Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les plaignants ont formulé à l’encontre de l’intimé des allégations d’abus de pouvoir dans le choix du processus de nomination. Ils ont fait valoir que le fait que la candidate retenue ait commencé ses fonctions cinq mois après sa nomination soulevait un doute quant aux besoins opérationnels, l’importance des services à la clientèle et l’urgence de doter le poste par le truchement d’un processus de nomination non annoncé. Selon eux, le gestionnaire a agi à l’encontre de la logique et au détriment du moral des employés. L’intimé a soutenu que les trois raisons utilisées par le gestionnaire étaient valables pour justifier le processus non annoncé : les tentatives antérieures infructueuses de dotation; les besoins opérationnels urgents; le risque de perdre la candidate retenue qui s’était qualifiée dans un autre ministère. La Commission de la fonction publique a fait remarquer que le risque de perdre la candidate retenue ne justifiait pas en soi un processus non annoncé, mais que les autres motifs décrits par le gestionnaire étaient suffisants. Décision : Les plaignants devaient prouver que la décision de choisir un processus non annoncé constituait un abus de pouvoir. Le seul fait que ce ne soit pas une pratique courante de choisir un processus de nomination non annoncé n’est pas en soi une preuve d’abus de pouvoir. De plus, le fait de prendre en compte une seule personne est expressément autorisé par la Loi sur l’emploi dans la fonction publique. En l’espèce, il y avait effectivement un besoin opérationnel urgent au moment de la nomination de la candidate retenue. Le fait que le gestionnaire ait nommé la candidate retenue à un poste qu’elle n’occuperait pas immédiatement après sa nomination ne constituait pas en soi un abus de pouvoir. Il n’est pas nécessaire qu’une personne nommée entre en fonctions immédiatement après sa nomination. Le Tribunal a jugé que l’intimé a respecté la politique de la CFP, de même que les lignes directrices et les plans des ressources humaines lorsqu’il a opté pour un processus non annoncé. Par conséquent, il n’y a pas eu abus de pouvoir. Plaintes rejetées.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossiers:
2008-0122, 0123 et 1076
Rendue à:
Ottawa, le 16 novembre 2009

MARTINA LAHAIE, SUZANNE LEBLANC ET JACQUES FOURNIER
Plaignants
ET
LE SOUS-MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plaintes d'abus de pouvoir en vertu des l'alinéas 77(1)b) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision:
Les plaintes sont rejetées
Décision rendue par:
Robert Giroux, membre
Langue de la décision:
Français
Répertoriée:
Lahaie et al. c. le sous-ministre de la Défense nationale et al.
Référence neutre:
2009 TDFP 0030

Motifs de la décision

Introduction

1Les plaignants, Martina Lahaie, Suzanne Leblanc et Jacques Fournier, ont chacun déposé une plainte auprès du Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal), en vertu de l’alinéa 77(1)b)de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP) où ils formulent des allégations d’abus de pouvoir à l’encontre de l’intimé, le sous-ministre de la Défense nationale. Selon les plaignants, il y a eu abus de pouvoir dans le choix d’un processus non annoncé pour doter le poste de gestionnaire des services à la clientèle aux groupe et niveau CS-04 dans la Direction générale de la technologie, gestion de l’information (DGTGI) dans l’unité 76e Groupe des communications (76e G Comm).

2Conformément à l’article 8 du Règlement du Tribunal de la dotation de la fonction publique, DORS/2006-6, ces trois plaintes ont été jointes le 14 mai 2008.

Contexte

3Durant l’audience, les plaignants et l’intimé se sont entendus sur les faits suivants :

  • Le ou vers le 23 novembre 2006, l’intimé a initié un processus de nomination générique pour doter des postes aux groupe et niveau CS-04 (no : 06-DND-IA-OTTAWA-054277). Un bassin a donc été établi pour permettre la dotation future de postes semblables.
  • En octobre 2007, il y avait dans le bassin deux candidats qui possédaient les qualifications essentielles. À ce moment, un troisième candidat n’avait pas encore passé ses tests d’évaluation de langue seconde. Ainsi, le poste de gestionnaire des services à la clientèle (CS-04) au sein du 76e G Comm a été offert aux deux candidats dans le bassin le 15 octobre 2007. Les candidats ont tous deux refusé l’offre, ce qui a été communiqué par courriel le 16 octobre 2007 à Bonnie Oostlander, Commandante par intérim du 76e G Comm.
  • Le 29 octobre 2007, Mme Oostlander a décidé de nommer Sophie d’Auzac de Lamartinie au poste de gestionnaire aux services à la clientèle dans la section SSTI (CS-04) par l’entremise d’un processus de nomination non annoncé. Mme d’Auzac de Lamartinie avait occupé ce poste de façon intérimaire du 4 juin au 4 novembre 2007.

4Le 8 janvier 2008, Mme Oostlander a signé la Justification des nominations non annoncées pour le processus de nomination 08-DND-INA-OTTWA-302926, et le 5 février 2008, l’avis de candidature retenue a été publié sur Publiservice indiquant que Mme d’Auzac de Lamartinie était la candidate retenue.

5Le 7 février 2008, Mme Oostlander a eu une réunion avec les employés aux groupe et niveau CS-03 du 76e G Comm pour leur expliquer pourquoi elle avait choisi un processus non annoncé et pour répondre à leurs questions. Elle leur a également dit que Mme d’Auzac de Lamartinie entrerait en fonction à la mi-mars, une fois que les négociations avec Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC) concernant la phase III du projet XP/DSB (Defense Software Baseline) seraient terminées.

6Le 12 février 2008, l’avis de nomination ou de proposition de nomination paru sur Publiservice annonçait la nomination pour une durée indéterminée de Mme d’Auzac de Lamartinie au poste de gestionnaire des services à la clientèle (CS-04) dans la section SSTI. Cette même journée, Mme Oostlander a appris que TPSGC n’entreprendrait pas la phase III du projet XP/DSB. Par conséquent, Mme d’Auzac de Lamartinie a dû rester dans la section Projet, plans et besoins (PPB) de façon intérimaire jusqu’en juillet 2008 afin d’entreprendre la phase III du projet XP/DSB, projet d’envergure national visant à normaliser les logiciels à travers le Canada.

7Le 7 juillet 2008, Mme d’Auzac de Lamartinie a débuté comme gestionnaire des services à la clientèle dans la section SSTI.

Question en litige

8Le Tribunal doit statuer sur la question suivante :

L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en choisissant un processus de nomination non annoncé pour la nomination?

Résumé de la preuve pertinente

9Les deux plaignantes, Martina Lahaie et Suzanne Leblanc, ont témoigné. Mme Leblanc travaille au ministère de la Défense nationale (MDN) depuis 1987. Elle occupe actuellement un poste aux groupe et niveau CS-03 auprès du 76e G Comm, Service à la clientèle dans la section SSTI à la DGTGI dans la région de la capitale nationale. Martina Lahaie travaille au MDN depuis 26 ans. Depuis le 4 février 2008, elle occupe le poste de gestionnaire de section aux groupe et niveau CS-03 dans la section SSTI où elle fournit des services d’ordinateurs de bureau pour la partie ouest de la ville d’Ottawa.

10Mme Leblanc a expliqué que le rôle des services à la clientèle est de répondre aux besoins informatiques des clients. Elle indique que le poste de gestionnaire des services à la clientèle dans la section SSTI a été occupé de façon intérimaire dans le passé. Entre novembre 2007 et février 2008, deux personnes ont occupé ce poste. En novembre 2007, Mme d’Auzac de Lamartinie occupait un poste de façon intérimaire au sein de la section PPB.

11Mme Leblanc a expliqué qu’à l’été elle avait exprimé un intérêt à occuper le poste de gestionnaire des services à la clientèle pour remplacer les superviseurs. On lui a offert des postes aux groupe et niveau CS-04 de façon intérimaire pour des périodes de quatre mois, dont la période du 17 novembre 2007 au 14 mars 2008. Elle a toutefois refusé cette offre. À l’été 2008, elle avait exprimé un intérêt à occuper le poste de façon intérimaire à la suite d’une demande d’intérêt envoyée par Mme Oostlander pour doter le poste de gestionnaire des services à la clientèle en attendant le retour de Mme d’Auzac de Lamartinie. Mme Leblanc a témoigné que Mme d’Auzac de Lamartinie a continué d’occuper le poste au PPB de façon intérimaire jusqu’en juillet 2008, en dépit du fait qu’elle avait été nommée le 12 février 2008 au poste de gestionnaire des services à la clientèle dans la section SSTI. Le 3 juillet 2008, on a informé Mme Leblanc que Mme d’Auzac de Lamartinie assumerait les fonctions du poste à partir du 7 juillet 2008.

12Parue le 5 février 2008, la notification de candidature retenue annonçait la nomination imminente de Mme d’Auzac de Lamartinie. Selon Mme Leblanc, cinq personnes des groupe et niveau CS-03 ne comprenaient pas la raison de cette nomination puisqu’ils s’attendaient à ce qu’un processus générique soit annoncé pour doter des postes de CS-04 au MDN. Mme Leblanc a indiqué qu’une annonce générique pour la dotation de postes CS-04 similaires a paru le 15 février 2008.

13Mme Lahaie a indiqué que la possibilité d’obtenir un poste à durée indéterminée aux groupe et niveau CS-04 à la section SSTI l’intéressait. Lorsqu’elle a vu l’avis concernant la nomination de Mme d’Auzac de Lamartinie, elle a été « scandalisée et furieuse » [traduction] d’apprendre qu’un processus non annoncé avait été utilisé pour la dotation de ce poste. Elle a affirmé que plusieurs personnes étaient qualifiées et qu’elles étaient vexées de constater qu’un processus de nomination non annoncé avait été choisi. Elle aurait participé à un processus annoncé.

14De plus, elle ne comprenait pas l’urgence de doter le poste CS-04 pour une durée indéterminée, étant donné que Mme d’Auzac de Lamartinie n’a commencé à exercer les fonctions de ce poste qu’en juillet 2008. Selon Mme Lahaie, Mme d’Auzac de Lamartinie continuait à participer activement au projet XP/DSB à la section PPB.

15Mme Leblanc a expliqué que lors d’une réunion où participaient 15 à 20 employés, tenue le 7 février 2008, Mme Oostlander a confirmé que Mme d’Auzac de Lamartinie allait être nommée au poste de gestionnaire des services à la clientèle dans la section SSTI. Mme Oostlander a expliqué que Mme d’Auzac de Lamartinie s’était qualifiée au niveau CS-04 lors d’un processus de nomination aux Affaires Indiennes et du Nord Canada (AINC) et qu’elle avait eu de bonnes évaluations de rendement lorsqu’elle avait occupé le poste de gestionnaire des services à la clientèle de façon intérimaire. Selon Mme Leblanc, Mme Oostlander aurait informé le groupe à cette réunion que Mme d’Auzac de Lamartinie continuerait à occuper le poste dans la section PPB de façon intérimaire jusqu’à la fin des négociations avec TPSGC concernant le projet XP/DSB.

16Selon Mme Leblanc, les plaignants ont fait remarquer lors de cette réunion que M. Macfie aurait dû être pris en considération pour ce poste. Mme Oostlander aurait répondu qu’il y aurait un conflit d’intérêts puisque la conjointe de M. Macfie travaillait auprès des services à la clientèle dans la section SSTI.

17Mme Leblanc a témoigné qu’on avait dit lors d’une séance d’information tenue le 4 avril 2008 que Mme d’Auzac de Lamartinie était encore à la section PPB et qu’elle ne reviendrait pas à la section SSTI avant la fin de juillet ou au début août.

18En juillet 2008, lorsque Mme d’Auzac de Lamartinie a débuté comme gestionnaire des services à la clientèle dans la section SSTI, il y a eu une annonce indiquant qu’elle continuerait à superviser le projet XP/DSB. Selon Mme Leblanc, le poste dans la section PPB était occupé de façon intérimaire depuis le 10 novembre 2008 par quelqu’un d’autre.

19D’après les plaignantes, il n’est pas pratique commune de doter des postes à durée indéterminée des groupe et niveau CS-02, CS-03 et CS-04 par des processus non annoncés, ni de nommer une personne qui s’est qualifiée dans un autre ministère.

20M. Macfie, qui occupe un poste de groupe et niveau CS-04 à Agriculture et Agroalimentaire Canada depuis le 4 février 2008, a témoigné au nom des plaignants. Auparavant, il a occupé un poste CS-03 à la section SSTI du MDN pendant trois ans. Avant d’accepter le poste à Agriculture et Agroalimentaire Canada, M. Macfie était gestionnaire d’interface. Il a quitté le MDN parce qu’il n’y avait aucun poste CS‑04 à durée indéterminée à doter au ministère. Il a affirmé qu’il aurait aimé occuper un poste pour une durée indéterminée au MDN et qu’il avait exprimé son intérêt à l’égard de possibilités d’intérim. Il avait également occupé des postes CS-04 de façon intérimaire à plusieurs reprises à la section SSTI.

21Mme Oostlander a témoigné au nom de l’intimé. Elle occupe le poste de commandante par intérim du 76e G Comm depuis le 3 octobre 2007. En octobre 2007, elle a décidé de doter le poste de gestionnaire de la section SSTI pour une durée indéterminée au moyen d’un processus de nomination non annoncé. Sa décision s’appuyait sur trois raisons.

22Mme Oostlander a expliqué qu’au départ, l’intention était de nommer un candidat provenant du bassin établi pour la DGTGI. Le processus de nomination ayant mené à l’établissement du bassin avait eu lieu à la fin de 2006. Or, les candidats provenant de ce bassin ont refusé de se joindre à la section SSTI. Mme Oostlander a donc examiné la possibilité d’offrir des mutations, mais sans succès. Elle a expliqué qu’un autre processus de nomination générique devait être lancé, mais qu’il faudrait alors plus de temps.

23Mme Oostlander a affirmé que la deuxième raison l’ayant poussée à choisir un processus non annoncé avait trait aux exigences opérationnelles, c’est‑à‑dire à la nécessité d’offrir un service de 7 h à 17 h et de fournir un soutien aux clients 24 heures sur 24. Le plan des ressources humaines civiles de niveau 2 de la DGTGI, en date du 17 octobre 2007, et le plan des ressources humaines civiles de niveau 1 du sous-ministre adjoint (gestion de l’information [GI]) (pour l’exercice 2008‑2009 et l’exercice 2010‑2011), en date de novembre 2007, font tous deux référence aux défis que présente la transformation des Forces canadiennes pour le 76e G Comm. Ces défis sont notamment liés à l’augmentation du nombre d’usagers et de centres d’opération, à la location de nouveaux immeubles gouvernementaux pour la relocalisation du personnel, à la création de nouveaux postes en raison de la conversion de postes militaires en postes civils, au mouvement du personnel médical militaire à l’Hôpital Monfort, à l’envoi de troupes en Afghanistan et en Bosnie, et donc à l’importance du recrutement et du maintien en poste du personnel au sein des groupes CS, AS et EN‑ENG.

24Mme Oostlander a expliqué qu’il y avait de nombreux changements au sein de l’équipe de direction du 76e G Comm. Des employés clés partaient à la retraite, étaient déployés en Afghanistan ou acceptaient un emploi ailleurs. Mme d’Auzac de Lamartinie avait également informé Mme Oostlander qu’elle s’était qualifiée à l’issue d’un processus CS-04 à AINC et qu’elle faisait partie d’un bassin. Selon Mme Oostlander, ces changements considérables dans le personnel, en plus des exigences opérationnelles, ont eu une répercussion sur les services fournis par le 76e G Comm.

25Mme Oostlander a également expliqué que tous les éléments susmentionnés avaient eu des répercussions importantes sur l’organisation en raison du départ de tous les membres de la haute direction, ce qui nuisait à la stabilité de l’organisation. Elle a fait remarquer que le plan des ressources humaines indique que la DGTGI peut avoir recours à diverses méthodes de dotation, y compris les processus de nomination non annoncés assortis d’une justification, pour satisfaire aux exigences particulières, le tout de façon conforme aux valeurs de la fonction publique et à celles du MDN et des Forces canadiennes.

26Quant au troisième motif du choix du processus non annoncé, Mme Oostlander a expliqué que, compte tenu des exigences opérationnelles essentielles, elle voulait éviter le départ de Mme d’Auzac de Lamartinie pour AINC, ce qui aurait été désastreux étant donné que celle-ci collaborait à plusieurs initiatives.

27Le 29 octobre 2007, Mme Oostlander a écrit aux Ressources humaines pour les informer qu’elle souhaitait offrir à Mme d’Auzac de Lamartinie le poste de gestionnaire de la section SSTI (CS-04) pour une durée indéterminée. Mme Oostlander a indiqué que les Ressources humaines s’étaient montrées disposées à collaborer avec elle à cette fin. Dans sa demande, elle a fait référence à l’évaluation exceptionnelle qu’avait obtenue Mme d’Auzac de Lamartinie dans son rapport d’examen du rendement du personnel civil pour la période du 4 juin au 4 octobre 2007. Elle a également fait référence au succès de Mme d’Auzac de Lamartinie au processus de nomination CS-04 à AINC. Enfin, elle a indiqué que Mme d’Auzac de Lamartinie collaborait à plusieurs initiatives et qu’il aurait été désastreux de la perdre.

28Mme Oostlander a par la suite rempli le formulaire Justification des nominations non annoncées, le 29 octobre 2007, et l’a signé le 8 janvier 2008. Elle a expliqué qu’avant de remplir le formulaire, elle avait consulté les directives, les politiques et les lignes directrices du MDN, comme les Lignes directrices sur les options en matière de dotation du MDN, l’énoncé des critères de mérite (ECM) et les deux plans des ressources humaines. Elle a également fourni un formulaire de demande de dotation ainsi qu’un formulaire d’évaluation des candidats indiquant que Mme d’Auzac de Lamartinie satisfaisait aux exigences énoncées dans l’ECM pour le poste CS-04 à la section SSTI.

29Le formulaire Justification des nominations non annoncées indique qu’il est possible d’avoir recours à un processus de nomination non annoncé s’il s’agit de la méthode de dotation la plus efficace pour satisfaire aux besoins du MDN/des FC dans le contexte, et que son utilisation est conforme aux valeurs de nomination que sont la justice, l’accessibilité et la transparence. Dans une autre section, il est indiqué que ce type de processus peut être utilisé notamment pour accroître la représentation des membres des groupes d’équité en matière d’emploi, pour combler des pénuries de main-d'œuvre, pour mener à bien des initiatives nouvelles ou changeantes exigeant de nouvelles compétences au sein de l’organisation et pour doter un poste dans une région éloignée ou dans une situation d’urgence. Mme Oostlander estimait que la situation au 76e G Comm répondait aux exigences définies, particulièrement dans l’optique où Mme d’Auzac de Lamartinie risquait de quitter l’organisation. Selon Mme Oostlander, la justification écrite respectait les Lignes directrices sur les options en matière de dotation du MDN et démontrait la pertinence d’avoir recours à un processus de nomination non annoncé.

30Mme Oostlander a indiqué qu’elle avait évalué deux candidats pour le poste, soit Mme d’Auzac de Lamartinie et une personne bénéficiaire de priorité qui lui avait été présentée. Le bénéficiaire de priorité a été évalué en janvier 2008, et sa candidature a été présentée à un collègue de Mme Oostlander, soit un directeur au sein de la DGTGI qui avait besoin d’un employé possédant des compétences en architecture. Toutefois, le bénéficiaire de priorité a refusé l’offre. Mme Oostlander a alors obtenu l’approbation du directeur général pour procéder à la nomination au terme du processus non annoncé.

31La notification de candidature retenue indiquant que Mme d’Auzac de Lamartinie avait été nommée au poste de gestionnaire, Services à la clientèle (CS-04), pour une durée indéterminée a été affichée sur Publiservice le 5 février 2008. Mme Oostlander a affirmé qu’elle avait convoqué les personnes occupant des postes CS-03 et CS‑04 à une réunion le 7 février 2008 pour leur expliquer la décision d’utiliser un processus non annoncé et pour répondre à leurs questions. Elle a déclaré avoir informé les employés que Mme d’Auzac de Lamartinie entrerait en fonctions à la section SSTI à la mi‑mars, une fois que les négociations avec TPSGC seraient terminées en ce qui a trait à la phase III du projet XP/DSB.

32Mme Oostlander a indiqué que pendant sa période de nomination intérimaire à la section PPB, du 18 novembre 2007 à la mi‑mars 2008, Mme d’Auzac de Lamartinie devait superviser la mise en œuvre du projet XP/DSB, pendant que les discussions avec TPSGC avaient lieu. TPSGC travaillait au projet XP/DSB depuis deux ans. Mme Oostlander a affirmé que le 12 février 2008, à 15 h 54, elle a été informée par courriel que TPSGC n’entreprendrait pas la phase III du projet XP/DSB. À son avis, il fallait établir un plan pour entreprendre la phase III du projet, lequel consistait à remplacer 20 000 ordinateurs. Par conséquent, Mme d’Auzac de Lamartinie est restée à la section PPB jusqu’au 4 juillet 2008, puis elle est entrée en fonctions à son poste de titularisation le 7 juillet 2008, en continuant toutefois de superviser le projet XP/DSB tout en étant rattachée à la section SSTI.

33En contre-interrogatoire, Mme Oostlander a affirmé que les Ressources humaines avaient exprimé des réserves au sujet de l’utilisation du processus non annoncé en raison de l’incidence de la décision sur le moral du personnel, étant donné qu’un processus de nomination CS‑04 avait été annulé à l’automne 2007 et qu’un autre devait être lancé en 2008. Elle a aussi déclaré que, lorsqu’elle a pris la décision de nommer Mme d’Auzac de Lamartinie, elle savait que cette dernière ne pourrait pas se joindre à la section SSTI avant la fin des négociations avec TPSGC au sujet de la phase III du projet XP/DSB. Elle a également confirmé qu’il s’agissait de la première fois qu’une personne de niveau CS‑04 qui s’était qualifiée dans un autre ministère était nommée au 76e G Comm, mais qu’une situation semblable s’était déjà produite au sein du groupe de gestion de l’information. C’était également la première fois qu’un poste CS‑04 était doté au moyen d’un processus non annoncé au 76e G Comm.

Arguments des parties

A) Arguments des plaignants

34Les plaignants soutiennent que l’intimé a abusé de son pouvoir en utilisant l’urgence comme motif pour doter le poste de gestionnaire des services à la clientèle par un processus de nomination non annoncé puisque Mme Oostlander savait que Mme d’Auzac de Lamartinie ne pourrait pas commencer avant mars 2008. De plus, la décision de choisir un processus non annoncé pour doter le poste a été prise tout en reconnaissant que les Ressources humaines avaient des hésitations quant à l’utilisation d’un processus non annoncé. Les hésitations avaient trait, en partie, au moral des employés des services à la clientèle dans la section SSTI qui avaient été informés en mai 2007 qu’un processus de nomination générique serait affiché pour doter des postes.

35Ils soutiennent également que Mme Oostlander a procédé à la nomination sans attendre les résultats de la négociation avec TPSGC. Les employés savaient que ce poste était déjà doté de façon intérimaire depuis novembre 2006 et qu’il a continué de l’être jusqu’à la nomination de Mme d’Auzac de Lamartinie en février 2008, et après cela jusqu’en juillet 2008. Les plaignants font valoir que lors de la réunion avec les employés le 7 février 2008, Mme Oostlander a vu l’impact qu’a eu la notification de candidature retenue de Mme d’Auzac de Lamartinie sur les employés. Malgré cela, elle a tout de même décidé de procéder à la nomination de cette dernière le 12 février 2008. Les employés s’attendaient à ce qu’un processus de nomination annoncé pour 15 postes aux groupe et niveau CS-04 soit annoncé. Ce processus a été annoncé le 15 février 2008, trois jours après la nomination de Mme d’Auzac de Lamartinie.

36De plus, les plaignants maintiennent que c’était la première fois que l’intimé utilisait un processus de nomination non annoncé pour la dotation d’un poste à durée indéterminée des groupe et niveau CS-04 au 76e G Comm. C’était également la première fois qu’une personne des groupe et niveau CS-04, qui s’était qualifiée dans un autre ministère, était nommée au 76e G Comm.

37Les plaignants font référence à Cameron et Maheux c. l’Administrateur général de Service Canada et al., [2008] TDFP 0016, indiquant la similitude quant à la question de l’urgence utilisée comme justification. Ils font également référence à Chiasson c. Sous-ministre de Patrimoine canadien et al., [2008] TDFP 0027, pour démontrer ce qui ne devrait pas être fait dans l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire, en plus de faire référence à la mauvaise foi. Ils soutiennent qu’il n’est pas nécessaire de démontrer un élément d’intention pour prouver la mauvaise foi et que la mauvaise foi peut être établie aussi bien par une preuve directe, que par une preuve circonstancielle.

38Ainsi, les plaignants soutiennent que le fait que Mme d’Auzac de Lamartinie ait commencé ses fonctions cinq mois après avoir été nommée soulève un doute quant aux besoins opérationnels, l’importance des services à la clientèle et l’urgence de doter le poste. Selon les plaignants, Mme Oostlander a agi à l’encontre de la logique et au détriment du moral des employés.

39Ils soutiennent également que Mme Oostlander n’a pas respecté les valeurs de la LEFP, soit la transparence, l’équité, le respect des employés, et la volonté réelle de dialogue. La conduite de Mme Oostlander est plus qu’une erreur ou une omission, mais dénote plutôt une insouciance grave. Ils maintiennent que la preuve démontre un abus de pouvoir et demande la révocation de la nomination de Mme d’Auzac de Lamartinie conformément au paragraphe 81(1) de la LEFP.

B) Arguments de l’intimé

40L’intimé soutient qu’il incombe aux plaignants de prouver l’abus de pouvoir dans le choix du processus de nomination. Il maintient que le critère déterminant pour conclure à l’abus de pouvoir est très rigoureux et qu’il doit inclure des éléments d’intention ou, à tout le moins, une action répréhensible constituant une transgression très grave. Il affirme que les trois raisons utilisées par Mme Oostlander sont des raisons valables pour justifier le processus non annoncé : 1) les tentatives antérieures de dotation qui n’ont pas porté fruit, 2) le besoin opérationnel urgent et 3) le fait de ne pas vouloir perdre Mme d’Auzac de Lamartinie qui s’était qualifiée aux groupe et niveau CS‑04 dans un autre ministère.

41L’intimé soutient que le fait que le processus annoncé antérieur n’avait pas fonctionné justifie en soit l’utilisation du processus non annoncé.

42Quant à l’urgence des besoins opérationnels, l’intimé insiste que la décision a été prise le 29 octobre 2007, selon les faits que la gestionnaire connaissait à cette date. Mme Oostlander ne savait pas que Mme d’Auzac de Lamartinie se joindrait à la section PPB en novembre 2007 et ne savait pas non plus que TPSGC refuserait d’aller de l’avant avec le projet XP/DSB. Selon l’intimé, ce qui s’est passé après le 29 octobre 2007 est circonstanciel.

43L’intimé réfère à Cannon c. Sous-ministre des Pêches et des Océans et al., [2008] TDFP 0021, et convient que les besoins opérationnels dans ce cas-là sont similaires aux besoins opérationnels du présent cas, ce qui justifie en quelque sorte l’utilisation d’un processus de nomination non annoncé.

44De plus, l’intimé soutient que le fait que Mme d’Auzac de Lamartinie se soit qualifiée dans un processus de nomination aux AINC justifie également le choix du processus non annoncé étant donné l’objectif du Plan des ressources humaines pour la rétention du personnel.

45Ainsi, l’intimé fait valoir que le processus choisi respecte les valeurs de la LEFP, et qu’il n’y a aucune allégation de favoritisme personnel ni aucune contestation des qualifications de Mme d’Auzac de Lamartinie. Il maintient que Mme Leblanc et Mme Lahaie ont refusé un poste intérimaire aux services à la clientèle, mais que Mme d’Auzac de Lamartinie avait démontré un intérêt. L’intimé soutient qu’il a tenté de nommer un candidat d’un bassin de CS-04 sans succès. Il note qu’il n’a doté qu’un seul poste de gestionnaire des services à la clientèle avec un processus non annoncé, et qu’un processus de nomination annoncé serait utilisé pour la dotation des autres postes.

46En ce qui a trait à la transparence, l’intimé fait référence aux paragraphes 38 et 39 de Clout c. le Sous-ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile et al., [2008] TDFP 0022. Le fait que certains employés, comme les plaignants, n’avaient pas été mis au courant à l’avance de la nomination de Mme d’Auzac de Lamartinie par un processus non annoncé ne constitue pas une preuve d’abus de pouvoir. Il soutient qu’il n’est pas nécessaire de donner un préavis dans un cas d’un processus de nomination non annoncé. Par surcroît, les employés avaient également été informés de l’intention de doter le poste de cette façon lors de l’invitation de Mme Oostlander le 7 février 2008, et ils ont également été avisés qu’il y avait un ou deux postes CS-04 vacants qui allaient être dotés dans l’avenir. Un avis de nomination ou proposition de nomination a été affiché, offrant ainsi une possibilité de recours. De plus, l’intimé fait valoir que Mme Oostlander croyait que Mme d’Auzac de Lamartinie se joindrait aux services à la clientèle en mars 2008, une fois que les négociations avec TPSGC auraient pris fin. Toutefois, elle ne savait pas que TPSGC ne s’occuperait pas du projet et que Mme d’Auzac de Lamartinie allait demeurer dans la section PPB pour s’occuper du projet elle-même.

47L’intimé soutient que les faits dans Cameron et Maheux ne sont pas semblables au présent cas. Il explique que l’urgence décrite par Mme Oostlander était immédiate et n’était pas connue depuis des mois.

48L’intimé fait valoir que la pratique passée au 76e G Comm concernant l’utilisation de processus de nomination annoncé n’empêche pas l’utilisation d’un processus de nomination non annoncé. Ainsi, il soutient que les plaignants n’ont pas présenté de preuve directe ou circonstancielle pour prouver un abus de pouvoir.

C) Arguments de la Commission de la fonction publique

49La Commission de la fonction publique (la CFP) est d’avis que le Tribunal devrait réserver au terme « abus de pouvoir » les formes les plus graves de négligence ou de pratiques irrégulières.

50La CFP explique que l’article 33 de la LEFP donne une grande discrétion quant au choix d’un processus annoncé ou non annoncé. En vertu du paragraphe 29(3) de la LEFP, la CFP a développé des politiques quant à l’utilisation des processus non annoncés. Elle soutient que les motifs invoqués par Mme Oostlander respectent les lignes directrices du MDN et la politique de la CFP. Cependant, elle explique que la possibilité que Mme d’Auzac de Lamartinie quitte ne justifie pas en soi un processus non annoncé mais que les autres motifs décrits par Mme Oostlander sont suffisants.

Analyse

51L’article 33 de la LEFP prévoit que la CFP (ou l’administrateur général délégué) peut avoir recours à un processus de nomination annoncé ou à un processus de nomination non annoncé. De plus, le paragraphe 30(4) de la LEFP prévoit que l’administrateur général n’est pas tenu de prendre en compte plus d’une personne pour faire une nomination fondée sur le mérite (voir également Clout).

52La LEFP confère le pouvoir de faire des nominations à ceux qui ont l’autorité de doter. Dans ce contexte, ces personnes utiliseront leur pouvoir discrétionnaire pour faire une nomination. Toutefois, il ne s’agit pas d’un pouvoir discrétionnaire absolu (voir Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale et al., [2006] TDFP 0008; Visca c. Sous‑ministre de la Justice et al., [2007] TDFP 0024).

53Essentiellement, les plaignants soutiennent que l’intimé a agi de mauvaise foi en choisissant un processus non annoncé car selon eux il n’y avait pas d’urgence. L’alinéa 77(1)b) de la LEFP établit qu’une plainte peut être déposée dans le cadre d’un processus de nomination interne pour abus de pouvoir dans le choix du processus de nomination. L’abus de pouvoir n’est pas défini dans la LEFP, maisle paragraphe 2(4) de la LEFP indique que l’abus de pouvoir inclut la mauvaise foi.

54Le Tribunal a clairement énoncé dans la décision Chiasson au paragraphe 38 qu’il n’est « pas nécessaire de démontrer un élément d’intention pour prouver la mauvaise foi ». (Voir également Cameron et Maheux ; Finney c. Barreau du Québec, [2004] 2 R.C.S. 17; [2004] A.C.S. no. 31 (QL)).

55Les plaignants doivent prouver que la décision elle-même de choisir un processus non annoncé constitue un abus de pouvoir (voir Clout). Le seul fait que ce ne soit pas une pratique courante de choisir un processus de nomination non annoncé n’est pas en soi une preuve d’abus de pouvoir. De plus la LEFP est claire; le fait de prendre en compte une seule personne est expressément autorisé au paragraphe 30(4) de la LEFP. Pour déterminer s’il y a eu abus de pouvoir dans le choix du processus non annoncé, il faut examiner les circonstances entourant la nomination.

56Les lignes directrices du MDN indiquent qu’un processus non annoncé peut être utilisé si c’est la meilleure méthode de dotation pour répondre aux besoins du ministère et que le choix respecte les valeurs de l’équité et de la transparence. Ainsi dans les Lignes directrices sur les options en matière de dotation du MDN, sous la rubrique « Processus de nomination non annoncé », on décrit les circonstances où un processus non annoncé est permis et approprié :

On peut recourir à un processus de nomination non annoncé :

  • Lorsqu’il est déterminé qu’il s’agit de la meilleure méthode de dotation pour répondre aux besoins du MDN et de la FP dans cette situation en particulier;
  • Lorsque le choix de ce processus est en harmonie avec les principes et les valeurs d’équité et de transparence […]

57Dans la justification préparée pour appuyer la nomination non annoncée de Mme d’Auzac de Lamartinie, on retrouve l’information suivante :

[…]

On a utilisé un processus de nomination interne non annoncé parce que le poste de gestionnaire à la section SSTI est un poste de nature opérationnelle, qui n’a pas été occupé de façon permanente depuis le 6 novembre 2006, date à laquelle la personne titulaire est partie pour suivre une formation en français à temps plein, après quoi elle a été mutée à un autre poste à son retour au travail.

La section SSTI est l’une des plus importantes au 76e G Comm. Il faut donc un gestionnaire permanent pour assurer la stabilité des opérations et faire en sorte que le soutien puisse être offert 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. […]

Un processus de nomination interne non annoncé a également été choisi en raison du fait que le poste de gestionnaire à la section SSTI du 76e G Comm a été offert aux candidats faisant partie du bassin actuellement en vigueur pour la DGTGI (CS‑04) et qu’aucun ne s’est montré intéressé.

On a eu recours à un processus non annoncé dans ce cas particulier pour garantir l’efficacité et l’efficience des opérations à la section SSTI. Le gestionnaire de la section SSTI a 108 employés sous ses ordres, en plus de 30 à 50 sous-traitants, de 5 ou 6 étudiants Coop, et d’employés occasionnels et de personnel nommé pour une durée déterminée. Le gestionnaire de la section SSTI est en outre chargé de fournir un soutien informatique à plus de 1 500 clients. Le rôle du gestionnaire est crucial, car il consiste à s’assurer du fonctionnement des opérations de l’unité et à superviser tout le personnel, qu’il s’agisse du soutien fourni aux clients ou de la gestion quotidienne de l’effectif. […]

En ce qui a trait à la transparence, qui constitue une valeur de nomination, des renseignements concernant le processus de nomination seront communiqués de façon ouverte et en temps opportun. […] [traduction]

58La justification indique également que Mme d’Auzac de Lamartinie était qualifiée pour le poste parce qu’elle s’était qualifiée dans un processus de nomination au ministère des AINC aux mêmes groupe et niveau. L’évaluation de Mme d’Auzac de Lamartinie et son curriculum vitae ont été déposés en preuve.

59Le plan des ressources humaines civiles de niveau 2 de la DGTGI décrit en détail les défis auxquels la Direction générale fait face, notamment les défis du 76e G Comm (c’est‑à‑dire l’accroissement du nombre d’usagers, la création de nouveaux postes en raison de la conversion de postes militaires en postes civils, le mouvement de personnel militaire à l’Hôpital Montfort, et l’importance du recrutement et du maintien en poste du personnel au sein des groupes CS, AS et EN-ENG). Le document indique également que « […] la DGTGI utilisera d’autres méthodes de dotation, y compris des processus de nomination non annoncés assortis de justifications, pour satisfaire aux exigences particulières, ce qui est conforme aux valeurs de la fonction publique et à celles du MDN/des FC » [traduction].

60De plus, le plan des ressources humaines civiles de niveau 1 du sous-ministre adjoint (gestion de l’information [GI]) (exercice 2008-2009 et exercice 2010‑2011) précise qu’un des grands défis pour l’organisation est le recrutement et la rétention des employés :

Le plus grand défi qui se pose pour le groupe de la GI demeure sa capacité de recruter et de maintenir en poste un effectif hautement spécialisé dans un contexte où le marché du travail dans le domaine des technologies est très concurrentiel dans la région de la capitale nationale (RCN). Selon le taux d’attrition prévu, compte tenu des départs à la retraite imminents et des autres départs, il y aura environ 272 postes vacants au cours de l’exercice 2008‑2009, la majorité des départs devant se produire au sein du groupe CS. [traduction]

61Dans Cameron et Maheux, la gestionnaire justifiait le recours à un processus non annoncé en invoquant le départ à la retraite imprévu de la personne qui occupait le poste précédemment. Elle prolongeait une nomination intérimaire de moins de quatre mois en invoquant l’urgence et les besoins immédiats de soutien des équipes de traitement. Cependant la preuve a démontré qu’elle savait depuis longtemps qu’elle devait doter le poste parce que la personne occupant le poste prenait sa retraite. Elle ne pouvait donc invoquer l’urgence pour justifier le choix d’un processus non annoncé.

62Les faits sont bien différents dans cette plainte où Mme Oostlander a justifié le recours à un processus non annoncé en raison de l’importance d’assurer le bon fonctionnement des opérations et la gestion des employés en dotant ce poste de façon permanente et après avoir tenté de doter le poste à partir d’un bassin existant. Elle a témoigné qu’il était nécessaire d’avoir une personne de façon permanente dans le poste afin d’assurer une certaine stabilité dans le groupe étant donné que le poste avait été occupé par différentes personnes de façon intérimaire depuis novembre 2006. Elle a expliqué qu’il y avait plusieurs personnes dans les postes de niveaux supérieurs qui quittaient, il y avait un besoin opérationnel urgent et elle ne voulait pas perdre Mme d’Auzac de Lamartinie qui s’était qualifiée aux groupe et niveau CS-04 dans un autre ministère.

63Le Tribunal a conclu dans Cannon qu’il peut exister des circonstances où un processus non annoncé est choisi à cause de sa rapidité étant donné le besoin opérationnel pressant de doter un poste. En l’espèce, il y avait effectivement un besoin opérationnel urgent qui existait au moment où Mme d’Auzac de Lamartinie a été nommée. Il fallait une personne dans le poste de façon permanente afin de maintenir une stabilité au sein du 76e G Comm et pour surmonter tous les défis auxquels le ministère faisait face.

64Le fait que Mme Oostlander ait nommé Mme d’Auzac de Lamartinie dans un poste qu’elle n’occuperait pas immédiatement suivant sa nomination ne constitue pas en soi un abus de pouvoir. La preuve démontre que Mme Oostlander ne pouvait pas savoir que TPSGC n’entreprendrait pas le projet XP/DSB et que Mme d’Auzac de Lamartiniedemeurerait dans le poste intérimaire dans la section PPB afin de compléter le projet elle-même. Il s’agit plutôt d’un concours de circonstances hors du contrôle de Mme Oostlander que la nomination de Mme d’Auzac de Lamartinie ait été faite la même journée que TPSGC a décidé de ne pas entreprendre le projet.

65Il n’est pas nécessaire qu’une personne nommée entre en fonction immédiatement après avoir été nommée. Il peut y avoir des circonstances raisonnables et même exceptionnelles qui justifient une date d’entrée en fonction tardive. Dans le présent cas, les circonstances ont fait que Mme d’Auzac de Lamartinie ne pouvait pas commencer à exercer les fonctions du poste comme prévu étant donné qu’elle devait compléter le projet XP/DSB que TPSGC avait décidé de ne pas entreprendre. Le Tribunal remarque que le poste de gestionnaire aux services à la clientèle n’est pas demeuré vacant de février 2008 à juillet 2008 pendant que Mme d’Auzac de Lamartinie occupait son poste intérimaire dans la section PPB. Mme Oostlander a doté le poste de façon intérimaire jusqu’au retour de Mme d’Auzac de Lamartinie. Ces faits démontrent qu’il y avait un besoin opérationnel réel et qu’il fallait doter le poste.

66La preuve non contredite démontre que Mme Oostlander a eu recours à d’autres méthodes de dotation (bassin de candidats qualifiés, mutations). N’ayant pu doter le poste par ces moyens, elle a décidé d’utiliser un processus non annoncé. Elle a rencontré les employés le 7 février 2008 afin de leur expliquer pourquoi elle utilisait un processus non annoncé pour doter le poste. Lors de cette réunion elle leur a dit qu’il y avait deux autres postes vacants et qu’un processus annoncé allait être utilisé pour les doter. Mme Leblanc a témoigné qu’une annonce générique pour la dotation de postes CS-04 similaires a paru le 15 février 2008. Les avis de candidature retenue et de nomination ou proposition de nomination ont été publiés conformément à l’article 48 de la LEFP, ce qui a créé un droit de recours en bonne et due forme. Cette preuve démontre que les valeurs de la LEFP ont été respectées.

67Les plaignants n’ont pas démontré que l’intimé a abusé son pouvoir en ayant recours à un processus non annoncé puisque les autres méthodes de dotation avaient été explorées mais n’avaient pas porté fruit et les besoins opérationnels du 76e G Comm dans la section SSTI étaient effectivement urgents. Le seul fait d’avoir peur de perdre un employé ne justifie pas le choix d’un processus non annoncé. Cependant, dans le présent cas, le fait de perdre Mme d’Auzac de Lamartinie aurait contribué à la pénurie de la main-d’œuvre spécialisée au niveau supérieur dans le groupe CS et à l’instabilité de l’organisation pendant une période où il y avait plusieurs changements opérationnels. Ainsi, la rétention du personnel, telle qu’indiquée dans le plan des ressources humaines civiles de niveau 1 du sous-ministre adjoint (gestion de l’information [GI])(exercice 2008-2009 et exercice 2010-2011) était très importante, surtout pour le groupe CS.

68Le Tribunal estime que l’intimé a respecté la politique de la CFP, de même que les lignes directrices et les plans des ressources humaines du MDN lorsqu’il a opté pour un processus non annoncé. Le Tribunal juge que les plaignants n’ont pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a eu abus de pouvoir de la part de l’intimé dans le choix d’un processus de nomination non annoncé.

Décision

69Pour toutes ces raisons, les plaintes sont rejetées.

Robert Giroux

Membre

Parties au dossier

Dossiers du Tribunal:
2008-0122, 0123 et 0176
Intitulé de la cause:
Martina Lahaie, Suzanne Leblanc et Jacques Fournier et le sous-ministre de la Défense nationale et al.
Audience:
Les 4 et 5 décembre
et les 10 et 11 février 2009
Ottawa ON
Date des motifs:
Le 16 novembre 2009

Comparutions:

Pour les plaignante:
Marie-Claude Chartier
Pour l'intimé:
Sean Kelly
Pour la Commission
de la fonction publique:
Mary-Josée Montreuil
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