Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’Agence canadienne du revenu (ACR) a soumis une demande à la Commission pour qu’elle rende une décision à l’égard d’une ESE - dans la demande, elle a demandé que les postes dont les titulaires répondent à des demandes d’information concernant le crédit pour la TPS/TVH soient déclarés comme essentiels à la sécurité du public - le service que l’employeur a voulu inclure à l’ESE était le service assuré par des ASC dans des centres d’appel pour assurer le versement des paiements du crédit pour la TPS/TVH - il a demandé aussi que la Commission établisse le nombre de postes requis et les postes précis devant s’occuper de la prestation des services essentiels - les parties ont convenu que les demandes d’information au sujet de la Prestation fiscale canadienne pour enfants (PFCE) seraient incluses à l’ESE - la Commission a statué que l’ARC avait agi trop vite en combinant des services essentiels et le niveau de service et puis en proposant le nombre des postes requis - une analyse plus structurée était nécessaire, et il fallait d’abord définir le concept de service essentiel avant que l’ARC puisse établir le niveau de service, auquel moment l’agent négociateur pourrait négocier le nombre des postes requis - le fardeau de la preuve incombe à l’employeur, qui doit prouver qu’il y a des motifs raisonnables et suffisants pour décider que le service est essentiel - la Commission doit opter pour la prudence lorsqu’elle cherche à établir la nécessité économique et elle a rendu que la distribution continue des paiements était nécessaire pour assurer la sécurité économique d’une partie du public - la Commission a conclu que le fait de répondre à des appels téléphoniques concernant des changements d’adresse et la non-réception de paiements est un service essentiel pour assurer la distribution continue du crédit pour la TPS/TVH. Directives données à propos de l’entente sur les services essentiels.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2010-09-22
  • Dossier:  593-34-16
  • Référence:  2010 CRTFP 101

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique


ENTRE

AGENCE DU REVENU DU CANADA

demanderesse

et

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défenderesse

Relativement au groupe Exécution des programmes et des services administratifs

Répertorié
Agence du revenu du Canada c. Alliance de la Fonction publique du Canada

Affaire concernant une demande de règlement d’une question pouvant figurer dans une entente sur les services essentiels, prévue au paragraphe 123(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Ian R. Mackenzie, vice-président

Pour la demanderesse:
Karl Chemsi, avocat

Pour la défenderesse:
Helen Berry, Alliance de la Fonction publique du Canada

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
les 22 et 23 juin 2010.
(Traduction de la CRTFP)

I. Demande devant la Commission

1 Le 8 janvier 2010, l’Agence du revenu du Canada (l’ARC ou la « demanderesse ») a demandé à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») de statuer sur une affaire concernant une entente sur les services essentiels (ESE) devant être offerts dans six centres d’appels de tout le pays. L’ARC voulait que la Commission décide que les postes dont les occupants étaient chargés de répondre à des demandes de renseignements au sujet du Crédit pour taxe sur les produits et services/taxe de vente harmonisée (CTPS) sont essentiels pour la sûreté et la sécurité du public. Ces postes font partie du groupe Exécution des programmes et des services administratifs (SP). Les parties ont convenu que les demandes de renseignements sur la Prestation fiscale canadienne pour enfants (PFCE) doivent être incluses dans une ESE. Dans sa demande, l’ARC déclarait ce qui suit :

[Traduction]

[…] La présente demande confirme que 117 postes sont nécessaires pour assurer sans interruption la détermination et le versement des paiements du CTPS aux bénéficiaires admissibles en cas de grève.

2 Deux témoins ont comparu pour l’ARC. L’agent négociateur n’a pas fait comparaître de témoins.

II. Résumé de la preuve

3 La demande porte sur les tâches accomplies par les agents des services aux contribuables (ASC) des six centres d’appels répartis dans tout le pays. Les ASC répondent aux appels téléphoniques des contribuables concernant trois secteurs de programme : Impôt sur le revenu des particuliers (T1), PFCE et CTPS. L’ARC n’a pas proposé que les demandes de renseignements au sujet de l’impôt sur le revenu des particuliers fassent partie de l’ESE. L’agent négociateur a reconnu que les services relatifs à la PFCE devraient faire partie d’une ESE. Il conteste toutefois l’inclusion dans l’ESE des services offerts au sujet du CTPS.

4 L’agent négociateur a fait une distinction entre la PFCE et le CTPS pour étayer sa position. Je vais donc décrire brièvement ces deux programmes.

5 La PFCE est un paiement mensuel non imposable versé aux familles admissibles à faible revenu pour les aider à subvenir aux besoins de leurs enfants de moins de 18 ans (pièce A-4). Le paiement peut inclure une Prestation pour enfants handicapés, autre paiement mensuel conçu pour aider financièrement les familles admissibles à subvenir aux besoins d’un enfant ayant une déficience grave et prolongée des fonctions mentales ou physiques, et il peut également inclure le Supplément de la prestation nationale pour enfants. La PFCE de base s’élève à 1 340 $ par année pour chaque enfant de moins de 18 ans, soit environ 112 $ par mois puisqu’elle est payée mensuellement. Des montants supplémentaires sont payables à partir du troisième enfant ainsi que pour un enfant handicapé. La prestation de base est réduite de 2 % du revenu familial net lorsqu’il dépasse 38 832 $, et elle est réduite de 4 % pour les familles ayant au moins deux enfants. Le Supplément de la prestation nationale pour enfants est de 145 $ à 173 $ par mois; il est réduit dès que le revenu familial net dépasse 21 816 $.

6 Le CTPS est un paiement trimestriel qui aide les Canadiennes et Canadiens à revenu faible et modeste à récupérer, en tout ou en partie, la taxe sur les produits et services (TPS) ou la taxe de vente harmonisée (TVH) qu’ils paient. Le CTPS est fonction du revenu. Le seuil de faible revenu y donnant droit va de 40 126 $ pour une personne adulte célibataire à 52 986 $ pour un parent seul ou un couple avec quatre enfants (pièce A-3). Les paiements sont versés tous les trimestres (en juillet, en octobre, en janvier et en avril). Chaque adulte admissible a droit à un paiement annuel de 250 $ ainsi qu’à un paiement de 131 $ par enfant de moins de 18 ans. Les parents seuls ont droit à un paiement de 250 $ pour un enfant (l’équivalent du conjoint ou de la conjointe). On inclut également dans le même paiement trimestriel ceux de plusieurs programmes provinciaux liés à une taxe de vente ou à un autre crédit pour faible revenu, p. ex. le crédit pour la taxe sur les mesures climatiques aux résidants à faible revenu de la Colombie-Britannique (pièce A-5). Le montant du paiement est fonction du nombre d’enfants et du montant du crédit provincial applicable, s’il y a lieu. Dans les scénarios préparés par l’ARC pour l’audience (pièce A-8), les montants payables trimestriellement se situaient entre 223,25 $ et 490,25 $. Contrairement aux autres crédits d’impôt, aucune preuve de paiement n’est exigée.

7 Dans le cas du CTPS, les paiements sont appliqués sur les soldes de l’impôt sur le revenu ou sur les montants dus à d’autres programmes fédéraux ou provinciaux, contrairement aux paiements de la PFCE, qui ne sont pas appliqués sur des montants dus (pièce A-4).

8 Dans sa demande, l’ARC a expliqué pourquoi elle tenait à inclure dans une ESE les services offerts à l’égard tant de la PFCE que du CTPS :

[Traduction]

[…] Les prestations non imposables constituent une portion considérable du revenu mensuel de certains bénéficiaires, de sorte qu’il est essentiel que ces familles à faible revenu reçoivent la prestation qu’elles attendent en temps opportun. Dans bien des cas, les paiements des programmes provinciaux et territoriaux de prestations pour enfants et de crédits sont joints à ces paiements de prestations. […] Nos services de réponse aux demandes de renseignements téléphoniques jouent un rôle crucial pour que les Canadiennes et les Canadiens reçoivent les paiements auxquels ils ont droit en temps voulu. Une interruption de ces services pourrait causer des difficultés à de nombreux bénéficiaires.

9 L’ARC a aussi joint à sa demande une explication de la « raison d’être » des postes d’ASC. Le résumé de leurs fonctions se lit comme suit :

[Traduction]

Donner des explications et des éclaircissements aux bénéficiaires en répondant à des demandes de renseignements généraux notamment en ce qui concerne leur admissibilité, leurs droits et des questions de comptabilité relativement aux multiples programmes de prestations sociales administrés par l’Agence du revenu du Canada, surtout la Prestation fiscale canadienne pour enfants (PFCE) et le Crédit pour taxe sur les produits et services (CTPS).

Le travail comprend des tâches consistant notamment à aider à remplir des demandes de PFCE; à mettre à jour des adresses postales pour assurer la réception des paiements en temps voulu; à mettre à jour les renseignements sur l’identité des enfants ou le lieu de résidence et à expliquer les questions d’admissibilité, incluant les cas de changement de la principale personne responsable des soins, ainsi que les calculs des paiements, y compris les changements des montants et la recherche des paiements manquants.

10 L’ARC a également présenté une description de travail de ce poste (pièce A-2).

11 Linda Watts est gestionnaire par intérim au centre d’appels de Hamilton, en Ontario. Elle a occupé plusieurs postes dans ce centre d’appels, où elle travaille depuis 12 ans. Les numéros de téléphone qu’il faut composer pour avoir de l’information sur la PFCE et sur le CTPS sont différents. Tous les appels sont reçus à l’administration centrale puis acheminés automatiquement à un des centres d’appels. Le routage est basé sur le nombre d’appels et sur l’heure. La personne qui appelle déclenche un processus automatique pour obtenir des renseignements généraux sur toute une gamme de sujets, mais elle peut aussi parler avec un ASC. Mme Watts a témoigné que si quelqu’un composait le numéro de la PFCE et voulait poser une question sur le CTPS, l’ASC lui dirait d’appeler au numéro du CTPS. Les appels ne sont pas transférés, et l’ASC ne répond pas aux appels concernant le CTPS si le numéro composé était celui de la PFCE, et vice versa.

12 L’ARC conseille aux contribuables de communiquer avec ses centres d’appels pour les fins suivantes (pièce A-3) :

[Traduction]

  • Un changement d’adresse;
  • un changement du nombre de vosenfants à garde;
  • un changement de votreétat matrimonial;
  • pour commencer, cesser ou changer un dépôt direct;
  • en cas de décès d’un/une bénéficiaire du CTPS ;
  • si un/une bénéficiaire du CTPS n’habite plus au Canada;
  • si vous n’avezpas reçu un paiement.

13 Mme Watts a témoigné que les contribuables devraient également téléphoner pour informer d’un changement de leur revenu susceptible d’influer sur les prestations auxquelles ils ont droit.

14 Des dates limites de changement, notamment le changement d’adresse, influent sur la réception des paiements. Ces dates varient en fonction de celle à laquelle le chèque est émis. Par exemple, pour un chèque d’avril 2010, la date limite (la « date de création ») était le 9 mars 2010. Si le changement n’a pas été reçu avant le 9 mars 2010, il n’a pas été reflété dans le paiement d’avril, mais seulement dans le paiement trimestriel suivant.

15 Mme Watts a témoigné qu’un changement d’adresse peut être fait par téléphone avec un ASC. Les contribuables peuvent aussi écrire à l’ARC pour faire un changement d’adresse. Il faut de 6 à 12 semaines pour faire un changement d’adresse demandé par la poste. Les contribuables peuvent également faire leur changement d’adresse en ligne après avoir établi ce qu’on appelle « Mon compte ». Selon Mme Watts, il peut falloir jusqu’à trois semaines pour établir un tel compte.

16 Les contribuables qui veulent faire changer leur état matrimonial doivent envoyer un formulaire ou une lettre à leur bureau local des services fiscaux (BSF); ce changement ne peut pas être fait par téléphone. S’ils se le font demander, les ASC répondent aux contribuables de se procurer le formulaire nécessaire sur Internet ou à leur BSF local. Lorsque le nombre d’enfants à charge change, le crédit est recalculé. Si un enfant est inscrit pour les fins de la PFCE, il l’est également pour celles du CTPS. Quand le contribuable n’a pas présenté de demande pour obtenir la PFCE (ou s’il n’y est pas admissible), il doit remplir un formulaire et le soumettre soit électroniquement, soit directement à un BSF.

17 Mme Watts a témoigné que les ASC peuvent donner aux contribuables de l’information sur la façon de faire changer leur état matrimonial et leur nombre d’enfants à charge même s’il leur est impossible d’effectuer le changement eux-mêmes par téléphone. Par exemple, l’ASC peut expliquer comment obtenir le formulaire approprié et où l’envoyer. Il peut aussi expliquer quoi écrire dans la lettre ou dans le formulaire. Enfin, il peut dire combien de temps il pourrait falloir pour que le changement soit effectué et quand s’attendre à un changement de paiement de CTPS.

18 Les contribuables ne peuvent pas faire changer leurs coordonnées bancaires par téléphone à moins d’avoir [traduction] « d’autres produits de l’ARC déposés dans le même compte » (pièce A-3). Les seuls changements pouvant être faits par téléphone quant au dépôt direct consistent à l’annuler ou à faire verser un paiement dans un compte déjà inscrit au dossier à l’ARC. Si l’ARC ne peut pas déposer directement le paiement, elle envoie un chèque par la poste à l’adresse au dossier.

19 Lorsqu’un paiement de CTPS n’est pas reçu, on peut tenter de le retracer 10 jours ouvrables après la date à laquelle il aurait dû être reçu. Dans le cas de la PFCE, on peut commencer à faire de même cinq jours après cette date. Nina Dyer est gestionnaire par intérim de la Division du programme téléphonique de la Direction des services aux contribuables à l’administration centrale de l’ARC, à Ottawa. Selon elle, s’il est impossible de trouver un chèque, on ne peut en créer un nouveau qu’une fois que le contribuable a rempli un formulaire et un affidavit; ce processus pourrait durer longtemps, et il coûte cher à l’ARC.

20 En 2009-2010, les centres d’appels ont reçu plus de 16 millions d’appels. Environ 12,4 p. 100 étaient des demandes de renseignements sur la PFCE et 9,8 p. 100, des demandes de renseignements sur le CTPS (pièce A-6).

21 Une enquête sur les appels concernant la PFCE et le CTPS faits en 2008 (pièce A-5) a révélé que 82 p. 100 de tous les appels portaient sur les comptes des contribuables eux-mêmes. C’était le cas pour 90 p. 100 des appels concernant le CTPS. Les appels portaient sur des questions telles que le montant que le contribuable allait recevoir, la confirmation d’où en était sa demande, un changement d’adresse ou la confirmation d’un changement d’adresse et la déclaration d’un changement du nombre d’enfants à charge ou d’un changement de l’état matrimonial. Un total de 16 p. 100 des appels portaient sur des changements d’adresse de bénéficiaires du CTPS. Environ 13 p. 100 de tous les appels concernant le CTPS étaient des demandes relatives à des paiements qui n’avaient pas été reçus. À peu près 5 p. 100 des appels étaient ce que Mme Watts a qualifié [traduction] d’« appels de réconfort », de gens qui voulaient simplement se faire confirmer qu’ils allaient recevoir un chèque. Les demandes de renseignements sur le dépôt direct représentaient environ 5 p. 100 de toutes les demandes concernant le CTPS. Il s’agissait soit de changements de l’information bancaire, soit de l’annulation du dépôt direct.

22 Mme Dyer a témoigné que l’ARC avait décidé que les appels de réconfort ne devraient pas faire partie d’une ESE. En cas de grève, elle a déclaré que l’ARC comptait avoir un message automatique informant les contribuables qu’elle ne répondrait pas à de tels appels et les renvoyant à une option libre-service, ou à des services en ligne. Elle a dit que l’ARC considérait comme essentiels les appels au sujet d’un paiement non reçu, tout autant que les appels concernant des changements d’adresse. Selon elle, l’ARC considérait le CTPS comme essentiel parce que c’était un programme basé sur le revenu et que les contribuables admissibles en avaient donc besoin.

23 Enfin, Mme Dyer a témoigné sur la façon de l’ARC de déterminer le niveau de service à offrir en cas de grève. Ce n’est pas pertinent pour la demande et je n’ai pas résumé cette partie de son témoignage. Elle a également témoigné sur la démarche qui a mené l’ARC à ses conclusions sur le nombre de postes nécessaires pour offrir le service essentiel. Comme j’ai décidé qu’il est prématuré de déterminer le nombre de ces postes, je n’ai pas résumé non plus cette partie-là de son témoignage.

III. Résumé de l’argumentation

24 Les parties ont présenté des arguments de vive voix à l’audience. L’agent négociateur a également produit des arguments écrits à l’appui de ses arguments de vive voix. Ces arguments écrits ont été versés au dossier à la Commission.

A. Pour l’ARC

25 La demande de l’ARC dont la Commission est saisie comprend deux volets. Premièrement, l’ARC demande à la Commission de décider que les services pour le CTPS offerts par les agents des centres d’appels constituent des services essentiels pour la sûreté et la sécurité du public. Deuxièmement, elle veut que la Commission statue sur le nombre de postes ainsi que sur les postes précis qui sont nécessaires à la prestation de ce service essentiel. Elle a déclaré demander clairement que je me prononce sur ces deux questions.

26 Le nombre de postes proposé par l’ARC correspond à la masse critique d’employés nécessaire à la prestation du service essentiel. Les deux questions — la détermination du service essentiel et celle des postes — sont liées et ne peuvent pas être analysées séparément.

27 La preuve a montré que les agents affectés aux centres d’appels s’occupent de deux programmes — le CTPS et la PFCE. Les agents répondent aux appels sur les deux lignes. Les demandes de renseignements sont semblables pour les deux programmes. Les contribuables appellent pour savoir quels montants on leur doit et où en sont leurs paiements, ainsi que pour faire changer leurs renseignements personnels (adresse ou état matrimonial, par exemple).

28 L’ARC a déterminé le niveau de service à offrir en cas de grève en examinant les types d’appels reçus et le nombre normal d’agents requis. Elle est arrivée à 98 postes en divisant par deux le nombre d’agents dont elle a normalement besoin. Elle a jugé que les appels de réconfort n’étaient pas essentiels, et la preuve a montré qu’elle compte détourner les appels de ce genre.

29 L’ARC a déclaré qu’un service essentiel est tout ce qui influe sur la réception du CTPS, ce qui comprend les changements d’adresse, l’information sur le dépôt direct et le traitement des renseignements relatifs aux changements de l’état matrimonial et du nombre d’enfants à charge. La preuve a montré que les paiements peuvent être retardés si les contribuables n’arrivent pas à joindre un agent avant une certaine date limite.

30 L’ARC a fait valoir que je dois tenir compte de l’ensemble de la situation et que je suis tenu de reconnaître que les occupants des 98 postes répondent à la fois à des demandes de renseignements concernant le CTPS et la PFCE.

31 Le fardeau de la preuve incombe essentiellement à l’ARC (Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (groupe Services des programmes et de l’administration), 2009 CRTFP 55 (« Service Canada »), paragr. 70). L’agent négociateur n’a pas produit de preuve. La preuve de l’ARC n’est pas contredite. Dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Agence Parcs Canada, 2008 CRTFP 97 (« Parcs Canada »), la Commission a jugé qu’elle devait être très prudente lorsqu’elle est appelée à déterminer ce qui constitue un service essentiel. Son rôle consiste à concilier l’intérêt public et le droit de grève.

32 La preuve a démontré que le CTPS est conçu à l’intention des contribuables à faible revenu (pièces A-8 et A-10). L’ARC part du principe qu’il est extrêmement important d’éviter tout risque de menacer la sécurité d’un contribuable. Si le contribuable était incapable de communiquer avec un agent pour faire changer son adresse, il ne pourrait pas recevoir son chèque à temps. Or, ce contribuable avait probablement calculé ce paiement dans son budget. Nous ne savons pas quelle est la situation de chaque contribuable, et l’ARC n’est pas en mesure d’informer la Commission de ce que les gens font de l’argent qu’elle leur verse. Nous pouvons seulement déduire que les contribuables qui téléphonent au gouvernement pour s’informer de leurs paiements en ont besoin.

33 L’ARC a déjà tenu compte du droit de grève en proposant la moitié des postes, de sorte que l’agent négociateur est déjà rassuré que le droit de grève n’est pas sapé. En outre, elle a déjà concédé que certains appels ne sont pas essentiels. Elle a le droit exclusif de déterminer le niveau d’un service essentiel à offrir. La Commission devrait faire preuve d’une certaine déférence pour son analyse.

34 Dans Service Canada, les services proposés étaient semblables au service en l’espèce : le Régime de pensions du Canada (RPC), l’assurance-emploi (AE) et la sécurité de la vieillesse (SV). Dans cette décision, la Commission s’était reportée à une décision rendue en 1978 par l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Commission ») (AFPC c. Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 181-02-1 (19780605)), dans laquelle l’ancienne Commission avait conclu que la sûreté et la sécurité étaient menacées seulement quand « […] il existe une portion de bénéficiaires dont le degré de dépendance est tel que leur état de santé serait mis en danger » s’ils étaient privés des prestations « […] sur lesquelles ils comptent comme seule source raisonnable et fiable pouvant assurer leur subsistance ». Le CTPS n’existait pas en 1978. Les programmes et la situation économique de l’époque n’étaient pas les mêmes qu’aujourd’hui. Dans cette affaire-là, l’employeur ne souscrivait pas à l’idée que le critère devait être qu’on « dépende exclusivement » d’un paiement particulier. Il avait déclaré qu’il était raisonnable de dire que tout montant reçu par le contribuable en fonction de son revenu était un montant dont il avait besoin.

35 S’il existe un risque que la santé et la sécurité d’au moins certains des bénéficiaires sera menacée, cela justifie de conclure à l’existence d’un service essentiel. Comme la Commission l’a déclaré dans Service Canada, au paragraphe 102 :

Même si la Commission n’est pas en mesure de quantifier l’ampleur ou le caractère immédiat du risque possible pour la sécurité économique du public d’après la preuve qui lui est présentée, elle ne peut conclure sans risque de se tromper qu’il n’existe pas de tel risque ou que le risque est trop mineur pour justifier une décision favorisant le défendeur. Bien que la preuve produite par le défendeur soit limitée et essentiellement indirecte, elle est suffisante pour établir la possibilité raisonnable que l’aide fournie par les ASC au moins à certains membres du public qui se rendent dans des CSC est nécessaire pour leur sécurité économique […]

36 Le paiement de CTPS est fonction du revenu. Il pourrait être substantiel pour certains contribuables et minime pour d’autres. Aucune méthode scientifique ne permet de déterminer le nombre de personnes touchées.

37 L’agent négociateur peut prétendre que l’ARC pourrait avoir recours à d’autres moyens de communication, mais ce n’est pas pertinent. L’alinéa 121(2)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) dispose que l’employeur n’est pas obligé de changer le cours normal de ses opérations, notamment en ce qui concerne « le matériel » qu’il utilise.

38 Pour conclure, l’ARC a demandé à la Commission de rendre une ordonnance précisant que les services qui influent sur la prestation du CTPS soient considérés comme essentiels pour la sûreté et la sécurité du public. Elle a également demandé à la Commission d’ordonner que les 98 postes qu’elle a identifiés soient tenus d’offrir ce service essentiel.

39 Subsidiairement, l’ARC a déclaré que les 98 postes étaient nécessaires pour offrir les services dans le cadre du programme de la PFCE à lui seul. Elle a déclaré que si je devais juger que la prestation du CTPS n’est pas essentielle, je devrais réserver ma décision sur le nombre de postes jusqu’à ce que les parties aient eu le temps d’en discuter.

B. Pour l’agent négociateur

40 L’agent négociateur a déclaré que les faits ne sont pas contestés, ce qui ne l’empêche pas de contester l’idée que les services liés au CTPS soient un service essentiel.

41 Dans Parcs Canada, la Commission a exposé son interprétation des nouvelles dispositions de la LRTFP sur les services essentiels. La Commission a souligné (au paragraphe 134) que la nature et la portée des changements introduits dans la LRTFP reflétaient une approche très différente de celle du régime de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. La Commission a également reconnu sa responsabilité de donner « son sens » au droit de grève prévu par les autres dispositions de la LRTFP (paragraphes 152 et 153) de Parcs Canada.

42 En reconnaissant plusieurs différences entre l’ancienne loi et la LRTFP, la Commission a souligné dans Parcs Canada que le concept d’« employés désignés » ou de « postes désignés » avait disparu et qu’il avait été remplacé par la notion de « service essentiel », déterminé dans le contexte d’une « entente sur les services essentiels » négociée par les parties (paragraphe 143). Cela confirme la position de l’agent négociateur que la LRTFP a établi un nouveau régime, qui a complètement remplacé l’ancien processus des employés ou des postes « désignés ».

43 La Commission a également expliqué dans Parcs Canada que plusieurs éléments du régime de l’ancienne loi continuent de s’appliquer sous celui de la LRTFP en dépit des changements législatifs, notamment parce que le fardeau de la preuve continue d’incomber d’abord à l’employeur. Elle a déclaré dans cette décision (au paragraphe 180) que l’employeur doit lui soumettre des preuves pour la persuader qu’il existe « un fondement raisonnable et suffisant » lui permettant de conclure qu’un service est essentiel.

44 En outre, plusieurs autres principes de la jurisprudence continuent à s’appliquer lorsqu’il s’agit de déterminer ce qui constitue la sûreté ou la sécurité du public. Le plus important est qu’il existe une importante distinction entre les situations qui causent des inconvénients au public ou à l’employeur et celles qui menacent la  sûreté ou la sécurité du public. Comme l’ancienne Commission l’avait déclaré dans Conseil du Trésor c. Alliance de la Fonction publique du Canada (groupe de la Bibliothéconomie), dossier de la CRTFP 181-02-348 (19970303), les inconvénients « sont le résultat naturel d’une interruption des services » (page 10).

45 Dans Parcs Canada, la Commission a décrit le « cheminement analytique » qui s’impose pour conclure une entente sur les services essentiels sous le régime de la LRTFP, en déclarant que la « première question à régler » pour toute ESE est « la désignation des services essentiels ». La question dont la Commission est actuellement saisie est une « première question à régler ». L’agent négociateur n’a pas contesté les fonctions accomplies par les ASC, mais il a maintenu que ces fonctions sont accomplies afin d’offrir des services qui ne sont pas essentiels pour la sûreté ou la sécurité du public. Sa position consiste plus particulièrement à déclarer que le CTPS n’est pas un service, un programme ou une activité du gouvernement du Canada qui est ou sera nécessaire à un moment quelconque pour la sûreté ou la sécurité du public ou d’une partie du public.

46 Dans deux cas récents, la Commission a pu examiner les décisions de l’ancienne Commission sur la mesure dans laquelle la sécurité économique du public était protégée par l’ancienne loi et vérifier comment la notion de sécurité économique pourrait être interprétée sous le nouveau régime des services essentiels : Service Canada (aux paragraphes 81 à 86) et AFPC c. Conseil du Trésor (groupe Services des programmes et de l’administration), 2009 CRTFP 56 (« Industrie Canada ») (aux paragraphes 72 et 73).

47 Dans plusieurs cas, l’ancienne Commission avait déclaré jusqu’à quel point la sécurité économique pouvait être protégée en cas de grève. Dans Service Canada, la Commission a longuement cité des extraits de décisions sur le « bien-être social » rendues sous le régime de l’ancienne Loi (aux paragraphes 82 et 83) :

82      La décision rendue par la Commission en 1978 dans Alliance de la Fonction publique du Canada — Groupe des commis aux écritures et aux règlements, groupe de la gestion de l’exécution et groupe du traitement des données a ouvert la voie. La question soumise à la Commission dans cette décision était « […] dans quelle mesure, en cas de grève, il est nécessaire dans l’intérêt de la sûreté ou de la sécurité des bénéficiaires de commencer et de continuer à verser les prestations prévues dans le cadre de chacun des programmes [de bien-être social] susmentionné ». La Commission a conclu (à la page 7) que la sûreté et la sécurité du public ne sont pas nécessairement compromises par le défaut de commencer ou de continuer à verser des prestations. La sûreté et la sécurité du public posent problème seulement

[…]

[…] s’il existe une portion de bénéficiaires dont le degré de dépendance est tel que leur état de santé serait mis en danger s’ils étaient privés des prestations auxquelles ils ont droit et sur lesquelles ils comptent comme seule source raisonnable et fiable pouvant assurer leur subsistance.

[…]

83      Le concept de dépendance à l’égard du revenu qui est au cœur de la décision rendue par la Commission en 1978 diffère de la notion de « difficultés économiques » jugée par la Commission, un an plus tard, non visée par la sécurité du public : voir Conseil du Trésor c. Alliance de la Fonction publique du Canada (Groupe de la radiotélégraphie) au paragraphe 12, comme le mentionne la demanderesse.

48 De même, dans Industrie Canada, la Commission a insisté sur la distinction entre des « difficultés économiques » — qui ne sont pas considérées comme un risque pour la sûreté ou la sécurité du public — et le « type de menace que la Commission a considéré, dans des décisions antérieures, comme incluant un risque légitime pour la “ sécurité du public ”» (paragraphe 73 de cette décision-là).

49 Comme ce qui suit le démontre, la décision de la Commission dans Service Canada reposait largement sur la distinction entre les « difficultés économiques » ou « l’insécurité économique » et la mesure dans laquelle le bien-être économique des clients pouvait être menacé s’il leur était impossible d’avoir accès aux services des centres de Service Canada en cas de grève (paragraphe 102) :

[…] La Commission peut raisonnablement conclure de la preuve présentée qu’au moins certains membres du public qui interagissent avec des ASC pour faire valoir leurs demandes fondées sur des « besoins impérieux » font face à des risques immédiats pour leur sécurité économique. Parmi le grand nombre de clients qui demandent aux ASC de les aider à remplir leurs demandes d’a.-e., la Commission peut raisonnablement convenir du fait qu’une partie de ce groupe est formée de personnes qui n’ont pas d’autres revenus immédiats et qui sont menacés de vivre une situation d’insécurité économique grave. Cette conclusion est conforme aux décisions rendues par la Commission dans Alliance de la Fonction publique du Canada — Groupe des commis aux écritures et aux règlements, groupe de la gestion de l’exécution et groupe du traitement des données et Groupe du traitement mécanique des données. D’autres déductions et conclusions sont raisonnables pour d’autres catégories de demandeurs et de bénéficiaires de prestations.

50 Dans ces deux décisions (Industrie Canada et Service Canada), la Commission a soulevé d’importantes réserves quant à l’insuffisance des preuves présentées par le défendeur pour démontrer le risque qui résulterait de l’interruption des services en cas de grève. Dans les deux décisions, la Commission a expliqué comme suit les sortes de renseignements qui pourraient être nécessaires pour démontrer des difficultés économiques suffisamment graves pour menacer la sûreté ou la sécurité du public (Service Canada,au paragraphe 98) :

[…] Par exemple, il aurait pu être très utile d’obtenir des renseignements concrets afin de confirmer que de nombreux bénéficiaires qui se rendent dans des CSC sont dépendants des prestations, car il s’agit de leur seule source de revenus ou de l’essentiel de leurs revenus. À titre d’exemple, il aurait pu être utile de comprendre combien de prestataires avec lesquels les ASC interagissent sont le seul soutien de famille du ménage. Il est concevable que d’autres types de renseignements au sujet de la situation financière des demandeurs ou des prestataires, notamment ceux qui se sont rendus dans des CSC, auraient également pu contribuer à une meilleure compréhension de l’impact potentiel sur la sécurité économique des clients qui bénéficient des services que fournissent les ASC.

51 En concluant dans Industrie Canada que les analystes des faillites adjoints n’accomplissaient pas de fonctions de services essentiels, la Commission a de nouveau souligné qu’on devait lui présenter des preuves convaincantes que la sûreté ou la sécurité du public serait menacée en cas de grève.

52 L’agent négociateur estime que le problème est le même ici. L’ARC n’a présenté aucune preuve du risque pour la sûreté ou la sécurité du public qui résulterait de l’envoi de paiements de CTPS en retard ou à la mauvaise adresse en cas de grève. Elle n’a même pas démontré que les paiements seraient retardés ou envoyés à la mauvaise adresse si les ASC ne répondaient pas aux demandes de renseignements des contribuables sur le CTPS.

53 L’ARC a déclaré qu’un changement de l’état matrimonial pouvait faire nettement changer le montant du paiement du CTPS auquel un contribuable a droit, alors que Mme Watts a témoigné que les ASC ne pourraient pas aider un contribuable désireux de faire changer son état matrimonial par téléphone : ils ne pourraient que lui indiquer le formulaire à employer et la procédure applicable.

54 L’agent négociateur a reconnu que le fardeau de présenter des preuves convaincantes et suffisantes incombait vraiment à l’ARC, en se disant d’avis qu’elle était loin de s’en être acquittée. Son approche en ce qui concerne l’identification des services essentiels est toutefois fondée sur les principes, puisqu’il est d’avis que ces services doivent faire en sorte que la sûreté ou la sécurité du public ne soient pas menacées en cas de grève de ses membres. Il est donc important que la Commission comprenne pourquoi l’agent négociateur estime que le service offert à l’égard du CTPS n’est pas un service essentiel.

55 Comme la Commission l’a souligné dans Service Canada, l’agent négociateur n’avait pas contesté que certains éléments des programmes de prestations du RPC, de la SV ou de l’AE doivent pouvoir être maintenus en cas de grève, particulièrement le traitement des demandes et le versement des prestations aux personnes admissibles. De même, en l’occurrence, l’agent négociateur est d’accord avec l’ARC quand elle déclare que la sécurité économique de certains membres du public pourrait être menacée si la réception de leurs paiements mensuels de la PFCE était retardée par une grève.

56 La position de l’agent négociateur était basée sur la nature des prestations elles-mêmes. Ces prestations peuvent être la principale sinon la seule source de revenu de certains bénéficiaires, qui peuvent en dépendre pour subvenir à des besoins fondamentaux comme la nourriture et le logement. Si leurs paiements de la PFCE tardaient à venir à cause d’une grève, l’agent négociateur a reconnu que la sécurité de certains membres du public serait menacée. Cela ne vaut pas pour le CTPS.

57 Afin de démontrer pourquoi le service offert à l’égard du CTPS n’est pas un service essentiel, il peut être utile de comparer quelques aspects du CTPS et de la PFCE, laquelle n’est pas contestée en l’espèce, comme suit :

[Traduction]

Objet et fréquence des paiements

CTPS – « Le crédit pour la TPS/TVH est un paiement trimestriel non imposable qui aide les particuliers et les familles à revenu faible ou modeste à récupérer, en tout ou en partie, la TPS/TVH qu’ils paient. »

PFCE – « La prestation fiscale canadienne pour enfants est un paiement mensuel non imposable versé aux familles admissibles pour les aider à subvenir aux besoins de leurs enfants de moins de 18 ans. »

Paiements différés

CTPS – « En général, nous versons le crédit le cinq de chaque trimestre (juillet, octobre, janvier et avril). Si vous n’avez pas reçu votre versement à cette date, attendez dix jours ouvrables avant de communiquer avec nous au 1-800-959-1953. »

PFCE – « Si vous n’avez pas reçu votre versement à ladate prévue, attendez cinq jours ouvrables avant de communiquer avec nous au 1-800-387-1193. »

Paiements versés en trop

CTPS – « Si un nouveau calcul indique que nous vous avons versé un montant de crédit pour la TPS/TVH en trop, nous vous enverrons un avis accompagné d’une pièce de versement jointe qui indiquera le montant que vous devez rembourser. Nous pourrions récupérer ce montant sur vos versements futurs du crédit pour la TPS/TVH ou sur vos remboursements d’impôt. Remarque : Nous appliquerons également les versements du crédit pour la TPS/TVH sur le solde d’impôt impayé ou sur les montants dus à d’autres programmes gouvernementaux fédéraux ou provinciaux. »

PFCE – « Si un nouveau calcul indique que nous vous avons versé un montant en trop de la PFCE, nous vous enverrons un avis accompagné d’une pièce de versement jointe qui indiquera le montant que vous devez rembourser. Nous pourrions le récupérer, en totalité ou en partie, sur vos versements futurs de la PFCE, du crédit pour la taxe sur les produits et services/taxe de vente harmonisée (TPS/TVH) ou de vos remboursements d’impôt, jusqu’à ce que le montant versé en trop soit remboursé. »

58 Les calculs suivants, basés sur les scénarios du CTPS (pièce A-8) et sur le calculateur en ligne des prestations de l’ARC, démontrent l’importante différence entre le CTPS, en pourcentage du revenu annuel net, et la PFCE, en pourcentage du revenu annuel, selon chaque scénario :

Scénarios                CTPS            PFCE

1                           8,1 %            21 %

2                           4,1 %            45 %

3                           6,4 %            25 %

4                           7,1 %            N.D.

5                           6,4 %            49 %

6                           6,1 %            30 %

7                           5,4 %            30 %

8                           3,8 %            19 %

59 Les calculs démontrent que le programme de CTPS n’est pas un programme de sécurité du revenu, puisqu’il s’agit d’un crédit offert aux particuliers et aux familles à revenu faible et modeste pour leur permettre de récupérer des taxes déjà payées. Le montant modeste du crédit annuel, le long intervalle entre les paiements, le peu d’empressement à remédier aux retards dans la réception des chèques et la politique rigoureuse sur les paiements en trop révèlent une grande différence entre le CTPS et la PFCE.

60 L’extrait suivant du paragraphe 102 de Service Canada réitère les motifs qui ont incité la Commission à conclure que certaines des fonctions accomplies par les agents de services aux citoyens (ASC) sont essentielles :

[…] La Commission peut raisonnablement conclure de la preuve présentée qu’au moins certains membres du public qui interagissent avec des ASC pour faire valoir leurs demandes fondées sur des « besoins impérieux » font face à des risques immédiats pour leur sécurité économique. Parmi le grand nombre de clients qui demandent aux ASC de les aider à remplir leurs demandes d’a.-e., la Commission peut raisonnablement convenir du fait qu’une partie de ce groupe est formée de personnes qui n’ont pas d’autres revenus immédiats et qui sont menacés de vivre une situation d’insécurité économique grave. […]

61 Dans le cas du CTPS, on n’a produit aucune preuve que les ASC pourraient obtempérer à la demande d’un contribuable invoquant ses « besoins impérieux » pour accélérer le retraçage d’un paiement en retard ou envoyé à la mauvaise adresse ou pour le remplacer rapidement. Mme Dyer a témoigné que si un contribuable appelait pour faire changer une adresse après la date de création du paiement, l’ASC l’informerait que le changement ne prendrait pas effet avant la date du prochain paiement et qu’il devrait attendre jusqu’à la date prévue pour le retracement pour que l’ARC commence à retracer le paiement manquant. En avril 2010, cette date était 18 jours après celle de la création du chèque (pièce A-9). Mme Dyer a également témoigné que si le chèque n’était pas localisé, le contribuable devrait remplir un formulaire et produire un affidavit pour recevoir un chèque de remplacement, que [traduction] « ce processus pourrait durer longtemps » et que ça [traduction] « coûte cher » à l’ARC.

62 L’ARC n’a également avancé aucune preuve laissant entendre que le CTPS pourrait être la principale sinon la seule source de revenu immédiat d’un contribuable. Au contraire, les scénarios qu’elle a présentés sur le CTPS le présentent, tout comme les crédits provinciaux connexes, comme faisant partie du revenu d’un contribuable. Les scénarios montrés le prouvent, le CTPS ne représente qu’un petit pourcentage de ce revenu, et si un paiement était en retard ou envoyé à la mauvaise adresse, on ne pourrait pas raisonnablement conclure que le contribuable serait menacé « […] de vivre une situation d’insécurité économique grave […] » (Service Canada, paragraphe 102).

63 L’agent négociateur a reconnu qu’il ne serait pas approprié que la Commission fixe un montant « minimum » d’une prestation ou d’un crédit pour qu’il soit considéré comme un service essentiel. Néanmoins, il ressort clairement de la jurisprudence de l’ancienne Commission et de la Commission elle-même qu’elle se doit de concilier la sûreté et la sécurité du public avec le droit des syndiqués de faire la grève.

64 La Commission l’a résumé dans Parcs Canada, au paragraphe 179 :

179    […] Premièrement, comme l’indiquait la jurisprudence de l’ancienne Commission et comme le réitère le préambule de la nouvelle Loi, la Commission devrait privilégier la prudence en protégeant les intérêts du public en matière de sécurité; voir, par exemple, Canada (Conseil du Trésor) c. Alliance de la Fonction publique du Canada (Groupe de la radiotélégraphie, catégorie technique). Deuxièmement, en adoptant une optique différente, la Commission devrait veiller à ne pas priver les employés de leur droit de grève (ni, en ce faisant, miner la capacité de l’agent négociateur de mener des négociations collectives efficaces) à moins d’être convaincue que la preuve qui lui est soumise établit une base solide qui lui permet de déclarer un service essentiel ou de déterminer les autres éléments qui devraient être inclus dans une ESE.

65 On en trouve des exemples pertinents dans la jurisprudence. D’une part, la Commission s’est montrée très prudente dans Service Canada quand elle avait des preuves que des membres du public faisaient face à « […] des risques immédiats pour leur sécurité économique […] » ou que des personnes « […] qui n’ont pas d’autres revenus immédiats […] sont menacé[e]s de vivre une situation d’insécurité économique grave ». D’autre part, dans Conseil du Trésor c. AFPC (groupe Opérations radio), dossier de la CRTFP 181-02-99 (19790601), l’ancienne Commission a conclu que la sûreté et la sécurité du public « […] n’englobent pas ces fonctions qui serviraient uniquement à permettre à l’employeur de mener ses affaires comme d’habitude, non plus qu’elles n’englobent ces fonctions qui serviraient uniquement à préserver l’employeur de difficultés économiques ou le public d’inconvénients qu’il pourrait subir » (paragraphe 12 de cette décision-là).

66 Une des préoccupations dont la Commission a fait état dans Service Canada était que les ASC ne pouvaient pas savoir qui se présenterait au Centre de Service Canada, de quel service ces clients auraient besoin ou s’ils auraient vraiment besoin d’aide pour demander des prestations d’AE, du RPC ou de la SV, ou pour continuer d’en recevoir. Pour les postes contestés en l’espèce, ce n’est pas pertinent. Comme les deux témoins l’ont déclaré, chaque « service » a son propre numéro de téléphone. Mme Watts a également témoigné que si un ASC devait recevoir un appel sur l’autre ligne, il pourrait répondre à une question de nature générale, mais n’aurait pas accès au compte individuel du contribuable; il devrait lui demander de retéléphoner sur l’autre ligne, parce qu’il ne pourrait pas transférer l’appel. Mme Dyer a déclaré que les centres d’appels sont nationaux et que le routage de tous les appels est informatisé et effectué centralement. Quand les centres d’appels sont fermés, les contribuables entendent un message automatique au numéro 1-800. Elle a également déclaré que la ligne du formulaire T1 ou des renseignements généraux n’avait pas été proposée comme service essentiel. Quand on lui a demandé comment ce service-là serait géré en cas de grève, Mme Dyer a répondu qu’un service de réponse automatique informerait les personnes qui composeraient le numéro que le service ne serait pas disponible, en les renvoyant aux services en ligne ou à l’option libre-service. Le syndicat est d’avis que la même approche pourrait s’appliquer pour la ligne téléphonique du CTPS en cas de grève.

67 L’ARC ne s’est pas acquittée du fardeau de prouver de façon convaincante que la sûreté ou la sécurité du public serait menacée ni comment elle le serait si les ASC chargés de tâches de soutien du CTPS devaient exercer le droit de grève que leur donne la loi.

68 Le montant modeste du crédit et le manque de rapidité des mesures prises pour recouvrer les paiements de CTPS en retard ou perdus montrent qu’il ne s’agit pas d’un programme de sécurité du revenu et qu’on ne peut pas raisonnablement l’interpréter comme étant une source immédiate de sécurité économique du genre de celle que la Commission a jugé essentielle dans sa jurisprudence. L’agent négociateur a maintenu que le CTPS n’est pas un service essentiel au sens de la définition qu’en donne le paragraphe 4(1) de la LRTFP et que les postes permettant de l’offrir ne devraient pas être inclus dans une ESE.

69 L’agent négociateur a soutenu qu’on ne m’a présenté aucune preuve sur l’effet des retards de paiements de CTPS et que je ne devrais pas en prendre note judiciairement. De même, on ne m’a présenté aucune preuve que les circonstances économiques aient changé depuis 1978, de sorte que je ne devrais pas non plus en prendre note judiciairement.

IV. Réplique de l’ARC

70 L’ARC demande à la Commission de se prononcer sur le service essentiel et sur le nombre de postes. Elle n’a pas l’intention de scinder sa demande en deux.

71 L’utilité de la jurisprudence de l’ancienne Commission a été reconnue, mais elle ne lie pas la Commission.

72 L’agent négociateur n’a pas correctement décrit le fardeau de la preuve. L’ARC doit soumettre des preuves à la Commission pour la persuader qu’il existe « un fondement raisonnable et suffisant » lui permettant de conclure qu’un service est essentiel (Parcs Canada, paragraphe 180).

73 Le montant du CTPS n’est guère pertinent. Personne ne peut présumer que des montants de 300 $ ou 400 $ sont négligeables.

V. Motifs

74 L’ARC a devancé ses obligations dans cette demande. Elle a combiné la définition du service essentiel avec le niveau de ce service à offrir, puis proposé le nombre de postes nécessaires pour offrir ce niveau d’un service essentiel. Un examen de la LRTFP et de la jurisprudence indique qu’une analyse plus structurée s’impose. Le service essentiel doit être défini avant que l’ARC puisse fixer le niveau du service essentiel à offrir. L’agent négociateur n’est pas en mesure de négocier le nombre de postes requis avant que le service essentiel soit clairement défini. Par conséquent, j’ai défini le service essentiel et je vais renvoyer l’affaire aux parties en en demeurant saisi pour pouvoir me prononcer sur toutes les questions qui pourraient être soulevées une fois que l’ARC aura déterminé le niveau de service à offrir.

75 La première question à laquelle je dois répondre est celle de la nature du « service » que l’employeur veut faire déclarer essentiel. Il me faut commencer par examiner la description que l’employeur en a donnée dans sa demande, puis examiner la preuve présentée. L’employeur a décrit le service comme les [traduction] « postes nécessaires pour assurer le maintien du calcul et du versement des paiements de CTPS ». La preuve qu’il a présentée porte exclusivement sur le service offert par les ASC aux centres d’appels. Comme nous l’avons vu plus tôt, la LRTFP a dépassé une approche basée sur des positions en ce qui concerne les services essentiels. La preuve est claire : le rôle des ASC se limite à donner des renseignements sur les paiements auxquels les contribuables ont droit et à modifier certains renseignements concernant les bénéficiaires (j’y reviendrai plus loin). Rien dans la preuve ne laisse entendre que les ASC jouent un rôle quelconque dans le « calcul » des paiements de CTPS. La description que l’employeur a donnée du service dans sa demande et la preuve présentée m’amènent à la conclusion que la description du service que l’employeur souhaite est le service offert aux centres d’appels (par les ASC) qui assure la distribution des paiements de CTPS.

76 La deuxième question à laquelle je dois répondre dans cette demande consiste à savoir si le service offert aux centres d’appels est « nécessaire à la sécurité de tout ou partie du public » (paragraphe 4(1) de la LRTFP). L’aspect critique consiste à décider si tout ou partie du service offert par les ASC est nécessaire au  maintien des paiements de CTPS en cas de grève.

77 Le fardeau de la preuve incombe à l’employeur, qui doit présenter des preuves pour convaincre la Commission « qu’il existe un fondement raisonnable et suffisant lui permettant de conclure […] qu’un service est essentiel » (Parcs Canada, paragraphe 180).

78 La Commission et l’ancienne Commission ont eu l’occasion d’examiner des programmes dont les prestations sont fonction du revenu des bénéficiaires admissibles. Les programmes dont il était question dans ces cas étaient naguère appelés des programmes de « bien-être social » et sont maintenant plus communément appelés des programmes de « soutien du revenu ». Le programme de CTPS est un programme de crédit d’impôt en fonction du revenu qui rembourse à des contribuables à revenu faible et moyen la TPS ou la TVH qu’ils ont payée. Sa seule différence par rapport aux programmes de soutien du revenu comme celui de la PFCE, c’est qu’il est réputé être un « crédit » permettant de récupérer des dépenses déjà faites, mais ce n’est pas un programme de remboursement au sens strict, puisque les contribuables ne sont absolument pas tenus de prouver le montant de TPS ou de TVH qu’ils ont payé au cours du trimestre. En somme, le CTPS peut être considéré comme un supplément de revenu pour les contribuables à revenu faible et moyen. C’est pour ce motif que je considère comme pertinente la jurisprudence de la Commission sur les programmes de soutien du revenu.

79 La Commission s’est penchée récemment sur des programmes de soutien du revenu dans Service Canada. Les programmes visés dans la demande d’ESE étaient l’assurance-emploi (AE), le Régime de pensions du Canada (RPC) et la sécurité de la vieillesse (SV). Après avoir examiné les décisions de l’ancienne Commission au sujet des programmes de bien-être social, la Commission a déclaré ce qui suit :

[…]

87 […] la leçon la plus importante à retenir des décisions antérieures de la Commission en ce qui a trait aux programmes d’aide sociale est la conclusion constante selon laquelle l’interruption des prestations ou de l’accès aux mécanismes requis pour commencer à verser des prestations s’accompagne du risque de mettre en péril la sécurité de certains bénéficiaires. Au risque de pécher par excès de prudence, la Commission a décidé par le passé que toutes les prestations devraient continuer à être versées en situation de grève afin que les personnes qui en dépendent pour assurer leur sécurité économique de base ne soient pas mises en danger.

[…]

80 La Commission a également souligné dans Service Canada ses réserves lorsqu’elle n’avait pas de preuve directe quant à la nature et l’ampleur de l’effet des paiements sur la sécurité économique de certains membres du public. Cela vaut tout aussi bien en l’espèce. Après avoir examiné les types de preuves qui auraient pu aider la Commission à déterminer avec certitude la dépendance économique des clients, et par conséquent à savoir combien de clients feraient face à un risque pour leur sécurité économique si le service n’était pas offert, la Commission a conclu comme suit dans Service Canada :

[…]

102    Même si la Commission n’est pas en mesure de quantifier l’ampleur ou le caractère immédiat du risque possible pour la sécurité économique du public d’après la preuve qui lui est présentée, elle ne peut conclure sans risque de se tromper qu’il n’existe pas de tel risque ou que le risque est trop mineur pour justifier une décision favorisant le défendeur. Bien que la preuve produite par le défendeur soit limitée et essentiellement indirecte, elle est suffisante pour établir la possibilité raisonnable que l’aide fournie par les ASC au moins à certains membres du public qui se rendent dans des CSC est nécessaire pour leur sécurité économique. Par exemple, la Commission peut s’appuyer sur des témoignages selon lesquels les versements de SRG sont fondés sur le revenu — seuls les bénéficiaires de prestations du RPC qui n’ont pas d’autres sources de revenu ou qui ont d’autres revenus limités peuvent établir un droit — pour conclure que la sécurité du revenu de base des demandeurs de prestations de SRG pourrait être mise en péril si des obstacles entravent le processus de demande. La Commission peut raisonnablement conclure de la preuve présentée qu’au moins certains membres du public qui interagissent avec des ASC pour faire valoir leurs demandes fondées sur des « besoins impérieux » font face à des risques immédiats pour leur sécurité économique. Parmi le grand nombre de clients qui demandent aux ASC de les aider à remplir leurs demandes d’a.-e., la Commission peut raisonnablement convenir du fait qu’une partie de ce groupe est formée de personnes qui n’ont pas d’autres revenus immédiats et qui sont menacés de vivre une situation d’insécurité économique grave.

[…]

81 Cette demande ne contient guère de preuve directe de la dépendance des bénéficiaires à faible revenu des paiements de CTPS. L’employeur aurait pourtant pu présenter des preuves telles que des enquêtes statistiques sur les revenus et les dépenses des Canadiens et des Canadiennes à faible revenu, alors que la seule preuve directe qu’il ait avancée d’un risque pour leur sécurité économique était le nombre d’appels de réconfort reçus par les ASC. L’ARC a déclaré que cela signifiait qu’au moins ceux qui appelaient avaient besoin de ces paiements. Le montant de CTPS que les particuliers ou les familles à faible revenu peuvent recevoir n’est pas important à première vue, puisqu’il peut aller de 223 $ à 490 $ par trimestre. Néanmoins, cela peut représenter jusqu’à 8,1 % du revenu du particulier ou de la famille. L’agent négociateur n’a pas contesté les scénarios sur lesquels l’ARC avait basé ces calculs. Il est possible que l’employeur ait exagéré dans ce qu’il a déduit du nombre d’appels de réconfort. Néanmoins, étant donné que les paiements de CTPS représentent jusqu'à 8,1 % du revenu de certains bénéficiaires, je reconnais que les appels de certains d’entre eux prouvent qu’ils en ont besoin pour leur sécurité économique.

82 L’agent négociateur a concédé qu’il n’est pas nécessaire qu’un paiement versé à des contribuables à faible revenu soit leur seule source, voire leur source dominante de revenu. La prestation de base de la PFCE pour un enfant est d’environ 112 $ par mois, et l’agent négociateur a accepté que le maintien de son versement est un service essentiel. On peut facilement penser que la PFCE n’est pas la seule source de soutien du revenu des contribuables à faible revenu.

83 Par contre, l’agent négociateur a déclaré que comme les paiements de CTPS auxquels un contribuable a droit pourraient être appliqués sur les montants dus à l’ARC (notamment sur le solde d’impôt impayé), contrairement à ceux de la PFCE, le CTPS n’est pas nécessaire pour subvenir aux besoins d’un particulier ou d’une famille. Le fait que les paiements sont traités différemment ne signifie pas que les montants normalement reçus ne sont pas nécessaires pour subvenir aux besoins des bénéficiaires.

84 L’agent négociateur a également déclaré que le nombre de jours requis pour signaler un paiement manquant (10 jours pour le CTPS et 5 jours pour la PFCE) démontrait que le CTPS n’était pas nécessaire pour subvenir aux besoins des bénéficiaires. La différence entre le nombre de jours peut refléter la différence de priorités pour les paiements, mais elle ne prouve pas que les paiements de CTPS ne sont pas nécessaires pour subvenir aux besoins des bénéficiaires.

85 Il est impossible de déterminer au bout du fil l’importance du CTPS pour un contribuable donné. Je reconnais qu’il est possible que bien des gens qui téléphonent n’aient pas besoin de ce paiement pour leur sécurité économique. Il n’empêche que la Commission doit se montrer très prudente lorsqu’elle est appelée à se prononcer sur la sécurité économique. Certaines des personnes qui appellent peuvent avoir besoin du CTPS pour subvenir à leurs besoins. Je conclus donc que le maintien des paiements de CTPS est nécessaire pour la sécurité économique de certains membres du public.

86 L’étape suivante de ma démarche consiste à appliquer cette description générale aux services précis offerts par les ASC aux centres d’appels. Quels services offerts par les ASC sont nécessaires pour assurer le maintien des paiements de CTPS? Voici ce qu’on peut lire dans Service Canada :

106 Cependant, une ESE ne doit pas comporter le même niveau de détails qu’une description de travail. La description de travail est un outil créé essentiellement aux fins de la classification d’un poste en fonction d'une norme de classification. Dans une ESE, un service essentiel est décrit pour un motif assez différent. La description doit être assez précise pour que l’on puisse déterminer quelles fonctions principales devraient être maintenues dans l’éventualité d’une grève et décider plus facilement des autres éléments de contenu requis dans une ESE, soit essentiellement le nombre final de postes qui seront nécessaires pour offrir le service essentiel advenant une grève. À cette fin, la Commission ne s’attend pas à ce que les ESE ressemblent nécessairement à un ensemble d’extraits de documents de classification.

87 L’ARC a concédé que répondre aux appels téléphoniques de personnes désireuses de s’informer où en est un paiement (« appels de réconfort ») n’est pas essentiel. Cela reflète le fait que la façon de répondre à ces appels n’a aucun effet sur le maintien du versement (ou la réception) des paiements de CTPS. L’employeur a déclaré que les éléments suivants sont essentiels :

  • changements d’adresse;
  • changements d’état matrimonial et changements du nombre d’enfants admissibles;
  • changements des renseignements relatifs au dépôt direct;
  • changement de revenu pouvant influer sur le montant du paiement;
  • réaction à une déclaration que le/la bénéficiaire est décédé(e) ou n’habite plus au Canada;
  • réaction à une déclaration de paiement non reçu.

88 Les seuls services ou « fonctions principales » des ASC qui correspondent à la description du service essentiel influent sur le maintien des paiements de CTPS. Les changements d’adresse influent puissamment sur le versement et sur la réception des paiements de CTPS. Si un changement d’adresse n’est pas fait en temps opportun, il faut du temps pour faire créer un nouveau chèque, ce qui peut causer des difficultés économiques pour certains membres du public. Réagir à des déclarations que des paiements n’ont pas été reçus pourrait également influer sur la sécurité de certains membres du public. L’ASC peut faire retracer un paiement, ce qui pourrait régler ce problème. Les changements d’état matrimonial, de revenu et du nombre d’enfants admissibles (qui peuvent tous influer sur le montant du paiement) ne peuvent pas être effectués par un ASC; les contribuables eux-mêmes doivent s’en charger, en remplissant un formulaire et en l’envoyant au BSF local. La plupart des changements de renseignements concernant le dépôt direct ne peuvent pas être communiqués par téléphone à un ASC. Cela dit, si l’ARC ne peut pas faire le paiement par dépôt direct, elle envoie simplement le chèque à l’adresse au dossier, de sorte qu’il n’y a pas d’interruption du paiement du CTPS. La preuve n’a pas permis d’établir clairement si l’ASC peut faire les changements nécessaires lorsqu’il est informé qu’un bénéficiaire est décédé ou n’habite plus au Canada. Quoi qu’il en soit, si ces changements n’étaient pas effectués en cas de grève, il en résulterait simplement un montant payé en trop qui serait récupéré par l’ARC.

89 Par conséquent, les services offerts par les ASC que j’ai jugé essentiels sont les suivants :

  • faire les changements d’adresse;
  • réagir aux déclarations de paiement non reçu.

90 La description du service essentiel est la suivante :

Les services suivants qui assurent le maintien du versement du Crédit pour taxe sur les produits et services (CTPS) et qui sont offerts par les agents des services aux contribuables (ASC) aux centres d’appels sont nécessaires pour la sûreté ou la sécurité du public :

Répondre aux demandes téléphoniques de changement d’adresse des bénéficiaires du CTPS et aux rapports de paiements de CTPS non reçus.

91 Les parties ont déjà convenu que tous les services offerts à l’égard de la PFCE doivent être inclus dans l’ESE.

92 L’ARC a déjà fait connaître sa position sur le niveau de service à offrir. Toutefois, elle a fixé ce niveau sans connaître la description du service essentiel. Je vais donc renvoyer cette question à l’employeur pour qu’il détermine le niveau de service à offrir en cas de grève en se basant sur la description du service essentiel qui précède.

93 Les parties devront alors négocier le nombre de postes nécessaires pour offrir le niveau requis du service essentiel. L’agent négociateur n’était pas en mesure de présenter des arguments à l’employeur sur le nombre de postes approprié avant de connaître la définition du service essentiel et le niveau du service essentiel à offrir. Les parties vont donc devoir négocier le nombre de postes en se basant sur la définition du service essentiel.

94 Je vais rester saisi de l’affaire pour me prononcer sur toutes les questions qui pourraient être soulevées une fois que l’employeur aura déterminé le niveau de service à offrir.

95 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

96 L’Entente sur les services essentiels (ESE) à l’égard du groupe SP comprendra la disposition suivante :

Les services suivants qui assurent le maintien du versement du Crédit pour taxe sur les produits et services (CTPS) et qui sont offerts par les agents des services aux contribuables (ASC) aux centres d’appels sont nécessaires pour la sûreté ou la sécurité du public :

Répondre aux demandes téléphoniques de changement d’adresse des bénéficiaires du CTPS et aux rapports de paiements de CTPS non reçus.

97 La Commission ordonne à la demanderesse de déterminer le niveau auquel les services essentiels précédents seront offerts au public en cas de grève, en vertu de l’article 120 de la LRTFP, et d’en informer la défenderesse dans les 30 jours de la présente décision.

98 La Commission ordonne en outre aux parties de reprendre les négociations et de faire tous les efforts raisonnables pour négocier le reste du contenu de l’ESE en ce qui concerne les centres d’appels.

99 La Commission demeure saisie de toutes les autres questions que les parties n’auront pas réglées.

Le 21 septembre 2010.

Traduction de la CRTFP

Ian R. Mackenzie,
vice-président

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