Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s'estimant lésé a contesté son renvoi en cours de stage - il a prétendu que son renvoi n'était qu'un subterfuge et qu'il était le résultat d'une plainte de harcèlement qu'il avait déposée à l'encontre d'un collègue et de sa superviseure - l'arbitre de grief a déterminé que les allégations n'étaient pas fondées - la superviseure avait documenté l'incapacité du fonctionnaire s’estimant lésé d'apprendre les tâches rattachées à son poste - l'arbitre de grief a conclu que l'employeur avait des motifs liés à l’emploi pour mettre fin à l'emploi du fonctionnaire s’estimant lésé pendant sa période de stage. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2010-10-06
  • Dossier:  566-32-2275
  • Référence:  2010 CRTFP 104

Devant un arbitre de grief


ENTRE

SAMEH SALIB

fonctionnaire s'estimant lésé

et

AGENCE CANADIENNE D’INSPECTION DES ALIMENTS

employeur

Répertorié
Salib c. Agence canadienne d’inspection des aliments

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Paul Love, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Neil Harden, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Joel Katz, avocat

Affaire entendue à Winnipeg (Manitoba),
du 18 au 20 mai et le 26 juillet 2010.
(Traduction de la CRTFP)

Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), le Dr Sameh Salib a contesté son renvoi en cours de stage du poste de vétérinaire, classifié aux groupe et niveau VM-01, qu’il occupait à l’Agence canadienne d’inspection des aliments (l’« Agence » ou l’« employeur »). Son grief se lit comme suit :

[Traduction]

Par lettre datée du 3 décembre 2007, j’ai été informé de mon renvoi en cours de stage. Cette mesure a été prise de mauvaise foi et constitue des représailles déguisées à mon endroit pour avoir déposé une plainte de harcèlement contre ma superviseure. Le 22 juin 2007, on m’a remis une liste de points devant faire l’objet d’une discussion plus poussée ou d’une formation. Le 11 juillet 2007, on m’a dit que mon rendement s’améliorait. La dernière rétroaction sur mon rendement que j’ai reçue de ma superviseure, le 26 octobre 2007, s’est avérée incorrecte, et des excuses m’ont été présentées à ce sujet le mardi 30 octobre 2007. Je n’ai reçu aucun avis que mon rendement était à ce point inacceptable que le défaut de m’améliorer entraînerait mon renvoi ni n’ai, depuis juillet, été avisé par écrit de ce que je devais faire pour améliorer mon rendement, ni n’ai eu la moindre occasion de m’améliorer. En novembre 2007, j’ai déposé, contre ma superviseure, une plainte de harcèlement sur laquelle l’ACIA n’a pas fait enquête. Après avoir rejeté ma plainte, l’ACIA m’a congédié en période de stage. Comme on ne m’a aucunement averti, avant cette plainte, qu’on envisageait de me renvoyer pendant ma période de probation, j’en déduis que l’on m’a congédié pour avoir exercé mon droit de déposer une plainte. Par conséquent, je dépose ce grief.

2 Le Dr Salib demande que son renvoi en cours de stage soit annulé, que l’Agence le réembauche à un poste VM-01 à l’extérieur de la région du Manitoba, qu’on le dédommage de toutes les pertes en traitement et en avantages sociaux qu’il a subies et qu’il soit indemnisé intégralement.

3 Les parties n’ont pas contesté ma compétence à trancher cette affaire.

II. Résumé de la preuve

4 J’ai entendu le témoignage du Dr David Bates, gestionnaire des inspections à l’Agence pour la région de l’Ouest du Manitoba, ainsi que de la Dre Yvette Neumier, vétérinaire superviseure à une usine de transformation (l’« établissement ») à Brandon (Manitoba). J’ai également reçu le témoignage du fonctionnaire. Les deux parties ont déposé nombre de pièces en preuve. Il existe une certaine communauté de vues entre les parties. Toutefois, des divergences relatives à des points clés ressortent. Certains de ces points ont trait à l’évaluation de la fiabilité des témoins.

5 L’Agence était en quête de vétérinaires pour l’établissement, lequel avait le volume de production de viande de porcs le plus élevé de toutes les usines au Canada, avec l’abattage d’environ 10 000 têtes par quart de travail de huit heures. Le Dr Bates a décrit l’établissement comme un environnement oppressant qui applique rigoureusement les normes de salubrité et d’assainissement, puisque 80 % de sa production est exportée en Asie. L’établissement devait mettre en place un second quart à l’automne de 2007, ce qui impliquait qu’il fallait doubler les effectifs d’inspecteurs de l’Agence.

6 À l’établissement, l’Agence emploie des inspecteurs et des vétérinaires. Les inspecteurs, qui sont des membres du personnel technique de classification EG et possédant au moins la scolarité de 12e année, sont chargés de l’assainissement et du tri des animaux vivants et des carcasses pour relever les anomalies, lesquels sont ensuite soumis à l’examen du vétérinaire qui décide de la façon d’en disposer. Entre autres tâches, le vétérinaire inspecte le déchargement des animaux à l’établissement et le troupeau gardé dans des enclos et effectue des inspections ante mortem et post mortem. Un vétérinaire peut notamment décider de condamner une carcasse ou de la déclarer consommable en tout ou en partie. Les décisions prises à cet égard peuvent comprendre des instructions données aux pareurs de viandes employés à l’établissement. Les vétérinaires et le personnel technique sont habilités à interrompre la production à la chaîne en cas de problème de salubrité alimentaire, et l’employé qui prend cette décision doit être prêt à la défendre. Si des erreurs doivent être commises, l’Agence préfère que l’employé pèche par excès de prudence, par souci de la salubrité des aliments.

7 À l’établissement, la Dre Neumier supervise tous les vétérinaires et l’inspecteur en chef, qui occupe un poste de groupe et niveau EG-05. Elle a obtenu son diplôme en 1984 du Western College of Veterinary Medicine. Pendant 15 ans, elle a travaillé à une clinique vétérinaire mixte avant de joindre les rangs de l’Agence dans son poste actuel à l’établissement en août 1999. En 2002, elle est devenue médecin-vétérinaire en chef à titre intérimaire et, en 2003, elle a été nommée à ce poste à titre permanent. La Dre Neumier n’a pas le pouvoir délégué d’embaucher ou de congédier les employés de l’Agence. Durant la période pertinente, la Dre Neumier relevait du Dr Bates, et ils étaient en communication chaque semaine.

8 Le Dr Bates a témoigné que l’Agence avait de la difficulté à recruter des vétérinaires aux postes classifiés VM-01, en particulier dans les petites localités telles que Brandon. Le Manitoba connaît un taux de roulement élevé des vétérinaires dans les postes classifiés VM-01. La Dre Neumier a témoigné que, souvent, ces postes n’intéressent pas les vétérinaires fraîchement diplômés.

9 Le Dr Bates s’est intéressé à la candidature du Dr Salib lorsque ce dernier a présenté une demande d’emploi à l’Agence. Le Dr Bates a obtenu le curriculum vitæ du fonctionnaire du Dr James Davies, gestionnaire des inspections responsable de la région de l’Est du Manitoba.

10 Le Dr Bates a téléphoné au Dr Salib et l’a fait venir par avion à Winnipeg (Manitoba). Le Dr Salib a passé son entrevue le premier jour. Ensuite, les Drs Bates et Salib se sont rendu en voiture à Brandon, où la Dre Neumier a fait visiter l’établissement au Dr Salib. Ce dernier a donné au Dr Bates l’impression d’être une personne enthousiaste, intéressée par le poste et susceptible de rester. Le Dr Salib a pris le temps de visiter des maisons à Brandon. Après avoir déposé le Dr Salib à l’aéroport, le Dr Bates a vérifié les références. Le 6 mars 2007, l’Agence a fait une offre d’emploi au Dr Salib, qui prendrait effet le 7 mai 2007 et comportait une période de probation d’un an (pièce E-1). Le Dr Salib a accepté l’offre de l’Agence le 9 mars 2007.

11 Le Dr Bates a témoigné qu’il était seulement possible de déterminer si un nouveau candidat possédait les compétences nécessaires pendant la formation interne dispensée durant la période de probation. Le Dr Bates souhaitait que le Dr Salib réussisse à ce poste car il était à court de vétérinaires et l’Agence avait du mal à recruter et conserver des vétérinaires aux postes classifiés VM-01.

12 Le Dr Salib a témoigné qu’il est vétérinaire qualifié. Il est originaire de la République arabe d’Égypte. Il a reçu une formation de vétérinaire et a obtenu, en 1985, un baccalauréat en sciences médicales vétérinaires de l’Université Zagiz, en Égypte (pièce G-21). En 1990, il a obtenu un certificat en contrôle des produits alimentaires et hygiène alimentaire de la Faculté de médecine de l’Université d’Alexandrie, en Égypte (pièce G-23). L’Association canadienne des médecins vétérinaires (ACMV) lui a délivré un certificat de compétence le 27 mai 2002 (pièce G-23). Le Dr Bates a précisé que, lorsqu’il embauche des vétérinaires étrangers qui doivent passer et réussir les examens du Bureau national des examinateurs, il présume que les connaissances en pathologie du vétérinaire candidat sont [traduction] « à la hauteur », puisque ces examens sont difficiles à réussir. Le Dr Salib a confirmé que les examens en question étaient difficiles, mais il les a réussis du premier coup.

13 Le Dr Salib a déclaré qu’il avait immigré au Canada pour cause de persécution religieuse ou de discrimination fondée sur ses croyances religieuses. Il est un chrétien copte qui vivait en Égypte, dont la population est principalement islamique. Il a témoigné que son nom de famille signifiait « croix » en arabe, si bien que ses croyances religieuses apparaissaient clairement à tout Égyptien. Bien qu’il possédât un certificat en hygiène alimentaire, son professeur islamique ne lui a pas permis de poursuivre l’obtention d’une maîtrise. Le Dr Salib a également déclaré qu’il avait été victime de discrimination fondée sur ses croyances religieuses lorsque, en Égypte, il a postulé un emploi auprès d’une société pharmaceutique. Il a ajouté que l’Égypte avait pour politique de freiner la progression des chrétiens coptes et de favoriser celle des musulmans dans la fonction publique et la vie publique. Il a également témoigné qu’il venait d’un milieu aisé et que sa famille avait été dépossédée sans dédommagement de propriétés pour la construction d’une mosquée. Il a émigré au Canada pour des motifs de discrimination, sans toutefois revendiquer le statut de réfugié.

14 La langue maternelle du Dr Salib est l’arabe et non l’anglais; cependant, il a livré son témoignage sans l’aide d’un interprète, et il a travaillé en anglais avant sa nomination à un poste de l’Agence.

15 Avant de travailler à l’Agence, le Dr Salib n’avait pas d’expérience en traitement des porcs ou en production de viande porcine. Juste avant sa nomination, il travaillait dans une petite exploitation animalière de Prince George (Colombie-Britannique).

16 La Dre Neumier a témoigné qu’avant de dispenser une formation au Dr Salib elle avait formé neuf autres vétérinaires. Avant le Dr Salib, elle n’avait jamais eu de difficulté à former un employé, et tous les employés qu’elle avait formés avaient été nommés à des postes permanents après leur probation. De façon générale, la plupart des personnes embauchées à l’essai étaient suffisamment compétentes pour travailler seules après deux semaines de formation. Avant la nomination du Dr Salib, la plus longue période de formation d’un candidat avait été de cinq semaines.

17 La Dre Neumier a déclaré qu’en général, à l’issue de la première semaine de formation en cours d’emploi, un vétérinaire savait comment mieux appliquer la formation reçue au traitement de la viande. Habituellement, elle forme un vétérinaire pendant deux semaines. Le plus souvent, a-t-elle déclaré, la plupart des vétérinaires sont capables de travailler seuls au terme de la deuxième semaine, mais il en faut parfois trois. Elle a déclaré qu’à la cinquième semaine, elle n’avait simplement qu’à se tenir à côté pour [traduction] « m’assurer qu’ils connaissaient leur affaire ». La Dre Neumier a déclaré qu’elle était sûre de savoir qu’un vétérinaire pouvait accomplir son travail lorsqu’elle constatait qu’il comprenait l’anatomie et la pathologie, qu’elle le voyait résoudre logiquement un problème et qu’il suivait un raisonnement logique sans qu’elle ait besoin de se répéter. Elle a précisé qu’il n’était pas de sa responsabilité d’enseigner des compétences de base en médecine vétérinaire et que celles-ci sont une condition préalable. La Dre Neumier a déclaré qu’elle formait les nouveaux vétérinaires à l’application de leurs connaissances médicales à la salubrité alimentaire, étant donné que cet aspect diffère légèrement de ce qui se fait en pratique privée. En raison du fort volume de production de l’établissement, les vétérinaires classifiés VM-01 sont exposés à un haut degré de pathologie, pour lequel ils doivent rapidement prendre des décisions.

18 La Dre Neumier a témoigné que le vétérinaire jouait un rôle déterminant dans la salubrité de l’approvisionnement alimentaire et qu’il devait s’assurer que les aliments produits sont salubres et sains pour la consommation intérieure ainsi que pour l’exportation. Elle a déclaré que lors de son premier contact avec le Dr Salib, lorsqu’il a visité les installations, elle n’a pas été en mesure d’évaluer sa capacité à accomplir le travail du poste.

19 Le 7 mai 2007, le Dr Salib a commencé à travailler pour l’Agence, à l’établissement. À son premier jour de travail, on a lui remis son matériel. On lui a aussi montré où se trouvait la documentation et on lui a remis une liste de documents à lire. On lui a dit que cette liste n’était qu’un point de départ et qu’il lui faudrait lire et compulser les manuels et les règlements. On lui a dit d’occuper son temps de façon productive à la lecture lorsqu’il n’était pas au poste d’abattage ou à l’étable. On lui a demandé de se familiariser avec les activités de l’entreprise à l’étable et au poste d’abattage. Les vétérinaires travaillent dans un bureau à aires ouvertes lorsqu’ils ne se trouvent pas à l’étable ou aux aires de transformation de l’établissement.

20 La Dre Neumier a déclaré qu’elle effectuait le travail d’un vétérinaire lorsqu’elle accompagnait le Dr Salib au poste d’abattage. Elle expliquait chaque carcasse qu’elle examinait, ce qu’elle cherchait à y déceler, ce qu’elle observait ainsi que la suite qu’elle donnait à ses constatations. Elle a rapidement trouvé qu’elle se répétait constamment. Elle a déclaré que, à un moment donné durant la semaine, elle avait été sidérée d’entendre le Dr Salib, qui observait une partie normale du cœur — une oreillette —, déclarer qu’il s’agissait d’un cœur villeux (une péricardite fibrineuse).

21 La Dre Neumier a affirmé que, l’établissement traitant 1 250 carcasses l’heure, les vétérinaires voyaient tout un éventail de pathologies. Il était important de déterminer s’il existait un risque quant à la salubrité alimentaire ou si le problème était simplement d’ordre esthétique, ce qui a une incidence sur la classe ou la catégorie de qualité de la viande. Il importe particulièrement d’être capable de déterminer des états pathologiques généralisés, par exemple lorsque des bactéries se sont répandues dans tout le corps par le système sanguin, puisque la carcasse doit être condamnée et exclue de la chaîne de production alimentaire. Il est également important de distinguer entre les problèmes aigus et les problèmes chroniques. L’une des méthodes permettant de savoir si un problème est aigu ou chronique consiste à déterminer si une lésion comporte un exsudat fibrineux (c.-à-d. des cellules suintantes ou des fluides contenant des protéines insolubles) ou si la lésion est organisée comme un tissu fibrineux ou un tissu cicatriciel. Si la lésion est fibrineuse, le risque pour la salubrité alimentaire peut être ramené à zéro. La Dre Neumier a déclaré que tout n’était pas noir ou blanc et qu’il y avait de nombreuses nuances entre ce qui est « OK » et ce qui est « sérieux ». Elle a ajouté qu’en général, les vétérinaires récemment embauchés n’ont pas été exposés à un examen post mortem de lésions. En pratique privée, les vétérinaires traitent principalement des animaux vivants. Après quelques jours passés à observer des états pathologiques, de dire la Dre Neumier, les vétérinaires sont généralement capables de reconnaître la pathologie et son degré de gravité, et de prendre des décisions ou des mesures au sujet de la suite à donner aux observations.

22 La Dre Neumier a témoigné que, par exemple, le Dr Salib examinait des lésions fibrineuses sur différentes carcasses, observait la même chose et prenait des mesures différentes. Il avait du mal à distinguer l’apparence d’intestins normaux, une observation pourtant très éclairante pour déceler certaines maladies très graves nuisant à la salubrité alimentaire (comme la salmonellose) qui peuvent toucher les intestins. Il avait de la difficulté à savoir à quoi ressemblaient des viscères normaux. Il avait de la difficulté à comprendre la différence entre une lésion pathologique et une atteinte mécanique causée à une carcasse pendant son traitement. Il ne suivait pas d’approche systématique qui aurait commencé par le cœur, les poumons, la surface dorsale, la surface ventrale et les ganglions lymphatiques, pour passer ensuite au diaphragme, au foie, à la vésicule biliaire et aux systèmes lymphoïdes associées. La Dre Neumier se servait de ce système pour s’assurer que l’on pouvait démontrer qu’une carcasse avait été entièrement examinée, vu que certaines lésions peuvent être très petites.

23 La Dre Neumier a témoigné qu’une approche systématique était importante en ce que, par exemple, au moment de l’examen d’un abcès, il fallait déterminer son étendue et décider s’il y avait lieu de le sectionner. Si les articulations ou les côtes présentent des abcès ou s’il y a des marques de morsures sur une queue, cela peut signaler la présence de toxines, et toute la carcasse doit être condamnée. La Dre Neumier a ajouté que le Dr Salib cessait souvent d’examiner une carcasse après avoir trouvé une lésion, sans procéder à un examen systématique.

24 La Dre Neumier a témoigné que le Dr Salib avait du mal à reconnaître l’arthrite. Elle a déclaré que l’un des aspects les plus troublants était qu’il avait de la difficulté à différencier la septicémie des autres affections. Les carcasses atteintes de septicémie doivent être condamnées car elles posent un risque grave à la salubrité alimentaire. Elles peuvent aussi poser un risque pour la sécurité humaine puisque certaines contiennent des zoonoses, qui peuvent se transmettre des animaux aux humains. Même si des travailleurs de l’usine peuvent devenir très capables de reconnaître certains problèmes, c’est au vétérinaire qu’il incombe de prendre les décisions touchant l’habillage des carcasses.

25 La Dre Neumier a également témoigné qu’il est important de ne pas condamner de carcasses à la légère, car les exploitants agricoles ne sont pas payés pour ces carcasses.

26 Le 13 juin 2007, la Dre Neumier a fait part pour la première fois au Dr Bates de ses préoccupations au sujet du rendement du Dr Salib. Elle était en déplacement du 18 au 22 juin et, la semaine suivante, soit du 25 au 29 juin, elle suivait un cours parrainé par l’Agence. On allait entamer la sixième semaine de formation du Dr Salib et elle n’avait pas l’impression qu’il pouvait travailler seul. Elle n’avait d’autre choix que de le laisser travailler seul, même si elle nourrissait de sérieuses craintes qu’il prenne de mauvaises décisions pour disposer de carcasses.

27 Dans son témoignage, la Dre Neumier a déclaré qu’elle n’était pas du tout sûre qu’on puisse laisser le Dr Salib travailler seul, vu qu’il n’était pas constant. À son avis, il ne savait pas distinguer une infection aiguë d’une infection chronique ni une infection généralisée d’une maladie localisée. La Dre Neumier s’interrogeait sur les connaissances de base du Dr Salib en anatomie, en particulier pour les zones intestinales, ainsi qu’en arthrite, en pneumonies, en abcès, en inflammations intestinales (entérites), en septicémies, en syndrome de stress et en stress comme tel. Elle a témoigné que les décisions du Dr Salib en matière de disposition d’une carcasse semblaient davantage être prises à vue de nez que découler d’une logique.

28 Les compétences du Dr Salib en inspection ante mortem posaient des problèmes à la Dre Neumier. Habituellement, on demande aux vétérinaires de se rendre plusieurs fois par jour à l’étable pour surveiller la manutention et l’étourdissement (par percussion ou trépanation) sans cruauté des bêtes ou simplement pour observer la santé du troupeau afin de déceler d’éventuelles maladies, telles que la fièvre aphteuse et la pneumonie, ce qui est important pour détecter des problèmes et indispensable à la surveillance des infections.

29 La Dre Neumier s’inquiétait de n’avoir jamais vu le Dr Salib lire et se demandait s’il avait des problèmes de vue et s’il pouvait lire.

30 Le Dr Bates a témoigné que, environ un mois après l’entrée en fonctions du Dr Salib à l’établissement, la Dre Neumier l’avait informé que le Dr Salib avait de la difficulté à [traduction] « déceler une pathologie ». Le Dr Bates a déclaré que la Dre Neumier avait déjà commencé à reformer le Dr Salib et qu’elle se heurtait à des contestations de sa part car il était argumentateur pendant la formation. Le Dr Bates a été informé que deux autres vétérinaires prenaient aussi part à la formation et qu’ils avaient également signalé que le Dr Salib avait de la difficulté à cerner une pathologie et qu’il était ergoteur. Le Dr Bates a témoigné que les vétérinaires avaient clairement la possibilité d’empêcher la propagation d’une maladie. Il a déclaré que les vétérinaires pouvaient relever des problèmes liés à la salubrité alimentaire. Le fait de ne pas repérer ces problèmes comporte des conséquences sur le plan humain — la salubrité des aliments — et sur le plan commercial — des producteurs peuvent perdre leurs parts de marché.

31 Le Dr Bates a déclaré que ces rapports le préoccupaient, mais qu’il ne paniquait pas encore, puisqu’il était encore tôt dans la période de probation du Dr Salib. Le Dr Bates a demandé à la Dre Neumier de continuer à prendre note des problèmes, mais qu’elle devrait rencontrer le Dr Salib pour discuter avec lui des aspects problématiques et communiquer ses préoccupations par écrit. Elle a décidé de rencontrer le Dr Salib le 22 juin 2007, sans toutefois l’informer à l’avance. Le 15 juin 2007, elle a envoyé ses rapports au Dr Bates. Elle a pris des notes, qu’elle a ensuite tapées et révisées avant de les envoyer.

32 La Dre Neumier avait pris des dispositions pour que le Dr Salib soit supervisé par d’autres vétérinaires, dont les Drs N. R. et L. M. (Remarque : Pour des raisons de protection des renseignements personnels, le nom de certaines personnes mentionnées dans la présente décision a été remplacé par leurs initiales.) Certains des problèmes du Dr Salib sont consignés dans les notes de la Dre Neumier (pièce G-13), lesquelles renferment comme il suit ses notes sur les observations du Dr N. R. au sujet du Dr Salib les 18, 19 et 21 juin :

[Traduction]

- une carcasse ne comportant qu’un tarse contusionné avait été marquée comme nécessitant l’enlèvement du grasset (articulation fémoro-tibiale) au motif que le grasset était arthritique; donc évaluation erronée;

- une carcasse avec adhésion pleurale et un peu d’œdème pulmonaire avait été condamnée pour pneumonie et septicémie (elle n’aurait pas dû être condamnée);

- une carcasse non ouverte ou non éviscérée avec seulement une petite ouverture dans la région pelvique allait être condamnée par lui pour proctite et sténose rectale; on a alors éviscéré cette carcasse et on lui a montré que les intestins et le rectum étaient normaux;

- a manqué deux carcasses atteintes d’érysipèle (rouget du porc);

- n’a pas vérifié les articulations d’autres carcasses comportant d’énormes intestins et atteintes de proctite et a dit qu’elles étaient correctes.

Observations de N en date du 21 juin 2007 :

- appris de Mel qu’il avait manqué deux érysipèles;

- n’a pas ouvert les articulations de carcasses atteintes d’érysipèle alors qu’on le lui avait dit de nombreuses fois par le passé. N’a pas évalué entièrement les carcasses. Voulait les marquer d’un S (alors que c’aurait dû être H0);

- a condamné une carcasse pour une pleurite qui était trop bénigne – il la jugeait chronique – pour commander une condamnation. Il a prétendu qu’elle était fibrineuse, mais elle ne l’était pas;

- n’a pas voulu condamner une carcasse clairement atteinte de pneumonie ou pleurite, septicémie aiguë, cas qui nécessitait une condamnation;

- il a simplement voulu enlever la plèvre dans une carcasse atteinte de pleurite fibrineuse aiguë. Il a déclaré qu’elle n’était pas fibrineuse.

33 Le 22 juin 2007, à son retour à l’établissement, la Dre Neumier a eu l’intention de parler ce jour-là au Dr Salib de ses problèmes de rendement. Le Dr Salib a immédiatement communiqué avec elle. Il était bouleversé et agité. Il a signifié son intention de déposer une plainte de harcèlement contre le Dr N. R., à qui la Dre Neumier avait demandé de la suppléer pendant son absence. Le Dr Salib a dit à la Dre Neumier que, plus tôt cette semaine, il s’était senti insulté par le Dr N. R. Le Dr Salib était tombé malade à cause d’une infection des sinus et qu’il avait attrapé froid. Il avait apporté au bureau un radiateur portatif. Le Dr N. R. avait alors lancé au Dr Salib que s’il n’aimait pas le froid, il devrait peut-être retourner à Prince George. La Dre Neumier a déclaré que la différence de température au bureau était légère par rapport aux températures saisonnières et qu’il n’était pas nécessaire de porter un manteau. La Dre Neumier a parlé au Dr N. R., qui a admis avoir dit ce que le Dr Salib soutenait et qu’il n’avait dit ça que pour plaisanter. Elle a ensuite parlé à un autre employé, le Dr C., qui a déclaré que si on lui avait adressé un tel commentaire, il l’aurait considéré comme une plaisanterie et n’y aurait pas vu d’intention malveillante. La Dre Neumier a dit qu’il a fallu environ deux heures pour régler ce problème. Elle a réuni les Drs Salib et N. R., et ce dernier a présenté des excuses. Elle a considéré que la question avait été réglée vers 10 h 30. Elle a déclaré que, après le départ du Dr N. R., le Dr Salib a insisté pour dire que les propos du Dr N. R. l’avaient insulté, que le Dr N. R. devrait changer son comportement et sa personnalité, et qu’il ne comprenait pas pourquoi on ne pouvait pas répondre à ses besoins en haussant la température de la pièce.

34 D’après les notes d’enquête de la Dre Neumier sur cet incident, le problème lié au réglage du chauffage était le suivant : pour augmenter la température, il fallait le faire dans une autre aire de l’établissement, ce qui aurait signifié que les travailleurs de l’établissement dans le bureau voisin auraient eu beaucoup trop chaud. Dans la chambre froide, des manteaux étaient disponibles, que le Dr Salib aurait pu porter s’il avait continué d’avoir froid. La Dre Neumier a estimé qu’il avait été déraisonnable de la part du Dr Salib d’insister pour qu’on hausse la température en été pour répondre à ses besoins, alors qu’il aurait simplement pu se vêtir plus chaudement.

35 La Dre Neumier a ensuite exposé en détail ses préoccupations concernant le rendement du Dr Salib en consultant ses notes détaillées. Elle a indiqué que le Dr Salib était en période de probation et qu’on attendait de lui qu’il devienne très compétent. Elle a dit avoir rédigé la note de service destinée au Dr Salib avant la rencontre. Elle avait apporté son ordinateur portatif pendant ses déplacements.

36 La Dre Neumier a fait part de ses préoccupations dans une note de service adressée au Dr Salib, qui a convenu que les points avaient été abordés en signant ladite note. En particulier, la Dre Neumier avait relevé plusieurs dimensions nécessitant d’être explicitées, dont les suivantes :

[Traduction]

- mise au point d’une méthode systématique pour inspecter entièrement la carcasse et les viscères;

- importance d’évaluer toutes les lésions et d’en tenir compte dans leur ensemble pour comprendre la pathogénie avant de tirer une conclusion;

- évaluation des exsanguinations imparfaites;

- compréhension des lésions observées dans les cas de syndrome de stress porcin;

- différenciation des réactions inflammatoires aiguës et chroniques;

- compréhension de l’importance d’une inflammation localisée par rapport à une inflammation généralisée;

- apparence de l’érysipèle;

- apparence du lymphosarcome;

- apparence de la septicémie;

- examen de l’arthrite : arthrose tarsale, infectieuse, dégénérative;

- examen de la pneumonie et de son degré de gravité;

- examen de l’entérite et de la proctite et de leur degré de gravité;

- retard dans la lecture des documents de formation.

37 Le Dr Salib n’a pas refusé de signer la note de service ni ne s’est dit en désaccord au sujet des commentaires qui y étaient consignés. De l’avis de la Dre Neumier, la rencontre s’était bien déroulée et le Dr Salib s’était montré réceptif aux préoccupations dont elle lui avait fait part. Le Dr Salib a plusieurs fois tenté de faire de nouveau porter la discussion sur sa plainte de harcèlement.

38 Les notes de la Dre Neumier prises à la rencontre du 22 juin 2007 (pièce E-2) se lisent en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

J’ai commencé par dire à Sam que cela faisait maintenant sept semaines qu’il était là et que j’avais relevé plusieurs aspects pour lesquels sa formation laissait à désirer et accusait un retard. Après l’écoulement de cette période, il aurait dû avoir une meilleure compréhension de ces aspects. Je lui ai également dit que, durant sa première année, il était en probation pour ce qui était de son rendement et qu’il devait s’améliorer.

[…]

39 Dans les notes que la Dre Neumier a reprises de la rencontre, il est indiqué que le Dr Salib ne semblait pas faire de lectures et qu’il n’avait pu mettre la main sur le module 32 (le guide des pathologies en médecine vétérinaire), alors que cet ouvrage se trouvait sur son bureau. La Dre Neumier a fait savoir au Dr Salib qu’elle serait à l’extérieur et qu’elle effectuerait un suivi, à son retour, la première semaine de juillet, puis périodiquement par la suite. Elle lui a indiqué qu’il travaillerait avec le Dr L. M., qui assurerait l’intérim en tant que médecin vétérinaire en chef.

40 Après la discussion du 22 juin 2007, la Dre Neumier est retournée au poste d’abattage de l’établissement avec le Dr Salib. À cette date, ce dernier avait travaillé seul pendant quatre jours, et des vérifications ponctuelles de son travail avaient été effectuées par d’autres vétérinaires. Après l’avoir observé, la Dre Neumier a eu les mêmes préoccupations, à savoir que les décisions en matière de disposition de carcasse n’étaient pas prises comme il se doit, que le Dr Salib les prenait trop rapidement et qu’il n’y avait aucun changement. Il a fait l’objet de rapports émanant de deux collègues, les Drs L. M. et N. R. Ce dernier a déclaré que, chaque fois qu’il essayait d’expliquer un problème au Dr Salib, celui-ci se mettait à argumenter. Les préoccupations soulevées étaient semblables à celles que la Dre Neumier avait déjà.

41 Par exemple, dans les notes de la Dre Neumier pour le 22 juin 2007 (pièce G-13, page 4), on peut lire ce qui suit :

[Traduction]

[…]

- A mal diagnostiqué deux arthrites du grasset sur deux carcasses différentes. Les articulations étaient normales, mais il a dit qu’elles étaient arthritiques : elles ne l’étaient pas.

- Allait condamner une carcasse sans autre lésion qu’une très légère sténose rectale (sans aucune inflammation, la bonde n’avait simplement pas été enlevée). A également dit qu’il y avait de la contamination (alors que c’était limité seulement au canal pelvien — carcasse tout à fait préparable).

Intestin grêle complètement normal (vide, non empli de gaz, non distendu, très normal), mais il l’a isolé en disant qu’il y avait une entérite proliférante. Quand je lui ai demandé à quoi il pouvait dire ça, il m’a montré des convolutions NORMALES. Je lui ai immédiatement demandé de vérifier toutes les autres viscères, mais il ne l’a pas fait. Je lui ai ultérieurement montré des photographies d’entérite porcine proliférante en lui en faisant une description verbale, et je lui ai dit que même dans un cas chronique, il n’y avait pas de raison de condamner la carcasse à moins que celle-ci soit anémique ou émaciée.

- Nous avons examiné quelques carcasses dans lesquelles la bonde n’avait pas été retirée (mauvaise technique d’enlèvement de la bonde), et j’en ai conclu qu’il était incapable de faire la différence entre des rectums mécaniquement altérés, de réelles sténoses rectales (sans inflammation) et des proctites.

- Après s’être fait dire d’examiner les carcasses entières de façon systématique, il a ouvert les grassets (articulations fémoro-tibiales) et s’est arrêté là. Il n’a pas remarqué une articulation du coude manifestement surdimensionnée.

- Affirme n’avoir nulle part trouvé le module 32. Je lui ai dit qu’il était sur son bureau. Il ne l’a pas cru et cherchait tout autour, alors j’ai pointé le volume du doigt — il était sous son nez et n’avait jamais bougé de là!!!

[…]

- Comme il ne se passait rien au rail de détention, je lui ai tout de suite dit de se tenir près des inspecteurs pour comprendre ce qu’ils faisaient et observer des carcasses ou des viscères normaux. Il y est allé, est resté là-bas, l’air emprunté, pendant une minute peut-être, puis est reparti et n’y est jamais retourné, alors qu’il en a eu amplement l’occasion. Nous lui avons tous plusieurs fois dit par le passé de le faire, mais il ne l’a pas fait. Tous les autres l’ont fait dans le cadre de leur formation. C’est presque comme s’il considérait les EG comme des êtres inférieurs.

- Il m’a demandé pourquoi il arrivait que des EG poussent le bouton pour condamner des viscères. Il devrait en connaître la raison s’il avait lu le manuel d’instruction des inspecteurs, ce que je lui ai déjà dit de faire à moult reprises. Je lui ai dit que la réponse à cette question se trouvait dans le manuel des procédures des inspecteurs; alors qu’il aille les lire!

[…]

42 La Dre Neumier a déclaré qu’il s’agissait de préoccupations fondamentales et que les connaissances faisant défaut au Dr Salib auraient normalement dû être acquises à l’école vétérinaire. La Dre Neumier a fait part de ses préoccupations au Dr Bates. Dans son témoignage, ce dernier a confirmé qu’il trouvait [traduction] « effarants » les problèmes relevés par la Dre Neumier en ce qu’il s’agissait de connaissances simples et [traduction] « de base ». Le fait que le Dr Salib ne suivait pas d’approche systématique représentait une préoccupation des plus inquiétantes, puisqu’il pouvait rater certaines choses. Il a témoigné que tous les problèmes relevés constituaient de sérieuses préoccupations en matière de salubrité alimentaire. En contre-interrogatoire, le Dr Bates a dit qu’il était préoccupé et que le Dr Salib avait besoin de savoir que, si les choses ne s’arrangeaient pas, on lui donnerait son congé.

43 Le Dr Salib voyait son rendement sous un autre angle. Il a déclaré qu’il était heureux de s’être joint au gouvernement fédéral. Son salaire de départ était de 68 000 $ en raison de son diplôme en hygiène alimentaire. Le Dr Salib a témoigné qu’il était empressé d’apprendre lorsqu’il a commencé l’emploi. Il a posé des questions raisonnables. Il n’avait jamais travaillé avec des porcs auparavant et n’avait pas peur d’eux; toutefois, on l’avait averti que les porcs pouvaient mordre.

44 Le Dr Salib a témoigné qu’il n’avait aucun problème visuel ou auditif. On l’avait testé avant sa nomination. Il a un léger problème de vision. Il a deux paires de lunettes — une pour la lecture et l’autre pour la conduite. Il a déclaré qu’il pouvait conduire sans ses lunettes, mais qu’il devait les porter puisque la photo de son permis de conduire avait été prise alors qu’il portait ses lunettes.

45 Le Dr Salib a témoigné qu’on lui avait remis des documents à lire. Il a dit en avoir lu la majorité chez lui ainsi que quelques fois à l’établissement. Le Dr Salib a déclaré qu’il lisait deux à trois heures par jour. À deux ou trois reprises, il a photocopié le matériel de lecture et l’a apporté chez lui, car il voulait s’assurer que la Dre Neumier ne le surprenne pas à commettre des erreurs. Il a également lu des articles dans une revue mensuelle canadienne de médecine vétérinaire.

46 Le Dr Salib a dit avoir eu le sentiment que les premières semaines de sa formation s’étaient bien déroulées et que son travail n’avait pas posé de problème. Il a compris les documents de formation. Il a été supervisé par la Dre Neumier et a déclaré qu’elle le considérait comme ergoteur lorsqu’il opinait une vue différente de la sienne. Dans d’autres milieux de travail, les collègues ont des discussions. Le Dr Salib a souligné que, le premier jour de l’audience, le Dr Bates avait témoigné qu’il était poli. Le Dr Salib a déclaré qu’il n’était pas ergoteur. En réinterrogatoire, il a dit qu’il prenait ses tâches au sérieux et qu’il était ouvert à la rétroaction, mais que la personne lui donnant cette rétroaction devait avoir raison avant qu’il consente à l’écouter.

47 Le Dr Salib a dit avoir commencé à faire des heures supplémentaires le 11 juin 2007 et qu’il travaillait seul pendant ce temps supplémentaire. On lui a assigné le même nombre d’heures supplémentaires qu’aux autres employés. Ces heures supplémentaires n’étaient pas obligatoires, et l’employeur ne lui aurait pas attribué du temps supplémentaire s’il le considérait comme incompétent.

48 Pendant l’audience, le Dr Salib a déclaré que, à l’évidence, il ne souscrivait pas aux préoccupations exprimées à l’audience ni à celles soulevées à la rencontre du 22 juin 2007 et qu’il les jugeait non fondées. Il a également déclaré que de telles préoccupations, si elles étaient fondées, seraient sérieuses.

49 Le Dr Salib a témoigné que la Dre Neumier avait inventé ses préoccupations de toutes pièces dans la demi-heure ayant suivi leur entretien au sujet de la plainte de harcèlement qu’il avait déposée. Le Dr Salib a témoigné que ce ne fut qu’après la discussion de la plainte de harcèlement que la Dre Neumier se retirât une demi-heure pour fabriquer ses préoccupations.

50 Le Dr Salib a ajouté que, à son avis, un autre vétérinaire comptant plus d’ancienneté, le Dr N. R., l’avait pris en grippe dès le début de la relation d’emploi car le Dr N. R. avait à vendre une maison qu’il voulait que le Dr Salib achète, ce que ce dernier n’a pas fait. Il a déclaré que, à la suite de cela, le Dr N. R. a eu une attitude négative envers lui. Cette information n’a pas été soumise à la Dre Neumier pendant son contre-interrogatoire.

51 Le Dr Salib est persuadé que le Dr N. R. l’a insulté. Il a témoigné que, lorsqu’il s’est ouvert à la Dre Neumier de sa plainte de harcèlement, celle-ci l’a menacé en lui disant : [traduction] « Si vous ne retirez pas cette plainte de harcèlement, vous en subirez les conséquences. Rappelez-vous que vous êtes en période de probation. » Je note que cette allégation n’a pas été soumise à la Dre Neumier en contre-interrogatoire.

52 Le Dr Salib a déclaré que la Dre Neumier n’avait rien fait pour enquêter sur sa plainte. Toutefois, il est clair que la Dre Neumier a réuni dans une même pièce les Drs Salib et N. R. et que ce dernier a admis qu’il plaisantait. Les notes d’enquête de la Dre Neumier ont été produites en preuve sous le numéro de pièce G-17, et elles font état de ce que celle-ci a fait pour enquêter sur la plainte. Il ressort clairement de ses notes qu’elle a bel et bien mené une enquête au sujet de la plainte du Dr Salib.

53 Le Dr Salib a témoigné que, 30 minutes après la rencontre au sujet de sa plainte de harcèlement, la Dre Neumier l’a fait revenir. Elle lui a remis la lettre du 22 juin et la lui a lue. Il a déclaré lui avoir dit qu’il n’y avait aucun problème avec son travail. Il a répondu à chacune de ses 13 préoccupations. Quand ils en eurent fini, elle lui a dit : [traduction] « D’accord. Essayez de lire davantage. » Cette version des événements n’a pas été soumise aux commentaires de la Dre Neumier en contre-interrogatoire.

54 En interrogatoire principal, on a demandé au Dr Salib de faire part de ses impressions au sujet des préoccupations soulevées. Il a dit ce qui suit :

[Traduction]

Aucune de ces préoccupations n’est fondée. Elle m’a posé des questions point par point et j’ai répondu à tous ses points. Elle a créé ces préoccupations de toutes pièces 30 minutes après que je lui ai dit que j’avais déposé une plainte de harcèlement contre N. Elle n’en avait pas fait mention avant. Toutes ses préoccupations ont été inventées 30 minutes après. Je ne crois pas le moins du monde qu’il y ait eu quelque préoccupation que ce soit au sujet de Sam à cette époque. Toutes ces insinuations étaient fausses.

55 Au terme de la sixième semaine, il a été permis au Dr Salib de travailler seul. La raison invoquée par l’employeur pour motiver pareille décision a été énoncée comme suit dans les notes : [traduction] « Il nous est apparu que, à un moment donné, il fallait qu’il fasse le saut et que, en l’obligeant à travailler seul, il pourrait peut-être s’améliorer […] » (pièce G-13).

56 Le Dr Bates a rencontré le Dr Salib le 3 juillet 2007. En réinterrogatoire, le Dr Bates a déclaré que la rencontre avait pour but de livrer le message sans détour, avec une lettre de suivi non moins directe, en sorte que le Dr Salib prenne au sérieux les préoccupations soulevées au sujet de son rendement. En contre-interrogatoire, le Dr Bates a déclaré que, si l’employeur n’envisageait pas en juillet de renvoyer le Dr Salib, un congédiement était assurément possible s’il ne s’améliorait pas.

57 Le Dr Bates était particulièrement préoccupé par le fait que le Dr Salib ait nié la rencontre du 22 juin 2007 avec la Dre Neumier, où ils lui ont fait part d’aspects à améliorer. En contre-interrogatoire, le Dr Bates a confirmé que le Dr Salib avait nié avoir rencontré la Dre Neumier ainsi qu’avoir reçu de la rétroaction le 22 juin 2007. Dans son témoignage, le Dr Salib a déclaré : [traduction] « Pourquoi ferait-il cela alors que c’est prouvé par le fait qu’il a signé la note de service? » C’est étrange, mais cela revient à se demander si le Dr Salib était au courant des préoccupations de la Dre Neumier. À mon avis, il était au courant de ses préoccupations vu qu’il a signé la note de service, mais il a nié qu’il en était au courant lorsqu’il a rencontré le Dr Bates. Je retiendrai plutôt le témoignage du Dr Bates, puisqu’il est corroboré par le témoignage de la Dre Neumier et par des documents contemporains des événements.

58 À l’issue de la rencontre avec le Dr Salib, le Dr Bates a exprimé ses préoccupations comme suit, dans une lettre adressée au Dr Salib en date du 10 juillet 2007 (pièce E-4) :

[Traduction]

[…]

En ma qualité de gestionnaire des inspections, j’ai communiqué avec votre superviseure immédiate, la Dre Neumier, pour obtenir un rapport provisoire de votre rendement après six semaines de travail. J’ai appris que vous éprouviez quelques difficultés dans votre formation initiale, notamment dans les décisions d’ordre pathologique. La Dre Neumier s’inquiète aussi de vos progrès dans la lecture des modules d’études ainsi que de votre engagement à apprendre d’autres aspects au travail, comme le traitement et le transport sans cruauté du bétail dans l’étable. En outre, on m’a rapporté que lorsqu’on vous reformait sur des dimensions déjà couvertes, vous aviez tendance à argumenter.

Lors de notre rencontre, vous avez contesté le fait que vous éprouviez toujours des difficultés au chapitre des décisions de disposition et vous avez aussi mentionné une certaine antipathie pour le Dr R. en tant que formateur. Je vous ai renvoyé au fait que la Dre Neumier vous avait rencontré le 22 juin 2007 pour discuter de problèmes qu’elle avait relevés et pour lesquels votre formation n’avait pas donné de résultats probants, de même que pour vous remettre et vous faire signer un document qui renfermait d’autres instructions pour remédier à vos lacunes ainsi que des directives au sujet de votre reformation. Je trouve préoccupant que vous n’ayez pas reconnu que la Dre Neumier vous avait rencontré pour discuter d’aspects qu’il vous fallait améliorer.

L’une des exigences de votre période probatoire et de formation est que vous fassiez preuve de souplesse et que vous manifestiez une volonté d’apprendre à mesure que vous perfectionnez vos compétences professionnelles. Les procédures et méthodes de l’ACIA diffèrent peut-être de celles de votre expérience antérieure, mais vous êtes censé vous adapter et devenir compétent dans notre approche afin de mener à bon terme votre période de probation.

J’ai clairement indiqué que la Dre Neumier est votre superviseure et que c’est à elle qu’il appartient de déterminer si vous satisfaites à nos normes de compétence ainsi que de décider de la personne qui se charge de votre formation.

Elle a déployé et continuera de faire un effort concerté pour vous dispenser la formation et la reformation dont vous avez besoin pour répondre à nos normes établies. Je vous rappelle que vous êtes en période de stage et qu’il vous faudra être jugé tout à fait compétent pour réussir la période de probation.

[…]

59 Le Dr Bates a témoigné que la lettre du 10 juillet aurait dû être un avertissement suffisant pour inciter le Dr Salib à modifier son rendement. Le Dr Bates n’a pas donné d’autres conseils par écrit au Dr Salib, car il estimait que son avertissement était suffisant et que la Dre Neumier était la superviseure du Dr Salib. À aucun moment avant d’avoir livré son témoignage à l’audience, le Dr Salib n’a-t-il fait valoir que le Dr Bates s’était mépris, dans sa lettre, lorsqu’il a déclaré que le Dr Salib n’avait pas admis que la rencontre avait eu lieu.

60 Avant que le Dr Bates n’ait eu l’occasion de donner suite à cela, le Dr Salib lui a demandé, par courriels envoyés les 9 et 11 juillet, de l’évaluer pour déterminer s’il s’était amélioré dans sa formation (pièce E-5). Le 9 juillet, il a envoyé un courriel au Dr Bates pour mentionner qu’il avait lu tous les documents de formation.

61 La réponse du Dr Bates a été de faire savoir au Dr Salib que la Dre Neumier était sa superviseure et que c’était elle qui l’évaluerait. Le Dr Bates a dit avoir été étonné que le Dr Salib recommunique avec lui. Le Dr Bates a déclaré que la lettre très directe qu’il avait adressée au Dr Salib devait être prise au sérieux et qu’il fallait que deux semaines au moins s’écoulent avant qu’il y ait une possibilité quelconque d’amélioration. Le Dr Bates ne voyait pas pourquoi le Dr Salib avait recommuniqué avec lui par courriel à peine quelques jours après la rencontre du 3 juillet.

62 Le Dr Salib a livré témoignage au sujet de sa rencontre du 3 juillet 2007 avec le Dr Bates. Il a précisé que la rencontre avait duré environ 45 minutes. Il a témoigné qu’ils avaient d’abord parlé de la plainte de harcèlement et que le Dr Bates avait dit [traduction] « Vous savez que N. pourrait porter plainte contre vous. N’employez pas de langage incendiaire. » Le Dr Salib a déclaré que le Dr Bates avait dit : [traduction] « Si quelqu’un déposait une plainte de harcèlement contre moi, je ne l’oublierais jamais. » Le Dr Bates a ensuite dit ceci : [traduction] « Leur avez-vous dit que vous possédiez un diplôme en hygiène alimentaire? » Le Dr Salib a répondu : [traduction] « Est-ce un crime? » Le Dr Bates a alors dit : [traduction] « Adaptez-vous à vos collègues. » Je note que le Dr Bates nie avoir dit ces choses au Dr Salib. En contre-interrogatoire, le Dr Bates a admis avoir dit au Dr Salib que, qu’il apprécie ou non le Dr N. R., c’était lui le formateur auquel la Dre Neumier avait fait appel et que le Dr Salib recevrait sa formation du Dr N. R. Le Dr Bates a dit ne pas s’être écarté des points qu’il avait énoncés en détail dans sa lettre du 10 juillet 2007.

63 Le Dr Salib a témoigné que le Dr Bates avait ensuite parlé des 13 préoccupations de la Dre Neumier. Le Dr Salib a déclaré avoir dit au Dr Bates qu’il avait rencontré la Dre Neumier, qu’elle lui avait fait part de ses préoccupations et qu’aucune d’elles n’était fondée. Le Dr Salib a ensuite dit ceci au Dr Bates : [traduction] « Si vous voulez en avoir la certitude, évaluez-moi vous-même ou envoyez quelqu’un. » Le Dr Salib a déclaré que le Dr Bates lui avait dit qu’il n’avait pas le temps, qu’il n’enverrait personne et que c’était la Dre Neumier qui l’évaluerait. Le Dr Bates a commencé à dire au Dr Salib qu’il devait faire preuve de sérieux pendant la période de probation. Il était clairement apparu au Dr Salib que le Dr Bates tenait cette information de la Dre Neumier. Le Dr Salib a répété que le Dr Bates n’avait qu’à l’évaluer s’il n’en était pas sûr.

64 Du contre-interrogatoire du Dr Salib, il ressort qu’il a envoyé ses courriels au Dr Bates les 9 et 11 juillet 2007 parce qu’il voulait faire révéaluer ses compétences par quelqu’un d’autre que la Dre Neumier. Il a déclaré que, à cette date, son rendement était « parfait » et que la Dre Neumier avait inventé ses doléances dans le cadre de sa réponse à la plainte de harcèlement qu’il avait déposée. Il a déclaré qu’aucune des préoccupations soulevées par la Dre Neumier n’était fondée et que cette dernière avait inventé toutes ses préoccupations en guise de représailles après qu’il a déposé une plainte de harcèlement contre le Dr N. R. Le Dr Salib a qualifié de « parfait » son rendement d’alors. Il n’a pas prétendu au Dr Bates que la Dre Neumier avait fabriqué de toutes pièces ses préoccupations.

65 Le 11 juillet 2007, la Dre Neumier a de nouveau rencontré le Dr Salib. Elle lui a remis par écrit un complément de rétroaction au sujet de ses préoccupations (pièce E-6). Elle a tenté d’adopter une approche constructive en disant au Dr Salib qu’il avait eu amélioration mais qu’il y avait encore des préoccupations. À la lecture du document dans son intégralité, il ressort clairement, comme le montre le passage qui suit, que la Dre Neumier nourrissait encore de sérieuses préoccupations au sujet du rendement du Dr Salib :

[Traduction]

[…]

Bien que vous vous soyez amélioré depuis notre dernière rencontre, je relève certains aspects qui nécessitent davantage de progrès :

1) Évaluation des carcasses des bêtes qui ont été abattues à l’étable (et qui sont techniquement suspectes) : il faut d’abord vérifier que le porc a bel et bien été abattu, puis il faut déterminer les raisons pour lesquelles sa carcasse a été rejetée (patte cassée, dislocation, syndrome de stress). Cela nécessite une palpation manuelle. Il faut ensuite évaluer les saignements imparfaits et dire au pareur ce que vous voulez qu’il pare.

2) Arthrite : Nécessité de vérifier à la fois la hanche (articulation coxo-fémorale) et le grasset (articulation fémoro-tibiale) lorsque les ganglions lymphatiques iliaques sont élargis, c’est-à-dire il ne faut pas simplement présumer qu’il s’agit d’une articulation ankylosée. Il faut aussi vérifier la région pré-sternale pour de l’arthrite dans les articulations de coude.

3) Septicémie : Je ne suis toujours pas convaincue que vous sachiez à quoi ressemblent des ganglions lymphatiques avec septicémie généralisée par rapport à une inflammation régionale des ganglions lymphatiques avec lésions localisées. Dans la grande majorité des cas, il ne devrait pas être nécessaire d’inciser les ganglions lymphatiques poplités.

4) Nous devons donner l’exemple pour ce qui est d’éviter la propagation d’une contamination. Prêtez attention à ce que vous touchez et assurez-vous de vous laver les mains immédiatement après avoir été en contact avec des agents contaminants issus d’abcès, de matières fécales et de carcasses au sol.

5) Observez soigneusement les reins, en particulier dans les carcasses suspendues, et prenez de bonnes décisions pour leur disposition adéquate. Ils sont soit approuvés pour la consommation humaine (auquel cas vous les laissez dans la carcasse), soit pour la consommation animale (marquez-les d’encre bleue avec le tampon à encre), ou encore impropres à la consommation (enlevez-les de la carcasse). Il ne revient pas aux pareurs de prendre cette décision.

Vous avez déclaré que vous n’aviez pas besoin de vos lunettes pour lire ou travailler (seulement pour conduire). Par conséquent vous êtes censé être capable de déceler des piqûres et d’autres contaminants ou encore des lésions pathologiques sur des carcasses et n’avoir aucun mal à lire de petits caractères d’imprimerie, en particulier sur les formulaires d’exportation 4546.

[…]

66 La Dre Neumier a exprimé d’autres préoccupations, notamment au sujet de la nécessité, pour le Dr Salib, de faire constamment des lectures au travail pendant les pauses hors de la chaîne de production, lesquelles ne sont pas des pauses-café. Je note que, dans son témoignage, la Dre Neumier a dit n’avoir jamais vu le Dr Salib lire. Elle a vérifié auprès de ses collègues, et aucun d’eux ne l’avait vu lire. Tous les vétérinaires de l’établissement partagent le même bureau à aires ouvertes.

67 Après la rencontre, la Dre Neumier a envoyé un courriel au Dr Bates et lui a transmis la note de service qu’elle avait remise au Dr Salib. Elle l’a commentée comme suit :

[Traduction]

[…]

Vous remarquerez dans ma lettre qu’il y a une phrase qui commence par « Bien que vous vous soyez amélioré [...] ». C’était là le temps fort de la journée du Dr Salib, et il a été tempéré par toutes les remarques négatives qui ont suivi. Il voulait s’assurer qu’on vous dise qu’il s’était amélioré, si bien que je vous ai envoyé copie de ma lettre.

[…]

68 En contre-interrogatoire, le Dr Salib a déclaré que toutes ces préoccupations étaient importantes, mais qu’elles n’étaient pas fondées et que rien ne clochait dans son rendement. Il a dit avoir lu à la maison et a aussi signalé une observation du Dr L. M. (voir pièce G-13, page 5), selon laquelle le 27 juin 2007, il l’avait vu en train de lire beaucoup et de poser de meilleures questions.

69 La Dre Neumier a rédigé des notes sur ses préoccupations concernant le rendement du Dr Salib. Les notes manuscrites qu’elle avait prises, elle les a saisies dans un fichier à son ordinateur, à la mi-juin, puis les a envoyées au Dr Bates. Malheureusement, on ne sait pas exactement à quelle date ces notes ont été rédigées, puisqu’elles ont été mises au propre. La première série de notes semble couvrir la période du 7 mai au 28 juin 2007 (pièce G-13). La deuxième, qui compte 11 pages, semble couvrir la période du 7 mai au 20 juillet 2007 (pièce G-14). La troisième (pièce G-15) couvre la même période du 7 mai au 20 juillet 2007 et compte 12 pages. La quatrième (pièce G-16) couvre encore la période du 7 mai au 20 juillet 2007 et se compose de 14 pages. Dans certaines notes sont indiqués les noms au long et les postes des parties fournissant l’information. Certaines notes apportaient un complément d’information.

70 Le 16 juillet 2007, la Dre Neumier a fait les observations suivantes au sujet du Dr Salib, à la page 9 de ses notes (pièce G-15) :

[Traduction]

- A condamné une carcasse pour cause de pneumonie aiguë et de pleurite en utilisant les codes de pleurite et d’abcès. Il n’y avait pas d’abcès. Est-ce la fibrine qu’il a confondue avec du pus?

- A présumé qu’une carcasse ayant une marque bleue au grasset et des ganglions lymphatiques iliaques internes seulement légèrement surdimensionnés était atteinte d’une arthrite du grasset après avoir incisé l’articulation de la hanche et l’avoir jugée normale. Il s’apprêtait à marquer le grasset pour le faire enlever, mais je le lui ai fait ouvrir pour lui montrer qu’il était normal (il s’agissait simplement d’une arthrite tarsale mineure).

- Je l’ai appelé pour qu’il examine un porc au sol et lui ai demandé « Que voyez-vous sur cette carcasse? » Il a immédiatement pointé les reins (qui étaient marqués de rose pour cause de condamnation) et a dit que nous devrions les estampiller à l’encre bleue comme propres à la consommation animale. Les reins étaient tout à fait normaux mais avaient été marqués à l’encre rose du fait que les reins des porcs au sol sont condamnés. La décision de les marquer comme propres à l’alimentation animale était tout à fait insensée.

- Il ne semblait pas comprendre que les porcs suspects (qui sont tatoués comme tels) ont aussi les oreilles coupées sur la table de saignage, afin qu’on puisse les identifier. En voyant le X sur l’épaule, il les a traités comme des porcs ayant été abattus (en les palpant pour déceler des fractures, des dislocations, etc., au lieu de se concentrer sur la raison pour laquelle ils sont suspects, p. ex., des abcès, une morsure à la queue.

- J’en suis arrivée à la conclusion qu’il avait de faibles capacités d’observation. Il aurait manqué un abcès évident sur le membre postérieur et, à cause de la congestion au rail de détention, les pareurs aussi auraient pu le manquer s’ils avaient été pressés ou s’ils s’étaient fiés à ses instructions.

- A inutilement condamné un porc ayant un abcès collecté de la taille d’une balle de tennis qui était lâchement attaché à la plèvre pariétale, laquelle était cicatrisée et dénotait des adhésions (sèches) très chroniques. Il a affirmé qu’il s’agissait d’une pleurite chronique étendue et qu’il fallait donc condamner la bête. Même s’il avait raison sur la « chronicité » de l’affection, il a semblé avoir oublié que c’était de l’« aiguë » dont nous nous inquiétions et pas de la « chronique ».

- Comme il n’y avait que deux VM-01 aujourd’hui, il a toujours été seul au bureau. Chaque fois que j’ai jeté un coup d’œil, il ne faisait absolument rien, il regardait dans le vide. Aucun signe qu’il lisait quoique ce soit.

71 Le 17 juillet 2007, la Dre Neumier a confisqué un manuel vétérinaire sur les pathologies et la salubrité des viandes auquel les vétérinaires avaient accès dans leur bureau. Ce manuel renfermait des photographies, des observations médicales et des décisions de disposition. Selon la Dre Neumier, le Dr Salib passait trop de temps à consulter ce livre pour en arriver à poser ses diagnostics, et l’ouvrage était beaucoup moins utile à ce stade que d’autres documents de formation, dont les procédures opérationnelles obligatoires et les modules. Cet ouvrage ne figurait pas sur la liste des documents de formation qui avaient été remis au Dr Salib.

72 Le Dr Salib a témoigné qu’il n’est pas argumentateur. Il a déclaré que lorsqu’il formulait une opinion contraire à celle de la Dre Neumier, cette dernière le considérait comme ergoteur. Il a témoigné que la Dre Neumier s’attendait toujours à un « oui » et à ce qu’il souscrive à ses opinions. Le Dr Salib a déclaré qu’il était sain d’avoir des discussions et que dans son précédent emploi, il discutait souvent avec ses collègues. Le fonctionnaire a également produit une lettre de référence de son ancien employeur, datée du 13 mai 2008 (pièce G-24), qui indiquait que, pendant l’emploi qu’il a occupé du 22 novembre 2003 à décembre 2006, le fonctionnaire a perfectionné ses compétences dans tous les domaines de pratique, les cas médicaux et chirurgicaux, le travail en laboratoire, la prise de radiographies et les services sur appel, et qu’il était un membre estimé de l’équipe. Il est évident, d’après les notes (pièce G-15) de la Dre Neumier, qu’elle a communiqué avec l’ancien employeur du fonctionnaire le ou vers le 19 juillet 2007. Les notes révèlent que, dans son ancien emploi, le Dr Salib a éprouvé des difficultés liées à sa capacité de diagnostiquer et de traiter les problèmes, en raison de ses faibles aptitudes en observation et en collecte d’information et du fait qu’il était ergoteur.

73 Le Dr Salib a témoigné que l’employeur avait dû juger son travail suffisant puisqu’il le laissait travailler seul et lui assignait des heures supplémentaires, ce que l’employeur n’était pas obligé de faire. En relisant mes notes, il m’apparaît clairement que la Dre Neumier n’a pas été contre-interrogée sur ce point.

74 À l’évidence, le Dr Salib a fini par exaspérer la Dre Neumier. Le 18 juillet 2007, dans un courriel qu’elle a adressé au Dr Bates, elle s’est demandée si le Dr Salib était réellement vétérinaire qualifié et a insinué qu’il aurait acheté son diplôme (pièce G-18).

75 Après le 22 juillet 2007, la Dre Neumier a eu moins de contacts avec le Dr Salib. Elle est partie en vacances deux semaines. Elle effectuait des vérifications ponctuelles de temps à autre. Elle s’enquérait des autres vétérinaires et chefs d’équipe. Le Dr Salib en est venu à assurer le quart de nuit. La Dre Neumier travaillait le jour. Selon elle, le Dr Salib travaillait la nuit pour l’éviter. Il y avait un chevauchement à la fin de la journée et au début du quart d’après-midi. La Dre Neumier a déclaré qu’elle lui donnait une rétroaction verbale.

76 À l’audience et pendant le contre-interrogatoire, le Dr Salib n’a accepté que des commentaires favorables sur son rendement et non les commentaires négatifs. Par exemple, dans les observations des 27 et 28 juin 2007, à la pièce G-11, il doute que le Dr L. M. ait fait les commentaires défavorables dont font état les notes de la Dre Neumier.

77 Le 29 août 2007, le Dr Salib a demandé une mutation de l’établissement Toronto pour des [traduction] « raisons familiales » (pièce G-20). Sa conjointe, avait-il dit au Dr Bates, avait déménagé à Toronto, et il voulait la rejoindre. Cette demande a préoccupé le Dr Bates puisque l’Agence avait estimé que des problèmes de rendement s’étaient posés pendant la période de probation.

78 Le Dr Salib a été questionné au sujet de sa demande de mutation. Il a témoigné que lui et sa famille avaient subi beaucoup de pression après le 22 juin et qu’il essayait d’échapper à cette pression en se faisant muter. Dans sa deuxième plainte de harcèlement, déposée le 14 novembre 2007 (pièce G-25), le Dr Salib a déclaré qu’il voulait être muté en raison du stress psychologique croissant qu’il subissait; l’atmosphère était malsaine pour son travail et il ne pouvait tolérer la discrimination ainsi que l’absence d’esprit d’équipe. Il a indiqué avoir dit aux Drs Bates et Neumier qu’il lui fallait s’installer à Toronto car sa conjointe voulait y étudier. Il a déclaré qu’il ne voulait pas froisser la Dre Neumier s’il lui disait qu’il ne voulait pas travailler avec elle.

79 Le Dr Salib a témoigné des circonstances difficiles qu’il a vécues en août. Au mois d’avril, il avait acheté une maison. Il a déclaré qu’il ne pouvait plus tolérer la pression au travail. Il avait l’impression qu’il allait mourir. Sa glycémie était anormalement élevée.

80 Le 19 septembre 2007, le Dr Salib s’est coupé à la base du pouce, ce qui a nécessité quatre ou cinq points de suture. On lui a donné des antibiotiques. Le Dr Salib a témoigné que son médecin lui avait prescrit de garder sa main propre et sèche pendant une semaine, ce qui est aussi consigné à un dossier médical daté du 19 septembre 2007 (pièce E-11). Il a affirmé qu’il était inquiet lorsque la Dre Neumier l’a affecté au poste d’abattage deux jours après. Il craignait d’avoir à mettre sa main dans un milieu contaminé, comme des viscères. Le Dr Salib voulait garder sa main au sec et ne voulait accomplir aucune tâche d’inspection au rail de détention pendant une semaine. Le rail de détention est un endroit où les carcasses étiquetées sont conservées aux fins d’examen et de décision de disposition par un vétérinaire. La Dre Neumier avait dispensé le Dr Salib de travailler avec un couteau au poste d’abattage ou au rail de détention pendant cinq jours après sa blessure. Au terme de cette période, croyait-elle, la blessure du Dr Salib aurait guéri. Elle a témoigné que les vétérinaires portaient des gants protecteurs et qu’ils portaient parfois une [traduction] « deuxième paire ». Elle a aussi mentionné qu’il n’y avait pas de tâches légères pour les vétérinaires à l’établissement et que bien d’autres vétérinaires qui auraient subi semblable blessure auraient repris leurs fonctions après deux jours. Le Dr Salib a déclaré être retourné au poste d’abattage le lundi suivant pour éviter d’autres problèmes avec la Dre Neumier.

81 Après le 1er octobre 2007, le Dr Salib effectuait le quart de soir et la Dre Neumier travaillait le jour. Par la suite, elle ne s’est plus retrouvée au travail en même temps que lui, même s’il y avait un certain chevauchement à la fin de la journée et au début du quart d’après-midi. La Dre Neumier a déclaré que deux incidents mettant en cause le Dr Salib s’étaient produits en octobre. Dans le premier, il avait condamné à tort six ou sept porcs atteints d’hernies, qui sont décrits comme des cochons à rupture ventrale. Ils sont certes suspects, mais propres à la consommation et il n’ay avait pas lieu de les condamner. Lors du second incident, le Dr Salib était censé se rendre à l’étable pour examiner des porcs suspects. Il était important de s’y rendre tout de suite car l’abattage était presque terminé pour la journée. Le Dr Salib ne s’y est pas rendu et l’entreprise a décidé de condamner les cochons car il aurait été cruel de les laisser toute la nuit la nuit dans l’étable.

82 Le ou vers le 19 octobre 2007, la Dre Neumier devait enquêter sur une plainte faite par l’établissement que le Dr Salib avait condamné à tort trois carcasses tombées au sol après leur sortie du rail de détention. D’après la description faite par un employé de l’établissement, l’une des carcasses était tombée sur une grille et les autres étaient tombées par-dessus. Il y avait de la graisse sur une des carcasses. L’établissement était inquiet en ce que cette situation ne justifiait pas la condamnation automatique des trois carcasses. La Dre Neumier disposait de renseignements fournis par l’établissement selon lesquels le Dr Salib était le vétérinaire en cause. La Dre Neumier a parlé au Dr Salib sans prendre de ton accusatoire, mais dans l’intention de l’informer de nouveau de la façon d’évaluer les carcasses qui tombaient au sol et de déterminer quelles zones sont plus contaminées que d’autres.

83 Le ou vers le 25 octobre 2007, l’établissement s’est plaint par écrit d’une affirmation générale supposément faite par le Dr Salib, c’est-à-dire que toute carcasse tombant au sol « côté viande » devait être condamnée. La Dre Neumier était préoccupée, car cela n’entraînait pas automatiquement une condamnation. La carcasse devait être évaluée en vue de déceler une contamination réelle ou potentielle compte tenu de la position de la bête sur le rail de détention et de la zone du poste d’abattage. La Dre Neumier devait enquêter sur la plainte de l’établissement.

84 Pendant l’enquête, le Dr Salib a démenti cette information auprès de la Dre Neumier et a nié toute responsabilité. Lorsque la Dre Neumier s’était adressée au Dr Salib à ce sujet, le Dr N. R. était présent. La Dre Neumier a témoigné qu’aucun représentant de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l’« agent négociateur ») n’était présent à l’établissement. Elle a donc choisi de requérir la présence du vétérinaire comptant le plus d’ancienneté, car la discussion revêtait un caractère disciplinaire. Elle a opté pour la présence d’un vétérinaire principal plutôt que d’un inspecteur principal. La Dre Neumier a dit suivre cette pratique car la plupart des vétérinaires n’aiment pas que leur rendement soit discuté devant un membre du personnel technique. Le Dr Salib a témoigné qu’il ne comprenait pas pourquoi elle critiquait ses compétences devant le Dr N. R., contre qui il avait déposé une plainte de harcèlement plus tôt dans l’année.

85 La Dre Neumier n’a pas cru le Dr Salib lorsqu’il a affirmé qu’il n’était pas le vétérinaire en cause. Avant d’en arriver à la décision que le Dr Salib était responsable, ainsi que l’établissement l’avait allégué, la Dre Neumier n’avait pas vu le [traduction] « mémorandum des examens post mortem » (pièce G-19), dans lequel sont précisées les différentes décisions qu’un vétérinaire doit prendre pour disposer d’une carcasse et les décisions en fonction du numéro de l’étiquette sur la carcasse. Elle a envoyé, le 26 octobre 2007, un courriel (pièce G-4) au Dr Salib pour l’informer qu’elle ne croyait pas à son affirmation et lui dire que sa fiabilité était sérieusement minée. Ce courriel se lit comme suit :

[Traduction]

À la suite de la discussion que nous avons eue plus tôt ce soir, j’ai deux questions auxquelles j’attends une réponse.

1) Y a-t-il une raison pour laquelle, pendant notre entretien avec le [Dr R. N], vous nous avez demandé de prouver que l’un ou l’autre code 010 vous étaient imputables et non au [Dr B. O.]? Nous n’avions pas la carte devant les yeux à ce moment. Est-ce que cela importe le nombre de carcasses au sol que le [Dr B. O.] a condamnées, surtout s’il les a condamnées pour une raison valable?

2) Comment pouvez-vous prétendre que [R] ait fait allusion à un autre vétérinaire [le Dr B. O.] et nié les instructions que vous avez données au chef d’équipe? Croyez-vous que j’aurais demandé à la fois à [R] et [M] d’aller voir tous les vétérinaires en poste au rail de détention aujourd’hui et de me rappeler, puis de s’assurer d’avoir identifié avec certitude le vétérinaire dont ils se plaignaient et de me rappeler ensuite? Vous nous dites que votre nom n’est pas mentionné dans la plainte formelle de [R], pourtant c’est carrément dans la ligne objet, et c’est pourquoi je vous ai demandé de la lire pour en être informé.

Je ne saute pas aux conclusions lorsque je reçois une plainte émanant de qui que ce soit, que ce soit de l’ACIA ou d’un membre du personnel de l’entreprise. Je mène une enquête approfondie, je recueille les faits et je questionne les témoins.

Je veux que vous vous rendiez compte que votre fiabilité a été sérieusement minée par ce dernier événement. Tout le monde peut commettre des fautes et des erreurs de jugement, mais les nier carrément n’est pas la meilleure approche à suivre.

86 Le Dr Salib a témoigné qu’il a communiqué avec des employés de l’entreprise le lendemain. À la suite de sa communication, deux employés de l’entreprise ont envoyé des courriels rétractant leur identification du Dr Salib et déclarant qu’il s’agissait en fait du Dr B.O.

87 La Dre Neumier aurait pu obtenir davantage de renseignements qui l’auraient aidé dans son enquête si elle avait récupéré et lu le [traduction] « mémorandum des examens post mortem » avant d’envoyer son courriel au Dr Salib. Ce mémorandum montre que le Dr Salib n’a condamné aucune carcasse pour cause de contamination (code 010) le 25 octobre 2007 et que, ce jour-là, c’est un autre vétérinaire, le Dr B.O., qui avait condamné une carcasse pour contamination. La Dre Neumier n’a pas consulté le mémorandum parce qu’elle s’est fiée à l’information que l’établissement lui avait transmise, bien que ce mémorandum se trouvât dans le bureau voisin du sien et fût facilement accessible. En contre-interrogatoire, la Dre Neumier a admis que son enquête sur la plainte n’avait pas été approfondie. De par l’expérience qu’elle en avait eue, elle croyait que le Dr Salib n’avait pas entièrement évalué les [traduction] « carcasses au sol ». Elle a convenu du fait que le ton de son courriel (pièce G-4) était tranchant. La Dre Neumier a indiqué que, à ce stade-là, elle était exaspérée en raison du rendement au travail du Dr Salib, ce qui l’avait empêchée d’enquêter en profondeur.

88 La Dre Neumier a présenté des excuses au Dr Salib dans un courriel envoyé le 29 octobre 2007, à 16 h 36 (pièce E-10). Dans son courriel, elle a indiqué avoir appelé un représentant de l’entreprise avant et après sa rencontre avec le Dr Salib et avoir, les deux fois, obtenu du témoin confirmation qu’il s’agissait du Dr Salib. Ce courriel se lit en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

Sam, je vous prie d’accepter mes sincères excuses pour avoir cru [R] lorsqu’il a dit que vous étiez celui qui avait fait l’affirmation générale le soir du 25 octobre. En enquêtant sur sa plainte écrite formelle dans laquelle il vous a identifié par le nom, je lui ai téléphoné deux fois (avant et après notre entretien), et il a dit les deux fois que c’était vous. De nouveau, veuillez m’excuser d’avoir cru que c’était vous qui aviez fait les déclarations à l’adresse du chef d’équipe et pour lesquelles j’ai reçu une plainte de l’entreprise le 25 octobre. Il est regrettable que je me sois fiée à des informations erronées. Je suis obligée de donner suite aux plaintes formelles et, la première étape de l’enquête consiste à vérifier les identités, ce que j’ai fait, avant que cette information soit ultérieurement rétractée par l’entreprise.

[Dr B.O.], j’ai discuté de cet incident avec vous également, en présence du [Dr N. R.], et vous avez nié l’allégation de [R]. Je suis déçue que vous ne l’ayez pas admis pendant notre discussion. Comme vous l’avez vous-même dit, nous ne devons pas généraliser au sujet des carcasses au sol, mais plutôt les juger au cas par cas en fonction du risque pour la salubrité alimentaire, lequel est très variable. À mon retour, il me faudra m’assurer une fois pour toutes que tout le monde comprend bien ce concept.

[…]

89 La Dre Neumier a mis le Dr Bates au courant de ce problème et du fait qu’elle avait faussement accusé le Dr Salib. Elle a également témoigné avoir sévèrement réprimandé le Dr B.O. lorsqu’elle l’a rencontré et lui avoir dit qu’il l’avait induite en erreur en n’admettant pas sa responsabilité.

90 Dans son témoignage, le Dr Salib a soulevé plusieurs questions au sujet de l’enquête de la Dre Neumier sur les incidents des 19 et 25 octobre. Il a déclaré que, lors de la rencontre du 26 octobre 2007, la Dre Neumier a crié après lui et l’a accusé de mettre sa parole en doute et qu’elle n’a pas accepté l’information qu’il lui a présentée. Il a dit qu’après avoir reçu le courriel il s’était senti menacé et insulté et que les compétences de superviseure de la Dre Neumier laissaient à désirer. Le Dr Salib a témoigné qu’il aurait été très facile à la Dre Neumier de prendre connaissance des cartes ou étiquettes de contamination de cette date au lieu de se fier aux dires du superviseur de l’établissement. Il a dit que cela aurait pris deux minutes de plus. Il s’est opposé à ce qu’elle ait envoyé copie de la pièce E-10 aux Drs B. O. et R. N., car cela portait atteinte à sa vie privée.

91 Le 29 octobre 2007, le Dr Bates a communiqué par courriel avec Mark Coates, des Ressources humaines à l’Agence, transmettant l’information intitulée « 1434, 25 oct. » et indiquant que ce dernier devrait rencontrer la Dre Neumier pour [traduction] « […] discuter de la façon de procéder pour la seconde moitié de la période de probation de ce vétérinaire » (pièce G-3). L’intitulé « 1434, 25 oct. » se rapporte à l’incident au cours duquel le Dr Salib a été faussement accusé d’avoir condamné des carcasses et fait l’affirmation générale.

92 Ce courriel a été envoyé à 12 h 23. Les excuses de la Dre Neumier ont été envoyées à 16 h 36.

93 Le Dr Salib n’a pas accepté les excuses de la Dre Neumier. Il a déposé contre elle, le 29 octobre 2007, une plainte de harcèlement dont le texte semble avoir été joint à une lettre d’accompagnement que Neal Harden, représentant de l’agent négociateur du fonctionnaire, a adressée à M. Coates le 14 novembre 2007 (pièce G-25). Dans cette lettre d’accompagnement, M. Harden sollicite la conduite d’une enquête par un enquêteur externe et demande à ce que le Dr Salib ne soit plus supervisé par la Dre Neumier en attendant l’issue de l’enquête.

94 Dans une lettre au Dr Salib datée du 9 novembre 2007 (pièce G-7), Phillip H. Amundson, directeur exécutif des opérations de l’Ouest à l’Agence, a répondu que la plainte contre la Dre Neumier ne répondait pas à la définition de harcèlement de l’Agence. Il a écrit ce qui suit :

[Traduction]

[…]

La gestion du rendement est un processus nécessaire dans lequel des attentes sont définies, de la rétroaction sur le rendement est fournie et une assistance est donnée aux employés pour qu’ils atteignent les buts de l’Agence, qui sont principalement d’assurer la salubrité de l’approvisionnement alimentaire du Canada.

Même si la réponse de vos objections concernant la façon dont vous avez été traité par une collègue de travail aurait pu être gérée différemment, je suis convaincu que votre superviseure a tenté de résoudre promptement le différend. Lors des autres interactions avec votre superviseure, il apparaît clairement qu’elle a exercé ses responsabilités de gestion en vous fournissant, de façon continue, rétroaction et encadrement afin de vous aider à satisfaire aux attentes en matière de rendement.

[…]

95 Le Dr Salib a déclaré s’être mis en congé de maladie le 23 novembre 2007. Il a produit une note d’une clinique indiquant qu’il lui fallait être en congé de maladie du 23 novembre au 7 décembre 2007 (pièce G-29). Cette note n’expliquait pas la nature de la maladie. Le Dr Salib a été incapable de confirmer avec certitude la date à laquelle il avait télécopié cette note à la Dre Neumier. À l’audience, il a déclaré que les pressions au travail l’avaient rendu déprimé. La Dre Neumier a dit n’avoir reçu avis que le Dr Salib allait s’absenter du travail qu’après le 26 novembre 2007. Elle l’a alors considéré comme étant absent sans autorisation.

96 Le 26 novembre 2007, la Dre Neumier a préparé l’évaluation du rendement du Dr Salib. L’une de ses préoccupations d’alors était que le Dr Salib n’avait pas suivi la procédure établir pour prendre un congé de maladie. Elle n’a pas discuté de cette évaluation avec le Dr Salib ni ne lui a remis le document. La Dre Neumier a témoigné que, bien qu’elle n’ait pas fourni au Dr Salib de rétroaction écrite après le 20 juin, elle lui fournissait une rétroaction verbale chaque fois qu’ils se rencontraient. Le document d’évaluation du rendement a été mentionné à l’audience, mais n’a pas été produit en preuve.

97 Le Dr Bates a témoigné que, le 28 novembre 2007, il a eu une conférence téléphonique avec la Dre Neumier et d’autres personnes, dont Rick Dryden, directeur régional de l’Agence pour la région du Manitoba, afin de discuter des raisons de renvoyer le Dr Salib en cours de stage. La Dre Neumier a témoigné que les personnes ayant participé à cette conférence téléphonique étaient elle-même, le Dr Bates, M. Coates et Julia Burns, chef d’équipe, Ressources humaines, Région de l’Ouest de l’Agence. La Dre Neumier a déclaré que M. Amundson n’avait pas pris part à la conférence. Au regard de l’objet principal de l’audioconférence, la Dre Neumier y a vu l’occasion pour elle de dire enfin qu’elle était incapable d’accomplir son travail consistant à assurer la salubrité alimentaire à l’établissement en raison des préoccupations que lui causait le rendement du Dr Salib. En contre-interrogatoire, elle a témoigné que la plainte de harcèlement qu’il avait déposée contre elle n’était pas entrée en ligne de compte.

98 Initialement, le Dr Bates n’était pas sûr d’avoir été informé de la plainte de harcèlement du Dr Salib contre la Dre Neumier. Toutefois, à l’examen des documents pertinents, dont une copie de la lettre que M. Amundsen a envoyée au Dr Salib en date du 9 novembre 2007 (pièce G-7), il semble que le Dr Bates ait dû être au courant de cette plainte et de la réponse initiale qu’on lui a donnée. Le Dr Bates a déclaré qu’il ne se souvenait pas d’avoir discuté de la plainte de harcèlement à la réunion.

99 La Dre Neumier s’est souvenue que l’audioconférence du 28 novembre 2007 avait eu lieu pour discuter du statut d’employé en probation du Dr Salib, de la plainte de harcèlement qu’il avait faite contre elle et de son absence sans autorisation. On n’a pas demandé à la Dre Neumier de quitter la conférence téléphonique lorsque la plainte de harcèlement a été abordée. À la réunion, personne ne l’a informée que la plainte de harcèlement n’allait pas faire l’objet d’une enquête. Elle a considéré cette plainte comme quelque chose qui était [traduction] « au-dessus d’elle ».

100 En communiquant ses préoccupations, la Dre Neumier a déclaré que, [traduction] « à part un retour à l’école vétérinaire », elle ne voyait pas l’utilité de reformer le Dr Salib. Elle n’avait noté aucun changement dans son rendement. À l’issue de la conférence, le Dr Bates a demandé à la Dre Neumier de consigner ses préoccupations au sujet du Dr Salib en mettant l’accent sur les plaintes liées à la salubrité alimentaire. À la fin de l’audioconférence, il a été convenu que le Dr Salib ne serait pas reformé et qu’on le renverrait en cours de stage. En réinterrogatoire, la Dre Neumier a déclaré que les allégations de harcèlement avaient été abordées. Elle a alors dit ce qu’elle avait à dire sur la formation du Dr Salib. Il semble qu’aucune décision n’ait été prise à la réunion au sujet de la plainte de harcèlement contre elle.

101 Le 28 novembre 2007, la Dre Neumier a écrit au Dr Bates, à la demande de celui-ci, (pièce E-7) pour faire part de ses craintes de permettre au Dr Salib d’exécuter les fonctions de VM-01 à l’établissement. Ses craintes étaient formulées en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

Le Dr Salib travaille sous ma supervision et a suivi une période de formation très prolongée. Bien qu’il travaille à présent sous ma supervision indirecte — il n’est pas accompagné par un autre vétérinaire qualifié —, je continue de nourrir des réserves quant à la qualité de son travail.

Voici quelques exemples d’inquiétudes liées à la salubrité alimentaire dont moi-même, des vétérinaires et des inspecteurs de l’ACIA ainsi que des pareurs d’expérience de l’entreprise en poste au rail de détention avons été témoins au cours des six derniers mois :

- connaissance lacunaire de l’anatomie porcine normale (cœur, intestin grêle, côlon), ce qui le rend incapable de reconnaître des infections réellement anormales;

- manque de capacité à distinguer des étiologies lorsqu’il se trouve face à des lésions qui sont similaires (distension physique du côlon imputable à une sténose rectale contre une distension du côlon imputable à une colite inflammatoire), ce qui lui fait prendre de mauvaises décisions de disposition;

- compréhension insuffisante de la différence entre les lésions chroniques et aiguës (pleurite, péritonite) ainsi que de la pathogénie de ces lésions;

- manque de compréhension de ce qu’est une lésion généralisée par rapport à une lésion localisée (pleurite, péritonite, abcès);

- évaluation inadéquate de carcasses, au point de rater de lésions importantes (abcès, ganglions lymphatiques surdimensionnés, distensions des articulations);

- mauvaise évaluation du degré de gravité des lésions observées; or une telle évaluation est nécessaire pour en arriver à une décision de disposition (abcès multiples, infections par voie hématogène, lésions cutanées de l’érysipèle avec arthrite correspondante);

- mauvaise communication avec les pareurs, si bien que les pareurs moins expérimentés peuvent ne pas comprendre exactement quelles parties doivent être parées;

- contamination croisée par inadvertance de carcasses par propagation de contamination fécale ou de matières purulentes en raison d’un lavage de mains inadéquat et manque d’attention portée aux points de contact entre les tissus contaminés et ses mains, son tablier ou son équipement;

- compréhension incomplète de la septicémie et des lésions qui, collectivement, constituent une septicémie (pleurite fibrineuse et pneumonie avec lymphadénopathie généralisée). Sam a demandé à une pareuse de l’entreprise d’ouvrir entièrement une carcasse ayant des lésions septicémiques classiques, l’exposant ainsi à un contact avec des agents pathogènes potentiellement zoonotiques, comme la bactérie du streptococcus suis de type II, et il a donné instruction à des employés de parer des carcasses septicémiques au lieu de les condamner.

Même si nombre des observations susmentionnées se sont produites au cours des quatre premiers mois d’emploi du Dr Salib, elles démontrent son manque de connaissances en pathologie vétérinaire. Les rapports de mauvaises décisions de disposition continuent d’arriver, quoique de façon plus sporadique maintenant. Tous les autres vétérinaires que j’ai formés ont démontré une pleine compréhension de la pathologie vétérinaire dans les deux premières semaines de leur formation.

Mes préoccupations touchant le contrôle inadéquat de la santé animale font suite à des exemples — dont j’ai été directement témoin ou qui m’ont été rapportés — d’inspections ante mortem superficielles du Dr Salib sur des porcs isolés comme suspects. Il y a eu des cas où le Dr Salib n’a pas remarqué des lésions évidentes sur l’animal (tuméfactions, plaies ouvertes) ou, lorsque l’observation indique que l’animal n’a pas été dûment évalué, il a soutenu qu’un porc devait être condamné alors que plusieurs témoins indiquaient que l’animal pouvait très bien courir avant et après les inspections ante mortem). Les employés de l’entreprise rapportent que le Dr Salib n’a jamais pris le temps d’observer des animaux d’enclos normaux. Je crains que le défaut d’observer soigneusement des animaux vivants, conjugué à l’omission de lésions évidentes sur des animaux devant expressément être examinés avec minutie, signifie que je ne peux compter sur le Dr Salib pour déceler la présence de maladies animales contagieuses graves, telle la fièvre aphteuse.

[…]

102 C’était la première fois que le Dr Bates ou la Dre Neumier prenait part à une décision de renvoyer un employé en cours de stage. Il est clair que, avant de congédier le Dr Salib, le Dr Bates a consulté les Ressources humaines de l’Agence. Le 30 novembre 2007, Mme Burns a soumis un brouillon de lettre à l’examen du Dr Bates, dont M. Amundson avait déjà pris connaissance. Elle a envoyé son courriel à 11 h 37. Dans ce courriel, il était aussi suggéré que le Dr Bates appelle le Dr Salib et lui demande de se présenter à une rencontre le lundi suivant et de se faire accompagner d’un représentant s’il le souhaitait (pièce G-5).

103 Le Dr Bates a déclaré que, avant de renvoyer le Dr Salib en cours de stage, il s’est adressé aux Drs N. R. et L. M. pour lui demander s’ils avaient des préoccupations au sujet de la formation du Dr Salib et de l’aspect salubrité alimentaire découlant du travail du Dr Salib à l’établissement.

104 Le 30 novembre 2007, à 16 h 04, M. Amundson a envoyé au Dr Salib une lettre déclarant qu’il ne ferait pas enquête sur la plainte déposée contre la Dre Neumier au motif qu’il concluait que les observations écrites que le Dr Salib avait soumises ne répondaient pas à la définition de harcèlement selon l’Agence (pièce G-26). En particulier, M. Amundson a dit, comme il suit, que la Dre Neumier assumait simplement ses fonctions de superviseure :

[Traduction]

[…]

Après avoir soigneusement examiné l’information, je conclus que les comportements que vous décrivez ne se rapportent pas à du harcèlement mais constituaient des interactions nécessaires de la part de votre superviseure et de votre gestionnaire, puisqu’ils essayaient de vous encadrer et de vous prodiguer des conseils pour vous aider à atteindre un niveau de rendement qui répondrait aux normes de votre emploi, ou qu’ils assumaient leurs fonctions normales de gestion.

[…]

105 Ni le Dr Bates ni la Dre Neumier n’ont été questionnés au sujet de la plainte de harcèlement du 29 octobre 2007.

106 Le vendredi 30 novembre 2007, à 16 h 09, le Dr Bates a demandé par courriel au Dr Salib de se présenter à une rencontre devant avoir lieu au Centre de recherches de Brandon. Dans ce courriel, il était dit que [traduction] « l’objet de cette rencontre concerne votre emploi à l’ACIA » (pièce G-6). Il ressort du témoignage oral que l’Agence avait pris la décision de renvoyer le Dr Salib en cours de stage. Le Dr Bates a témoigné qu’il a eu beaucoup de mal à joindre le Dr Salib. Il a appelé son domicile. Apparemment, quelqu’un a répondu au téléphone, mais sans parler. Le Dr Bates a laissé un message. Il a aussi communiqué avec M. Harden au sujet d’une rencontre devant se tenir le lundi 3 décembre. M. Harden a appelé le Dr Bates le lundi en question et lui a dit que le Dr Salib ne serait pas disponible pour la rencontre. Le Dr Bates a alors pris des dispositions pour faire livrer par messager la lettre de renvoi en cours de stage.

107 Le Dr Salib a témoigné avoir reçu le courriel et les messages sur son cellulaire et sa ligne domiciliaire le vendredi 30 novembre et le samedi suivant et que le Dr Bates l’avait aussi appelé le dimanche. Il n’a pas répondu au Dr Bates car il était en congé de maladie et que c’était la fin de semaine.

108 Le 3 décembre 2007, l’Agence a renvoyé le Dr Salib en cours de stage et lui a versé un mois de rémunération tenant lieu d’avis d’un mois. La lettre de renvoi, signée par le Dr Bates (pièce E-8), porte en partie ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Par la présente, je vous avise que depuis que vous avez commencé votre emploi à l’Agence canadienne d’inspection des aliments, le 7 mai 2007, vous avez été incapable de satisfaire aux normes de rendement de votre poste malgré le fait que vous ayez été formé à ces exigences sur une base continue pendant votre période de probation.

Notre mission d’Agence est de veiller à la santé et au bien-être des Canadiens, à l’environnement et à l’économie en préservant la salubrité des aliments, la santé des animaux et la protection des végétaux. Nous attachons de la valeur à la rigueur scientifique et à la compétence professionnelle. Ces dimensions jouent un rôle déterminant dans notre processus décisionnel. En tant que vétérinaire employé par l’Agence, vous êtes responsable de la salubrité alimentaire en veillant à ce que tous les produits de viande ne posent aucun risque lié à la salubrité des aliments pour les consommateurs. Conscient de cela, je conclus que vous ne possédez pas le degré de compétence professionnelle ou technique requis pour accomplir adéquatement les tâches de vétérinaire et pour poursuivre votre emploi à l’ACIA.

Par conséquent, en vertu des pouvoirs que m’a délégués le président de l’Agence canadienne d’inspection des aliments, je vous donne avis, par la présente, de ma décision de vous renvoyer en cours de stage, conformément au paragraphe 13(2) de la Loi sur l’Agence canadienne d’inspection des aliments; cette décision prenant effet à la fermeture des bureaux le lundi 3 décembre 2007.

[…]

109 En contre-interrogatoire, le Dr Bates a témoigné que l’incident du 25 octobre 2007 n’avait pas déclenché le renvoi du Dr Salib en cours de stage. Il escomptait que la Dre Neumier s’occuperait de l’affaire puisqu’il n’avait pas été mêlé à tous les aspects du dossier. La Dre Neumier a déclaré que l’incident n’était pas entré en ligne de compte dans la décision de congédiement, puisque le Dr Salib n’était pas responsable eu égard à la plainte de l’établissement. Tant la Dre Neumier que le Dr Bates ont témoigné que la plainte de harcèlement que le fonctionnaire avait portée contre la Dre Neumier n’avait pas pesé dans la décision de l’Agence de le renvoyer pendant la période de probation.

110 Après le licenciement du Dr Salib en cours de stage, la Dre Neumier a réuni tous les documents pertinents et les a transmis au Dr Bates afin de les faire verser au dossier le ou vers le 7 décembre 2007. Ces documents comprenaient un courriel de la Dre Neumier (pièces G-10 et G-11). Les Drs L. M. et N. R. ont aussi soumis des questionnaires le 3 décembre 2007 (pièces G-8 et G-9). Ces questionnaires ne m’ont pas été produits en preuve. Je ne dispose donc pas d’information sur la date à laquelle ils ont été remplis. La Dre Neumier a également obtenu des renseignements de K. B., le superviseur de l’étable employé par l’établissement. Elle a fait mention de ces renseignements dans un courriel adressé au Dr Bates (pièce G-11), lequel renfermait apparemment les plaintes de l’établissement qui se trouvaient dans les notes de celle-ci.

111 Les notes de la Dre Neumier font état de commentaires d’autres employés. La Dre Neumier a témoigné qu’elle avait déjà envoyé quantité de documents au Dr Bates. Elle a fait cela car, croyait-elle comprendre, les décisions de renvoi en cours de stage sont généralement contestées. Le Dr Bates a déclaré avoir reçu une rétroaction verbale des Drs N. R. et L. M. le 28 novembre ou peu après, et avant qu’il eut reçu les questionnaires. Il a nié l’insinuation de l’avocat de l’agent négociateur qui cherchait à fourbir ses armes en prévision de la défense du cas, mais a déclaré que la majeure partie de l’information avait déjà été constituée et qu’elle simplement réunie.

112 En contre-interrogatoire, le Dr Salib n’a pas admis la véracité de l’un ou l’autre des commentaires défavorables mentionnés dans les notes de la Dre Neumier. Il a témoigné qu’il ressentait de la pression chaque fois qu’il la rencontrait.

113 L’employeur a une politique de probation (modifiée le 15 janvier 2007) (pièce E-9) qui prévoit que lorsque l’Agence détermine qu’un employé en probation n’est pas compétent ou ne satisfait pas aux exigences du poste, il peut être renvoyé, à la discrétion du gestionnaire, à tout moment de la période d’essai, avec une période d’avis appropriée. Cette politique prévoit notamment ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Les employés en probation doivent bénéficier d’une possibilité suffisante de démontrer qu’ils possèdent les qualités, aptitudes, compétences et autres qualités requises pour accomplir efficacement leurs tâches et qu’ils sont aptes à continuer d’exercer leur emploi à l’ACIA. Les superviseurs doivent donc s’assurer que les normes de rendement et les objectifs de travail sont clairement définis et communiqués à l’employé, que l’employé est informé des normes de conduite à respecter et que l’on fournit à l’employé en probation l’information et la rétroaction nécessaires pour favoriser un rendement efficace et une conduite adéquate de sa part. Les superviseurs doivent aussi fournir une formation raisonnable et appropriée, de l’équipement, des ressources et des installations permettant à l’employé en probation de démontrer pleinement ses compétences et ses qualités pour poursuivre son emploi à l’ACIA. Si des problèmes de rendement se posent, les superviseurs doivent consulter leur conseiller en ressources humaines.

[…]

114 Cette politique ne prévoit pas que, avant un renvoi en cours de stage, il faille avertir un employé qu’il doit améliorer son rendement ou risquer le congédiement.

115 L’Agence a publié la [traduction] « Politique sur la rétrogradation ou le licenciement motivé non disciplinaires » (pièce G-12) pour guider les gestionnaires dans les situations où le rendement d’un employé est insatisfaisant ainsi que pour les aider à prendre des mesures en cas de rendement inacceptable de nature non coupable. L’une des exigences de la politique, à la page 5, est que [traduction] « l’employé reçoit un avertissement raisonnable des conséquences de son défaut de satisfaire au niveau de rendement requis de l’emploi. »

116 Le Dr Salib a témoigné qu’il avait pris connaissance avec stupeur de la lettre de son renvoi en cours de stage, vu qu’on ne lui avait pas donné d’avertissements au sujet de son rendement. Il a vu là une mesure de représailles à la suite du dépôt de ses plaintes de harcèlement. Il a déclaré que la Dre Neumier lui avait dit, lorsqu’il avait porté plainte contre le Dr N. R. en juin, qu’il [traduction] « subirait les conséquences du dépôt d’une plainte de harcèlement, » ce qu’il a effectivement subi. Je note que la Dre Neumier n’a pas été contre-interrogée sur la question des conséquences dont elle a menacé le Dr Salib pour avoir porté plainte contre le Dr N. R.

117 Bien que le Dr Salib ait témoigné qu’on ne l’avait pas averti au sujet de son rendement, il a aussi dit, après le 22 juin 2007, que la Dre Neumier faisait peser sur lui beaucoup de pression. De plus, concernant les incidents d’octobre, il a témoigné ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Ce n’était pas la première fois qu’elle m’accusait de quelque chose que je n’avais pas fait. Elle continuait de le faire, encore et encore, chaque jour pour quelque chose de différent, comme si elle inventait quelque chose chaque jour. Comme si elle mettait beaucoup de pression, elle lançait de sévères accusations sans aucune preuve, sans rien du tout. Alors pour cette même raison, je trouve... je n’ai pas accepté ces excuses car cela arrivait encore et encore. Comme avant, elle m’a accusé de nombreuses fois. Je peux le dire si vous voulez maintenant, sans aucune preuve.

[…]

118 Le Dr Salib a témoigné que, à la suite de son renvoi en cours de stage, il a décidé de ne pas accepter d’autre emploi au Canada, même s’il avait plus de six offres d’emploi. Il travaille maintenant à la ferme familiale, en Égypte, en attendant que la décision d’arbitrage soit rendue. Il tire un revenu de son travail dans l’exploitation familiale.

119 Le Dr Salib a déclaré n’avoir reçu sa rémunération de cessation d’emploi de l’Agence qu’après qu’il a déposé un grief (pièces G-27 et G-28).

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

120 L’employeur a soutenu qu’il s’agissait d’un simple cas de renvoi en cours de probation au motif que le Dr Salib n’avait pas montré qu’il satisfaisait aux normes requises de compétence.

121 L’employeur a affirmé avoir clairement établi un motif lié à l’emploi eu égard au renvoi en cours de stage. La Dre Neumier a déclaré avoir formé neuf vétérinaires avant le Dr Salib. Après la première semaine de formation, la plupart des vétérinaires débutants savent appliquer la formation et n’ont pas de mal à travailler seuls après deux ou trois semaines, voire quatre pour certains. Il a fallu six semaines pour un vétérinaire, mais c’était parce qu’il manquait d’assurance et non pour un problème de compétence. La Dre Neumier a déclaré qu’elle devait constamment répéter ses instructions au Dr Salib. À son avis, il ne comprenait pas ou n’assimilait pas ce qu’elle lui disait. Elle a témoigné que le Dr Salib était incohérent dans ses analyses des lésions, de l’anatomie de base et des viscères normaux. Semaine après semaine, elle ne constatait aucune amélioration notable. Elle attendait du Dr Salib qu’il suive une approche systématique. Il ergotait sur des décisions de disposition. Il fallait l’avertir au sujet du lavage des mains. La Dre Neumier était préoccupée par ce qui semblait être des observations incohérentes. Elle a rarement vu le Dr Salib en train de lire, alors que la lecture était une partie essentielle de la formation et du maintien des compétences. Lorsqu’elle a exprimé la première fois au Dr Bates ses préoccupations concernant la compétence du Dr Salib, ce dernier n’avait pas encore déposé de plaintes contre des collègues ni pris de congé de maladie.

122 Au lieu de faire ce que toute personne diligente aurait fait après avoir reçu les remarques tant de la Dre Neumier que du Dr Bates, c’est-à-dire déployer des efforts pour améliorer ses compétences, le Dr Salib a commencé à insister pour qu’une autre personne l’évalue immédiatement. Il se jugeait alors parfaitement compétent.

123 La Dre Neumier a continué de recevoir des rapports indiquant que le Dr Salib remplissait essentiellement ses fonctions en profane et qu’il s’améliorait peu. Elle a alors estimé que seul un retour à l’école vétérinaire aurait aidé le Dr Salib à satisfaire aux normes de rendement. Elle ne lui faisait pas confiance et était d’avis que sa conduite présentait un risque pour la salubrité alimentaire.

124 Sur la deuxième question, à savoir si le Dr Salib a établi qu’il y avait eu mauvaise foi ou sanction déguisée, il est clair qu’il a échoué. Un employeur qui, ainsi que la Dre Neumier l’a fait, a communiqué équitablement les normes de travail et procuré à l’employé la possibilité d’y satisfaire n’a pas pris une décision de mauvaise foi en congédiant l’employé. La Dre Neumier a rencontré le Dr Salib le 22 juin et le 11 juillet, et le Dr Bates l’a rencontré le 3 juillet. Le Dr Salib n’a certes pas manqué d’occasions de rajuster le tir à la lumière de la rétroaction qu’il avait reçue. Il a été averti pendant la période de probation, et on lui a dit ce qu’on attendait de lui ainsi qu’il fallait qu’il s’améliore. On ne peut pas dire que la décision de l’employeur a été prise de mauvaise foi.

125 Le Dr Salib soutient qu’on l’a renvoyé en cours de stage en raison de ses plaintes de harcèlement, mais cette affirmation ne cadre ni avec la preuve ni avec le bon sens. Le Dr Salib est resté sourd aux préoccupations de l’employeur touchant son rendement. Le Dr Bates avait hâte et souhaitait vraiment que le Dr Salib réussisse. Le Dr Salib ne souscrivait qu’aux remarques favorables et non aux commentaires négatifs. Il semble que ce ne soit pas tant le harcèlement qui ait motivé la décision de renvoi que les efforts de la Dre Neumier pour gérer le rendement du Dr Salib qui ont donné lieu aux plaintes de harcèlement. Le Dr Salib n’a pas prouvé qu’il y ait eu de mauvaise foi, de motif caché ou encore de subterfuge. Le Dr Salib n’était tout simplement pas à la hauteur de la tâche et n’a pas répondu aux orientations que lui a données l’employeur car il estimait que son rendement était parfait.

126 L’employeur a cité Canadian Forest Products Ltd. (North Central Plywoods Division) v. Pulp, Paper and Woodworkers of Canada, Local 25 (2002), 108 L.A.C. (4e) 399, Boyce c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2004 CRTFP 39, Canada (Procureur général) c. Leonarduzzi, 2001 C.F. (1re inst.) 529, Dhaliwal c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada — Service correctionnel), 2004 CRTFP 109, Canada (Procureur général) c. Penner, [1989] 3 C.F. 429 (C.A.) et Bilton c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 39.

B. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

127 Le fonctionnaire a affirmé qu’il s’agissait d’un simple cas de mauvaise foi, de camouflage et de discrimination déguisée. Il a déclaré que l’employeur l’avait informé des aspects à améliorer le 22 juin 2007. L’employeur lui a écrit le 11 juillet 2007 et lui a dit qu’il s’améliorait, mais qu’il y avait encore des progrès à faire. Le fonctionnaire n’a reçu aucun autre écrit de l’employeur avant le 26 octobre 2007, et il a été démontré que la rétroaction par écrit ne s’appliquait pas à lui. Il a été licencié de son poste après avoir porté plainte pour harcèlement contre la Dre Neumier et au motif qu’il avait déposé cette plainte.

128 L’employeur n’a pas établi qu’il avait congédié le Dr Salib de bonne foi. L’employeur n’a pas informé complètement le Dr Salib de ce qui était nécessaire et ne lui a pas dit qu’il ne satisfaisait pas aux exigences. L’employeur n’a pas rencontré le Dr Salib pour tenter de trouver d’autres solutions, comme le requiert la politique du Conseil du Trésor sur les licenciements non disciplinaires, disposition que renferme la politique de l’Agence (pièce G-12).

129 À compter du 11 juillet, aucun problème de rendement n’a été consigné.

130 L’absence de relevé écrit montre que les problèmes n’étaient pas suffisamment sérieux pour justifier un congédiement. Si l’employeur avait eu des préoccupations, il aurait dû les consigner. Qui plus est, l’employeur savait que ses préoccupations exprimées dans sa lettre du 11 juillet 2007 avaient été mal interprétées par le fonctionnaire, et il n’a fait aucun effort pour corriger ce malentendu.

131 Le défaut de donner avis des problèmes et de porter les problèmes à l’attention du fonctionnaire sont de sérieuses entorses à la justice naturelle, même si l’employeur n’était pas obligé d’avertir le fonctionnaire que sa conduite était telle qu’il risquait d’être renvoyé en cours de probation. Si l’employeur craignait que l’emploi du Dr Salib fût en péril, il aurait dû l’exprimer par écrit. Mener une personne en bateau est injuste et déraisonnable, et c’est de la mauvaise foi : Canusa CPS, a Division of Shaw Industries Ltd. v. Industrial Wood and Allied Workers of Canada, Local 1000 (1999), L.A.C. (4e) 149.

132 Le fonctionnaire a été licencié à cause d’un sentiment d’animosité [traduction] « anti-Sam » et en raison de ses deux plaintes de harcèlement. Dès le début, on l’a décrit comme étant [traduction] « exagérément prompt ». Sa plainte de harcèlement a été rejetée le 30 novembre 2007 à 16 h 04, et il a été renvoyé en cours de stage à 16 h 09. On ne lui a jamais remis de version provisoire d’une évaluation de rendement et l’employeur n’a pas sollicité l’apport d’autres personnes avant de décider de licencier le fonctionnaire. Il n’y a aucun relevé de problème de rendement. Rien n’est survenu au lieu de travail le 30 novembre 2007, si bien que la plainte de harcèlement contre la Dre Neumier a été l’événement déclencheur du renvoi en cours de stage. La Dre Neumier a témoigné que la plainte de harcèlement avait été mentionnée à la conférence téléphonique du 28 novembre 2007. L’employeur a usé de représailles en mettant fin à l’emploi du fonctionnaire, ce qui constitue une violation de l’article 186 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »). L’employeur a ensuite recueilli des informations auprès d’employés. Une autre preuve de la mauvaise foi de l’employeur est le fait que le Dr Salib n’a touché les sommes qui lui étaient dues qu’en mars 2008, soit seulement après qu’il a déposé un grief.

133 Le fonctionnaire demande à être réintégré dans ses fonctions, avec la rémunération rétroactive correspondante. Il demande aussi à ce qu’on lui permette de terminer sa période de probation en prenant un nouveau départ dans un nouvel établissement, sous la supervision d’autres personnes que la Dre Neumier et, en bout de ligne, du Dr Bates.

134 Le fonctionnaire a cité Dhaliwal et Morissette c. Conseil du Trésor (ministère de la Justice), 2006 CRTFP 10, affaire tranchée sous le régime de l’ancienne LRTFP, ainsi que les articles 185 et 186 de la Loi.

C. Réfutation de l’employeur

135 Bien que l’employeur soit tenu d’avertir un employé avant de le licencier pour des motifs non blâmables, il n’est pas tenu d’avertir un employé en probation : Morissette et Canusa.

IV. Motifs

136 Il y a des éléments communs entre les parties sur certains points. Toutes deux conviennent que le Dr Salib était dans sa période probatoire de 12 mois pendant la période pertinente. Toutes deux conviennent que les notes de service de la Dre Neumier datées du 22 juin 2007 (pièce E-3) et du 11 juillet 2007 (pièce E-6) divulguent de sérieuses préoccupations en matière de salubrité alimentaire. Toutes deux conviennent qu’il y a essentiellement eu peu de changement dans le rendement du Dr Salib après qu’il a reçu la lettre du 11 juillet 2007. Le Dr Salib a déclaré que son rendement n’avait pas changé et qu’aucun changement n’était nécessaire puisqu’il accomplissait déjà le travail « parfaitement ».

137 Une divergence de taille dans la preuve est la question de savoir si le Dr Salib accomplissait son travail avec compétence. Le Dr Salib a témoigné que la Dre Neumier avait inventé ses préoccupations à cause des plaintes de harcèlement qu’il avait portées. Je me suis penché sur la question et y ai appliqué le critère de fiabilité suivant que l’on trouve dans l’arrêt de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique Faryna v. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354, à la page 356 :

[Traduction]

La fiabilité des témoins intéressés ne peut être évaluée, surtout en cas de contradiction des dépositions, en fonction du seul critère consistant à se demander si le comportement du témoin permet de penser qu’il dit la vérité. Le critère applicable consiste plutôt à examiner si son récit est compatible avec les probabilités qui caractérisent les faits de l’espèce. Disons, pour résumer, que le véritable critère de la véracité de ce que raconte un témoin dans une affaire déterminée doit être la compatibilité de ses dires avec la prépondérance des probabilités qu’une personne éclairée et douée de sens pratique peut d’emblée reconnaître comme raisonnable dans telle situation et telles circonstances. Ce n’est qu’ainsi que le tribunal peut évaluer de façon satisfaisante la déposition des témoins expérimentés, confiants et vifs d’esprit tout autant que le témoignage des personnes habiles qui manient avec facilité les demi-vérités et qui ont acquis une solide expérience dans l’art de combiner les exagérations habiles avec la suppression partielle de la vérité. Là encore, une personne peut témoigner de ce qu’elle croit sincèrement être la vérité tout en étant honnêtement dans l’erreur. Le juge du fond qui dit : « Je crois cette personne parce que j’estime qu’elle dit la vérité » tire en fait une conclusion après avoir examiné seulement la moitié du problème. Le juge qui agit ainsi s’expose en réalité à faire fausse route.

Le juge du fond doit aller plus loin et se demander si les dires du témoin qu’il croit sont compatibles avec la prépondérance des probabilités dans l’affaire en cause et, pour que son avis puisse imposer le respect, le juge doit également motiver sa conclusion. La loi n’attribue pas au juge du fond la capacité de sonder comme par magie les cœurs et les reins des témoins. De plus, la cour d’appel doit être convaincue que les conclusions que le juge de première instance a tirées au sujet de la fiabilité ne reposent pas sur un seul élément à l’exclusion de tout autre, mais qu’elles sont fondées sur tous les éléments qui permettent de vérifier la fiabilité dans un cas donné.

138 Lorsque l’on se penche sur la décision d’un employeur de renvoyer un employé en cours de stage, le critère à appliquer est de savoir si l’employeur a démontré l’existence d’un motif lié à l’emploi pour justifier le congédiement et, le cas échéant, si l’employé est tenu de démontrer que le congédiement était un subterfuge ou un camouflage ou qu’il a été décidé de mauvaise foi : Leonarduzzi. Ce critère n’est pas un critère de « motif valable » comme celui qui serait requis dans le cas du congédiement d’un employé permanent.

139 L’Agence est un employeur distinct aux yeux de la Loi, et le président a le pouvoir de nommer des employés et de définir leurs fonctions — voir la Loi sur l’Agence canadienne d’inspection des aliments, L.C. 1997. chapitre 6, articles 12 et 13. Ce pouvoir peut être délégué — voir l’article 7. La sélection des employés est une fonction ou un droit de la direction. La convention collective pertinente ne renferme pas de disposition utile ou de limitation à ce droit. De façon générale, la jurisprudence privilégie la notion qu’un arbitre de différend devrait hésiter à intervenir dans une affaire de licenciement d’un employé en période de probation : Canadian Forest Products Limited. Dans British Columbia Telephone Co. v. Federation of Telephone Workers of British Columbia, 15 L.A.C. (2e) 310, citée dans Canadian Forest Products Limited, l’arbitre s’exprime comme suit :

[Traduction]

[…]

Les arbitres de différend doivent faire montre de réticence lorsqu’il s’agit de s’ingérer dans la décision que prend une équipe de direction en pareilles circonstances. Dès lors que l’on reconnaît l’intérêt légitime de la direction à s’assurer des services de l’effectif le plus compatible et le plus adapté ainsi que le fait que la direction est la mieux à même de juger de cela, les arbitres ne doivent pas annuler une décision que la direction a prise à cet égard à moins que cette décision soit arbitraire, discriminatoire ou prise de mauvaise foi. Si l’on reconnaît, dans cette approche, qu’un employé en probation n’a pas de statut permanent, on s’assure tout de même qu’il dispose d’une occasion équitable de démontrer sa capacité à répondre aux exigences de l’emploi et de satisfaire aux normes d’un emploi régulier fixées par la direction.

[…]

140 Un arbitre de différend ou un arbitre de grief ne devrait généralement pas intervenir, car le but d’une période de probation est d’évaluer la convenance d’un employé à un emploi, et c’est l’employeur qui est le mieux à même de le faire. Si un employeur évalue de bonne foi l’aptitude d’un employé à occuper un poste, un arbitre de grief ne devrait pas intervenir dans la décision de l’employeur.

141 À mon avis, il me faut garder à l’esprit la nature du travail que l’employeur devait évaluer. En l’espèce, la nature de l’emploi était très technique et faisait intervenir la fonction spécialisée de déterminer si des carcasses de porc étaient propres, en tout ou en partie, à la consommation humaine. Cette dimension revêt une importance fondamentale pour la salubrité des aliments destinés à la consommation nationale et à l’exportation. C’est un travail important qui nécessite qu’un vétérinaire se prononce avec justesse et cohérence sur la santé des animaux et la salubrité alimentaire des carcasses. Un employeur devrait pouvoir compter sur des décisions uniformes et justes dans un environnement où des décisions incorrectes peuvent avoir des conséquences catastrophiques sur la santé publique ou ses activités.

142 La question, ici, est de savoir si j’accepte la version de l’employeur qu’il a congédié le Dr Salib au motif de préoccupations liées à l’emploi ou si je retiens celle du Dr Salib selon laquelle il a été licencié parce que l’employeur s’est retourné contre lui après qu’il a déposé des plaintes de harcèlement. Je note que l’allégation du Dr Salib dénonce essentiellement un comportement frauduleux de l’employeur et que c’est à l’employé qu’il incombe de prouver la véracité de son allégation selon la prépondérance des probabilités, en se fondant sur une preuve fiable et convaincante.

143 Je peux fort bien imaginer que la Dre Neumier avait de sérieuses préoccupations au sujet du rendement du Dr Salib. Par rapport aux autres employés qu’elle avait formés, le Dr Salib n’était pas compétent au terme de cinq semaines de formation. La plupart des vétérinaires qu’elle avait formés auparavant étaient aptes à prendre des décisions de disposition après deux semaines. Son travail d’encadrement avait duré jusqu’à six semaines avec certains vétérinaires qui étaient compétents, mais qui nécessitaient sa présence pour des raisons d’assurance. Le Dr Salib ne prenait pas de bonnes décisions quant à la disposition des carcasses. La Dre Neumier semble avoir eu du mal à comprendre pourquoi le fonctionnaire « n’y arrivait pas » alors qu’il avait reçu une formation et pourquoi il lui fallait beaucoup plus de temps que les autres employés. Elle était inquiète du fait qu’il ne relevait pas les pathologies, qu’il n’observait pas ou ne comprenait pas et que, apparemment, il ne lisait pas pour corriger ce problème. Dans ses notes, elle s’est demandé si c’était à cause d’un problème de vision, de lectures insuffisantes, d’une incapacité à comprendre ou à appliquer la formation ou d’un manque de compétences de base. Essentiellement, l’employeur était préoccupé par le fait que le Dr Salib ne se montrait pas capable de prendre de bonnes décisions.

144 Ce problème a suffisamment préoccupé la Dre Neumier pour qu’elle en avise le Dr Bates, puisque, pour des raisons opérationnelles, le Dr Salib devait travailler seul. À mon sens, la preuve de la Dre Neumier était crédible. Je ne vois pas pour quelle raison elle fabriquerait son témoignage. Elle a été capable de fournir des exemples clairs des problèmes que posait le travail du Dr Salib. Sa preuve avait un accent de vérité. Également, elle a volontiers admis qu’elle n’avait pas beaucoup de temps à consacrer au Dr Salib après le 22 juin. Cela dit, je ne suis pas convaincu qu’une formation, du temps, des outils ou des ressources supplémentaires auraient permis d’améliorer le rendement du Dr Salib, étant donné l’opinion qu’il avait de son propre rendement.

145 À l’évidence, le Dr Salib ne trouvait pas qu’il avait le moindre problème et estimait que son travail était « parfait ». D’après son témoignage, ce n’était pas son rendement qu’il fallait changer mais plutôt la personne qui en faisait l’évaluation. Il voulait être évalué par quelqu’un d’autre que la Dre Neumier. Il a témoigné qu’il avait demandé un évaluateur différent lorsque le Dr Bates lui a envoyé son message très direct en juillet. Pour une raison quelconque, le Dr Salib semble s’être mis dans la tête que, à moins qu’on ait prouvé qu’il avait tort, il n’avait pas à accepter les conseils ou la formation fournis par la Dre Neumier ou des vétérinaires de l’établissement ayant plus d’ancienneté.

146 Après avoir entendu son témoignage, je conclus que le Dr Salib avait une opinion très arrêtée, étroite et dogmatique de ses propres capacités. Il a peut-être dit qu’il était désireux d’apprendre, mais il a également dit que la personne qui lui suggérerait de s’améliorer devait d’abord prouver qu’il avait tort avant qu’il accepte de se corriger. Cela a dû rendre le processus de formation extrêmement exigeant et épuisant pour les personnes en cause. Je note qu’à l’écoute du témoignage du Dr Salib en contre-interrogatoire, comme on le constatait clairement dans son comportement et son témoignage, j’ai eu confirmation du bien-fondé de l’opinion de la Dre Neumier lorsqu’elle a estimé que le Dr Salib était rigide et ergoteur. Je note aussi l’extrait suivant de la lettre du Dr Bates datée du 10 juillet 2007 (pièce E-4) :

[Traduction]

[…]

L’une des exigences de votre période probatoire et de formation est que vous fassiez preuve de souplesse et que vous manifestiez une volonté d’apprendre à mesure que vous perfectionnez vos compétences professionnelles. Les procédures et méthodes de l’ACIA diffèrent peut-être de celles de votre expérience antérieure, mais vous êtes censé vous adapter et devenir compétent dans votre approche afin de mener à bon terme votre période de probation.

[…]

147 J’ai soupesé la théorie du Dr Salib selon laquelle la Dre Neumier avait inventé de toutes pièces ses préoccupations au sujet de son rendement à cause de la plainte de harcèlement qu’il avait portée contre le Dr N. R. Cette théorie doit être évaluée dans le contexte des circonstances qui prévalaient durant la période pertinente aux fins de l’application du critère énoncé dans Faryna. L’Agence était à court de vétérinaires et avait besoin d’eux. La Dre Neumier travaillait à la planification du nouveau quart et il était évident à ses yeux qu’il fallait plus de ressources pour accomplir le travail. Les réserves qu’elle avait au sujet du rendement du Dr Salib semblent l’avoir sincèrement découragée. Ses inquiétudes relatives à la salubrité alimentaire étaient sérieuses et non frivoles. Elle avait auparavant formé sans incident d’autres vétérinaires. La plainte de harcèlement du Dr Salib contre le Dr N. R. était essentiellement frivole. Si l’on considère la conversation dans son ensemble, elle apparaît comme une plainte de lieu de travail plutôt frivole — une plainte mineure au sujet d’un thermostat. À mon avis, il est peu probable qu’elle ait été le fondement d’un quelconque complot qu’on aurait ourdi dans le but d’exclure le Dr Salib du lieu de travail.

148 Il est peu plausible qu’une superviseure inventerait des préoccupations liées au rendement en réponse à une plainte frivole, d’autant plus que l’Agence avait besoin de plus de ressources pour assumer le volume croissant de ses activités et avait de la difficulté à recruter et conserver des employés. Qui plus est, lorsque j’examine la version des faits du Dr Salib, il m’apparaît clairement que la Dre Neumier n’a pas été contre-interrogée sur deux points, soit sa menace, alléguée par le Dr Salib, que s’il persistait dans sa plainte il en « subirait les conséquences » et l’intervalle d’une demi-heure durant lequel il a été allégué qu’elle était partie pour inventer ses préoccupations. Je crois peu probable que la Dre Neumier ait pu se pencher sur des détails de préoccupations en l’espace d’une demi-heure, à l’issue de la discussion de la plainte de harcèlement. Finalement, je note que le Dr Salib a déclaré que la Dre Neumier n’avait rien fait, alors qu’il est clair qu’elle a enquêté sur sa plainte.

149 Je ne juge pas plausible la version des événements fournie par le Dr Salib, bien que, comme il a détourné le fil de la rencontre du 22 juin, ses préoccupations à lui ont été exprimées en premier, avant que la Dre Neumier n’ait l’occasion de discuter des siennes concernant le rendement du fonctionnaire. Le Dr Salib ne croit pas qu’il soit possible que la Dre Neumier eut des réserves avant que le sujet de sa plainte de harcèlement fut abordé. Ce n’est tout simplement pas croyable. Quoi qu’il en soit, je retiens le témoignage de la Dre Neumier selon lequel il y a eu une rencontre continue ce jour-là qui a porté d’abord sur le harcèlement et ensuite sur les préoccupations que lui causait le rendement du Dr Salib. Lorsqu’on s’arrête à la théorie du Dr Salib que la Dre Neumier a fabriqué ses préoccupations à cause de la plainte de harcèlement qu’il avait faite contre le Dr N. R. et que l’on inscrit cette théorie dans les circonstances qui prévalaient alors, il m’est d’avis que l’allégation d’invention est absurde et improbable.

150 J’ai réfléchi à la théorie du Dr Salib selon laquelle on l’avait congédié en raison de sa plainte de harcèlement contre la Dre Neumier. Là encore, dans l’évaluation de cette théorie et de la preuve contestée, il importe de tenir compte des circonstances qui avaient cours alors : Faryna. La Dre Neumier a fait part tôt au Dr Bates de ses réserves au sujet du rendement du Dr Salib, avant que le fonctionnaire ne dépose sa plainte de harcèlement contre le Dr N. R. en juin 2007, et avant que l’un ou l’autre des événements déclencheurs allégués — la blessure et les événements non corroborés des 19 et 25 octobre — se soit produit. En fait, la plainte de harcèlement déposée par le Dr Salib portait sur la façon dont son rendement était supervisé, lorsque c’était la Dre Neumier qui devait le former, corriger ses erreurs et évaluer son rendement. De surcroît, la Dre Neumier était obligée d’enquêter sur les plaintes que l’établissement avait faites contre les employés de l’Agence qu’elle supervisait.

151 Il est clair que la Dre Neumier aurait pu enquêter avec plus de soin sur les plaintes de l’établissement contre le Dr Salib en octobre 2007. Le ton du courriel qu’elle a envoyé le 26 octobre 2007 au Dr Salib pour lui communiquer ses constatations était sans retenue, surtout lorsque l’on considère qu’elle a omis de consulter le « Mémorandum des examens post mortem » (pièce G-19). Il est également clair que la Dre Neumier a admis son erreur, a présenté des excuses par écrit au Dr Salib et a verbalement averti les autres vétérinaires qui auraient dû porter la responsabilité de la plainte. À mon avis, elle a géré cette affaire avec intégrité.

152 Le représentant de l’agent négociateur a fait valoir l’absence de rétroaction écrite et a argué que les préoccupations de l’employeur ne pouvaient pas être si sérieuses que cela puisqu’on ne les avait pas consignées. Il y a, dans le témoignage du Dr Salib, une contradiction fondamentale sur la question de savoir s’il savait que son rendement posait des problèmes à l’employeur. D’un côté, il dit n’avoir eu aucun contact avec la Dre Neumier après le 22 juin, hormis les conversations des 19 et 26 octobre sur les incidents dont on lui a imputé à tort la responsabilité et, de l’autre, il a témoigné que la Dre Neumier faisait constamment peser sur lui une pression psychologique, au point que, au mois d’août, il a dû mentir au Dr Bates sur les raisons de sa demande de mutation — invoquant que son épouse voulait s’installer à Toronto — pour échapper à cette pression. En outre, il a dit avoir dû prendre congé en novembre en raison de la pression. Au sujet de l’incident du 26 octobre, il a dit ce qui suit :

[Traduction]

Ce n’était pas la première fois qu’on m’accusait de quelque chose que je n’avais pas fait. Chaque jour, elle inventait quelque chose. Elle me mettait beaucoup de pression, portait des accusations sans fondement, sans rien. Pour cette raison, je n’ai pu accepter ses excuses. J’étais sûr que ça se produirait encore et encore. Elle m’a très souvent mis en cause sans preuve.

153 À mon avis, le témoignage du Dr Salib cadre avec celui de la Dre Neumier, à savoir qu’elle n’a pas commenté par écrit son rendement, mais lui a fourni une rétroaction verbale continue sur les lacunes observées dans son rendement. Il n’a pas accepté la rétroaction de la Dre Neumier parce qu’il voulait des preuves et qu’il considérait que son rendement était « parfait ». Je conclus que la rétroaction de la Dre Neumier a fait peser une pression sur le fonctionnaire. Je suis convaincu qu’il était au courant des réserves de la Dre Neumier au sujet de son rendement et qu’elle les lui a communiquées verbalement. Il a reçu suffisamment de rétroaction pour en ressentir du stress.

154 Le représentant de l’agent négociateur a fait valoir que l’Agence a permis au Dr Salib de travailler seul et que, par conséquent, les préoccupations ne pouvaient être sérieuses. La Dre Neumier a fait part de ses craintes au Dr Bates avant que le Dr Salib ne travaille seul. Il est clair qu’elle nourrissait de sérieuses réserves. La Dre Neumier formait l’espoir qu’en laissant le Dr Salib travailler seul cela le motiverait à faire preuve de compétence. Par ailleurs, elle a dit croire que sa présence rendait le Dr Salib nerveux. Ce sont là des raisons opérationnelles valables de donner au Dr Salib l’occasion de démontrer sa compétence en travaillant seul. Je note que la Dre Neumier avait formé tous les autres candidats sur une période beaucoup plus courte et que la plupart d’entre eux avaient commencé à travailler seuls après deux semaines de supervision.

155 Le représentant de l’agent négociateur a souligné que l’employeur a renvoyé le Dr Salib en cours de stage peu de temps après avoir refusé d’enquêter sur sa plainte de harcèlement contre la Dre Neumier. Bien que le Dr Salib ait déposé sa plainte de harcèlement fin octobre, je ne suis pas convaincu que cette plainte ait incité l’employeur à le renvoyer en période de probation. En dehors de ce choix de moment, il n’y a pas de lien entre le dépôt de cette plainte, la façon dont on en a disposé et le renvoi du Dr Salib en cours de stage. Manifestement, l’employeur s’inquiétait déjà depuis longtemps du rendement du Dr Salib, soit depuis la mi-juillet. Il était logique de se pencher sur l’aptitude du Dr Salib à continuer d’exercer son emploi après l’étape des six mois, laquelle aurait coïncidé avec le début du mois de novembre 2007, soit à peu près au moment où le Dr Bates a communiqué avec M. Coates pour organiser une réunion où le statut probatoire du Dr Salib serait discuté.

156 Le Dr Salib a soutenu que l’employeur était tenu de donner à un employé en probation avis que son emploi est menacé et de lui fournir la possibilité de corriger son comportement avant de le renvoyer. Ne pas le faire équivaut à de la mauvaise foi de la part de l’employeur. Il est entendu qu’un employeur qui s’inquiète du rendement d’un employé nommé pour une période indéterminée et qui ne communique pas ses préoccupations à ce dernier avant de le congédier échouera probablement au critère d’établissement d’un motif juste et raisonnable pour procéder à un licenciement pour des motifs non blâmables : Morissette. Un employé permanent ne peut être licencié pour des motifs non blâmables si l’employeur n’a pas de raison valable de le congédier. Pour prouver qu’un licenciement non coupable repose sur un motif juste et raisonnable, l’employeur doit fixer une norme de rendement claire, communiquer à l’employé les lacunes de son rendement et l’avertir qu’un défaut de sa part de ne pas satisfaire à la norme entraînera son licenciement. De plus, le rendement lacunaire doit persister après cet avertissement — voir le paragraphe 121 de la présente décision. La notion d’avertissement ou d’avis fait partie intégrante du critère applicable aux congédiements pour des motifs non blâmables.

157 Pendant une période probatoire, l’employé doit démontrer sa compétence. Il ressort de la jurisprudence arbitrale qu’il n’y a aucune obligation de la part d’un employeur d’avertir un employé en probation avant de le congédier. Dans Canusa, par exemple, ce point a été discuté par un conseil d’arbitrage de la façon suivante, au paragraphe 27 :

[Traduction]

[…]

L’obligation de congédier un employé en probation pour un motif valable comprend-elle le devoir de l’avertir qu’il ne fournit pas un rendement satisfaisant avant de le licencier? À la lumière de la jurisprudence arbitrale dont je dispose, il semblerait que l’on privilégie la conclusion qu’une telle obligation n’existe pas dans le cas des employés en période de probation. En ce qui concerne les employés comptant de l’ancienneté, pour lesquels les employeurs sont tenus de suivre une approche disciplinaire progressive, il leur incombe souvent d’avertir les employés qu’une certaine conduite ne satisfait pas aux normes de l’organisme avant de mettre fin à leur emploi. Il ne semble pas naturel de penser qu’une obligation similaire existe […] compte tenu de la nature et de l’objet d’une période de probation. Pendant une période durant laquelle un employeur tente de déterminer l’aptitude générale d’un employé à occuper un emploi, il semble que la notion générale de discipline progressive […] n’a pas lieu d’être. En supposant que les normes qu’un employé en cours de stage doit respecter sont clairement définies, un employeur devrait être en droit d’évaluer l’employé en période de probation sans avoir à corriger sa conduite qui ne satisfait pas à la norme. Un employeur qui doit avertir un employé en cours de stage peut fort bien en arriver à la conclusion qu’il a un motif raisonnable de licencier cet employé. Il peut certes y avoir des circonstances dans lesquelles un arbitre de différend peut conclure qu’un employeur a agi de façon déraisonnable en n’avertissant pas un stagiaire, mais nous ne sommes pas en mesure de conclure, sur un plan général, que la convention collective exige de cet employeur qu’il avertisse les employés en cours de stage avant de mettre fin à leur emploi.

[…]

158 L’employeur doit procurer à l’employé une possibilité raisonnable de démontrer sa compétence. Il n’y a rien, dans la politique de l’employeur ou dans la convention collective entre l’Agence canadienne d’inspection des aliments et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada concernant l’unité de négociation du groupe Médecine vétérinaire (expiration : 30 septembre 2007) (pièce G-1), qui exige de l’employeur qu’il avertisse un employé avant de le renvoyer en cours de stage. Le Dr Salib a eu au moins six mois et demi pour démontrer sa compétence. Selon son témoignage, son rendement était « parfait », il n’avait pas besoin de changer et il n’était pas prêt à recevoir des conseils si l’employeur ne [traduction] « prouvait pas d’abord qu’ils étaient justes ». Il ne semble pas avoir suivi les instructions de sa superviseure et souhaitait que quelqu’un d’autre évalue son rendement.

159 L’incapacité du Dr Salib de prendre avec justesse et constance des décisions de disposition lors des inspections ante mortem et post mortem semble avoir causé à l’employeur de sérieuses préoccupations liées à la salubrité alimentaire. Qui plus est, l’employeur s’inquiétait de ce que le Dr Salib ne contrôlait pas, ante mortem, la santé du troupeau, ce qui est important pour la détection de maladies infectieuses comme la fièvre aphteuse, qui n’est pas réapparue au Canada depuis les années 1940. Une réapparition de cette maladie aurait des conséquences catastrophiques sur les exportations canadiennes de viande.

160 Soulevées tôt dans le processus de formation, ces préoccupations ont porté sur la capacité de faire preuve de jugement sûr. Le fait de posséder un certificat professionnel n’est pas la seule exigence pour démontrer la compétence d’accomplir les tâches d’un VM-01; c’est une condition préalable pour être sélectionné en vue de recevoir une formation pendant une période de probation. Il est clair que pour démontrer sa compétence à exercer les fonctions d’un VM-01, un vétérinaire doit pouvoir appliquer cette formation et prendre des décisions de disposition.

161 Je suis d’avis qu’il me faut souscrire à l’opinion de l’Agence sur la question de la compétence, surtout compte tenu des sérieuses conséquences sur la santé publique que peut avoir la nomination, par l’Agence, à un poste permanent d’un candidat qui ne possède pas le degré requis de compétence professionnelle ou technique pour exercer un jugement sûr dans ses décisions de disposition.

162 À mon avis, la Dre Neumier n’a pas géré comme elle l’aurait dû ses préoccupations concernant le rendement du Dr Salib. Par exemple, son enquête sur l’incident des carcasses tombées au sol le 25 octobre aurait pu être plus approfondie puisqu’il existait d’autres renseignements dont elle aurait pu tenir compte avant de conclure que le Dr Salib était responsable. Je note aussi, cependant, que les renseignements fournis par l’entreprise et sur lesquels la Dre Neumier s’est fiée ont changé et que, à la lumière de ces changements, elle a présenté des excuses au Dr Salib. À mon sens, cet incident n’a pas brouillé son jugement quant à l’évaluation du rendement du Dr Salib. J’estime que l’employeur n’est pas tenu de fournir de rétroaction écrite ou d’avertissement clair que le statut d’un employé en cours de stage était en péril. L’employeur est tenu de d’agir de bonne foi en donnant à l’employé une occasion raisonnable de démontrer sa compétence.

163 On se rend bien compte, à l’écoute du témoignage du Dr Salib, qu’il est prompt à reconnaître ce qu’il perçoit comme positif et lent à reconnaître ou rapide à éviter le négatif. Il lui faut des preuves. Je note qu’un employeur n’est pas tenu de prouver la validité de sa rétroaction à un employé dans un lieu de travail. Le travail ne se ferait plus si un employeur devait justifier chacune de ses déclarations chaque fois qu’il les fait. Après avoir entendu l’ensemble des témoignages, je suis convaincu que les préoccupations de la Dre Neumier étaient sérieuses.

164 Le Dr Salib a prétendu que son renvoi en cours de stage l’avait interloqué parce que, peu de temps auparavant, on lui avait dit qu’il s’améliorait. À mon sens, ce n’est pas plausible. Le message véritable de la lettre du 11 juillet était que le Dr Salib devait faire plus d’efforts. On ne saurait dire que cette lettre faisait valoir qu’il s’était réellement amélioré, alors que l’employeur nourrissait encore de sérieuses réserves à son endroit. De par la communication écrite avec la Dre Neumier en date du 22 juin 2007, le Dr Salib savait que son statut était en péril. C’est la raison pour laquelle il a nié les préoccupations en matière de rendement soulevées dans la note de service de la Dre Neumier lorsqu’il a rencontré le Dr Bates, le 3 juillet 2007. Qui plus est, le Dr Salib était conscient que son emploi était menacé en raison de la rencontre avec le Dr Bates. C’est la seule conclusion que l’on peut tirer des trois courriels qu’il a envoyés peu après sa rencontre avec le Dr Bates pour demander que l’on réévalue ses capacités. De plus, il a demandé une mutation en août, car il se rendait bien compte que son statut était en jeu. Le Dr Salib a témoigné qu’il était stressé. Il savait que la Dre Neumier ne jugeait pas son travail acceptable. En novembre, il a sollicité un traitement psychiatrique.

165 Dans certains cas, l’absence de rétroaction écrite peut donner à un employé un faux sentiment de sécurité, s’il n’est pas conscient des réserves de l’employeur. Le Dr Salib n’était pas sans connaître les préoccupations de l’employeur; il n’acceptait pas leur validité. En l’espèce, il est clair que le Dr Salib était anxieux au sujet de l’opinion que l’employeur avait de son rendement, mais pas suffisamment anxieux pour changer son comportement, qu’il considérait comme parfait. Il a disposé d’une longue période, y compris le temps où il a travaillé seul, pour démontrer sa compétence. À mon avis, il ne serait d’aucune utilité de remettre le Dr Salib en formation puisqu’il en a reçu une pendant plus de six mois.

166 Je conclus que l’employeur a établi que la capacité du Dr Salib d’accomplir toutes les tâches et fonctions d’un vétérinaire à l’établissement posait de sérieux problèmes. Je considère que, malgré l’absence de rétroaction écrite après le 11 juillet 2007, le Dr Salib était bien conscient des préoccupations de l’employeur. Je juge que le Dr Salib n’a pas établi l’existence d’une mauvaise foi, d’un subterfuge ou d’une mesure déguisée de la part de l’employeur. Je conclus que l’employeur a procuré au Dr Salib une occasion raisonnable de démontrer sa compétence, ce qu’il n’a pu faire.

167 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

168 Le grief est rejeté.

Le 6 octobre 2010.

Traduction de la CRTFP

Paul Love,
arbitre de grief

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.