Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a contesté la validité de l’Examen d’intelligence générale 310 (EIG 310) utilisé pour évaluer la qualification essentielle << études >>, vu le taux d’échec remarquablement élevé. Selon lui, l’intimé a fait preuve d’abus de pouvoir en refusant de mener une enquête sur le taux d’échec élevé à l’EIG 310. Le témoin de l’intimé a déclaré que l’énoncé des critères de mérite, notamment la qualification << études >>, avait été élaboré en concertation avec les gestionnaires des quatre directions générales visées. Le comité exécutif de la région de l’Ontario (comité exécutif) avait décidé que l’EIG 310 serait utilisé comme alternative au diplôme universitaire. Selon le témoin expert, le taux d’échec n’est pas une preuve de défaillance de l’EIG 310 car celui-ci ne présente pas de failles; c’est plutôt un instrument tout à fait fiable, à utiliser comme une alternative au diplôme universitaire. Il estimait que l’utilisation du test était appropriée pour l’évaluation de la qualification << études >>. L’intimé a fait valoir qu’il n’y avait aucune preuve à l’appui de l’affirmation selon laquelle le taux d’échec s’apparentait à un abus de pouvoir. L’examen n’a pas donné lieu à des résultats insatisfaisants puisque la direction a été en mesure de créer un bassin de candidats qualifiés aux fins de la dotation des postes vacants futurs. En outre, l’intimé a précisé que suite à l’examen et à l’analyse des préoccupations des employés, il avait décidé de poursuivre le processus de nomination. La Commission de la fonction publique a fait observer qu’il était approprié d’avoir recours à l’EIG 310 pour évaluer les candidats dans le cadre du processus de nomination puisque ledit examen a été conçu à cette fin. Décision : Le Tribunal a accepté le témoignage du témoin expert vu son expérience et sa connaissance de l’examen, de son application et des résultats. Compte tenu de la preuve produite par le témoin expert, le Tribunal a estimé que l’EIG 310 avait été approuvé par la CFP comme une alternative au diplôme universitaire. Il n’y a aucune preuve à l’appui de l’affirmation du plaignant selon laquelle l’EIG 310 est inapproprié et invalide. Le plaignant n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que l’intimé avait fait preuve d’abus de pouvoir en utilisant l’EIG 310 comme alternative au diplôme universitaire dans ce processus de nomination. En outre, le fait que l’intervention du comité exécutif en termes d’analyse et de suivi de la situation n’ait pas donné le résultat escompté par le plaignant ne prouve pas que les préoccupations de ce dernier aient été ignorées. Le Tribunal a jugé qu’il n’y avait aucune preuve d’abus de pouvoir. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

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Dossier:
2008-0211
Rendue à:
Ottawa, le 16 septembre 2009

DWIGHT POWELL
Plaignant
ET
LE SOUS-MINISTRE DE RESSOURCES HUMAINES ET DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plainte d'abus de pouvoir en vertu des l'alinéas 77(1) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision:
La plainte est rejetée
Décision rendue par:
Robert Giroux, membre
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Powell c. le sous-ministre de Ressources humaines et Développement des compétences Canada et al.
Référence neutre:
2009 TDFP 0027

Motifs de la décision

Introduction

1Le plaignant, Dwight Powell, a présenté une plainte au Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) à la suite d’une nomination au poste de conseiller du programme de l’assurance (PM‑03). Il soutient que l’intimé, le sous‑ministre de Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC), a abusé de son pouvoir dans l’application du mérite. De plus, vu le taux d’échec remarquablement élevé, il met en doute la validité de l’Examen d’intelligence générale 310 (EIG 310) qui sert à évaluer la qualification essentielle en matière d’études. Selon lui, l’intimé a abusé de son pouvoir en refusant de mener une enquête sur le taux d’échec élevé à l’EIG 310.

2La plainte a été présentée relativement au processus de nomination 2007‑CSD‑IA‑ONT‑SC‑21, en vertu du paragraphe 77(1) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP).

Contexte

3Le 27 avril 2007, l’intimé a lancé un processus de nomination visant la dotation de divers postes de groupe et niveaux PM‑03, PM‑04, PM‑05 et PM‑06.

4Le plaignant a présenté sa candidature au poste de conseiller du programme de l’assurance (PM‑03) offert à Richmond Hill (Ontario).

5Les exigences en matière d’études étaient énoncées ainsi dans l’Annonce de possibilité d’emploi:

Diplôme d’une université reconnue ou un résultat satisfaisant au Test d’intelligence générale (TIG) 310

OU

Avoir terminé un programme de deux ans d’études postsecondaires (p. ex. collège communautaire ou cégep) d’un établissement d’enseignement reconnu.

6Comme il n’est pas titulaire d’un diplôme universitaire et n’a pas terminé de programme de deux ans d’études postsecondaires, le 21 juin 2007, le plaignant s’est soumis à l'EIG 310. Le 6 juillet 2007, il a été avisé qu’il n’avait pas obtenu la note de passage exigée. Sa candidature a donc été éliminée du processus de nomination.

7Après avoir appris que le taux d’échec à l’EIG 310 était très élevé, le plaignant a demandé au bureau régional des ressources humaines de l’Ontario de mener une enquête sur la question. Comme il n’a reçu aucune information, il a décidé de présenter une demande d’accès à l’information afin d’obtenir les résultats de plusieurs autres processus d’évaluation ayant fait appel à l’EIG 310, et ayant été menés pendant la même période et à l’occasion de la même initiative de dotation régionale, soit à l’été 2007.

Questions en litige

8Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. L’intimé a‑t‑il abusé de son pouvoir en utilisant l’EIG 310 comme outil d’évaluation?
  2. L’intimé a‑t‑il abusé de son pouvoir en refusant de mener une enquête sur la validité de l’EIG 310 en tant qu’outil d’évaluation?

Résumé des éléments de preuve pertinents

9Le plaignant a déclaré que son échec à l’EIG 310 ne l’avait pas trop dérangé au départ. Toutefois, quand il a appris que de nombreuses autres personnes avaient échoué, il a commencé à mettre en doute les résultats, lesquels démontraient, à son avis, que l’examen comportait des lacunes. Il a porté la question à l’attention de la conseillère en ressources humaines responsable du processus de nomination, de même que du dirigeant syndical du groupe régional de l’Ontario. En outre, il a demandé des renseignements aux Ressources humaines concernant le taux d’échec. Dans son témoignage, il a indiqué qu’il avait également présenté une demande d’accès à l’information, et avait obtenu une réponse le 21 janvier 2008. L’information obtenue lui a permis d’établir que 215 candidats avaient subi l’examen pour les postes de groupe et niveaux PM‑03, PM‑04, PM‑05 et PM‑06, et que, parmi eux, 67 avaient réussi (31,16 %) et 148 avaient échoué (68,84 %).

10Le plaignant a déclaré qu’il avait tenté de plusieurs manières de porter à l’attention de l’intimé le taux d’échec élevé, pour que celui‑ci examine la question plus à fond et corrige la situation. Il a informé l’intimé qu’il craignait que l’EIG 310 soit problématique. Selon lui, un taux d’échec anormalement élevé démontre une faille dans l’examen et donc une lacune quant à l’objet pour lequel il a été conçu. Le plaignant a fait savoir à l’intimé que si ses craintes étaient fondées, il serait approprié de suspendre et de revoir les divers processus de nomination qui exigeaient la réussite à l’examen en question en remplacement du diplôme universitaire. Selon lui, l’intimé n’a pris aucune mesure pour corriger la situation. Le plaignant soutient que l’intimé avait manqué de transparence en ne se penchant pas sur cette question.

11Lorsque les résultats du processus ont été affichés, le plaignant a décidé de présenter une plainte au Tribunal. Dans sa plainte, il fait référence au Guide pour la mise en œuvre des lignes directrices en matière de mesures correctives et de révocations de la Commission de la fonction publique (CFP), plus précisément à un passage qui figure dans la section « énoncé des lignes directrices » :

[…] Advenant qu'après enquête, il apparaît que l'outil d'évaluation n'était pas fiable, il pourrait être nécessaire d'en élaborer un autre et corriger l'irrégularité en administrant le nouvel outil à toutes les personnes qui avaient été évaluées dans le cadre du processus annoncé. Dans un tel cas, les personnes visées sont toutes les personnes qui ont fait l’objet d’une évaluation initiale.

12Le plaignant a déclaré que n’étant pas le seul à avoir échoué à l’EIG 310, il avait mis en question l’outil plutôt que son échec. Il a parlé d’une note de service envoyée à tout le personnel par le sous‑ministre adjoint (SMA) le 25 avril 2008, dans laquelle il est question des processus de nomination pour 2008‑2009 :

[…]

Afin de s’assurer que la Région dispose d’un effectif possédant les aptitudes et les compétences nécessaires, le Comité exécutif a approuvé les initiatives suivantes en vue d’appuyer les stratégies de recrutement et de dotation du CDR :

[…]

  • Une année de transition pour les exigences en matière d’études (2008‑2009) – qui permettra l’utilisation d’une « combinaison pour les exigences en matière d’études » (p. ex. diplôme universitaire ou d’un programme d’études postsecondaires de deux ans ou encore combinaison acceptable d’études, de formation et/ou d’expérience) dans le cadre de tous les processus de nomination interne annoncés. […]

[traduction]

13Le plaignant a fait valoir que, selon cette note de service, le SMA avait décidé qu’il ne serait pas nécessaire, pour une période d’un an, d’avoir recours à l’EIG 310. Selon lui, cette note indique que l’EIG 310 n’était pas valide.

14Debra Hepburn a témoigné au nom de l’intimé. Elle occupe depuis huit ans un poste de consultante régionale en expertise opérationnelle (PM‑04) à la Direction générale de l’intégrité, dans la région de l’Ontario. Elle a déclaré avoir suivi un cours de quatre semaines sur la LEFP en 2007. Mme Hepburn a participé à tous les aspects du processus de nomination, soit la préparation de l’annonce, l’établissement de l’énoncé des critères de mérite, la présélection et les entrevues.

15Mme Hepburn a fait référence à l’Annonce de possibilité d’emploi qui visait selon ses dires à établir un bassin de candidats aux fins de la dotation de postes au sein de quatre directions générales. Elle a indiqué que l’énoncé des critères de mérite, notamment les qualifications liées aux études, avait été élaboré en concertation avec les gestionnaires des quatre directions générales visées. Elle a ajouté que la définition des exigences en matière d’études qui figure sur l’énoncé avait été approuvée par le Comité exécutif de la région de l’Ontario (comité exécutif) le 25 avril 2007. Les chefs des quatre directions générales ont donné leur approbation finale concernant l’énoncé. à sa connaissance, l’EIG 310 sert d’équivalence au diplôme universitaire et il est corrigé par la CFP.

16Mme Hepburn a déclaré qu’elle ne connaissait pas le plaignant, mais qu’elle avait été informée de ses préoccupations concernant l’examen et le taux d’échec élevé, lesquelles ont été communiquées à la conseillère en ressources humaines du bureau régional de l’Ontario le 26 juillet 2007. Cette dernière a indiqué, dans son courriel du 26 juillet 2007, qu’une analyse portant sur l’utilisation de l’EIG 310 dans le cadre du processus annoncé avait été entreprise, et qu’un exposé à cet égard serait présenté au comité exécutif. Les réserves exprimées au sujet de l’examen n’ont pas poussé Mme Hepburn à mettre en doute son utilisation dans le processus annoncé, et elle jugeait satisfaisant que la question ait été portée à l’attention de la consultante en ressources humaines.

17Jacqueline Hilton, directrice des ressources humaines à RHDCC pour la région de l’Ontario, a elle aussi témoigné au nom de l’intimé. Elle a occupé le poste de gestionnaire du recrutement et de la dotation de 1998 à 2006, et elle était directrice des ressources humaines au moment du processus de nomination. Mme Hilton fait partie du comité exécutif et elle a suivi des séances de formation sur la LEFP. Elle a déclaré qu’en 2005, les Ressources humaines avaient normalisé les activités de Service Canada et créé un poste d’agent du service à la clientèle (PM‑01) nécessitant des études postsecondaires. Cette initiative concordait avec les orientations du greffier du Conseil privé relativement au renouvellement de la fonction publique. Conséquemment, le ministère a commencé à exiger des études postsecondaires au niveau d’entrée de façon à accroître le niveau d’études. La politique en question s’appliquait également aux postes de niveau supérieur.

18Lorsque les processus de nomination 2007‑2008 ont été lancés, le nombre de postes vacants prévus a été établi, et l’énoncé des critères de mérite a été élaboré. Au départ, il a été proposé que les exigences en matière d’études consistent en un diplôme d’un programme d’études postsecondaires ou un diplôme d’études universitaires. Toutefois, après discussion, le comité exécutif a décidé que l’EIG 310 serait également accepté en remplacement du diplôme universitaire, de façon à accroître les possibilités.

19Mme Hilton était au fait des préoccupations qu'avait soulevées le taux d’échec élevé à l’EIG 310, puisque environ six personnes s’étaient adressées au comité exécutif et à elle‑même pour cette raison. Elle a déclaré qu’il n’était pas rare que des personnes communiquent avec elle ou avec d’autres membres du comité exécutif pour exprimer des préoccupations, et que, dans de tels cas, elle veillait à ce qu’une réponse leur soit fournie. Elle a expliqué que le comité exécutif recevait des rapports d’étape mensuels concernant le processus et qu’en août 2007, le comité avait examiné les résultats de l’évaluation de la qualification essentielle liée aux études pour voir la progression et les taux de réussite et d’échec. Selon Mme Hilton, le comité exécutif a surveillé le processus pour s’assurer que les postes vacants prévus pourraient être dotés et pour comprendre les répercussions et les leçons à tirer. Le comité exécutif savait qu’il y aurait des échecs, à la lumière des données de la CFP. Il était également conscient du fait qu’il y avait un dédoublement dans les données liées au processus, puisque les candidats pouvaient présenter leur candidature à plus d’un des quatre types de postes des groupe et niveau PM‑03. à la réunion du comité exécutif qui a eu lieu à la fin du mois d’août 2007, il a été déterminé, après discussion au sujet du nombre de réussites et d’échecs, qu’il n’était pas nécessaire d’intervenir dans le processus, compte tenu de l’excellente réputation de la CFP dans l’élaboration d’examens, de la fiabilité de l’EIG 310 et du fait que celui‑ci avait survécu à des contestations par le passé. En outre, le bassin pour la dotation de futurs postes vacants était en bonne voie d’être établi. Mme Hilton a indiqué que le syndicat avait été mis au courant de la situation par le SMA par l’entremise du Comité régional de consultation patronale‑syndicale.

20Mme Hilton a expliqué la décision du SMA de suspendre pour un an l’utilisation de l’EIG 310 comme solution de remplacement au diplôme universitaire. Elle a déclaré que le ministère allait connaître une forte vague de départs à la retraite au cours des 18 mois à venir (environ 25 %) et que, par conséquent, le nombre de postes vacants prévus augmenterait de façon spectaculaire. Il a donc été décidé d’instaurer une année de transition de façon à enrichir le bassin de candidats. Par conséquent, le ministère a décidé d’accepter une combinaison d’études et d’expérience en remplacement du diplôme universitaire plutôt que de demander aux candidats de se soumettre à l’EIG 310. Selon Mme Hilton, cette décision est conforme aux normes minimales en matière d’études pour le groupe PM prévues dans les Normes de qualification du Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT) :

Norme de qualification – Administration des programmes (PM)

Études

La norme minimale est :

  • un diplôme d’études secondaires ou les alternatives approuvées par l’employeur (voir section 2, partie 1, Alternatives aux niveaux d’études).

21Henry Edwards, directeur à la Division de la recherche et du développement du Centre de psychologie du personnel (CPP) de la CFP, a témoigné au nom de la CFP et a été qualifié de témoin expert en ce qui a trait à l’élaboration de tests standardisés; son curriculum vitae a été déposé en preuve. M. Edwards a expliqué que le CPP était responsable de l’élaboration, de l’amélioration, de la validation, de la mise à jour, de l’administration, du remplacement et de l’approbation des outils d’évaluation de la CFP. M. Edwards occupe son poste depuis mars 2000, et il connaît bien l’EIG 310 et son utilisation comme solution de remplacement au diplôme universitaire.

22M. Edwards a fait référence à certaines sections des Normes de qualification du SCT :

[…]

Il existe des normes propres à des groupes et niveaux particuliers en ce qui a trait aux études. Les alternatives aux niveaux d’études peuvent aussi s’appliquer à des groupes particuliers.

[…]

Alternatives au grade universitaire, approuvées par l’employeur

Pour les groupes professionnels qui autorisent une alternative au grade universitaire, l’employeur a approuvé les choix suivants :

  1. une note satisfaisante au test de la CFP approuvé comme alternative au grade universitaire […]

Norme de qualification – Administration des programmes (PM)

études

La norme minimale est :

  • un diplôme d’études secondaires ou les alternatives approuvées par l’employeur.

23M. Edwards a ensuite parlé d’un document de la CFP intitulé Examen d’intelligence générale (EIG 310), dans lequel il est indiqué que l’EIG 310 peut remplacer le diplôme d’études universitaires. Il a expliqué que l’EIG 310 sert à mesurer le niveau de capacité cognitive d’une personne, c’est-à-dire la capacité de faire appel à son raisonnement pour résoudre des problèmes à un niveau comparable au grade universitaire de premier cycle. L’EIG 310 est inspiré de l’examen d’intelligence de Wechsler pour adultes, adapté pour être administré à un groupe, selon une formule à choix multiples. L’examen couvre six thèmes reconnus dans le domaine de la capacité cognitive (connaissances générales, ressemblance, arithmétique, vocabulaire, mémoire, dessins géométriques). Il compte 155 questions et la note de passage est de 88 (57 %). Cette note a été établie en fonction des notes obtenues par des étudiants de premier cycle lors de leur dernière année universitaire. L’EIG 310 a d’abord été validé aux environs de 1969, et il a été revu et amélioré depuis. La répartition des résultats au fil des ans n’a pas changé de façon considérable, et le contenu de l’examen est aussi pertinent aujourd’hui qu’il l’était par le passé. L’examen est noté par ordinateur, et les candidats peuvent demander une deuxième notation. Le nombre d’erreurs liées à cet examen est négligeable.

24M. Edwards a formulé des observations sur deux graphiques intitulés  « EIG 310 – taux de réussite selon le groupe et le niveau professionnels » [traduction], lesquels illustrent les taux de réussite correspondant à la période du 6 avril 2003 au 26 mai 2008 pour les groupes PM, CR et AS. D'après un des graphiques, le taux de réussite pour le groupe PM est de 45,3 %; des écarts selon le niveau (PM‑01 à PM‑06) ont été observés.M. Edwards a déclaré que le taux de réussite varie selon le niveau de difficulté du contenu de l’examen en regard des personnes qui le passent. Il a ajouté que l’écart entre les résultats du processus de nomination dont il est ici question et la moyenne sur cinq ans était important, d’un point de vue statistique, parce que cette fois‑ci le groupe de personnes qui s'est soumis à l'examen est différent. Il a fait remarquer que le taux de réussite avait fluctué au cours de la période de cinq ans visée.

25En ce qui a trait au taux de réussite associé au processus de nomination en cause (c.‑à‑d. 31,16 %), M. Edwards attribue le résultat aux candidats eux‑mêmes. Il est d’avis que le taux d’échec (68,84 %) n’est pas une preuve de défaillance de l’EIG 310 car celui-ci ne présente pas de failles; c’est plutôt un instrument tout à fait fiable, à utiliser comme une alternative au diplôme universitaire.

26M. Edwards a expliqué qu’aucun examen ne remplaçait le diplôme d’un collège communautaire ou d’un cégep. L’EIG 320 est utilisé en guise de remplacement du diplôme d’études secondaires.

27M. Edwards estime que, dans le processus de nomination dont il est ici question, l’EIG 310 a été utilisé de façon appropriée pour l’évaluation de la qualification en matière d’études établie dans l’énoncé des critères de mérite. à son avis, l’EIG 310 constitue le seul examen qui puisse servir à cette fin. Il a ajouté que plusieurs ministères, d’ailleurs, se servent de l’examen en question.

Argumentation des parties

A) Argumentation du plaignant

28Le plaignant fait valoir que l’intimé n’a pas mené d’enquête sur le taux d’échec élevé à l’EIG 310. Il soutient que l’intimé n’a pas demandé au CPP de revoir ou d’expliquer le haut taux d’échec. Il met en doute l’affirmation de M. Edwards selon laquelle les résultats du processus de sélection sont attribuables aux candidats eux‑mêmes.

29Le plaignant maintient que le fait que l’intimé n’ait pas mené d’enquête sur le taux d’échec élevé et ne lui ait pas fourni de réponse représente de la part de ce dernier un abus de pouvoir discrétionnaire et démontre de la négligence. L’utilisation de l’examen n’était pas appropriée, et elle a mené à l’élimination de sa candidature du processus de nomination. Le plaignant est d’avis que les candidats qui n’étaient pas titulaires d’un diplôme universitaire auraient dû être évalués selon une combinaison d’expérience et d’études. Le plaignant soutient que le SMA avait pris une décision en ce sens, comme l’indique son courriel du 25 avril 2008.

30Le plaignant affirme que l’utilisation de l’EIG 310 n’était pas appropriée et que le fait de s’en être servi pour éliminer sa candidature du processus de nomination constitue un abus de pouvoir ayant mené à un résultat inéquitable. Il soutient que l’intimé aurait dû savoir que l’utilisation de l’EIG 310 entraînerait l’élimination de la candidature des personnes qui satisfaisaient à l’exigence la plus basse en matière d’études.

31à titre de mesure corrective, le plaignant demande que tous les candidats qui ont échoué à l’EIG 310 aient la possibilité d’être de nouveau évalués en fonction à la fois de leur expérience et de leurs études, et que le nom de ceux qui seront retenus soit inscrit dans le bassin.

B) Argumentation de l’intimé

32L’intimé demande pour sa part que le Tribunal ne tienne pas compte de l’observation du plaignant concernant la qualification liée aux études, puisque celle-ci ne fait pas partie des allégations. L’intimé soutient qu’une plainte se rapporte uniquement au plaignant, et qu’elle ne concerne pas les autres personnes qui sont dans la même situation que lui (voir Visca c. le sous‑ministre de la Justice et al. [2006] TDFP 0016, paragraphe 24).

33L’intimé soutient que si le plaignant veut contester la validité de l’EIG 310, il doit comprendre que cette question ne relève pas de la compétence du Tribunal. En effet, il s’agit ici d’une plainte d’abus de pouvoir formulée contre l’administrateur général, et non contre la CFP. L’intimé déclare que l’administrateur général a le pouvoir d’établir des qualifications en vertu du paragraphe 30(2) de la LEFP. Par ailleurs, selon l’article 36 de la LEFP, l’administrateur général possède un vaste pouvoir discrétionnaire pour choisir l’outil d’évaluation qui convient, et l’EIG 310 a été approuvé par la CFP en guise de remplacement du diplôme universitaire.

34L’intimé soutient qu’aucun élément de preuve ne vient appuyer l’affirmation selon laquelle le taux d’échec peut mener à la conclusion qu’il y a eu abus de pouvoir. Le taux d’échec, tel qu’il a été calculé, ne tient pas compte du fait que certains candidats ont posé leur candidature à plus d’un des postes annoncés. Aucun témoin expert n’a été appelé par le plaignant pour contester les propos tenus par le témoin expert de la CFP. Un taux de réussite de 31,16 % n’indique pas que l’examen comporte des failles. Par ailleurs, l’examen n’a pas donné lieu à des résultats insatisfaisants puisque la direction a été en mesure de créer un bassin de candidats qualifiés aux fins de la dotation de futurs postes vacants. En outre, l’intimé déclare qu’il a étudié et analysé les préoccupations des employés, et que des exposés ont été présentés au comité exécutif. Après discussion à la réunion du Comité de consultation patronale‑syndicale, le comité exécutif a décidé de poursuivre le processus de nomination. L’intimé soutient que la décision du SMA de suspendre l’utilisation de l’EIG 310 pendant un an (2008‑2009) était attribuable au taux élevé de départs à la retraite prévus.

C) Argumentation de la Commission de la fonction publique

35La CFP soutient que M. Edwards est un témoin expert et qu’il faut accorder à son témoignage un poids considérable. M. Edwards a expliqué le fonctionnement de l’examen, l’objet de celui‑ci, son élaboration et les modifications qui y ont été apportées au fil du temps, il a parlé du taux de réussite et il a indiqué que l’EIG 310 était un outil très fiable. L’EIG 310 n’est pas l’équivalent du diplôme universitaire, mais constitue plutôt une solution de remplacement à celui‑ci. Le taux de réussite observé dans le processus annoncé, bien qu’il soit plus bas que la moyenne sur cinq ans, n’est pas attribuable à l’examen en soi, mais bien aux candidats eux‑mêmes. Le plaignant n’a fourni aucun élément de preuve indiquant que l’examen comportait des failles. La CFP affirme qu’il était approprié d’avoir recours à l’EIG 310 pour évaluer les candidats dans le cadre du processus de nomination, puisque ledit examen a été conçu à cette fin.

Question I : L’intimé a‑t‑il abusé de son pouvoir en utilisant l’EIG 310 comme outil d’évaluation?

36Le fondement législatif pour l’établissement des qualifications et des normes de qualification est énoncé aux articles 30 et 31 de la LEFP, lesquels sont libellés ainsi :

30. (1) Les nominations – internes ou externes – à la fonction publique faites par la Commission sont fondées sur le mérite et sont indépendantes de toute influence politique.

(2)  Une nomination est fondée sur le mérite lorsque les conditions suivantes sont réunies :

  1. selon la Commission, la personne à nommer possède les qualifications essentielles – notamment la compétence dans les langues officielles – établies par l’administrateur général pour le travail à accomplir;
  2. la Commission prend en compte :
    1. toute qualification supplémentaire que l’administrateur général considère comme un atout pour le travail à accomplir ou pour l’administration, pour le présent ou l’avenir,
    2. toute exigence opérationnelle actuelle ou future de l’administration précisée par l’administrateur général,
    3. tout besoin actuel ou futur de l’administration précisé par l’administrateur général.

[…]

31. (1)  L’employeur peut fixer des normes de qualification, notamment en matière d’instruction, de connaissances, d’expérience, d’attestation professionnelle ou de langue, nécessaires ou souhaitables à son avis du fait de la nature du travail à accomplir et des besoins actuels et futurs de la fonction publique.

(2) Les qualifications mentionnées à l’alinéa 30(2)a) et au sous‑alinéa 30(2)b)(i) doivent respecter ou dépasser les normes de qualification applicables établies par l’employeur en vertu du paragraphe (1).

37La norme minimale pour le groupe PM est définie ainsi : « un diplôme d’études secondaires ou les alternatives approuvées par l’employeur ». Dans le présent processus de nomination visant la dotation de postes du groupe PM, la nécessité d’être titulaire d’un diplôme universitaire excède l’exigence minimale en matière d’études établie dans la Norme de qualification relative aux postes du groupe PM, ce qui est conforme au paragraphe 31(2) de la LEFP.

38Selon les Normes de qualification du SCT, « une note satisfaisante au test de la CFP approuvé comme alternative au grade universitaire » constitue une « alternativ[e] au grade universitaire, approuvé[e] par l’employeur ».

39La preuve produite par M. Edwards, laquelle n’a pas été contredite, indique que l’EIG 310 mesure le niveau de capacité cognitive d’une personne c’est-à-dire la capacité de faire appel à son raisonnement pour résoudre des problèmes à un niveau comparable au grade universitaire de premier cycle. Le Tribunal estime que l’EIG 310 a été approuvé par la CFP en guise d’alternative aux études universitaires.

40Le plaignant soutient que le taux d’échec élevé observé dans le processus prouve que l’EIG 310 comporte des failles. M. Edwards a présenté des éléments de preuve clairs et convaincants concernant l’examen, son utilisation et les résultats attendus.

41M. Edwards a expliqué qu’un taux de réussite moyen, soit 45,3 %, avait été calculé sur une période de cinq ans et a ajouté que, pendant cette période, le taux de réussite avait fluctué d’une année à l’autre.

42Dans son témoignage, M. Edwards a déclaré que la répartition des résultats au fil des ans n’avait pas changé de façon considérable et que le nombre d’erreurs liées à cet examen était négligeable. L’examen, qui couvre six thèmes, a été adapté pour être administré à un groupe, selon une formule à choix multiples. Le contenu de l’examen est aussi pertinent aujourd’hui qu’il l’était par le passé. Selon lui, les écarts observés entre les résultats associés au processus de sélection visé et la moyenne sur cinq ans sont attribuables aux candidats eux‑mêmes.

43Les données fournies par M. Edwards illustrent un taux de réussite de 45,3 % sur une période de cinq ans à l’EIG 310; le taux varie de 39,4 % pour les postes PM‑01 à 57,1 % pour les postes PM‑06. Selon lui, il est normal que le taux de réussite varie sur une période de cinq ans. Il ne considère pas que le taux d’échec (68,84 %) observé dans le présent processus de nomination soit une preuve de défaillance de l’examen. L’EIG 310 a d’abord été validé en 1969, et il a été revu et amélioré depuis. M. Edwards croit, en sa qualité d’expert, que l’EIG 310 ne comporte pas de failles et qu’il constitue un instrument très fiable utilisé en remplacement du diplôme universitaire.

44Pour calculer une moyenne, il faut additionner plusieurs chiffres puis diviser le total obtenu par le nombre de chiffres additionnés. Comme l’a indiqué M. Edwards, le taux de réussite varie au fil des ans; en effet, certaines années, le taux de réussite peut être plus haut, alors que d’autres, il peut être plus bas. Le taux de réussite établi pour le processus visé est de 31,16 % (taux d’échec de 68,84 %). Il s’agit donc d’un taux plus bas que la moyenne sur cinq ans, mais M. Edwards a indiqué que les candidats qui ont participé à ce processus de nomination pourraient être différents de ceux qui avaient subi l’examen au cours de la période de cinq ans ayant servi au calcul de la moyenne.

45Le Tribunal accepte le témoignage de M. Edwards vu son expertise et sa connaissance de l’examen, de son application et des résultats associés.

46Dans son courriel en date du 25 avril 2008, le SMA explique que les processus de nomination menés en 2008‑2009 n’exigeront plus la réussite à l’EIG 310, ce qui indique, selon le plaignant, que l’intimé savait que l’examen n’était pas valide. Toutefois, rien en ce sens ne figure dans la note de service. En effet, celle‑ci précise que cette mesure vise à assurer que la Région dispose d’un effectif possédant les aptitudes et les compétences nécessaires et à appuyer les stratégies de recrutement et de dotation.

47Lorsqu’elle a témoigné, Mme Hilton a déclaré que le comité exécutif savait que la direction devait doter de nombreux postes en raison du grand nombre de départs à la retraite. étant donné que le taux d’échec à l’EIG 310 était élevé, il a été décidé de ne plus exiger des candidats qu’ils réussissent l’EIG 310, mais de plutôt leur demander une combinaison d’études et d’expérience pour satisfaire aux qualifications en matière d’études pour les postes du groupe PM. Cette mesure devait permettre d’augmenter le nombre de candidats disponibles pour les prochains processus.

48Dans la décision Gray c. Administrateur général de Service Canada et al.,[2009] TDFP 0015, le Tribunal précise au paragraphe 48 que « [l]es qualifications établies pour les postes à doter peuvent varier en fonction des circonstances entourant le processus, ce qui comprend les besoins actuels et futurs de l’organisation ».

49L’administrateur général a le pouvoir discrétionnaire d’établir différentes qualifications pour les postes selon les circonstances entourant le processus. Le Tribunal estime que la décision de l’intimé d’opter pour une solution de remplacement au diplôme universitaire autre que celle habituellement utilisée était fondée sur sa prévision d’une augmentation du nombre de départs à la retraite et sur un besoin temporaire de retenir davantage de candidats en vue de la dotation des postes vacants prévus. Selon le Tribunal, cette décision n’indique aucunement que l’intimé a pu trouver des failles – réelles ou perçues – dans l’EIG 310.

50Par conséquent, le Tribunal conclut qu’aucun élément de preuve n’appuie l’affirmation du plaignant selon laquelle l’EIG 310 n’est pas approprié ou qu’il n’est pas valide. Le Tribunal estime que le plaignant n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que l’intimé a abusé de son pouvoir en utilisant l’EIG 310 comme solution de remplacement au diplôme universitaire dans ce processus de nomination.

Question II : L’intimé a‑t‑il abusé de son pouvoir en refusant de mener une enquête sur la validité de l’EIG 310 en tant qu’outil d’évaluation?

51Le plaignant soutient que le fait que ses préoccupations n’aient pas été prises en compte et que l’intimé n’ait pas mené d’enquête sur la validité de l’EIG 310 démontre de la négligence et constitue un abus de pouvoir.

52La preuve a permis d’établir que les préoccupations du plaignant n’ont pas été ignorées. Le comité exécutif savait que certaines personnes étaient préoccupées par le taux d’échec à l’examen, et les préoccupations ont été transmises à la conseillère en ressources humaines. Le comité exécutif a reçu des rapports mensuels concernant le processus de nomination. Il a examiné les qualifications essentielles liées aux études et a surveillé le taux de réussite ou d’échec des candidats à l’EIG 310. Le comité exécutif a établi que le processus de nomination allait permettre de trouver un nombre suffisant de candidats qualifiés pour doter les postes vacants prévus. En outre, le comité exécutif a jugé qu’il n’était pas nécessaire d’intervenir dans le processus de nomination puisque, selon lui, l’EIG 310 constituait un outil d’évaluation fiable.

53Le fait que l’étude réalisée et la surveillance exercée par le comité exécutif n’aient pas donné les résultats escomptés par le plaignant ne prouve aucunement que les préoccupations de ce dernier aient été ignorées.

54Le Tribunal conclut qu’aucun élément de preuve n’appuie l’allégation d’abus de pouvoir.

Décision

55Pour tous ces motifs, la plainte est rejetée.

Robert Giroux

Membre

Parties au dossier

Dossier du Tribunal:
2008-0244
Intitulé de la cause:
Dwight Powell et le sous-ministre de Ressources humaines et Développement des compétences Canada et al.
Audience:
Les 12 et 13 mai 2009
Toronto ON
Date des motifs:
Le 16 septembre 2009

Comparutions:

Pour les plaignante:
Lorraine Diaper
Pour l'intimé:
Lesa Brown
Pour la Commission
de la fonction publique:
John Unrau
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