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Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a affirmé que l'intimé avait abusé de son pouvoir dans l'application du mérite et que la nomination du candidat reçu était entachée de favoritisme personnel. La plainte a été présentée au Tribunal le 20 février 2009, soit le lendemain de la date limite pour la présentation des plaintes. La plaignante a affirmé qu'une employée du Tribunal lui avait dit, le 19 février 2009, qu'elle pouvait faire parvenir sa plainte le lendemain. Le 23 février 2009, l'intimé a présenté une requête visant à faire rejeter la plainte au motif que celle-ci avait été présentée en dehors des délais prescrits par le Règlement du Tribunal de la dotation de la fonction publique, selon lequel les plaintes doivent être présentées dans les quinze jours suivant l'avis public de nomination ou de proposition de nomination. Pour régler l'affaire, le Tribunal devait déterminer s'il était approprié que la plaignante se fonde sur des affirmations qu'elle attribuait à un employé du Tribunal concernant le délai de présentation d'une plainte. Décision : Le délai prévu pour la présentation d'une plainte est un délai de rigueur, qui peut toutefois être mis de côté aux termes du Règlement du TDFP. Toutefois, il incombe au plaignant de présenter des circonstances exceptionnelles qui pourraient justifier la prorogation de ce délai de rigueur. En l'espèce, la plaignante n'a fourni aucune explication de son retard. Elle a simplement affirmé qu'elle avait discuté avec une employée du Tribunal, qui lui avait assuré qu'elle pouvait faire parvenir sa plainte le lendemain, soit le 20 février 2009, date qui se situait clairement à l'extérieur de la période limite pour la présentation des plaintes. Le Tribunal a déterminé que les employés du Tribunal n'étaient pas contraignables lorsqu'il s'agissait de fournir des éléments de preuve à l'appui de la position des plaignants. Le Tribunal n'accorde aucune valeur à l'un ou l'autre des propos que la plaignante attribue à un employé du Tribunal. Celui-ci ne fournit pas d'avis juridique aux parties susceptibles de comparaître devant lui. Lorsqu'un employé du Tribunal donne un renseignement sous forme de précision ou d'indication, il n'agit pas dans le cadre d'un avis juridique. En conséquence, les plaignants ne peuvent pas se fonder sur des propos qu'ils attribuent à un employé du Tribunal en ce qui concerne le respect des délais prescrits pour la présentation d'une plainte. Requête accordée; plainte rejetée.

Contenu de la décision

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Dossier:
2009-0115
Rendue à:
Ottawa, le 25 juin 2009

CANDICE MCCONNELL
Plaignante
ET
LE SOUS-MINISTRE DE LA DÉFENCE NATIONALE
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Requête est accordée
Décision:
La requête est accordée
Décision rendue par:
Guy Giguère, président
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
McConnell c. Sous-ministre de la Défence nationale
Référence neutre:
2009 TDFP 0018

Motifs de décision

Introduction

1La plaignante, Candice McConnell, a présenté une plainte auprès du Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) en vertu de l’article 77 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP) alléguant que l’intimé, le sous-ministre de la Défense nationale, a abusé de son pouvoir dans l’application du mérite. Elle soutient qu’il y a eu favoritisme personnel dans la nomination au poste de superviseur, Administration et dossiers, aux groupe et niveau CR-05.

2L’intimé a déposé une requête visant à faire rejeter la plainte au motif que celle-ci a été présentée en dehors des délais prescrits.

Contexte

3Le 4 février 2009, le poste de superviseur, Administration et dossiers, a fait l’objet d’un avis d’information concernant les nominations intérimaires sur Publiservice. La date limite pour le dépôt d’une plainte était le 19 février 2009.

4La plaignante a présenté une plainte le 20 février 2009. Elle y mentionne ce qui suit :

Je sais que la période prescrite pour le dépôt d’une plainte est indiquée ainsi : Date de notification : du 04/02/2009 jusqu’à la date de clôture de la période prescrite pour le dépôt d’une plainte, le 19/02/2009; le 19 février 2009 à 10 h environ, j’ai téléphoné au Tribunal de la dotation de la fonction publique et j’ai parlé à […] [une employée du Tribunal]. Cette dernière m’a dit que je pouvais toujours transmettre ma plainte par télécopieur […] elle m’a aussi affirmé que je pouvais m’adresser à elle si j’avais d’autres questions […]

[traduction]

5Le 23 février 2009, l’intimé a présenté une requête visant à faire rejeter la plainte au motif qu’elle a été présentée en dehors des délais prescrits. La plaignante n’a pas présenté d’argumentation à cet égard.

6Le 31 mars 2009, le Tribunal a enjoint la plaignante de répondre à la requête de l’intimé en expliquant les raisons pour lesquelles sa plainte avait été présentée après la date de clôture de la période prescrite pour le dépôt d’une plainte, y compris les circonstances exceptionnelles.

7Le 6 avril 2009, la plaignante a indiqué que l’employée du Tribunal lui avait précisé, le 19 février 2009, qu’elle pouvait transmettre sa plainte le lendemain : « J’ai présenté ma plainte avant le 19 février 2009 parce qu’il était indiquée que la date de clôture était échue le 20 février 2009. Lorsque j’ai appelé, j’ai parlé avec […] [une employée du Tribunal] et elle m’a dit que je pouvais présenter ma plainte le 20 février 2009 » [traduction].

Question en litige

8Pour régler la présente affaire, le Tribunal doit déterminer s’il est approprié que la plaignante se fonde sur les propos qu’elle attribue à un employé du Tribunal en ce qui concerne le délai prescrit pour présenter une plainte.

Argumentation des parties

A) Argumentation de l’intimé

9L’intimé fait valoir que la plainte a été présentée en dehors de la période indiquée au paragraphe 10b) du Règlement du Tribunal de la dotation de la fonction publique, DORS/2006-6 (Règlement du TDFP). En effet, selon le paragraphe 10b), une plainte doit être déposée dans les quinze jours suivant l’avis public de nomination ou de proposition de nomination. Le délai de quinze jours est de rigueur. Or, l’avis a été affiché sur Publiservice le 4 février 2009 et indiquait que la date de clôture pour le dépôt des plaintes était le 19 février 2009. Le Tribunal a reçu la plainte le 20 février 2009.

B) Argumentation de la plaignante

10Dans son argumentation, la plaignante soutient qu’elle s’est fondée sur les propos d’une employée du Tribunal et que sa plainte devrait être considérée comme ayant été présentée en temps opportun. La plaignante n’a mentionné aucune circonstance exceptionnelle et n’a évoqué aucune raison ou situation à l’appui de sa position.

Analyse

11Le paragraphe 10b) du Règlement du TDFP indique que si l’avis de nomination ou de proposition de nomination auquel se rapporte la plainte est un avis public, celle-ci doit être présentée dans les quinze jours suivant la date de l’avis. Aux termes de l’article 11 du Règlement du TDFP, une plainte doit être présentée par écrit.

12La plaignante devait présenter sa plainte dans les quinze jours civils suivant la date de notification, à savoir au plus tard le 19 février 2009; le Tribunal a reçu la plainte le 20 février 2009. Il ne fait donc aucun doute que la plainte a été présentée en dehors des délais prescrits.

13Dans la décision MacDonald c. L’administrateur général de Service Canada et als., [2006] TDFP 0002, le Tribunal a statué que le délai pour déposer une plainte est un délai de rigueur. Comme l’a également soutenu le Tribunal dans la décision MacDonald, ce délai de rigueur peut être prorogé conformément à l’article 5 du Règlement du TDFP. Néanmoins, comme l’a confirmé le Tribunal dans nombre de décisions, il incombe au plaignant de fournir les circonstances exceptionnelles qui justifieraient la prorogation du délai de rigueur.

14Dans sa plainte, la plaignante a mentionné qu’elle savait que la date de clôture était le 19 février 2009, puisque l’avis d’information concernant les nominations intérimaires le précisait. Elle affirme avoir parlé à une employée du Tribunal le 19 février 2009 et déclare que celle-ci lui a expliqué qu’elle pouvait transmettre sa plainte par télécopieur. Par ailleurs, elle n’explique pas ce qui l’a empêchée de présenter sa plainte ce jour-là, au moment où il était toujours possible de respecter les délais.

15Pour justifier le dépôt tardif de sa plainte, le 6 avril 2009 la plaignante a affirmé avoir parlé à une employée du Tribunal, laquelle lui aurait expliqué qu’elle pouvait transmettre sa plainte le lendemain, c’est-à-dire le 20 février 2009. Tout comme l’admet la plaignante dans sa plainte, il est clair que cette date se situe en dehors de la période prescrite. Il est difficile de comprendre pourquoi la plaignante qui, le 19 février 2009, se trouvait toujours dans les délais prescrits pour déposer sa plainte, ne l’a pas présentée à ce moment-là ou se serait vu conseiller de la déposer avec un jour de retard.

16L’argument de la plaignante selon lequel elle s’est fondée sur les propos qu’elle attribue à une employée du Tribunal n’a jamais été plaidé devant le Tribunal, mais a été analysé dans la jurisprudence d’autres tribunaux administratifs tels que le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) et la Commission des relations de travail de l'Ontario (CRTO).

17Dans la décision United Brotherhood of Carpenters and Joiners of America, Local 18, [1998] OLRB Rep. May/June 360; [1998] O.L.R.D. No. 1829 (QL), la CRTO soutient qu’elle « n’accorde aucune valeur à l’un ou l’autre renseignement que le demandeur affirme avoir reçu de quelqu’un de la Commission. La Commission est un tribunal indépendant et ne peut pas fournir d’avis juridique aux parties susceptibles de comparaître devant elle » [traduction].

18Dans le même ordre d’idées, la CRTO, dans la décision Bayer Inc., [1999] O.L.R.D. No. 3099 (QL), a traité d’une conversation avec un greffier et des propos sur lesquels s’est fondée une partie. La CRTO a formulé le commentaire suivant :

La Commission n’a jamais considéré les communications de vive voix avec le Bureau du greffier comme un avis en vertu de la Loi, et les avocats n’en ont cité aucune. L’adoption de cette approche créerait une situation intenable pour la Commission, son personnel et, surtout, les parties qui comparaissent devant elle. L’incertitude ou les différends concernant les propos tenus, l’auteur de ces propos et le moment des conversations entraîneraient un litige qu’il faudrait résoudre en faisant témoigner les parties quant à ce qu’ils ont dit au greffier ou au greffier adjoint et à ce que ceux-ci leur ont dit, et en exigeant du greffier ou du greffier adjoint qu’ils fournissent des éléments de preuve au regard des conversations qu’ils ont pu avoir ou non avec une partie.

Mis à part les difficultés pour le greffier et le greffier adjoint de tenter de se souvenir précisément d’une conversation ou d’un message téléphonique en particulier qui peut faire l’objet d’un litige plusieurs semaines ou mois plus tard alors que ces agents prennent part quotidiennement à nombre de conversations téléphoniques liées à diverses procédures de la Commission, ainsi que le préjudice à la Commission si elle doit libérer le greffier de ses tâches quotidiennes pour qu’il témoigne devant la Commission, un tel processus restreindrait indûment le privilège accordé en vertu de l’article 117 de la Loi.

[traduction]

19Dans la décision Woodley (Re), [2000] CCRI no 85; [2000] D.C.C.R.I. no 39 (QL), le CCRI s’est fondé sur la jurisprudence susmentionnée de même que sur le privilège que confère l’article 119 du Code canadien du travail, L.R.C.,1985, ch. L-2. On retrouve une disposition semblable à l’article 104 de la LEFP :

104. Les membres et le personnel du Tribunal et les personnes dont les services ont été retenus au titre du paragraphe 95(2) ne sont pas habiles à témoigner ni contraignables au civil quant aux renseignements qu’ils ont obtenus dans l’accomplissement de leurs fonctions.

20Bien que cet article se rapporte aux audiences, le Tribunal juge que les propos tenus par les membres du personnel du Tribunal, ou qui leur sont attribués, sont également régis par cette disposition pour des raisons semblables à celles qui sont évoquées dans la jurisprudence susmentionnée. L’ambiguïté ou le désaccord quant au moment et aux proposqu’une partie a pu tenir avec un employé du Tribunal ou encore le moment et la teneur des propos de cet employé à une partie devraient être résolus dans le cadre d’une audience. Ainsi, le personnel du Tribunal concerné devrait témoigner au sujet des conversations ayant eu lieu ou non avec une partie.

21En tant que tel, un employé du Tribunal n’est pas, aux termes de l’article 104 de la LEFP, contraignable à témoigner afin d’appuyer la position d’un plaignant. Le Tribunal n’accorde aucune valeur à l’un ou l’autre propos que la plaignante attribue à un membre du personnel du Tribunal. Le Tribunal ne donne pas d’avis juridique aux parties susceptibles de comparaître devant lui. Lorsqu’un membre du personnel du Tribunal donne un renseignement sous forme de précision ou d’indication, il n’agit pas dans le cadre d’un avis juridique. Il est entendu que les parties le savent, en tant que personnes raisonnables et informées. En conséquence, un plaignant ne peut pas se fonder sur des propos qu’il attribue à un membre du personnel du Tribunal en ce qui concerne le respect des délais prescrits pour le dépôt d’une plainte.

Décision

22Pour tous ces motifs, la requête est accordée. La plainte est rejetée.

Guy Giguère

Président

Parties au dossier

Dossier du Tribunal:
2009-0115
Intitulé de la cause:
Candice McConnell et le Sous-Ministre de la Défence nationale et al.
Audience:
Instruction sur dossier
Date des motifs:
25 juin 2009
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