Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a formulé des allégations d'abus de pouvoir à l'encontre de l'intimé au motif que ce dernier avait refusé de réexaminer sa capacité d'interpréter et analyser des données en fonction de ses années d'expérience et de sa capacité d'exercer les fonctions du poste, entravant ainsi l'exercice du pouvoir discrétionnaire du gestionnaire délégataire. Le plaignant a affirmé, d'autre part, que l'intimé était déraisonnable dans son choix d'un examen écrit comme méthode d'évaluation et aussi dans le fait d'établir dix qualifications essentielles, que l'intimé avait agi de mauvaise foi pour avoir lancé un processus de nomination externe avant la fin du processus de nomination interne. Enfin, la partie plaignante a soutenu que les membres du comité d'évaluation n'étaient pas qualifiés pour noter l'examen écrit. L'intimé a fait valoir qu'il n'était pas envisageable de procéder à une nouvelle évaluation du plaignant à l'aide d'une méthode différente, que les qualifications essentielles avaient été établies correctement et que les membres du comité d'évaluation connaissaient bien les fonctions du poste à doter. L'intimé a ajouté que les deux processus interne et externe visaient à mieux répondre aux besoins opérationnels de l'organisation. Décision : Le Tribunal a estimé que la décision de l'intimé de ne pas réévaluer le plaignant à l'aide d'un outil différent n'empêche pas que la demande de ce dernier ait reçu toute l'attention qu'il fallait. La contestation de ladite décision par le plaignant ne constitue pas une preuve d'abus de pouvoir. Il n'y a donc pas eu d'entrave à l'exercice du pouvoir discrétionnaire. Rien ne permet de conclure à un abus de pouvoir dans le choix ou l'utilisation de l'examen écrit comme méthode d'évaluation dans ce processus. L'intimé n'a pas abusé de son pouvoir par rapport au processus de nomination interne lorsqu'il a décidé de tenir un processus de nomination externe simultané. Les administrateurs généraux sont habilités à limiter les critères de mérite aux seules qualifications essentielles; l'établissement de nombreuses qualifications essentielles n'équivaut pas à un abus de pouvoir en soi. Pour conclure à un abus de pouvoir, il ne suffit pas de mettre en question le nombre des qualifications essentielles sans fournir de preuve quant à leur pertinence pour le travail à accomplir ou à leur caractère inapproprié. La partie plaignante n'a pas réussi à prouver que les membres du comité d'évaluation n'étaient pas qualifiés. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossier:
2007-0271
Rendue à:
Ottawa, le 17 avril, 2009

JEFFREY TRITES
Plaignant
ET
LE SOUS-MINISTRE DE TRAVAUX PUBLICS ET SERVICES GOUVERNEMENTAUX CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plainte d'abus de pouvoir en vertu du paragraphe 77(1) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision:
La plainte est rejetée
Décision rendue par:
Merri Beattie, membre
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Trites c. le Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et al.
Référence neutre:
2009 TDFP 0016

Motifs de décision

Introduction

1Le plaignant, Jeffrey Trites, a participé à un processus de nomination interne annoncé visant la dotation de postes de spécialiste des pensions, AS‑01, à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC), à Shediac (Nouveau-Brunswick). Il a vu sa candidature éliminée du processus de nomination au motif qu’il ne possédait pas la qualification essentielle « capacité d’interpréter et d’analyser des données » [traduction], laquelle a été évaluée au moyen d’un examen écrit.

2Le plaignant a déjà occupé le poste de spécialiste des pensions de façon intérimaire. Il affirme qu’il n’a pas été nommé au poste parce que l’intimé, le sous-ministre de TPSGC, a refusé de réexaminer sa capacité d’interpréter et d’analyser des données en fonction de ses années d’expérience, de sa formation et de sa capacité d’assumer les tâches liées au poste. Il affirme que la gestionnaire délégataire de l’intimé a refusé d’examiner son cas de façon individuelle et avec un esprit ouvert, entravant ainsi l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.

3Le plaignant soutient également qu’il était déraisonnable de la part de l’intimé d’établir 10 qualifications essentielles pour le processus et qu’il a agi de mauvaise foi lorsqu’il a lancé un processus de nomination externe avant la fin du processus de nomination interne. De plus, le plaignant affirme que les membres du comité d’évaluation n’étaient pas qualifiés pour noter l’examen écrit.

4L’intimé indique pour sa part que les préoccupations du plaignant ont été prises en considération, mais qu’il n’était pas envisageable de procéder à une nouvelle évaluation de ce dernier au moyen d’un outil d’évaluation différent. L’intimé affirme également que les qualifications essentielles ont été établies de façon appropriée compte tenu des tâches à effectuer, et que les membres du comité connaissaient bien les fonctions des postes à doter. En outre, l’intimé fait valoir que le processus interne et le processus externe visaient tous deux à mieux répondre aux besoins opérationnels de l’organisation.

Contexte

5L’intimé a annoncé un processus interne et un processus externe en vue de pourvoir à plusieurs postes de spécialiste des pensions (AS-01) et d’établir un bassin de candidats qualifiés aux fins des besoins opérationnels futurs. Le processus de nomination externe a pris fin le 16 février 2007, tandis que le processus de nomination interne s’est terminé le 19 février 2007. La plainte présentée en l’espèce porte sur le processus de nomination interne.

6Un examen écrit a été administré aux fins de l’évaluation de trois qualifications essentielles : la capacité d’interpréter et d’analyser des données, la capacité de faire preuve de raisonnement pour résoudre des problèmes et la capacité de communiquer efficacement par écrit. En mars 2007, le plaignant a été informé que sa candidature avait été éliminée du processus, car il ne possédait pas la capacité d’interpréter et d’analyser des données.

7Après avoir participé à une discussion informelle, le plaignant a demandé que sa situation personnelle soit examinée par la gestionnaire délégataire (la délégataire), car il estimait que les résultats qu’il avait obtenus à l’examen ne correspondaient pas à sa capacité d’interpréter et d’analyser des données, compte tenu de ses antécédents professionnels et de son rendement antérieur.

8L’intimé a informé le plaignant qu’il avait examiné l’outil d’évaluation de même que la façon dont celui-ci avait été administré et qu’il était convaincu que les critères de mérite avaient été évalués de façon appropriée. L’intimé a décidé qu’il ne procéderait pas à une nouvelle évaluation du plaignant au moyen d’un outil d’évaluation différent, soit le rendement antérieur de ce dernier.

9Le 11 juin 2007, le plaignant a présenté une plainte au Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) en vertu du paragraphe 77(1) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP

10Le Tribunal a décidé de rendre sa décision sans tenir d’audience, conformément au paragraphe 99(3) de la LEFP. La présente décision est donc fondée sur l’argumentation des parties et les documents justificatifs qu’elles ont présentés.

Questions en litige

11Pour régler cette plainte, le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. La délégataire de l’intimé a‑t‑elle entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle a refusé de procéder à une nouvelle évaluation du plaignant en fonction de l’expérience passée de ce dernier?
  2. L’intimé a‑t‑il abusé de son pouvoir en tenant simultanément un processus de nomination interne et un processus de nomination externe?
  3. L’intimé a‑t‑il abusé de son pouvoir dans l’établissement des qualifications essentielles?
  4. L’intimé a‑t‑il abusé de son pouvoir dans la sélection des membres du comité d’évaluation?

Argumentation des parties

A) Argumentation du plaignant

12Le plaignant soutient que la délégataire de l’intimé a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en ne prenant pas en considération sa situation personnelle. Il estime que les résultats de l’examen ne correspondent pas à sa capacité d’interpréter et d’analyser des données, capacité qu’il a pourtant démontrée dans les fonctions qu’il a assumées au cours des 18 mois précédents. Il a demandé à deux reprises, par courriel, que son cas fasse l’objet d’une nouvelle évaluation, mais la délégataire n’a pas tenu compte de ses années d’expérience, de sa formation ni de sa capacité d’effectuer le travail.

13Selon le plaignant, le premier message envoyé par la délégataire ne contenait aucune réponse à ses questions et n’indiquait pas que celle‑ci avait tenu compte de sa situation. Il s’agissait d’une réponse générale, identique à celle qui avait été envoyée aux autres candidats qui avaient également mis en question l’examen utilisé pour l’évaluation des candidats.

14En réponse au courriel de la délégataire, le plaignant a envoyé un deuxième courriel, le 4 mai 2007, dans lequel il indiquait ce qui suit :

Dans mon courriel, je vous ai demandé d’examiner mes antécédents professionnels et de bien vouloir les utiliser pour évaluer mes capacités […]. Pour procéder à cette évaluation, vous pouvez examiner mon travail actuel, mes évaluations de rendement ou tout autre antécédent professionnel mentionné dans le courriel que je vous ai envoyé le 2 avril 2007. [traduction]

15Le plaignant a indiqué que, dans sa deuxième réponse, la délégataire se contentait de confirmer son point de vue selon lequel l’examen administré permettait d’évaluer de façon juste les capacités visées. Elle informait également le plaignant qu’il ne ferait pas l’objet d’une nouvelle évaluation au moyen d’un outil d’évaluation différent.

16Le plaignant fait valoir qu’au cours d’une séance d’information portant sur la LEFP, il avait été informé que la direction possédait la latitude voulue pour permettre aux candidats de réintégrer un processus de nomination dans le cas où il avait été déterminé que ceux‑ci ne possédaient pas une compétence en particulier, si ces derniers réussissaient à démontrer qu’ils étaient en mesure d’appliquer cette compétence dans le cadre de leurs fonctions. Lorsque le plaignant a soulevé ce point à la direction, la délégataire de l’intimé a informé le plaignant qu’elle n’avait pas eu connaissance qu’un tel exemple avait été donné durant la séance d’information.

17Le plaignant affirme également que l’intimé avait prévu qu’il y aurait un taux d’échec élevé à l’issue du processus de nomination interne et qu’il avait l’intention d’éliminer le plus de candidatures possible dans ce processus afin d’embaucher des candidats possédant un niveau d’instruction plus élevé au moyen du processus de nomination externe. Le plaignant affirme que seuls 31 des 148 postulants ayant participé au processus de nomination interne ont vu leur candidature placée dans le bassin.

18Le plaignant soutient que la plupart des postulants dont la candidature a été éliminée du processus de nomination interne pouvaient postuler dans le cadre du processus de nomination externe étant donné qu’ils satisfaisaient aux critères. Or, le plaignant indique qu’environ 10 candidats, dont lui‑même, ne pouvaient présenter leur candidature pour le processus de nomination externe, car ils ne satisfaisaient pas à tous les critères. Pour sa part, le plaignant ne possédait pas le niveau d’instruction exigé pour le processus externe.

19Le plaignant souligne que le même examen de capacité a été administré au cours du processus de nomination externe. Par conséquent, il affirme qu’étant donné que la plupart des postulants dont la candidature n’avait pas été retenue à l’issue du processus de nomination interne avaient déjà eu la possibilité de participer à une discussion informelle, ceux-ci ont bénéficié d’un avantage indu par rapport aux autres candidats provenant de l’extérieur. De plus, ces personnes se sont vu offrir une deuxième chance, tandis que le plaignant n’a pas eu cette possibilité.

20Le plaignant conteste la nécessité de tenir un processus de nomination externe simultanément au processus de nomination interne, étant donné que l’annonce de possibilité d’emploi pour le processus de nomination interne indiquait que le nombre prévu de postes à doter était de 20.

21Le plaignant soutient qu’il est excessif de demander aux candidats de posséder 10 qualifications essentielles. Pour appuyer son point de vue, il cite le document Série d’orientation - Évaluation, sélection et nomination de la Commission de la fonction publique, notamment l’extrait suivant :

Limitez la liste de qualifications essentielles à celles qui sont cruciales pour le poste à pourvoir et utilisez les qualifications qui constituent un atout pour apporter de la souplesse dans la composition de l’équipe ou consolider les forces identifiées dans le bassin de candidatures. […]

Des méthodes combinées d’évaluation, comme l’utilisation d’une entrevue et de la vérification des références pour évaluer un critère de mérite précis, peuvent brosser un portrait plus juste si elles sont bien élaborées; les différentes sources peuvent donner des résultats similaires d’une méthode d’évaluation à une autre ou mettre au jour des discordances au niveau du comportement ou du rendement; […]

[E]nvisage[z] de mettre sur pied des répertoires de compétences afin d’éviter d’évaluer les mêmes qualifications pour les mêmes personnes dans le cadre de divers processus, de sorte que les résultats précédents puissent être utilisés lors de futurs processus de nomination.

22Le plaignant renvoie également au document de TPSGC intitulé Les huit étapes d’une prise de décision éthique et il cite plus particulièrement les questions suivantes : « Quelles seront les conséquences probables à court et à long terme si vous prenez une mesure? Quelle mesure serait la plus avantageuse? ».

23Le plaignant soutient qu’un gestionnaire ouvert d’esprit n’aurait pas établi 10 qualifications essentielles pour un poste, aurait utilisé plus d’une méthode pour évaluer les qualifications et aurait tenu compte des évaluations effectuées au cours de processus de sélection précédents, ce qui aurait permis de gagner du temps et d’optimiser les ressources financières. Il soutient que la délégataire de l’intimé a continué d’utiliser les processus d’évaluation qui avaient cours sous le régime de l’ancienne LEFP et qu’elle a refusé d’utiliser la marge de manoeuvre qui lui est accordée en vertu de la LEFP. Le plaignant soutient que la délégataire de l’intimé a adopté une politique qui l’a empêchée de tenir compte des circonstances individuelles en faisant preuve d’ouverture d’esprit.

24À l’appui de son allégation selon laquelle la direction utilise des méthodes visant à éliminer le plus de candidatures possible plutôt que de tenter de créer des bassins, le plaignant a affirmé que plusieurs autres processus de nomination s’étaient soldés par des bassins trop restreints.

25Dans ses allégations et sa réponse, le plaignant affirme que les membres du comité d’évaluation ne travaillent plus au Secteur des pensions de retraite depuis plus de 10 ans. Ceux-ci occupaient des postes au Secteur de la politique et de la législation, non pas en dotation ou en ressources humaines, lorsqu’ils ont pris leur retraite. Le plaignant affirme que les membres du comité d’évaluation ne travaillaient pas dans le domaine du traitement des demandes lorsqu’ils ont pris leur retraite et qu’ils n’avaient pas non plus travaillé dans ce domaine avant. Selon le plaignant, les exigences des postes ont changé au cours des 10 dernières années. Il soutient également que l’expérience des membres du comité concernant la LEFP doit être limitée.

B) Argumentation de l’intimé

26L’intimé soutient que le plaignant a demandé à être évalué différemment des autres candidats. Il souhaitait que son évaluation soit fondée sur son rendement passé plutôt que sur son examen écrit. Toutefois, l’intimé précise que le comité d’évaluation n’a jamais considéré le rendement passé comme un outil d’évaluation pour le processus de nomination visé.

27L’intimé soutient que la requête du plaignant équivaut à demander au comité d’évaluation d’« effectuer des recherches » [traduction] afin de trouver un outil d’évaluation qui lui permettrait d’obtenir des résultats favorables. L’intimé fait référence à la décision Gilbert c. le Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada et al., [2007] TDFP 0040 rendue par le Tribunal et fait valoir que la demande du plaignant pourrait être interprétée comme du favoritisme de la part du comité d’évaluation s’il était établi que ce dernier a tenté d’arriver à un résultat qui serait favorable au candidat.

28L’intimé soutient que l’article  36 de la LEFP prévoit un vaste pouvoir discrétionnaire pour choisir les méthodes d’évaluation visant à déterminer si un candidat possède les qualifications qui ont été établies pour le poste. De plus, il cite la décision Charter c. le sous-ministre de la Défense nationale et al., [2007] TDFP 0048, à l’appui de son affirmation selon laquelle il incombe au candidat de démontrer, selon le processus choisi, qu’il possède les qualifications essentielles pour le poste.

29L’intimé affirme qu’en l’espèce, tous les candidats ont été évalués sur le plan des capacités au moyen du même examen écrit. Il soutient qu’il n’existe aucun élément de preuve indiquant que l’utilisation de l’examen écrit n’était pas appropriée ou qu’il s’agissait d’un abus de pouvoir.

30L’intimé confirme que sa délégataire et le comité d’évaluation ont choisi les outils d’évaluation à utiliser pour évaluer les postulants avant d’afficher l’annonce de possibilité d’emploi. Lorsque le plaignant a demandé que sa situation personnelle soit prise en considération, la délégataire a procédé à une évaluation approfondie de l’examen écrit. Cette dernière, de concert avec le gestionnaire des ressources humaines, a examiné les points soulevés par le plaignant. Elle a également consulté les membres du comité d’évaluation qui avaient noté l’examen afin de s’assurer qu’elle comprenait bien le contenu de l’examen et la façon dont il avait été administré. L’intimé affirme qu’après cet examen, la délégataire était convaincue que les critères de mérite avaient été appliqués de façon appropriée et que les valeurs énoncées dans la LEFP avaient été respectées. La délégataire et le gestionnaire des ressources humaines ont rencontré le plaignant le 14 mai 2007 pour lui expliquer qu’il ne ferait pas l’objet d’une nouvelle évaluation à la lumière de son rendement passé, ce que le gestionnaire des ressources humaines lui a d’ailleurs confirmé par courriel le jour même.

31L’intimé soutient que le Tribunal a clairement établi dans sa jurisprudence que l’objectif de la discussion informelle n’était pas de procéder à une nouvelle évaluation des qualifications des candidats.

32Quant à la question de la tenue de deux processus simultanés, l’intimé fait valoir que la LEFP n’empêche pas les administrateurs généraux de lancer un processus de nomination externe dans un contexte où un processus de nomination interne visant la dotation du même poste est déjà en cours. L’intimé explique qu’il a décidé de mener deux processus de nomination de façon simultanée, car cette méthode lui permettait de répondre de façon efficace aux besoins opérationnels du ministère. Selon l’intimé, le plaignant n’a fourni aucun élément de preuve démontrant que sa décision de lancer deux processus était motivée par un motif autre que celui de satisfaire aux exigences opérationnelles du ministère.

33Pour ce qui est des 10 qualifications essentielles, l’intimé soutient que le paragraphe 30(2) de la LEFP énonce la définition du mérite et prévoit que l’administrateur général a le pouvoir d’établir les qualifications. L’intimé fait référence à la décision Visca c. le sous-ministre de la justice et al., [2007] TDFP 0024, où le Tribunal a établi que le paragraphe 30(2) de la LEFP confère aux administrateurs généraux et à leurs délégataires un vaste pouvoir discrétionnaire pour établir les qualifications requises pour les postes qu’ils souhaitent doter.

34L’intimé soutient qu’aux termes du paragraphe 30(2), c’est au gestionnaire délégataire qu’il incombe d’établir les qualifications pour le travail à accomplir. L’intimé fait valoir que le plaignant n’a pas affirmé que les qualifications essentielles établies n’étaient pas pertinentes quant au travail à accomplir. Par conséquent, il est d’avis que le Tribunal n’a aucune raison de s’immiscer dans la décision de la direction à cet égard.

35En ce qui a trait au choix des membres du comité d’évaluation, l’intimé soutient que le plaignant n’a fourni aucun renseignement à l’appui de son affirmation selon laquelle les membres du comité n’étaient pas qualifiés. L’intimé cite la décision Sampert et al. c. le sous-ministre de la Défense nationale et al., [2008] TDFP 0009, et affirme être convaincu que les membres du comité connaissaient bien le travail lié aux postes à doter et qu’ils n’avaient aucune idée préconçue quant au choix de la personne à nommer.

36En résumé, l’intimé estime que le plaignant n’a présenté aucun élément de preuve permettant de conclure à un abus de pouvoir.

C) Argumentation de la Commission de la fonction publique

37Selon la Commission de la fonction publique (CFP), le plaignant semble être d’avis que sa « capacité d’analyser et d’interpréter des données » [traduction] aurait dû être évaluée au moyen d’un autre outil. La CFP soutient que le plaignant demande en fait que les critères de mérite soient modifiés pour lui afin que son expérience passée de l’analyse et de l’interprétation des données soit évaluée plutôt que sa capacité dans ce domaine. Or, l’expérience à cet égard ne faisait pas partie des critères de mérite et n’a pas été évaluée pour les autres candidats. D’après la CFP, le plaignant demande à être évalué sur une autre base que celle des critères de mérite établis, ce qui serait contraire aux lignes directrices de la CFP.

38La CFP a également présenté ses observations habituelles sur la notion d’abus de pouvoir.

Analyse

Question I : La délégataire de l’intimé a‑t‑elle entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle a refusé de procéder à une nouvelle évaluation du plaignant en fonction de l’expérience passée de ce dernier?

39À la lumière des documents fournis, le Tribunal estime que la délégataire de l’intimé n’a pas entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. Au contraire, les éléments de preuve indiquent que celle-ci a tenu compte de la demande du plaignant, qui souhaitait être réévalué au moyen d’un outil différent. La délégataire a examiné de façon approfondie l’examen écrit et a consulté le gestionnaire des ressources humaines ainsi que les membres du comité d’évaluation qui avaient noté l’examen. Après s’être assurée que l’outil d’évaluation permettait d’évaluer les critères de mérite et que celui‑ci avait été administré de façon appropriée, elle a rencontré le plaignant pour l’informer de sa décision, laquelle a également été confirmée par écrit. Les motifs qui sous‑tendent cette décision ont été fournis par l’intimé dans son argumentation : premièrement, la décision d’avoir recours à l’examen écrit a été prise avant la tenue du processus de nomination, et celui-ci a été administré à tous les candidats; deuxièmement, le rendement passé d’un candidat n’a jamais été considéré comme un outil d’évaluation pour ce processus; troisièmement, le fait d’évaluer le plaignant d’une façon différente aurait pu être interprété comme du favoritisme.

40L’objectif de la discussion informelle n’est pas de procéder à une nouvelle évaluation des candidats, ce qui a été établi par le Tribunal dans la décision Neil c. le sous-ministre d’Environnement Canada et al., [2008] TDFP 0004, et dans le paragraphe 76 de la décision Rozka et al. c. le sous-ministre de Citoyenneté et Immigration Canada et al., [2007] TDFP 0046 :

La discussion informelle est un moyen de communication qui vise principalement à permettre à un candidat de discuter des raisons du rejet de sa candidature dans le cadre d’un processus. Si l’on découvre qu’une erreur a été faite, par exemple si le comité d’évaluation a omis de tenir compte de certains renseignements figurant dans la demande d’emploi du candidat, la discussion informelle donne l’occasion au gestionnaire de corriger son erreur. Toutefois, la discussion informelle ne doit pas constituer un mécanisme permettant de demander que le comité d’évaluation réévalue les qualifications d’un candidat.

41En l’espèce, la délégataire de l’intimé n’a pas déterminé qu’il y avait eu une erreur qui aurait nécessité la prise de mesures correctives. Sa décision de ne pas réévaluer le plaignant au moyen d’un outil différent n’empêche pas qu’elle ait accordé l’attention qu’il se devait à sa demande. La contestation de sa décision par le plaignant ne constitue pas une preuve d’abus de pouvoir.

42Aux termes de l’article 36 de la LEFP, la CFP et les personnes à qui elle délègue des pouvoirs peuvent avoir recours à toute méthode d’évaluation qu’elles estiment indiquée pour déterminer si une personne possède les qualifications établies pour le travail à accomplir. Le Tribunal a expliqué dans plusieurs décisions la nature de ce vaste pouvoir discrétionnaire (voir, par exemple, les décisions Jolin c. l’administrateur général de Service Canada et al., [2007] TDFP 0011, et Visca). L’article 36 de la LEFP est libellé comme suit :

36. La Commission peut avoir recours à toute méthode d’évaluation — notamment prise en compte des réalisations et du rendement antérieur, examens ou entrevues — qu’elle estime indiquée pour décider si une personne possède les qualifications visées à l’alinéa 30(2)a) et au sous-alinéa 30(2)b)(i).

43Au paragraphe 34 de la décision Jogarajah c. l’administrateur en chef de la santé publique de l’Agence de la santé publique du Canada et al., [2008] TDFP 0015, le Tribunal a établi ce qui suit :

[…] pour que le Tribunal conclue à l’abus de pouvoir dans le choix des méthodes d’évaluation, le plaignant doit prouver que la méthode d’évaluation n’a aucun lien avec les qualifications ou ne permet pas de les évaluer, que la méthode est déraisonnable ou discriminatoire ou que le résultat est inéquitable.

44En l’espèce, la délégataire de l’intimé a décidé d’utiliser un examen écrit pour évaluer la capacité d’analyser et d’interpréter des données. Les éléments de preuve présentés au Tribunal, que nul n’a contestés, indiquent que l’examen écrit avait, de l’avis de la délégataire, produit d’« excellents résultats » au cours de processus semblables tenus précédemment. De plus, après avoir examiné attentivement l’examen et avoir procédé à des consultations, la délégataire est demeurée convaincue que l’examen était un outil approprié pour évaluer les qualifications visées.

45Le plaignant souhaitait être évalué au moyen d’un outil différent, mais il n’a fourni aucun élément de preuve attestant que la méthode d’évaluation était déficiente, déraisonnable ou discriminatoire. Le rejet de sa candidature à l’issue du processus de nomination susmentionné ne prouve pas que l’examen était inapproprié. De plus, le Tribunal a établi dans la décision Charter que « [p]our qu’un candidat soit nommé à un poste, il doit démontrer, dans le cadre du processus d’évaluation choisi, qu’il possède les qualifications essentielles liées au poste ».

46Il n’y a pas matière à conclure à un abus de pouvoir dans le choix ou l’utilisation de l’examen écrit comme méthode d’évaluation pour ce processus de nomination.

47Le Tribunal estime que l’intimé n’a pas abusé de son pouvoir, étant donné qu’il a utilisé le pouvoir discrétionnaire qui lui était conféré pour tenir compte des préoccupations du plaignant. Les mesures prises par la délégataire de l’intimé pour réexaminer le test et la façon dont il a été administré étaient appropriées et permettaient de répondre aux préoccupations soulevées par le plaignant. Le fait que l’intimé n’ait pas réévalué le plaignant au moyen d’un outil d’évaluation différent, c’est‑à‑dire son rendement antérieur, ne constitue pas un abus de pouvoir.

Question II : L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en tenant simultanément un processus de nomination interne et un processus de nomination externe?

48Le mandat du Tribunal est énoncé au paragraphe 88(2) de la LEFP. Il lui incombe d’instruire les plaintes présentées en vertu du paragraphe 65(1) (mise en disponibilité), de l’article 74 (révocation de nominations), de l’article 77 (processus de nomination interne) et de l’article 83 (application des mesures correctives), et de statuer sur ces plaintes.

49La plainte en l’espèce a été présentée en vertu de l’article 77 de la LEFP, lequel est libellé comme suit :

77. (1) Lorsque la Commission a fait une proposition de nomination ou une nomination dans le cadre d’un processus de nomination interne, la personne qui est dans la zone de recours visée au paragraphe (2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement du Tribunal, présenter à celui-ci une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination pour l’une ou l’autre des raisons suivantes :

  1. abus de pouvoir de la part de la Commission ou de l’administrateur général dans l’exercice de leurs attributions respectives au titre du paragraphe 30(2);
  2. abus de pouvoir de la part de la Commission du fait qu’elle a choisi un processus de nomination interne annoncé ou non annoncé, selon le cas;
  3. omission de la part de la Commission d’évaluer le plaignant dans la langue officielle de son choix, en contravention du paragraphe 37(1).

50L’article 77 traite uniquement des plaintes liées aux processus de nomination internes. Aucune plainte liée à quelque aspect que ce soit d’un processus de nomination externe ne peut être présentée en vertu de l’article 77. Ni cet article ni toute autre disposition de la LEFP n’autorisent le Tribunal à instruire les plaintes liées aux processus de nominations externes. À cet égard, voir la décision Robillard c. le président de l’Agence des services frontaliers du Canada et al., [2007] TDFP 0015.

51Il est clair que le plaignant ne souscrit pas à la décision de tenir un processus de nomination externe. Toutefois, comme il est expliqué ci-dessus, le Tribunal n’a pas compétence pour statuer sur des questions liées aux processus de nomination externes.

52En outre, le Tribunal est convaincu que l’intimé a décidé de tenir simultanément deux processus de nomination, car il estimait que cette façon de faire lui permettrait de répondre au mieux aux besoins du ministère. L’article 29 de la LEFP confère à la CFP, ou aux gestionnaires délégataires, le pouvoir de tenir des processus de nomination externes ou internes. Aucune disposition de la LEFP ne prévoit que ces processus ne peuvent avoir lieu de façon simultanée. Par conséquent, le Tribunal estime que l’intimé n’a pas abusé de son pouvoir par rapport au processus de nomination interne susmentionné lorsqu’il a décidé de tenir un processus de nomination externe simultané.

Question III : L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans l’établissement des qualifications essentielles?

53Le paragraphe 30(2) de la LEFP confère aux administrateurs généraux et à leurs délégataires le pouvoir d’établir les qualifications essentielles pour le travail à accomplir, afin que les nominations effectuées soient fondées sur le mérite.

54Dans la décision Visca, le Tribunal a établi que les personnes délégataires jouissaient d’un vaste pouvoir discrétionnaire pour établir les qualifications requises pour le poste à doter. Dans la décision Neil, le Tribunal a établi qu’il incombait aux délégataires d’établir les qualifications pour le travail à accomplir, conformément au paragraphe 30(2).

55Le plaignant n’a pas affirmé que l’une ou plusieurs des qualifications essentielles n’étaient pas pertinentes en ce qui a trait au travail à accomplir. En fait, il n’a formulé aucune allégation à l’égard de la teneur de quelque qualification essentielle que ce soit. Il n’a évoqué que le nombre de qualifications essentielles, car il estimait qu’il était déraisonnable de la part de l’intimé d’en demander autant. Il soutient que le fait d’exiger 10 qualifications essentielles est excessif, selon le document de la CFP intitulé Série d’orientation - Évaluation, sélection et nomination.

56Conformément aux exigences et à l’esprit du paragraphe 30(2) de la LEFP, il est possible de limiter le nombre de qualifications essentielles et d’avoir recours à des qualifications constituant un atout ou à d’autres critères pour choisir un candidat qualifié en vue d’une nomination. Toutefois, il est également loisible aux administrateurs généraux de limiter les critères de mérite aux seules qualifications essentielles; par ailleurs, l’établissement de nombreuses qualifications essentielles n’équivaut pas à un abus de pouvoir en soi. Pour conclure à un abus de pouvoir, il ne suffit pas de mettre en question le nombre de qualifications essentielles sans formuler d’observations ni fournir de preuve quant à leur pertinence pour le travail à accomplir ou à leur caractère inapproprié. Il n’existe aucun élément de preuve démontrant que l’intimé a abusé de son pouvoir lorsqu’il a établi 10 qualifications essentielles.

Question IV : L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans la sélection des membres du comité d’évaluation?

57Le plaignant soutient que les deux membres du comité d’évaluation n’étaient pas qualifiés étant donné qu’ils avaient pris leur retraite depuis plus de 10 ans, qu’ils n’avaient jamais travaillé dans le domaine du poste à doter avant de quitter la fonction publique et que leur expérience en matière de LEFP était limitée.

58L’intimé affirme pour sa part être convaincu que les membres du comité connaissaient bien les fonctions du poste, car ils avaient tous deux à leur actif de nombreuses années d’expérience au Secteur des pensions de retraite, du regroupement des pensions et des services à la clientèle de TPSGC.

59Le plaignant n’a fait référence à aucun règlement ni à aucune politique pour appuyer son allégation selon laquelle les membres d’un comité d’évaluation doivent avoir accompli les tâches ou les fonctions du poste à doter. Tel qu’il a été établi dans la décision Sampert et al., les membres du comité d’évaluation doivent bien connaître les fonctions du poste à doter.

60À la lumière des éléments de preuve qui lui ont été fournis, le Tribunal juge que le plaignant n’a pas réussi à prouver, selon la prépondérance des probabilités, que les membres du comité n’étaient pas qualifiés. Rien n’indique que l’intimé a abusé de son pouvoir dans le choix des deux membres du comité d’évaluation.

Décision

61Pour tous ces motifs, la plainte est rejetée.

Merri Beattie

Membre

Parties au dossier

Dossier du Tribunal :
2007-0271
Intitulé de la cause :
Jeffrey Trites et le sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et al.
Audience :
Instruction sur dossier
Date des motifs :
17 avril 2009
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