minérales, et du programme sur le changement climatique.

57M. MacMillan a expliqué que cette évaluation de Mme Delorme reposait sur sa connaissance personnelle et sur les commentaires des gestionnaires. Il estimait que cette dernière avait démontré qu’elle possédait les qualifications essentielles et que, compte tenu du roulement du personnel au sein du Bureau des affaires, l’organisation avait intérêt à la retenir.

58Au cours du contre-interrogatoire, M. MacMillan a indiqué qu’il avait préparé l’énoncé des critères de mérite (ECM) avant janvier 2007, mais qu’il ne se souvenait pas de la date exacte. Il a confirmé que l’expérience et les connaissances nécessaires se rapportaient à la gestion financière, à la gestion de projet et aux stipulations contractuelles. Au chapitre des capacités, il a reconnu que la capacité de coordonner des activités de développement des opérations et la capacité de commercialiser la recherche et la technologie étaient nécessaires. Il a été interrogé à propos de la description de travail générale de RNCan pour un poste de CO-01 où il est précisé que les fonctions d’un tel poste consistent à mener des recherches et des analyses en vue de soutenir le développement économique. On y fait également état que ce poste exige la connaissance des techniques de recherche, d’analyse et de consultation, des tendances du marché ainsi que des principes du marketing et de l’expansion commerciale.

59On a demandé à M. MacMillan de quelle manière il avait pu évaluer que Mme Delorme possédait la capacité de commercialiser la recherche et la technologie. Il a répondu qu’il l’estimait en mesure de faire de la commercialisation parce qu’elle avait une allure professionnelle et qu’elle était bien vêtue. Il a indiqué qu’il y a une distinction entre le fait d’avoir la capacité de faire quelque chose et de le faire réellement. S’il avait évalué qu’elle avait la capacité de communiquer les buts d’un projet, c’est qu’il croyait qu’elle était en mesure de le faire.

60On a également demandé à M. MacMillan, en contre-interrogatoire, la raison pour laquelle il croyait justifié que Mme Delorme soit nommée rétroactivement et rémunérée pour des tâches qu’elle n’exécutait pas. Il a répondu qu’en vertu de la convention collective, un employé avait le droit de toucher une rémunération d’intérim s’il exerçait les fonctions d’un poste de niveau supérieur.

61La plaignante est revenue de son congé de maternité au début de janvier 2007. Elle était coordonnatrice des marchés (PC-02) au Bureau des affaires. Elle a affirmé que M. MacMillan ne partageait pas volontiers quelque information que ce soit, avec les employés. De même, ce dernier ne semblait pas comprendre les rouages du Bureau. C’est un collègue qui a appris à la plaignante qu’une notification avait été affichée sur Publiservice relativement à la nomination intérimaire de Mme Delorme dans leur bureau à titre de CO-01. Elle a expliqué qu’elle avait appris cette nouvelle par hasard, car les employés n’en avaient pas été avisés autrement et qu’il était inhabituel de regarder les avis relatifs aux postes CO, puisqu’il n’y avait pas de postes de ce groupe dans le bureau, antérieurement.

62La plaignante a expliqué qu’au départ, elle avait fait abstraction de l’avis de possibilité d’emploi envoyé par courriel en août 2006, car elle n’avait pas d’intérêt pour les postes administratifs. Puisque le courriel faisait référence à la fermeture du PCC, elle en avait déduit qu’il s’agissait d’un poste temporaire. En revanche, si le courriel du 28 août 2006 avait fait état de la description du poste CO-01 ou d’un aspect technique ou scientifique quelconque, le poste l’aurait intéressée. Elle a également précisé que la différence de rémunération entre son poste de PC-02 et celle d’un poste CO-01 n’avait pas beaucoup d’importance à ses yeux.

63La plaignante a expliqué qu’il n’y avait aucun lien entre la description de travail du poste CO-01 et les fonctions décrites dans le courriel du 28 août 2006 ou les fonctions exercées par Mme Delorme. Elle a indiqué que Mme Delorme accomplissait des tâches de nature administrative dans le cadre de la clôture du PCC et qu’elle ne mentionnait jamais d’activités de développement des opérations lors des réunions d’équipe. Elle a aussi expliqué que Mme Delorme coordonnait des tâches administratives ainsi que le rapport annuel. Elle préparait les prévisions budgétaires mensuelles, un travail qui, précédemment, était effectué par une personne qui occupait un poste AS-01. Elle a également déclaré que Mme Delorme n’exerçait aucune des fonctions liées au développement des opérations énumérées dans la description de travail du poste CO-01 et qu’il n’y avait pas d’activités de développement des opérations au Bureau des affaires. Les tâches que Mme Delorme accomplissaient relativement à la clôture du PCC n’avaient pas trait au développement des opérations, mais consistaient plutôt à contrôler les dépenses, puisque le programme ne générait pas de revenus.

64La plaignante a expliqué que les tâches de développement des opérations d’un agent des affaires commerciales exigeaient de cette personne qu’elle établisse des contacts avec des clients dans le cadre de conférences ou sur place afin de commercialiser l’expertise scientifique de RNCan. Les contacts visent, dans le meilleur des cas, à attirer des projets reposant sur le principe du recouvrement des coûts ou d’assurer une participation dans un consortium de sociétés. Si Mme Delorme avait effectué des tâches de développement des opérations, elle aurait dû en faire rapport au gestionnaire ou au scientifique du domaine responsable, et discuter de ses rencontres avec les clients. La plaignante a assuré qu’en sa qualité de coordonnatrice des marchés, elle aurait entendu parler de ces activités puisque les deux emplois étaient liés.

65La plaignante a indiqué que le fait que Mme Delorme ait reçu une rémunération d’intérim, à titre de PC-01, jusqu’à son arrivée au Bureau des affaires en juin 2006 est la preuve que sa nomination à un poste CO-01 était planifiée et démontre le traitement préférentiel dont elle a fait l’objet. De plus, selon la plaignante, le fait que Mme Delorme ne répondait pas aux exigences en matière d’études pour un poste PC constitue un autre signe de favoritisme personnel. Elle croit que le courriel du 28 août 2006 était délibérément trompeur.

66La plaignante a de plus expliqué que, faute de formation scientifique, Mme Delorme n’était pas en mesure de commercialiser la recherche et la technologie auprès de clients externes potentiels et qu’elle ne répondait pas à ce critère de mérite pour le poste d’agent de développement des opérations. Elle a soutenu que l’ECM avait été rédigé sur mesure pour Mme Delorme. Elle a notamment fait référence à l’exigence portant sur la connaissance du PCC qui, malgré le fait que celui-ci ait pris fin et ne générait aucun revenu, comptait parmi les qualifications constituant un atout. Selon la plaignante, il s’agit d’un exemple de qualification qui n’aurait pas dû être essentielle pour le poste d’agent de développement des opérations.

67Le 13 avril 2007, Mme Laverdure a envoyé un courriel avisant le personnel que M. MacMillan quitterait le Bureau des affaires le 20 avril 2007. Le courriel était libellé comme suit : « Comme vous le savez, John, dont le poste d’attache est aux Ressources humaines, était en affectation au Bureau des affaires pour un an. » [Traduction] En contre-interrogatoire, M. Hynes a confirmé que certains gestionnaires savaient que M. MacMillan avait été nommé rétroactivement à un poste CO-03. Il ne se souvenait pas précisément d’avoir demandé à Mme Laverdure d’envoyer ce courriel.

68Mme Bourque a déclaré qu’elle avait été traitée injustement par M. MacMillan et que celui-ci avait fait preuve de favoritisme personnel à l’égard de Mme Delorme. À la suite du départ d’un employé qui occupait un poste AS-02, Mme Bourque avait accompli certaines des tâches de ce dernier, et Mme Mingie-Cahill avait demandé une réévaluation de la classification du poste de Mme Bourque. Cette dernière a déclaré que M. MacMillan avait indûment mis un terme à sa reclassification mais que, en revanche, il avait personnellement favorisé Mme Delorme en la nommant très rapidement à un poste CO-01, alors que celle-ci occupait un poste AS-02. Elle était étonnée que la notification de nomination pour une durée indéterminée de Mme Delorme arrive une semaine seulement, ou à peu près, après la notification concernant sa nomination intérimaire rétroactive. Mme Bourque a commencé à chercher un autre poste et a quitté le Bureau des affaires le 1er avril 2007.

69La candidature de Mme Delorme a été proposée pour un prix relativement à sa contribution à la fermeture du PCC. Mme Mingie-Cahill a expliqué qu’il s’agissait d’une démarche inusitée, car la contribution de Mme Delorme était moindre que celle de Mme Wilson, qui était responsable du programme. Il aurait été plus logique de proposer un prix d’équipe. Elle a expliqué, en contre-interrogatoire, que si les gestionnaires pouvaient proposer la candidature d’employés pour des prix, seul M. Hynes était en mesure d’approuver une mise en candidature officielle.

70Mme Mingie-Cahill a expliqué qu’il n’était pas nécessaire de récompenser Mme Delorme par un prix, car la classification de son poste au Bureau des affaires au groupe et niveau CO-01 représentait une compensation appréciable. Au cours du contre-interrogatoire, Mme Mingie-Cahill a aussi précisé que le traitement assorti à la classification CO-01 équivaut à celui de la classification AS-04, qui est plus élevé de deux échelons que le poste d’attache AS-02 de Mme Delorme. Elle a expliqué que cette situation était inhabituelle et qu’elle-même n’avait jamais été témoin d’une promotion permettant de gagner deux échelons aux LMSM.

71M. Hynes a indiqué qu’il n’était pas étonné d’entendre que Mme Delorme n’avait pas exercé toutes les fonctions du poste, « car il faut un certain temps pour bien connaître ses dossiers» [Traduction]. Depuis le départ de M. MacMillan du Bureau des affaires, trois ou quatre gestionnaires de programme l’ont remplacé à tour de rôle en attendant un remplaçant permanent. Durant cette période de rotation, aucun des gestionnaires n’avait soulevé d’inquiétude à propos de Mme Delorme. M. Hynes a expliqué qu’elle avait quitté RNCan et qu’elle travaille dorénavant dans un autre ministère en qualité d’agente financière. Au moment de l’audience, le poste qu’elle avait occupé était vacant depuis plusieurs mois, et le même ECM avait été conservé. Il a confirmé, en contre-interrogatoire, que le poste avait été annoncé récemment, qu’environ vingt employés ont manifesté leur intérêt pour celui-ci et que six d’entre eux ont été retenus à la présélection.

Législation et lignes directrices pertinentes

72L’abus de pouvoir n’est pas défini dans la LEFP, mais le paragraphe 2(4) prévoit ce qui suit: « Il est entendu que, pour l’application de la présente loi, on entend notamment par "abus de pouvoir" la mauvaise foi et le favoritisme personnel. »

73Les plaintes en l’espèce ont été présentées en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la LEFP, qui fait référence aux conditions énoncées au paragraphe 30(2) de la LEFP pour qu’une nomination soit fondée sur le mérite. Ces plaintes ont également été présentées en vertu de l’alinéa 77(1)b) de la LEFP,qui fait référence au choix du processus. Ces dispositions sont rédigées comme suit :

77. (1) Lorsque la Commission a fait une proposition de nomination ou une nomination dans le cadre d’un processus de nomination interne, la personne qui est dans la zone de recours visée au paragraphe (2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement du Tribunal, présenter à celui-ci une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination pour l’une ou l’autre des raisons suivantes :

  1. abus de pouvoir de la part de la Commission ou de l’administrateur général dans l’exercice de leurs attributions respectives au titre du paragraphe 30(2);
  2. abus de pouvoir de la part de la Commission du fait qu’elle a choisi un processus de nomination interne annoncé ou non annoncé, selon le cas;

[…]

30. (2) Une nomination est fondée sur le mérite lorsque les conditions suivantes sont réunies :

  1. selon la Commission, la personne à nommer possède les qualifications essentielles — notamment la compétence dans les langues officielles — établies par l’administrateur général pour le travail à accomplir;
  2. la Commission prend en compte :
    1. toute qualification supplémentaire que l’administrateur général considère comme un atout pour le travail à accomplir ou pour l’administration, pour le présent ou l’avenir,
    2. toute exigence opérationnelle actuelle ou future de l’administration précisée par l’administrateur général,
    3. tout besoin actuel ou futur de l’administration précisé par l’administrateur général.

74Le pouvoir de la Commission de la fonction publique (CFP) d’établir des lignes directrices est mentionné à l’article 16 et au paragraphe 29(3) de la LEFP, qui sont libellés comme suit :

16. L’administrateur général est tenu, lorsqu’il exerce les attributions de la Commission visées à l’article 15, de se conformer aux lignes directrices visées au paragraphe 29(3).

29. (3) La Commission peut établir des lignes directrices sur la façon de faire et de révoquer les nominations et de prendre des mesures correctives.

75Les dispositions suivantes du Règlement sur l’emploi dans la fonction publique, DORS/2005-334 (le REFP) concernent les nominations intérimaires :

12. Les nominations intérimaires sont soustraites à l'application de l’article 40, des paragraphes 41(1) à (4) et de l’article 48 de la Loi.

13. Lorsque les nominations ci-après sont faites ou proposées dans le cadre d'un processus de nomination interne, la Commission avise par écrit les personnes qui sont dans la zone de recours, au sens du paragraphe 77(2) de la Loi, du nom de la personne qu'elle propose ainsi de nommer ou qu'elle a ainsi nommée, selon le cas, de leur droit de porter plainte et des raisons pour lesquelles elles peuvent le faire :

  1. la nomination intérimaire de quatre mois ou plus;
  2. la nomination intérimaire portant la durée cumulative de la nomination intérimaire d'une personne à quatre mois ou plus.

14. (1) La nomination intérimaire de moins de quatre mois est soustraite à l'application des articles 30 et 77 de la Loi pourvu qu'elle ne porte pas la durée cumulative de la nomination intérimaire d'une personne à ce poste à quatre mois ou plus.

76Les dispositions suivantes des lignes directrices de la CFP et de RNCan concernant le choix du processus de nomination sont pertinentes :

Lignes directrices de la CFP sur le choix du processus de nomination

Exigences des lignes directrices

En plus d'être responsables du respect de l'énoncé des lignes directrices, les administrateurs généraux et les administratrices générales doivent :

  • respecter toute exigence et procédure mises en oeuvre pour administrer les droits de priorité des personnes (p. ex., l'utilisation obligatoire d'un répertoire);
  • établir un mécanisme de surveillance et d'examen des processus de nomination suivants :
    • les nominations intérimaires de plus de 12 mois;
    • la nomination d'employées ou d'employés occasionnels pour une période déterminée ou d'une durée indéterminée au moyen de processus non annoncés;
    • les nominations au groupe de la direction par des processus non annoncés;
  • établir et communiquer les critères régissant l'utilisation de processus non annoncés;
  • s'assurer que la justification écrite démontre comment un processus non annoncé respecte les critères établis et les valeurs en matière de nomination.

Cette exigence ne s'applique pas aux nominations intérimaires de moins de quatre mois, sauf si la même personne est nommée au même poste à titre intérimaire dans les 30 jours civils.

Lignes directrices en matière de choix du processus de nomination (RNCan) :

[…] Dans certaines circonstances, les gestionnaires peuvent opter pour un processus de nomination non annoncé.

Le processus de nomination non annoncé est, de l’avis de la CFP, à risque élevé, en raison des possibilités d’abus. Par conséquent, le gestionnaire doit préparer une justification écrite sur le gabarit de RNCan (formulaire de justification) et la conserver dans le dossier de dotation des ressources humaines pour usage ultérieur, y compris pendant les phases de surveillance et de rapport.

Dans la justification, on doit faire ressortir la situation de travail justifiant la décision du gestionnaire de recourir à un processus de nomination non annoncé. Les gestionnaires peuvent se reporter à la liste de critères de RNCan pour l’élaboration de leur justification. Dans les circonstances autres que celles mentionnées à la liste, on doit fournir une justification plus détaillée.

Lorsque le gestionnaire décide de recourir à un processus non annoncé, il doit se souvenir des facteurs suivants :

  • Le gestionnaire doit maintenir les valeurs d’équité, de transparence et d’accessibilité et est lié par elles.
  • Le gestionnaire subdélégataire comprend et est conscient que la non-observation pourrait entraîner la révocation de ses pouvoirs de dotation subdélégués.
  • Le gestionnaire respecte les normes d’intégrité les plus élevées en matière de vérification.

[Traduction]

Argumentation des parties et analyse

Question 1 : La plaignante a-t-elle le droit de porter plainte?

77L’intimé soutient que la plaignante semble présenter une plainte au nom d’autres employés et qu’elle n’a aucun intérêt personnel en ce qui a trait aux plaintes en l’espèce. L’intimé affirme qu’un plaignant n’a pas qualité pour porter plainte au nom d’autres plaignants éventuels. Cette affirmation s’appuie sur la décision Visca c. le Sous-ministre de la Justice et al.,[2006] TDFP 0016. L’intimé fait valoir que la nomination au poste CO-01 aurait représenté une diminution de traitement de l’ordre de 7 000 $ pour la plaignante et que celle-ci n’avait donc aucun intérêt pour ce poste.

78La plaignante soutient qu’elle a un intérêt personnel en ce qui a trait aux plaintes en l’espèce, comme elle l’a démontré dans son témoignage.

79Pour présenter une plainte, le plaignant doit avoir un intérêt personnel dans la nomination. Ce principe ressort clairement du paragraphe 77(1) de la LEFP: « une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination ». Une plainte doit se rapporter personnellement au plaignant, puisqu’une personne ne peut porter plainte que contre le fait qu’elle n’a pas été nommée et non contre le fait que d’autres personnes ne l’ont pas été. Voir la décision Visca et la décision Evans c. Sous-ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien,[2007] TDFP 0004.

80Dans un processus de nomination annoncé, un employé dans la zone de sélection peut faire part de son intérêt personnel pour un poste en présentant sa candidature à celui-ci. Cette démarche n’est pas possible lorsqu’il s’agit d’un processus de nomination non annoncé. Néanmoins, un employé est également en mesure d’exprimer son intérêt personnel en présentant une plainte au motif qu’il n’a pas été nommé. Le critère permettant d’établir la présence d’un intérêt personnel en ce qui concerne un poste ne devrait pas être plus rigoureux dans le cadre d’un processus non annoncé que d’un processus annoncé. Dans un cas comme dans l’autre, le Tribunal statuera sur le droit d’un plaignant à porter plainte en se fondant sur les éléments de preuve et l’argumentation présentée par les parties.

81En l’espèce, le Tribunal juge que les éléments de preuve présentés par la plaignante témoignent de son intérêt personnel en ce qui a trait aux présentes plaintes. Ces éléments de preuve en regard de son intérêt pour le poste n’ont pas été réfutés. L’affirmation de l’intimé selon laquelle une personne n’accepterait pas de voir son salaire diminuer pour obtenir un poste n’est qu’une simple conjecture, et aucun élément de preuve n’a été présenté à cet égard.

82 Par conséquent, le Tribunal estime que la plaignante avait le droit de présenter au Tribunal une plainte au motif qu’elle n’a pas été nommée en raison d’un abus de pouvoir.

Question II : L’affectation constituait-elle une nomination?

Argumentation des parties

83La plaignante affirme que l’affectation était en fait une nomination intérimaire. Elle soutient que le courriel du 28 août 2006 ne réunissait pas les conditions nécessaires pour faire office d’avis de possibilité d’emploi pour une nomination intérimaire. Le courriel était trompeur et avait pour but de décourager des employés de poser leur candidature.

84Au départ, dans sa réponse aux allégations, l’intimé a indiqué que la nomination intérimaire avait fait l’objet d’un processus annoncé et a fait référence au courriel du 28 août 2006. Il a précisé plus tard dans son argumentation qu’il s’agissait d’un processus de nomination non annoncé et que la perspective d’emploi annoncée visait une affectation.

85L’intimé soutient que la LEFP ne confère aucun droit de présenter une plainte à l’encontre de l’affectation de Mme Delorme et qu’il y a eu un droit de recours seulement lorsqu’une nomination a été effectuée.

86La CFP n’a pas présenté d’argumentation à cet égard.

Analyse

87L’article 1 du REFP contient une définition de la nomination intérimaire. Selon cette définition, un employé est nommé de façon intérimaire lorsqu’il exerce temporairement les fonctions d’un autre poste, dans le cas où l’exercice de ces fonctions aurait constitué une promotion, si ce fonctionnaire avait été nommé à ce poste pour une durée indéterminée. Les articles 12 et 13 du REFP indiquent que la notification d’une nomination intérimaire de moins de quatre mois n’est pas nécessaire, pourvu qu’elle ne porte pas la durée cumulative de la nomination intérimaire d’une personne à quatre mois ou plus. De même, conformément au paragraphe 14(1) du REFP, une nomination intérimaire de moins de quatre mois ne peut ouvrir droit à un recours en vertu de l’article 77 de la LEFP.

88Selon M. MacMillan, Mme Delorme s’est d’abord vu attribuer des fonctions associées à la fermeture du PCC en janvier 2006, tandis qu’elle travaillait à temps partiel au bureau de M. Hynes. M. MacMillan a aussi déclaré que Mme Delorme avait ensuite été nommée de façon intérimaire, pour une durée de moins de quatre mois, à titre de PC-01 au PCC. Cette nomination intérimaire, qui aurait débuté aux alentours de février 2006, ne pouvait pas être de quatre mois ou plus, puisque Mme Delorme ne répondait pas aux critères de mérite pour ce poste. Le PCC avait été prolongé pour un an, et c’est M. MacMillan qui avait suggéré que Mme Delorme travaille au Bureau des affaires en attendant qu’un nouveau poste soit classifié. Il prévoyait que le poste soit classifié au groupe et niveau CO-01, lesquel équivaut au groupe et niveau PC-01 sur le plan de la rémunération. Le 1er juin 2006, Mme Delorme a commencé une affectation au Bureau des affaires. Le 11 décembre 2006, Mme Delorme a été nommée de façon intérimaire au poste d’agent de développement des opérations, au groupe et niveau CO-01, et ce, rétroactivement au 1er juin 2006.

89Il n’est question d’affectation ni dans la LEFP ni dans le règlement applicable, ni dans la législation antérieure. Les paramètres et les restrictions qui régissent le recours aux affectations ont été établis dans la jurisprudence en vertu de l’ancienne LEFP. Cette jurisprudence doit être revue à la lumière des changements énoncés dans la LEFP, le Tribunal estime utile de l’examiner afin de régler cette question.

90Une affectation peut se définir comme le déplacement temporaire d’un employé, au sein d’un ministère du gouvernement, afin d’exercer les fonctions d’un poste existant ou pour réaliser un projet spécial. Pendant son affectation, l’employé conserve son poste d’attache et exerce des fonctions au même groupe et niveau. L’employé n’est pas titularisé au poste d’affectation; il est prévu qu’il retourne ensuite à son poste d’attache. Voir la décision Elmore c. Canada (Procureur général), [2000] A.C.F. No 119 (QL).

91Il a été reconnu dans la jurisprudence que les gestionnaires doivent disposer d’une marge de manoeuvre raisonnable pour offrir des affectations temporaires sans que cela n’entraîne l’application du mérite, ni l’exercice du droit de recours. Toutefois, il y a des limites à ce principe et, selon les circonstances particulières de chaque cas, il peut être déterminé qu’une affectation constitue en fait une nomination. Dans les cas où il a été établi que la marge de manoeuvre permettant les affectations n’avait pas été utilisée de façon juste et raisonnable, les tribunaux ont statué que l’affectation était en fait une nomination et ont révoqué celle-ci. Dans la décision Doré c. Canada, [1987] 2 R.C.S. 503, qui porte sur une situation où un employé avait été affecté à titre temporaire à un nouveau poste en attendant la classification du poste, la Cour suprême du Canada a conclu qu’il s’agissait en fait d’une nomination et a révoqué celle-ci. Voir aussi la décision Canada (Procureur général) c. Brault, [1987] 2 R.C.S. 489; la décision Peet c. Canada (Conseil du Trésor), (30 juin 1993) no de greffe T-160892 (C.F. 1re inst.); et la décision Canada (Procureur général) c. Davidowski, [1994] 88 F.T.R. 234.

92Il est indiscutable que Mme Delorme a été nommée de façon intérimaire rétroactivement au 1er juin 2006. Il se peut que l’arrangement ait fonctionné comme une affectation du 1er juin 2006 jusqu’à la nomination; toutefois, compte tenu de son caractère rétroactif, la nomination intérimaire a supplanté toute affectation ayant pu être en place. En outre, en se fondant sur les éléments de preuve, le Tribunal conclut que, d’entrée de jeu, l’intention n’était pas que ce soit une affectation.

93Le 6 mars 2007, M. Hynes a annoncé dans un courriel que Mme Delorme serait dorénavant en affectation de perfectionnement au PCC. Or, il s’agissait d’une nomination intérimaire à un poste PC-01. Sur le plan de l’échelle salariale, ce poste était classé à deux échelons supérieurs à son poste d’attache, qui était de groupe et de niveau AS-02. La nomination intérimaire ne pouvait pas être prolongée, puisqu’elle aurait pu faire l’objet d’un recours si sa durée cumulative avait totalisé quatre mois ou plus et que Mme Delorme ne répondait pas aux critères de mérite pour le poste. M. Hynes était convaincu que cette dernière serait en mesure de clore le programme et, en mai 2006, il a discuté avec M. MacMillan de l’affectation de Mme Delorme au Bureau des affaires en attendant que le poste soit classifié.

94Le 1er juin 2006, Mme Delorme a commencé une affectation à un nouveau poste au Bureau des affaires, mais elle relevait toujours de M. Hynes. Ses fonctions étaient toujours liées à la clôture du PCC, à l’instar de celles qu’elle exerçait lorsqu’elle occupait de façon intérimaire un poste PC-01, mais elle était dorénavant payée selon son poste d’attache. En juin 2006, M. MacMillan lui avait fait savoir que, sous réserve d’une décision de classification, le poste devait être classifié au groupe et niveau CO-01. Le poste CO-01 était classé à deux niveaux supérieurs à son poste d’attache et équivalait à un poste PC-01 sur le plan de la rémunération.

95Le Tribunal estime que l’affectation de Mme Delorme au Bureau des affaires constituait en fait une nomination intérimaire. D’entrée de jeu, l’intention était d’utiliser l’affectation, jusqu’à ce que le poste soit classifié, pour continuer la nomination intérimaire au PCC, laquelle avait débuté aux alentours de février 2006. Le nouveau poste n’était pas destiné à être temporaire, et le plan était qu’il devienne permanent. De surcroît, il n’était pas censé être au niveau du poste d’attache, car on prévoyait qu’il soit classifié au groupe et niveau CO-01, dont la rémunération équivaut à celle du groupe et niveau PC-01. Enfin, le fait que Mme Delorme a été nommée rétroactivement à la date correspondant au début de son affectation au Bureau des affaires est un élément de preuve supplémentaire démontrant que l’affectation constituait une nomination intérimaire.

96Pour toutes ces raisons, le Tribunal estime que l’affectation constituait, en fait, une nomination intérimaire.

Question III : Si la réponse à la question (ii) est positive, l’intimé a-t-il mené un véritable processus d’évaluation en vue de sélectionner une personne apte à exercer les fonctions de ce poste?

Argumentation des parties

97La plaignante soutient que le courriel était un leurre minutieusement fabriqué pour tromper étant donné qu’il était axé sur les changements climatiques et les responsabilités associées au marketing et à l’administration d’une nouvelle base de données en ligne sur les recherches minières courantes. De même, le courriel faisait état d’une affectation de perfectionnement et d’une possibilité d’emploi, mais Mme Delorme travaillait déjà au Bureau des affaires depuis le 1er juin 2006 à des tâches administratives liées à la clôture du PCC.

98La plaignante soutient que, compte tenu de la composition du comité d’évaluation et du moment où l’entrevue a eu lieu, l’évaluation de Mme Delorme en vue de l’affectation a été inadéquate. Le fait que les questions ont été préparées avant que l’ECM soit terminé n’était pas une coïncidence. L’information fournie à Mme Delorme n’a pas été communiquée aux autres candidats.

99La plaignante affirme que les outils d’évaluation utilisés dans un processus de dotation doivent rencontrer les normes de caractère raisonnable conformément à l’objet de la LEFP. Or, l’une de ces normes consiste à utiliser des outils objectifs. Comme le Tribunal l’a relevé dans le paragraphe 37 de la décision Jolin c. Administrateur général de Service Canada et al.,[2007] TDFP 0011 :

[…] un abus de pouvoir pourrait être commis dans le choix d’une méthode d’évaluation qui aurait pour effet de favoriser indûment un individu, ou de chercher à nuire à certains candidats ou de discriminer contre des personnes sur la base de leur sexe, âge et autres motifs illicites. L’évaluation qui suivrait en se servant d’une méthode déficiente pourrait paraître tout à fait impartiale mais l’abus de pouvoir aurait été commis dans le choix de la méthode pour évaluer la personne à nommer.

100L’intimé soutient que la possibilité d’exercer un droit de recours a été déclenchée au moment où les notifications relatives à la nomination intérimaire et à la nomination pour une durée indéterminée ont été affichées. Avant janvier 2007, personne n’avait le droit de porter plainte parce que la direction ne faisait qu’attribuer du travail à Mme Delorme. La décision de classification, qui a été arrêtée en décembre 2006, a entraîné la nomination et ce n’est qu’à ce moment-là qu’une justification a pu être préparée relativement au choix d’un processus de nomination non annoncé.

Analyse

101Il y a deux versions quant à la nature de ce processus de sélection. MM. Hynes et MacMillan ont expliqué que le courriel du 28 août 2006, concernant l’affectation et les entrevues qui ont suivi, s’inscrivait dans le cadre d’un véritable processus d’évaluation visant la sélection d’une personne pour une affectation et qu’il n’avait pas été préétabli que la candidature de Mme Delorme serait retenue. Selon la plaignante, la décision de nommer Mme Delorme au Bureau des affaires était déjà prise lorsque cette dernière a commencé son affectation le 1er juin 2006. À l’appui de cette allégation, elle affirme que le courriel d’août 2006 et les entrevues qui ont suivi faisaient partie d’un subterfuge visant à cacher cette décision et à décourager les employés de poser leur candidature.

102Le Tribunal doit évaluer la crédibilité de ces versions des faits et déterminer laquelle il retiendra. Le critère à appliquer lorsque la crédibilité est en cause, est bien établi. En effet, le Tribunal doit déterminer, selon la prépondérance des probabilités, laquelle des versions une personne informée et douée de sens pratique reconnaîtrait d’emblée comme raisonnable dans les circonstances. Voir la décision Faryna v. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354 (C.A. C.-B.), page 357, et Glasgow c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et al., [2008] TDFP 0007, paragraphes 45 et 46.

103Mme Delorme ne pouvait pas demeurer au poste PC-01, et le PCC avait été prolongé pour un an jusqu’en mars 2007. M. Hynes était convaincu que Mme Delorme serait en mesure de clore le programme et souhaitait qu’elle continue à exercer ces fonctions. Il l’a donc affectée au Bureau des affaires. Le plan prévoyait qu’elle y soit affectée jusqu’à ce que le poste soit classifié au groupe et niveau CO-01, dont la rémunération équivaut à celle du groupe et niveau PC-01. Il était aussi prévu que le poste serait doté pour une durée indéterminée.

104Dans un courriel daté du 28 août 2006, M. Hynes a indiqué qu’il prévoyait combiner deux fonctions différentes en un seul poste au Bureau des affaires. Il a déclaré qu’il devait nommer une personne pour gérer le PCC jusqu’à ce qu’il se termine en mars 2007. Comme il s’agissait d’un poste à mi-temps, il devait être complété par des fonctions ayant trait à la gestion de projet pour le marketing et l’administration d’une nouvelle base de données en ligne sur la recherche minière en cours au Canada.

105Lorsque Mme Beaudoin a interrogé M. MacMillan au sujet du poste, celui-ci lui a indiqué qu’il s’agissait de clore les opérations du PCC en six mois, et que les tâches administratives connexes pourraient prendre jusqu’à un an. Il lui a expliqué que la personne choisie serait rémunérée au taux du groupe et niveau de son poste d’attache. Mme Beaudoin a immédiatement compris qu’il s’agissait d’une affectation. Même si le courriel faisait référence à une nomination, M. MacMillan a également précisé à Mme Mingie-Cahill que le poste était au niveau du poste d’attache, ce qui, encore là, a fait croire à celle-ci qu’il s’agissait d’une affectation.

106M. MacMillan n’a informé ni Mme Beaudoin ni Mme Mingie-Cahill que le poste devait être classifié au groupe et niveau CO-01. Or, il a donné cette information à Mme Delorme en juin 2006. Il n’a pas montré la description de travail du poste CO-01 aux autres candidats, mais il en a discuté avec Mme Delorme.

107Une personne informée et douée de sens pratique en conclurait que, selon la prépondérance des probabilités, il était déjà préétabli que Mme Delorme allait exercer ces fonctions. Cette personne en conclurait également, selon la prépondérance des probabilités, que l’envoi du courriel d’août 2006 ainsi que le processus d’évaluation d’octobre 2006 ont été effectués dans le but de simuler un processus d’évaluation véritable, juste avant que le poste ne soit classifié. M. Hynes était convaincu que Mme Delorme serait en mesure de clore le programme, mais sa nomination intérimaire en qualité de PC-01 ne pouvait pas être prolongée. Il restait des fonds dans le programme pour payer son salaire, et il souhaitait la récompenser car elle les avait « tirés d’embarras » [Traduction]. Lorsque des employés ont demandé des renseignements concernant la perspective d’emploi, ils se sont fait répondre qu’il s’agissait d’un poste temporaire au niveau du poste d’attache et de nature administrative. La possibilité d’emploi a été annoncée à la fin du mois d’août 2006, et les entrevues ont été menées à la fin d’octobre 2006. Pourtant, Mme Delorme exerçait les fonctions en question depuis le début de 2006. Elle recevait une rémunération d’intérim correspondant à deux échelons supérieurs à son poste d’attache et elle savait qu’il était prévu que le nouveau poste à durée indéterminée serait classifié au groupe et niveau CO-01. Aucun autre candidat n’avait reçu cette information.

108Le Tribunal juge qu’une personne informée et douée de sens pratique conclurait, selon la prépondérance des probabilités, que l’intimé n’a pas mené un véritable processus de sélection. L’annonce était trompeuse et conçue pour décourager les autres candidats. De plus, il était préétabli que Mme Delorme exercerait ces fonctions.

109Pour toutes ces raisons, le Tribunal considère que l’annonce de possibilité d’emploi d’août 2006 ainsi que le processus de sélection mené à la fin d’octobre 2006 ne s’inscrivaient pas dans un véritable processus de sélection puisqu’il était préétabli que Mme Delorme poursuivrait son affectation jusqu’à ce qu’elle soit nommée.

Question IV : L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en choisissant un processus non annoncé pour la nomination intérimaire et la nomination à durée indéterminée?

Argumentation des parties

110La plaignante soutient que le préambule de la LEFP devrait être interprété comme un texte établissant l’objet et les directives de l’application de la Loi. Le préambule et ses principes clés doivent être lus comme un tout, et on devrait avoir recours au sens général des mots pour les interpréter. Un paragraphe important du préambule fait référence aux pratiques d’emploi équitables et transparentes qui caractérisent la fonction publique, au respect envers les employés, à une volonté réelle de dialogue et à des mécanismes de recours efficaces destinés à résoudre les problèmes liés aux nominations.

111La plaignante fait valoir qu’en utilisant des processus non annoncés, l’intimé n’a pas adhéré à la valeur de dotation que constitue la transparence et qui est citée dans le préambule de la LEFP. Il n’a pas produit les annonces publiques ou a omis de procéder à des notifications convenables en ce qui a trait aux nominations intérimaires de Mme Delorme. Selon la plaignante, l’intimé a agi de cette manière dans le passé et a adopté la même approche à l’égard de la nomination intérimaire de M. MacMillan. Dans les deux cas, une rétroactivité appréciable a été appliquée aux dates d’entrée en vigueur de la nomination.

112La plaignante affirme que la justification du recours à un processus non annoncé n’est pas conforme aux lignes directrices du ministère ni à celles de la CFP, et qu’elle n’est pas appuyée par la LEFP. La justification n’a pas été rédigée à temps, car elle a été préparée après les faits, et elle devrait être considérée comme suspecte. Puisqu’il s’agissait d’un nouveau poste et qu’il n’y avait pas d’urgence pressante, il aurait fallu procéder par un processus annoncé.

113La plaignante allègue que l’intimé a abusé de son pouvoir en choisissant un processus non annoncé au mépris de la valeur de dotation qu’est la transparence, qui découle de la LEFP et qui est citée dans son préambule. Elle soutient également que la justification du processus non annoncé n’est pas conforme aux lignes directrices du ministère ni à celles de la CFP en matière de notification.

114La plaignante fait aussi valoir que l’allégation de mauvaise foi est étayée par les éléments de preuve. Le courriel d’août 2006 était manifestement trompeur, et le processus de sélection associé à la possibilité d’emploi était un leurre. Mme Delorme a eu accès à de l’information dont les autres employés ne disposaient pas. Les affirmations catégoriques de M. Hynes selon lesquelles personne n’était intéressé par ce poste ne sont pas appuyées par des faits. D’ailleurs, lorsque ce poste a été annoncé récemment, de nombreux employés ont manifesté leur intérêt et ont été retenus à la présélection.

115L’intimé soutient qu’aucun secret n’a entouré la nomination intérimaire de Mme Delorme ni sa nomination pour une durée indéterminée. Tant qu’il n’y avait pas de poste à doter, il était impossible d’opter soit pour un processus annoncé soit pour un processus non annoncé. Or, la classification du poste a été arrêtée à la mi-décembre 2006, après quoi la nomination intérimaire et la nomination à durée indéterminée ont été effectuées. En choisissant un processus non annoncé, l’intimé a simplement exercé son pouvoir discrétionnaire de ne pas demander de candidatures.

116L’intimé soutient que la transparence n’est pas une exigence législative de la LEFP, et ajoute essentiellement que les lignes directrices en matière de choix du processus de nomination de la CFP et de RNCan sont des documents de référence et sont dépourvues d’autorité juridique.

117L’intimé soutient en outre que les politiques et les lignes directrices n’ont aucune autorité juridique et que la LEFP permet expressément aux gestionnaires de choisir entre un processus annoncé et un processus non annoncé. Selon lui, rien n’exige de la direction qu’elle informe les employés de son intention de pourvoir à des postes au moyen d’un processus annoncé ou d’un processus non annoncé.

118La CFP n’a pas comparu à l’audience, mais elle a présenté des observations écrites. Elle fait valoir que l’intimé aurait abusé de son pouvoir si la décision du gestionnaire d’embauche d’utiliser un processus de nomination non annoncé avait été motivée par un favoritisme personnel à l’égard de la personne nommée ou par la mauvaise foi, ou si l’on avait des motifs de présumer qu’il y a eu de la mauvaise foi.

Analyse

119Comme il est mentionné dans la jurisprudence du Tribunal, le préambule de la LEFP fait partie intégrante de la Loi; il met d’emblée en évidence son objectif législatif. Les articles suivants du préambule sont tout particulièrement dignes de mention :

qu’il demeure avantageux pour le Canada de pouvoir compter sur une fonction publique non partisane et axée sur le mérite […];

le pouvoir de dotation devrait être délégué […] pour que les gestionnaires disposent de la marge de manoeuvre dont ils ont besoin pour effectuer la dotation, et pour gérer et diriger leur personnel de manière à obtenir des résultats pour les Canadiens.

le gouvernement du Canada souscrit au principe d’une fonction publique qui incarne la dualité linguistique et qui se distingue par ses pratiques d’emploi équitables et transparentes, le respect de ses employés, sa volonté réelle de dialogue et ses mécanismes de recours destinés à résoudre les questions touchant les nominations.

120Les objectifs législatifs clés suivants se retrouvent au préambule de la LEFP et sont reflétés à travers la loi. Les nominations doivent être fondées sur le mérite et respecter la dualité linguistique. Les gestionnaires disposent d’un pouvoir discrétionnaire considérable en matière de dotation, mais ils doivent l’exercer conformément à des pratiques d’emploi équitables et transparentes et avec respect envers les employés. Les préoccupations liées aux nominations doivent être résolues par une volonté réelle de dialogue et de mécanismes de recours efficaces. Voir, par exemple, les décisions Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale et al., [2006] TDFP 0008; Rinn c. Sous-ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités et al., [2007] TDFP 0044; et Robert et Sabourin c. le Sous-ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et al., [2008] TDFP 0024, au paragraphe 69.

121La LEFP, le Règlement du TDFP, le REFP et les lignes directrices de la CFP font référence à des pratiques d’emploi équitables et transparentes et au respect envers les employés. Par exemple, il est mentionné dans l’article 48 de la LEFP que l’on doit informer les personnes de la zone de sélection lorsqu’une personne est retenue en vue d’une nomination ou lorsqu’une nomination est effectuée ou proposée. Dans le cas d’un processus annoncé, cette notification doit être donnée aux employés qui ont pris part au processus de nomination. De même, lorsque la candidature d’une personne est éliminée dans le cadre d’un processus de nomination, il est possible de tenir une discussion informelle.

122Le Règlement du TDFP exige que toute l’information pertinente soit communiquée dès qu’une plainte est présentée afin d’en faciliter la résolution. Une plainte peut se résoudre par la médiation lorsqu’il existe une volonté réelle de dialogue et de respect envers les employés. Les audiences du Tribunal constituent, en outre, un moyen d’assurer l’équité et la transparence des pratiques en matière d’emploi ainsi que le respect des employés.

123L’intimé soutient qu’une ligne directrice – Choix du processus de nomination de la CFP n’est qu’une simple politique et qu’elle n’a pas force de loi. Cependant, il y a, aux termes de la LEFP, une obligation pour les administrateurs généraux et leurs délégataires de se conformer aux lignes directrices de la CFP en matière de nomination, comme l’a expliqué le Tribunal dans la décision Robert et Sabourin. Selon le paragraphe 29(3) de la LEFP, la CFP peut établir des lignes directrices concernant la manière d’effectuer des nominations, et les administrateurs généraux sont assujettis à ces lignes directrices conformément à l’article 16 de la LEFP. Le texte français de l’article 16 indique clairement que les administrateurs généraux doivent se conformer à ces lignes directrices. Il est libellé comme suit : « l’administrateur général est tenu […] de se conformer aux lignes directrices […]. » Les lignes directrices de la CFP qui portent sur le choix du processus de nomination sont visées par ces dispositions, et les administrateurs généraux doivent donc s’y conformer.

124La CFP a jugé que les processus non annoncés comportent une part de risque en ce qui a trait à l’équité et à la transparence des pratiques en matière d’emploi. C’est donc par souci d’équité et de transparence que les lignes directrices de la CFP exigent des administrateurs généraux qu’ils établissent et qu’ils communiquent des critères relatifs à l’utilisation des processus non annoncés. Elles exigent également une justification écrite démontrant que le choix d’un processus non annoncé respecte les valeurs de nomination que sont l’accessibilité, l’équité et la transparence.

125Les gestionnaires n’ont pas à prendre plus d’une candidature en considération et la discrétion de choisir de recourir à un processus annoncé ou à un processus non annoncé leur revient en vertu du paragraphe 30(4) et de l’article 33 de la LEFP. Or, ce pouvoir discrétionnaire n’est pas absolu et il doit être exercé conformément à l’objectif législatif de la LEFP. Comme le juge Rand l’a écrit dans la décision Roncarelli c. Duplessis, [1959] R.C.S. 121 page 140; [1959] A.C.S. no 1 (QL) :

[…] il n'y a rien de tel qu'une « discrétion » absolue et sans entraves, c'est-à-dire celle où l'administrateur pourrait agir pour n'importe quel motif ou pour toute raison qui se présenterait à son esprit; une loi ne peut, si elle ne l'exprime expressément, s'interpréter comme ayant voulu conférer un pouvoir arbitraire illimité pouvant être exercé dans n'importe quel but, si fantaisiste et étranger soit-il, sans avoir égard à la nature ou au but de cette loi […].

126Il y a un recours lorsque le choix d’un processus annoncé ou non annoncé n’est pas exercé de façon conforme à des pratiques d’emploi équitables et transparentes. Ce recours consiste à présenter une plainte d’abus de pouvoir en vertu de l’alinéa 77 (1)b) de la LEFP.

127En l’espèce, la plaignante soutient essentiellement que le pouvoir discrétionnaire d’opter pour un processus non annoncé a été exercé de mauvaise foi et non pour les besoins du pouvoir délégué en vertu de la LEFP.

128 La mauvaise foi dans l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire sous-entend traditionnellement l’existence d’une intention illégitime, d’un parti pris oud’un manque d’impartialité. De même, la mauvaise foi est établie dans les cas où une procédure irrationnelle conduit à un résultat incompatible avec l’exercice des fonctions publiques de l’autorité. Voir René Dussault et Louis Borgeat, Administrative Law : A Treatise, 2nd ed. (Toronto : Carswell, 1990) vol. 1, page 425 et vol. 4, page 343.

129Les tribunaux ont reconnu qu’il peut être difficile d’établir une preuve directe de mauvaise foi et ont statué qu’il était possible de le faire au moyen d’une preuve circonstancielle. Un sens plus large a aussi été donné à la mauvaise foi qui ne nécessite pas d’intention dans les cas d’incurie ou d’insouciance grave. Voir les décisions Finney c. Barreau du Québec, [2004] 2 R.C.S. 17, [2004] A.C.S. no 31 (QL); et Entreprises Sibeca Inc. c. Frelighsburg (Municipalité), [2004] 3 R.C.S. 304, [2004] A.C.S. no 57 (QL).

130Comme l’a expliqué la Cour suprême dans le paragraphe 39 de la décision Finney :

Ces difficultés montrent néanmoins que la notion de mauvaise foi peut et doit recevoir une portée plus large englobant l'incurie ou l'insouciance grave. Elle inclut certainement la faute intentionnelle, dont le comportement du procureur général du Québec, examiné dans l'affaire Roncarelli c. Duplessis, [1959] R.C.S. 121, représente un exemple classique. Une telle conduite constitue un abus de pouvoir qui permet de retenir la responsabilité de l'État ou parfois du fonctionnaire. Cependant, l'insouciance grave implique un dérèglement fondamental des modalités de l'exercice du pouvoir, à tel point qu'on peut en déduire l'absence de bonne foi et présumer la mauvaise foi. L'acte, dans les modalités de son accomplissement, devient inexplicable et incompréhensible, au point qu'il puisse être considéré comme un véritable abus de pouvoir par rapport à ses fins. (Dussault et Borgeat, op. cit., p. 485). […]

131Comme l’a également expliqué la Cour suprême dans le paragraphe 26 de la décision Entreprises Sibeca Inc. :

Cette interprétation du concept de mauvaise foi permet d'englober non seulement les actes qui sont délibérément accomplis dans l'intention de nuire, ce qui correspond à la mauvaise foi classique, mais aussi ceux qui se démarquent tellement du contexte législatif dans lequel ils sont posés qu'un tribunal ne peut raisonnablement conclure qu'ils l'ont été de bonne foi. Ce qui paraît être une extension de la mauvaise foi n'est, en quelque sorte, que l'admission en preuve de faits qui correspondent à une preuve circonstancielle de la mauvaise foi à défaut par la victime de pouvoir en présenter une preuve directe.

132Le 11 décembre 2006, M. Hynes a signé deux formulaires de demande de services en personnel afin d’autoriser une rémunération d’intérim pour Mme Delorme au groupe et niveau CO-01. Le premier formulaire visait la période débutant le 1er juin 2006, date à laquelle Mme Delorme a commencé son affectation au Bureau des affaires, jusqu’au 28 septembre 2006 – une période de moins de quatre mois. Le second formulaire visait la période du 29 septembre 2006 au 28 septembre 2007, et un commentaire inscrit sur le formulaire indique que la nomination intérimaire est valide jusqu’à la dotation du poste pour une durée indéterminée.

133Une justification écrite concernant le recours à un processus de nomination non annoncé a été préparée pour la période d’intérim débutant le 1er juin 2006. En revanche, aucune justification écrite n’a été préparée relativement à la deuxième période intérimaire ayant débuté le 29 septembre 2006. Dans ces conditions, l’exigence des lignes directrices de la CFP selon lesquelles une justification écrite doit être préparée pour chacun des processus non annoncés n’a pas été observée. Il se peut que l’on voulait par une seule justification couvrir l’ensemble de la période rétroactive ainsi que la nomination intérimaire jusqu’au 28 septembre 2007. Or, il n’y a aucune mention relative à l’existence de deux nominations intérimaires distinctes, la première étant de moins de quatre mois.

134La décision de procéder à deux nominations intérimaires rétroactives distinctes a été prise afin que la première nomination intérimaire soit de moins de quatre mois et qu’elle soit donc soustraite aux exigences du REFP en matière de notification des nominations intérimaires ou au droit de recours. M. Hynes a autorisé la première nomination intérimaire le 11 décembre 2006, date à laquelle Mme Delorme était en poste depuis plus de sept mois. Il s’agissait d’une décision délibérée de ne pas aviser les employés que cette nomination intérimaire était en réalité rétroactive au 1er juin 2006. Il aurait été logique et transparent de faire une nomination rétroactive à cette date.

135Le Tribunal conclut qu’il n’y a eu, en fait, qu’une seule nomination intérimaire. En décembre 2006, la nomination intérimaire avait déjà été prolongée sans interruption au-delà du terme de la nomination initiale. Le Tribunal estime que les exigences relatives à la notification des nominations intérimaires et au droit de recours mentionnées dans l’article 13 du REFP ont été contournées intentionnellement dans le but de cacher le fait que la nomination rétroactive était effectuée pour une période de plus de sept mois. Le Tribunal voit là une preuve d’intention illégitime.

136Il n’est certainement pas transparent et il est certes trompeur de diviser une nomination intérimaire rétroactive continue en deux périodes. Le Tribunal ne peut pas conclure que cette décision a été prise pour une raison autre que celle de se soustraire aux exigences du REFP d’aviser les employés et de les informer de leur droit de recours dans le cas d’une nomination intérimaire de quatre mois ou plus. Ces actions sont tellement incompatibles avec l’objectif législatif de la LEFP de faire en sorte que le pouvoir discrétionnaire soit exercé conformément à des pratiques d’emploi transparentes, que le Tribunal ne peut pas conclure qu’elles ont été accomplies de bonne foi.

137Le pouvoir de procéder à une nomination intérimaire de moins de quatre mois n’est pas assujetti aux vérifications et aux mesures de protection qui s’appliquent aux autres nominations. Le fait de se soustraire aux exigences en matière de notification et de recours démontre une insouciance grave et représente une preuve de mauvaise foi. Le Tribunal juge que MM. Hynes et MacMillan ont agi de mauvaise foi en nommant intentionnellement Mme Delorme pour une période de moins de quatre mois afin de se soustraire aux exigences du REFP.

138La notification relative à la deuxième nomination intérimaire pour la période ayant débuté le 29 septembre 2006 a été affichée sur Publiservice le 10 janvier 2007. La plaignante soutient que la justification du recours à un processus non annoncé a été produite en dehors des délais prescrits puisqu’elle a été préparée après les faits, et qu’elle était dépourvue de transparence. Les lignes directrices de la CFP ne précisent pas le moment où la justification doit être préparée. Celle dont il est question ici a été préparée quelques semaines avant la notification relative à la deuxième nomination intérimaire de Mme Delorme. Le Tribunal estime que ces gestes ne constituent pas une preuve de mauvaise foi.

139Les lignes directrices de la CFP en matière de choix du processus de nomination exigent du gestionnaire qu’il rédige une justification dans laquelle il explique comment les critères établis concernant le choix d’un processus non annoncé ont été observés. Le gestionnaire doit y démontrer rigoureusement que le processus non annoncé respecte les quatre valeurs de nomination que sont l’équité, la transparence, l’accessibilité et la représentativité.

140L’intimé a établi des critères concernant l’utilisation de processus de nomination non annoncés. Néanmoins, MM. Hynes et MacMillan étaient dans l’impossibilité de justifier l’utilisation d’un processus non annoncé sur la base des critères établis. Ainsi, ils ont expliqué, dans la justification, qu’il était plus efficace de nommer Mme Delorme dans le cadre d’un processus non annoncé, puisqu’ils croyaient que cette dernière aurait été la personne la plus qualifiée, et probablement la seule personne à l’être, si un processus annoncé avait été effectué.

141Au demeurant, la justification n’aborde pas la rétroactivité de la nomination intérimaire pour la période de l’affectation. La justification passe sous silence le fait notable que Mme Delorme était en affectation à ce poste depuis le 1er juin 2006, date à laquelle commence la nomination rétroactive. Par ailleurs, il n’y est pas dévoilé que Mme Delorme bénéficiait précédemment d’une nomination intérimaire de moins de quatre mois durant laquelle elle avait exécuté les mêmes tâches au sein du PCC.

142Il est indiqué dans la justification que le principe du mérite est protégé par le recours dont disposent les autres candidats possibles. Cependant, telle n’était pas la réalité, car ni la nomination intérimaire du 1er juin 2006 ni le droit de recours n’avaient fait l’objet d’une notification.

143Le 5 janvier 2007, M. Hynes a signé un troisième formulaire de demande de services en personnel relativement à la nomination de Mme Delorme pour une durée indéterminée. Encore une fois, une justification du recours à un processus non annoncé était exigée et a été préparée.

144Selon cette justification, il y avait eu un roulement de personnel considérable dans cette unité et il était important de nommer Mme Delorme immédiatement afin de conserver les connaissances organisationnelles. Cependant, selon le témoignage de M. MacMillan, en contre-interrogatoire, le roulement n’était pas important, puisque la plupart des employés étaient là depuis cinq à neuf ans.

145Selon la justification, les autres candidats que ce poste aurait pu intéresser, y avaient accès grâce au recours dont disposaient ceux qui étaient dans la zone de sélection. Elle indiquait que tout candidat qui communiquerait avec le gestionnaire serait pris en considération, et que cette situation était acceptable compte tenu des caractéristiques d’un processus non annoncé.

146Or, les employés intéressés par un poste posent leur candidature à celui-ci lorsqu’il est annoncé et non en présentant une plainte d’abus de pouvoir. Une plainte n’est pas un processus de sélection et elle ne conduit pas à la nomination du plaignant.

147Le Tribunal estime donc que les explications contenues dans les justifications étaient trompeuses, fausses, inexplicables et incompréhensibles au regard de la LEFP et qu’elles constituent des preuves supplémentaires de mauvaise foi.

148Le processus dans son ensemble, de l’affectation de Mme Delorme au PCC jusqu’à sa nomination pour une durée indéterminée au Bureau des affaires, a été marqué par l’absence de transparence. On n’a pas eu recours à un véritable processus d’évaluation; il était préétabli que Mme Delorme exercerait ces fonctions et, comme l’a constaté le Tribunal, l’affectation de Mme Delorme représentait en fait une nomination intérimaire. Les exigences du REFP concernant les nominations intérimaires ont été contournées, et les justifications étaient fallacieuses.

149Le Tribunal juge que des processus de nomination non annoncés ont été choisis parce que M. Hynes voulait récompenser Mme Delorme. Il est probable que ce soit là la raison pour laquelle elle a été nommée de façon intérimaire à un poste PC-01, poste pour lequel elle n’était manifestement pas qualifiée. Pour qu’elle puisse continuer de bénéficier d’un salaire beaucoup plus élevé, elle devait être nommée à un poste dont la rémunération était équivalente. Une telle intention à la base d’une nomination n’est pas appropriée. Le Tribunal estime également que les mesures prises dans le but de masquer les circonstances de ces nominations sont assimilables à de la mauvaise foi. Le Tribunal juge qu’il n’y avait aucune volonté de repérer d’autres candidats qualifiés en raison d’un parti prisen faveur de la nomination de Mme Delorme.

150Il est troublant qu’un spécialiste des ressources humaines et un gestionnaire subdélégataire, lequel occupe actuellement un poste de directeur général, orchestrent et participent à des pratiques aussi fallacieuses. M. Hynes n’a pas nié qu’il est responsable de ses actions, mais il a expliqué qu’il s’était fié à la recommandation des conseillers en ressources humaines, car il n’avait pas reçu suffisamment de formation pour comprendre les principes de base de la dotation. Manifestement, M. MacMillan est l’auteur de ces plans, mais le fait demeure que c’est M. Hynes qui tenait à récompenser Mme Delorme, sans égard à la LEFP ni à de simples considérations éthiques. Il a approuvé ces processus de dotation et a signé la documentation à l’appui de ceux-ci. Le Tribunal note également que M. Hynes n’était pas ouvert dans son témoignage, alors que M. MacMillan répondait généralement sans ces réserves.

151Le Tribunal se préoccupe du fait que l’exigence de produire une justification en ce qui a trait aux processus de nomination non annoncés semble se limiter au dépôt d’un document, sans égard à son contenu, et que, dans les plaintes en l’espèce, les raisons invoquées dans la justification n’ont pas été réellement examinées.

152 Bien qu’il ne s’agisse pas de l’objet des plaintes en l’espèce, le Tribunal croit utile de faire remarquer qu’il semble également que la nomination intérimaire de M. MacMillan à un poste au groupe et niveau CO-03 au Bureau des affaires n’ait fait l’objet d’aucune notification. De surcroît, aucune justification n’a été établie concernant sa nomination non annoncée rétroactive.

153Pour toutes ces raisons, le Tribunal conclut que l’intimé a abusé de son pouvoir en optant pour un processus non annoncé à la fois pour la nomination intérimaire et la nomination à durée indéterminée de Mme Delorme.

Question V : L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en nommant Mme Delorme?

Argumentation des parties

A) Argumentation de la plaignante

154La plaignante conteste l’interprétation étroite que présente la CFP de l’abus de pouvoir. Étant donné le rôle que joue la CFP dans la délégation du pouvoir de dotation, la plaignante se serait attendue à ce que celle-ci adopte l’interprétation élargie qu’en donne le Tribunal. La plaignante est déçue par l’argumentation de la CFP, car celle-ci amènerait le recours au Tribunal à être dénué de sens et assurerait que les administrateurs généraux et la CFP ne soient pas responsables d’abus de pouvoir.

155La plaignante soutient que l’on doit exercer tout pouvoir discrétionnaire en considérant les facteurs appropriés et pertinents, à la lumière de la Loi et des lignes directrices et en visant un résultat équitable, sans tenir compte de facteurs illégitimes. La plaignante estime que la position de la CFP est incompatible avec toute jurisprudence reconnue de même que tous concepts de justice naturelle et de procédure équitable.

156La plaignante affirme que les nominations ont été effectuées par favoritisme personnel. De surcroît, l’abus de pouvoir de MM. Hynes et MacMillan par rapport à ces nominations correspond aux cinq types généraux d’abus de pouvoir définis dans la décision Tibbs. L’avantage injuste dont a bénéficié Mme Delorme et le contournement des exigences des lignes directrices et de la LEFP relèvent de la mauvaise foi. MM. Hynes et MacMillan ont utilisé des documents inadéquats, car les justifications des processus non annoncés faisaient fi des lignes directrices. Il n’y avait aucune preuve objective selon laquelle Mme Delorme possédait les qualifications nécessaires pour le poste ou qu’elle en exécutait les tâches connexes. Cette procédure a produit un résultat inéquitable, puisque Mme Delorme n’aurait pas dû être nommée à un poste dont elle n’exécutait pas les tâches. MM. Hynes et MacMillan se sont fondés sur une vision erronée de la législation, puisqu’ils ont fait preuve de négligence grave en ne respectant pas les exigences prescrites par la LEFP et les lignes directrices. Enfin, en omettant d’évaluer d’autres candidats pour ce poste, ils ont refusé d’exercer leur pouvoir discrétionnaire.

157La plaignante soutient que l’évaluation de Mme Delorme a été inadéquate. Le témoignage de M. Hynes en ce qui concerne les tâches effectuées par Mme Delorme contredit la version des autres témoins. Il n’y avait aucune preuve attestant que Mme Delorme a exercé quelque activité de marketing ou de prospection que ce soit.

158La plaignante indique que certains des recours qu’elle aurait pu souhaiter obtenir n’ont plus leur raison d’être ou encore seraient de peu d’utilité puisque Mme Delorme, M. MacMillan et elle-même ont quitté RNCan. Cependant, la plaignante veut obtenir des mesures correctives suffisantes pour assurer que la tromperie, le subterfuge et le mépris flagrant de la LEFP et des propres lignes directrices de l’intimé entraînent des conséquences réelles. La plaignante demande au Tribunal d’ordonner une série de mesures correctives, y compris des mesures semblables à celles qu’a ordonné le Tribunal dans la décision Cameron et Maheux c. l’Administrateur général de Service Canada et al., [2008] TDFP 0016.

B) Argumentation de l’intimé

159L’intimé soutient que la plainte en l’espèce repose sur des hypothèses et des perceptions et n’est pas en accord avec la prépondérance des probabilités comme l’exige la décision Glasgow. Si la preuve circonstancielle peut être prise en considération dans certains cas, le favoritisme personnel requiert quand même une certaine preuve de comportement intentionnel ou, du moins, une preuve d’incurie grave menant à des mesures inexplicables et incompréhensibles. Il faut établir une distinction entre le favoritisme et le favoritisme personnel. Il n’est pas déraisonnable de favoriser des employés qui travaillent bien, qui font preuve d’efficacité ou qui représentent la bonne personne pour une affectation.

160L’intimé fait valoir que la preuve de la plaignante repose sur le fait que Mme Delorme effectuait des tâches administratives et n’exerçait pas les fonctions d’un agent de développement des opérations. Dans son témoignage, la plaignante a laissé entendre qu’une personne nommée devait exercer 80 p. 100 des fonctions de la description de travail. Or, aucun document ni aucune ligne directrice indiquant qu’une personne nommée devait exécuter un pourcentage précis des fonctions n’a été produit en preuve. La direction possède le pouvoir délégué de distribuer le travail comme elle le juge indiqué.

161L’intimé soutient aussi que la plaignante n’a pas réussi à établir que la personne nommée ne possédait pas les qualifications essentielles pour le poste. L’administrateur général possède le pouvoir de déterminer les qualifications associées à un poste et a un vaste pouvoir discrétionnaire en ce qui a trait au choix des méthodes d’évaluation. L’intimé fait valoir que M. MacMillan est la seule personne qui pouvait se prononcer sur cette question. Selon le témoignage de ce dernier, c’est après avoir évalué Mme Delorme en fonction de son curriculum vitæ, de son rendement antérieur et de la connaissance personnelle qu’il avait de son expérience et de ses capacités qu’il a estimé qu’elle possédait les qualifications requises.

162L’intimé affirme qu’il ne serait pas approprié de procéder à une révocation, dans le cas où le Tribunal considérerait que l’intimé a abusé de son pouvoir, puisqu’il n’y a tout simplement rien à révoquer. Cet élément distingue selon lui les faits en l’espèce de ceux présentés dans la décision Cameron et Maheux. Enfin, l’intimé soutient que le but des mesures correctives devrait être de corriger et non de punir.

C) Argumentation de la Commission de la fonction publique

163La CFP a présenté des observations écrites concernant l’abus de pouvoir. Cette dernière soutient que, comme dans des affaires précédentes portées devant ce Tribunal, l’établissement d’un abus de pouvoir exige un constat d’intention illégitime, à moins que la mauvaise foi puisse être déduite. La CFP est d’avis qu’une interprétation de l’abus de pouvoir comprenant les cinq types d’abus de pouvoir discrétionnaire définis dans la décision Tibbs est trop large et risque de contrecarrer le système de responsabilisation prévu par le législateur et mis en évidence dans le préambule de la LEFP.

Analyse

164La LEFP accorde un pouvoir discrétionnaire considérable à la CFP et aux administrateurs généraux dans l’exercice de leur pouvoir de nomination. Les administrateurs généraux doivent exercer leur pouvoir de nomination à l’intérieur d’un cadre d’exigences prescrites par des politiques et des règlements, afin d’assurer qu’ils rendent compte à la CFP, laquelle à son tour en rend compte au Parlement. Le législateur a aussi demandé à la CFP, en vertu de la LEFP, de rendre compte de l’utilisation de son pouvoir de nomination à l’intérieur de sa propre organisation et dans les ministères et organismes où ce pouvoir n’est pas délégué. La CFP et les administrateurs généraux, lorsqu’ils sont délégataires rendent compte au Tribunal de l’utilisation de leur pouvoir discrétionnaire, en répondant aux plaintes d’abus de pouvoir.

165Le Tribunal comprend que la plaignante soit déroutée par les arguments soumis par la CFP, car ceux-ci limiteraient la responsabilité au regard des nominations aux seules plaintes d’abus de pouvoir pour lesquelles une intention illégitime ou la mauvaise foi a été établie.

166La mauvaise foi peut être établie au moyen de la preuve circonstancielle, mais les observations de la CFP signifieraient que, dans le cas d’autres types d’abus de pouvoir, il serait nécessaire d’apporter des preuves d’un niveau supérieur, c’est-à-dire de démontrer la présence d’une intention illégitime, tout comme, en droit pénal, l’intention de commettre un crime « avec une intention coupable ». Cet argument de la CFP est similaire à celui qu’elle a soumis dans Tibbs où elle soutenait qu’un plaignant doit prouver « hors de tout doute » l’existence d’un abus de pouvoir.

167Aux termes de la LEFP, l’abus de pouvoir n’est ni un crime ni un délit. Une constatation d’abus de pouvoir n’entraîne pas de casier judiciaire, d’incarcération ou de responsabilité personnelle en dommages-intérêts. Le Tribunal peut ordonner des mesures correctives et ordonner parfois la révocation de la nomination. Il n’y a aucun motif d’exiger une norme de preuve plus stricte devant de telles conclusions. Ainsi, tel que l’a établi le Tribunal, la plaignante doit prouver ce qu’elle avance en se fondant sur la norme civile de prépondérance des probabilités. Voir aussi la décision F.H. c. McDougall, [2008] 3 R.C.S. 41; [2008] A.C.S. no 54 (QL).

168Le Tribunal ne souscrit pas du tout à l’approche préconisée dans les arguments de la CFP. Le fait d’adopter cette interprétation signifierait que la CFP, ou son délégataire, se serait vu conférer le pouvoir de nommer ou de mettre en disponibilité un employé sans tenir compte des questions pertinentes et sans se conduire comme il se doit en vertu de la LEFP, tant et aussi longtemps qu’il agit involontairement ou qu’il est dépourvu d’intention illégitime. De même, cela supposerait que la CFP et les administrateurs généraux puissent nommer ou mettre en disponibilité un employé de façon déraisonnable ou discriminatoire, s’ils le font involontairement ou sans intention illégitime. Il est clair que le législateur n’a pas conféré à la CFP, ni par extension aux administrateurs généraux, le pouvoir d’agir ainsi.

169Le pouvoir discrétionnaire accordé par le législateur doit être exercé de façon raisonnable. Un abus de pouvoir est une erreur de compétence dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire, et la règle ultra vires s’applique. Le législateur n’a pas conféré à la CFP ou aux administrateurs généraux l’autorité d’exercer leur pouvoir discrétionnaire de façon scandaleuse, déraisonnable ou arbitraire, que ce soit involontairement ou sans intention illégitime. Voir David Philip Jones et Anne S. De Villars, Principles of Administrative Law (Toronto : Carswell, 2004), pages 168 à 170.

170Le Tribunal n’a pas adopté de définition ou de critère fixe de l’abus de pouvoir, mais a fait référence aux cinq catégories répertoriées par Jones et DeVillars comme cadre utile dans l’analyse d’une plainte d’abus de pouvoir (voir la décision Tibbs, aux paragraphes 68 à 74). Ces catégories d’abus pourront évoluer avec la jurisprudence, mais, aux fins d’analyse d’une plainte, ils sont plus utiles que la théorie générale ultra vires. Ces cinq catégories d’abus de pouvoir ne s’excluent pas l’un l’autre et ne sont pas censés le faire. Ils se chevauchent souvent dans les plaintes présentées au Tribunal, lorsque les actions qui conduisent à une constatation d’abus de pouvoir correspondent à plus d’un type.

171Par exemple, dans les plaintes en l’espèce, une allégation a été faite selon laquelle Mme Delorme a été nommée pour des raisons de favoritisme personnel parce qu’elle a été l’adjointe de M. Hynes, et qu’un poste a été créé pour la récompenser même si elle n’en accomplissait pas les tâches. Si tel était le cas, en la nommant par favoritisme personnel, MM. Hynes et MacMillan auraient abusé de leur pouvoir selon les trois premiers types d’abus décrits dans la décision Tibbs. Ils auraient agi de mauvaise foi, car cette façon de faire n’est pas conforme à l’objet de la LEFP selon lequel les nominations doivent être effectuées suivant le mérite. M.M. Hynes et MacMillan n’auraient pas tenu compte des questions pertinentes et auraient donc agi en se fondant sur des documents inappropriés. Enfin, le résultat serait injuste et découlerait d’une conduite irrationnelle et déraisonnable.

172Par ailleurs, les éléments de preuve sont contradictoires, en ce qui concerne le fait que Mme Delorme exerçait ou non les fonctions du poste, le fait qu’elle ait été nommée en fonction du mérite ou non, et les raisons qui ont justifié sa nomination. Le Tribunal doit donc établir laquelle des versions est la plus crédible. Comme l’a fait remarquer l’intimé dans son argumentation, le Tribunal doit appliquer le critère décrit dans la décision Glasgow préalablement mentionnée. Ce critère est expliqué comme suit dans la décision Faryna, à la page 357 :

La crédibilité des témoins intéressés ne peut être évaluée, surtout en cas de contradiction dans la preuve, en fonction du seul critère consistant à se demander si le comportement du témoin permet de penser qu’il dit la vérité. Le critère applicable consiste plutôt à examiner si son récit est conforme aux probabilités qui caractérisent les faits de l’espèce. Bref, le véritable critère permettant de déterminer la véracité du récit d’un témoin dans un cas de cette nature doit être la conformité de ses dires avec la prépondérance des probabilités qu’une personne informée et douée de sens pratique reconnaîtrait d’emblée comme raisonnables, compte tenu des conditions et de l’endroit [Traduction].

173Mme Delorme n’a pas été affectée au PCC, mais a été nommée de façon intérimaire au groupe et niveau PC-01, pour une durée de moins de quatre mois. L’intention était manifestement de lui offrir un traitement supérieur bien que, n’ayant pas de diplôme en sciences, elle ne possédait pas les qualifications essentielles pour le poste. M. Hynes a indiqué que c’est parce qu’il ne pouvait pas trouver d’employé ayant une formation scientifique pour travailler à la clôture du PCC que Mme Delorme a été nommée pour une période de moins de quatre mois, qui a pris fin le 31 mai 2006. Néanmoins, en février 2006, Mme Atkins, qui a une formation en sciences et qui occupait un poste PC-01 à durée déterminée, s’est vu offrir un poste au Bureau des affaires afin de remplacer Mme Beyak pendant son congé de maternité.

174Pour appuyer ses dires selon lesquels aucun employé ayant une formation scientifique n’était intéressé à s’occuper de la clôture du programme, M. Hynes a expliqué qu’un employé du groupe et niveau PC-03 avait quitté cet emploi deux semaines après avoir commencé. Cependant, aucun élément de preuve n’a été présenté pour montrer que M. Hynes avait fait quelque effort que ce soit pour chercher d’autres employés intéressés à la suite de ce départ. En outre, lorsqu’un courriel a été envoyé en août 2006 relativement à cette possibilité d’emploi, M. Couture, un gestionnaire de projet ayant une formation scientifique, a manifesté un intérêt pour le poste. Après avoir rencontré M. MacMillan, M. Couture a indiqué qu’il écartait cette possibilité, car il s’agissait d’un poste administratif.

175M. Hynes a aussi expliqué que la tenue de dossiers était en désordre et que les fonctions associées à la clôture du programme étaient de nature administrative et non scientifique. Il a témoigné lors de son contre-interrogatoire, qu’il n’a pas nommé Mme Delorme à un poste administratif parce que les Ressources humaines lui avaient indiqué qu’il était plus facile de remplacer un poste PC-01 existant, pour quatre mois moins un jour. Or, il y avait deux postes administratifs au sein de l’organisation du PCC – un poste d’adjoint administratif au groupe et niveau AS-01 et un poste d’adjoint administratif et financier au groupe et niveau CR-04. Si ces postes avaient été dotés et supervisés de façon appropriée, la bonne tenue des dossiers du programme aurait probablement été assurée. Quoi qu’il en soit, s’il était vrai qu’un travail administratif s’imposait, aucun poste administratif n’a été créé ou offert à Mme Delorme.

176Mme Delorme a ensuite été affectée au Bureau des affaires mais, comme l’a constaté le Tribunal, cette affectation était en fait une nomination. De surcroît, le processus d’évaluation visant l’affectation n’était pas un véritable processus.

177Il était prévu dès le départ que ce nouveau poste serait classifié au groupe et niveau CO-01, dont le niveau de rémunération équivaut à celui d’un poste PC-01. Cela représentait une augmentation de salaire de 11 000 $ par rapport au poste d’attache AS-02 de Mme Delorme. M. Hynes croyait que Mme Delorme devait être récompensée pour l’aide qu’elle avait apporté à la clôture du PCC. M. MacMillan a préparé des objectifs de travail qui décrivaient essentiellement les tâches qui seraient liés au poste dans l’avenir et qui ont servi à classifier le poste. Il a indiqué qu’exception faite du PCC, les objectifs de travail ne correspondaient pas aux tâches que Mme Delorme exécutait. Il a expliqué que son travail consistait en des tâches administratives et en la clôture du PCC. M. Hynes a témoigné qu’à cette étape, les tâches de Mme Delorme dans le cadre du PCC consistaient à rendre compte de tous les fonds qui avaient été attribués. Il ignorait ce que Mme Delorme faisait en dehors de ses tâches relatives aux changements climatiques.

178La preuve présentée par Mmes Mingie-Cahill, Beyak et Labrecque et par M. MacMillan indique que Mme Delorme effectuait des tâches administratives et des fonctions relatives au PCC. Leur preuve montre clairement qu’elle n’effectuait presque aucune des tâches de développement des opérations dont fait état la description du poste CO-01.

179MM. Hynes et MacMillan ne se sont pas préoccupés du fait que ces fonctions administratives ne correspondaient pas à un poste CO-01. Ils ont fait fi du système de classification en utilisant une description de travail qui ne correspondait pas aux tâches réelles de Mme Delorme.

180M. MacMillan a préparé l’ECM et a évalué Mme Delorme au regard des qualifications essentielles pour le poste. Il a déterminé dans l’ECM que l’expérience et les connaissances nécessaires pour le poste étaient du domaine de la gestion financière, de la gestion de projet et des stipulations contractuelles, soit des qualifications très proches de celles dont Mme Delorme avait fait preuve dans le cadre de ses tâches administratives et dans la clôture du PCC. Toutefois, ces qualifications ne figuraient pas dans les descriptions de travail génériques de RNCan pour un poste CO-01, qui font plutôt état de connaissance de la recherche, des techniques d’analyse et de la consultation, des tendances du marché ainsi que des principes du marketing et du développement commercial.

181M. MacMillan a abordé dans l’ECM les exigences en matière de connaissances qui figurent dans la description de travail générique de RNCan de même que la capacité de coordonner des activités de développement et de marketing de la recherche et de la technologie. Son évaluation des capacités de Mme Delorme à commercialiser des produits était superficielle. Il croyait qu’elle pourrait exercer ces fonctions dans l’avenir parce qu’elle avait une allure professionnelle et qu’elle ferait bonne figure auprès des clients. Or, l’aptitude à commercialiser demande beaucoup plus, notamment une certaine compréhension de la recherche et de la technologie, en vue de pouvoir communiquer avec des clients. Son évaluation de cette capacité ne pouvait pas être fondée sur le rendement antérieur de Mme Delorme, car celle-ci n’avait jamais exercé ces fonctions dans le passé et n’avait aucune formation scientifique. Son évaluation ne tenait pas compte des exigences du poste et ne s’appuyait pas sur des faits.

182M. MacMillan a avancé que Mme Delorme avait le droit, en vertu de la convention collective, de recevoir une rémunération d’intérim en tant qu’employée exerçant les fonctions liées à un poste de classification supérieure. Cependant, il a indiqué qu’elle ne s’acquittait pas de la plupart des fonctions indiquées dans les « Objectifs de travail » [Traduction], car celles-ci étaient accomplies par d’autres. Il a précisé que son travail consistait en des tâches administratives et en la clôture du PCC.

183Une personne informée et douée de sens pratique pourrait donc, selon la prépondérance des probabilités, conclure que :

  • Le document intitulé « Objectifs de travail » [Traduction] a été préparé afin que le poste soit classifié CO-01 et que Mme Delorme reçoive une rémunération égale à celle d’un poste PC-01 même si elle ne remplissait pas la plupart des fonctions du poste;
  • L’ECM a été établi sur une base de favoritisme personnel et adapté à l’expérience et aux connaissances que Mme Delorme était en mesure de manifester, sans égard pour les exigences associées à un poste CO-01 et pour les fonctions du poste en question;
  • L’évaluation de Mme Delorme a été effectuée sur une base de favoritisme personnel, puisqu’elle a été évaluée en fonction d’un ECM conçu sur mesure pour elle et sans égard pour les exigences liées au poste.

184Ainsi, cette personne informée et douée de sens pratique conclurait également que Mme Delorme a été nommée par favoritisme personnel, car M. Hynes souhaitait la récompenser.

185Comme l’a affirmé le Tribunal dans la décision Glasgow, des intérêts personnels indus ne devraient jamais constituer le motif d’une nomination, car il s’agit là de favoritisme personnel. Nommer une personne pour lui faire une faveur personnelle ou nommer quelqu’un de manière à obtenir la faveur personnelle d’un gestionnaire sont des exemples de favoritisme personnel. Préparer une description de travail qui ne correspond pas aux fonctions réelles d’un poste pour assurer une classification supérieure et, donc, une rémunération plus élevée, dans le but de récompenser un employé, est du favoritisme personnel. Établir des qualifications essentielles pour un poste et évaluer un employé afin d’assurer sa nomination sans égard pour les exigences réelles du poste en question est aussi du favoritisme personnel. Nommer un employé qui ne possède pas les qualifications essentielles d’un poste parce que le gestionnaire désire récompenser celui-ci constitue aussi du favoritisme personnel.

186À la lumière des éléments de preuve accablants présentés à l’audience, le Tribunal juge que MM. Hynes et MacMillan ont abusé de leur pouvoir en nommant Mme Delorme par favoritisme personnel à la fois de façon intérimaire et pour une durée indéterminée au poste d’agent de développement des opérations.

187Le Tribunal conclut également, après avoir examiné les actions ayant conduit à ces nominations, que MM. Hynes et MacMillan ont abusé de leur pouvoir en agissant de mauvaise foi et en se conduisant de manière irrationnelle et déraisonnable, ce qui a mené aux nominations injustes de Mme Delorme. Ces actions sont les suivantes :

  • L’établissement d’objectifs de travail qui ne correspondaient pas aux tâches de Mme Delorme afin que le poste soit classifié au groupe et niveau CO-01;
  • L’établissement d’un ECM adapté à l’expérience et aux connaissances que Mme Delorme était apte à démontrer sans égard pour les exigences d’un poste CO-01 et pour les fonctions liées à celui-ci;
  • l’évaluation de Mme Delorme fondée sur le favoritisme personnel puisque cette évaluation était effectuée en fonction d’un ECM adapté à ses qualifications et sans égard aux exigences du poste;
  • les nominations de Mme Delorme en tant que récompense, et l’assurance qu’elle recevrait une rémunération égale à celle d’un poste PC-01, même si elle ne s’acquittait pas de la plupart des fonctions du poste.

188Donc, l’intimé a abusé de son pouvoir lorsqu’il a procédé aux nominations intérimaire et à durée indéterminée de Mme Delorme.

Décision

189Pour tous ces motifs, les plaintes d’abus de pouvoir sont accueillies.

Pouvoirs relatifs à la prise de mesures correctives

190Lorsqu’il accueille une plainte présentée en vertu de l’article 77, le Tribunal dispose de vastes pouvoirs en matière d’ordonnance de mesures correctives, conformément au paragraphe 81(1) et à l’article 82 de la LEFP. Le Tribunal peut ordonner à l’intimé de révoquer la nomination ou encore de ne pas procéder à la nomination proposée. Le Tribunal peut ordonner à l’intimé de prendre toute mesure corrective qu’il juge appropriée, exception faite d’une ordonnance de faire une nomination ou d’entreprendre un nouveau processus de nomination. Il convient de noter que les mesures correctives s’adressent à l’intimé sous forme d’ordonnance et non aux personnes en cause lorsque l’abus de pouvoir est constaté. Le paragraphe 81(1) et l’article 82 de la LEFP sont rédigés comme suit :

81. (1) S’il juge la plainte fondée, le Tribunal peut ordonner à la Commission ou à l’administrateur général de révoquer la nomination ou de ne pas faire la nomination, selon le cas, et de prendre les mesures correctives qu’il estime indiquées.

82. Le Tribunal ne peut ordonner à la Commission de faire une nomination ou d’entreprendre un nouveau processus de nomination.

191Dans le préambule de la Loi, le législateur a indiqué que le pouvoir discrétionnaire de dotation, accordé en vertu de la LEFP à la CFP et aux administrateurs généraux, doit être délégué à l’échelon le plus bas afin d’assurer la marge de manoeuvre nécessaire en matière de dotation. Il est donc important de s’assurer que ce pouvoir discrétionnaire est exercé raisonnablement, comme l’a voulu le législateur. Lorsque le Tribunal statue que celui-ci n’a pas été exercé raisonnablement et qu’il y a eu abus de pouvoir, il peut ordonner des mesures correctives générales afin de corriger la situation et de s’assurer que le pouvoir discrétionnaire est exercé de façon à respecter l’intention du législateur.

Révocation

192Le fait que Mme Delorme a quitté RNCan ne veut pas dire que la révocation des nominations n’a plus d’intérêt pratique. Ces nominations de même que les processus qui y ont conduit étaient fondés sur le favoritisme personnel, et celles-ci doivent donc être révoquées. Il serait inapproprié qu’il n’y ait pas de conséquences parce que la personne nommée a quitté le ministère. Dans la décision Lo c. Canada (Comité d'appel de la Commission de la Fonction publique), [1997] A.C.F. no 1784 (QL), 222 N.R. 393 (C.A.F.), la Cour d’appel fédérale s’est prononcée sur une question semblable dans un contexte où la personne nommée avait quitté le ministère et démissionné plus tard de la fonction publique. Comme l’a écrit la juge Desjardins dans la décision unanime de la Cour, au paragraphe 12 (QL) :

En l’espèce, une nomination a eu lieu et, même si le titulaire a quitté ce poste, et la fonction publique elle-même, la nomination contestée n’a pas été révoquée par la Commission et il faut statuer sur sa validité. Il serait trop facile pour un ministère ou pour une personne nommée d’esquiver le mécanisme d’appel et, par une simple mutation, d’empêcher que soit résolue la question de savoir si le principe du mérite a été observé dans le processus de sélection.

193Il est énoncé dans le paragraphe 81(1) de la LEFP que le Tribunal peut ordonner à l’administrateur général de révoquer une nomination. Il n’y est pas requis que la personne soit, ou non, toujours en poste. Le Tribunal estime qu’il convient de révoquer la nomination intérimaire et la nomination à durée indéterminée de Mme Delorme, compte tenu de la manière inappropriée et contraire à l’éthique dont elles ont été effectuées. Par conséquent, le Tribunal ordonne que l’intimé révoque ces nominations dans les 60 jours.

Mesures correctives

194Nombre d’éléments de preuve indiquent que les exigences relatives à la notification des nominations intérimaires et aux justifications des processus non annoncés ont été contournées ou simplement mises de côté. De la même façon, le pouvoir discrétionnaire conféré à un gestionnaire en vertu de la LEFP pour établir les qualifications essentielles nécessaires pour occuper un poste et évaluer un candidat a été exploité et utilisé abusivement afin de cacher le fait que cette nomination était fondée sur le favoritisme personnel.

195Les éléments de preuve présentés au Tribunal démontrent clairement que M. Hynes ne peut continuer à agir en qualité de subdélégataire de l’intimé à moins que ce dernier ne prenne les mesures correctives qui s’imposent. Les éléments de preuve démontrent aussi que les mesures mises en place par l’intimé n’ont pas suffi à faire en sorte que ces nominations soient fondées sur le mérite et que la LEFP, le REFP et les exigences des lignes directrices soient observées et non contournées. Ces considérations amènent le Tribunal à ordonner les mesures correctives suivantes.

196M. Hynes a indiqué qu’il avait eu une formation limitée relativement à la LEFP et qu’il s’en était remis à l’avis des conseillers en ressources humaines. Celui-ci devrait à tout le moins recevoir une formation suffisante pour exercer le pouvoir de dotation qui lui a été délégué en vertu de la LEFP. Tant qu’il n’aura pas achevé cette formation et que n’aura pas été évaluée sa capacité de prendre des décisions appropriées et de mener des processus adéquats en matière de nomination, aucun pouvoir de dotation en vertu de la LEFP ne devrait lui être délégué.

197Le Tribunal a jugé que M. Hynes a fait preuve d’irrévérence à l’égard de la LEFP et des autres exigences en matière de dotation. La direction de M. Hynes a manifestement conduit aux abus de pouvoir constatés dans les nominations qui font l’objet des plaintes en l’espèce. À la lumière de ces constatations, l’intimé doit s’assurer qu’il s’agit d’un incident isolé et que M. Hynes est en mesure d’exercer son pouvoir discrétionnaire conformément aux exigences de la LEFP et des autres exigences en matière de dotation. Tant que l’intimé n’aura pas examiné toutes les nominations auxquelles MM. Hynes et MacMillan ont participé et qu’il n’aura pas procédé à des vérifications sur place s’il y a lieu, il doit s’abstenir de déléguer quelque pouvoir de dotation que ce soit en vertu de la LEFP à M. Hynes.

198En outre, l’intimé assume des fonctions consultatives et de surveillance par l’entremise de son personnel des ressources humaines et il a mis des mesures en place, notamment des critères concernant les nominations effectuées au terme de processus non annoncés. Toutefois, ces mesures se sont avérées inefficaces dans les circonstances entourant les plaintes en l’espèce. Il faudrait donc évaluer la capacité de l’organisation des ressources humaines de RNCan d’offrir aux gestionnaires des conseils adéquats, en particulier en ce qui concerne les processus de nomination non annoncés.

Ordonnance

199Le Tribunal ordonne à l’intimé de révoquer les nominations de Mme Delormeà compter de la date de leur entrée en vigueur, ce qui doit être fait dans les 60 jours.

200Le Tribunal ordonne à l’intimé de retirer immédiatement les pouvoirs délégués à M. Hynes en vertu de la LEFP. L’intimé a le loisir de déterminer s’il prendra des mesures en vue de rétablir cette délégation, mais il ne devra pas la rétablir sans qu’une formation adéquate soit donnée à M. Hynes et que ce dernier soit apte à démontrer qu’il répond aux exigences appropriées et préétablies relativement à l’exercice de ces pouvoirs.

201Le Tribunal ordonne à l’intimé de ne pas rétablir la délégation de pouvoirs de M. Hynes avant d’avoir examiné toutes les nominations effectuées en vertu de la nouvelle LEFP auxquelles M.M. Hynes et MacMillan ont participé, d’avoir procédé à des vérifications sur place, s’il y a lieu, et d’avoir déterminé que cette affaire constitue un incident isolé.

202Le Tribunal ordonne à l’intimé d’évaluer, dans les 90 jours, la capacité de son organisation de ressources humaines de fournir un soutien et des conseils appropriés aux gestionnaires concernant les processus de nomination non annoncés et de corriger, dans les six mois, toutes les lacunes décelées dans le cadre de cette évaluation.

Guy Giguère

Président

Parties au dossier

Dossiers du Tribunal:
2007-0048 et 0087
Intitulé de la cause:
Jennifer Beyak et le Sous-Ministre de Ressources naturelles Canada et al.
Audience:
Les 17 et 18 janvier, du 22 au 24 avril,
du 17 au 19 juin et le 25 juin 2008
Ottawa ON
Date des motifs:
Le 3 mars 2009

Comparutions:

Pour les plaignante:
Denise Giroux
Pour l'intimé:
Stéphane Bertrand
Pour la Commission
de la fonction publique:
John Unrau
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.