Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les fonctionnaires s’estimant lésés travaillaient des postes de douze heures dans un pénitencier - ils réclamaient une rémunération supplémentaire pour la période du repas - l’horaire de jour prévoyait une demi-heure supplémentaire, pour la pause-repas, alors que l’horaire de nuit était de strictement douze heures - l’arbitre de grief a déterminé que ni la convention collective, ni l’entente spécifique sur l’horaire de travail variable, ne prévoyaient la rémunération de la pause-repas, sauf si l’employé devait rester en devoir pendant celle-ci. Griefs rejetés.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2010-10-20
  • Dossier:  166-02-35086, 35088 à 35091, 35093 et 35094
  • Référence:  2010 CRTFP 110

Devant un arbitre de grief


ENTRE

CHRISTIAN DAUPHINAIS, CONRAD GAMACHE, MARCEL LAROQUE,
BENOIT QUINTAL, MARIO ROIREAU, GILLES TURMEL ET MICHEL TURCOTTE

fonctionnaires s'estimant lésés

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)

employeur

Répertorié
Dauphinais et al. c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant des griefs renvoyés à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Roger Beaulieu, arbitre de grief

Pour les fonctionnaires s'estimant lésés:
John Mancini, Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN

Pour l'employeur:
Caroline Proulx, avocate

Affaire entendue à Drummondville (Québec)
du 12 au 14 et le 24 août 2009.

I. Griefs renvoyés à l'arbitrage

1 En avril 2004, Christian Dauphinais, Conrad Gamache, Manuel Laroque, Benoît Quintal, Mario Roireau, Gilles Turmel et Michel Turcotte (« les fonctionnaires s’estimant lésés ») du pénitencier de Cowansville (Québec) ont chacun déposé un grief de même nature, demandant au Service correctionnel du Canada (« l’employeur ») de rembourser les heures travaillées en sus de 1 956 heures pour la période du 1er avril 2003 au 31 mars 2004.

2 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur.  En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ces renvois à l'arbitrage de grief doivent être décidés conformément à l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (l’ « ancienne Loi »).

3 À l'ouverture de l'audience le 12 août 2009, les avocats des parties ont convenu de plaider la cause de M. Gamache et que la décision s’appliquerait aux six autres dossiers, compte tenu des heures de travail pour chacun en sus des 1 956 heures par année. Ils ont aussi convenu que la convention collective applicable était celle signée le 2 avril 2001.

4 M. Gamache demande :

[…] que mon employeur me rémunère selon ma convention collective le prévoit avec intérêt pour toutes les heures effectives en trop pour l'année 2003-2004, ayant travaillé plus de 2030.5 heures dans cette période, soit 74.5 heures en surplus.

[Sic pour l’ensemble de la citation]

5 Le grief a été renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 92(1)a) de l’ancienne Loi.

6 Alors, il me revient d’interpréter les dispositions applicables de la convention collective.

II. Résumé de la preuve

A. Pour les fonctionnaires s’estimant lésés

7 Les fonctionnaires s’estimant lésés on le fardeau de la preuve ; ils ont déposé en preuve cinq pièces et fait témoigner un seul témoin, M. Gamache.

8 L'employeur a fait entendre trois témoins, Robert Charlton, Benoît Desrosiers et Suzanne Legault, et a déposé en preuve neuf pièces.

9 Lorsqu’il a déposé son grief, M. Gamache était agent correctionnel du groupe et niveau CX-02 et touchait la rémunération annuelle maximale de son échelon, soit 53 137$ (appendice « A », page 96 de la convention collective) et son taux horaire était de 27,16$ de l’heure (appendice « A-1 », page 99).

10 Selon le Syndicat des agents correctionnels du Canada (« le syndicat »), le calcul de la rémunération annuelle doit se faire dans l’année financière, soit entre le 1er avril et le 31 mars de l’année suivante, donc du 1er avril 2003 au 31 mars 2004 pour la présente cause.

11 De plus, pour le syndicat, le nombre d’heures de travail annuelles est de 1 956 pour un salaire annuel de 53 137$ divisé par 27,16 (taux horaire en vigueur cette année-là).

12 Les faits suivants ont été présentés en preuve et n’ont pas été contestés :

  • M. Gamache travaillait pendant toute la période en question, une moyenne de 37,5 heures par semaine, et il était payé 75 heures aux deux semaines.

  • Depuis 2001, M. Gamache travaille selon un horaire variable, conformément à l’article 34 de la convention collective (voir pièce S-3 incluant une page sommaire), y compris pour la période du 1er avril 2003 au 31 mars 2004.

  • L’horaire dans la pièce S-3 est celui du pénitencier de Cowansville et vise 16 employés au niveau CX-02. Chacun travaille trois semaines consécutives en rotation, ce qu’on appelle un horaire par roulement (« drop down schedule »). Chacun travaille trois postes consécutifs de 12 heures, suivis de trois jours de repos. Au bout de 48 semaines, ils ont travaillé le nombre d’heures qu’ils auraient effectuées en travaillant à raison de 37,5 heures par semaine.

  • Le salaire annuel de M. Gamache est établi en fonction de 37,5 heures par semaine.

  • Pendant la période de 48 semaines de rotation complète des 16 employés au groupe CX de Cowansville, si pour quelque raison que ce soit, il est nécessaire de changer de quart de travail, cela se fait par des échanges mutuels entre les 16 employés du groupe CX.

  • La convention collective prévoit l’équilibre des heures de travail des employés de niveau CX-02 lorsqu’ils sont en formation dans le pénitencier de Cowansville ou à l’extérieur de celui-ci.

  • Enfin, M. Gamache a mentionné dans son témoignage qu’il a déposé un grief semblable en 1999.

B. Pour l’employeur

13 La preuve de l'employeur peut se résumer comme suit :

  • Le premier témoin, Robert Charlton, compte 35 ans de service dans les pénitenciers du Canada. Il a travaillé comme syndiqué et président de son syndicat à Kingston. En fin de carrière, il était gestionnaire responsable des horaires de travail et conseiller en cette matière pour les pénitenciers au Canada.

  • L’explication de M. Charlton de la rémunération est fondée sur la clause 2.01 de la convention collective :

2.01 Aux fins de l'application de la présente convention :

[…]

j) « taux de rémunération horaire » désigne le taux de rémunération hebdomadaire de l'employé-e à temps plein divisé par trente-sept virgule cinq (37,5) (hourly rate of pay);

[…]

t) « taux de rémunération hebdomadaire » désigne le taux de rémunération annuel de l'employé-e divisé par cinquante-deux virgule cent soixante-seize (52,176) (weekly rate of pay);

[Les passages  mis en évidence le sont dans l’original]

14 Selon M. Charlton suivant ces deux définitions dans la convention collective, il faut multiplier 52,176 semaines par 37,5 heures, ce qui donne en moyenne 1 956,6 heures par année que doit accomplir un agent correctionnel du groupe CX.

15 Toujours selon M. Charlton, une année compte 52 semaines plus un jour pendant trois ans et 52 semaines plus deux jours pour une année bissextile, ce qui donne 52,176 semaines pour calculer la rémunération annuelle.

16 M. Charlton a affirmé que l’élément clé du calcul de la rémunération est 37,5 heures en moyenne par semaine tel qu’énoncé à la clause 21.02(a)(i) :

[…]

21.02 Lorsque, en raison des nécessités du service, les heures de travail des employé-e-s sont établies suivant un horaire irrégulier ou par roulement :

a) elles doivent être établies de façon à ce que les employé-e-s :

(i) travaillent une moyenne de trente-sept heures et demie (37 1/2) par semaine.

[…]

17 Aussi, le témoin a indiqué que non seulement les horaires de travail ne s’équilibrent pas nécessairement sur une période de 12 mois consécutifs, mais qu’il n’y a aucune exigence en ce sens dans la convention collective. Par contre, la convention collective renferme une exigence obligatoire à l’article 34 au deuxième paragraphe qui se lit comme suit :

[…]

Dans le cas des employé-e-s travaillant par postes, ces horaires doivent prévoir que leur semaine normale de travail correspondra, en moyenne, au nombre d'heures hebdomadaires de travail prévues dans la présente convention pendant toute la durée de l'horaire. La durée maximale d'un horaire sera de six (6) mois.

[…]

[Je souligne]

18 M. Charlton a poursuivi son témoignage sur l’élément clé de 37,5 heures pour l’horaire variable du fonctionnaire en expliquant que selon les pièces E-1 à E-3, l’équilibre des horaires de travail à Cowansville est atteint après 48 semaines de travail pour chacun des employés, incluant M. Gamache, qui travaillent les horaires établis par l’employeur. De plus, ces employés travaillent selon ces horaires depuis des années. Selon cette formule, 16 employés travaillent chacun trois quarts de travail pendant trois semaines consécutives, à concurrence de 12 heures par jour, pour 16 rotations consécutives, ce qui équivaut une moyenne de 37,5 heures par semaine sur une période de 48 semaines. Pendant la période de 48 semaines, les 16 employés, incluant M. Gamache, ont tous travaillé pendant 48 semaines à raison d’une moyenne de 37,5 heures par semaine.

19 En ce qui concerne la question de la pause repas d’une demi-heure pour la période de 2003-2004, l’employeur a affirmé que cette période n’était pas rémunérée et que ce n’est qu’après le renouvellement de la convention collective en 2006 que cette pause repas d’une demi-heure a été spécifiquement rémunérée.

20 Voici le résumé du témoignage de Bernard Desrosiers, deuxième témoin, pour l’employeur.

21 M. Desrosiers a commencé son emploi chez l’employeur en 1988 et a travaillé sans interruption, jusqu’à la date de l’audition, dans des postes au groupe et niveaux CX-01 et CX-02, soit surveillant correctionnel à Cowansville. Pendant cette période, il a été aussi responsable de l’horaire et de l’affectation de tous les employés du groupe CX à Cowansville.

22 M. Desrosiers a dit qu’il était en poste au moment où le grief de M. Gamache a été déposé et que ce dernier n’était pas assujetti aux dispositions de la clause 21.07b) de la convention collective. Par conséquent, M. Gamache pouvait circuler librement pendant sa période de repas sans aucune restriction. Cette preuve n’a pas été mise en doute.

23 M. Desrosiers a déposé la pièce E-6, qui est l’horaire de travail variable signé par les deux parties le 14 février 2003 qui était en vigueur lorsque M. Gamache a déposé son grief.

24 De plus, M. Desrosiers a corroboré le témoignage de M. Charlton sur le fait que la période de pause repas des employés du group et niveau CX-02 à Cowansville n'était pas payée lorsque le grief de M. Gamache a été déposé.

25 Finalement, M. Desrosiers a clairement établi que la pièce S-3 était un document important, non seulement en raison des horaires de tous les employés du group CX, mais aussi parce que l’horaire principal permettait a chaque employé du groupe CX de vérifier chaque mois l’horaire par roulement (« drop down ») qui était répété mois après mois. Ce document important était affiché sur les tableaux de consultation, mais était aussi affiché électroniquement pour que tous les employés puissent vérifier tout changement à l’horaire et relever les irrégularités ou si les employés du groupe CX s’étaient échangés des quarts de travail. De plus, l’horaire principal était affiché pour que les employés du groupe CX puissent remonter plusieurs années afin de voir tous les changements apportés.

26 En terminant, M. Desrosiers a corroboré le témoignage de M. Charlton, à l’effet qu'il n’y a aucun lien entre l'horaire de travail variable et l'année financière.

27 Le troisième témoin de l’employeur était Mme Legault, qui est à l’emploi de l’employeur depuis 1983. Elle a travaillé comme employée du groupe CX à Cowansville de 1985 à 1990. Ensuite, elle a été agente de libération conditionnelle, puis gestionnaire d’une unité de 102 détenus et responsable d’une centaine d’employés de groupe et niveaux CX-01 et CX-02. Par la suite, elle était directrice adjointe des opérations de sécurité, incluant une responsabilité pour les horaires de travail à Cowansville.

28 Dans son témoignage, elle a déposé en preuve la pièce E-9 qui portait sur la question des pauses repas non payées. Cette note de service datée du 27 septembre 2002 provenant du Commissaire adjoint de la Gestion des ressources humaines et envoyée au Sous-commissaires régionaux, ainsi qu’au Président national du syndicat qui représente les fonctionnaires, se lit en partie comme suit :

[…]

A)    Pour les postes de jour:

-    Le 0.5 heure de pause repas non-payée s’applique seulement à l’employé travaillant un poste de jour ;

-    Pour une horaire de travail par poste de jour de 8 heures, un employé obtient 8 heures de travail payées et 0.5 heure de pause repas non-payée pour un total de 8.5 heures ;

-    Pour des horaires de travail variable par postes de jour de 9 heures, 10 heures ou 12 heures : l’employé obtient, selon le cas, 9 heures, 10 heures ou 12 heures de travail payées et 0.5 heure de pause repas non-payée pour un horaire total de 9.5 heures, 10.5 heures ou de 12.5 heures ;

-    La pause repas de 0.5 heure non-payée débute à partir du moment où il est prévu à l’horaire d’un employé qu’il puisse laisser son poste de travail et se termine au moment où il est prévu à son horaire qu’il reprenne son poste ;

-    La pause de repas de 0.5 heure non-payée ne peut être prise au début où à la fin d’un poste de travail de jour ;

-    Il est impératif que les employés travaillant des postes de jour soient avisés qu’ils sont libres de quitter l’établissement durant leur période de repas non-payée ;

-    Un employé qui travaille un poste de jour et qui doit demeurer à l’établissement durant sa pause repas, ou qui est rappelé à l’établissement durant sa pause repas, doit être rémunéré au taux supplémentaire applicable à l’article 21.13 de la convention collective des CX pour la pause repas manquée si l’employé complète toutes les heures de travail prévues à son horaire pour ce poste.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

29 Mme Legault a aussi corroboré les témoignages des deux autres témoins de l’employeur selon lesquels les employés du groupe CX à Cowansville étaient libres de leurs allées et venues pendant la période de repas, sauf s’ils étaient convoqués pour effectuer des travaux pour lesquels les employés sont payés au tarif des heures supplémentaires à la demi-heure, en conformité avec les dispositions de la convention collective et de la pièce E-6.

30 Finalement, Mme Legault a corroboré le témoignage de M. Desrosiers selon lequel M. Gamache n’était pas empêché de prendre sa pause repas comme les autres employés du groupe CX.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour les fonctionnaires s’estimant lésés

31 Selon M. Gamache, la preuve présenté par M. Charlton n’est pas pertinente parce qu’il devait travailler 1 956 heures par année et l’excédent devait être payé pour l’année 2003-2004, c’est-à-dire 74,5 heures, conformément à la convention collective.

32 De plus, M. Gamache a dit que les échanges de quarts de travail doivent être consignés sans quoi « c’est de l’à-peu-près ».

33 M. Gamache se questionne sur le bien-fondé des pause repas parce que certaines sont payées et d’autre ne le sont pas. Selon lui, cela n’est pas possible. Il se réfère à la clause 21.15c) de la convention collective et dit que cette clause n’autoriserait pas certains employés à sortir de l’établissement pendant leurs pauses repas.

34 Toujours au sujet de la question des pauses repas et, en particulier, de la pièce E-9, M. Gamache affirme que l’employeur n’a pas le droit de modifier unilatéralement la convention collective.

35 Se référant à l’article 34 de la convention collective, M. Gamache a ajouté que les conditions générales ne prévoient aucune exception, c’est-à-dire que le travail doit être consécutif et que M. Charlton ne tient pas compte du temps consécutif.

36 M. Gamache a conclu en disant que l’employeur ne respecte pas la convention collective en ce qui a trait à la question des repas et, en particulier, l’employeur cherche simplement à sauver une demi-heure par jour sur le dos des employés du groupe CX.

37 Finalement, M. Gamache a précisé que le but principal de la pièce E-6 visait la question des repas payés et que les repas étaient l’aspect centrale de cette pièce signée par les parties.

38 Il m’a demandé d’accueillir son grief.

B. Pour l’employeur

39 L'employeur a déclaré que le syndicat à une conception faussée du fondement des 1 956 heures par année.

40 D’abord le nombre exact est 1 956,6 et non 1 956.

41 Il faut d’abord tenir compte des définitions aux clauses 2.01j) et t) de la convention collective et ensuite examiner les dispositions de la clause 21.02a)(i) afin de comprendre que l’élément clé du calcul de la rémunération annuelle est la moyenne de 37,5 heures par semaine payable à la quinzaine.

42 Ainsi, les horaires de travail en l’espèce, tels que les pièces E-1 à E-4, ont été établis en se fondant sur la moyenne de 37,5 heures par semaine.

43 Cette notion de moyenne et l’équilibre des horaires sont explicites dans les dispositions de l’article 34 de la convention collective, soit les conditions générales de travail variables et, plus particulièrement, les deux premiers paragraphes des conditions générales.

44 Un employé ne peut s’arrêter dans le temps et réclamer des heures, car il est rémunéré à raison de 37,5 heures par semaine en moyenne et payé aux deux semaines selon le nombre d’heures hebdomadaires fixées dans la convention collective pour toute la durée de l’horaire. En l’occurrence, l’horaire compte 48 semaines comme indiqué aux pièces E-1 à E-4.

45 De plus, la convention collective ne précise pas que l’horaire de travail doit commencer le 1er avril et se terminer le 31 mars suivant. Le témoignage de M. Charlton est clair à cet égard, et quoi que contestée par la partie syndicale, cette preuve n’a pas été contredite.

46 En l’espèce, l’horaire s’équilibre sur une moyenne de 37,5 heures par période de 48 semaines, ce qui respecte la convention collective en vigueur.

47 L’employeur a dit que, dans l’hypothèse où je statuais que l’horaire doit être équilibré sur une année financière, ce qu’elle nie la réalité démontre à la pièce E-4, que si cette hypothèse avait été confirmée, M. Gamache aurait travaillé au total 1 944 heures et non 2 030,5 comme il l’a avancé et réclamé.

48 Le calcul des heures dans l’horaire de M. Gamache est basé sur des quarts de 12 heures et non de 12,5 heures. M. Gamache a soutenu que les pauses repas d’une demi-heure devraient être rémunérées parce qu’elles sont obligatoires. Selon l’employeur, les pauses repas ne sont pas rémunérées.

49 Selon la position de l’employeur, les pauses repas d’une demi-heure ne sont pas rémunérées, en conformité avec la clause 21.07 de la convention collective. Si les parties avait convenu que les pauses repas d’une demi-heure devaient être rémunérées, cela serait indiqué à la clause 21.07, ce qui n’est pas le cas.

50 À titre d’exemple, l’employeur a dit que lorsque les parties ont convenu que les pauses repas se prennent en temps supplémentaires, dans les conditions précises de la clause 21.15 de la convention collective, à ce moment-là les parties ont prévu à la clause 21.15c), un paiement spécifique. Cette clause se lit comme suit :

    21.15 Indemnité de repas pendant les heures supplémentaires

[…]

c) Une période de temps payé raisonnable déterminée par la direction est accordée à l'employé-e pour lui permettre de prendre une pause-repas à son lieu de travail ou dans un lieu adjacent.

[…]

51 En outre, le syndicat a soutenu que l’application de la clause 21.07 de la convention collective et les dispositions de la clause 21.08 entrainaient le traitement inégal des employées de jour ou de soir. À cet égard, l’employeur a soutenu qu’il n’y avait pas de traitement inégal ni aucune forme de discrimination entre les quarts de jour, nuit ou de soir si l’on continue de travailler le même horaire pour le reste de l’horaire, car au bout du cycle de 48 semaines, ils auront tous travaillé en moyenne 37,5 heures par semaine.

52 Finalement, l’employeur a affirmé que non seulement la convention collective ne prévoit pas de pause repas payée, mais l’entente sur l’horaire variable, signée le 14 février 2003, ne prévoit pas non plus une pause repas payée.

53 Selon l’employeur, ce qui était l’aspect central de l’entente est le quart de travail de 12 heures, prévu pendant la journée pour être de 6 h 50 à 19 h 20. Il n’y a aucune mention de période de repas payée.

54 L'employeur ne va pas à l’encontre de la convention collective pour ce qui est de la question de la pause repas d’une demi-heure.

55 Si le syndicat veut des pauses repas payées d’une demi-heure, il devra présenter une demande en ce sens à la prochaine ronde de négociation.

56 Ce qui est clair selon l’employeur, c'est que si l’employeur demande à l’employé du groupe CX de rester à son travail pendant sa pause repas d’une demi-heure, l’employé sera payé pour la demi-heure de pause repas en temps supplémentaire, selon les dispositions de la convention collective.

57 Selon l’employeur, dans ses quarts de travail, M. Gamache pouvait sortir de son lieu de travail durant les pauses repas. De plus, il n’a pas démontré qu’il a été obligé de travailler pendant les pauses repas et, s’il l’a été à l’occasion, il a été rémunéré en temps supplémentaire, selon les directives établies par l’employeur.

58 À l'article 34 de la convention collective, le syndicat a soulevé la question du non-respect du principe des heures consécutives. Selon l’employeur, la notion des heures consecutives ne correspond pas à celle que M. Gamache a exposé parce qu’il n’y a jamais eu interruption de ses heures de travail.

59 L'employeur reconnaît qu'il y a plusieurs avantages sociaux dans la convention collective qui sont basés sur l'année financière de l'employeur, dont à titre d'exemple les congés fériés et l'accumulation des crédits de congé annuel.

60 Par contre, les horaires de travail ne sont pas basés sur l’année financière.

61 Les horaires de travail en l’espèce sont conformes aux dispositions de la convention collective et aux dispositions des parties énoncés à la pièce E-6. M. Gamache n’a effectué aucune heure supplémentaire sur la base de 37,5 heures par semaine payable aux deux semaines prévues à son horaire. Les pauses repas payées seraient contraires aux dispositions de la convention collective de 2001. De plus, l’employeur a soutenu que je n’ai pas la compétence voulue pour modifier la convention collective.

62 À l'appui de ses arguments, l'employeur m'a renvoyé aux affaires suivantes : Gamache c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada — Service correctionnel), 2004 CRTFP 94; UCCO-SACC-CSN c. Conseil du Trésor, 2004 CRTFP 38; et Veilleux et al. c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 152.

63 Finalement, l'employeur m’a demandé de rejeter le grief.

IV. Motifs

64 Voici les articles et les clauses pertinents de la convention collective que je dois considérer :

ARTICLE 2
INTERPRÉTATION ET DÉFINITIONS

2.01 Aux fins de l'application de la présente convention :

[…]

j) « taux de rémunération horaire » désigne le taux de rémunération hebdomadaire de l'employé-e à temps plein divisé par trente-sept virgule cinq (37,5) (hourly rate of pay);

[…]

t) « taux de rémunération hebdomadaire » désigne le taux de rémunération annuel de l'employé-e divisé par cinquante-deux virgule cent soixante-seize (52,176) (weekly rate of pay);

[…]

ARTICLE 21
DURÉE DU TRAVAIL ET HEURES SUPPLÉMENTAIRES

[…]

21.02 Lorsque, en raison des nécessités du service, les heures de travail des employé-e-s sont établies suivant un horaire irrégulier ou par roulement :

a) elles doivent être établies de façon à ce que les employé-e-s :

(i) travaillent une moyenne de trente-sept heures et demie (37 1/2) par semaine,

et

(ii) travaillent huit (8) heures par jour.

**

b) l'Employeur prendra toutes les mesures raisonnables possibles :

(i) pour ne pas fixer le début du poste de travail dans les huit (8) heures qui suivent la fin du poste de travail précédent de l'employé-e,

(ii) pour veiller à ce qu'un-e employé-e affecté-e à un cycle de postes régulier ne doive pas changer de poste plus d'une fois au cours de ce cycle sans son consentement, sauf en situation d'urgence survenant dans les pénitenciers.

    et

(iii) pour éviter toute variation excessive de la durée du travail.

[…]

21.03

**

a) Les horaires des postes de travail doivent être affichés au moins quatorze (14) jours civils avant la date du début du nouvel horaire afin de permettre à un-e employé-e d'obtenir un avis raisonnable pour connaître le poste de travail qui lui sera affecté. Le poste de travail, comme il est indiqué dans l'horaire, doit correspondre à l'horaire du poste de travail régulier de l'employé-e.

b) L'Employeur convient que, avant qu'un horaire de travail ne soit modifié, la modification fera l’objet d'une discussion avec le représentant autorisé de l'Agent négociateur, si la modification doit toucher la majorité des employé-e-s régis par l'horaire.

c) Dans les cinq (5) jours qui suivent l'avis de consultation présenté par l'une ou l'autre partie, l'Agent négociateur communiquera par écrit à l'Employeur le nom du représentant autorisé à agir en son nom aux fins de consultation.

**

d) Un-e employé-e dont le poste de travail normalement prévu est modifié sans un avis préalable de quarante-huit (48) heures est compensé-e à temps et demi (1 1/2) pour le premier (1er) poste de travail complet travaillé dans le cadre du nouvel horaire. Les postes de travail ultérieurs dans le cadre du nouvel horaire doivent être rémunérés en temps normal.

[…]

21.04 L'horaire des heures de travail ne peut pas être interprété comme garantissant à l'employé-e une durée de travail minimale ou maximale.

21.05 À la condition qu'un préavis suffisant soit donné et que l'Employeur donne son approbation, les employé-e-s peuvent s'échanger des postes de travail si cela ne donne pas lieu à un supplément de frais pour l'Employeur.

[…]

21.07 Sous réserve des cas d'urgence qui peuvent survenir dans un pénitencier, l'Employeur :

a) accorde à l'agent des services correctionnels une période raisonnable de temps pour prendre son repas au cours de tout poste,

et

b) nonobstant le paragraphe a) ci-dessus, un agent des services correctionnels peut être obligé de prendre son repas dans le lieu de travail lorsque la nature de ses fonctions le rend nécessaire.

[…]

21.15 Indemnité de repas pendant les heures supplémentaires

a) L'employé-e qui fait trois (3) heures supplémentaires ou plus immédiatement avant ou après ses heures de travail prévues à l'horaire reçoit une indemnité pour un (1) repas de neuf dollars (9 $), sauf dans les cas où il peut prendre son repas gratuitement.

b) Lorsque l'employé-e effectue des heures supplémentaires qui se prolongent sans interruption au-delà de la période prévue à l'alinéa a) ci-dessus, il est remboursé d'un montant de neuf dollars (9 $) pour un (1) repas supplémentaire pour chaque période de quatre (4) heures supplémentaires de travail, sauf lorsque des repas gratuits sont fournis.

c) Une période de temps payé raisonnable déterminée par la direction est accordée à l'employé-e pour lui permettre de prendre une pause-repas à son lieu de travail ou dans un lieu adjacent.

d) Le présent paragraphe ne s'applique pas à l'employé-e qui est en situation de voyage et qui, de ce fait, a le droit de réclamer le remboursement des frais de logement et/ou de repas.

[…]

ARTICLE 34
HORAIRE DE TRAVAIL VARIABLE

L'Employeur et l'Agent négociateur conviennent que les conditions suivantes s'appliquent aux employé-e-s à l'intention desquels des horaires de travail variables sont approuvés conformément aux dispositions pertinentes de la présente convention collective. La convention est modifiée par les présentes dispositions dans la mesure indiquée.

Il est convenu que la mise en Œuvre de cet assouplissement des horaires ne doit pas entraîner de dépenses ou de coûts supplémentaires du seul fait d'un tel assouplissement.

1. Conditions générales

Les heures de travail figurant à l'horaire d'une journée quelconque peuvent être supérieures ou inférieures à l'horaire de travail de la journée normale de travail qu'indique la présente convention; les heures du début et de la fin du travail, des pauses-repas et des périodes de repos seront fixées en fonction des nécessités du service déterminées par l'Employeur et les heures journalières de travail seront consécutives.

Dans le cas des employé-e-s travaillant par postes, ces horaires doivent prévoir que leur semaine normale de travail correspondra, en moyenne, au nombre d'heures hebdomadaires de travail prévues dans la présente convention pendant toute la durée de l'horaire. La durée maximale d'un horaire sera de six (6) mois.

[…]

[…]

65 Je rejette le grief pour les motifs suivants.

66 D'abord M. Gamache avait le fardeau de la preuve et ne l'a pas relevé.

67 La convention collective ne prévoit rien au sujet de la rémunération de la pause-repas. En 2002, l’employeur a émis une circulaire sur le non-paiement des pauses repas. En 2003, les parties ont signé une entente sur l’horaire variable qui prévoit le jour un quart de 12,5 heures, sans mention de rémunération pour la pause-repas. Les griefs dont je suis saisi remontent à avril 2004.

68 La clause 21.03b) spécifie qu’avant de modifier un horaire de travail, la modification doit faire l’objet d’une discussion avec le représentant autorisé de l’agent négociateur dans la mesure où la modification doit toucher la majorité des employés visés par l’horaire. L’agent négociateur n’a pas soulevé la question de consultation.

69 Le syndicat a examiné attentivement la clause 21.07 de la convention collective, mais quoique pertinente, elle confirme la position de l’employeur. Selon la preuve entendue, les pauses repas ne sont pas payées, sauf si l’agent correctionnel doit demeurer en devoir.

70 Si les parties avaient voulu une pause repas payée, elles l’auraient précisé à la clause 21.07 de la convention collective. Elles ne l’ont pas fait. Par contre, dans cette convention collective, les parties ont prévu en langage clair, à la clause 21.15, une « période de temps payé raisonnable » pour les employés qui travaillent des heures supplémentaires.

71 Finalement, je souligne que les parties ont inclus dans la convention collective subséquente à celle en l’espèce, soit celle datée du 26 juin 2006, la clause 21.07 qui prévoit une pause-repas payée.

72 Aussi, en ce qui concerne l’article 34 de la convention collective et la notion des heures de travail consécutives de M. Gamache, ce dernier à laissé entendre que les heures consécutives n’ont pas toujours été respectées, mais aucune preuve à cet effet n’a été déposée par le syndicat.

73 Examinons l'élément central de cette cause, soit l'horaire travaillé par les employés du groupe CX de Cowansville, selon la clause 21.02 et l'article 34 de la convention collective. L’enjeu central est le nombre d’heures travaillées et rémunérées. La preuve démontre la pause repas n’est pas payée, à moins d’être travaillée en temps supplémentaire.

74 Les parties ont soumis en preuve la pièce E-3, en liasse, qui incluait 18 pages d’horaires des 16 employés qui ont travaillé au total 48 semaines par rotation, soit selon un horaire par roulement (« drop down schedule »).

75 De plus, en preuve, nous avons reçu de l’employeur les pièces E-1 à E-4 qui reflètent la pièce S-3 qui réaffirme l’horaire travaillée par M. Gamache pendant les 48 semaines de son horaire.

76 Le contenu de ces pièces n’est pas contesté. De plus, comme indiqué ci-haut, ces horaires ont fait l'objet de consultations et sont affichés, en conformité avec la convention collective, et peuvent faire l'objet de consultations à l’égard de tous les employés du groupe CX à Cowansville pour les années antérieures.

77 La pièce E-1 réaffirme l’horaire des 16 employés du groupe et niveauCX-02 pour la première période de rotation en2003-2004. Dans cette pièce, M. Gamache figure au 10e rang à l’horaire.

78 On constate que si l’horaire avait été appliqué tel que prévu au début de la première période de rotation dans l'horaire de 48 semaines, chacun des 16 employés du groupe CX serait parvenu à un équilibre après 48 semaines, puisque chacun aurait travaillé 1 800 heures au total, soit une moyenne de 37,5 heures par semaine.

79 La pièce E-2 renferme l’horaire de M. Gamache établi pour sa première rotation pour la période de 2003-2004. Si son horaire avait été respecté sans dérogation, après 48 semaines, il aurait travaillé 1 800 heures, avec une moyenne de 37,5 heures par semaine.

80 La pièce E-3 inclut l’horaire de M. Gamache, où il y a eu un quart imprévu dans l’une des trois semaines de rotation pour la période du 9 septembre au 19 octobre 2003, où il a effectivement travaillé 1 836 heures au lieu de 1 800 sur la période de 48 semaines.

81 La pièce E-4 est l’horaire effectivement travaillé par M. Gamache au cours de la période du 1er avril 2003 au 21 mars 2004, comme l’a indiqué son syndicat. En 2004, le mois de février comptait 29 jours puisque c’était une année bissextile. Au cours de cette année financière, M. Gamache a effectivement travaillé 1 944 heures.

82 Rien dans la convention collective en vigueur ni dans la preuve présentée par le syndicat n'indique que l'horaire de travail doit correspondre à l'année financiere et je conclus, que les horaires établis à Cowansville sont conformes à tous points de vue avec les dispositions de la convention collective.

83 L’examen du grief de M. Gamache révèle une réclamation de 74,5 heures pour toutes les heures excédentaires effectuées pour l’exercice 2003-2004. Malgré le fardeau de la preuve, je n’ai vu aucune justification de cette réclamation dans la procédure de grief. En outre, je n’ai relevé, dans la preuve, aucune explication ou justification de l’exactitude du nombre de 74,5 heures excédentaire que M. Gamache réclamait. Le chiffre de 74,5 heures s’explique uniquement si on le considère dans la perspective de la rémunération des pauses-repas, à raison d’une demi-heure par poste (l’horaire indiquant que M. Gamache a effectué environ 150 postes dans une année). Comme je l’ai indiqué plus haut la convention collective ne prévoyait pas cette rémunération de la pause-repas.

84 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

85 Les griefs sont rejetés.

Le 20 octobre 2010.

Roger Beaulieu,
arbitre de grief

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