Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La partie plaignante a formulé diverses allégations : favoritisme personnel par rapport au choix d'un processus non annoncé; non-conformité aux lignes directrices de la Commission de la fonction publique (CFP); manque de transparence dans le processus de nomination. L'intimé a réfuté les allégations en soutenant que la LEFP confère à l'administrateur général le pouvoir discrétionnaire nécessaire pour opter soit pour un processus annoncé, soit pour un processus non annoncé. Il a fait valoir, d'autre part, que les lignes directrices de la CFP n'avaient aucune autorité juridique, que, de toute façon, ce n'était pas le rôle du Tribunal de les faire appliquer, et qu'aucune erreur ou omission grave n'avait été relevée dans le processus de nomination. La CFP a fait remarquer que si le non-respect de certaines de ses lignes directrices dans le processus de nomination pouvait donner lieu à un manque de transparence, cette entorse n'équivalait pas en soi à un abus de pouvoir. Décision : Le Tribunal a estimé qu'il n'y avait aucune preuve d'abus de pouvoir dans le choix d'avoir recours à un processus de nomination non annoncé, et que les erreurs et omissions commises ne témoignaient pas de négligence ou d'insouciance grave susceptible d'être taxée d'abus de pouvoir, en dépit de leur caractère irréfléchi au niveau de la transparence. Le Tribunal a fait remarquer qu'il aurait été possible de prendre des mesures pour atténuer les préoccupations de la partie plaignante concernant le manque de transparence du processus de nomination. Le Tribunal a enfin jugé que les éléments de preuve produits par rapport à la décision d'utiliser un processus de nomination non annoncé ne permettaient pas de conclure au favoritisme personnel en l'espèce. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossier:
2007-0244
Rendue à:
Ottawa, le 18 mars, 2009

CARALYNN MORRIS
Plaignante
ET
LE COMMISSAIRE DU SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plainte d'abus de pouvoir en vertu du paragraphe 77(1) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision:
La plainte est rejetée
Décision rendue par:
Merri Beattie, membre
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Morris c. le commissaire du Service correctionnel du Canada et al.
Référence neutre:
2009 TDFP 0009

Motifs de décision

Introduction

1CaraLynn Morris occupe un poste d’agente de correction (CX-02) à l’Établissement Mountain du Service correctionnel du Canada (SCC) à Agasiz (Colombie-Britannique). En avril 2007, Jean Stephen a été nommée à titre intérimaire au poste d’agente de la sécurité préventive en établissement (ASPE), aux groupe et niveau CX-03, à l’Établissement Mountain. Mme Morris soutient que l’intimé, le commissaire du Service correctionnel du Canada, a abusé de son pouvoir en commettant une série d’erreurs et d’omissions graves dans le choix et la mise en oeuvre d’un processus de nomination non annoncé. En outre, elle affirme qu’il y a eu abus dans l’application du mérite. Enfin, la plaignante avance que la nomination de Mme Stephen est fondée sur le favoritisme personnel.

2L’intimé nie ces allégations et déclare qu’il n’y a pas eu abus de pouvoir dans le processus de nomination. Il affirme que des raisons opérationnelles valables sont derrière le choix de tenir un processus de nomination non annoncé, et ajoute que la nomination n’a aucunement été teintée de favoritisme personnel. De plus, il soutient que les erreurs qui ont pu se produire pendant la mise en oeuvre du processus de nomination sont de nature administrative et qu’elles ne sont pas graves au point de constituer un abus de pouvoir.

Questions en litige

3Pour régler cette plainte, le Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) doit trancher les questions suivantes :

  1. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en optant pour un processus de nomination non annoncé?
  2. Les erreurs et les omissions commises par l’intimé dans ce processus de nomination constituent-elles un abus de pouvoir?
  3. La nomination de Mme Stephen est-elle entachée de favoritisme personnel?

Contexte

4Le 29 mai 2006, les membres du personnel de correction de l’Établissement Mountain ont été invités à soumettre leur candidature par rapport à une possibilité de perfectionnement au sein du Service de renseignement de sécurité. C’est Mme Stephen qui a été sélectionnée.

5Le 16 mai 2007, la nomination intérimaire de Mme Stephen à un poste d’ASPE (CX-03) pour la période du 30 avril au 2 novembre 2007 a été annoncée par la diffusion sur Publiservice d’un avis d’information concernant une nomination intérimaire.

6Mme Morris a présenté sa plainte au Tribunal le 28 mai 2007.

7Pendant l’audience, deux titres différents ont été utilisés pour désigner le poste en question, soit « ASPE » et « agent du renseignement de sécurité ». Cette question de terminologie n’a toutefois aucune incidence en l’espèce. Aux fins des présents motifs, c’est le terme « ASPE » qui sera utilisé.

Résumé des éléments de preuve pertinents

8La plaignante a fait un tour d’horizon de ses antécédents professionnels au SCC depuis 1994. Elle a expliqué qu’elle avait déjà occupé un poste d’ASPE de façon intérimaire pendant trois mois, de même qu’à d’autres occasions, pendant des périodes plus courtes. Elle a produit en preuve ses plans de perfectionnement personnel, qui remontent à 1997, lesquels font état de l’ambition qu’elle a depuis toujours de devenir ASPE. Lorsque l’occasion de perfectionnement au sein du Service de renseignement de sécurité s’est présentée, la plaignante a posé sa candidature, mais elle n’a pas été retenue.

9La plaignante a affirmé qu’elle avait aperçu, pendant qu’elle triait le courrier, la demande qu’avait présentée Mme Stephen pour la formation portant sur le « CGIL ». Elle a indiqué que cette formation était réservée aux ASPE.

10Deux rapports produits au moyen du Système de gestion des délinquants (SGD) ont été déposés en preuve. La plaignante a expliqué qu’elle utilisait le SGD pour saisir des données. Elle a déclaré qu’elle s’était retrouvée en possession de ces deux rapports, qui portaient sur les antécédents d’un détenu, lorsque la responsabilité du dossier du détenu en question lui avait été confiée. Elle a précisé que les employés qui utilisaient le SGD avaient leur propre compte, protégé par mot de passe, et que c’était le directeur d’établissement qui définissait les accès.

11Ces rapports ont tous deux été établis pour la période du 27 avril au 29 mai 2006. Un des rapports, daté du 25 juin 2006, désigne Mme Stephen comme ASPE intérimaire. La plaignante a affirmé que cette information démontrait que Mme Stephen occupait le poste d’ASPE par intérim avant la fin du processus visant la dotation du poste de perfectionnement. Dans le deuxième rapport, daté du 5 juillet 2006, Mme Stephen a le titre d’agente de correction. Selon la plaignante, ce rapport démontre que les données figurant dans le SGD ont été modifiées de façon à ce que personne ne sache que Mme Stephen occupait le poste d’ASPE à titre intérimaire.

12En contre-interrogatoire, la plaignante a reconnu qu’elle pouvait « seulement déduire » [traduction] que l’utilisation de deux titres différents pour désigner Mme Stephen dans les deux rapports signifiait que l’intimé avait modifié l’information pour dissimuler le fait qu’elle avait déjà été choisie.

13Le Plan des ressources humaines 2006‑2007 de l’Établissement Mountain a également été présenté en preuve. La plaignante a indiqué qu’il n’y était aucunement question de la dotation de postes d’ASPE ni de la planification de la relève à cet égard.

14L’Instrument de délégation des pouvoirs en matière de gestion des ressources humaines du SCC faisait partie de la preuve documentaire déposée à l’audience. La plaignante a déclaré que, selon ce document, les pouvoirs attribués à un sous-directeur d’établissement correspondaient au niveau de délégation 4, et qu’un délégataire de niveau 2 devait « [f]aire des nominations externes à la fonction publique selon des processus de nomination non annoncés ».

15Les guides et les lignes directrices de la Commission de la fonction publique (CFP) en matière de choix du processus de nomination, d’annonces dans le processus de nomination et de notification ont été déposés en preuve, tout comme les bulletins du SCC portant sur les nominations intérimaires et les critères visant les processus de nomination non annoncés. Aucune objection n'a été soulevée en ce qui a trait au dépôt de ces documents, et la plaignante n’a témoigné au sujet du contenu d’aucun d’entre eux.

16La plaignante a présenté la Liste de contrôle utilisée pour le processus de nomination non annoncé et elle a fait remarquer que, dans ce document, la raison fournie pour expliquer le recours à un processus non annoncé aux fins de la nomination de Mme Stephen était la suivante : « Nomination dans le cadre d’un programme de perfectionnement » [traduction]. La plaignante a affirmé qu’elle ne connaissait aucun programme de perfectionnement approuvé pour les ASPE.

17Le Formulaire d’offre et d’autorisation de nomination intérimaire faisait également partie du dossier de preuve soumis à l’audience. Ce formulaire indique que Mme Stephen a été nommée à titre intérimaire pour la période du 30 avril au 2 novembre 2007. L’Évaluation des qualifications de Mme Stephen en fonction des critères de mérite établis pour le poste d’ASPE, signée par Michael Boileau, sous‑directeur d’établissement, a également été déposée en preuve. L’évaluation en question est datée du 29 août 2007, c’est-à-dire qu’elle aurait été réalisée quatre mois après le début de la période d’intérim de Mme Stephen.

18La plaignante a indiqué que rien ne la poussait directement à croire qu’il existait une relation de nature personnelle entre M. Boileau et Mme Stephen.

19M. Boileau a témoigné au nom de l’intimé. Il a occupé le poste de sous-directeur de l’Établissement Mountain en 2006 et en 2007. M. Boileau a expliqué qu’il avait travaillé à titre d’ASPE pendant plus de quatre ans et que, à partir de 1998, il avait dirigé des ASPE dans le cadre de diverses fonctions qu’il avait occupées; il a indiqué que les deux ASPE qu’il avait supervisés à l’Établissement Mountain relevaient directement de lui. M. Boileau a déclaré qu’il avait mené quatre ou cinq processus de nomination visant la dotation de postes d’ASPE.

20Dans son témoignage, M. Boileau a abordé la nature du travail des ASPE. Il a expliqué que les ASPE recueillent, analysent et diffusent des renseignements au sujet des activités qui se déroulent à l’établissement. Ils se créent des contacts parmi les membres du personnel de l’établissement, les détenus et les visiteurs. En outre, ils communiquent avec les services de police et mènent des enquêtes de sécurité et des enquêtes criminelles, et ils recueillent des éléments de preuve, sécurisent les scènes de crime et rédigent des rapports.

21M. Boileau a indiqué qu’en mai 2006, il avait obtenu de la part du directeur d’établissement l’approbation nécessaire pour créer un poste dont le titulaire aurait pour fonction de prêter main‑forte aux ASPE et de prendre le relais pendant leur absence; il devait s’agir là d’une occasion de perfectionnement pour les employés. Dans le cadre de ses fonctions, le titulaire de ce nouveau poste donnerait un coup de main aux ASPE dans leurs activités quotidiennes, gérerait certains dossiers, comme des enquêtes, mènerait des entrevues et formulerait des conseils à l’intention du gestionnaire.

22Une note de service interne datée du 29 mai 2006 a été produite en preuve. M. Boileau a expliqué qu’il s’agissait de l’annonce diffusée à l’intention du personnel de correction de l’Établissement Mountain au sujet de l’occasion de perfectionnement offerte au sein du Service de renseignement de sécurité. Il a indiqué qu’il avait lui‑même examiné les demandes en collaboration avec M. D. Havlin, chef des opérations correctionnelles, et les deux ASPE en poste. La plaignante de même que Mme Stephen et un autre candidat remplissaient les critères énoncés dans la note de service. C’est Mme Stephen qui a été sélectionnée pour la première affectation d’un an, qui commençait le 19 juin 2006. Le choix s’est arrêté sur Mme Stephen parce que c’est elle qui avait le plus d’expérience dans le domaine du renseignement de sécurité – la préférence était accordée aux personnes possédant cette qualification constituant un atout.

23En contre-interrogatoire, M. Boileau a été invité à expliquer l’apparente contradiction entre la nature de l’affectation, soit une affectation de perfectionnement, et la nécessité de posséder de l’expérience. Il a déclaré qu’il ne voyait pas là de contradiction. Selon lui, les candidats n’avaient pas à être entièrement qualifiés pour être en mesure d’offrir un soutien appréciable aux ASPE. En effet, ils devaient démontrer une compréhension globale des activités, sans avoir besoin de suivre une formation approfondie. À son avis, cette affectation de perfectionnement constituait une occasion pour les employés de parfaire leurs compétences liées au processus d’enquête.

24M. Boileau a déclaré qu’il avait eu l’intention de donner à chacune des trois personnes qualifiées l’occasion d’occuper le poste de perfectionnement au moyen d’une affectation d’un an. Il a ajouté que, sur les quatorze ou quinze postulants, il y en avait certains qu’il connaissait mieux que d’autres, mais qu’aucun d’entre eux n’avait relevé directement de lui par le passé, et que ses relations avec chacun étaient purement professionnelles.

25Pendant le contre-interrogatoire ainsi que le réinterrogatoire, M. Boileau a été interrogé au sujet de la remarque qu’il avait inscrite dans l’évaluation de Mme Stephen, selon laquelle cette dernière avait participé à une formation destinée aux agents de la sécurité du renseignement en juin 2004. Il a répondu que Mme Stephen occupait à ce moment‑là un poste d’ASPE à titre intérimaire à l’Établissement de Mission. M. Boileau ne travaillait pas à l’Établissement de Mission pendant cette période.

26M. Boileau a déclaré que la date figurant sur chacun des rapports du SGD dont la plaignante a parlé était en fait la date d’impression des rapports. Selon sa compréhension de la situation, le SGD crée automatiquement un profil de l’employé qui saisit les données; le profil comprend notamment le titre du poste de la personne en question. Les rapports produits par le SGD indiquent le titre du poste que l’employé occupe à la date où le document est imprimé, et non le titre du poste qu’il occupait lorsque les données ont été saisies dans le système. Selon lui, le SGD ne pourrait pas créer de profil intitulé « Adjoint à l’ASPE » [traduction] ou « Occasion de perfectionnement » [traduction]; le système opterait plutôt pour « ASPE par intérim » [traduction].

27M. Boileau a déposé en preuve une série de rapports quotidiens (listes de service) produits à l’Établissement Mountain. Il a déclaré que Mme Stephen avait occupé un poste des groupe et niveau CX-02 du 1er au 18 juin 2006, avant d’entreprendre son affectation de perfectionnement le 19 juin 2006. Les rapports des 19 et 20 juin 2006 indiquent que Mme Stephen travaillait au Service de renseignement de sécurité, à un poste de groupe et niveau CX-02.

28M. Boileau a affirmé que, au début d’avril 2007, le directeur de l’Établissement du Pacifique avait communiqué avec lui, car il souhaitait obtenir les services M. Jim Farrell, l’un des deux ASPE à l’Établissement Mountain, pour une affectation de six mois dans son établissement. M. Boileau a expliqué qu’il avait approuvé l’affectation et qu’il avait discuté à plusieurs reprises avec le directeur d’établissement de solutions pour doter le poste devenu temporairement vacant. Il a par ailleurs abordé la question pendant une rencontre du comité du personnel de l’Établissement, lequel est composé de cadres supérieurs et de représentants des Finances et des Ressources humaines. Il a finalement décidé de procéder à une nomination intérimaire au terme d’un processus non annoncé.

29M. Boileau a indiqué qu’il avait opté pour un processus de nomination non annoncé parce qu’il devait combler un besoin temporaire, immédiat et imprévu. Un processus annoncé venait tout juste d’être entrepris pour la région, mais il fallait prévoir un certain délai avant son dénouement; par ailleurs, il n’existait aucune liste de personnes qualifiées pour le poste d’ASPE. M. Boileau a déclaré que les pouvoirs délégués nécessaires lui avaient été attribués sous l’ancien système de dotation, qu’il avait récemment suivi des cours de formation, qu’il avait pris part à de nombreux processus de dotation et qu’il connaissait les politiques applicables.

30M. Boileau a affirmé que le Plan des ressources humaines ne contenait aucun renseignement au sujet de ce processus de nomination non annoncé parce qu’il n’était pas prévu que le poste devienne vacant. En effet, M. Farrell s’est vu offrir cette possibilité d’affectation de façon tout à fait inattendue.

31M. Boileau a déclaré qu’il avait pris en considération uniquement la candidature de Mme Stephen en vue d’une nomination parce que cette dernière avait démontré sa capacité à exercer les tâches pendant l’affectation de perfectionnement et qu’elle prenait part à ce moment-là à des enquêtes qui étaient en cours. Il a précisé que, en raison de la façon dont le travail était réparti, M. Farrell était le seul des deux ASPE qui menait des enquêtes. Mme Stephen participait à certaines enquêtes avec M. Farrell et connaissait les dossiers dont était responsable ce dernier. À cette époque, elle collaborait étroitement avec la Gendarmerie royale du Canada (GRC) aux fins d’une enquête de nature délicate. M. Boileau a jugé qu’il était essentiel, pour l’intégrité de l’enquête, d’assurer une continuité; il n’était pas en mesure de procéder au remplacement de Mme Stephen dans l’exercice de ces importantes fonctions.

32M. Boileau a déclaré que, au début d’avril, il avait évalué Mme Stephen au regard des critères de mérite établis pour le poste en se fondant sur sa connaissance directe. Il était au fait de ses antécédents professionnels, savait très bien en quoi consistaient son expérience et ses études et avait eu l’occasion d’observer son travail pendant les neuf mois où elle avait occupé le poste de perfectionnement. En contre-interrogatoire, il a en outre expliqué qu’il savait quels certificats de formation Mme Stephen possédait et qu’il avait examiné son curriculum vitae. M. Boileau a affirmé que Mme Stephen remplissait tous les critères de mérite établis pour le poste d’ASPE.

33M. Boileau a reconnu n’avoir rempli l’évaluation écrite de Mme Stephen qu’au cours du mois d’août 2007, après avoir appris d’un représentant des Ressources humaines que son évaluation devait être mise par écrit; il s’était alors vu remettre le document d’Évaluation des qualifications dont il devait se servir.

34M. Boileau a indiqué que la nomination non annoncée nécessitait l’approbation de la sous-commissaire régionale – délégataire de niveau 2. Selon M. Boileau, le directeur d’établissement a signé le Formulaire d’offre et d’autorisation de nomination intérimaire, donnant ainsi son approbation, puis le formulaire a été envoyé à la sous-commissaire régionale à Abbotsford.

35M. Boileau a déclaré qu’il n’avait pas préparé de Liste de contrôle pour le processus de nomination non annoncé. Il a expliqué que c’était habituellement le personnel des Ressources humaines ou un adjoint administratif qui préparait la liste en question. Il n’avait jamais vu cette liste et il ignorait qui l’avait établie. La liste avait été préparée aux fins de signature par le directeur d’établissement et d’approbation par la sous-commissaire régionale. M. Boileau a affirmé qu’il n’était au fait de l’existence d’aucun programme de perfectionnement. Il a précisé que s’il avait eu à remplir cette liste, il aurait choisi l’option « Autre » et inscrit la même explication que dans le Formulaire d’offre et d’autorisation de nomination intérimaire.

36M. Boileau a procédé à la nomination intérimaire de Mme Stephen le 30 avril 2007, même si la délégataire de niveau 2 n’avait pas encore approuvé la nomination. L’approbation a finalement été donnée le 9 mai 2007. M. Boileau a soutenu qu’il y avait urgence et que si l’approbation visant la nomination intérimaire pour une période de plus de quatre mois avait été refusée, il aurait plutôt procédé à une nomination pour une période plus courte, soit quatre mois moins un jour; il aurait pu agir ainsi puisqu’il avait, le 12 avril 2007, obtenu l’approbation du directeur d’établissement, délégataire de niveau 3.

37M.  Boileau a affirmé que l’Avis d’information concernant la nomination intérimaire n’avait pas été affiché sur Publiservice avant le 16 mai 2007 en raison du temps qu’il avait fallu pour le préparer.

Argumentation des parties

A) Argumentation de la plaignante

38La plaignante soutient que, bien qu’en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP), il soit possible d’opter soit pour un processus annoncé soit pour un processus non annoncé, il n’en reste pas moins que les valeurs énoncées dans le préambule de la LEFP doivent être respectées. En outre, les règles établies dans les lignes directrices de la CFP et dans les bulletins du SCC doivent être appliquées.

39La plaignante a formulé une allégation écrite de favoritisme personnel en ce qui a trait à la nomination non annoncée de Mme Stephen. L’argumentation qu’elle a présentée au Tribunal démontre clairement qu’elle croit que l’intimé a fait preuve de favoritisme personnel envers Mme Stephen, même si ce ne sont pas là les termes qu’elle a utilisés dans son argumentation finale. Dans son argumentation, elle a plutôt invoqué un manque de transparence.

40La plaignante soutient qu’il n’y a eu aucune transparence dans ce processus de nomination non annoncé. Elle indique que, même si Mme Stephen avait déjà bénéficié de possibilités de perfectionnement et de formation, c’est tout de même elle qui a été sélectionnée pour l’affectation de perfectionnement. Elle ajoute que les rapports produits au moyen du SGD démontrent que Mme Stephen occupait le poste de perfectionnement avant la fin de la période de présentation des demandes, et que seule la candidature de Mme Stephen a été prise en considération pour cette nomination intérimaire effectuée au terme d’un processus non annoncé.

41La plaignante avance qu’il y a eu plusieurs infractions aux lignes directrices, et qu’il s’agit là d’erreurs et d’omissions graves qui équivalent tout compte fait à un abus de pouvoir. D’abord, le processus non annoncé a été entrepris avant l’obtention de l’approbation requise. Ensuite, deux justifications différentes ont été fournies relativement au choix du processus non annoncé, l’une étant fondée sur un programme de perfectionnement qui n’existe pas, et l’autre allant à l’encontre des exigences définies dans les lignes directrices. Les justifications fournies ne démontrent donc pas en quoi le processus non annoncé respecte les valeurs de nomination. Puis, point le plus important, quatre mois se sont écoulés après le début de la période de nomination intérimaire de Mme Stephen avant que cette dernière soit évaluée. La plaignante avance que, selon le paragraphe 30(2) de la LEFP, il faut que « la personne à nommer possède les qualifications essentielles »; elle est d’avis qu’il s’agit là d’une exigence claire selon laquelle une évaluation doit être réalisée avant que soit faite la nomination. Enfin, toujours selon la plaignante, rien n’indique clairement qu’un outil d’évaluation approprié et dûment autorisé ait été utilisé aux fins de l’évaluation.

42La plaignante soutient que, selon la décision Tibbs c. le sous-ministre de la Défense nationale et al., [2006] TDFP 0008, qu’a rendue le Tribunal, il n’est pas nécessaire d’établir qu’il y a eu intention illégitime pour prouver l’existence d’un abus de pouvoir. Elle reconnaît qu’en l’espèce, il n’y a pas eu intention illégitime. Toutefois, des erreurs graves ont été commises. Par conséquent, un écart important a selon elle été observé par rapport à la nature et à l’objet de la LEFP, de sorte qu’il y a eu abus de pouvoir.

43La plaignante indique qu’il n’y a pas lieu de procéder à une révocation en l’espèce puisque la période de nomination intérimaire a déjà pris fin. Elle demande plutôt qu’il y ait une déclaration d’abus de pouvoir.

B) Argumentation de l’intimé

44L’intimé soutient que la LEFP confère le pouvoir discrétionnaire nécessaire pour opter soit pour un processus de nomination annoncé, soit pour un processus de nomination non annoncé. Il ajoute que le Tribunal, dans les décisions Robbins c. l’administrateur général de Service Canada et al., [2006] TDFP 0017, et Chaves c. le commissaire du Service correctionnel du Canada et al., [2008] TDFP 0003, a établi qu’un plaignant devait démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y avait eu abus dans le choix du processus, en l’occurrence un processus non annoncé.

45L’intimé estime que la plaignante ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait; en effet, rien n’indique que la décision soit fondée sur la mauvaise foi ou le favoritisme personnel. Comme il fallait d’urgence combler un besoin temporaire, le processus de nomination non annoncé constituait un choix valable et raisonnable, et la décision d’opter pour cette méthode a été prise en toute bonne foi, dans le souci de satisfaire au besoin de protéger l’intégrité des activités du SCC, plus particulièrement les enquêtes de la GRC.

46L’intimé soutient que le préambule de la LEFP ne peut être lu indépendamment du reste de ladite loi. Aux termes de l’article 33 de la LEFP, il est permis de procéder à des nominations au terme d’un processus non annoncé; par conséquent, la tenue d’un processus de nomination non annoncé ne va pas, en soi, à l’encontre des valeurs dont il est question dans le préambule, soit l’équité, l’accessibilité et la transparence.

47L’intimé avance que dans les décisions Oddie c. le sous-ministre de la Défense nationale et al., [2007] TDFP 0030, et Wylie c. le président de l’Agence des services frontaliers du Canada et al., [2006] TDFP 0007, le Tribunal indique clairement que les lignes directrices sont dépourvues d’autorité juridique et qu’elles ne lient aucunement le Tribunal.

48L’intimé déclare que les exigences des lignes directrices, plus particulièrement celles se rapportant à l’affaire en l’espèce, ne figurent pas dans la LEFP ni dans le Règlement sur l’emploi dans la fonction publique, DORS/2005‑334 (le REFP). Il ajoute que le Tribunal n’a pas pour rôle de faire appliquer les lignes directrices de la CFP ou du SCC.

49L’intimé se fonde sur les décisions Tibbs et Portree c. l’administrateur général de Service Canada et al., [2006] TDFP 0014, du Tribunal pour défendre son point selon lequel il faut beaucoup plus que de simples erreurs ou omissions pour conclure à un abus de pouvoir. Un plaignant doit démontrer qu’une faute majeure ou un acte répréhensible grave a été commis dans le processus de nomination.

50L’intimé indique qu’aucune erreur ou omission grave n’a été relevée dans le processus de nomination en l’espèce.

51L’intimé reconnaît que le Plan des ressources humaines ne contient aucun renseignement concernant les postes d’ASPE ni le processus de nomination dont il est ici question. Toutefois, il était difficile d’intégrer le départ imprévu de M. Farrell dans quelque plan que ce soit.

52L’intimé admet que Mme Stephen a été nommée avant que la gestionnaire délégataire approuve la nomination de plus de quatre mois. Néanmoins, l’approbation nécessaire à une nomination de plus courte durée, à laquelle il avait été convenu de procéder si la situation l’exigeait, avait quant à elle été obtenue.

53L’intimé reconnaît qu’une erreur de transcription a été commise dans la Liste de contrôle pour le processus de nomination non annoncé; en effet, la raison invoquée pour expliquer le recours à un processus non annoncé n’était pas la bonne. Toutefois, une justification écrite du choix du processus de nomination non annoncé a été fournie dans le Formulaire d’offre et d’autorisation de nomination intérimaire, et ce, même si la LEFP ne l’exige pas.

54L’intimé soutient que Mme Stephen a été évaluée avant sa nomination, quoique l’évaluation n’ait pas été consignée. Il ajoute toutefois qu’il n’est fait état ni dans la LEFP ni dans le REFP de la nécessité de procéder à une évaluation écrite. Selon l’intimé, l’article 36 de la LEFP offre une certaine souplesse quant au choix des outils d’évaluation, et la plaignante n’a fourni aucun élément de preuve appuyant son allégation selon laquelle les outils utilisés n’étaient pas appropriés ni autorisés.

55L’intimé avance que le fait que l’Avis d’information concernant la nomination intérimaire ait été affiché seize jours après le début de la période de nomination n’a eu aucune incidence sur le droit de déposer une plainte.

56L’intimé soutient finalement que rien n’indique qu’il y a eu favoritisme personnel.

C) Argumentation de la Commission de la fonction publique

57La CFP n’était pas représentée à l’audience. Comme elle l’a fait dans des affaires précédentes, la CFP a présenté des observations écrites portant sur la notion d’abus de pouvoir et sur la façon dont le Tribunal devrait aborder cette question.

58En ce qui a trait à la plainte en l’espèce, la CFP a exprimé des préoccupations par rapport au fait que certaines de ses lignes directrices n’avaient pas été suivies comme il se doit, ce qui semble avoir mené, à son avis, à un manque de transparence. La justification écrite qu’a fournie l’intimé relativement au choix d’un processus de nomination non annoncé ne semble pas, selon la CFP, respecter les Lignes directrices en matière de choix du processus de nomination établies par la CFP. Par ailleurs, la CFP insiste sur le fait que plus de deux semaines se sont écoulées entre le début de la période de nomination et l’affichage de l’avis d’information concernant la nomination. Enfin, il est vrai que l’évaluation de Mme Stephen démontre qu’elle possède toutes les qualifications essentielles, mais, selon la date qui figure sur le document, l’évaluation aurait été réalisée près de quatre mois après le début de la période de nomination.

59La CFP soutient que le fait de ne pas se conformer à certaines des lignes directrices de la CFP dans un processus de nomination n’équivaut pas en soi à un abus de pouvoir. Pour que le Tribunal conclue à un abus de pouvoir, selon la CFP, il doit établir que le processus de nomination a été entaché d’une intention illégitime, par exemple de mauvaise foi ou de favoritisme personnel, ou il doit être convaincu qu’il y a eu une négligence ou une insouciance telle que l’on pourrait la qualifier de mauvaise foi.

Dispositions législatives pertinentes, règlements et lignes directrices

60Les paragraphes 30(2) et 30(4) de même que l’article 33 de la LEFP sont pertinents en l’espèce :

30. (2) Une nomination est fondée sur le mérite lorsque les conditions suivantes sont réunies :

  1. selon la Commission, la personne à nommer possède les qualifications essentielles — notamment la compétence dans les langues officielles — établies par l’administrateur général pour le travail à accomplir;

[…]

30. (4) La Commission n’est pas tenue de prendre en compte plus d’une personne pour faire une nomination fondée sur le mérite.

33. La Commission peut, en vue d’une nomination, avoir recours à un processus de nomination annoncé ou à un processus de nomination non annoncé.

61En l’espèce, la plainte a été présentée en vertu du paragraphe 77(1) de la LEFP :

77. (1) Lorsque la Commission a fait une proposition de nomination ou une nomination dans le cadre d’un processus de nomination interne, la personne qui est dans la zone de recours visée au paragraphe (2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement du Tribunal, présenter à celui-ci une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination pour l’une ou l’autre des raisons suivantes :

  1. abus de pouvoir de la part de la Commission ou de l’administrateur général dans l’exercice de leurs attributions respectives au titre du paragraphe 30(2);
  2. abus de pouvoir de la part de la Commission du fait qu’elle a choisi un processus de nomination interne annoncé ou non annoncé, selon le cas; […]

62L’article 13 du REFP porte sur les avis concernant les nominations intérimaires :

13. Lorsque les nominations ci‑après sont faites ou proposées dans le cadre d’un processus de nomination interne, la Commission avise par écrit les personnes qui sont dans la zone de recours, au sens du paragraphe 77(2) de la Loi, du nom de la personne qu’elle propose ainsi de nommer ou qu’elle a ainsi nommée, selon le cas, de leur droit de porter plainte et des raisons pour lesquelles elles peuvent le faire :

  1. la nomination intérimaire de quatre mois ou plus;
  2. la nomination intérimaire portant la durée cumulative de la nomination intérimaire d’une personne à quatre mois ou plus.

[soulignement ajouté]

63Le pouvoir de la CFP d’établir des lignes directrices et l’obligation des administrateurs généraux de s’y conformer sont énoncés respectivement au paragraphe 29(3) et à l’article 16 de la LEFP :

29. (3) La Commission peut établir des lignes directrices sur la façon de faire et de révoquer les nominations et de prendre des mesures correctives.

16. L’administrateur général est tenu, lorsqu’il exerce les attributions de la Commission visées à l’article 15, de se conformer aux lignes directrices visées au paragraphe 29(3).

64En outre, le paragraphe 56(1) de la LEFP est pertinent en l’espèce :

56. (1) Toute nomination d’une personne appartenant à la partie de la fonction publique dans laquelle les nominations relèvent exclusivement de la Commission prend effet à la date dont sont convenus par écrit l’administrateur général et la personne, indépendamment de la date de l’entente.

65Les dispositions suivantes, tirées des Lignes directrices en matière de choix du processus de nomination de la CFP, sont pertinentes :

Énoncé des lignes directrices

Le choix entre des processus de nomination annoncés ou non annoncés, internes ou externes, est conforme au plan des ressources humaines de l'administration et aux valeurs fondamentales et directrices.

[…]

Exigences des lignes directrices

En plus d'être responsables du respect de l'énoncé des lignes directrices, les administrateurs généraux et les administratrices générales doivent :

[…]

  • s'assurer que la justification écrite démontre comment un processus non annoncé respecte les critères établis et les valeurs en matière de nomination.

66Le SCC a établi des lignes directrices internes, lesquelles ont été diffusées dans des bulletins dont voici des passages pertinents :

Bulletin du SCC sur les nominations intérimaires (Bulletin no 2007‑24)

Contexte

Il existe des exigences opérationnelles valables qui nécessitent le recours à des nominations intérimaires, notamment :

  • le remplacement d’employés en congé rémunéré ou non rémunéré, d’employés en formation, linguistique ou autre ou d’employés en affectation ou en détachement, etc.

Exigences

Les nominations intérimaires de plus de quatre (4) mois doivent, en règle générale, être le résultat d’un processus de nomination annoncé.

Les nominations intérimaires non annoncées de plus de quatre (4) mois doivent constituer une exception, et non la règle.

Les personnes dans la zone de sélection doivent être informées du nom de la personne qui sera nommée et de leur droit de porter plainte auprès du Tribunal de la dotation de la fonction publique :

  • immédiatement, si la période initiale de l’intérim excède quatre (4) mois; ou […]

Exigences du dossier

  • une justification écrite portant sur le processus de prise de décision, expliquant notamment pourquoi on a choisi de ne pas avoir recours à une affectation par rotation ou encore à un processus annoncé et, dans le cas d’un processus de nomination annoncé, décrivant la façon dont la zone de sélection a été établie.
  • une évaluation détaillée des postulants en fonction de l’énoncé des critères de mérite et des conditions d’emploi.
  • une déclaration signée par les personnes ayant participé aux travaux des comités de présélection et d’évaluation.

Bulletin du SCC sur les critères relatifs aux processus de nomination non annoncés (Bulletin no 2007‑23)

Énoncé

Le Service correctionnel du Canada aura recours à des processus de nomination non annoncés pour aider l’organisation à répondre à ses besoins administratifs et à ses besoins en matière de ressources humaines et il respectera, pendant la tenue de ces processus, les valeurs de nomination de la fonction publique, soit l’équité, l’accessibilité et la transparence. Toutes les nominations faites à la fonction publique et au sein de celle-ci doivent être fondées sur le mérite, être dénuées de favoritisme politique ou bureaucratique ou encore de népotisme et respecter les dispositions de la Loi sur l’équité en matière d’emploi et de la Loi sur les langues officielles.

Exigences

Avant de tenir un processus de nomination interne ou externe non annoncé, il est nécessaire d’obtenir l’approbation d’un délégataire de niveau 2, selon ce qui est prévu dans l’Instrument de délégation des pouvoirs en matière de gestion des ressources humaines.

Un processus de nomination non annoncé doit satisfaire aux exigences suivantes :

  • être conforme à la planification des ressources humaines du SCC, à moins que le poste soit devenu vacant en raison de circonstances imprévues;
  • respecter les valeurs de nomination de la CFP (équité, accessibilité et transparence).

En plus de s’assurer de respecter les valeurs de nomination, les gestionnaires doivent tenir compte des facteurs suivants avant de décider d’avoir recours à un processus de nomination non annoncé :

  • la souplesse, la capacité financière et l’efficacité;
  • la nature du travail, l’urgence et la durée de la nomination.

Critères

Les critères ne sont ni prescriptifs ni exhaustifs, et l’applicabilité éventuelle d’un critère ne signifie pas qu’un processus non annoncé doive être utilisé ni qu’il constitue la meilleure solution de dotation.

Des processus de nomination internes ou externes non annoncés peuvent être employés dans les circonstances qui suivent :

  • Autres raisons ne figurant pas dans les critères ci-dessus mais démontrant que le processus de nomination non annoncé constitue la solution qui répond le mieux aux besoins du SCC tout en respectant les valeurs de nomination de la fonction publique. La justification doit faire état des tentatives de recrutement entreprises par le passé au moyen d’un processus annoncé, de même que de la zone de sélection et des résultats obtenus.

Documentation pour le dossier de dotation

Conformément aux exigences des lignes directrices de la CFP, le gestionnaire subdélégataire doit fournir ce qui suit :

  • une justification écrite démontrant que sa décision répond aux critères établis, lesquels sont énoncés dans ce bulletin. L’utilisation de la liste de contrôle pour les processus de nomination non annoncés (SCC‑1329) est obligatoire, et celle-ci doit être approuvée par un délégataire de niveau 2 et signée par le gestionnaire subdélégataire.
  • une évaluation écrite de la personne proposée pour la nomination en fonction des qualifications essentielles et des conditions d’emploi.

De plus, une déclaration doit être signée par les personnes ayant participé aux travaux des comités de présélection et d’évaluation, et elle doit être conservée dans le dossier de dotation.

[traduction]

Analyse

Question I : L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en optant pour un processus de nomination non annoncé?

67Le Tribunal a établi que pour qu’une plainte présentée en vertu de l’alinéa 77(1)b) de la LEFP puisse être considérée comme fondée, le plaignant devait démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que le choix d’avoir recours à un processus de nomination non annoncé constituait un abus de pouvoir. Voir, par exemple, la décision Rozka et al. c. le sous-ministre de Citoyenneté et Immigration Canada et al., [2007] TDFP 0046.

68À la lumière de la preuve, le Tribunal estime que M. Boileau s’est retrouvé face au besoin immédiat et fortuit de remplacer un employé de façon temporaire tout en s’assurant de ne pas négliger diverses exigences opérationnelles. Les critères établis par le SCC permettent la tenue de processus de nomination non annoncés lorsqu’il s’agit de la meilleure façon de satisfaire aux besoins du SCC tout en respectant les valeurs de nomination. M. Boileau comptait, parmi son personnel, une employée possédant les qualifications requises, qui participait déjà aux enquêtes en cours. Il a décidé de nommer l’employée en question pour une période intérimaire, soit du 30 avril au 2 novembre 2007, au moyen d’un processus non annoncé, et il a demandé l’approbation nécessaire à cet égard.

69Le Tribunal estime que, lorsque est venu le temps de choisir le processus, des mesures favorisant la transparence ont été prises. En effet, M. Boileau a discuté avec le directeur d’établissement des différentes solutions qui s’offraient à lui pour la dotation du poste vacant. En outre, il a parlé avec ses collègues et les conseillers faisant partie du Comité du personnel de l’Établissement de la méthode qu’il prévoyait employer, de façon à leur permettre de répondre aux questions et aux préoccupations soulevées par leurs employés. M. Boileau savait qu’un processus annoncé avait été entrepris et que celui-ci offrirait aux employés un accès équitable à des postes qui se libéreraient ultérieurement et devraient être dotés de façon temporaire ou pour une durée indéterminée; il en a d’ailleurs informé la sous-commissaire régionale.

70Rien n’indique qu’il y a eu abus de pouvoir dans le choix d’avoir recours à un processus de nomination non annoncé.

Question II : Les erreurs et les omissions commises par l’intimé dans ce processus de nomination constituent-elles un abus de pouvoir?

71La plaignante soutient que M. Boileau n’a pas évalué Mme Stephen avant de procéder à sa nomination et qu’il n’a pas utilisé d’outil d’évaluation autorisé. En outre, elle affirme que la justification du choix du processus non annoncé ne satisfait pas aux exigences des lignes directrices et que la nomination a été effectuée sans l’autorisation appropriée de la personne délégataire. La CFP a pour sa part exprimé des préoccupations quant à la période qui s’est écoulée entre le moment où la nomination non annoncée a été effectuée et le moment où les employés en ont été avisés.

72Le Tribunal a établi, dans la décision Tibbs, qu’il faut plus que des erreurs et des omissions pour conclure à un abus de pouvoir, et que la mesure dans laquelle la conduite est irrégulière peut déterminer si elle constitue un abus de pouvoir ou non.

73Dans la décision Finney c. Barreau du Québec, [2004] 2 R.C.S. 17, [2004] A.C.S. n31 (QL), la Cour suprême établit que la notion de mauvaise foi doit recevoir une portée plus large englobant la négligence ou l’insouciance grave. La Cour suprême a déclaré ce qui suit au paragraphe 39 (version QL) :

39. […] l’insouciance grave implique un dérèglement fondamental des modalités de l’exercice du pouvoir, à tel point qu’on peut en déduire l’absence de bonne foi et présumer la mauvaise foi. L’acte, dans les modalités de son accomplissement, devient inexplicable et incompréhensible, au point qu’il puisse être considéré comme un véritable abus de pouvoir [...]

74Par ailleurs, dans la décision Robert et Sabourin c. le sous-ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et al., [2008] TDFP 0024, le Tribunal conclut que les nombreuses erreurs et omissions qu’a commises l’intimé dénotent une négligence grave de sa part et constituent donc un acte de mauvaise foi.

75Bien que le Tribunal estime, en l’espèce, que l’intimé a commis des erreurs et des omissions, celles-ci ne témoignent pas de négligence ou d’insouciance grave, de sorte qu’elles constituerait pas un abus de pouvoir.

(i)  Évaluation

76Dans la décision Tibbs, le Tribunal a établi un cadre pour l’analyse des plaintes en matière d’abus de pouvoir. Une des catégories d’abus de pouvoir qui a été définie comprend les situations où l’on s’est fondé sur des éléments insuffisants, par exemple les nominations effectuées sans évaluation préalable ou au moyen d’outils inadéquats. Le Tribunal estime toutefois que ce n’est pas ce qui s’est produit en l’espèce.

77Dans la décision Robert et Sabourin, le Tribunal a établi que le fait que l’intimé n’ait pas évalué la personne nommée en temps opportun constituait une grave omission. Dans cette affaire, tout comme en l’espèce, l’évaluation écrite avait été effectuée environ quatre mois après le début de la période de nomination. Cependant, dans l’affaire Robert et Sabourin, la preuve présentée au Tribunal démontrait que l’évaluation n’avait pas été effectuée auparavant parce qu’il n’existait pas d’énoncé des critères de mérite pour le poste.

78En l’espèce, à la lumière des éléments de preuve qui ont été présentés, le Tribunal estime que M. Boileau connaissait très bien le poste d’ASPE et les qualifications nécessaires à l’exercice des fonctions de ce poste. Un énoncé des critères de mérite avait été élaboré, et M. Boileau s’en est servi pour évaluer Mme Stephen avant sa nomination. M. Boileau a fondé son évaluation sur les critères de mérite établis pour le poste et sur sa connaissance personnelle des qualifications de Mme Stephen. L’affaire qui nous occupe diffère donc de la situation décrite dans la décision Robert et Sabourin, puisque, en l’espèce, aucune preuve ne permet au Tribunal de conclure que Mme Stephen ne possède pas les qualifications essentielles liées au poste.

79Aux termes de l’article 36 de la LEFP, il est permis d’utiliser toute méthode d’évaluation appropriée pour déterminer si une personne est qualifiée. Dans la décision Visca c. le sous-ministre de la Justice et al., [2007] TDFP 0024, le Tribunal confirme que la connaissance personnelle d’un candidat que possède un évaluateur constitue une méthode d’évaluation acceptée.

80En l’espèce, le Tribunal tient pour avéré les faits pertinents énoncés ci‑après. M. Boileau possédait une connaissance approfondie des tâches et des qualifications liées au poste d’ASPE, il avait une vaste expérience de la gestion d’ASPE et il avait pu observer lui-même le travail de Mme Stephen pendant son affectation de perfectionnement. Par conséquent, le Tribunal juge que M. Boileau a, en ayant recours à ses connaissances personnelles, utilisé une méthode d’évaluation tout à fait appropriée.

81Le Tribunal estime que M. Boileau a décidé de nommer Mme Stephen après avoir déterminé, au terme d’une évaluation, qu’elle possédait les qualifications essentielles. L’évaluation écrite qu’il a par la suite préparée n’a pas été contestée, et elle confirme son évaluation précédente. Il ne s’agit donc pas d’une nomination fondée sur des éléments insuffisants.

82L’évaluation a été effectuée à temps, mais elle n’a pas été consignée au moment où elle aurait dû l’être. Il s’agit là d’une omission qui ne constitue pas un abus de pouvoir mais qui peut donner lieu, comme c’est le cas en l’espèce, à des perceptions négatives concernant la légitimité de la nomination. Par souci de transparence, les évaluations doivent être consignées de façon appropriée au moment où elles sont effectuées.

(ii)  Justification écrite

83Les processus annoncés ne sont pas, aux termes de la LEFP, préférables aux processus non annoncés, ce qui diffère considérablement de ce qui avait cours sous l’ancien système de dotation. La CFP reconnaît toutefois que le risque lié au manque de transparence est plus élevé dans le cadre d’un processus non annoncé; elle a donc établi des lignes directrices régissant son utilisation.

84Dans la décision Robert et Sabourin, le Tribunal a expliqué en quoi les lignes directrices de la CFP sont essentielles à la transparence dans les processus de nomination non annoncés et fait état des exigences législatives concernant le respect de ces lignes directrices :

[60] Les lignes directrices de la CFP garantissent également qu’il existe des pratiques d’emploi transparentes. Les lignes directrices sur la notification exigent que les personnes faisant partie de la zone de recours soient informées de leur droit de porter plainte. En ce qui concerne les processus de nomination non annoncés, les lignes directrices de la CFP exigent que les administrateurs généraux établissent et communiquent les critères relatifs à l’utilisation des processus non annoncés et exigent la présentation d’une justification écrite. Ces exigences visent à assurer qu’un rapport de décisions soit préparé.

[…]

[69] […] En vertu du paragraphe 29(3) de la LEFP, la CFP peut établir des lignes directrices se rapportant à la façon de faire des nominations. Selon l’article 16 de la LEFP, les administrateurs généraux doivent se conformer à ces lignes directrices. Contrairement aux observations de l’intimé, il ne s’agit pas seulement d’une question de lignes directrices; en vertu de la LEFP, les administrateurs généraux et leurs gestionnaires délégataires ont clairement l’obligation de se conformer aux lignes directrices de la CFP établies en vertu du paragraphe 29(3).

85Dans la décision Robert et Sabourin,le Tribunal a considéré que l’intimé avait fait preuve d’une grande négligence en ne rédigeant pas de justification à trois occasions distinctes dans un processus de nomination. En l’espèce, dans le Formulaire d’offre et d’autorisation de nomination intérimaire qui a été soumis à l’approbation de la sous-commissaire régionale, M. Boileau a expliqué brièvement pourquoi il était nécessaire de procéder à une nomination intérimaire, et il a précisé qu’un processus de nomination annoncé était en cours.

86Dans le Bulletin sur les nominations intérimaires du SCC, il est indiqué qu’il faut fournir une justification écrite expliquant la décision et faisant notamment état des raisons pour lesquelles le choix ne s’est pas arrêté sur une affectation par rotation ou un processus annoncé. Selon les Lignes directrices en matière de choix du processus de nomination de la CFP, il est nécessaire de fournir une justification écrite démontrant en quoi les critères liés aux processus non annoncés et les valeurs de nomination ont été respectés. En outre, le Bulletin sur les critères relatifs aux processus de nomination non annoncés du SCC exige l’utilisation d’un formulaire ministériel et l’approbation d’un délégataire de niveau 2. De toute évidence, ces exigences n’ont pas été respectées. Par ailleurs, une erreur s’est glissée dans la Liste de contrôle pour le processus de nomination non annoncé; toutefois, le Tribunal est convaincu, à la lumière de la preuve, qu’il ne s’agit là que d’une erreur mineure d’ordre administratif.

87Deux raisons sous-tendent la nécessité de fournir une justification relative à l’utilisation d’un processus non annoncé. En premier lieu, la justification doit présenter au gestionnaire délégataire suffisamment d’information pour qu’il soit en mesure de décider si la demande visant la nomination non annoncée doit être ou non approuvée. En l’espèce, la sous-commissaire régionale a approuvé la demande. La plaignante n’a présenté aucun élément de preuve permettant au Tribunal de conclure que la délégataire de niveau 2 ne disposait pas de suffisamment d’information pour prendre une décision.

88En deuxième lieu, la justification détaillée vise à assurer la transparence dans les processus de nomination non annoncés. Selon le témoignage de M. Boileau, ce n’est pas sans raison que la nomination a été effectuée au terme d’un processus non annoncé. Cependant, conformément aux lignes directrices de la CFP, la justification doit être fournie par écrit et elle doit traiter de points précis. En l’espèce, une justification a certes été fournie par écrit, mais elle était relativement courte et ne répondait pas aux exigences énoncées dans les lignes directrices. Le fait de ne pas fournir de justification écrite détaillée constitue une omission, laquelle a entraîné un manque considérable de transparence dans ce processus.

89Toutefois, comme il est expliqué dans la décision Robert et Sabourin, il existe dans les textes législatifs d’autres mesures qui contribuent à assurer la transparence des processus non annoncés et qui peuvent, comme c’est le cas en l’espèce, permettre de relativiser le fait que l’intimé n’a pas fourni de justification écrite. Selon la LEFP, les personnes qui sont dans la zone de recours doivent être informées des nominations effectuées au terme de processus non annoncés et elles peuvent demander au Tribunal de procéder à l’examen du processus, grâce aux mécanismes de recours. Aux termes du Règlement du Tribunal de la dotation de la fonction publique, DORS/2006‑6, lorsqu’une plainte est présentée au Tribunal, tous les renseignements pertinents doivent être communiqués.

(iii)  Notification

90Les personnes qui étaient dans la zone de recours ont été avisées de la nomination de même que de leur droit de présenter une plainte au Tribunal et des motifs de recours.

91Dans le cas d’une nomination intérimaire, comme en l’espèce, les Lignes directrices en matière de notification de la CFP ne s’appliquent pas. En effet, la notification d’une nomination intérimaire est régie par l’article 13 du REFP.

92Selon l’article 13 du REFP, la notification d’une nomination intérimaire de quatre mois ou plus doit être effectuée « lorsque » la nomination est faite ou proposée. Par ailleurs, le SCC exige que la notification soit communiquée « immédiatement ». Il est primordial de procéder à la notification des nominations intérimaires en temps opportun, vu la nature temporaire des nominations en question. Un retard dans la notification peut donner lieu à des suppositions sur le caractère approprié de la nomination et dissuader un employé d’exercer son droit de présenter une plainte, si la nomination est arrivée à échéance ou sur le point de l’être.

93Dans la décision Robert et Sabourin,l’intimé n’a avisé les employés de la nomination que plus de trois mois après la date où il aurait dû le faire; la période de nomination intérimaire avait alors pris fin. La notification a été effectuée en retard en raison d’autres problèmes graves, à savoir qu’il n’existait pas d’énoncé des critères de mérite pour le poste et qu’aucune évaluation n’avait été réalisée. En l’espèce, la notification a eu lieu seize jours après la nomination, et une évaluation a été effectuée.

94Bien que la notification n’ait pas été effectuée au moment de la nomination et qu’elle puisse difficilement être qualifiée d’immédiate, la période de retard en l’espèce n’a causé aucun préjudice indu à ceux qui étaient en droit présenter une plainte.

95Le Tribunal constate que les événements se sont déroulés dans l’ordre chronologique suivant. Au début d’avril 2007, il a fallu remplacer de façon temporaire un employé. Le 10 avril 2007, M. Boileau a demandé l’autorisation de procéder à une nomination intérimaire commençant le 30 avril 2007. Il a obtenu, les 11 et 12 avril 2007 respectivement, l’autorisation financière et l’approbation du directeur d’établissement. La demande a ensuite été envoyée au bureau principal régional pour approbation finale par la sous-commissaire régionale, qui a donné le feu vert le 9 mai 2007. La notification a été diffusée le 16 mai 2007.

96Le Tribunal juge que le retard observé dans la notification aux employés concernant cette nomination résultait de la nécessité d’agir rapidement pour régler un besoin imprévu ainsi que de la logistique nécessaire à l’obtention de l’approbation d’une personne délégataire travaillant dans un autre bureau. Le SCC devrait tenter de trouver des façons de faire plus efficaces de manière à éviter, à l’avenir, ce genre de retard et à s’assurer de respecter les dispositions législatives et les lignes directrices applicables. Cela dit, il n’y a pas eu de retard excessivement long, et l’avis n’a pas pu être diffusé avant l’obtention de l’approbation de la sous-commissaire régionale. Le retard a nui à la transparence. Toutefois, à la lumière de la preuve, le Tribunal est convaincu que le retard dans la notification n’est pas attribuable à de la négligence ni à de l’insouciance grave.

(iv)  Pouvoir délégué

97La plaignante soutient que l’intimé a tenu un processus non annoncé sans avoir obtenu l’autorisation de le faire. En fait, l’approbation nécessaire a été accordée le 9 mai 2007, et la nomination est entrée en vigueur le 30 avril 2007. Il s’agit donc d’une nomination rétroactive.

98Le paragraphe 56(1) porte sur les nominations effectuées avant ou après la date de l’entente entre l’administrateur général et la personne à nommer. Il est libellé ainsi :

56. (1) Toute nomination d’une personne appartenant à la partie de la fonction publique dans laquelle les nominations relèvent exclusivement de la Commission prend effet à la date dont sont convenus par écrit l’administrateur général et la personne, indépendamment de la date de l’entente.

99En l’espèce, c’est en fait le Formulaire d’offre et d’autorisation de nomination intérimaire qui constitue l’entente. Personne ne conteste le fait que le sous‑commissaire régional est le délégataire de l’administrateur général qui est autorisé à procéder à des nominations intérimaires de quatre mois ou plus au terme de processus non annoncés. L’entente entre la délégataire de l’administrateur général et Mme Stephen a été conclue le 9 mai 2007. Lorsque Mme Stephen et la sous‑commissaire régionale ont signé l’entente, elles se sont entendues, par écrit, pour que la nomination prenne effet le 30 avril 2007. Il n’y a rien d’inapproprié dans l’approbation de cette nomination rétroactive, qui a été accordée en vertu des pouvoirs délégués aux termes de la loi.

Résumé

100L’intimé n’a pas respecté les lignes directrices de la CFP, ce qui a donné lieu à des erreurs et à des omissions; plus particulièrement, il n’a pas consigné l’évaluation et la justification expliquant le recours à un processus de nomination non annoncé. Toutefois, le Tribunal estime, compte tenu de la preuve, que les erreurs et les omissions de l’intimé, bien qu’elles constituent de l’insouciance et de la négligence du point de vue de la transparence, ne sont pas graves au point où l’on pourrait supposer qu’il y a eu mauvaise foi.

101Cela dit, le Tribunal souhaite mettre l’accent sur le fait qu’il aurait été possible de prendre des mesures pour atténuer les préoccupations légitimes de la plaignante concernant le manque de transparence du processus de nomination. Il est essentiel, aux fins de l’administration appropriée des nominations, de consigner les décisions. Les gestionnaires délégataires doivent faire preuve de beaucoup de diligence à cet égard compte tenu du vaste pouvoir discrétionnaire que leur confère la LEFP. Il faut donc consigner de façon détaillée et en temps opportun les décisions prises, de façon à garantir des pratiques d’emploi transparentes.

Question III : La nomination de Mme Stephen est-elle entachée de favoritisme personnel?

102Dans la décision Glasgow c. le sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et al., [2008]  TDFP 0007, le Tribunal s’est penché sur la notion de « favoritisme  personnel » et sur l’utilisation d’éléments de preuve circonstancielle à l’appui d’une allégation de favoritisme personnel :

[41] Des intérêts personnels indus, comme une relation personnelle entre la personne chargée de la sélection et la personne nommée, ne devraient jamais constituer le motif d’une nomination. De la même façon, la sélection d’une personne à titre de faveur personnelle ou pour obtenir la faveur de quelqu’un serait un autre exemple de favoritisme personnel.

[…]

[44] Une preuve de favoritisme personnel peut être directe, comme des faits démontrant clairement le lien personnel étroit qui existe entre la personne chargée de la sélection et la personne nommée. Cela dit, ce sera souvent une question de preuve circonstancielle, où certains actes, commentaires ou événements observés avant ou pendant le processus de nomination doivent être examinés. Selon sa source et son lien particulier avec les questions en litige dans une plainte, la preuve circonstancielle peut être aussi convaincante que la preuve directe […]

103La plaignante soutient que le choix d’un processus de nomination non annoncé visait à favoriser Mme Stephen. Pour formuler cette allégation, elle se fonde sur les éléments énoncés ci-après. D’abord, Mme Stephen a reçu une formation qui, selon la plaignante, est habituellement réservée aux employés occupant des postes de niveau supérieur. Puis, Mme Stephen a été sélectionnée pour l’affectation de perfectionnement avant même que le processus de dotation soit terminé. Enfin, seule la candidature de Mme Stephen a été prise en considération dans ce processus de nomination intérimaire non annoncé.

104La plaignante reconnaît qu’elle n’a aucune certitude selon laquelle Mme Stephen et M. Boileau entretiendraient une relation de nature personnelle. M. Boileau a affirmé que ses relations avec Mme Stephen étaient purement professionnelles. Par conséquent, le Tribunal ne dispose d’aucun élément de preuve directe indiquant qu’il y a eu favoritisme personnel.

105La preuve présentée par la plaignante est tout à fait circonstancielle. Comme il est expliqué dans la décision Glasgow, des éléments de preuve circonstancielle peuvent parfois permettre de conclure qu’il y a eu favoritisme personnel. Toutefois, la preuve circonstancielle, telle qu’elle est définie dans la décision Glasgow,doit être de nature plus convaincante que celle qui a été présentée en l’espèce.

106La plaignante a indiqué qu’elle avait aperçu, pendant qu’elle triait le courrier, la demande de Mme Stephen pour une formation portant sur le « CGIL », laquelle est réservée aux ASPE. La plaignante n’a toutefois pas déposé ce formulaire de demande en preuve, et personne n’est venu témoigner au sujet de cette formation qu’aurait demandée Mme Stephen. Le Tribunal ne dispose d’aucun élément qui lui permettrait de comprendre exactement de quelle formation il est question ni de déterminer que cette formation n’est offerte qu’aux ASPE ou encore d’établir que Mme Stephen a bel et bien suivi cette formation et à quel moment elle l’a fait. Il a été démontré que Mme Stephen avait participé à un cours destiné aux agents du renseignement de sécurité en juin 2004. M. Boileau a indiqué que Mme Stephen occupait un poste d’ASPE à titre intérimaire à l’Établissement de Mission à ce moment-là, mais il a précisé qu’il ne travaillait pas lui-même à cet endroit à l’époque. Selon le témoignage de la plaignante, Mme Stephen et elle-même ont toutes deux eu la possibilité d’occuper des postes intérimaires par le passé.

107À la lumière de la preuve qui lui a été présentée, le Tribunal peut uniquement tenir pour avéré que Mme Stephen a déjà reçu de la formation pendant qu’elle occupait un poste de niveau supérieur à titre intérimaire, et que cette formation ne mettait aucunement en cause M. Boileau. Or, rien dans ces faits ne laisse croire qu’il y a eu favoritisme personnel.

108La plaignante et M. Boileau ont présenté des témoignages contradictoires concernant les rapports produits au moyen du SGD. Toutefois, ni la plaignante ni M. Boileau ne sont spécialistes du système en question. La plaignante a formulé ses propres conclusions à propos des renseignements contenus dans les rapports, et M. Boileau s’est pour sa part renseigné auprès de quelqu’un d’autre. La plaignante et M. Boileau ne s’entendent pas sur la signification de la date ni sur l’interprétation qu’il convient de faire des différents titres des employés. Aucun témoin possédant une connaissance spécialisée du SGD ou des rapports produits par ce système n’a été appelé à témoigner devant le Tribunal. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal ne peut accorder de poids à la preuve concernant les rapports du SGD. Par conséquent, rien ne prouve que Mme Stephen a été sélectionnée à l’avance pour l’affectation de perfectionnement ni qu’il y a eu tentative de dissimuler les faits entourant ce choix par la modification des renseignements contenus dans le SGD.

109Mme Stephen a été choisie pour l’occasion de perfectionnement près d’un an avant la tenue du processus de nomination intérimaire non annoncé en question. Aucune preuve n’indique que M. Boileau aurait pu prévoir l’absence temporaire de M. Farrell à ce moment‑là; il ne serait d’ailleurs pas raisonnable de formuler une telle conclusion. Au contraire, la preuve non contestée présentée par M. Boileau indique qu’il n’a été avisé qu’à la toute dernière minute du départ de M. Farrell.

110La plaignante demande au Tribunal de conclure, à la lumière de sa propre interprétation des circonstances et de quelques renseignements qu’elle a fournis, que la nomination de Mme Stephen au terme du processus non annoncé est fondée sur le favoritisme personnel. Le Tribunal tient pour avéré que Mme Stephen a été sélectionnée en vue d’une affectation de perfectionnement et que, un an plus tard, seule sa candidature a été prise en considération pour une nomination intérimaire. Personne ne remet en question le fait que M. Boileau a uniquement pris en compte la candidature de Mme Stephen dans ce processus de nomination non annoncé. Or, le paragraphe 30(4) de la LEFP énonce clairement qu’il est possible de procéder à une nomination fondée sur le mérite après avoir pris en considération la candidature d’une seule personne.

111La preuve ne permet pas de conclure que la décision d’utiliser un processus non annoncé aux fins de la nomination est entachée de favoritisme personnel.

Décision

112Pour tous ces motifs, la plainte est rejetée.

Merri Beattie

Membre

Parties au dossier

Dossier du Tribunal :
2007-0244
Intitulé de la cause :
CaraLynn Morris et le Commissaire du Service correctionnel du Canada et al.
Audience :
Les 22 et 23 avril 2008
Abbotsford (C.-B.)
Date des motifs :
18 mars 2009

Comparutions:

Pour le plaignante:
Corinne Blanchette
Pour l'intimé:
Sean Kelly
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