Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La partie plaignante a allégué que l'élimination de sa candidature d'un processus de nomination annoncé sur la base de la qualification liée aux études constituait un résultat inéquitable. Elle a soutenu que l'intimé aurait dû accepter ses résultats aux deux examens de la CFP comme équivalences d'études. L'intimé a fait valoir que les éléments de preuve produits par la partie plaignante montraient bien que celle-ci ne possédait ni la qualification liée aux études, ni les équivalences de remplacement requises dans ce processus de nomination. Décision : Les qualifications établies par l'administrateur général doivent respecter ou dépasser les normes de qualification fixées par l'employeur. Le Tribunal a jugé que l'intimé a suivi les normes de qualification de façon appropriée. La qualification liée aux études consistait en un grade universitaire ou la réussite d'un programme d'études postsecondaires de deux ans. Les gestionnaires ont le pouvoir discrétionnaire d'accepter d'autres attestations en remplacement de l'exigence liée aux études, mais ces équivalences doivent être précisées dans l'énoncé des critères de mérite (ECM). En l'espèce et comme l'indiquait l'ECM, un diplôme d'études secondaires combiné à de l'expérience était accepté en remplacement des exigences liées aux études. Vu que la qualification liée aux études ne consistait pas en un diplôme d'études secondaires, le gestionnaire n'était pas tenu d'accepter les résultats du test de la CFP en remplacement de ladite qualification. Le Tribunal a jugé que la partie plaignante ne possédait pas la qualification relative aux études ni les équivalences de remplacement indiquées dans l'ECM. Le Tribunal a conclu que l'élimination de la candidature de la partie plaignante du processus de nomination ne constituait pas un abus de pouvoir de la part de l'intimé. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

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Dossier:
2008-0228
Rendue à:
Ottawa, le 16 avril 2009

KELLY GRAY
Plaignante
ET
L'ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL DE SERVICE CANADA AU SEIN DU MINISTÈRE DES RESSOURCES HUMAINES ET DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plaintes d'abus de pouvoir en vertu de l'alinéa 77(1)a) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision:
La plainte est rejetée
Décision rendue par:
Helen Barkley, membre
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Gray c. Administrateur Général de Service Canada et al.
Référence neutre:
2009 TDFP 0015

Motifs de la décision

Introduction

1La plaignante, Kelly Gray, travaille depuis longtemps pour l’intimé, l’administrateur général de Service Canada. Elle a assumé à de nombreuses reprises les fonctions du poste d’agent universel (PM‑02). Sa plainte porte sur la décision de l’intimé d’éliminer sa candidature du processus de nomination visant la dotation du poste d’agent universel à Scarborough (Ontario) au motif qu’elle ne satisfaisait pas au critère relatif aux études.

Contexte

2Le 26 avril 2007, l’intimé a annoncé un processus de nomination afin de doter des postes d’agent universel (PM‑02) à divers endroits en Ontario. L’une des qualifications essentielles pour le poste était la suivante :

Études

Diplôme d’une université reconnue ou réussite d’un programme d’études postsecondaires de deux ans (c.-à-d. collège communautaire ou cégep) offert par un établissement d’enseignement reconnu, ou agencement acceptable d’études et d’expérience.

Remarque : Un agencement acceptable d’études et d’expérience s’entend d’un diplôme d’études secondaires combiné à une expérience d’au moins douze (12) mois de la prestation de services au grand public, notamment de l’obtention et de la communication d’information nécessitant des explications et/ou des précisions.

[traduction]

3La plaignante ne possède pas de diplôme d’une université reconnue et elle n’a pas réussi de programme d’études postsecondaires de deux ans et n’a pas terminé ses études secondaires. Elle soutient que l’intimé aurait dû accepter ses résultats aux deux examens de la Commission de la fonction publique (CFP), soit l’Examen d’intelligence générale 310 (EIG 310) et l’Examen d’intelligence générale 320 (EIG 320), comme équivalences, respectivement, d’un diplôme universitaire et d’un diplôme d’études secondaires.

4 Le 10 avril 2008, la plaignante a présenté une plainte au Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP).

Question en litige

5Le Tribunal doit déterminer si l’intimé a abusé de son pouvoir lorsqu’il a refusé d’accepter le résultat obtenu par la plaignante à l’EIG 310 comme équivalence d’un diplôme d’une université reconnue et son résultat à l’EIG 320 comme équivalence d’un diplôme d’études secondaires.

Résumé des éléments de preuve pertinents

6La plaignante a indiqué qu’elle avait commencé à travailler pour l’intimé en mai 1985, à l’âge de 18 ans. En 1987, elle est devenue agente des services de paiement (PM‑01), poste du même niveau que son poste d’attache actuel. En novembre 1996, elle a obtenu sa première nomination intérimaire au poste d’agente universelle (PM‑02). Depuis, elle assume les fonctions d’agente universelle à titre intérimaire environ la moitié de son temps.

7La plaignante a expliqué qu’elle avait présenté sa candidature pour le processus de nomination susmentionné, en indiquant que son niveau d’études était équivalent à celui qui était exigé, étant donné qu’elle avait réussi l’EIG 320. Elle avait communiqué avec plusieurs responsables du ministère, notamment avec Colleen Stewart, directrice, Direction générale des personnes et de la culture, région de l’Ontario. Le 1er mai 2007, Mme Stewart lui a écrit pour l’aviser qu’elle examinerait la question des solutions de rechange possibles aux exigences relatives aux études. Le 11 mai 2007, Mme Stewart l’a informée par écrit que Service Canada discutait de la question avec l’Agence de la fonction publique du Canada (AFPC). Étant donné que la direction n’était pas en mesure de régler cette question dans l’immédiat, la plaignante a été invitée à poursuivre le processus de nomination et à passer l’examen à cet égard. Le 24 mai 2007, elle a été informée par le personnel du bureau de Mme Stewart que dans les cas où la qualification demandée dépassait les exigences minimales, les gestionnaires pouvaient accepter une note de passage à l’EIG 310 au lieu du diplôme universitaire, mais que cette décision était à la discrétion du gestionnaire.

8La plaignante s’était également informée auprès de Melida Sheppard, qui était responsable de tous les processus de nomination visant les postes d’agent universel tenus dans la région de l’Ontario. Selon la plaignante, Mme Sheppard lui avait indiqué qu’elle accepterait les résultats des examens si la plaignante était en mesure de lui fournir un document écrit attestant que les résultats pouvaient être acceptés. Mme Gray avait également communiqué avec son gestionnaire, Steve Halfyard, de même qu’avec son directeur, Dave Elliot, afin de savoir si ses résultats satisfaisants aux examens de la CFP lui permettraient de répondre au critère relatif aux études. MM. Halfyard et Elliot croyaient tous deux que les examens de la CFP seraient acceptés.

9Mme Gray a expliqué qu’elle avait subi avec succès l’examen écrit, pour voir ensuite sa candidature éliminée au motif qu’elle ne satisfaisait pas au critère relatif aux études. Elle a été informée de l’élimination de sa candidature le 19 juillet 2007. Puis, le 25 juillet 2007, le personnel du bureau de Mme Stewart a informé la plaignante que la qualification relative aux études dépassait la norme minimale pour le groupe PM et que, pour cette raison, la gestionnaire avait décidé de ne pas accepter la possibilité de remplacement approuvée par la CFP.

10Mme Gray a indiqué que, peu de temps après le début du processus de nomination susmentionné, elle s’est vu offrir la possibilité d’assumer les fonctions liées au poste d’agent universel à titre intérimaire. Elle a donc assumé toutes les fonctions associées à ce poste de mai 2007 à mars 2008, puis à nouveau de mai ou juin 2008 au 30 janvier 2009, date à laquelle sa nomination intérimaire devait prendre fin.

11La plaignante a affirmé avoir eu l’impression, de par ses conversations avec Mme Sheppard, que cette dernière aurait été prête à accepter ses résultats aux examens de la CFP en remplacement du niveau d’études demandé. Mme Sheppard lui a indiqué que si c’était à refaire, elle changerait ce critère, mais qu’il était beaucoup trop laborieux de recommencer le processus.

12Mme Sheppard, un témoin de l’intimé, a indiqué qu’elle était gestionnaire de la prestation de services au Centre d’excellence des appels, région de l’Ontario. Au moment où le processus de nomination a eu lieu, elle était gestionnaire principale de projet; l’un des projets dont elle avait la responsabilité consistait à mener les processus de nomination visant la dotation des postes d’agent universel. Les titulaires de ces postes travaillent dans le domaine de l’assurance-emploi; plus précisément, ils effectuent le calcul des prestations d’assurance-emploi, prêtent main-forte lorsque des affaires sont soumises à l’arbitrage, collaborent avec les unités des enquêtes et des contrôles et préparent les dossiers d’appel destinés aux membres des conseils arbitraux.

13En mars 2007, le bureau régional de l’Ontario de Service Canada a décidé de mener des processus de nomination visant la dotation de postes PM‑02 et PM‑03, conformément au plan des ressources humaines. La direction souhaitait rehausser le niveau de professionnalisation de la fonction publique, conformément aux modifications qui avaient été apportées aux postes. L’intimé a donc établi des normes pour les postes du groupe PM qui exigeaient la qualification liée aux études figurant au paragraphe 2 des présents motifs.

14Mme Sheppard a fait référence à un document produit par Service Canada en 2007, soit la Directive sur l’utilisation d’énoncés des critères de mérite applicables à l’échelle nationale pour les postes d’agent de services (PM‑01), document qui a été produit en preuve. Selon ce document, la qualification liée aux études pour les postes de groupe et niveau PM‑01 – diplôme d’une université reconnue ou réussite d’un programme d’études postsecondaires de deux ans – est obligatoire pour tous les postes d’agent de service aux citoyens et d’agent des services de paiement (postes PM‑01). Conformément à la tendance visant une professionnalisation accrue, la haute direction du bureau régional de l’Ontario de Service Canada a établi que l’exigence relative aux études pour le poste d’agent universel (PM‑02) ne pouvait pas être inférieure à la norme requise pour les postes de groupe et niveau PM‑01.

15Mme Sheppard a expliqué que sa participation au processus de nomination avait débuté le 1er avril 2007. Elle avait alors reçu l’ébauche de l’annonce ainsi que l’énoncé des critères de mérite (ECM) pour le poste. L’ECM avait été approuvé par la haute direction du bureau régional de l’Ontario, qui était constituée des directeurs ainsi que de la directrice générale de l’assurance‑emploi pour l’Ontario, Kathy Garvie. Les qualifications et la zone de sélection avaient été approuvées par l’équipe de gestion du bureau régional. Mme Sheppard assumait les fonctions de chef de projet pour les 17 processus de nomination qui avaient lieu dans différents endroits en Ontario.

16Il y avait trois comités d’évaluation pour les trois secteurs de la région de l’Ontario. À Toronto, Cindy Doucet était chargée de la présélection des candidats en fonction des critères liés aux études et à l’expérience. Mme Sheppard avait répondu à un certain nombre de questions concernant la zone de sélection, les priorités et des qualifications précises. Le premier appel qu’elle avait reçu concernant le critère lié aux études provenait de la plaignante. M. Elliot, directeur de l’unité de la plaignante, et M. Halfyard, son superviseur, avaient tous deux exprimé des préoccupations concernant le fait que certains employés pourraient ne pas satisfaire au critère lié aux études. M. Elliot avait également ajouté que, si Service Canada souhaitait favoriser la professionnalisation de son personnel, il lui faudrait appuyer ses employés au moyen de plans d’apprentissage. Seule la plaignante a demandé à Mme Sheppard de revoir sa décision de ne pas accepter un résultat satisfaisant à un examen approuvé par la CFP.

17Mme Sheppard avait discuté plusieurs fois de la question de l’exigence liée aux études avec la plaignante. Cette dernière était d’avis que les examens de la CFP étaient équivalents à un diplôme universitaire et à un diplôme d’études secondaires. Mme Sheppard avait demandé à la plaignante de s’adresser à son représentant des ressources humaines pour savoir si c’était bien le cas. Même si la demande d’emploi de Mme Gray indiquait qu’elle possédait un diplôme de 12e année, cette dernière avait informé Mme Sheppard que ce n’était pas le cas. Le comité de présélection a d’ailleurs demandé à la plaignante de lui fournir une preuve de son diplôme de 12e année, ce qu’elle a omis de faire.

18En attendant d’obtenir une réponse au sujet des résultats de l’examen de la CFP, Mme Gray a poursuivi le processus et a réussi la portion écrite de l’évaluation. En juillet, Mme Sheppard a reçu une directive selon laquelle les possibilités généralement approuvées par la CFP en remplacement du niveau d’études (c.-à-d. l’EIG) ne pouvaient pas être acceptées pour le processus de nomination visé. La candidature de la plaignante a donc été éliminée du processus à la fin du mois de juillet 2007.

19Mme Sheppard a expliqué que l’approbation de l’ECM et la décision de ne pas accepter les examens de la CFP relevaient de Mme Garvie et de l’équipe de la haute direction. Mme Stewart, directrice, Direction générale des personnes et de la culture, avait écrit à Mme Gray le 25 juillet 2007 pour lui indiquer que la décision de rehausser les exigences liées aux études afin qu’elles soient supérieures à la norme minimale était dans l’intérêt de la professionnalisation de la prestation des services. Elle a également expliqué que lorsque la qualification relative aux études est supérieure à la norme minimale pour le groupe et le niveau, le gestionnaire a le pouvoir de déterminer si les examens approuvés par la CFP peuvent être acceptés en remplacement du diplôme d’études exigé. Les gestionnaires peuvent accepter les résultats de l’EIG 310 en guise de remplacement, mais, dans le cas du processus de nomination susmentionné, la gestionnaire en avait décidé autrement.

20Gail Ellingwood, gestionnaire, Normes de qualification, AFPC, a témoigné en faveur de l’intimé, lequel cherchait à la faire admettre comme experte dans le domaine des normes de qualification. Le curriculum vitæ de Mme Ellingwood a été présenté en preuve. La représentante de la plaignante n’a soulevé aucune objection concernant les qualifications de Mme Ellingwood. Le Tribunal a donc admis cette dernière comme témoin expert dans le domaine des normes de qualification.

21Mme Ellingwood a préparé le document portant sur les normes de qualification, lequel est entré en vigueur en même temps que la LEFP. Pour le groupe PM, la norme de qualification minimale relative aux études correspond à un diplôme d’études secondaires ou à une attestation approuvée par l’employeur en guise de remplacement. La direction dispose ainsi d’une certaine marge de manœuvre puisqu’elle peut elle‑même choisir les solutions de remplacement aux exigences liées aux études pour un poste donné. En général, les possibilités acceptées en remplacement du niveau d’études comprennent un résultat satisfaisant à un examen approuvé par la CFP ou un agencement acceptable d’études, de formation et/ou d’expérience.

22Mme Ellingwood a expliqué qu’il régnait une certaine confusion quant à la différence entre les possibilités acceptées en remplacement des diplômes et les équivalences. Les examens de la CFP, qui permettent d’évaluer les capacités cognitives et la faculté de raisonnement, peuvent être acceptés en guise de remplacement des diplômes. Pour leur part, les équivalences accordées par les autorités compétentes des provinces et des territoires canadiens, comme le « General Education Development » (GED), qui est l’équivalent d’un diplôme d’études secondaires, doivent toujours être acceptées. Une équivalence est réputée avoir la même valeur que la qualification. Quant à la possibilité de remplacement, il s’agit d’une attestation que l’on accepte comme substitution à une qualification.

23Dans ce processus de nomination, l’exigence relative aux études correspondait à un diplôme universitaire ou à la réussite d’un programme d’études postsecondaires de deux ans. Il s’agissait là d’une exigence supérieure à la norme minimale requise pour le groupe PM. La gestionnaire avait également prévu une possibilité de remplacement, soit un agencement acceptable d’études et d’expérience. Dans ce cas, le candidat devait être titulaire d’un diplôme d’études secondaires et, pour ce qui est de l’expérience, il devait posséder 12 mois d’expérience de la prestation de services au public. Mme Ellingwood a indiqué que les gestionnaires avaient le pouvoir de déterminer les possibilités acceptées en remplacement du diplôme d’études et que, en l’espèce, celles-ci ne comprenaient pas un résultat satisfaisant à un examen approuvé par la CFP. Mme Ellingwood a également fait remarquer que lorsqu’une possibilité de remplacement est acceptée, il faut le préciser dans l’ECM, tel qu’il est mentionné dans le document sur les normes de qualification.

24Comme l’a expliqué Mme Ellingwood, si l’exigence liée aux études correspond à la norme minimale pour un groupe, il faut accepter la possibilité de remplacement approuvée par la CFP. Dès qu’un gestionnaire établit une exigence supérieure à la norme minimale pour le groupe, il n’est plus tenu d’accepter les résultats d’examen de la CFP.

25Selon Mme Ellingwood, la qualification liée aux études établie en l’espèce était conforme à la norme de qualification fixée pour le groupe PM.

26En contre-interrogatoire, Mme Ellingwood a reconnu que la gestionnaire en l’espèce aurait pu accepter les résultats à l’EIG 310 en remplacement du diplôme universitaire. Toutefois, Mme Ellingwood est d’avis qu’il aurait alors fallu le préciser dans l’ECM.

Argumentation des parties

A) Argumentation de la plaignante

27La plaignante soutient que sa situation correspond précisément à la troisième catégorie d’abus de pouvoir décrite dans la décision Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale et al., [2006] TDFP 0008, soit celle qui traite du résultat inéquitable.

28Tandis que l’intimé tentait de répondre à la question de savoir s’il devait accepter son résultat satisfaisant à l’EIG 310, la plaignante prenait part à un autre processus de nomination visant un poste PM-02, et elle a été jugée qualifiée au terme de ce processus. La plaignante a assumé les fonctions du poste pendant environ dix mois, lorsque le processus était en cours. Elle soutient que les éléments de preuve démontrent qu’elle est une employée très compétente et qu’elle a souvent assumé les fonctions du poste d’agent universel. Par conséquent, selon la plaignante, le fait de juger qu’elle n’est pas qualifiée pour le poste constitue un résultat inéquitable.

B) Argumentation de l’intimé

29L’intimé a fourni une argumentation écrite portant sur la signification de la notion d’abus de pouvoir et sur le fardeau de la preuve dans le cadre des plaintes présentées au Tribunal.

30L’intimé soutient que la question à trancher consiste à déterminer si la plaignante possédait la qualification essentielle liée aux études, établie par l’administrateur général. Celle-ci pouvait se présenter sous trois formes différentes : un diplôme d’une université reconnue, la réussite d’un programme d’études postsecondaires de deux ans ou un agencement acceptable d’études et d’expérience. L’intimé fait valoir que, dans les éléments de preuve qu’elle a elle-même présentés, la plaignante a admis qu’elle ne remplissait aucun de ces trois critères.

31L’intimé reconnaît que la plaignante a assumé les fonctions du poste d’agent universel à la fois avant et après le processus de nomination visé. Or, il ne s’agit pas là d’une indication selon laquelle elle possédait le niveau d’études requis pour ce processus de nomination.

C) Argumentation de la Commission de la fonction publique

32La CFP n’a pas comparu à l’audience. Comme dans des affaires précédentes, elle a présenté des arguments écrits portant sur la notion d’abus de pouvoir et sur la façon dont le Tribunal devrait aborder cette question.

33La CFP fait valoir qu’en vertu de l’article 30 de la LEFP, l’établissement des critères de mérite relève directement des administrateurs généraux. En l’espèce, il incombait à l’administrateur général de déterminer, au début du processus de dotation, si les résultats à l’EIG 320 de la CFP pourraient être acceptés comme équivalence du diplôme d’études secondaires aux fins de la dotation de ce poste précis dans l’organisation.

Analyse

34En l’espèce, il s’agit de déterminer si l’intimé était tenu d’accepter, en remplacement d’un diplôme universitaire, un résultat satisfaisant à un examen approuvé par la CFP (EIG 310) ou, en remplacement d’un diplôme d’études secondaires, un résultat satisfaisant à un examen approuvé par la CFP (EIG 320).

35Le fondement législatif pour l’établissement des qualifications et des normes de qualification est énoncé aux articles 30 et 31 de la LEFP, lesquels sont libellés comme suit :

30. (1) Les nominations — internes ou externes — à la fonction publique faites par la Commission sont fondées sur le mérite et sont indépendantes de toute influence politique.

(2) Une nomination est fondée sur le mérite lorsque les conditions suivantes sont réunies :

  1. selon la Commission, la personne à nommer possède les qualifications essentielles — notamment la compétence dans les langues officielles — établies par l’administrateur général pour le travail à accomplir;
  2. la Commission prend en compte :
    1. toute qualification supplémentaire que l’administrateur général considère comme un atout pour le travail à accomplir ou pour l’administration, pour le présent ou l’avenir,
    2. toute exigence opérationnelle actuelle ou future de l’administration précisée par l’administrateur général,
    3. tout besoin actuel ou futur de l’administration précisé par l’administrateur général.

31. (1) L’employeur peut fixer des normes de qualification, notamment en matière d’instruction, de connaissances, d’expérience, d’attestation professionnelle ou de langue, nécessaires ou souhaitables à son avis du fait de la naturedu travail à accomplir et des besoins actuels et futurs de la fonction publique.

(2) Les qualifications mentionnées à l’alinéa 30(2)a) et au sous-alinéa 30(2)b)(i) doivent respecter ou dépasser les normes de qualification applicables établies par l’employeur en vertu du paragraphe (1).

[caractères gras ajoutés]

36L’alinéa 30(2)a) précise le pouvoir des administrateurs généraux lorsqu’il s’agit d’établir les qualifications essentielles. Comme l’a expliqué le Tribunal au paragraphe 46 de la décision Neil c. Sous-ministre d’Environnement Canada et al., [2008] TDFP 0004, « Les gestionnaires sont simplement tenus d’établir les qualifications pour le travail à accomplir. »

37Dans la décision Visca c. Sous-ministre de la Justice et al., [2007] TDFP 0024, le Tribunal a confirmé, au paragraphe 42, le pouvoir discrétionnaire dont jouit l’administrateur général pour établir les qualifications essentielles :

Aux termes du paragraphe 30(2) de la LEFP, les gestionnaires disposent d’un pouvoir discrétionnaire considérable pour établir les qualifications liées au poste qu’ils souhaitent doter et pour choisir la personne qui non seulement satisfait aux qualifications essentielles mais représente la bonne personne pour occuper le poste visé. Un pouvoir discrétionnaire semblable est prévu à l’article 36 de la LEFP à l’intention des personnes qui détiennent les pouvoirs de dotation pour choisir et utiliser les méthodes d’évaluation qui permettront de déterminer si la personne satisfait aux qualifications essentielles. […]

38La direction possède donc un vaste pouvoir discrétionnaire pour établir les qualifications pour un poste. En l’espèce, Mme Garvie, la gestionnaire délégataire, a déterminé, après avoir consulté l’équipe de la haute direction, que la qualification relative aux études exigée pour le poste d’agent universel correspondrait à un diplôme d’une université reconnue ou à la réussite d’un programme d’études postsecondaires de deux ans. En guise de remplacement de la qualification relative aux études, un agencement acceptable d’études et d’expérience était accepté, ce qui était précisé dans l’annonce et l’ECM. Cet agencement acceptable s’entendait d’un diplôme d’études secondaires et d’une expérience de 12 mois de la prestation de services au grand public.

39La plaignante soutient que le fait de juger qu’elle ne possédait pas les qualifications pour le poste d’agent universel dans ce processus constitue un résultat inéquitable et, par conséquent, un abus de pouvoir. À l’appui de cette affirmation, Mme Gray souligne qu’elle a été jugée qualifiée au terme d’autres processus et qu’elle a assumé les fonctions liées au poste d’agent universel de nombreuses fois au cours des dernières années.

40Personne ne conteste le fait que la plaignante ne possède ni diplôme universitaire, ni diplôme d’études postsecondaires à un programme de deux ans, ni diplôme d’études secondaires. Elle n’a pas non plus acquis l’expérience acceptée en guise de remplacement. Elle affirme toutefois que l’administrateur général était tenu d’accepter les résultats satisfaisants qu’elle avait obtenus à l’un ou l’autre des examens approuvés par la CFP, soit l’EIG 310 ou l’EIG 320, en remplacement, respectivement, du diplôme universitaire ou du diplôme d’études secondaires.

41Aux termes de l’article 31 de la LEFP, les qualifications établies par l’administrateur général doivent respecter ou dépasser les normes de qualification fixées par l’employeur. Au paragraphe 41 de la décision Rinn c. Sous-ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités et al., [2007] TDFP 0044, le Tribunal fournit les explications suivantes :

Le paragraphe 31(2) fait référence à l’alinéa 30(2)a) et au sous-alinéa 30(2)b)(i) et, par conséquent, il s’applique aux critères pour que la nomination soit fondée sur le mérite. Ainsi, le Tribunal a compétence pour entendre une plainte voulant que l’administrateur général ait abusé de son pouvoir en établissant des qualifications essentielles ou supplémentaires qui ne répondent pas ou ne dépassent pas les normes de qualification applicables établies par l’AFPC pour l’employeur.

42Les extraits suivants provenant des normes de qualification élaborées et régies par l’AFPC, pour le compte de l’employeur et conformément au paragraphe 31(1) de la LEFP, sont pertinents en l’espèce :

Norme de qualification – Administration des programmes (PM)

Études

La norme minimale est :

  • un diplôme d'études secondaires ou les alternatives approuvées par l’employeur (voir section 2, partie 1, Alternatives aux niveaux d’études).

Conditions régissant les normes de qualification des groupes professionnels

Études

  • 1. Alors qu’il incombe à l’employeur ([l’AFPC] au nom du Conseil du Trésor) d’établir et de tenir à jour les normes de qualification, la Commission de la fonction publique est chargée de l’évaluation et, à ce titre, elle prescrit ou approuve les tests qui sont mentionnés dans les normes de qualification spécifiques à des groupes.
  • 2. Le terme « acceptable » désigne l’acceptabilité déterminée par le ou la gestionnaire pour un poste, à moins d'une prescription contraire de l’employeur ([l’AFPC] au nom du Conseil du Trésor).

    […]

  • 5. Les autres niveaux d’études mentionnés dans le présent document correspondent aux niveaux d’études établis par les autorités compétentes des provinces et territoires canadiens. Les équivalences décernées par ces autorités (p. ex., lorsque l’on réussit au test General Education Development (GED) qui est l’équivalent de l’école secondaire), doivent toujours être acceptées lorsque l’on exige le niveau d’études correspondant.

Alternatives aux niveaux d’études

L’utilisation d’alternatives aux niveaux d’études est à la discrétion du ou de la gestionnaire, à l’exception de certains groupes professionnels tel que prescrit ci‑dessous.

Toute alternative qui sera utilisée doit être indiquée dans l’énoncé des critères de mérite.

Alternatives approuvées par l’employeur au diplôme d’études secondaires

  1. une note satisfaisante au test de la CFP approuvé comme alternative au diplôme d'études secondaires […]; ou
  2. un agencement acceptable d'études, de formation et (ou) d'expérience.

Application particulière aux groupes suivants :

[…]

Groupe Services des programmes et de l’administration (c.-à-d. postes AS, PM, WP et OM)
[…]

  1. Toutes les fois qu'un poste de l’un des groupes énumérés ci-dessus requiert un diplôme d'études secondaires […] les candidats et les candidates suivants doivent toujours être acceptés comme satisfaisant à l'exigence d'un diplôme d'études secondaires :
    • les candidats et les candidates qui ont obtenu une note satisfaisante au test de la CFP approuvé comme alternative au diplôme d'études secondaires; et
    • […]

  2. La possibilité d'être évalués au moyen d'au moins une des deux alternatives ci-dessus (voir 1 et 2 ci-dessus) approuvées par l’employeur doit être offerte aux candidats et aux candidates qui n'ont pas satisfait antérieurement à l'exigence d'un diplôme d'études secondaires.

[…]

Alternative à la formation postsecondaire, approuvée par l’employeur

L’alternative à la formation postsecondaire (c.-à-d. collège communautaire, CÉGEP et études universitaires), approuvée par l’employeur, est :

  • un agencement acceptable d'études, de formation et(ou) d'expérience. (Cette équivalence ne s'applique pas à la dotation en personnel de niveau 1 du groupe Gestion financière.)

[…]

Alternatives au grade universitaire, approuvées par l’employeur

[…]

Pour les groupes professionnels qui autorisent une alternative au grade universitaire, l’employeur a approuvé les choix suivants :

  1. une note satisfaisante au test de la CFP approuvé comme alternative au grade universitaire (ne s'applique pas au groupe TR, […] et au groupe PA (c.-à-d. postes IS)) ou
  2. un agencement acceptable d'études, de formation et (ou) d'expérience.

[caractères gras ajoutés]

43À la lumière du témoignage oral présenté à l’audience et des normes de qualification susmentionnées, le Tribunal estime que l’intimé a en l’espèce suivi les normes de qualification de façon appropriée. Au chapitre des études, la qualification demandée était un diplôme universitaire ou la réussite d’un programme d’études postsecondaires de deux ans. Cette exigence dépassait clairement la norme minimale établie pour le groupe PM, qui correspondait à un diplôme d’études secondaires. Les gestionnaires possèdent le pouvoir discrétionnaire d’accepter d’autres attestations en remplacement de l’exigence liée aux études, mais celles-ci doivent être précisées dans l’ECM. En l’espèce, un diplôme d’études secondaires combiné à de l’expérience était accepté en remplacement des exigences liées aux études, tel qu’il était indiqué dans l’ECM.

44Rien dans les normes n’obligeait l’intimé à accepter les résultats de l’EIG 310 en remplacement d’un diplôme universitaire. Bien qu’il soit loisible aux gestionnaires de les accepter, la gestionnaire en l’espèce n’avait pas précisé cette possibilité en remplacement d’un diplôme universitaire.

45Les gestionnaires sont tenus d’accepter les résultats de l’EIG 320 en remplacement d’un diplôme d’études secondaires pour les postes du groupe PM lorsque la qualification liée aux études correspond à un diplôme d’études secondaires, ce qui n’était cependant pas le cas en l’espèce. De fait, la qualification relative aux études correspondait à un diplôme universitaire ou à la réussite d’un programme d’études postsecondaires de deux ans.

46À l’audience, la plaignante a reconnu qu’elle ne possédait pas de diplôme universitaire ni de diplôme d’études postsecondaires à un programme de deux ans. Elle ne répondait pas non plus aux critères de la possibilité de remplacement précisée, étant donné qu’elle ne possédait pas de diplôme d’études secondaires. Le Tribunal conclut que le comité de présélection n’a pas abusé de son pouvoir lorsqu’il a décidé d’éliminer la candidature de la plaignante au motif qu’elle ne possédait pas la qualification liée aux études requise pour le poste.

47La plaignante a mentionné la troisième catégorie d’abus de pouvoir établie dans la décision Tibbs, qui est définie comme suit : « Lorsque le résultat est inéquitable (incluant lorsque des mesures déraisonnables, discriminatoires ou rétroactives ont été prises). » La plaignante soutient que le résultat du processus de nomination visé, c’est‑à-dire le fait qu’elle ait été jugée non qualifiée pour le poste, était inéquitable, car elle avait assumé les fonctions d’agent universel à plusieurs reprises et été nommée au poste de façon intérimaire pendant le processus de nomination susmentionné.

48Il incombe aux plaignants de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que les actes de l’intimé équivalent à un abus de pouvoir. À la lumière des éléments de preuve présentés, la plaignante n’a pas démontré que le résultat était inéquitable en l’espèce. L’administrateur général a établi la qualification liée aux études afin de favoriser la professionnalisation du personnel de Service Canada. Il existait une possibilité de remplacement pour les candidats qui ne possédaient pas de diplôme universitaire ni de diplôme d’études postsecondaires dans un programme de deux ans. Or, Mme Gray ne possédait pas cette qualification. Les qualifications établies pour les postes à doter peuvent varier en fonction des circonstances entourant le processus, ce qui comprend les besoins actuels et futurs de l’organisation. Aux termes de l’article 31 de la LEFP, les administrateurs généraux peuvent fixer des normes de qualification qui respectent ou qui dépassent les normes de qualification applicables établies par l’employeur. Selon les éléments de preuve présentés, le Tribunal juge que l’intimé a rempli cette obligation en l’espèce. La plaignante n’a pas démontré que les actes de l’intimé constituaient un abus de pouvoir.

Décision

49Pour tous ces motifs, la plainte est rejetée.

Helen Barkley

Membre

Parties au dossier

Dossier du Tribunal:
2008-0228
Intitulé de la cause:
Kelly Gray et l'Administrateur général de Service Canada au sein du ministère des Ressources humaines et du développement social et al.
Audience:
Le 23 et 24 octobre 2008
Toronto (Ontario)
Date des motifs:
Le 16 avril 2009

Comparutions:

Pour les plaignants:
Trinette deWijk
Pour l'intimé:
Caroline Engmann
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