Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

D'après les allégations du plaignant, l'intimé aurait abusé de son pouvoir par discrimination raciale à son égard pour avoir annulé la possibilité de nomination intérimaire à un poste à l'IMF - poste pour lequel il s'était porté candidat - et nommé quelqu'un d'autre au poste du secteur des Forces maritimes de l'Atlantique (FMAR(A)). Le plaignant a déploré le fait qu'on ne lui avait pas offert de possibilité d'occuper le poste en question à titre intérimaire. Le plaignant a soutenu que la personne nommée avait bénéficié d'un traitement préférentiel du fait de ses deux nominations intérimaires au poste du secteur des FMAR(A), et que sa nomination se fondait sur des qualifications ne figurant pas dans l'énoncé des critères de mérite (ECM). Le plaignant a en outre allégué que l'intimé aurait abusé de son pouvoir par modification de l'ECM durant le processus d'évaluation. L'intimé a fait valoir qu'il n'y avait aucune preuve démontrant que l'annulation du processus de nomination au poste à l'IMF avait eu pour cause la candidature exclusive du plaignant ou son appartenance ethnique. Quant au traitement préférentiel dont aurait bénéficié la personne nommée, l'intimé a déclaré que cette dernière avait postulé les nominations intérimaires au poste du secteur des FMAR(A) et qu'elle était qualifiée. L'intimé a affirmé par ailleurs que la direction ne savait pas que le plaignant souhaitait obtenir une nomination intérimaire au poste du secteur des FMAR(A), tout en faisant remarquer qu'il n'avait pas modifié les critères de mérite durant le processus d'évaluation et qu'il avait décidé de ne pas s'en tenir au besoin organisationnel. Décision : S'appuyant sur le critère établi dans la décision Shakes, le Tribunal a déterminé que le plaignant avait présenté un cas apparemment fondé de discrimination : ce dernier était qualifié pour le poste, il n'avait pas été nommé au poste, et une autre personne qualifiée - qui n'est pas de race noire - a obtenu le poste. Par contre, le Tribunal a jugé raisonnable et non discriminatoire l'explication fournie par l'intimé par rapport à sa décision d'annuler la possibilité de nomination intérimaire au poste à l'IMF et de choisir la personne nommée pour le poste du secteur des FMAR(A). Le Tribunal a ajouté qu'il n'existait aucun élément de preuve à l'appui de l'allégation du plaignant selon laquelle les deux nominations intérimaires dont avait bénéficié la personne nommée constituaient un traitement préférentiel et un processus discriminatoire à ses dépens. L'intimé n'avait donc pas abusé de son pouvoir dans ce processus. Enfin, le Tribunal a jugé que le comité d'évaluation n'avait pas modifié les qualifications ni n'en a ajouté de nouvelles, car les qualifications évaluées se rapportaient aux critères de mérite. Néanmoins, le Tribunal a relevé plusieurs problèmes de communication dans le processus; il a encouragé l'intimé à élaborer des mécanismes de communication efficaces pour informer les candidats durant les processus de nomination. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossier:
2007-0354
Rendue à:
Ottawa, le 8 avril 2009

CARL GANNON
Plaignant
ET
LE SOUS-MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plaintes d'abus de pouvoir en vertu de l'alinéa 77(1)a) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision:
La plainte est rejetée
Décision rendue par:
Helen Barkley, membre
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Gannon c. Sous-Ministre de la Défense nationale et al.
Référence neutre:
2009 TDFP 0014

Motifs de la décision

Introduction

1Le plaignant, Carl Gannon, a participé à un processus de nomination interne annoncé visant la dotation du poste de gestionnaire, Service des ressources humaines (PE‑05), au ministère de la Défense nationale (MDN), à Halifax (Nouvelle‑Écosse) (06‑DND‑IA‑HALFX-046830). Il soutient que l’intimé, le sous‑ministre de la Défense nationale, a abusé de son pouvoir lorsqu’il a décidé de nommer Sandra Grant au poste, ce qui constituait de la discrimination fondée sur la race à l’égard du plaignant. M. Gannon affirme que Mme Grant a bénéficié d’un traitement préférentiel et que l’intimé a nommé cette dernière sur la base de qualifications qui ne figuraient pas dans l’énoncé des critères de mérite (ECM).

Contexte

2Il existe deux postes de gestionnaire, Service des ressources humaines, au bureau de l’intimé situé à Halifax : l’un à l’Installation de maintenance de la flotte Cape Scott (poste à l’IMF), et l’autre au secteur des Forces maritimes de l’Atlantique et de l’unité aérienne (poste aux FMAR(A) et à l’UA). En novembre 2005, le poste qu’occupait Kathy Banfield à l’IMF est devenu vacant. Carol Ann Anderson a été nommée à ce poste de façon intérimaire pour une période inférieure à quatre mois.

3Le 16 février 2006, Jim Stewart, directeur régional, Centre des services du personnel civil (Atlantique), a annoncé une possibilité de nomination intérimaire pour le poste à l’IMF. Le plaignant a présenté sa candidature pour ce poste. Or, ce processus a été annulé par M. Stewart le 26 avril 2006, car Paul Hartigan, le titulaire du poste aux FMAR(A) et à l’UA, avait terminé sa formation linguistique plus tôt que prévu et accepté une affectation au poste à l’IMF.

4Durant l’absence de M. Hartigan parti en formation linguistique, Sandra Grant et Elena DeCurtis ont occupé par rotation le poste aux FMAR(A) et à l’UA de façon intérimaire. Cette mesure faisait suite à une annonce de possibilité de nomination intérimaire parue en juillet 2005. Le plaignant n’avait pas présenté sa candidature pour ce poste. Une liste d’admissibilité avait été produite le 8 septembre 2005, sur laquelle le nom de Sandra Grant figurait au premier rang et celui d’Elena DeCurtis, au deuxième. Mmes Grant et DeCurtis ont donc commencé à occuper le poste par rotation. Mme Grant a assumé les fonctions du poste de façon intérimaire de septembre 2005 à février 2006. C’est ensuite Mme DeCurtis qui a pris le relais, de février à novembre 2006, après quoi Mme Grant a de nouveau occupé le poste du 15 novembre 2006 au 4 juillet 2007, date qui correspond à la notification de sa nomination pour une durée indéterminée.

5En avril 2006, une annonce a été publiée aux fins de la dotation d’un poste vacant de gestionnaire, Service des ressources humaines, pour une durée indéterminée. Une autre annonce concernant le même poste a été affichée à la fin du mois de juillet 2006. Le 4 juillet 2007, les candidats ont été informés que Mme Grant serait nommée pour une période indéterminée au poste aux FMAR(A) et à l’UA.

Questions en litige

6Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. L’intimé a-t-il exercé une discrimination envers le plaignant en fonction de la race et, dans l’affirmative, cet acte discriminatoire constitue-t-il un abus de pouvoir?
  2. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en nommant Mme Grant sur la base de qualifications qui ne figuraient pas dans l’ECM?

Question préliminaire : admissibilité de la preuve

7Pour appuyer son allégation selon laquelle il a été victime de discrimination de la part de l’intimé, le plaignant souhaitait présenter en preuve plusieurs rapports et articles de journaux. L’intimé et la Commission de la fonction publique (CFP) se sont opposés à la présentation de ces documents au motif qu’ils n’étaient pas pertinents en l’espèce. Le Tribunal a indiqué à l’audience qu’il se prononcerait sur l’admissibilité de ces documents lorsqu’il rendrait sa décision finale.

8L’alinéa 99(1)d) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (La LEFP) est libellé comme suit :

99. (1) Le Tribunal peut, pour l’instruction d’une plainte :

[…]

d) accepter des éléments de preuve, qu’ils soient admissibles ou non en justice;

[…]

9Par conséquent, le Tribunal a le pouvoir d’accepter, en tout ou en partie, les documents que le plaignant souhaite produire en preuve à l’audience.

10En ce qui a trait à la partie du rapport annuel de la CFP portant sur la représentativité (rapport annuel de la CFP), à l’Étude statistique sur les nominations intérimaires et promotions subséquentes à la fonction publique fédérale (Étude sur les nominations intérimaires) et à l’Étude sur le déclin du taux de nominations chez les groupes visés par l’équité en matière d’emploi (Étude sur le déclin du taux de nominations), une preuve statistique indiquant l’existence d’un problème systémique de discrimination peut certes être présentée comme preuve circonstancielle pour avancer qu’il y a probablement eu discrimination dans un cas individuel donné (voir la décision Commission canadienne des droits de la personne c. ministère de la Santé et du Bien-être social (1998), 146 F.T.R. 106; [1998] F.C.J. No 432 (QL) (C.F. 1re inst.), au paragraphe 22 (QL); confirmé à (1999) 235 N.R. 195, [1999] A.C.F. N40 (QL)(C.A.F.)). Toutefois, le plaignant tente de produire une preuve statistique, non pas en faisant appel à un spécialiste comme il est tenu de le faire, mais plutôt en présentant simplement ces documents. De plus, ces études, à l’instar de toute preuve statistique sur laquelle on tente de s’appuyer, doivent également avoir un lien direct avec la décision à rendre en l’espèce (voir Chopra c. Canada (ministère de la Santé et du Bien-être social), [2001] D.C.D.P. N20 (QL)(T.C.D.P.), au paragraphe 211).

11Le plaignant n’a été en mesure de démontrer aucun lien direct entre le rapport annuel de la CFP, l’Étude sur les nominations intérimaires et l’Étude sur le déclin du taux de nominations et l’objet de sa plainte, soit la discrimination dont il aurait été victime de la part de l’intimé lorsque celui-ci a nommé Mme Grant.

12Les articles de journaux constituent clairement une preuve par ouï-dire. Bien que le Tribunal puisse accepter une preuve par ouï-dire, le plaignant n’a toujours pas démontré de lien direct entre les articles de journaux et l’objet de sa plainte.

13Le Tribunal juge que ces documents ne sont pas directement liés à l’allégation selon laquelle l’intimé aurait exercé une discrimination envers le plaignant et, par conséquent, il n’en tiendra pas compte pour rendre sa décision concernant le bien‑fondé de la plainte en l’espèce.

Résumé des éléments de preuve pertinents

14Le plaignant a expliqué que chaque année, il indiquait dans son plan d’apprentissage qu’il souhaitait avoir la possibilité d’occuper un poste de direction à titre intérimaire. Il n’a jamais eu la possibilité de le faire, sauf pour une journée de temps à autre. Il travaille au Centre des services du personnel civil (Atlantique) d’Halifax depuis 19 ans, et pour le MDN depuis 31 ans. D’autres employés ayant moins d’expérience que lui se sont vu offrir des nominations intérimaires.

15Le plaignant a affirmé qu’en 1989 ou en 1990, il avait participé à un processus visant la dotation d’un poste de niveau PE-04. Trois personnes avaient été jugées qualifiées, y compris le plaignant, mais seules deux personnes ont été nommées. Récemment, il y a également eu une possibilité d’affectation au poste de responsable de la dotation collective et de la liaison. C’est une femme de race blanche, qui possédait dix ans d’expérience de moins que le plaignant, qui a été retenue. Le plaignant travaillait déjà dans ce domaine.

16Le plaignant a également indiqué qu’il n’y avait jamais eu d’Afro-Canadien nommé à un poste de direction à Halifax. Un homme noir avait déjà été nommé à titre intérimaire au poste de gestionnaire du Centre d’apprentissage, mais le profil linguistique du poste a par la suite été modifié, pour passer d’anglais essentiel à bilingue, de sorte qu’il n’a même pas pu se porter candidat au poste de façon permanente.

17Le plaignant a expliqué qu’il n’avait pas présenté sa candidature pour la possibilité de nomination intérimaire au poste aux FMAR(A) et à l’UA lorsque M. Hartigan est parti en formation linguistique, car il n’y avait pas réellement de poste vacant. Il devait s’agir d’une nomination intérimaire à durée limitée, jusqu’au retour de M. Hartigan. Le plaignant a affirmé que s’il y avait eu un poste vacant, il aurait postulé.

18Le 26 avril 2006, M. Stewart a envoyé au plaignant un courriel indiquant qu’il avait décidé d’annuler le processus de nomination intérimaire pour le poste à l’IMF. Aucune raison n’était précisée. Selon le plaignant, lorsque M. Stewart a vu qui étaient les postulants, il a décidé d’annuler le processus. Le plaignant n’a pas discuté de cette question avec M. Stewart car il croyait, à l’époque, que le processus de nomination visant la dotation du poste à l’IMF pour une durée indéterminée serait complété rapidement.

19Selon le plaignant, même si le poste annoncé était celui à l’IMF, M. Stewart a utilisé le processus pour doter le poste aux FMAR(A) et à l’UA.

20Le plaignant a également présenté un document, élaboré par les Ressources humaines du ministère, portant sur une analyse des écarts sur le plan de l’équité en emploi. Le plaignant a expliqué que si un conseiller en ressources humaines souhaitait se servir de l’équité en emploi comme exigence d’embauche, il pouvait procéder à une analyse pour déterminer s’il y avait des lacunes au MDN concernant un groupe en particulier. À Halifax, il y avait un écart de représentation pour les minorités visibles et les femmes en juin 2006, soit à l’époque de l’annonce du processus de nomination susmentionné. Le plaignant a ajouté que les agents des ressources humaines avaient reçu comme directive de ne pas inclure l’équité en emploi dans les besoins organisationnels à moins qu’un écart ne soit observé pour un groupe en particulier.

21Seules trois personnes ont obtenu des nominations intérimaires au poste de gestionnaire, Service des ressources humaines, c’est-à-dire Mmes Anderson, Grant et DeCurtis. Toutes trois sont des femmes de race blanche.

22L’ECM précisait le besoin organisationnel suivant :

Membres d’un des groupes désignés aux fins de l’équité en matière d’emploi suivants : personnes handicapées/minorité visible/personne [sic] autochtones

23Le plaignant a déclaré que, dans le déroulement normal d’un processus de nomination, une fois que le comité d’évaluation a ciblé un groupe de candidats qualifiés, il applique généralement les critères relatifs aux qualifications constituant un atout ou aux besoins organisationnels. Le plaignant était le seul candidat afro‑canadien. Malgré son inclusion dans l’ECM, ce besoin organisationnel n’a tout simplement pas été pris en considération pour le processus, ce qui constituait une erreur.

24Le plaignant s’est vu refuser la possibilité d’occuper le poste à l’IMF à titre intérimaire, alors que Mme Grant a assumé les fonctions du poste aux FMAR(A) et à l’UA pendant 15 mois, durée qui correspond au temps que l’intimé a mis à compléter le processus de nomination. Il s’agit là d’une preuve de traitement préférentiel par le gestionnaire. Ce dernier a finalement publié, le 31 mai 2007, un avis de nomination intérimaire relativement à la nomination intérimaire de Mme Grant, qui avait débuté en novembre 2006. Le plaignant n’a pas présenté de plainte, car il s’attendait à ce que les résultats du processus visant la dotation du poste pour une durée indéterminée soient diffusés quelques jours plus tard.

25Le processus visant la dotation du poste vacant a duré plus de 15 mois. Or, la norme de service de l’intimé concernant la tenue de processus annoncés était de 65 jours. Pendant cette longue période, Mme Grant a bénéficié de l’expérience acquise à titre intérimaire dans le poste. Elle était présente à toutes les réunions de gestion.

26M. Stewart a témoigné au nom de l’intimé. Il a affirmé qu’il était directeur régional pour la région de l’Atlantique depuis 1997 et qu’il était responsable des services régionaux des ressources humaines du personnel civil du MDN pour les quatre provinces de l’Atlantique. M. Stewart a expliqué qu’il existait deux postes de gestionnaire, Service des ressources humaines, dans la région de l’Atlantique, soit le poste à l’IMF, dont relevait un vaste effectif civil situé à Halifax, et le poste aux FMAR(A) et à l’UA, qui consistait à fournir des services de ressources humaines à plusieurs unités navales, ainsi qu’à quatre unités de la Force aérienne, et à d’autres organisations des Forces canadiennes, situées un peu partout dans la région de l’Atlantique.

27M. Stewart a lancé le processus de nomination au début de 2006, lorsque le poste à l’IMF est devenu vacant en raison du départ de son titulaire. Il a donc annoncé le poste de gestionnaire, Service des ressources humaines, en avril 2006, sans préciser le lieu. Il avait l’intention de déterminer par la suite si le candidat retenu satisfaisait davantage aux exigences du poste à l’IMF ou à celles du poste aux FMAR(A) et à l’UA. Le titulaire du poste aux FMAR(A) et à l’UA, M. Hartigan, suivait une formation linguistique à temps plein au début de 2006 et devait réintégrer son poste en juin ou en juillet 2006. M. Hartigan est toutefois revenu au travail plus tôt que prévu. Au même moment, un nouveau cadre supérieur à l’IMF a décidé de lancer un vaste processus de nomination visant l’embauche d’environ 200 personnes en un court laps de temps. M. Stewart a discuté de cette situation avec M. Hartigan, qui s’est engagé à fournir des services de ressources humaines pour la dotation du poste à l’IMF. L’embauche de 200 personnes à l’IMF sous le régime de la nouvelle LEFP donnait lieu à une situation hors du commun, et il ne s’agissait pas d’un contexte propice pour que M. Stewart offre une possibilité de perfectionnement à un employé.

28M. Stewart a indiqué qu’au début du mois de mai 2006, il avait été informé que le Commissaire aux langues officielles avait reçu une plainte au sujet des postes de gestionnaire, Service des ressources humaines, indiquant que l’un des deux postes devrait être désigné bilingue. Entre mai et juillet 2006, il a négocié une entente devant lui permettre de garder le critère « anglais essentiel » au chapitre des exigences linguistiques. Une deuxième annonce a été diffusée, dont la date de clôture indiquée était le 2 août 2006. M. Stewart n’a pas mentionné les raisons de ce retard aux postulants.

29Le comité d’évaluation était composé de M. Stewart et de Cheryl Reed, directrice générale. Les candidats ont été présélectionnés en fonction de l’expérience et ont eu à passer l’examen de la CFP intitulé Exercice « in‑basket » pour la gestion intermédiaire 820 (exercice 820 de la CFP), qui visait à évaluer leur capacité de gestion. Ils ont ensuite reçu un scénario une semaine avant l’entrevue. Les candidats devaient se préparer en vue de présenter un exposé et de rédiger une note d’information. Ils devaient également fournir des références.

30Quatre candidats ont été jugés qualifiés aux fins d’une nomination, y compris le plaignant et Mme Grant. Les candidats ont été évalués selon la formule « satisfait – ne satisfait pas ».

31Avant les entrevues, M. Hartigan avait décidé de conserver son poste à l’IMF. Le comité d’évaluation recherchait donc un candidat pour le poste aux FMAR(A) et à l’UA, qui puisse entretenir des liens stratégiques avec les clients.

32Le comité a produit une justification écrite concernant sa décision selon laquelle Mme Grant constituait la bonne personne pour le poste. Il a souligné ses points forts dans les domaines de la formulation de conseils et d’avis stratégiques, du leadership, du service à la clientèle et des relations interpersonnelles ainsi que du jugement. Le comité a également mentionné son résultat pour le facteur analyse à l’exercice 820 de la CFP (5/5) et les références très positives obtenues à son sujet de la part des clients et des superviseurs. Le conseil a également précisé que la capacité de faire participer divers clients d’importance chargés de gérer différentes organisations était essentielle pour assumer les fonctions du poste, au même titre que la capacité d’établir diverses méthodes stratégiques pour répondre aux besoins variés de la clientèle, et d’en assurer la viabilité.

33M. Stewart a également expliqué que le titulaire du poste aux FMAR(A) et à l’UA entretenait des liens avec de nombreux groupes de clients. L’un de ces clients est situé dans le même immeuble que le Service des ressources humaines, mais tous les autres sont répartis un peu partout dans la région de l’Atlantique. Mme Grant a été en mesure de démontrer qu’elle pouvait élaborer diverses méthodes pour répondre aux besoins variés de la clientèle. Pour déterminer qui était la bonne personne, le comité a pris en considération tous les aspects de l’évaluation des candidats.

34Même si la capacité d’analyse n’était pas expressément précisée dans l’ECM, il s’agissait de l’un des facteurs évalués dans l’exercice 820 de la CFP et de l’un des aspects de la capacité de gestion. La capacité de faire participer divers clients d’importance qui a été mentionnée précédemment fait justement partie intégrante de la capacité de fournir des avis stratégiques. Quant à la capacité d’élaborer diverses méthodes stratégiques, elle a trait à la capacité de fournir des avis stratégiques et elle est également comprise dans la qualification liée au leadership.

35M. Stewart a affirmé qu’il n’avait aucunement préparé Mme Grant à occuper le poste en question. Elle figurait parmi les quelques postulants qui avaient présenté leur candidature pour la possibilité de nomination intérimaire au poste de M. Hartigan pendant sa formation linguistique, et elle avait obtenu ce poste. Elle n’avait reçu aucune formation particulière et, par le passé, elle avait eu une possibilité d’affectation semblable à celle dont le plaignant avait bénéficié.

36En contre-interrogatoire, M. Stewart a expliqué que le besoin organisationnel concernant les membres des groupes d’équité en matière d’emploi figurait généralement dans toutes les annonces du MDN au pays. L’objectif était d’encourager les membres de ces groupes à présenter leur candidature dans des processus de nomination. Les besoins organisationnels indiqués sur l’annonce peuvent servir à décider quels candidats seront nommés. M. Stewart a affirmé que les gestionnaires devaient tenir compte de toutes les circonstances lorsqu’ils prenaient leurs décisions. Dans ce cas particulier, il estimait que les exigences du poste et des clients étaient plus importantes que le fait de nommer un membre d’un groupe d’équité en matière d’emploi. Il a donc décidé d’appliquer le critère de la bonne personne pour le poste plutôt que celui du besoin organisationnel figurant sur l’annonce.

Argumentation des parties

A) Argumentation du plaignant

37Le plaignant soutient que la direction a fait preuve de discrimination à son égard lorsqu’elle a annulé la possibilité de nomination intérimaire au poste à l’IMF. Le processus a été annulé après que M. Stewart eut pris connaissance du nom des postulants. Aucune raison n’a été fournie relativement à cette annulation. C’est M. Hartigan qui a obtenu ce poste, tandis que le poste d’attache de ce dernier est demeuré vacant de façon à ce que Mme Grant puisse continuer d’assumer les fonctions du poste aux FMAR(A) et à l’UA à titre intérimaire. Elle avait été préparée à occuper ce poste. Le traitement préférentiel dont elle a fait l’objet a désavantagé le plaignant, ce qui constitue de la discrimination et va à l’encontre de l’article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R. 1985, ch. H-6(LCDP).

38Selon le plaignant, Mme Grant a reçu un traitement préférentiel de la part du gestionnaire. En effet, elle occupait le poste à doter à titre intérimaire depuis environ 15 mois. Le gestionnaire a annulé le processus de nomination intérimaire au poste à l’IMF pour lequel le plaignant s’était porté candidat. Ce dernier ne s’est pas vu offrir la possibilité d’occuper le poste aux FMAR(A) et à l’UA à titre intérimaire, même si M. Stewart savait que le plaignant, dans son plan d’apprentissage, évoquait la possibilité d’occuper un poste de direction à titre intérimaire depuis plusieurs années.

39Le plaignant affirme qu’il existe clairement une preuve prima facie de discrimination dans ce processus de nomination. Si l’on applique les critères figurant dans la décision Shakes v. Rex Pak Ltd., (1982) 3 C.H.R.R. D/1001, il est clair que le plaignant possédait les qualifications requises en vue de la nomination (il avait également été jugé qualifié dans d’autres processus). Or, le plaignant n’a pas été nommé. De plus, la personne qui a été nommée n’était pas plus qualifiée que lui.

40Le plaignant affirme en outre que l’intimé a abusé de son pouvoir lorsqu’il a modifié l’ECM durant le processus d’évaluation. Les gestionnaires ne peuvent se fonder que sur les qualifications figurant dans l’ECM pour évaluer les candidats. L’une des qualifications essentielles pour le poste était la capacité de gestion, laquelle était évaluée au moyen de l’exercice 820 de la CFP. Mme Grant a été jugée comme la bonne personne pour occuper le poste en fonction du facteur analyse tiré de l’exercice 820 de la CFP, pour lequel elle a reçu la note de 5 sur 5.

41Le plaignant soutient que la capacité d’analyse ne figurait pas parmi les qualifications énumérées dans l’ECM et que, par conséquent, il n’était pas approprié d’utiliser cette qualification afin de choisir le candidat qui constituait la bonne personne pour le poste. L’exercice 820 de la CFP a été utilisé aux fins de l’évaluation de la capacité de gestion. Le fait d’extraire un aspect de cette qualification, soit la capacité d’analyse, constitue un emploi abusif de l’examen standardisé.

42De plus, la justification du choix de Mme Grant indiquait que « la capacité de faire participer divers clients d’importance chargés de gérer différentes organisations était essentielle à la réussite du titulaire du poste. » [traduction] Le plaignant affirme que cette capacité n’était pas indiquée dans l’ECM, qu’elle n’a pas été évaluée et que, par conséquent, elle ne peut pas faire partie des critères servant à choisir la bonne personne pour le poste.

43Une troisième qualification ne figurant pas dans l’ECM faisait partie de la justification. Il s’agit de la « capacité d’élaborer et maintenir diverses méthodes stratégiques pour répondre aux besoins variés de la clientèle. » [traduction] Le gestionnaire a indiqué qu’il s’agissait d’une capacité extrêmement importante pour le poste, mais il ne l’avait pas incluse dans l’ECM. Selon le plaignant, la raison en est que l’ECM avait d’abord été élaboré pour le poste à l’IMF. Les qualifications supplémentaires ont été évaluées étant donné que le poste à doter était différent de celui que le gestionnaire avait tout d’abord l’intention de doter.

44Bien que le gestionnaire ait indiqué un besoin organisationnel, celui-ci n’a pas été pris en considération. Le plaignant était le seul Afro-Canadien parmi les cinq candidats, mais sa candidature n’a pas été prise en considération en vue d’une nomination. Comme le gestionnaire avait inclus un besoin organisationnel visant des membres des groupes d’équité en emploi dans l’annonce, il était tenu d’examiner la candidature des personnes qui répondaient à ce besoin.

B) Argumentation de l’intimé

45L’intimé fait valoir que le plaignant a avancé deux types de discrimination : la discrimination systémique en milieu de travail qui lui aurait nui et la discrimination directe de la part du gestionnaire, qui aurait empêché le plaignant de bénéficier d’une nomination intérimaire à long terme. Pour établir qu’il y a eu discrimination systémique, le plaignant doit prouver que les pratiques d’emploi en milieu de travail sont teintées de discrimination systémique, avec des effets préjudiciables en ce qui le concerne. En l’espèce, il n’y a eu aucune preuve d’attitude négative envers les membres des minorités visibles et qui pourrait constituer de la discrimination systémique. Le seul élément de preuve qui a été présenté indique que le plaignant s’est vu refuser des possibilités de nomination intérimaire.

46Selon les éléments de preuve fournis par M. Stewart, les possibilités de nominations intérimaires à long terme sont plutôt rares. Lorsqu’il y a des possibilités, comme ce fut le cas pour le poste de M. Hartigan pendant que celui-ci suivait une formation linguistique, M. Stewart les annonce. Le plaignant n’a pas présenté sa candidature pour ce poste; il n’était pas intéressé par cette possibilité car il n’y avait pas réellement de poste vacant.

47De la même façon, M. Stewart avait annoncé une possibilité de nomination intérimaire au poste à l’IMF lorsque Mme Banfield a quitté ce poste. Or, suite à des circonstances imprévues, cette possibilité d’emploi n’existait plus lorsque M.  Hartigan a accepté le poste. Le gestionnaire a fourni des éléments de preuve clairs et convaincants quant à la raison pour laquelle cette décision a été prise.

48L’intimé soutient que le critère approprié pour établir s’il y a discrimination directe se retrouve dans la décision Shakes. En effet, l’élément qui aurait désavantagé le plaignant est l’absence de nomination intérimaire à long terme pour ce dernier.

49M. Stewart a expliqué la raison pour laquelle il a nommé M. Hartigan au poste à l’IMF. Rien n’indique que le processus a été annulé au motif que le plaignant était le seul postulant ou qu’il est noir.

50Le plaignant soutient également que, vu sa durée (de novembre 2006 à juillet 2007), la deuxième nomination intérimaire de Mme Grant aurait dû être annoncée de nouveau. Toutefois, l’intimé fait valoir que les éléments de preuve indiquent que M. Stewart souhaitait conserver une certaine stabilité avec les clients, et que le poste avait déjà été annoncé en 2005. Il a donc nommé Mme Grant en novembre pour une période de moins de quatre mois, car il croyait que le processus visant la dotation du poste pour une durée indéterminée serait bientôt terminé. L’avis de nomination intérimaire a été diffusé le 31 mai 2007, soit avec deux mois de retard, comme l’a reconnu l’intimé. Le plaignant n’a pas exercé son droit de recours en ce qui a trait à cette nomination intérimaire.

51Quant au traitement préférentiel dont aurait bénéficié Mme Grant, l’intimé s’appuie sur la décision Glasgow c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et al.,[2008] TDFP 0007. Mme Grant avait participé au processus de nomination intérimaire pour le poste aux FMAR(A) et à l’UA. Elle occupait ce poste par rotation avec Mme DeCurtis, l’autre candidate qualifiée. Le plaignant a fait référence au fait qu’elle avait acquis de l’expérience en participant aux réunions de gestion. Toutefois, aucun élément de preuve n’indique qu’il s’agissait là d’un avantage. Quatre candidats, dont le plaignant, avaient été jugés qualifiés au terme du processus de dotation du poste pour une durée indéterminée.

52L’intimé fait également remarquer que le plaignant avait manifesté de façon générale son intérêt à l’égard d’une possibilité de nomination intérimaire, mais qu’il n’existe aucune preuve indiquant que la direction savait que ce dernier voulait occuper le poste aux FMAR(A) et à l’UA de façon intérimaire. Le plaignant n’avait pas postulé pour ce poste en 2005, lorsque la possibilité s’était d’abord présentée.

53M. Stewart n’a pas modifié les critères de mérite. Le poste de gestionnaire, Service des ressources humaines, était un poste générique. Toutefois, pour le poste aux FMAR(A) et à l’UA en particulier, M. Stewart avait décidé de ne pas tenir compte du besoin organisationnel, mais de rechercher plutôt la personne qui serait en mesure de fournir des avis stratégiques et de répondre aux besoins variés.

C) Argumentation de la Commission de la fonction publique

54La CFP soutient que le rôle du Tribunal est de déterminer si l’administrateur général a abusé de son pouvoir lorsqu’il a appliqué les critères de mérite. Dans ce contexte, le Tribunal peut interpréter et appliquer la LCDP. Si le Tribunal conclut qu’il y a eu discrimination, le plaignant doit alors prouver que celle-ci constitue un abus de pouvoir. Bien qu’il ne soit pas obligatoire de prouver l’existence d’une intention illégitime afin d’établir qu’il y a eu discrimination, celle-ci n’équivaut pas systématiquement à un abus de pouvoir.

55En ce qui a trait au besoin organisationnel, la CFP fait remarquer qu’un administrateur général a le choix d’en tenir compte ou non à tout moment du processus, dans la mesure où cette décision est prise de façon objective.

Analyse

Question 1 : L’intimé a-t-il exercé une discrimination envers le plaignant en fonction de la race et, dans l’affirmative, cet acte discriminatoire constitue-t-il un abus de pouvoir?

56Le plaignant affirme avoir été victime de discrimination, car la possibilité de nomination intérimaire au poste à l’IMF a été annulée. Il affirme également que le traitement préférentiel dont a bénéficié Mme Grant grâce à sa nomination intérimaire au poste aux FMAR(A) et à l’UA pendant une longue période constitue de la discrimination à son endroit.

57L’article 80 de la LEFP est libellé comme suit :

80. Lorsqu’il décide si la plainte est fondée, le Tribunal peut interpréter et appliquer la Loi canadienne sur les droits de la personne, sauf les dispositions de celle-ci sur le droit à la parité salariale pour l’exécution de fonctions équivalentes.

58Voici un extrait du paragraphe 3(1) et de l’article 7 de la LCDP :

3. (1) Pour l’application de la présente loi, les motifs de distinction illicite sont ceux qui sont fondés sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’état matrimonial, la situation de famille, l’état de personne graciée ou la déficience.

[…]

7. Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

  1. de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu;
  2. de le défavoriser en cours d’emploi.

59Le plaignant soutient avoir été victime d’une discrimination raciale de la part de l’intimé qui a omis de lui donner la possibilité d’occuper de façon intérimaire le poste de gestionnaire, Service des ressources humaines, ce qui va à l’encontre du paragraphe 3(1) et de l’article 7 de la LCDP. Entre-temps, La personne nommée a bénéficié d’une nomination intérimaire de longue durée au poste aux FMAR(A) et à l’UA.

60Le plaignant et l’intimé ont tous deux fait référence à la décision Shakes. Selon le critère bien établi dans la décision Shakes, dans un contexte d’emploi, une preuve prima facie de discrimination est établie lorsque le plaignant répond aux trois volets du critère suivant (au paragraphe 8918) :

Dans une plainte en matière d’emploi, la Commission établit habituellement la preuve prima facie en montrant a) que le plaignant avait les compétences voulues pour l’emploi concerné; b) que le plaignant n’a pas été engagé; c) qu’une personne qui n’était pas mieux qualifiée et qui ne possédait pas la caractéristique qui constitue le fondement de la plainte concernant les droits de la personne (c.‑à‑d. la race, la couleur de la peau, etc.) a par la suite obtenu le poste. Si ces éléments sont prouvés, il incombe au défendeur de fournir une explication des faits également compatible avec la conclusion que la discrimination pour un motif prohibé par le Code n’est pas une explication valable de ce qui s’est produit. [traduction]

61S’il applique le critère établi dans la décision Shakes, le Tribunal est convaincu que le plaignant a établi une preuve prima facie de discrimination. Premièrement, le Tribunal juge que, à la lumière des éléments de preuve présentés à l’audience, le plaignant était qualifié pour le poste. Deuxièmement, le plaignant n’a pas été nommé au poste. Troisièmement, une autre personne qualifiée, qui n’est pas de race noire, a obtenu le poste.

62Selon le critère d’analyse établi dans la décision Shakes, dès lors qu’un plaignant établit une preuve prima facie de discrimination, le fardeau de la preuve revient à l’intimé, qui doit expliquer de façon raisonnable que la nomination n’était pas fondée sur la discrimination.

63Le Tribunal estime que l’intimé a fourni une explication raisonnable à l’appui de sa décision de nommer Mme Grant. Cette explication figure dans la justification écrite, de même que dans le témoignage qu’a présenté M. Stewart à l’audience. Essentiellement, l’intimé a choisi Mme Grant en raison de ses solides compétences en ce qui a trait à la formulation d’avis et de conseils stratégiques et de ses qualités de leadership, lesquelles constituaient des qualifications essentielles pour le poste aux FMAR(A) et à l’UA.

64Le plaignant soutient qu’il s’est vu refuser des possibilités de nomination intérimaire en raison de sa race. La possibilité de nomination intérimaire au poste aux FMAR(A) et à l’UA était initialement attribuable à l’absence de M. Hartigan qui suivait une formation linguistique au cours de l’été 2005. Cette possibilité a été annoncée, mais le plaignant n’a pas postulé. Mmes Grant et DeCurtis ont été jugées qualifiées et ont occupé le poste de façon intérimaire par rotation. Ces nominations intérimaires ne peuvent en aucun cas être taxées de discrimination à l’encontre du plaignant, étant donné que ce dernier n’avait pas manifesté son intérêt pour cette possibilité. Par ailleurs, même lorsqu’il est devenu évident que le poste aux FMAR(A) et à l’UA demeurerait vacant jusqu’au retour de M. Hartigan, le plaignant ne s’est pas montré intéressé par cette possibilité de nomination intérimaire.

65L’autre possibilité de nomination intérimaire en cause a été annoncée en février 2006 et visait le poste à l’IMF. Le plaignant a présenté sa candidature pour ce poste. Toutefois, cette possibilité d’emploi a été annulée par M. Stewart à la fin du mois d’avril 2006, en raison de deux circonstances imprévues. Premièrement, M. Hartigan a terminé sa formation linguistique plus tôt que prévu. Deuxièmement, un nouveau gestionnaire à l’IMF a décidé de lancer un vaste programme de recrutement à l’IMF. Le Tribunal estime donc que la décision d’annuler cette possibilité de nomination intérimaire était attribuable à deux facteurs : d’une part, le retour imprévu de M. Hartigan, un gestionnaire expérimenté dans le domaine des ressources humaines et, d’autre part, la nécessité de gérer un vaste programme de recrutement à l’IMF. Le Tribunal juge que l’explication fournie par M. Stewart était raisonnable et que cette décision ne tenait pas de la pratique discriminatoire.

66Le Tribunal juge qu’il n’existe aucun élément de preuve à l’appui de l’affirmation du plaignant selon laquelle les deux nominations intérimaires dont a bénéficié Mme Grant au poste aux FMAR(A) et à l’UA constituaient un traitement préférentiel et de la discrimination à son endroit. Mme Grant a été nommée au poste pour la période de septembre 2005 à février 2006, sous le régime de l’ancienne LEFP, car elle a été jugée comme la candidate la plus qualifiée pour la nomination intérimaire, comme en témoigne la liste d’admissibilité produite à l’audience. La candidate occupant le deuxième rang de cette liste a assumé les fonctions du poste, par rotation, de février à novembre 2006. Étant donné que le poste n’avait toujours pas été doté pour une durée indéterminée en novembre 2006, M. Stewart y a nommé Mme Grant de façon intérimaire et a procédé à la notification à cet égard (en retard) puisque la nomination dépassait quatre mois. Le Tribunal estime que ces nominations étaient fondées sur le mérite et permettaient de répondre aux exigences opérationnelles en attendant la fin du processus de nomination visant la dotation du poste pour une durée indéterminée.

67Le Tribunal conclut donc que ces deux nominations intérimaires ne témoignaient pas d’un traitement préférentiel et ne constituaient pas de la discrimination à l’encontre du plaignant.

Question 2 : L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en nommant Mme Grant sur la base de qualifications qui ne figuraient pas dans l’ECM?

68Le plaignant soutient que l’intimé a pris la décision de nommer Mme Grant au poste aux FMAR(A) et à l’UA sur la base de qualifications qui ne figuraient pas dans l’ECM. L’intimé soutient pour sa part que les critères utilisés pour la sélection faisaient partie des qualifications précisées dans l’ECM.

69Dans la décision Visca c. Sous-ministre de la Justice et al., [2007] TDFP 0024, le Tribunal a établi ce qui suit :

[42] Aux termes du paragraphe 30(2) de la LEFP, les gestionnaires disposent d’un pouvoir discrétionnaire considérable pour établir les qualifications liées au poste qu’ils souhaitent doter et pour choisir la personne qui non seulement satisfait aux qualifications essentielles mais représente la bonne personne pour occuper le poste visé. Un pouvoir discrétionnaire semblable est prévu à l’article 36 de la LEFP à l’intention des personnes qui détiennent les pouvoirs de dotation pour choisir et utiliser les méthodes d’évaluation qui permettront de déterminer si la personne satisfait aux qualifications essentielles. Le Tribunal a examiné le pouvoir discrétionnaire prévu à l’article 36 au regard du choix de la méthode d’évaluation dans la décision Jolin c. Administrateur général de Service Canada et al., [2007] TDFP 0011, paragraphes 26 à 28.

[43] La pondération des critères de mérite et l’utilisation de points de démarcation en fonction du rendement des candidats représentent des méthodes qui s’inscrivent dans le cadre du vaste pouvoir discrétionnaire accordé aux gestionnaires en vertu de la LEFP. Les gestionnaires ont en effet toute la marge de manoeuvre nécessaire pour décider des critères qui sont les plus importants pour un poste donné, au moment du processus de sélection. M. Wilson a pris cette décision et opté pour une méthode d’évaluation qui met l’accent sur deux critères en particulier, la vaste expérience récente, et le jugement.

[44] En vertu de l’ancienne LEFP, il y avait motif d’appel lorsque le mérite relatif n’était pas réalisé. Le processus était normatif, le classement était obligatoire et tout écart par rapport au processus risquait de se traduire par un appel accueilli. Aujourd’hui, en vertu du paragraphe 30(2) de la LEFP, le gestionnaire dispose d’un pouvoir discrétionnaire considérable pour choisir, parmi les postulants qui répondent aux qualifications essentielles, la personne qui, selon son jugement, est la bonne personne pour occuper le poste. Dès lors, il n’est plus nécessaire de classer les candidats ni d’établir une liste d’admissibilité. […]

70Les gestionnaires jouissent donc d’un vaste pouvoir discrétionnaire pour déterminer qui est la bonne personne pour occuper le poste. Dans certains cas, le gestionnaire peut choisir la personne à nommer en se fondant sur ses points forts par rapport à une ou à plusieurs qualifications essentielles, ou en tenant compte des besoins organisationnels ou des qualifications constituant un atout.

71Le Tribunal juge que le comité d’évaluation a établi que Mme Grant était la bonne personne pour le poste en fonction des résultats généraux du processus de nomination et du contexte entourant le poste à doter. Dans sa justification écrite, le comité souligne les points forts de la personne nommée sur le plan de la formulation d’avis et de conseils stratégiques, du leadership, du service à la clientèle et des relations interpersonnelles ainsi que du jugement. Ce sont là quatre des qualifications pour le poste. À l’appui de cette affirmation, le comité fait référence aux réponses de Mme Grant à la question portant sur les rapports avec les clients, au facteur analyse tiré de l’exercice 820 de la CFP et à de solides références.

72Le plaignant fait valoir que, lorsqu’il a fait référence à la note obtenue par Mme Grant pour le facteur analyse de l’exercice 820 de la CFP, le comité a modifié les qualifications pour le poste. Le Tribunal estime que le comité n’a pas modifié les qualifications et n’en a pas ajouté de nouvelles, mais qu’il s’est plutôt fondé sur un aspect de la capacité de gestion pour appuyer sa décision.

73Le comité a également indiqué dans sa justification écrite que « la capacité de faire participer divers clients d’importance chargés de gérer différentes organisations » [traduction] était essentielle à la réussite du titulaire du poste. Le Tribunal accepte le témoignage de M. Stewart selon lequel cette exigence constituait un aspect de la capacité de fournir des conseils et des avis stratégiques en ce qui a trait aux ressources humaines civiles dans le contexte du poste aux FMAR(A) et à l’UA, étant donné que plusieurs organisations sont situées un peu partout dans la région.

74Selon M. Stewart, la mention contenue dans la justification écrite concernant la capacité d’élaborer diverses méthodes stratégiques pour répondre aux besoins diversifiés de la clientèle et d’en assurer la viabilité se rapportait à deux qualifications, soit la capacité de fournir des avis stratégiques et le leadership. L’un des critères ayant servi à évaluer la capacité de fournir des avis stratégiques au cours de l’entrevue était la capacité de formuler clairement des solutions créatives, applicables aux besoins de la clientèle. La définition du leadership comprenait la capacité de réflexion stratégique et la capacité de faire preuve d’initiative pour proposer des solutions innovatrices afin d’appuyer la prestation de services de ressources humaines. Le Tribunal estime que cet aspect de la justification signifiait tout simplement, en d’autres termes, que Mme Grant possédait un solide leadership et la capacité de fournir des avis stratégiques.

75Le Tribunal estime que la justification écrite constitue une explication raisonnable de la décision de nommer Mme Grant, plutôt que l’un des autres candidats qualifiés, et que cette décision s’inscrivait dans le contexte des tâches particulières associées au poste aux FMAR(A) et à l’UA. Le Tribunal ne peut conclure que l’intimé a abusé de son pouvoir lorsqu’il a choisi de nommer Mme Grant.

76Le Tribunal est toutefois préoccupé par plusieurs problèmes de communication mis en lumière au cours de l’audience. Tout d’abord, il aurait été avantageux, à la fois pour le gestionnaire et pour le plaignant, de discuter des raisons à l’origine de l’annulation de la possibilité de nomination intérimaire au poste à l’IMF. De plus, aucun élément de preuve n’indique que M. Stewart a communiqué avec les candidats pour leur fournir les raisons du retard dans la dotation du poste. Enfin, la notification tardive, le 31 mai 2007, de la nomination intérimaire de Mme Grant, qui datait du 15 novembre 2006, témoigne des lacunes de l’intimé en matière de communication. Le Tribunal encourage l’intimé à élaborer des mécanismes de communication efficaces pour informer les candidats durant les processus de nomination.

Décision

77Pour tous ces motifs, la plainte est rejetée.

Helen Barkley

Membre

Parties au dossier

Dossier du Tribunal:
2007-0354
Intitulé de la cause:
Carl Gannon et le Sous-Ministre de la Défense nationale et al.
Audience:
Les 5 et 6 juin 2008
Halifax (Nouvelle-Écosse)
Date des motifs:
Le 8 avril 2009

Comparutions:

Pour les plaignants:
Carl Gannon
Pour l'intimé:
Caroline Engmann
Pour la Commission
de la fonction publique:
Marie-Josée Montreuil
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