Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

D'après les allégations de la partie plaignante, l'examen utilisé pour évaluer ses qualifications relatives aux connaissances constituait une méthode d'évaluation inappropriée. Le plaignant a soutenu que le comité d'évaluation aurait dû tenir compte de son niveau de scolarité, de ses évaluations annuelles et de son niveau professionnel dans le processus de présélection. L'intimé a soutenu que le paragraphe 30(2) de la LEFP conférait à l'administrateur général le pouvoir d'établir les qualifications relatives à un poste et de faire des nominations en se fondant sur le mérite, que l'article 36 de la LEFP accordait en plus à celui-ci un large pouvoir discrétionnaire par rapport au choix de la méthode d'évaluation, et que la partie plaignante ne s'était pas acquittée du fardeau de la preuve. Décision : Le Tribunal a estimé que l'utilisation de l'examen écrit comme méthode d'évaluation relève du pouvoir discrétionnaire dévolu au comité d'évaluation par l'article 36 de la LEFP et que le LEFP n'exige pas que le comité d'évaluation considère le niveau de scolarité, les évaluations annuelles ou le niveau professionnel des candidats dans l'évaluation des connaissances requises pour un poste spécifique. Enfin, le Tribunal a jugé infondée toute allégation basée sur le favoritisme personnel. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

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Dossier:
2008-0063
Rendue à:
Ottawa, le 18 mars 2009

OLE JACOBSEN
Plaignant
ET
LE SOUS-MINISTRE D'ENVIRONNEMENT CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plainte d'abus de pouvoir en vertu de l'alinéa 77(1)a) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision:
La plainte est rejetée
Décision rendue par:
Kenneth J. Gibson, membre
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Jacobsen c. Sous-ministre d'Environnement Canada et al.
Référence neutre:
2009 TDFP 0008

Motifs de la décision

Introduction

1Le plaignant, Ole Jacobsen, est météorologiste (groupe et niveau MT-06) à Environnement Canada. En 2007, il a présenté sa candidature au processus de nomination no 07‑DOE‑IA‑PN‑MSC‑AH-2762 pour des postes de météorologiste de sensibilisation aux alertes (MT-06). La candidature du plaignant a été éliminée du processus de nomination parce que le plaignant ne possédait pas deux qualifications essentielles évaluées au moyen d'un examen écrit.

2Le 22 janvier 2008, le plaignant a présenté une plainte en vertu de l'alinéa 77(1)a) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (LEFP). Le plaignant soutient qu’il y a eu abus de pouvoir dans l'application du principe du mérite. Il affirme que l'examen utilisé pour évaluer ses qualifications relatives aux connaissances constituait une méthode d'évaluation inappropriée et que l'élimination de sa candidature du processus de dotation constitue un abus de pouvoir.

3L'intimé, le sous-ministre d'Environnement Canada, soutient que le comité d'évaluation a été constitué adéquatement et qu’il n’y a eu aucun abus de pouvoir dans les décisions rendues et les outils d'évaluation utilisés.

4À la suite de la conférence préparatoire, le Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) a décidé de rendre sa décision sans tenir d'audience conformément au paragraphe 99(3) de la LEFP. Cette décision est fondée sur l'argumentation des parties et sur les documents versés au dossier.

Contexte

5Une annonce de possibilité d'emploi interne a été affichée sur Publiservice à l'été 2007 pour doter des postes de météorologiste de sensibilisation aux alertes (MT‑06) à divers endroits à travers le Canada, pour une période indéterminée ou de façon intérimaire. Le plaignant a présenté sa candidature pour ce processus de nomination.

6Anne-Marie Palfreeman, gestionnaire intérimaire, Division des services du Service météorologique du Canada, était présidente du comité d'évaluation. René Héroux, météorologue, Services météorologiques, faisait partie du comité d'évaluation pour l'examen écrit.

7Avant d'afficher l'annonce de possibilité d'emploi, le comité d'évaluation a déterminé que les qualifications essentielles inscrites dans l'énoncé des critères de mérite (ECM) seraient évaluées au moyen d'un examen écrit, d'une entrevue et de la vérification des références. Mme Palfreeman a préparé les questions de l'examen écrit et le guide de cotation, et elle a établi les notes de passage.

8Le 20 septembre 2007, le plaignant a reçu un courriel l'invitant à passer l'examen. Le courriel comprenait l'ECM, la description de travail pour les postes et la liste des critères de mérite qui seraient évalués à l'examen.

9Le 7 octobre 2007, le plaignant a passé l'examen écrit.

10L'examen servait à évaluer les qualifications essentielles suivantes :

  • Co1 – Connaissance des structures et des opérations du SMC [Service météorologique du Canada];
  • Co2 – Connaissance de la météorologie appliquée et théorique;
  • Co3 – Connaissance des outils de diffusion des prévisions météorologiques;
  • Co4 – Connaissance des activités liées aux services météorologiques pertinentes aux secteurs des médias et des interventions d’urgence;
  • Ca2 – Habileté à communiquer oralement et par écrit.

La qualification Co1 a été évaluée par les questions 1 et 2, et la qualification Co2 a été évaluée par les questions 3, 4 et 5.

11Les examens écrits ont été corrigés individuellement par Mme Palfreeman et M. Héroux. Après une notation initiale des examens, les membres du comité se sont réunis pour examiner les résultats et en discuter. Les examens n’atteignant pas la note de passage ont été examinés une troisième fois et comparés aux autres épreuves passées avec succès.

12Dans un courriel en date du 25 octobre 2007, le plaignant a été informé que sa candidature avait été éliminée du processus de dotation parce qu'il n'avait pas obtenu la note de passage pour les qualifications Co1 ou Co2.

Questions en litige

13Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en utilisant une méthode d’évaluation inappropriée pour évaluer deux des qualifications essentielles liées aux connaissances?
  2. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en omettant de tenir compte d’autres éléments de preuve indiquant que le plaignant possédait les qualifications essentielles liées aux connaissances?
  3. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir par favoritisme personnel?

Législation

14La plainte a été présentée en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la LEFP :

77. (1) Lorsque la Commission a fait une proposition de nomination ou une nomination dans le cadre d’un processus de nomination interne, la personne qui est dans la zone de recours visée au paragraphe (2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement du Tribunal, présenter à celui-ci une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination pour l’une ou l’autre des raisons suivantes :

  1. abus de pouvoir de la part de la Commission ou de l’administrateur général dans l’exercice de leurs attributions respectives au titre du paragraphe 30(2);

[…]

15Le paragraphe 30(2) de la LEFP est ainsi rédigé :

30. (1) Les nominations — internes ou externes — à la fonction publique faites par la Commission sont fondées sur le mérite et sont indépendantes de toute influence politique.

(2) Une nomination est fondée sur le mérite lorsque les conditions suivantes sont réunies :

  1. selon la Commission, la personne à nommer possède les qualifications essentielles — notamment la compétence dans les langues officielles — établies par l’administrateur général pour le travail à accomplir;
  2. la Commission prend en compte :
  1. toute qualification supplémentaire que l’administrateur général considère comme un atout pour le travail à accomplir ou pour l’administration, pour le présent ou l’avenir,
  2. toute exigence opérationnelle actuelle ou future de l’administration précisée par l’administrateur général,
  3. tout besoin actuel ou futur de l’administration précisé par l’administrateur général.

[…]

16L’abus de pouvoir n’est pas défini dans la LEFP. Cependant, le paragraphe 2(4) est libellé comme suit : « Il est entendu que, pour l’application de la présente loi, on entend notamment par "abus de pouvoir" la mauvaise foi et le favoritisme personnel. »

Argumentation des parties

A) Argumentation du plaignant

17Le plaignant affirme que l’intimé a agi de façon inappropriée lorsqu’il a éliminé sa candidature du processus de nomination en n’utilisant qu’une seule méthode d’évaluation, à savoir l’examen écrit. L’intimé a omis de tenir compte du fait que le plaignant occupait déjà un poste de groupe et niveau MT‑06 et que par conséquent, le plaignant avait déjà prouvé qu’il répondait aux critères de mérite évalués en ce qui concerne les qualifications Co1 et Co2. Le plaignant ajoute que ses évaluations annuelles étaient pleinement satisfaisantes au groupe et niveau MT‑06, ce qui renforce ses allégations selon lesquelles il répond aux exigences liées aux connaissances qui ont été évaluées au moyen des qualifications Co1 et Co2.

18Le plaignant maintient que la question numéro 2, utilisée pour évaluer la qualification Co1, portait sur des détails des en-têtes de protocoles de communication relatifs à des alertes précises, et donc qu’elle ne servait pas à déterminer la connaissance des opérations du SMC, mais plutôt à déterminer la connaissance des protocoles de communication. En outre, le plaignant soutient qu’on peut se demander si la question s’applique vraiment au critère de mérite relatif aux opérations et aux structures du SMC, car ce critère se rapporte à la structure et aux opérations de la gestion, et non aux opérations de prévisions techniques. Il indique que cette situation a donné un avantage injuste aux personnes qui travaillaient dans les bureaux des prévisions opérationnelles, car ces personnes sont chargées d’émettre les avertissements de phénomènes météorologiques violents. Il a déclaré qu’il y avait une possibilité de favoritisme, même si c’était par inadvertance, si les questions de l’examen portaient sur le domaine d’expertise d’un candidat.

19Selon le plaignant, les questions relatives à la qualification Co2 étaient arbitraires, car les candidats devaient indiquer certains mots‑clés en particulier. Il affirme qu’aucun point supplémentaire n’a été accordé pour les bonnes réponses n’apparaissant pas dans le corrigé. Il affirme qu’on ne pouvait pas s’attendre à ce que ces questions fournissent une indication concernant la connaissance qu’a un candidat d’un domaine aussi vaste. Le plaignant déclare également qu’un diplôme universitaire est un meilleur indicateur que l’examen écrit pour ce qui est de la qualification Co2. Le plaignant ajoute qu’il a obtenu une maîtrise (M.Sc.) avec spécialisation en météorologie, et que ce niveau de scolarité est plus élevé que le niveau exigé pour occuper les postes faisant l’objet de la présente plainte.

20Le plaignant s’appuie sur les cinq catégories d’abus énoncées par Jones et de Villars dans Principles of Administrative Law (Toronto, Thomson Carswell, 2004). Il soutient qu’en l’espèce, l’abus de pouvoir se rapporte à la catégorie numéro 2 : « lorsqu’un délégué se fonde sur des éléments insuffisants (y compris lorsqu'il ne dispose d'aucun élément de preuve ou qu'il ne tient pas compte d'éléments pertinents). »

21Selon le plaignant, l’intimé peut administrer des examens dans le cadre d’un processus de nomination, mais un examen ne peut pas être utilisé de façon isolée afin de déterminer si un candidat possède les qualifications relatives à une connaissance pour un poste donné, à moins que l’examen soit suffisamment complet ou qu’il n’existe aucun autre moyen de s’assurer que le candidat possède la connaissance appropriée. Le plaignant affirme que l’intimé aurait dû tenir compte de son évaluation annuelle, de sa scolarité et de son niveau professionnel pour déterminer s’il possédait les qualifications liées aux connaissances pour les postes en question.

B) Argumentation de l'intimé

22L’intimé soutient que le comité d’évaluation a été constitué adéquatement et que ses membres ont la compétence nécessaire pour élaborer et évaluer l’examen écrit. Pour appuyer son point de vue, l’intimé se réfère au paragraphe 53 de la décision Sampert et al. c. Sous-ministre de la Défense nationale et al., [2008] TDFP 0009.

23Selon l’intimé, les questions ont été élaborées par Mme Palfreeman, qui a plus de 20 ans d’expérience au Service météorologique du Canada et qui a travaillé auparavant en tant que météorologiste de sensibilisation aux alertes, en tant que chef au sein du Programme de préparation aux avertissements et en tant qu’instructeur à la Direction générale de la formation du Service météorologique du Canada. Pour la notation de l’examen, elle a été aidée par M. Héroux, qui a lui aussi plus de 20 ans d’expérience au Service météorologique du Canada. Pendant cette période, M. Héroux a lui aussi occupé les postes de météorologiste de sensibilisation aux alertes et d’instructeur à la Direction générale de la formation du Service météorologique du Canada.

24L’intimé soutient qu’en vertu du paragraphe 30(2) de la LEFP, l’administrateur général a le pouvoir d’établir les qualifications relatives à un poste et de nommer des personnes en se fondant sur le mérite lorsque ces personnes possèdent les qualifications essentielles, et il dispose d’un large pouvoir discrétionnaire en la matière. Pour appuyer son affirmation, l’intimé s’appuie sur la décision Visca c. Sous‑ministre de la Justice et al., [2007] TDFP 0024.

25En l’espèce, la direction a établi que les candidats devaient posséder la « connaissance des structures et des opérations du SMC » (Co1) et la « connaissance de la méthodologie appliquée et théorique » (Co2).

26L’intimé a aussi cité l’article 36 de la LEFP, qui accorde à l’administrateur général un large pouvoir discrétionnaire pour choisir les outils d’évaluation qu’il utilisera afin de déterminer si un candidat possède les qualifications nécessaires pour occuper un poste en particulier. Pour appuyer sa position, l’intimé a cité la décision Jolin c. Administrateur général de Service Canada et al., [2007] TDFP 0011, et la décision Charter c. Sous‑ministre de la Défense nationale et al., [2007] TDFP 0048.

27Selon l’intimé, le plaignant n’a présenté aucune preuve qui pourrait démontrer que le comité d’évaluation a abusé de son pouvoir en utilisant un examen écrit pour évaluer les qualifications essentielles des candidats.

28L’intimé a également affirmé que le comité d’évaluation n’avait nullement l’obligation de continuer à évaluer les candidats qui ne possédaient pas une ou plusieurs qualifications essentielles. L’intimé cite la décision Jolin à l’appui.

29En l’espèce, tous les candidats ont été évalués de la même façon et en fonction des mêmes critères de mérite. Le comité d’évaluation a utilisé un examen écrit, ce qui constitue une méthode d’évaluation courante. Tous les candidats ont eu une occasion égale de démontrer leurs qualifications. Le guide de cotation a été appliqué de la même manière à tous les candidats.

30L’intimé soutient que le fait que le plaignant occupait un poste MT‑06 pendant le processus de nomination ne signifie pas qu’il est qualifié pour les postes MT‑06 en question. Le paragraphe 30(2) de la LEFP accorde à un administrateur général un large pouvoir discrétionnaire pour l’établissement des qualifications essentielles, qui peuvent être différentes d’un poste à l’autre dans certaines circonstances.

31L’intimé soutient que le plaignant ne s’est pas acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait en l’espèce, c’est‑à‑dire qu’il n’a pas réussi à établir qu’il n’a pas été nommé, ou proposé en vue d’une nomination, en raison d’un abus de pouvoir.

C) Argumentation de la Commission de la fonction publique

32La Commission de la fonction publique (CFP) a présenté des observations générales sur le concept d’abus de pouvoir et sur la façon dont le Tribunal doit trancher la question.

33La CFP affirme que le Tribunal peut conclure qu’il y a eu abus de pouvoir en raison d’une évaluation inappropriée, mais le fait que des erreurs puissent être survenues pendant le processus d’évaluation ne suffit pas en soi pour conclure qu’il y a eu abus de pouvoir. Selon la CFP, pour que le Tribunal conclue qu’il y a eu abus de pouvoir en raison d’une évaluation inappropriée, il doit conclure, à la lumière des éléments de preuve, que l’évaluation a été entachée par la mauvaise foi ou le favoritisme personnel, ou être convaincu que toute erreur survenue pendant le processus d’évaluation découle d’une insouciance ou d’une incurie telle qu’on peut conclure à la mauvaise foi.

Analyse

Question 1 : L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en utilisant une méthode d’évaluation inappropriée pour évaluer deux des qualifications essentielles liées aux connaissances?

34Le plaignant soutient que l’examen écrit utilisé pour évaluer ses qualifications liées aux connaissances constituait une méthode d’évaluation inappropriée. Il affirme que l’examen n’était pas assez complet et qu’il existait d’autres façons de déterminer qu’il possédait les connaissances nécessaires pour les postes en question. Selon le plaignant, le comité d’évaluation aurait dû tenir compte de son niveau de scolarité, de ses évaluations annuelles et de son niveau professionnel pour déterminer s’il possédait les qualifications essentielles.

35Dans la décision Visca, le Tribunal a déterminé que l’article 36 de la LEFP accordait aux administrateurs généraux le large pouvoir discrétionnaire d’utiliser toute méthode d’évaluation qu’ils considèrent appropriée pour déterminer si une personne possède les qualifications visées à l’alinéa 30(2)a).

36Toutefois, le pouvoir discrétionnaire de l’administrateur général n’est pas absolu. Le Tribunal peut constater qu’il y a eu abus de pouvoir lors du choix des méthodes d’évaluation si le plaignant prouve que les méthodes utilisées sont déraisonnables ou qu’elles ne permettent pas l’évaluation des qualifications inscrites sur l’énoncé des critères de mérite (voir la décision Jogarajah c. Administrateur en chef de la santé publique de l’Agence de la santé publique du Canada et al., [2008] TDFP 0015).

37De la même façon, dans la décision Chiasson c. Sous-ministre de Patrimoine canadien et al., [2008] TDFP 0027, le Tribunal a déclaré qu’un outil d’évaluation doit évaluer véritablement ce qui doit l’être. Si l’outil comporte un vice, le résultat ne peut pas être considéré comme raisonnable ou juste.

38En l'espèce, le plaignant soutient que l'examen écrit utilisé pour évaluer ses qualifications liées aux connaissances constituait une méthode d'évaluation inappropriée. Il affirme que les questions utilisées pour évaluer les qualifications essentielles Co1 et Co2 n'évaluaient pas « totalement » [Traduction] la connaissance des structures et des opérations du SMC ou la connaissance de la météorologie appliquée et théorique. Cependant, aucune preuve n'a été présentée pour démontrer que le comité d'évaluation avait besoin de renseignements plus complets que ceux qu'il a obtenus dans les réponses exactes aux questions de l'examen écrit.

39L'examen a été élaboré par Mme Palfreeman et corrigé par elle et M. Héroux. Mme Palfreeman et M. Héroux connaissaient les postes à doter, les ayant déjà occupés. Le plaignant n'a pas soutenu que Mme Palfreeman n'avait pas la compétence nécessaire pour élaborer l'examen ou que Mme Palfreeman et M. Héroux n'avaient pas la compétence nécessaire pour le corriger, et il n'a présenté aucune preuve en l’occurrence.

40La preuve démontre que l'ECM se rapportant aux postes indiquait que les qualifications Co1 et Co2 étaient des qualifications essentielles. Les questions 1 à 5 de l'examen ont été élaborées dans le but de déterminer la connaissance des candidats en ce qui concerne les qualifications Co1 et Co2. Le comité d'évaluation aurait pu choisir d'autres méthodes, mais il a décidé d'utiliser l'examen écrit. Il s'agit d'une approche courante qui relève du pouvoir discrétionnaire dévolu au comité d'évaluation, en tant que subdélégataire en vertu de l'article 36 de la LEFP, d'utiliser toute méthode d'évaluation qu'il considère appropriée.

41Le plaignant soutient que la question 2 de l'examen porte sur la connaissance des protocoles de communication et non sur la qualification Co1, mais il a omis de démontrer pourquoi la connaissance des protocoles de communication n'est pas liée à la qualification Co1.

42Le plaignant ajoute que les trois questions qui servent à évaluer la qualification Co2 ne peuvent pas fournir une indication de la connaissance qu'a un candidat d'un sujet aussi large. Il n'a toutefois fourni aucune preuve montrant que les réponses exactes à ces questions ne peuvent pas fournir au comité d'évaluation assez de renseignements pour déterminer qu'un candidat possède les qualifications essentielles pour les postes de météorologiste de sensibilisation aux alertes.

43Le Tribunal constate que les membres du comité d'évaluation connaissaient les postes à pourvoir et que les questions relatives aux qualifications Co1 et Co2 étaient liées à l'ECM des postes en question. Il n'existe pas de preuve convaincante que les questions de l'examen écrit ne pouvaient pas fournir au comité d'évaluation les renseignements dont il avait besoin pour déterminer si un candidat possédait les qualifications essentielles liées aux connaissances. Le plaignant n'a pas réussi à prouver que les méthodes utilisées étaient déraisonnables ou ne permettaient pas l'évaluation des qualifications inscrites dans l'énoncé des critères de mérite.

44Le Tribunal constate que l'intimé n'a pas abusé de son pouvoir lorsqu'il a utilisé un examen écrit pour évaluer la connaissance du plaignant en ce qui concerne les postes de météorologiste de sensibilisation aux alertes.

Question 2 : L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en omettant de tenir compte d’autres éléments de preuve indiquant que le plaignant possédait les qualifications essentielles liées aux connaissances?

45Le plaignant affirme que lorsque les membres du comité d'évaluation ont éliminé sa candidature parce qu'il n'avait pas bien répondu à deux questions de l'examen des connaissances, ils se sont fondés sur des renseignements inadéquats. Il soutient que d'autres éléments de preuve pouvaient confirmer qu'il possédait suffisamment de connaissances pour exécuter les fonctions du poste. Il ajoute que le fait de ne pas avoir tenu compte de ces renseignements constitue un abus de pouvoir selon l'alinéa 77(1)a) de la LEFP.

46Dans la décision Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale et al., [2006] TDFP 0008, le Tribunal a déclaré que les cinq catégories d'abus énoncées dans Jones et de Villars, y compris « lorsqu’un délégué se fonde sur des éléments insuffisants (y compris lorsqu'il ne dispose d'aucun élément de preuve ou qu'il ne tient pas compte d'éléments pertinents) », peuvent être prises en considération dans l'évaluation d'une allégation d'abus de pouvoir présentée en vertu de la LEFP. Dans la décision Tibbs, le Tribunal a aussi déclaré ce qui suit :

[65] Il ressort clairement du préambule et de la LEFP dans son ensemble que l’intention du législateur était qu’il fallait plus que de simples erreurs ou omissions pour constituer un abus de pouvoir […]

[66] Comme la plaignante l’a reconnu, l’abus de pouvoir exige un acte répréhensible. Par conséquent, l’abus de pouvoir comprendra toujours une conduite irrégulière, mais la mesure dans laquelle la conduite est irrégulière peut déterminer si elle constitue un abus de pouvoir ou non.

47Le Tribunal a donné des précisions concernant ces principes dans la décision Portree c. Administrateur général de Service Canada et al., [2006] TDFP 0014 :

[47] L’allégation d’abus de pouvoir est une question très grave et ne doit pas être prise à la légère. En résumé, pour obtenir gain de cause devant le Tribunal, une plainte d’abus de pouvoir doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a un acte répréhensible grave ou une faute majeure dans le processus, qui constitue plus qu’une simple erreur, omission ou conduite irrégulière justifiant l’intervention du Tribunal.

48Le Tribunal doit déterminer si l'intimé a abusé de son pouvoir lorsqu'il a omis de prendre en considération la scolarité, les évaluations du rendement et le niveau professionnel du plaignant pour déterminer que ce dernier ne possédait pas les qualifications essentielles liées aux postes. Autrement dit, l'intimé s’est-il fondé sur des éléments insuffisants ou a-t-il omis de prendre en considération des renseignements pertinents lorsqu'il a éliminé la candidature du plaignant du processus de nomination?

49L'ECM se rapportant à ces postes indiquait qu'un diplôme universitaire dans un domaine de spécialisation acceptable lié à la météorologie, aux mathématiques ou à la physique constituait une des qualifications essentielles. Le fait que le plaignant possède un diplôme universitaire en météorologie signifie qu'il possède cette qualification. Cela ne signifie pas qu'il possède les connaissances particulières requises pour les postes à doter dans ce processus de nomination.

50De la même façon, un rendement totalement satisfaisant dans un poste de groupe et niveau MT-06 ne signifie pas forcément qu'un candidat possède les connaissances lui permettant d'avoir un rendement totalement satisfaisant à un autre poste MT-06. Il est entièrement raisonnable que le comité d'évaluation élabore des questions précises relatives aux connaissances nécessaires pour occuper les postes à doter et détermine si un candidat possède ces connaissances, sans tenir compte du fait que le candidat a actuellement un bon rendement dans un poste équivalent, plus élevé ou moins élevé.

51Selon l'article 36 de la LEFP, la décision du comité d'évaluation d'utiliser un examen des connaissances pour évaluer les qualifications relatives aux connaissances relève de son pouvoir discrétionnaire. La LEFP n'oblige pas un comité d'évaluation à tenir compte de la scolarité, des évaluations du rendement et de la classification actuelle lorsqu'il évalue les connaissances exigées pour un poste en particulier. (Voir la décision Melanson et Innes c. Sous-ministre de la Défense nationale et al., [2008] TDFP 0014).

52Le Tribunal juge que le plaignant n'a pas réussi à démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l'intimé a abusé de son pouvoir en ne tenant pas compte de la scolarité, des évaluations de rendement annuelles et du niveau professionnel du plaignant dans son évaluation.

Question 3 : L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir par favoritisme personnel?

53Le plaignant soutient également que tout candidat qui travaille dans les bureaux des prévisions opérationnelles bénéficiait d’un avantage injuste lorsqu’il répondait à la deuxième question relative à la qualification Co1. Le plaignant ajoute qu’il existait alors une possibilité de favoritisme, même si c’était par inadvertance, car les questions de l’examen étaient liées au domaine d’expertise de tout candidat travaillant dans les bureaux des prévisions opérationnelles.

54Cependant, comme le Tribunal l’a indiqué dans la décision Glasgow c. Sous‑ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et al., [2008] TDFP 0007, le terme personnel suit le terme favoritisme dans le paragraphe 2(4) de la LEFP, mettant ainsi en évidence l’intention du législateur de lier les deux termes. Par conséquent, c’est le favoritisme personnel, et non d’autres types de favoritisme, qui constitue un abus de pouvoir. Le Tribunal a aussi établi que la preuve de favoritisme personnel peut être soit directe, soit circonstancielle. Par exemple, un plaignant peut établir une preuve directe de l’existence d’une relation personnelle entre le gestionnaire délégataire et la personne nommée. En l’espèce, la nature de la preuve présentée par le plaignant est circonstancielle.

55Le plaignant n’allègue pas qu’il y a eu favoritisme personnel, mais plutôt que tout candidat qui travaille dans les bureaux des prévisions opérationnelles a peut‑être été favorisé, ou pourrait avoir été favorisé, car les questions étaient liées à son domaine d’expertise. De plus, la preuve selon laquelle tout candidat spécialisé dans un domaine d’expertise posséderait probablement une qualification essentielle ne constitue pas une preuve de favoritisme personnel. Aucune preuve n’a été présentée au Tribunal selon laquelle le comité d’évaluation aurait élaboré les questions de manière à favoriser personnellement un candidat, et aucune allégation n’a été faite à cet égard.

56Le Tribunal juge que toute allégation basée sur le favoritisme personnel n’est pas fondée.

Décision

57Pour tous ces motifs, la plainte est rejetée.

Kenneth J. Gibson

Membre

Parties au dossier

Dossier du Tribunal:
2008-0069
Intitulé de la cause:
Ole Jacobsen et le Sous-ministre d'Environnement Canadadu ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et al.
Audience:
Audition sur dossier
Date des motifs:
Le 18 mars 2009
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