Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les plaignants ont formulé des allégations d’abus de pouvoir à l’encontre de l’intimé pour avoir nommé la candidate reçue au poste de gestionnaire, Service de liaison communautaire, par le biais d’un processus de nomination non annoncé. Ils ont soutenu que la décision d’avoir recours à un processus non annoncé sans tenir compte d’autres personnes était injuste et entachée de favoritisme, que la candidate reçue ne possédait pas l’expérience appréciable du travail au sein des communautés des Premières nations, laquelle expérience comptait parmi les qualifications essentielles liées aux fonctions du poste. Ils ont fait valoir d’autre part que l’évaluation écrite de la candidate reçue était inadéquate. L’intimé a nié tout abus de pouvoir dans le processus en question en déclarant que vu la situation d’employé touché de la candidate reçue, le recours à un processus non annoncé visait à éviter une situation de priorité. Selon lui, la candidate reçue avait été évaluée en fonction des critères de mérite liés au poste et jugée qualifiée. L’intimé a ajouté que sous le régime de la LEFP il n’est pas nécessaire de se baser sur le mérite relatif pour les nominations. Il a soutenu qu’il n’y avait aucune preuve démontrant que les outils d’évaluation étaient inappropriés, ni aucune preuve permettant de conclure que la candidate reçue n’était pas qualifiée pour le poste. Enfin, l’intimé a fait valoir que les plaignants n’avaient présenté aucune preuve de favoritisme personnel et ne se fiaient qu’à leurs perceptions. Selon Commission de la fonction publique (CFP), l’intimé aurait pu faire plus pour communiquer ses plans et ses stratégies de façon plus exhaustive et ponctuelle. La CFP a ajouté que l’intimé n’avait pas tout à fait respecté les lignes directrices, mais que des erreurs dans l’application de celles-ci n’entraînent pas nécessairement l’abus de pouvoir. Décision : Le Tribunal a estimé qu’en incluant « la nomination d’un employé afin d’éviter une situation de priorité » à ses critères de justification du recours à un processus de nomination non annoncé, l’intimé avait clairement envisagé la possibilité de promouvoir un employé menacé du statut de bénéficiaire de priorité, mais qui n’était pas encore dans cette situation. Le Tribunal a jugé en outre que les plaignants n’avaient pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que le favoritisme personnel avait influencé la décision de recourir à un processus de nomination non annoncé. Le fait pour l’intimé de ne pas inclure une explication adéquate dans la justification écrite représentait une omission qui ne s’apparentait pas à une insouciance ou une négligence grave; on ne saurait en déduire de la mauvaise foi. Il n’y avait aucune preuve démontrant qu’il y a eu abus de pouvoir dans l’établissement de la définition de l’adjectif « appréciable » en ce qui concerne la qualification essentielle liée à l’expérience. Les outils d’évaluation utilisés en l’espèce avaient permis effectivement de déterminer si la candidate reçue possédait les qualifications essentielles. Il n’y avait aucune preuve démontrant que la candidate retenue ne possédait pas les qualifications requises pour une nomination au poste en question. Plaintes rejetées.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossiers:
2007-387/0423/0424/0425/
0426/0427/0430
Rendue à:
Ottawa, le 4 août 2009

RICHARD KOSOWAN ET AL.
Plaignants
ET
LE SOUS-MINISTRE DE SANTÉ CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plaintes d'abus de pouvoir en vertu des l'alinéas 77(1)a) et b) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision:
Les plaintes sont rejetées
Décision rendue par:
Merri Beattie, membre
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Kosowan et al. c. sous-ministre de Santé Canada et al.
Référence neutre:
2009 TDFP 0024

Motifs de la décision

Introduction

1Les plaignants – Rick Kosowan, Jeanine Lynxleg, Doug Mercer, Myra Courchene, Val Sinclair, Moira Nicholson et Murrey Kolody – sont des employés de la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits de Santé Canada. Selon les plaignants, la nomination d’Edwina Keats au poste de gestionnaire de groupe et niveau PM‑05, Service de liaison communautaire, par voie de processus de nomination non annoncé, constitue un abus de pouvoir. Toujours selon les plaignants, Mme Keats ne possède pas l’expérience appréciable du travail au sein des communautés des Premières nations, laquelle expérience compte parmi une des qualifications essentielles liées aux fonctions du poste.

2L’intimé – le sous‑ministre de Santé Canada – affirme que le choix d’un processus de nomination non annoncé était approprié; Mme Keats étant une employée touchée, le processus non annoncé visait à éviter une situation de priorité. Par ailleurs, Mme Keats a été évaluée en fonction des critères de mérite liés au poste et a été jugée qualifiée. L’intimé nie tout abus de pouvoir dans cette nomination.

Contexte

3En juin 2007, le personnel de la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits (SPNI), région du Manitoba, a été informé que des décisions relatives à l’introduction de nouveaux accords de financement en matière de santé auraient des répercussions sur le travail et la structure organisationnelle de la SPNI.

4Une Notification de nomination ou de nomination proposée a été publiée le 14 août 2007 afin de divulguer la nomination non annoncée pour une durée indéterminée de Edwina Keats au poste de gestionnaire PM‑05, Service de liaison communautaire, SPNI, Winnipeg (Manitoba).

5Chacun des plaignants a présenté une plainte auprès du Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) en vertu de l’article 77 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP). Le Tribunal a procédé à la jonction des plaintes, en application de l’article 8 du Règlement du Tribunal de la dotation de la fonction publique, DORS/2006‑6.

6Certaines des plaintes contenaient des allégations de discrimination. À la suite d’une conférence préparatoire par téléphone, les plaignants ont retiré toutes les allégations de discrimination

Questions en litige

7Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. L’intimé a‑t‑il abusé de son pouvoir en choisissant un processus de nomination non annoncé?
  2. L’intimé a‑t‑il abusé de son pouvoir lorsqu’il a établi la définition de l’expression « expérience appréciable »?
  3. L’intimé a‑t‑il abusé de son pouvoir en nommant une personne qui ne possédait pas la qualification essentielle se rapportant à l’expérience appréciable du travail avec les Premières nations et au sein des communautés des Premières nations?

Résumé des éléments de preuve pertinents

8Jim Wolfe, directeur régional, Santé des Premières nations et des Inuits pour la région du Manitoba a expliqué le programme ainsi que les facteurs organisationnels qui ont conduit à cette nomination non annoncée. La SPNI offre des services de santé dans les communautés, soit directement, soit à la faveur d’accords. En octobre 2005, le Conseil du Trésor a indiqué que les nouveaux accords de financement en matière de santé (AFS) seraient mis en œuvre au plus tard le 1er avril 2008. Conséquemment, la SPNI a été restructurée. Lorsque le programme de liaison communautaire a été lancé, trois agents de liaison communautaire (ALC) étaient en place, et le plan des ressources humaines prévoyait augmenter ce nombre à dix. Au Service de liaison communautaire, un gestionnaire était en place.

9Le 27 juin 2007, M. Wolfe a envoyé une note de service à tout le personnel de SPNI, région du Manitoba, pour les informer du plan de mise en œuvre des AFS ainsi que des rôles et responsabilités des personnes concernées.

10M. Wolfe a expliqué que, par suite du transfert de responsabilités entre des éléments de la SPNI, l’un des postes d’agent de vérification PM‑04 ne serait plus nécessaire. Certaines des tâches liées à ce poste avaient été transférées au Service de liaison communautaire. La titulaire du poste d’agent de vérification en question, Mme Keats, était touchée par ce changement et deviendrait excédentaire par rapport aux besoins. M. Wolfe a indiqué avoir rencontré à maintes reprises Brenda Stiff, directrice, Accords de financement en matière de santé, et Jim Mair, directeur, Programmes, Transfert et Autonomie gouvernementale, afin d’étudier les besoins de l’organisation, l’urgence de mettre en œuvre les nouveaux AFS ainsi que la situation excédentaire de Mme Keats. Bien que les qualifications d’autres membres du personnel aient été examinées, il a été décidé, compte tenu des besoins de l’organisation et de ceux de Mme Keats, que le mieux était de nommer cette dernière au nouveau poste supplémentaire de gestionnaire aux groupe et niveau PM‑05, Service de liaison communautaire.

11En contre‑interrogatoire, M. Wolfe a déclaré que les premières discussions concernant l’ajout d’un deuxième poste de gestionnaire, Service de liaison communautaire (PM‑05), ont eu lieu un an environ avant la création du poste et la nomination dont il est question.

12Six des sept plaignants ont témoigné à l’audience. M. Kosowan a expliqué que, peu après avoir reçu de M. Wolfe l’information concernant les AFS et les changements qui seraient apportés à l’organisation, le personnel avait été informé de la création d’un poste supplémentaire de gestionnaire PM‑05. M. Kosowan a expliqué que le gestionnaire en poste, Roy Jangula, leur avait dit qu’un processus annoncé serait lancé afin de doter le nouveau poste PM‑05. Toutefois, plus tard, lors d’une réunion des ALC, il avait été annoncé que Mme Keats occuperait le poste à titre intérimaire. M. Kosowan a déclaré que les employés avaient été irrités que leur candidature n’ait pas été envisagée pour la possibilité d’intérim et qu’ils avaient senti que Mme Keats obtiendrait un avantage injuste dans le processus annoncé. Il a affirmé qu’au dire de la direction, la nomination intérimaire ne serait que de courte durée. M. Kosowan a également expliqué que la notification de nomination de Mme Keats pour une durée indéterminée avait été envoyée par courriel peu de temps après.

13Chacun des plaignants a témoigné en ce qui a trait au choix de l’intimé d’utiliser un processus non annoncé. De l’avis de Mme Nicholson, de M. Mercer, de Mme Courchene et de M. Kolody, le choix d’un processus non annoncé, en excluant d’autres personnes qualifiées, constitue un manque de respect et une injustice. Pour sa part, Mme Nicholson a affirmé que le fait d’empêcher d’autres personnes de poser leur candidature à un poste constitue un abus de pouvoir. Mme Lynxleg, M. Mercer, Mme Courchene et M. Kolody ont tous déclaré avoir eu à se mesurer à d’autres pour faire progresser leur carrière, et Mme Courchene a ajouté qu’une nomination devait viser la personne « la plus qualifiée » [traduction] et que celle‑ci devait être déterminée à la faveur d’un processus annoncé. M. Kolody a expliqué qu’il n’avait jamais vu un employé obtenir une promotion parce qu’il se trouvait en situation excédentaire par rapport aux besoins. Il a affirmé que les employés qu’il connaissait qui avaient été déclarés excédentaires avaient été mutés à d’autres postes au niveau de titularisation.

14Mme Nicholson a décrit une conversation qu’elle avait eue avec Mme Keats à l’occasion d’un voyage d’affaires qu’elles avaient fait ensemble au printemps de 2007. De l’avis de Mme Nicholson, d’après cette conversation, Mme Keats a bénéficié d’un traitement de faveur; elle a été préparée à sa nomination et en avait été informée plusieurs mois auparavant. Mme Nicholson a en outre indiqué qu’elle avait déjà demandé une prolongation de son intérim, laquelle lui avait été refusée au motif que celle‑ci serait mal vue. Mme Nicholson a déclaré que les ALC et les commis s’étaient vu refuser des possibilités en raison d’exigences opérationnelles. Elle a également indiqué que, pendant ses cinq années de service dans cette unité, les seuls employés nommés à la faveur de processus de nomination non annoncés étaient des personnes qui relevaient directement de Mme Stiff. Selon M. Mercer, Mme Keats avait connu un avancement très rapide. Selon lui, sa nomination, effectuée sans considération pour d’autres candidats, constitue du favoritisme.

15Au cours du contre‑interrogatoire des plaignants, la Commission de la fonction publique (CFP) a demandé des éléments de preuve étayant l’existence de favoritisme personnel. Mme Lynxleg a déclaré que Mme Keats obtenait plus d’occasions de formation et qu’elle assistait à un plus grand nombre de réunions avec le personnel de l’administration centrale que les autres. Au dire de Mme Nicholson, l’intimé « avait contourné les règles » [traduction] en procédant à cette nomination. M. Mercer a expliqué que les autres agents de vérification avaient été informés qu’ils devaient détenir un titre professionnel, mais que Mme Keats n’en avait pas. Enfin, selon M. Kosowan, le fait de promouvoir Mme Keats à un poste PM‑05 plutôt que de la nommer à un poste PM‑04 constituait sans aucun doute du favoritisme.

16La CFP a également demandé aux plaignants de lui fournir des éléments de preuve relatifs à la mauvaise foi. Mme Lynxleg a expliqué qu’elle entretenait une piètre relation avec Mme Stiff depuis 2005. Elle a mentionné que Mme Stiff s’était fâchée lorsqu’elle lui avait demandé pourquoi certaines personnes obtenaient des promotions sans se mesurer aux autres, tandis que d’autres, comme elle‑même, devaient faire leurs preuves. Mme Lynxleg a affirmé que Mme Stiff et elle‑même ne se parlaient pas autrement que dans le cadre de leurs interactions professionnelles quotidiennes. Pour sa part, Mme Nicholson a déclaré que les règles avaient été transgressées et que les valeurs et principes de dotation n’avaient pas été totalement respectés. M. Kolody a précisé que l’intimé affirmait que Mme Keats n’avait pas été nommée à un poste d’ALC aux groupe et niveau PM‑04 sous prétexte que ces postes devraient être occupés par des Autochtones mais que, selon lui, la véritable raison était que l’intimé voulait la promouvoir au niveau PM‑05. M. Kosowan a déclaré ne pas croire qu’il y ait eu mauvaise foi.

17Mme Lynxleg, M. Mercer et M. Kosowan ont témoigné en ce qui a trait à l’expérience de travail de Mme Keats au sein des communautés des Premières nations. De l’avis de Mme Lynxleg, une expérience appréciable équivaut à sept ou huit ans. Elle affirme qu’il n’est pas clair que Mme Keats avait une quelconque expérience du travail au sein des communautés des Premières nations. Selon M. Mercer, Mme Keats n’avait aucune expérience dans les communautés des Premières nations. Enfin, selon M. Kosowan, Mme Keats ne s’était jamais rendue dans une communauté des Premières nations.

18M. Wolfe a expliqué savoir que M. Jangula avait dit au personnel qu’il y aurait un processus annoncé afin de pourvoir au poste de PM‑05. Il a affirmé qu’il aurait habituellement eu recours à un processus annoncé, mais que la situation avait changé lorsque Mme Keats avait été touchée par les nouvelles dispositions, son poste allant devenir excédentaire par rapport aux besoins. Il a pris part et a souscrit à la décision de nommer Mme Keats au poste PM‑05 au moyen d’un processus non annoncé vers la fin de juin 2007. Le poste a été offert à celle‑ci en juillet. M. Wolfe a expliqué que le recours à un processus non annoncé était approprié en l’espèce parce que Mme Keats était une employée touchée et qu’elle possédait des compétences dont on avait un besoin pressant au niveau PM‑05.

19Selon M. Wolfe, le travail avec des Premières nations était plus important que le travail au sein de communautés des Premières nations. Toujours selon ce dernier, le nombre de visites dans les communautés n’était pas un facteur essentiel. Pour lui, l’important était que la personne ait travaillé abondamment avec les Premières nations dans diverses situations, parce que c’est ainsi qu’on acquiert une connaissance détaillée du fonctionnement des communautés.

20M. Wolfe a affirmé qu’il est plus important de doter les postes d’ALC que les postes de gestionnaire par des employés autochtones parce que les ALC entretiennent un contact plus direct avec les communautés des Premières nations.

21La feuille de travail sommaire du plan d’action des ressources humaines de la SPNI pour 2007‑2008 (plan des ressources humaines) a été présentée en preuve. Mme Stiff a déclaré avoir pris part à l’élaboration du plan des ressources humaines, lequel avait été préparé avant que soit mise la dernière main aux AFS. Mme Stiff convenait que le nouveau poste PM‑05 ne faisait pas partie du plan des ressources humaines, mais elle a fait observer qu’en revanche, des plans visant à augmenter à dix le nombre d’ALC y étaient intégrés. Elle a expliqué que la charge de travail au Service de liaison communautaire avait augmenté en raison d’autres accords, de l’intégration des nouveaux AFS et de la nécessité de fonctionner à la fois selon le vieux et le nouveau systèmes pendant un certain temps. Il fallait accroître le nombre d’ALC, et M. Jangula lui avait mentionné que dix ALC constitueraient un effectif trop nombreux à gérer. Mme Stiff a en outre déclaré que la mise en œuvre des nouveaux AFS exigeait énormément de renforcement des capacités et de formation et qu’il fallait notamment coordonner la vérification. Mme Stiff s’est penchée avec M. Wolfe sur la nécessité d’un deuxième poste PM‑05.

22Mme Stiff a admis que le plan des ressources humaines ne faisait pas état de l’élimination du poste d’agent de vérification. Il traitait plutôt de la réduction et de l’élimination de la duplication ainsi que de la clarification des rôles et responsabilités, dont fait partie le plan qui assure au Service de liaison communautaire la charge de la coordination de la vérification.

23Mme Stiff a indiqué qu’elle avait participé aux discussions concernant le poste d’agent de vérification avec le personnel de la classification des Ressources humaines et qu’elle savait que le poste était touché. Elle a expliqué que la mise en œuvre de mesures d’assurance de la qualité laissait prévoir une diminution des vérifications. De même, les ALC et les gestionnaires du Service de liaison communautaire seraient chargés de coordonner les vérifications et d’assurer la conformité aux recommandations en matière de vérification. Les tâches des agents de vérification se rapportant à la coordination des vérifications des communautés des Premières nations demeureraient la responsabilité de la SPNI, alors que toutes les autres tâches devaient être confiées à un autre secteur de l’organisation.

24Mme Stiff a expliqué que Mme Keats était une employée touchée plutôt qu’une excédentaire parce que son poste n’avait pas encore été éliminé. Elle a précisé que le poste d’agent de vérification de Mme Keats aurait été déclaré excédentaire par rapport aux exigences une fois les dix postes d’ALC dotés et le rôle de vérification assumé par le Service de liaison communautaire. Elle a ajouté que les autres tâches liées au poste d’agent de vérification avaient déjà été transférées ailleurs au sein de Santé Canada.

25Mme Stiff a déclaré qu’au moment d’envisager initialement de nommer quelqu’un sur une base intérimaire, d’autres candidatures, y compris celle de Mme Keats, avaient été prises en compte pour la dotation du poste PM‑05. À l’instar d’un autre directeur, elle avait recommandé des personnes de sa direction. Elle a expliqué qu’elle ne se souvenait pas des candidatures qui avaient été envisagées mais, qu’en fin de compte, personne d’autre n’avait été évalué parce que Mme Keats avait été reconnue comme étant une employée touchée et qu’elle avait par la suite été jugée qualifiée pour le poste.

26Mme Stiff a consulté les Ressources humaines en ce qui concerne les processus de nomination annoncés et non annoncés. Elle a en outre étudié les Critères applicables à l’utilisation de processus non annoncés de Santé Canada, lesquels critères ont été produits en preuve. Parmi la liste des critères justifiant le recours à un processus non annoncé, elle a repéré la nomination d’un employé dans le but d’éviter une situation de priorité. La décision de nommer Mme Keats au poste PM‑05 pour une durée indéterminée au moyen d’un processus non annoncé a été prise conjointement avec M. Wolfe quelque part en juin 2007.

27Mme Stiff a fait observer que les ALC PM‑04 sont des contacts clés avec les communautés des Premières nations. Ces postes sont donc dotés par des Autochtones dans la mesure du possible.

28Mme Stiff a précisé que M. Jangula avait parlé de la nomination intérimaire de Mme Keats aux ALC avant de prendre la décision de procéder à une nomination pour une durée indéterminée. Il a tenté de leur parler de nouveau une fois la décision prise de procéder à une nomination pour une durée indéterminée, mais n’a pas été en mesure de le faire en raison d’absences. Il a plutôt envoyé un courriel aux ALC le 31 juillet 2007.

29Mme Stiff a déclaré que les gestionnaires du Service de liaison communautaire sont responsables d’établir et de gérer les AFS avec les Premières nations. Ils réalisent des interventions essentielles en ce qui concerne les AFS en appliquant la politique d’intervention suivant les besoins et déterminent le niveau d’intervention nécessaire en fonction du niveau de risque.

30Mme Stiff a précisé que l’Énoncé des critères de mérite (ECM) avait d’abord été établi sous forme d’énoncé des qualifications lorsque M. Jangula avait été nommé en vertu de l’ancienne LEFP. Pour elle, une personne possédant une expérience « appréciable » était quelqu’un qui avait l’expérience du traitement de questions complexes et de l’élaboration de solutions viables de concert avec les communautés des Premières nations. En contre‑interrogatoire, Mme Stiff a déclaré que l’expérience du traitement de questions complexes au sein de communautés des Premières nations était nécessaire pour le poste PM‑05.

31Mme Stiff a déclaré avoir évalué Mme Keats et préparé le document Évaluation du candidat et justification du processus non annoncé [traduction], qui a été présenté en preuve. Mme Stiff s’est servie du curriculum vitæ de Mme Keats ainsi que de sa connaissance personnelle de cette dernière, qu’elle avait supervisée pendant trois ans. Elle a en outre fondé une partie de son évaluation de Mme Keats sur le rendement de cette dernière dans le processus de nomination qu’elle avait mené lorsque celle-ci avait été nommée au poste d’agent de vérification, ainsi que sur les commentaires du directeur régional et de M. Jangula.

32Mme Stiff a admis que le processus de nomination relatif au poste d’agent de vérification s’était déroulé trois ans avant le processus en question. Elle a assuré que, bien qu’il y ait des différences entre les deux postes, ceux‑ci avaient aussi des points communs. Les qualifications qu’elle recherchait, tant pour les agents que pour les gestionnaires, étaient, entre autres, le respect et l’esprit d’équipe. Mme Stiff a insisté sur le fait qu’il ne s’agissait que de l’un des outils qu’elle avait utilisés pour évaluer Mme Keats dans le cadre de cette nomination.

33En ce qui concerne l’expérience appréciable du travail avec et au sein des communautés des Premières nations, Mme Stiff a expliqué que Mme Keats s’était occupée de nombre de vérifications complexes et délicates dans les communautés des Premières nations. Celle-ci avait rencontré des conseils tribaux afin de discuter des recommandations de l’auditeur et d’élaborer des solutions visant à résoudre des questions liées à la vérification. Mme Stiff a expliqué que le temps qu’elle avait passé dans les communautés des Premières nations dépendait de la nature de la vérification, mais que la durée n’était pas essentielle pour que l’expérience soit appréciable. Mme Keats s’était rendue dans les communautés tandis qu’elle travaillait comme agent de vérification. Elle avait également donné des renseignements au directeur régional concernant des vérifications très complexes et avait travaillé en étroite collaboration avec M. Jangula. Ces deux personnes avaient fourni des références positives qui avaient été incorporées à l’évaluation, sans pour autant avoir été documentées séparément.

34Mme Stiff a jugé Mme Keats qualifiée pour le poste de gestionnaire au groupe et niveau PM‑05, Service de liaison communautaire. Une Notification de candidature retenue a été publié le 31 juillet 2007 suivi, le 14 août 2007, d’une Notification de nomination ou de nomination proposée.

35En réponse aux questions de la CFP, Mme Stiff a affirmé qu’aucune relation professionnelle négative avec l’un ou l’autre des plaignants ne l’avait poussée à opter pour un processus de nomination non annoncé. Elle a en outre mentionné ne pas entretenir de relation avec Mme Keats à l’extérieur du bureau.

Argumentation des parties

A) Argumentation des plaignants

36Les plaignants soutiennent que la décision d’avoir recours à un processus de nomination non annoncé sans tenir compte d’autres personnes est injuste et démontre du favoritisme. Selon eux, l’injustice tient au fait que l’intimé n’a pas mené le processus annoncé prévu au départ, privant ainsi les autres personnes d’une possibilité. Les plaignants font également valoir que l’intimé se devait de nommer la personne « qui convenait le mieux » [traduction].

37Selon les plaignants, l’intimé donne une définition erronée du terme « expérience appréciable » au sein des communautés des Premières nations. Toujours selon eux, pour que l’expérience d’une personne soit appréciable, il faut que celle‑ci ait effectivement travaillé dans les communautés pendant longtemps, et la définition de l’intimé est incomplète. Les plaignants soutiennent également que la preuve ne permet pas de conclure que Mme Keats avait une expérience étendue du travail au sein des communautés des Premières nations; l’expérience nécessaire ne figure pas nommément dans son curriculum vitæ. Les plaignants sont aussi d’avis que l’évaluation écrite de Mme Keats était inadéquate. Comme Mme Keats ne possédait pas toutes les qualifications essentielles, le fait de la nommer constitue un abus de pouvoir.

B) Argumentation de l’intimé

38L’intimé soutient que sous le régime de la LEFP il n’est pas nécessaire de se baser sur le mérite relatif et nommer la personne la plus qualifiée ou celle qui convient le mieux. L’intimé soutient que l’article 33 et le paragraphe 30(4) de la LEFP autorisent le recours aux processus de nomination non annoncés de même que la prise en considération d’une candidature unique au regard d’une nomination. L’intimé soutient avoir utilisé la marge de manœuvre que confère la LEFP de façon raisonnable et appropriée dans les circonstances. Il y avait, d’une part, des exigences opérationnelles pressantes à satisfaire et, d’autre part, une employée touchée par la restructuration de la SPNI. L’intimé fait valoir que le choix d’un processus non annoncé lui permettait d’éviter de déclarer Mme Keats excédentaire par rapport aux besoins et de répondre à ses besoins opérationnels urgents.

39L’intimé fait valoir que la restructuration et la décision de procéder à une nomination non annoncée ont été transparentes. Le plan des ressources humaines a été communiqué en février 2007 et indiquait le changement prévu à la SPNI. M. Wolfe a donné plus d’information à cet égard dans une note de service envoyée en juin 2007. Dans un courriel en date du 31 juillet 2007, M. Jangula a corrigé l’information erronée concernant le processus de nomination au poste de PM‑05. Selon l’intimé, ces démarches témoignent de sa bonne foi.

40L’intimé soutient que les administrateurs généraux et leurs délégués disposent du pouvoir d’établir des qualifications au titre du paragraphe 30(2) de la LEFP. Le Tribunal est d’ailleurs parvenu à cette conclusion dans la décision Visca c. Sous‑ministre de la Justice et al. [2007] TDFP 0024. De l’avis de l’intimé, M. Wolfe et Mme Stiff ont précisé la définition d’une expérience appréciable du travail dans les communautés des Premières nations dans le contexte des tâches du poste à pourvoir.

41L’intimé fait valoir que l’article 36 de la LEFP accorde à la CFP ainsi qu’à ses délégués le pouvoir de choisir les méthodes d’évaluation qu’ils utiliseront. L’évaluation de Mme Keats était fondée sur son rendement lors d’un processus de nomination antérieur, son curriculum vitæ, des références et la connaissance personnelle qu’avait d’elle Mme Stiff, qui l’avait supervisée pendant trois ans. L’intimé ajoute que Mme Keats a été évaluée et jugée qualifiée pour le poste, qu’il n’y a aucune preuve démontrant que les outils d’évaluation étaient inappropriés, ni aucune preuve permettant de conclure que Mme Keats n’était pas qualifiée pour exercer les fonctions du poste PM‑05.

42Enfin, l’intimé soutient qu’une conclusion de favoritisme personnel doit s’appuyer sur des éléments de preuve convaincants, que les plaignants n’ont présenté aucun élément de preuve de favoritisme personnel et ne se fient qu’à leurs perceptions.

C) Argumentation de la Commission de la fonction publique

43La CFP affirme que l’intimé ne s’est pas conformé totalement à deux de ses lignes directrices pertinentes. Bien que les témoins de l’intimé aient fourni des éléments de preuve en ce qui concerne les besoins pressants de l’organisation, la justification écrite n’explique pas en quoi le choix d’un processus non annoncé répondait à ces besoins. La justification ne précise pas non plus en quoi les valeurs de dotation ont été respectées. Ce faisant, l’intimé ne s’est pas conformé totalement aux Lignes directrices concernant le choix du processus de nomination.

44Selon la CFP, l’intimé aurait pu faire plus pour communiquer ses plans et ses stratégies de façon plus exhaustive et en temps utile. Une transparence accrue aurait mieux traduit les Lignes directrices en matière de nomination et aurait pu renforcer la confiance des employés au regard de la décision de nomination.

45La CFP soutient que des erreurs dans l’application de ses lignes directrices n’entraînent pas nécessairement l’abus de pouvoir.

Dispositions législatives pertinentes

46Ces plaintes sont présentées en vertu du paragraphe 77(1) de la LEFP :

77. (1) Lorsque la Commission a fait une proposition de nomination ou une nomination dans le cadre d’un processus de nomination interne, la personne qui est dans la zone de recours visée au paragraphe (2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement du Tribunal, présenter à celui‑ci une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination pour l’une ou l’autre des raisons suivantes :

  1. abus de pouvoir de la part de la Commission ou de l’administrateur général dans l’exercice de leurs attributions respectives au titre du paragraphe 30(2);
  2. abus de pouvoir de la part de la Commission du fait qu’elle a choisi un processus de nomination interne annoncé ou non annoncé, selon le cas;

[…]

47Le paragraphe 30(4) et les articles 33 et 36 de la LEFP sont pertinents :

30. (4) La Commission n’est pas tenue de prendre en compte plus d’une personne pour faire une nomination fondée sur le mérite.

33. La Commission peut, en vue d’une nomination, avoir recours à un processus de nomination annoncé ou à un processus de nomination non annoncé.

36. La Commission peut avoir recours à toute méthode d’évaluation — notamment prise en compte des réalisations et du rendement antérieur, examens ou entrevues — qu’elle estime indiquée pour décider si une personne possède les qualifications visées à l’alinéa 30(2)a) et au sous‑alinéa 30(2)b)(i).

48.L’abus de pouvoir n’est pas défini dans la LEFP, mais le paragraphe 2(4) est ainsi libellé : « Il est entendu que, pour l’application de la présente loi, on entend notamment par "abus de pouvoir" la mauvaise foi et le favoritisme personnel. »

Analyse

Question I : L’intimé a‑t‑il abusé de son pouvoir en choisissant unprocessus de nomination non annoncé?

49Aux termes de l’ancienne LEFP, les nominations sans concours étaient permises. Or, le mérite relatif s’appliquait toujours, puisque le motif d’appel était que le mérite relatif – la nomination de la personne la plus qualifiée – n’avait pas été respecté.

50L’ancien système de classement obligatoire n’existe plus. Le pouvoir discrétionnaire est considérable au chapitre des questions de dotation. La présente plainte concerne une nomination non annoncée pour une durée indéterminée. L’article 33 de la LEFP indique clairement qu’un administrateur général, en qualité de délégué de la CFP, dispose du pouvoir discrétionnaire de choisir entre un processus de nomination annoncé ou non annoncé. De surcroît, le fait de ne prendre en considération qu’une seule candidature, comme dans l’affaire qui nous occupe, est également discrétionnaire et précisément autorisé aux termes du paragraphe 30(4) de la LEFP.

51Toutefois, cela ne veut pas dire que le pouvoir discrétionnaire que confère la LEFP est absolu. L’alinéa 77(1)b) de la LEFP prévoit la contestation directe du choix discrétionnaire entre un processus de nomination annoncé et non annoncé, au motif d’abus de pouvoir.

52Le Tribunal a déterminé que, pour qu’une plainte présentée en vertu de l’alinéa 77(1)b) de la LEFP soit fondée, le plaignant doit établir, selon la prépondérance des probabilités, que le choix de faire appel à un processus de nomination non annoncé constitue un abus de pouvoir. Voir, par exemple, la décision Rozka et al. c. Sous‑ministre de Citoyenneté et Immigration Canada et al., [2007] TDFP 0046.

53Au vu des éléments de preuve, le Tribunal juge que les faits suivants sont incontestables. La SPNI connaissait des changements importants à son programme et à son organisation. Ces changements ont entraîné deux répercussions pertinentes : premièrement, il fallait nommer un deuxième gestionnaire aux groupe et niveau PM‑05, Service de liaison communautaire; et, deuxièmement, un agent de vérification de groupe et niveau PM‑04 devait être éliminé, et la titulaire de celui-ci, Mme Keats, serait en situation de priorité.

54Les situations de priorité sont régies par la LEFP et par le Règlement sur l’emploi dans la fonction publique, DORS/2005‑334 (le REFP). L’article 64 de la LEFP traite de la mise en disponibilité d’employés dont les services ne sont plus nécessaires. Le paragraphe 64(1) prévoit qu’un employé dans cette situation doit en être avisé par l’administrateur général. Par ailleurs, la priorité de l’employé excédentaire, à partir du moment où ce dernier est avisé de sa mise en disponibilité imminente, est établie au paragraphe 5(1) du REFP. Celui‑ci prévoit qu’un fonctionnaire excédentaire a droit à une priorité de nomination « à tout poste dans la fonction publique pour lequel, selon la Commission, il possède les qualifications essentielles […]. »

55Les plaignants soutiennent que Mme Keats aurait dû être mutée à un poste d’ALC PM‑04. Aux termes du paragraphe 2(1) de la LEFP, lamutation est le « transfert d’une personne d’un poste à un autre sous le régime de la partie 3. » Il est également prévu au paragraphe 51(5) que la mutation ne peut constituer une promotion. Enfin, selon le paragraphe 53(1), « lesmutations ne constituent pas des nominations pour l’application de la présente loi ». 

56Dans le REFP, l’utilisation du mot « nomination », dans le cas d’un employé bénéficiant de la priorité d’employé excédentaire, autorise de toute évidence qu’une promotion soit accordée à cet employé. D’autre part, le Tribunal estime qu’en incluant « la nomination d’un employé afin d’éviter une situation de priorité » à ses critères de justification du recours à un processus de nomination non annoncé, l’intimé a clairement envisagé la possibilité de promouvoir un employé menacé du statut de bénéficiaire de priorité, mais qui n’est pas encore dans cette situation.

57Au dire des plaignants, le choix de l’intimé de promouvoir Mme Keats à un poste PM‑05 plutôt que de la muter à un poste d’ALC aux groupe et niveau PM‑04, constitue du favoritisme.

58Dans la décision Glasgow c. Sous‑ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et al., [2008] TDFP 0007, le Tribunal a examiné la notion de favoritisme personnel. Il a jugé au paragraphe 39 de cette décision que le mot « favoritisme » est qualifié par le mot « personnel » au paragraphe 2(4) de la LEFP, ce qui met en évidence l’intention du législateur de faire en sorte que c’est le favoritisme personnel, et non pas tout autre type de favoritisme, qui constitue un abus de pouvoir. Le Tribunal poursuit son explication du favoritisme personnel :

[41] […] Des intérêts personnels indus, comme une relation personnelle entre la personne chargée de la sélection et la personne nommée, ne devraient jamais constituer le motif d’une nomination. De la même façon, la sélection d’une personne à titre de faveur personnelle ou pour obtenir la faveur de quelqu’un serait un autre exemple de favoritisme personnel.

59Les plaignants ont expliqué que Mme Keats avait reçu plus de formation et avait eu de plus nombreuses occasions de rencontrer le personnel de l’administration centrale que les autres, que Mme Keats avait rapidement gravi les échelons au sein de l’organisation et qu’elle avait occupé un poste d’agent de vérification sans posséder de titre professionnel, alors qu’un tel titre était exigé des autres. Les plaignants ont fait ces déclarations, mais ils n’ont pas été témoins de première main de ces événements et ils n’ont présenté aucun document à l’appui de ces affirmations.

60L’intimé aurait pu muter Mme Keats à un poste au groupe et niveau PM‑04; or, M. Wolfe et Mme Stiff ont tous deux précisé qu’il était préférable de nommer des Autochtones aux postes d’ALC, car le rôle de ces derniers consiste à entretenir un contact étroit avec les Premières nations.

61L’intimé aurait pu choisir de nommer Mme Keats à un poste pour lequel elle était qualifiée. M. Wolfe et Mme Stiff ont en outre indiqué que les compétences de Mme Keats étaient nécessaires au niveau des gestionnaires. Mme Stiff a déclaré n’avoir aucune relation personnelle avec Mme Keats.

62De plus, le fait d’éviter une situation de priorité compte parmi les critères d’utilisation d’un processus non annoncé de Santé Canada. Mme Stiff a consulté les Ressources humaines et étudié les Critères applicables à l’utilisation de processus non annoncés de Santé Canada. De concert avec M. Wolfe, elle a décidé d’avoir recours à un processus non annoncé dans le but d’éviter de placer Mme Keats en situation de bénéficiaire de priorité.

63Le Tribunal estime que les plaignants n’ont pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que le favoritisme personnel a influencé la décision de recourir à un processus non annoncé pour cette nomination.

64Le Tribunal a examiné la question de la non‑conformité aux lignes directrices de la CFP dans des décisions précédentes. Dans la décision Robert et Sabourin c. le Sous‑ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et al., [2008] TDFP 0024, le Tribunal a statué que les multiples erreurs et omissions de l’intimé démontraient une telle insouciance que celle‑ci constituait de la mauvaise foi. Dans cette affaire, le Tribunal a déterminé que l’intimé n’avait pas établi d’Énoncé des critères de mérite, n’avait pas évalué la personne nommée, avait omis à trois reprises de rédiger une justification obligatoire du recours à un processus de nomination non annoncé et avait attendu plus de trois mois après la date limite avant de notifier les employés de la nomination, laquelle était alors terminée.

65Dans la décision Morris c. le commissaire du Service correctionnel du Canada et al., [2009] TDFP 0009, la justification écrite de l’intimé quant au recours à un processus de nomination non annoncé ne répondait pas aux exigences des lignes directrices de la CFP. Dans cette décision, l’intimé avait également commis d’autres erreurs et omissions. Néanmoins, le Tribunal a conclu que ces erreurs et ces omissions ne démontraient pas d’insouciance ou de négligence grave et ne constituaient pas un abus de pouvoir.

66La justification écrite en l’espèce n’explique pas en quoi le choix d’un processus non annoncé répondait aux besoins organisationnels urgents ni en quoi les valeurs de dotation ont été respectées. Cependant, Mme Stiff et M. Wolfe ont indiqué que la nomination non annoncée de Mme Keats aiderait l’organisation à respecter la date limite pour l’intégration des nouveaux AFS. Ils ont précisé que cette nomination apportait également une capacité de gestion additionnelle au sein du Service de liaison communautaire, dont la taille et la charge de travail avaient augmenté.

67Le Tribunal est convaincu que la preuve de l’intimé est crédible et satisfait à l’exigence de démontrer en quoi la nomination non annoncée répondait aux besoins opérationnels urgents de l’organisation. En n’intégrant pas d’explication dans la justification écrite, l’intimé a commis une omission, et il en est de même de son manquement à aborder les valeurs de dotation. Bien que la justification écrite ne soit pas totalement conforme aux exigences des Lignes directrices de la CFP concernant le choix du processus de nomination, ces omissions ne démontrent pas d’insouciance ou de négligence grave et ne constituent pas de la mauvaise foi.

68Le Tribunal juge que les éléments de preuve produits ne permettent pas de conclure que la décision de choisir un processus de nomination non annoncé pour nommer Mme Keats au poste de gestionnaire, Service de liaison communautaire, constitue un abus de pouvoir.

Question II : L’intimé a‑t‑il abusé de son pouvoir lorsqu’il a établi la définition de l’expression « expérience appréciable »?

69Le paragraphe 30(2) de la LEFP détermine le pouvoir discrétionnaire de l’administrateur général et de ses délégués quant à l’établissement des qualifications essentielles. Au paragraphe 42 de la décision Visca, le Tribunal précise que ce pouvoir est considérable.

70La qualification essentielle dont il est question ici fait état d’« expérience appréciable du travail avec des Premières nations et au sein de communautés des Premières nations ». Les plaignants ne contestent pas la validité du caractère essentiel de la qualification au regard des fonctions liées au poste. Ils soutiennent que la définition que donne l’intimé du mot « appréciable » est erronée dans son rapport avec le travail au sein des communautés des Premières nations.

71Dans la décision Bowman et al. c. le sous‑ministre de Citoyenneté et Immigration Canada et al., [2008] TDFP 0012, le Tribunal a conclu que les définitions requises afin de préciser une qualification relèvent du pouvoir considérable de l’administrateur général d’établir des qualifications.

72De l’avis de Mme Lynxleg, une expérience appréciable serait une expérience de sept ou huit ans. Il est clair que les plaignants pensent que l’adjectif « appréciable » devrait s’appliquer séparément à l’expérience du travail avec des Premières nations et à l’expérience du travail au sein des communautés des Premières nations. Les plaignants n’ont pas produit de document indiquant qu’il s’agit d’une exigence ni un autre élément de preuve pour appuyer leurs affirmations.

73M. Wolfe et Mme Stiff considéraient la qualification relative à l’expérience dans sa globalité et accordait plus d’importance à l’étendue et à la nature de l’expérience qu’à sa durée ou au nombre de visites dans des communautés des Premières nations. Mme Stiff a précisé que le fait d’avoir travaillé sur des questions complexes combiné à celui d’avoir élaboré des solutions viables de concert avec des Premières nations tout en ayant passé un certain temps dans les communautés, est pertinent au regard du poste PM‑05, dont le rôle dans l’organisation modifiée consiste à établir et à gérer les AFS et à intervenir afin de résoudre les problèmes, le cas échéant.

74Il n’y a aucune preuve démontrant qu’il y a eu abus de pouvoir dans l’établissement de la définition de l’adjectif « appréciable » en ce qui concerne la qualification essentielle liée à l’expérience.

Question III : L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en nommant une personne qui ne possédait pas la qualification essentielle se rapportant à l’expérience appréciable du travail avec les Premières nations et au sein des communautés des Premières nations?

75Selon les plaignants, Mme Keats ne possède pas la qualification liée à l’expérience. Les éléments de preuve produits n’appuient pas les déclarations de MM. Mercer et Kosowan selon lesquelles Mme Keats n’avait pas d’expérience de travail dans les communautés des Premières nations et qu’elle ne s’était pas rendue dans des communautés. À titre de superviseure de Mme Keats, Mme Stiff a expliqué que celle‑ci était allée dans des communautés des Premières nations dans l’exercice de ses fonctions d’agent de vérification. En outre, le curriculum vitæ de Mme Keats, qui a été produit en preuve, fait précisément état de visites dans les communautés des Premières nations.

76Dans la décision Jolin c. Administrateur général de Service Canada et al., [2007] TDFP 0011, aux paragraphes 26 à 28, le Tribunal explique le pouvoir considérable que l’article 36 de la LEFP confère à un délégué quant au choix d’une vaste gamme d’outils et de méthodes d’évaluation. En l’espèce, les éléments qui ont servi à évaluer Mme Keats sont un curriculum vitæ, le rendement dans le cadre d’un processus de nomination antérieur, des références et une connaissance personnelle.

77Les curriculum vitæ, les références et la connaissance personnelle de l’évaluateur constituent des méthodes d’évaluation acceptées. Mme Stiff a expliqué n’avoir utilisé le rendement de Mme Keats dans un processus de nomination antérieur lié à un autre poste qu’au regard des qualifications communes aux deux postes en question. Cet élément de preuve n’a pas été contredit.

78Il n’y a aucune preuve démontrant que la combinaison d’outils utilisée n’était pas suffisante pour évaluer en profondeur les qualifications de Mme Keats par rapport au poste de groupe et niveau PM‑05.

79Au paragraphe 35 de la décision Zhao c. Sous‑ministre de Citoyenneté et Immigration Canada et al., [2008] TDFP 0030, le Tribunal a statué que « une méthode d’évaluation doit fournir un moyen de déterminer si un candidat possède ou non une qualification essentielle, afin de respecter l’exigence de nommer des personnes qualifiées en vertu du paragraphe 30(2) de la LEFP ».

80 Le Tribunal juge que les outils d’évaluation utilisés en l’espèce permettaient de déterminer si Mme Keats possédait les qualifications essentielles.

81Les plaignants soutiennent que le document Évaluation du candidat et justification du processus non annoncé[traduction] n’est pas suffisamment détaillé.

82Compte tenu du document proprement dit, qui a été présenté en preuve, le Tribunal estime que l’évaluation est suffisamment détaillée, son contenu comprenant un énoncé de chacun des critères de mérite, une indication claire que Mme Keats satisfait, ou non, à chacun des critères ainsi qu’un texte descriptif appuyant l’évaluation de chacun des critères.

83Les consignes figurant dans la partie A du document indiquent ce qui suit : « [...] évaluez la personne au regard de chacune des qualifications essentielles et de toute qualification constituant un atout applicable selon que la personne possède, ou non, cette qualification ou utilisez l’échelle de cotation de un à cinq. » (caractères gras ajoutés) L’utilisation de l’échelle de notation n’était pas nécessaire, et le fait que celle‑ci n’ait pas été utilisée ne rend cette évaluation ni incomplète, ni invalide.

84Le Tribunal juge que les plaignants n’ont pas produit de preuve d’abus de pouvoir dans l’évaluation de Mme Keats. Il n’y a aucune preuve démontrant que Mme Keats ne possédait pas les qualifications liées au poste de gestionnaire aux groupe et niveau PM‑05, Service de liaison communautaire.

Décision

85Pour tous ces motifs, les plaintes sont rejetées.

Merri Beattie

Membre

Parties au dossier

Dossier du Tribunal:
2007-0387/0423/0424/0425/0426/0427/0430
Intitulé de la cause:
Richard Kosowan et al. et le sous-ministre de Santé Canada et al.
Audience:
Les 6 et 7 mai 2008
Winnipeg (Manitoba)
Date des motifs:
Le 4 août 2009

Comparutions:

Pour les plaignants:
Frank Janz
Pour l'intimé:
Lesa Brown
Pour la Commission
de la fonction publique:
John Unrau
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