Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La Cour fédérale a infirmé quelques mesures correctives ordonnées par le Tribunal dans sa décision initiale (référence neutre : 2009 TDFP 0007). La plaignante, par l’entremise de son représentant, a fait valoir qu’il est loisible au Tribunal de conseiller vivement aux personnes disposant de l’autorisation légale nécessaire d’appliquer les mesures correctives. Elle a soutenu que le Tribunal devrait recommander à l’intimé d’adopter lesdites mesures correctives. L’intimé a soutenu que le recours demandé a été accueilli. La Commission de la fonction publique (CFP) a fait remarquer que la Loi sur l’emploi dans la fonction publique ne confère aucun pouvoir de faire des recommandations et que, par conséquent, le Tribunal devrait s’en abstenir. La CFP a ajouté que si le Tribunal devait formuler des recommandations, celles-ci ne seraient pas exécutoires. Décision : Bien que la Cour fédérale ait déterminé que le Tribunal n’avait pas le pouvoir d’ordonner des mesures correctives hors du contexte précis de la plainte, elle a déclaré expressément que le Tribunal pouvait attirer l’attention de l’administrateur général sur un incident. Ainsi, en examinant les éléments de preuve produits, le Tribunal peut constater des problèmes qui vont au-delà du processus de nomination visé par la plainte. Il peut alors informer l’intimé des mesures recommandées pour régler ces problèmes. Le Tribunal a fait observer qu’en pareils cas ses recommandations ne sont pas exécutoires et qu’elles sont formulées à des fins d’orientation seulement. Décision modifiée.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossiers:
2007-0048 et 2007-0087
Rendue à:
Ottawa, le 18 décembre 2009

JENNIFER BEYAK
Plaignante
ET
LE SOUS-MINISTRE DE RESSOURCES NATURELLES CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Révision des mesures correctives
Décision:
Nouvelles mesures correctives
Décision rendue par:
Guy Giguère, président
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Beyak c. Sous-Ministre de Ressources naturelles Canada et al.
Référence neutre:
2009 TDFP 0034

Motifs de la décision

Introduction

1Le 3 mars 2009, le Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) a émis la décision Beyak c. le sous‑ministre de Ressources naturelles Canada et al.,[2009] TDFP 0007, dans laquelle deux plaintes d’abus de pouvoir ont été accueillies. Le Tribunal a déterminé que les nominations étaient entachées de favoritisme personnel et qu’elles n’étaient pas équitables. Le Tribunal a également établi que les gestionnaires concernés avaient abusé de leur pouvoir en agissant de mauvaise foi et en se conduisant de manière irrationnelle et déraisonnable. En vertu de l’article 81 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP), le Tribunal a ordonné la révocation des nominations à compter de la date de leur entrée en vigueur, ainsi que d’autres mesures correctives.

2L’intimé a déposé un recours en révision judiciaire, mais uniquement à l’encontre des mesures correctives lesquelles ont été ordonnées dans les paragraphes 200 à 202 de la décision. L’intimé n’a contesté ni le bien-fondé de la décision ni la révocation des nominations. Les paragraphes 200 à 202 sont libellés comme suit :

[200] Le Tribunal ordonne à l’intimé de retirer immédiatement les pouvoirs délégués à M. Hynes en vertu de la LEFP. L’intimé a le loisir de déterminer s’il prendra des mesures en vue de rétablir cette délégation, mais il ne devra pas la rétablir sans qu’une formation adéquate soit donnée à M. Hynes et que ce dernier soit apte à démontrer qu’il répond aux exigences appropriées et préétablies relativement à l’exercice de ces pouvoirs.

[201] Le Tribunal ordonne à l’intimé de ne pas rétablir la délégation de pouvoirs de M. Hynes avant d’avoir examiné toutes les nominations effectuées en vertu de la nouvelle LEFP auxquelles M.M. Hynes et MacMillan ont participé, d’avoir procédé à des vérifications sur place, s’il y a lieu, et d’avoir déterminé que cette affaire constitue un incident isolé.

[202] Le Tribunal ordonne à l’intimé d’évaluer, dans les 90 jours, la capacité de son organisation de ressources humaines de fournir un soutien et des conseils appropriés aux gestionnaires concernant les processus de nomination non annoncés et de corriger, dans les six mois, toutes les lacunes décelées dans le cadre de cette évaluation.

3Le 10 juin 2009, dans la décision Procureur général du Canada c. Cameron et Maheux, 2009 CF 618, la Cour fédérale a accueilli le recours en révision judiciaire déposé à l’encontre des mesures correctives ordonnées par le Tribunal dans la décision Cameron et Maheux c. l’Administrateur général de Service Canada et al., [2008] TDFP 0016. La Cour fédérale a indiqué ce qui suit au paragraphe 33 de cette décision :

Le pouvoir conféré au Tribunal par la Loi d’instruire des plaintes d’abus de pouvoir dans le cadre de processus de nomination comme c’est le cas ici, ne lui confère pas le droit de s’immiscer dans le pouvoir conféré tel que susdit par la LGFP. Le Tribunal peut fort bien par sa décision sensibiliser l’administrateur à un incident, mais il ne peut par une ordonnance se substituer à la CFP, à l’administrateur ou à l’employeur pour déterminer si des mesures correctives doivent être prises à l’extérieur du contexte précis de la plainte dont le Tribunal est saisi.

4Le 17 septembre 2009, la Cour fédérale a rendu une ordonnance sur consentement, dans la décision Procureur général du Canada c. Jennifer Beyak, Dossier de la Cour no T‑528‑09, infirmant les mesures correctives ordonnées par le Tribunal aux paragraphes 200, 201 et 202 de sa décision, et elle a ordonné ce qui suit :

L’affaire est renvoyée au Tribunal de la dotation de la fonction publique afin que ce dernier puisse, au besoin, aborder la question d’une manière qui ne va pas à l’encontre du paragraphe 33 de la décision Procureur général du Canada c. Cameron et Maheux, 2009 CF 618.

[traduction]

5À la demande du représentant de la plaignante, l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC), le Tribunal a donné l’occasion aux parties de fournir des arguments écrits concernant l’ordonnance sur consentement du 17 septembre 2009. Les arguments écrits ont été complétés le 13 novembre 2009.

Question en litige

6Le Tribunal doit déterminer s’il est nécessaire de modifier la décision Beyak de façon qu’elle soit en phase avec le paragraphe 33 de la décision Cameron et Maheux de la Cour fédérale.

Argumentations des parties

A) Argumentation de la plaignante

7La plaignante, par l’entremise de son représentant, fait valoir qu’il est loisible au Tribunal de conseiller vivement aux personnes disposant de l’autorisation légale nécessaire d’appliquer les mesures correctives énoncées dans les paragraphes 200 et 201. De la même façon, en ce qui concerne le paragraphe 202 de la décision, la plaignante soutient que le Tribunal devrait recommander à l’intimé de mettre en œuvre ces mesures correctives.

B) Argumentation de l’intimé

8L’intimé fait valoir que le recours demandé a été accueilli, et que la demande de la plaignante a déjà été clairement traitée dans les paragraphes 196, 197 et 198 des Motifs de décision. En outre, l’intimé affirme que toute autre demande pourrait éventuellement entraîner un manquement à l’ordonnance de la Cour fédérale et, par conséquent, un autre litige inutile.

C) Argumentation de la Commission de la fonction publique

9La Commission de la fonction publique (CFP) soutient que la LEFP ne confère aucun pouvoir de faire des recommandations et que, par conséquent, le Tribunal devrait s’en abstenir. Cependant, si le Tribunal formule des recommandations, celles-ci ne seront pas exécutoires. Pour appuyer sa position, la CFP se fonde sur la décision Thomson c. Canada (sous-ministre de l’Agriculture), [1992] 1 R.C.S. 385. Toutefois, la CFP est préoccupée du fait que certaines parties pourraient demander à la Cour fédérale de faire appliquer les recommandations du Tribunal, ce qui entraînerait d’autres litiges inutiles.

D) Réplique de la plaignante

10La plaignante convient que les recommandations ne sont pas exécutoires. Toutefois, elle fait valoir que les recommandations permettent d’envoyer un message clair et sans équivoque aux personnes disposant des pouvoirs nécessaires afin qu’elles prennent les mesures que le Tribunal n’est pas habilité à ordonner dans de tels cas.

Analyse

11Dans la décision Procureur général du Canada c. Cameron et Maheux,la Cour fédérale n’a pas abordé la question des recommandations formulées par le Tribunal étant donné qu’elle n’en a pas été saisie. Bien que la Cour fédérale ait déterminé que le Tribunal n’avait pas le pouvoir d’ordonner des mesures correctives hors du contexte précis de la plainte, elle a déclaré expressément que le Tribunal pouvait sensibiliser l’administrateur général à un incident.

12L’intention du législateur, qui a été énoncée dans le préambule de la LEFP, est de disposer de mécanismes de recours destinés à résoudre les questions touchant les nominations. En examinant les éléments de preuve présentés, le Tribunal peut constater des problèmes qui vont au-delà du processus de nomination visé par la plainte. Le Tribunal peut alors informer l’intimé des mesures recommandées pour régler ces problèmes. Dans de tels cas, les recommandations du Tribunal ne sont pas exécutoires étant donné qu’elles ne sont pas formulées en vertu des dispositions de la LEFP qui confèrent au Tribunal le pouvoir d’ordonner des mesures correctives. Les recommandations du Tribunal sont formulées à titre de suggestion seulement.

Décision

13Le Tribunal fait remarquer que les paragraphes 200 à 202 ont été infirmés par la Cour fédérale. En outre, les paragraphes 190, 191, 195, 196, 197 et 198, ainsi que le titre précédant le paragraphe 190, sont  remplacés par ce qui suit :

Préoccupations qui dépassent le contexte de la plainte

190 Lorsqu’il accueille une plainte présentée en vertu de l’article 77, le Tribunal dispose de vastes pouvoirs en matière d’ordonnance de mesures correctives, conformément au paragraphe 81(1) et à l’article 82 de la LEFP. Le Tribunal peut ordonner à l’intimé de révoquer la nomination ou encore de ne pas procéder à la nomination proposée. Le Tribunal peut ordonner à l’intimé de prendre toute mesure corrective qu’il juge appropriée, exception faite d’une ordonnance de faire une nomination ou d’entreprendre un nouveau processus de nomination. Comme l’a indiqué la Cour fédérale dans la décision Procureur général du Canada c. Cameron et Maheux, 2009 CF 618, l’ordonnance du Tribunal concernant les mesures correctives doit se rapporter uniquement au processus de nomination visé par la plainte. Lorsque le Tribunal a des préoccupations qui  dépassent le contexte de la plainte, il peut toutefois en faire part à l’intimé.Il convient de noter que les mesures correctives s’adressent à l’intimé sous forme d’ordonnance et non aux personnes en cause lorsque l’abus de pouvoir est constaté. Le paragraphe 81(1) et l’article 82 de la LEFP sont rédigés comme suit :

81. (1) S’il juge la plainte fondée, le Tribunal peut ordonner à la Commission ou à l’administrateur général de révoquer la nomination ou de ne pas faire la nomination, selon le cas, et de prendre les mesures correctives qu’il estime indiquées.

82. Le Tribunal ne peut ordonner à la Commission de faire une nomination ou d’entreprendre un nouveau processus de nomination.

191 Dans le préambule de la Loi, le législateur a indiqué que le pouvoir discrétionnaire de dotation, accordé en vertu de la LEFP à la CFP et aux administrateurs généraux, doit être délégué à l’échelon le plus bas afin d’assurer la marge de manœuvre nécessaire en matière de dotation. Il est donc important de s’assurer que ce pouvoir discrétionnaire est exercé raisonnablement, comme l’a voulu le législateur. Lorsque le Tribunal statue que celui-ci n’a pas été exercé raisonnablement et qu’il y a eu abus de pouvoir, il peut ordonner des mesures correctives directement liées à la plainte. Lorsque les préoccupations du Tribunal sont plutôt de nature systémique, comme le fait de s’assurer que le pouvoir discrétionnaire est exercé de façon à respecter l’intention du législateurdans d’autres processus de nomination, il peut faire part de ces préoccupations à l’administrateur général et à la CFP.

195 Les éléments de preuve présentés au Tribunal démontrent clairement que M. Hynes ne devrait pas continuer à agir en qualité de subdélégataire de l’intimé à moins que ce dernier ne prenne les mesures correctives qui s’imposent. Les éléments de preuve démontrent aussi que les mesures mises en place par l’intimé n’ont pas suffi à faire en sorte que ces nominations soient fondées sur le mérite et que la LEFP, le REFP et les exigences des lignes directrices soient observées et non contournées. Ces considérations amènent le Tribunal à formuler les recommandations suivantes à titre de suggestion pour aborder les préoccupations du Tribunal.

196 M. Hynes a indiqué qu’il avait eu une formation limitée relativement à la LEFP et qu’il s’en était remis à l’avis des conseillers en ressources humaines. Celui-ci devrait à tout le moins recevoir une formation suffisante pour exercer le pouvoir de dotation qui lui a été délégué en vertu de la LEFP. Le Tribunal recommande que tant qu’il n’aura pas achevé cette formation et que n’aura pas été évaluée sa capacité de prendre des décisions appropriées et de mener des processus adéquats en matière de nomination, aucun pouvoir de dotation en vertu de la LEFP ne lui soit délégué.

197 Le Tribunal a jugé que M. Hynes a fait preuve d’irrévérence à l’égard de la LEFP et des autres exigences en matière de dotation. La direction de M. Hynes a manifestement conduit aux abus de pouvoir constatés dans les nominations qui font l’objet des plaintes en l’espèce. À la lumière de ces constatations, l’intimé devrait s’assurer qu’il s’agit d’un incident isolé et que M. Hynes est en mesure d’exercer son pouvoir discrétionnaire conformément aux exigences de la LEFP et des autres exigences en matière de dotation.Le Tribunal recommande que l’intimé examine toutes les nominations internes auxquelles MM. Hynes et MacMillan ont participé et procède à des vérifications sur place, s’il y a lieu, avant de déléguer à M. Hynes un pouvoir de dotation en vertu de la LEFP.

198En outre, l’intimé assume des fonctions consultatives et de surveillance par l’entremise de son personnel des ressources humaines et il a mis des mesures en place, notamment des critères concernant les nominations effectuées au terme de processus non annoncés. Toutefois, ces mesures se sont avérées inefficaces dans les circonstances entourant les plaintes en l’espèce. Par conséquent, le Tribunal recommande qu’une évaluation soit faite, dans les 90 jours, de la capacité de l’organisation des ressources humaines de RNCan d’offrir aux gestionnaires des conseils adéquats, en particulier en ce qui concerne les processus de nomination non annoncés et de corriger, dans les six mois, toute lacune décelée au cours de l’évaluation.

Ordonnance

199 Le Tribunal ordonne à l’intimé de révoquer les nominations de Mme Delorme à compter de la date de leur entrée en vigueur, ce qui doit être fait dans les 60 jours.

[traduction]

Décision

14Une autre décision sera rendue afin d’inclure les modifications susmentionnées.

Guy Giguère

Président

Parties au dossier

Dossiers du Tribunal:
2007-0048 et 2007-0087
Intitulé de la cause:
Jennifer Beyak et le Sous-Ministre de Ressources naturelles Canada et al.
Audience:
Instruction sur dossier
Date des motifs:
Le 18 décembre
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