Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a formulé des allégations d’abus de pouvoir à l’encontre de l’intimé au motif que celui-ci se serait fié à une référence partiale. Il a soutenu d’autre part qu’en dépit de la réévaluation de ses références après la discussion informelle, le comité d’évaluation avait déjà choisi la personne qui serait nommée et n’a pas examiné sa candidature de façon juste. L’intimé a fait valoir que le comité d’évaluation avait sérieusement pris en considération les nouveaux points soulevés par le plaignant durant la discussion informelle. Il a ajouté qu’il n’y avait aucune preuve démontrant que la décision finale du comité quant à la bonne personne pour le poste était inadéquate. Décision : Le Tribunal a jugé qu’il n’y avait aucune preuve de parti pris de la part du superviseur qui avait fourni les références, malgré le caractère négatif de celles-ci. Le comité d’évaluation avait agi de bonne foi dans sa décision de réévaluer la candidature du plaignant à la suite de la discussion informelle. Rien dans les éléments de preuve ne montrait que le comité avait négligé de recommencer le processus de sélection de façon à tenir compte de la candidature du plaignant après que ce dernier eut été jugé qualifié. Le plaignant n’avait pas établi que l’intimé avait négligé d’examiner sa candidature d’une manière équitable. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

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Dossier:
2007-0440
Rendue à:
Ottawa, le 29 septembre 2009

DALE RICHARDS
Plaignant
ET
LE SOUS-MINISTRE DE PÊCHES ET OCÉANS CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plainte d'abus de pouvoir en vertu de l'alinéa 77(1)a) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision:
La plainte est rejetée
Décision rendue par:
Merri Beattie, membre
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Richards c. le sous-ministre de Pêches et Océans Canada et al.
Référence neutre:
2009 TDFP 0028

Motifs de la décision

Introduction

1Le plaignant, Dale Richards, occupe un poste d’agent des pêches au ministère des Pêches et des Océans à Truro (Nouvelle‑Écosse). Il a participé à un processus de nomination interne annoncé visant la dotation de postes de surveillant sur le terrain, Conservation et protection (C et P) des groupe et niveau GT‑05 à divers endroits en Nouvelle‑Écosse. Le plaignant soutient que le comité d’évaluation s’est fondé sur des références inappropriées lorsqu’il a mené son évaluation. Bien que ses références aient été réévaluées après la discussion informelle, il fait valoir que le comité d’évaluation avait déjà choisi la personne qui serait nommée et n’a pas examiné sa candidature de façon juste.

2L’intimé, le sous‑ministre de Pêches et Océans Canada nie tout abus de pouvoir dans ce processus de nomination. Il affirme que les références du plaignant ont été réévaluées de façon juste après la discussion informelle, et que les critères qui devaient servir à choisir la bonne personne pour le poste ont de nouveau été appliqués à l’ensemble des candidats qualifiés, dont faisait désormais partie le plaignant.

Contexte

3Le processus de nomination visait la dotation de deux postes dans l’est de la Nouvelle‑Écosse; toutefois, le poste offert à St. Peter’s en Nouvelle-Écosse était un poste bilingue à dotation impérative. Le plaignant n’a posé sa candidature qu’au poste offert à Truro (Nouvelle-Écosse).

4Le plaignant a appris que sa candidature avait été éliminée du processus de nomination parce qu’il avait été établi qu’il ne possédait pas l’une des qualifications essentielles, la fiabilité – évaluée au moyen d’une vérification des références. Il a participé à une discussion informelle, puis il a soumis des renseignements et des documents à l’attention du comité d’évaluation. Le 31 juillet 2007, le plaignant a été informé du fait que le comité d’évaluation s’était penché sur les renseignements qu’il avait fournis et avait passé en revue l’évaluation relative à la fiabilité. À la lumière de cette nouvelle évaluation, le plaignant a été jugé qualifié, et sa candidature a été placée dans un bassin de candidats qualifiés.

5Le 23 août 2007, une Notification de nomination ou de proposition de nomination a été affichée sur Publiservice pour des nominations à Truro et à St. Peter’s en Nouvelle-Écosse. Le 7 septembre 2007, le plaignant a présenté une plainte d’abus de pouvoir au Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP).

Questions en litige

6Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. L’intimé a‑t‑il abusé de son pouvoir en évaluant le plaignant sur la base de ses références?
  2. L’intimé a‑t‑il abusé de son pouvoir faute d’avoir examiné équitablement la candidature du plaignant?

Résumé des éléments de preuve pertinents

7Ross Jones, coordonnateur de projets spéciaux, était responsable de la coordination et de la surveillance du processus de nomination visant la dotation de postes des groupe et niveau GT‑05. Il ne faisait pas partie du comité d’évaluation, mais il a mené toutes les vérifications de références, sauf une.

8Dans son témoignage, M. Jones a indiqué qu’il avait passé en revue les questions de vérification des références portant sur la fiabilité et les relations interpersonnelles. Il a précisé qu’il avait lui‑même élaboré le questionnaire de vérification des références et en avait discuté avec les Ressources humaines. Il a expliqué que, pour chaque candidat, le comité d’évaluation avait décidé de demander trois répondants, qui devaient être des superviseurs actuels ou anciens (titulaires ou intérimaires) ou encore des chefs de secteur ou des directeurs.

9M. Jones a indiqué qu’il avait effectué la vérification des références sur une période de deux à trois mois. Il a identifié trois questionnaires de vérification des références et a confirmé que les notes qui y figuraient étaient celles qu’il avait consignées pendant ses vérifications concernant le plaignant. Il a reconnu que ses notes ne reprenaient pas mot pour mot les propos qu’il avait recueillis; en effet, certains renseignements qui lui ont été fournis étant selon lui de seconde main, il ne les a pas consignés. Il a ajouté qu’il avait, dans certains cas, paraphrasé.

10M. Jones a parlé d’une série de courriels qu’il a échangés avec le plaignant le 11 juin 2007. Il a expliqué que le « surveillant intérimaire de C et P à Burnside » [traduction] dont il est question dans les courriels est en fait Tim Owen, une des personnes qui lui a fourni des références. M. Jones a déclaré qu’il connaissait bien le milieu en question et qu’il savait qui étaient les superviseurs. Il était « presque certain » [traduction] que M. Owen était, au moment de la vérification, le superviseur du plaignant. M. Jones a déclaré que M. Owen lui avait dit qu’il avait occupé ce poste à titre intérimaire pendant une longue période et qu’il avait été le superviseur du plaignant. M. Jones a indiqué que, même s’il avait su qu’une autre personne occupait à ce moment‑là le poste de superviseur par intérim, il aurait tout de même fait appel à M. Owen parce que celui‑ci avait supervisé le plaignant pendant plus longtemps et était en mesure de fournir des références.

11M. Jones a expliqué qu’il avait eu de la difficulté à trouver des superviseurs, actuels ou récents, pour fournir des références au sujet du plaignant, et que le chef de secteur lui avait fait une suggestion à cet égard. Il a envoyé un courriel au plaignant le 11 juin 2007 pour obtenir son point de vue sur un éventuel répondant. Comme le plaignant ne voulait pas que cette personne fournisse de références à son sujet, celle‑ci n’a pas été contactée. Le plaignant a suggéré le nom de quelqu’un d’autre; toutefois, les Ressources humaines ont demandé à M. Jones de ne pas faire appel à cette personne parce qu’elle avait pris sa retraite. M. Jones a finalement communiqué avec Felton d’Entremont pour obtenir des références. M. Jones a déclaré que M. d’Entremont lui avait dit qu’il avait exercé de façon intérimaire les fonctions de surveillant à Barrington pendant l’absence du titulaire, et qu’il se sentait à l’aise de fournir des références. La troisième personne qui a été appelée à donner des références pour le plaignant est Bill Bagnell, surveillant, C et P, à Burnside.

12M. Jones a expliqué qu’une copie des questionnaires de vérification des références remplis avait été fournie à chaque membre du comité. Le 18 ou le 19 juin 2007,  Joan Reid, membre du comité, a communiqué avec M. Jones pour lui demander d’obtenir des références auprès d’une autre personne au sujet du plaignant.

13M. Jones a expliqué qu’il avait coordonné les discussions informelles tenues relativement à ce processus de nomination. La discussion informelle du plaignant a été menée par Harvey Millar, président du comité d’évaluation. À la suite de la discussion informelle, M. Millar a informé M. Jones que certains renseignements fournis par les répondants du plaignant pouvaient poser problème. M. Millar a demandé à M. Jones de transmettre les renseignements en question au plaignant, pour qu’il puisse formuler des commentaires à cet égard, s’il le désirait. M. Jones a déclaré qu’il avait par la suite reçu un ensemble de documents de la part du plaignant, qu’il a fait parvenir par télécopieur aux membres du comité.

14M. Jones a indiqué que le processus de nomination s’était poursuivi pendant la tenue des discussions informelles. Les recommandations visant les nominations ont été formulées le 21 juin 2007, à la fin des évaluations initiales. M. Jones a expliqué que, après avoir examiné les références du plaignant et les renseignements fournis par ce dernier, le comité avait eu comme mandat de revoir ses recommandations en ce qui a trait à chaque nomination et de tenir compte de la candidature du plaignant dans ses délibérations. Il croit se rappeler que le comité a passé en revue ses recommandations le 30 juillet 2007.

15Le plaignant a présenté un courriel daté du 18 avril 2007 que lui a transmis un adjoint aux ressources humaines pour l’informer de ce qui suit : « Outre la vérification des références que vous avez fournies antérieurement  pour ce qui concerne l’esprit d’initiative en milieu de travail, une autre vérification sera menée auprès de votre superviseur actuel, du chef de secteur et du directeur de secteur » [traduction]. Selon l’information que le plaignant a reçue des Ressources humaines après la formulation de sa plainte, il ne s’agit toutefois pas là des personnes qui ont fourni les références à son sujet.

16Selon le plaignant, M. Owen n’était pas son superviseur par intérim lorsqu’il a fourni les références le 25 mai 2007. Le plaignant a déposé en preuve deux courriels indiquant que Kim Seto était sa superviseure intérimaire les 22 et 28 mai 2007. Le plaignant a fait valoir que c’était Mme Seto et non M. Owen qui aurait dû donner des références à son sujet, puisqu’il n’avait travaillé avec ce dernier que « quelques jours » [traduction] à Parsboro.

17Le plaignant a indiqué que la déclaration suivante, qu’il a faite dans un courriel du 11 juin 2007 adressé à M. Jones, faisait en fait référence à M. Owen : « Le superviseur de Burnside est à ce poste à titre intérimaire et pourrait faire preuve de partialité à l’égard d’autres participants au concours » [traduction].

18Le plaignant a déclaré que M. d’Entremont était simplement son collègue lorsqu’il travaillait à Barrington.

19Après l’élimination de sa candidature du processus de nomination, le plaignant a rencontré M. Millar à l’occasion d’une discussion informelle; ce dernier lui a présenté un résumé des références fournies à son sujet concernant ses relations interpersonnelles et sa fiabilité. Le plaignant a déclaré que la discussion informelle aurait dû lui permettre d’obtenir davantage de renseignements au sujet des références; en effet, il a indiqué qu’il n’avait pas pu consulter les notes des répondants, pas plus qu’il n’avait appris lequel des répondants avait donné l’information dont il était question. Le plaignant a formulé des commentaires relativement aux références fournies et les a remis à M. Jones.

20Les questionnaires de vérification des références le concernant ont été remis au plaignant à l’occasion d’une rencontre qui a eu lieu le 6 septembre 2007. Le plaignant a précisé qu’il avait fourni le nom de deux répondants pour la qualification liée à l’esprit d’initiative, et qu’aucune de ces deux personnes n’était M. Owen. Or, selon l’information figurant dans les questionnaires, M. Owen a formulé des commentaires concernant l’esprit d’initiative du plaignant.

21Le plaignant a fait valoir que la note de 80 qu’il avait obtenue pour l’esprit d’initiative avait été réduite à 68 après la vérification des références. Une note manuscrite figurant dans le document portant sur la notation de l’exercice de simulation pour le poste de surveillant sur le terrain (GT‑05), Conservation et protection, au MPO indique que sa « note partielle » [traduction] était de 80, « sous réserve des résultats de la vérification des références. » [traduction]

22À l’automne 2007, le plaignant a participé à une rencontre qui visait à discuter des références données par M. Owen. À la suite de cette rencontre, M. Owen a adressé une lettre d’excuses au plaignant en date du 8 novembre 2007.

23Le 31 juillet 2007, le plaignant a appris que le comité d’évaluation avait procédé à une nouvelle évaluation de deux de ses qualifications. Sa note en ce qui a trait aux relations interpersonnelles est demeurée inchangée, mais celle qui portait sur la fiabilité a été augmentée. Par conséquent, sa candidature a été placée dans le bassin de candidats qualifiés.

24Dans un courriel daté du 14 août 2007, Regis Verner, Ressources humaines, a déclaré que le comité d’évaluation avait formulé ses recommandations finales en vue des nominations le 20 juillet 2007. Or, le plaignant n’a été réévalué que le 30 ou le 31 juillet 2007. Selon lui, il n’a donc eu aucune chance véritable puisque le processus de nomination se poursuivait alors que sa situation n’était toujours pas réglée. Il a fait valoir que le processus aurait dû être suspendu pendant l’examen de ses références.

25D’après le plaignant, le résultat de cette nouvelle évaluation aurait pu être différent s’il avait su, à ce moment‑là, par qui avaient été fournies les références.  À son avis, l’objectif d’un processus de nomination consiste à trouver la personne la mieux qualifiée pour le poste.

26Mme Reid, chef de secteur, C et P, Est de la Nouvelle‑Écosse, faisait partie du comité d’évaluation. Elle a donc participé à l’évaluation des références fournies au sujet des candidats en ce qui a trait aux relations interpersonnelles et à la fiabilité. Mme Reid a expliqué que M. Jones avait remis à chacun des membres du comité d’évaluation une copie des questionnaires de vérification des références remplis. Les membres du comité se sont réunis et ont évalué les références au regard d’un guide d’évaluation contenant des éléments précis liés aux qualifications. Le comité a également passé en revue les références fournies pour chaque candidat afin de relever les points communs et les écarts majeurs. Mme Reid a indiqué que les références concernant le plaignant laissaient entrevoir certains problèmes, raison pour laquelle il n’avait pas obtenu la note de passage pour la fiabilité.

27M. Millar a convoqué une réunion par téléconférence du comité d’évaluation aux fins de l’examen de l’information qu’avait fournie le plaignant à la suite de la discussion informelle. À la lumière de son examen, le comité a jugé que la note qui avait été accordée au plaignant pour la fiabilité devait être augmentée. Mme Reid a déclaré que l’évaluation du plaignant en ce qui a trait aux relations interpersonnelles était fondée sur des renseignements semblables fournis par tous ses répondants. Aucun renseignement additionnel présenté par le plaignant n’a incité le comité à changer sa note relativement à cette qualification.

28Mme Reid a déclaré qu’elle ne mettait aucunement en doute l’authenticité des références fournies au sujet du plaignant. Elle a précisé que c’est parce que M. Owen avait fourni des références contenant de l’information de seconde main qu’il avait par la suite présenté des excuses au plaignant. Elle a expliqué que les excuses formulées ne l’avaient pas poussée à mettre en doute les références données par M. Owen ni sa propre évaluation à cet égard, puisqu’elle avait accordé très peu d’importance, voire aucune, aux renseignements de seconde main pendant l’évaluation initiale. Mme Reid a ajouté qu’elle avait donné très peu de poids aux références qui n’étaient pas étayées par des précisions ou par un exemple.

29Mme Reid a indiqué qu’elle avait elle‑même choisi les critères permettant de choisir la bonne personne pour le poste à Truro. Elle a présenté un document portant sur les critères de mérite,qui établit le classement des critères – cinq qualifications essentielles et deux qualifications constituant un atout – et comprend une justification de leur choix aux fins de la détermination de la bonne personne pour le poste. C’est Mme Reid qui a préparé le document à soumettre à l’approbation du directeur de secteur et du directeur, C et P.

30Mme Reid a expliqué que le comité avait d’abord examiné les trois premiers critères pour établir si l’un des candidats qualifiés se démarquait du lot. Puis, le comité a étudié les quatre autres critères pour vérifier si le candidat représentait toujours la bonne personne pour le poste. Le processus visant la sélection de la bonne personne a été mené pendant la troisième semaine de juin 2007, et c’est au cours de cette même semaine que les références ont été évaluées.

31La candidature du plaignant n’a pas été examinée lors de la sélection initiale puisque ce dernier n’avait pas obtenu la note de passage pour la qualification « fiabilité ». Après la réévaluation du plaignant, toutefois, le processus de sélection a été mené de nouveau, mais les résultats n’ont pas changé.

32En tant que président du comité d’évaluation, M. Millar, chef de secteur, C et P, Sud‑ouest de la Nouvelle‑Écosse, a dirigé l’évaluation des références réalisée par le comité. Il a expliqué que chaque membre avait en sa possession une copie des références fournies, et que celles‑ci étaient toutes lues à haute voix. Les membres du comité se servaient d’un guide d’évaluation pour attribuer, individuellement, une note globale pour chaque qualification, à la lumière de l’ensemble des références fournies pour chaque candidat. Des discussions suivaient, au cours desquelles chaque membre expliquait la note qu’il avait attribuée, et les autres membres posaient des questions et cherchaient à trouver des exemples. M. Millar a déclaré que le comité avait rejeté les renseignements de seconde main et s’était fondé sur les observations personnelles du répondant. Les notes finales relativement à la vérification des références ont été fixées par consensus.

33M. Millar a expliqué que les références fournies par deux des trois répondants du plaignant étaient plutôt négatives, et que celles du troisième répondant étaient neutres. Même si l’un des membres du comité avait une connaissance personnelle du travail du plaignant, le comité a décidé de demander des références à un quatrième répondant. C’est vers Jim McKinnon, ancien superviseur du plaignant, que le comité s’est tourné.

34Pendant l’évaluation initiale, M. Millar s’est demandé si les propos négatifs tenus par M. Owen pouvaient révéler l’existence d’un parti pris. Il a donc veillé attentivement à accorder aux références fournies par celui‑ci le poids approprié, à la lumière de l’ensemble des autres références concernant le plaignant. Il a déclaré qu’ « aucune importance considérable » [traduction] n’avait été accordée aux renseignements qui n’étaient pas étayés par un exemple. Toutefois, les références transmises par MM. Owen et Bagnell, bien que négatives, étaient les plus récentes concernant le plaignant. En effet, MM. d’Entremont et McKinnon avaient donné des références plus anciennes.

35En vue de se préparer à la discussion informelle avec le plaignant, M. Millar a passé en revue toutes les références à son sujet de même que le guide d’évaluation. En outre, il a fait préparer un résumé des références en question. M. Millar a indiqué qu’il voulait que le plaignant puisse prendre connaissance de commentaires positifs et négatifs fournis à son sujet; toutefois, les Ressources humaines lui avaient conseillé de ne pas donner le nom des répondants visés.

36Au terme de la discussion informelle avec le plaignant, M. Millar a établi que le comité devait revoir les notes attribuées à ce dernier pour les références portant sur les relations interpersonnelles et la fiabilité. Il a informé le plaignant qu’il convoquerait de nouveau les membres du comité d’évaluation et il lui a demandé de soumettre des renseignements à l’attention du comité.

37Le comité d’évaluation s’est réuni par téléconférence le 30 juillet 2007 et a suivi le même processus que la fois précédente : notation individuelle suivie d’une discussion et de l’établissement d’une note finale selon un consensus pour les deux qualifications.

38M. Millar a expliqué qu’il avait ultérieurement appris l’existence de la lettre d’excuses envoyée par M. Owen, mais seulement après les délibérations finales du comité, qui ont eu lieu le 30 juillet 2007. Il a déclaré qu’il ne doutait aucunement de l’authenticité des références fournies par M. Owen et qu’il n’avait jamais eu l’impression que les références qu’il examinait étaient fausses ou trompeuses.

39Lorsque le conseil a établi que le plaignant était qualifié, il a immédiatement repris le processus visant la sélection de la bonne personne pour le poste à Truro. M. Millar a expliqué que les notes des candidats qualifiés relativement aux trois premiers critères ont été additionnées, et que le candidat ayant obtenu la meilleure note totale a été choisi. Le comité est parvenu à la même décision que précédemment, et il a formulé sa recommandation à l’intention du directeur de secteur. M. Millar a déclaré que le processus de nomination avait pris fin le 30 juillet 2007.

Argumentation des parties

A) Argumentation du plaignant

40Le plaignant soutient que le processus de nomination a été entaché de mauvaise foi. Selon lui, l’intimé s’est fié à une référence partiale. Il ajoute que les témoins de l’intimé ont déclaré avoir accordé peu d’importance, voire aucune, à certains aspects des références ou aux excuses formulées ultérieurement par M. Owen, mais, en revanche, ils ont dit qu’il n’y avait aucune raison de mettre en doute les références fournies.

41Le plaignant n’a pas présenté d’argument relativement à son allégation selon laquelle l’intimé n’a pas examiné équitablement sa candidature lorsqu’il a pris sa décision finale quant à la bonne personne pour le poste.

B) Argumentation de l’intimé

42L’intimé soutient qu’il n’existe aucune preuve démontrant que certaines des références étaient fausses, ou auraient dû être considérées comme telles, et, par le fait même, rejetées en entier. L’intimé ajoute que le comité d’évaluation n’avait aucune raison d’examiner une fois de plus la candidature du plaignant à la suite de la présentation de la lettre d’excuses par M. Owen. Les excuses portaient d’ailleurs sur la communication de renseignements de seconde main, auxquels le comité n’avait accordé que peu d’importance, voire aucune.

43L’intimé fait valoir que le processus de sélection initial visant le choix de la bonne personne pour le poste, tenu en juin 2007, n’avait rien d’inapproprié. Le plaignant a soulevé de nouveaux points pendant la discussion informelle, que le comité d’évaluation a sérieusement pris en considération lorsqu’il a évalué de nouveau sa candidature. Selon l’intimé, il n’existe aucune preuve démontrant que la décision finale du comité quant à la bonne personne pour le poste était inappropriée.

C) Argumentation de la Commission de la fonction publique

44 La Commission de la fonction publique (la CFP) n’était pas représentée à l’audience. Comme elle l’a fait dans des affaires antérieures, la CFP a présenté des observations écrites sur la notion d’abus de pouvoir.

Analyse

Question I :  L’intimé a‑t‑il abusé de son pouvoir en évaluant le plaignant sur la base de ses références?

45Il ne fait aucun doute que des références ont servi à l’évaluation de deux des qualifications essentielles, à savoir la fiabilité et les relations interpersonnelles.  

46Le plaignant a attiré l’attention du Tribunal sur des commentaires liés à l’esprit d’initiative, qui ont été formulés par M. Owen. Selon la preuve, l’esprit d’initiative – qui constituait une qualification essentielle – a été évalué à partir d’un exemple fourni ou d’une situation décrite par le candidat, puis l’information transmise a été confirmée par au moins un répondant. Selon l’information qui figure dans le questionnaire de vérification des références de M. Owen, ce dernier a confirmé la situation qu’avait décrite le plaignant pour illustrer son esprit d’initiative et a ajouté qu’il croyait qu’il ne s’agissait pas là d’un très bon exemple d’esprit d’initiative.

47M. Millar a assisté à l’entrevue du plaignant, mais il n’a pas participé au suivi qui a par la suite été effectué auprès des répondants. Il a déclaré que les références n’avaient pas servi à évaluer l’esprit d’initiative, mais bien à confirmer l’information fournie par le candidat. Il a ajouté que les commentaires de M. Owen, qui ont trait à l’esprit d’initiative, n’avaient pas été pris en considération dans l’évaluation de la fiabilité ni des relations interpersonnelles.  Cet élément de preuve n’a pas été contesté.

48Le Tribunal estime que les références n’ont été utilisées que dans l’évaluation de deux qualifications essentielles, notamment la fiabilité et les relations interpersonnelles.

49Le plaignant soutient que M. Owen n’était pas son superviseur le jour où il a fourni les références et que c’est Mme Seto, qui exerçait à ce moment‑là les fonctions de superviseur par intérim, qui aurait dû être invitée à donner des références.

50Dans la décision Dionne c. le Sous‑ministre de la Défense nationale et al., [2008] TDFP 0011, le Tribunal s’est prononcé sur l’utilisation de références comme outil d’évaluation :

[50] La vérification des références est une méthode couramment utilisée pour obtenir des renseignements au sujet du rendement antérieur d’un candidat et de ses réalisations afin d’évaluer les qualités personnelles de ce dernier pour le poste à doter. […] Bien que les candidats puissent donner le nom de superviseurs ou de collègues qui sont susceptibles de fournir des références positives, l’objectif de la vérification des références est d’obtenir des renseignements précis et pertinents au sujet d’un candidat, que ceux‑ci soient positifs ou négatifs.

51Des références concernant le plaignant ont été obtenues auprès de M. Owen le 25 mai 2007. Au vu des éléments de preuve, il semble que ce soit Mme Seto qui était la superviseure du plaignant ce jour‑là, à titre intérimaire. Toutefois, aucun élément de preuve n’a été produit qui permette d’établir la durée pendant laquelle Mme Seto a supervisé le plaignant. M. Jones a déclaré que, même s’il avait su que Mme Seto occupait ce jour‑là le poste de superviseur à titre intérimaire, il se serait tout de même adressé à M. Owen pour obtenir des références puisqu’il savait très bien que M. Owen avait supervisé le plaignant pendant plus longtemps que Mme Seto.

52Le questionnaire de vérification des références de M. Owen indique que celui‑ci a travaillé avec le plaignant à Parsboro et à Barrington. Dans le courriel qu’il a envoyé à M. Jones le 11 juin 2007, le plaignant n’a jamais laissé entendre qu’il doutait que M. Owen connaisse suffisamment son travail pour pouvoir fournir des références à son sujet. Il a toutefois soulevé ce doute précis à l’égard d’une autre personne, qui n’a par conséquent pas été appelée à donner de références.

53Le plaignant a fait valoir que M. d’Entremont était simplement son collègue lorsqu’il travaillait avec lui à Barrington. Cependant, selon les renseignements qu’a fournis l’intimé, M. d’Entremont a supervisé le plaignant de façon intérimaire, et il se sentait à l’aise de donner des références. D’après M. Jones, l’objectif était de joindre trois répondants, parmi lesquels pouvaient figurer des superviseurs intérimaires. Aucune preuve visant à réfuter cette affirmation n’a été présentée au Tribunal.

54Selon la preuve, le comité a fondé son évaluation du plaignant sur les renseignements que lui ont transmis quatre répondants. Parmi les trois répondants joints au départ, deux avaient fourni des renseignements négatifs et l’autre avait une opinion neutre. Le comité s’est donc efforcé de trouver un quatrième répondant.

55Le Tribunal estime que la preuve ne permet pas d’établir que M. Owen, pas plus que n’importe quel autre des répondants du plaignant, ne connaissait pas assez bien le plaignant sur le plan professionnel pour fournir des références à son sujet, ni qu’il n’était pas raisonnable de la part de l’intimé de faire appel à M. Owen ou aux autres répondants pour obtenir des références.

56Le plaignant soutient que la note qui lui avait été attribuée pour les relations interpersonnelles a été réduite à la suite de la vérification des références.

57La preuve démontre que la qualification essentielle « relations interpersonnelles » a été évaluée à l’aide d’une combinaison d’outils. Toujours selon la preuve, la note partielle du plaignant en ce qui a trait aux relations interpersonnelles avait été fixée le 23 mars 2007 à 80. Cette note partielle était toutefois susceptible de changer puisque l’évaluation des relations interpersonnelles n’était pas terminée en mars 2007. Il fallait attendre que tous les outils d’évaluation aient été appliqués pour attribuer la note finale.

58Au vu des éléments de preuve, le Tribunal estime que le comité d’évaluation s’est servi des références pour évaluer de façon partielle les relations interpersonnelles, et qu’il n’a attribué la note finale relativement à cette qualification que lorsqu’il a terminé sa vérification des références, en juin 2007. Selon l’information qui figure dans le sommaire de l’évaluation du plaignant, ce dernier s’est vu accorder une note finale de 68 pour les relations interpersonnelles. Le Tribunal juge que cette note représente la note finale de l’évaluation complète de cette qualification. Aucun élément de preuve n’appuie l’allégation du plaignant selon laquelle la note attribuée pour les relations interpersonnelles a été réduite.

59Le plaignant soutient que M. Owen a fait preuve de partialité dans les références qu’il a fournies, et que le comité d’évaluation n’aurait pas dû se fonder sur ces références pour l’évaluer. Dans son courriel du 11 juin 2007 à l’intention de M. Jones, le plaignant déclare que M. Owen pourrait faire preuve de partialité à l’égard « d’autres participants au concours » [traduction]. Cette déclaration n’indique pas que le plaignant croyait, à ce moment‑là, que M. Owen pouvait faire preuve de partialité contre lui. Dans son témoignage, le plaignant n’a pas évoqué ce parti pris présumé de M. Owen à l’égard d’autres candidats; d’ailleurs, aucun élément de preuve n’indique que M. Owen a fourni des références pour d’autres candidats.

60Mme Reid et M. Millar ont tous deux expliqué de quelle façon les références des candidats avaient été évaluées dans ce processus de nomination. Chaque référence était lue à haute voix. Chacun des membres du comité avait en sa possession une copie des questionnaires de vérification des références remplis et du guide d’évaluation. Les membres attribuaient d’abord individuellement une note aux candidats, puis ils discutaient avec les autres membres et cherchaient des exemples dans les références. Les notes finales étaient fixées par consensus. Cette preuve n’a pas été contestée.

61Dans leurs témoignages respectifs, Mme Reid et M. Millar ont tous deux indiqué qu’ils s’étaient fiés aux observations personnelles des répondants et non aux renseignements de seconde main contenus dans les références. Ils ont accordé davantage de poids à l’information étayée par des exemples précis ou qui se répétait d’un questionnaire à l’autre.

62Mme Reid a répondu à plusieurs questions portant sur des commentaires précis contenus dans le questionnaire de vérification des références de M. Owen, dont certains constituaient selon elle de l’information de seconde main ou des renseignements non corroborés, auxquels elle n’a accordé aucun poids dans son évaluation. Par ailleurs, elle a déclaré que d’autres commentaires revenaient dans plus d’un questionnaire, et qu’elle leur avait donc accordé une plus grande importance. Elle n’arrivait pas à se souvenir précisément de tout, et elle a expliqué qu’il était difficile de parler des détails de l’évaluation alors que le processus remontait à aussi loin. Toutefois, son témoignage concordait avec celui de M. Millar en ce qui a trait à la façon dont le comité d’évaluation avait choisi d’utiliser les références comme outil d’évaluation.

63Les quatre questionnaires de vérification des références concernant le plaignant de même que les renseignements fournis par ce dernier au comité d’évaluation à la suite de la discussion informelle ont été présentés en preuve. Plus d’un des questionnaires contenait de l’information et des exemples précis pouvant être qualifiés de négatifs.

64Le questionnaire de M. Owen contient des renseignements particulièrement négatifs, et le plaignant soutient qu’il s’agit là d’une preuve de partialité. M. Owen a, après le processus, rédigé une lettre d’excuses à l’intention du plaignant dans laquelle il indique ce qui suit : « Je m’excuse d’avoir utilisé des renseignements de seconde main non vérifiés dans les références que j’ai fournies à votre sujet dans le cadre de votre candidature au poste de surveillant sur le terrain, C et P, à Truro. » [traduction] Les excuses de M. Owen n’indiquent toutefois pas que l’information qu’il a donnée était incorrecte; elles ne font que confirmer qu’il s’agit de renseignements de seconde main. Le comité d’évaluation était au fait de la situation et il en a tenu compte lorsqu’il a évalué le plaignant.

65Après la discussion informelle, le plaignant a présenté une réplique relativement à certains renseignements, et il a expliqué certains de ses actes. Il n’a pas été démontré que l’information fournie par les répondants, et par M. Owen en particulier, n’était pas véridique; le plaignant a fourni une explication en ce qui a trait à certains des renseignements contenus dans les références, ou encore formulé une opinion différente à cet égard.

66Lorsque le comité d’évaluation s’est  de nouveau réuni – le 30 juillet 2007, par téléconférence – il a suivi le même processus que précédemment pour réévaluer la fiabilité et les relations interpersonnelles du plaignant. Le comité n’a rejeté aucune des références fournies au sujet du plaignant dans son intégralité, mais il a tenu compte des renseignements supplémentaires fournis par ce dernier. Au terme de son évaluation, le comité a accordé au plaignant une note supérieure à la note de passage en ce qui a trait à la fiabilité.

67Selon la preuve présentée par l’intimé, le plaignant s’est vu attribuer en juin 2007 une note de 68 pour les relations interpersonnelles, ce qui est supérieur à la note de passage.  Les renseignements fournis par le plaignant à la suite de la discussion informelle n’ont pas amené le comité à modifier l’évaluation de cette qualification. Aucun élément de preuve ne permet de réfuter cette observation.

68La déclaration du plaignant selon laquelle M. Owen pourrait faire preuve de partialité à l’égard d’autres participants soulève la question du favoritisme personnel.  Toutefois, aucun élément de preuve présenté au Tribunal ne démontre que  M. Owen a fait preuve de partialité contre le plaignant ou de favoritisme personnel envers d’autres candidats. Par conséquent, rien n’indique que le comité d’évaluation aurait dû rejeter l’ensemble des références fournies par M. Owen.

69Le Tribunal estime que le plaignant n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que l’intimé a abusé de son pouvoir en l’évaluant sur la base de ses références.

Question II : L’intimé a‑t‑il abusé de son pouvoir faute d’avoir examiné équitablement la candidature du plaignant?

70Le plaignant soutient que le comité d’évaluation ne peut avoir examiné sa candidature sérieusement en vue d’une nomination puisqu’une décision à cet égard avait déjà été prise avant sa réévaluation. Selon lui, il s’agit là d’une question d’ « équité procédurale ».

71Mme Reid a expliqué que le processus visant la sélection de la bonne personne (processus de sélection) était fondé sur l’évaluation de cinq des qualifications essentielles et de deux des qualifications constituant un atout (critères de sélection). Selon les témoins de l’intimé, le processus de sélection a été mené à la fin du mois de juin 2007 puis repris le 30 juillet 2007, après la discussion informelle et la réévaluation du plaignant.

72Les articles 47 et 48 de la LEFP sont pertinents en l’espèce :

47. À toute étape du processus de nomination interne, la Commission peut, sur demande, discuter de façon informelle de sa décision avec les personnes qui sont informées que leur candidature n’a pas été retenue.

48.(1) La Commission, une fois l’évaluation des candidats terminée dans le cadre d’un processus de nomination interne, informe, selon les modalités qu’elle fixe, les personnes suivantes du nom de la personne retenue pour chaque nomination :

[…]

(2) La Commission peut, pour les processus de nomination internes, fixer la période, commençant au moment où les personnes sont informées en vertu du paragraphe (1), au cours de laquelle elle ne peut ni faire ni proposer une nomination.

(3) À l’expiration de la période visée au paragraphe (2), la Commission peut proposer la nomination d’une personne ou la nommer, que ce soit ou non la personne dont la candidature avait été retenue et, le cas échéant, en informe les personnes informées aux termes du paragraphe (1).

[caractères gras ajoutés]

73L’article 48 de la LEFP énonce la nécessité de procéder, dans le cadre d’une nomination, à deux notifications. Il ressort clairement de la lecture consécutive des articles 47 et 48 que la première notification – Notification de candidature retenue – annonce en fait la dernière étape d’un processus de nomination, lorsque les personnes sont informées que leur candidature est rejetée puisqu’elle n’a pas été retenue en vue d’une nomination. Selon le paragraphe 48(2), il est interdit de procéder à des nominations pendant une certaine période, au cours de laquelle les personnes dont la candidature n’a pas été retenue peuvent demander la tenue d’une discussion informelle, en vertu du paragraphe 47.

74Après cette période, une autre notification – Notification de nomination ou de proposition de nomination – est publiée; il y est fait état du nom de la personne nommée ou proposée aux fins de nomination.

75En utilisant les mots « que ce soit ou non la personne dont la candidature avait été retenue » au paragraphe 48(3) de la LEFP, le législateur indique clairement qu’il est possible, au terme d’une discussion informelle, que la personne retenue en vue de la nomination ne soit pas nommée ou proposée aux fins de nomination. De même, une personne dont la candidature n’avait au départ pas été retenue pourrait être proposée aux fins de nomination ou nommée. Par ailleurs, le législateur veut également établir que les délégataires peuvent avoir, selon le cas, à revoir leurs décisions de nomination de façon juste et impartiale à la suite d’une discussion informelle.

76La CFP a exercé le pouvoir que lui confère le paragraphe 48(2) en ce qui a trait à l’établissement d’une période d’attente en publiant ses lignes directrices en matière de notification, selon lesquelles les administrateurs généraux doivent fixer une période d’attente d’au moins cinq jours, entre la première et la deuxième notification.

77Il ne fait aucun doute qu’en l’espèce, la sélection aux fins de nomination a été effectuée par le comité d’évaluation le 21 juin 2007, soit avant la discussion informelle et la nouvelle évaluation du plaignant. Comme il a déjà été expliqué, il s’agit là d’une pratique qui est expressément permise aux termes des articles 47 et 48 de la LEFP.

78Le plaignant a appris qu’il ne s’était pas qualifié en vue d’une nomination. Il a participé à une discussion informelle concernant l’élimination de sa candidature du processus et a fourni des renseignements au comité d’évaluation. Au paragraphe 76 de la décision Rozka et al. c. le Sous‑ministre de Citoyenneté et Immigration Canada et al., [2007] TDFP 0046, le Tribunal affirme que la discussion informelle ne doit pas constituer un mécanisme permettant à un candidat de demander une nouvelle évaluation de ses qualifications. Toutefois, le comité d’évaluation peut établir que les renseignements obtenus à la suite de la discussion informelle méritent d’être pris en considération, comme ce fut le cas en l’espèce.

79Le 30 juillet 2007, le plaignant a été réévalué et jugé qualifié. La notification de nomination ou de proposition de nomination, qui a été déposée avec la plainte, est datée du 23 août 2007. La notification a donc eu lieu bien après la discussion informelle et la réévaluation du plaignant. 

80Le plaignant est d’avis qu’un processus de nomination devrait être interrompu lorsque la candidature d’une personne est éliminée, et qu’il ne devrait se poursuivre que lorsque toute question litigieuse concernant l’élimination a été résolue. Toutefois, les dispositions pertinentes de la LEFP n’appuient pas le point de vue du plaignant à cet égard.

81Quoi qu’il en soit, en l’espèce, la décision finale concernant la sélection aux fins de nomination n’a été annoncée que deux mois après la prise de la décision initiale. Pendant la période qui s’est écoulée entre‑temps, le comité d’évaluation s’est de nouveau réuni et a réévalué le plaignant. Le Tribunal estime que le comité d’évaluation a agi avec diligence et de bonne foi dans sa décision de réévaluer le plaignant à la suite de la discussion informelle.

82Le Tribunal juge que, en l’espèce, tout s’est déroulé comme il se doit en ce qui a trait aux deux notifications et à la discussion informelle. Rien n’indique que le comité d’évaluation a négligé de recommencer le processus de sélection de façon à tenir compte de la candidature du plaignant une fois que ce dernier a été jugé qualifié. De la même façon, il n’existe aucun élément de preuve indiquant que le comité n’a pas examiné la candidature du plaignant de façon appropriée lorsqu’il a mené le processus de sélection pour la deuxième fois.

83Le plaignant n’a pas soulevé d’argument selon lequel les critères de sélection ou le processus de sélection en soi contenaient des failles, pas plus qu’il n’a fourni d’éléments de preuve à cet égard. Selon la preuve non contestée en l’espèce, cinq qualifications essentielles et deux qualifications constituant un atout ont servi de critères de sélection. La même pondération a été accordée aux trois premiers critères, et le candidat ayant obtenu la meilleure note combinée relativement à ces critères a été considéré comme la meilleure personne pour le poste. Les notes relatives aux quatre autres critères de sélection ont été examinées, l’objectif étant de confirmer la sélection initiale. Le Tribunal estime que la sélection a été effectuée en fonction du classement.

84Dans la décision Visca c. Sous‑ministre de la Justice et al., [2007] TDFP 0024, le Tribunal affirme que, bien que la pratique consistant à classer les candidats ne rende pas compte de l’esprit de la LEFP, il n’est pas interdit aux gestionnaires de procéder ainsi. Toutefois, dans les cas où le classement est utilisé pour la sélection des candidats aux fins de nomination, le Tribunal doit se pencher sur son application afin de déterminer s’il y a eu abus de pouvoir.

85La fiabilité et les relations interpersonnelles faisaient partie des trois premiers critères de sélection. Le plaignant a déclaré que le résultat aurait pu être différent s’il avait su, au moment de la discussion informelle, qui avait fourni les références à son sujet.

86Le Tribunal estime que le plaignant s’est vu présenter, à la discussion informelle, les références dont le comité s’est servi pour l’évaluer. Il est vrai que le nom des répondants ne lui a pas été précisé à ce moment‑là, mais il possédait suffisamment d’information pour comprendre son évaluation et formuler des commentaires à cet égard. En outre, le Tribunal juge que le plaignant savait, le 11 juin 2007, que M. Owen avait fourni des références à son sujet.

87Avant l’audience, le plaignant a reçu les questionnaires de vérification des références de ses quatre répondants. Il n’a formulé aucun argument ni présenté aucun élément de preuve, au regard de ces documents, qui puisse infirmer l’évaluation finale qu’a faite le comité de sa fiabilité et de ses relations interpersonnelles. Rien n’indique qu’il aurait présenté des renseignements différents ou supplémentaires en réponse à l’information figurant dans les questionnaires de vérification des références.

88À la lumière des observations formulées ci‑dessus, le Tribunal conclut que le plaignant n’a pas établi que l’intimé n’avait pas examiné équitablement sa candidature. Par conséquent, l’allégation d’abus de pouvoir ne peut être considérée comme fondée.

Décision

89Pour tous ces motifs, la plainte est rejetée.

Merri Beattie

Membre

Parties au dossier

Dossier du Tribunal:
2007-0440
Intitulé de la cause:
Dale Richards et le sous-ministre de Pêches et Océans Canada et al.
Audience:
Les 9 et 10 septembre 2008
Halifax (N.É.)
Date des motifs:
Le 29 septembre 2009

Comparutions:

Pour le plaignant:
Anne Little
Pour l'intimé:
Neil McGraw
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