Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Interprétation de la convention collective - Répartition des heures supplémentaires - Signification de la notion de <<sur une base équitable>> - Question consistant à savoir si l’employeur est autorisé à accorder la priorité aux employés qui en sont à leur premier jour de repos par opposition à ceux qui en sont à leur deuxième jour de repos Le fonctionnaire s’estimant lésé a allégué que l’employeur avait enfreint la disposition de répartition des heures supplémentaires de la convention collective en n’ayant pas fait tous les efforts raisonnables pour répartir équitablement les heures supplémentaires- la possibilité de faire des heures supplémentaires était offerte à l’agent qui avait accumulé le moins d’heures supplémentaires ou de points durant le trimestre à une seule exception: l’employeur avait comme pratique ou politique d’appeler en premier les employés qui seraient payés au taux et demi plutôt que ceux qui seraient payés au taux double- l’employeur a appelé un employé qui avait plus d’heures supplémentaires que le fonctionnaire s’estimant lésé, parce qu’il estimait que l’autre agent serait en mesure de réagir plus rapidement au besoin de faire des heures supplémentaires- aussi bien le fonctionnaire s’estimant lésé que l’agent appelé seraient payés au taux double- si l’employeur avait su que l’autre agent avait en fait déjà quitté l’établissement, il aurait appelé un troisième agent qui aurait été payé au taux et demi- l’arbitre de grief a statué que l’employeur avait enfreint la convention collective- il n’y avait pas de preuve que l’employeur n’aurait pas pu attendre que le fonctionnaire s’estimant lésé revienne à l’établissement, et le fait qu’il aurait appelé un troisième agent pour qu’il travaille les heures supplémentaires était hypothétique et n’était pas la question soumise à l’arbitre de grief. Grief accueilli. Interprétation de la convention collective - Répartition des heures supplémentaires - Signification de la notion de <<sur une base équitable>> - Question consistant à savoir si le caractère équitable doit être déterminé quotidiennement ou sur une longue période - Question consistant à savoir si l’employeur est autorisé à accorder la priorité aux employés qui en sont à leur premier jour de repos par opposition à ceux qui en sont à leur deuxième jour de repos Les fonctionnaires s’estimant lésés ont allégué que l’employeur avait enfreint la disposition de répartition des heures supplémentaires de la convention collective en n’ayant pas fait tous les efforts raisonnables pour répartir équitablement les heures supplémentaires- la possibilité de faire des heures supplémentaires était offerte à l’agent qui avait accumulé le moins d’heures supplémentaires ou de points durant le trimestre à une seule exception: l’employeur avait comme pratique ou politique d’appeler en premier les employés qui seraient payés au taux et demi plutôt que ceux qui seraient payés au taux double- l’employeur a appelé des employés payés au taux et demi plutôt que les fonctionnaires s’estimant lésés, qui auraient été payés au taux double- l’arbitre de grief a conclu que la prise en compte des taux de rémunération au moment de l’attribution des heures supplémentaires pourrait enfreindre la convention collective et entraîner une répartition inéquitable des heures supplémentaires- le caractère équitable de la répartition devrait être déterminé quotidiennement quand des heures supplémentaires sont attribuées à des employés qui touchent la même prime lorsqu’ils travaillent des heures supplémentaires, mais à la fin du trimestre dans le cas des employés qui touchent des primes différentes-les fonctionnaires s’estimant lésés ont prouvé que la politique de l’employeur avait eu un effet dans certaines des situations ayant fait l’objet d’un grief, et l’arbitre de grief a accueilli ces griefs tout en rejetant les autres. Deux griefs accueillis. Deux griefs rejetés.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2010-10-25
  • Dossier:  566-02-27, 30, 1624, 1625 et 1808
  • Référence:  2010 CRTFP 111

Devant un arbitre de grief


ENTRE

CHRIS BUCHOLTZ, DONALD BOUCHER, DONI HUNT ET BRIAN HITCHCOCK

fonctionnaires s'estimant lésés

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)

employeur

Répertorié
Bucholtz et al. c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief

Pour les fonctionnaires s'estimant lésés:
Michel Bouchard, Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada - CSN variable texte

Pour l'employeur:
Philippe Lacasse, avocat

Affaire entendue à Kingston (Ontario),
les 9 et 10 septembre 2010.
(Traduction de la CRTFP)

I. Griefs individuels renvoyés à l'arbitrage

1  Le 11 mai 2005, Chris Bucholtz et Donald Boucher ont déposé des griefs individuels alléguant que le Service correctionnel du Canada (l’« employeur ») avait contrevenu aux dispositions relatives aux heures supplémentaires contenues dans la convention collective signée entre le Conseil du Trésor et l’Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN (l’« agent négociateur ») pour l’unité de négociation du groupe Services correctionnels (CX), le 2 avril 2001 (la « convention collective de 2001 »). Doni Hunt et Brian Hitchcock ont déposé des griefs similaires, le premier le 28 mai et le 20 juillet 2007, et le second le 28 septembre 2007; ils alléguaient que l’employeur avait contrevenu à la convention collective signée entre l’employeur et l’agent négociateur pour l’unité de négociation du groupe CX, le 26 juin 2006 (la « convention collective de 2006 »). À l’époque où ils ont déposé leurs griefs, MM. Bucholtz, Boucher et Hunt étaient agents correctionnels à l’établissement Millhaven à Bath (Ontario) et M. Hitchcock travaillait à l’établissement Joyceville.

2 Les fonctionnaires s’estimant lésés (les « fonctionnaires ») allèguent que l’employeur ne les a pas appelés pour leur offrir des heures supplémentaires. Aux dates indiquées dans leurs griefs, MM. Bucholtz, Boucher et Hunt n’ont pas été appelés pour faire des heures supplémentaires parce qu’ils auraient été rémunérés au tarif double. La pratique ou la politique de l’employeur était d’offrir les heures supplémentaires aux employés qui seraient rémunérés à temps et demi. M. Hitchcock n’a pas été appelé pour faire des heures supplémentaires au tarif double le 8 septembre 2007 parce que l’employeur les a offertes à un autre employé qui avait également droit au tarif double. MM. Bucholtz, Boucher et Hitchcock veulent être indemnisés pour huit heures, au tarif double, et M. Hunt demande, pour ses deux griefs, un total de 12,5 heures au tarif double.

3 Les clauses pertinentes de la convention collective de 2001 sont libellées comme suit :

21.10 Répartition des heures supplémentaires

Sous réserve des nécessités du service, l'Employeur fait tout effort raisonnable pour :

a)       répartir les heures supplémentaires de travail sur une base équitable parmi les employé-e-s qualifiés facilement disponibles,

[…]

21.12 Rémunération du travail supplémentaire

L'employé-e a droit à une rémunération à temps et demi (1 1/2) sous réserve du paragraphe 21.13 pour chaque heure supplémentaire de travail supplémentaire exécutée par lui.

21.13 Sous réserve du paragraphe 21.14, tout employé-e a droit au tarif double (2) pour chaque heure supplémentaire de travail effectuée par lui,

a)       un deuxième (2e) jour de repos ou un (1) jour de repos subséquent (deuxième (2e) jour de repos ou jour de repos subséquent désigne le deuxième (2e) jour, ou le jour subséquent d'une série ininterrompue de jours de repos civils consécutifs et accolés),

[…]

4 Les clauses pertinentes de la convention collective de 2006 sont libellées comme suit :

21.10 Répartition des heures supplémentaires

L'Employeur fait tout effort raisonnable pour :

a)       répartir les heures supplémentaires de travail sur une base équitable parmi les employé-e-s qualifiés facilement disponibles,

[…]

21.12 Rémunération des heures supplémentaires

L'employé-e a droit à une rémunération à temps et demi (1 1/2) sous réserve du paragraphe 21.13 pour chaque heure supplémentaire de travail supplémentaire exécutée par lui.

21.13 Sous réserve du paragraphe 21.14, tout employé-e a droit au tarif double (2) pour chaque heure supplémentaire de travail effectuée par lui,

a)       un deuxième (2e) jour de repos ou un (1) jour de repos subséquent (deuxième (2e) jour de repos ou jour de repos subséquent désigne le deuxième (2e) jour, ou le jour subséquent d'une série ininterrompue de jours de repos civils consécutifs et accolés),

[…]

5 Il y a une légère différence entre les versions de 2001 et de 2006 de la clause 21.10, mais cela n’est pas significatif pour les fins des présents griefs.

II. Résumé de la preuve

6 Les parties ont admis la plupart des faits durant l’audience. Elles ont soumis d’un commun accord un exposé écrit des faits. Les fonctionnaires ont également mis en preuve les procédures ou ententes locales sur les heures supplémentaires, les fiches de répartition des heures supplémentaires et les rapports d’heures supplémentaires volontaires relatifs aux griefs. M. Hitchcock et John Liggett ont témoigné pour le compte des fonctionnaires. Paul McFadden a témoigné pour le compte de l’employeur. À l’époque où M. Hitchcock a déposé son grief, M. Liggett était agent correctionnel et M. McFadden était le gestionnaire correctionnel (GC) chargé d’appeler les agents pour leur offrir de faire des heures supplémentaires. Ils travaillaient tous deux à l’établissement Joyceville.

7 À l’époque où les griefs ont été déposés, il y avait des procédures écrites comparables en place à Millhaven et à Joyceville pour la répartition des heures supplémentaires. La section locale de l’agent négociateur trouvait en général que c’étaient des procédures équitables pour répartir les heures supplémentaires parmi les agents correctionnels, sauf à un point de vue : le fait que l’employeur offrait d’abord les heures supplémentaires aux agents correctionnels qui seraient rémunérés à temps et demi. L’agent négociateur était en désaccord avec cette clause, qui prévoyait que les agents qui avaient droit au tarif double se faisaient offrir des heures supplémentaires seulement quand la première liste des agents rémunérés à temps et demi était épuisée. Aux termes des clauses 21.12 et 21.13 des conventions collectives de 2001 et de 2006, les heures supplémentaires sont généralement rémunérées à temps et demi, sauf si elles sont effectuées un deuxième jour de repos ou un jour de repos subséquent.

8 La première étape de la procédure établie pour la répartition des heures supplémentaires consistait à consigner les périodes de disponibilité des agents correctionnels. Sur la liste applicable à leur niveau de classification, les agents inscrivaient, pour les sept jours suivants, les jours et les postes où ils étaient disponibles pour faire des heures supplémentaires. Le formulaire indiquait également les postes et les heures de travail habituelles des agents; la date de leurs jours de repos; leur numéro de téléphone et le nombre total d’heures supplémentaires qu’ils avaient effectuées durant le trimestre applicable. Le « compteur » des heures supplémentaires était remis à zéro au début de chaque trimestre et les heures supplémentaires recommençaient à s’additionner. Les trimestres étaient répartis comme suit : du 1er janvier au 31 mars, du 1er avril au 30 juin, du 1er juillet au 30 septembre et du 1er octobre au 31 décembre.

9 Suivant ces procédures, le nombre d’heures supplémentaires effectuées par les agents au cours d’un trimestre était constamment recalculé. Les heures supplémentaires étaient offertes aux agents facilement disponibles, en commençant par l’agent qui avait effectué le moins grand nombre d’heures supplémentaires durant le trimestre en question, excepté que les agents qui en étaient à leur premier jour de repos (et qui avaient droit à une rémunération à temps et demi) étaient appelés en premier. L’employeur appelait ensuite les agents qui en étaient à leur deuxième jour de repos ou à un jour de repos subséquent (ouvrant droit au tarif double). À Joyceville, chaque heure de travail supplémentaire valait un point. À Millhaven, un poste complet en heures supplémentaires valait huit points, la moitié d’un poste valait quatre points et une heure de travail supplémentaire valait un point. 

10 Les parties ont convenu que, dans toutes les situations ayant donné lieu à des griefs, les fonctionnaires étaient qualifiés et disponibles pour faire les heures supplémentaires.

A. Preuve relative au grief de M. Hitchcock

11 M. Hitchcock avait indiqué qu’il était disponible pour faire des heures supplémentaires durant le poste de soir qui commençait à 15 h, le 8 septembre 2007. S’il avait fait des heures supplémentaires durant ce poste, il aurait été rémunéré au tarif double. Ce jour-là, M. Hitchcock était affecté au poste de jour. À la fin de son poste, aux alentours de 15 h, il s’est arrêté au bureau du GC pour lui rappeler qu’il était disponible pour faire des heures supplémentaires ce soir-là.

12 Peu après 15 h, le GC a été informé qu’un agent correctionnel venait d’avoir un accident de travail et qu’on avait besoin d’un remplaçant pour le poste de soir. Un autre agent correctionnel avait pris la relève de l’agent en attendant que le GC trouve un remplaçant pour le poste de soir en entier. Le GC savait, à ce moment-là, que M. Hitchcock avait déjà quitté l’établissement. Or, il venait tout juste d’apercevoir un autre agent, M. Carew, qui, croyait-il, se trouvait toujours dans l’établissement, ce qui en faisait un agent disponible pour remplacer l’agent qui avait été victime d’un accident de travail. Le GC a composé le numéro du cellulaire de M. Carew, qui a répondu, mais il avait déjà quitté l’établissement. Le GC lui a offert des heures supplémentaires pour la durée du poste de soir et il a accepté. Quelques minutes plus tard, M. Carew avait rejoint le poste auquel on l’avait affecté.

13 Le GC savait que, avant le poste de soir du 8 septembre 2007, M. Carew cumulait 111 points et que M. Hitchcock en cumulait 98,5. Il croyait cependant que M. Carew se trouvait toujours à l’intérieur de l’établissement. S’il avait su d’avance, a-t-il dit, qu’il aurait à trouver un agent supplémentaire pour le poste de soir, il n’aurait pas appelé M. Carew ou M. Hitchcock, mais plutôt l’agent Hawes, qui aurait été rémunéré à temps et demi. Si le GC avait offert le poste de soir à M. Hitchcock au lieu de le proposer à M. Carew, M. Hitchcock se serait présenté au poste 10 à 15 minutes plus tard, puisqu’il avait quitté l’établissement avant M. Carew.

B. Preuve relative aux autres griefs

14 MM. Bucholtz, Boucher et Hunt n’ont pas reçu d’appel pour faire des heures supplémentaires durant des postes spécifiques parce que d’autres agents correctionnels étaient disponibles pour effectuer ces heures à temps et demi. Les trois fonctionnaires auraient été rémunérés au tarif double s’ils avaient effectué ces postes supplémentaires.

15 Le représentant des fonctionnaires a suggéré que la seule manière de démontrer que les heures supplémentaires n’avaient pas été réparties sur une base équitable entre les agents correctionnels était d’examiner, pour chaque fonctionnaire, l’impact qu’avait eu, au cours du trimestre, le fait qu’on ne lui avait pas offert les heures supplémentaires au tarif double. L’employeur n’a pas contesté la validité des rapports d’heures supplémentaires volontaires établis par ses représentants locaux. Les fonctionnaires ont mis en preuve les rapports d’heures supplémentaires volontaires préparés par l’employeur pour le trimestre au cours duquel les incidents ayant donné lieu aux griefs sont survenus. Ces volumineux rapports indiquent, pour chaque agent correctionnel et pour chaque semaine comprise dans le trimestre, le nombre de points accumulés, ainsi que le nombre d’heures supplémentaires effectuées chaque jour.

16 Au 5 mai 2005, M. Bucholtz cumulait 20 points, mais on ne lui a pas offert de faire des heures supplémentaires durant le poste de jour. Plusieurs agents se sont fait appeler pour faire des heures supplémentaires durant ce poste-là, y compris un agent qui cumulait 25 points et un autre qui en cumulait 26. Les deux agents ont été rémunérés à temps et demi, alors que M. Bucholtz aurait eu droit au tarif double. Les points s’appliquent au trimestre allant du 1er avril au 30 juin 2005.

17 M. Bucholtz s’est fait offrir huit heures supplémentaires à temps et demi le 27 mai 2005. Il cumulait 20 points avant cette date. Si M. Bucholtz s’était fait offrir des heures supplémentaires le 5 mai 2005, il aurait cumulé 28 points avant le poste du 27 mai 2005. Le rapport des heures supplémentaires volontaires de ce trimestre-là montre que M. Bucholtz aurait quand même été appelé pour faire des heures supplémentaires le 27 mai 2005 s’il avait cumulé 28 points ce jour-là.

18 M. Bucholtz s’est fait offrir huit heures supplémentaires à temps et demi le 19 juin 2005. Il cumulait 28 points avant cette date. Si M. Bucholtz s’était fait offrir des heures supplémentaires le 5 mai 2005, il aurait cumulé 36 points avant le 19 juin 2005. Le rapport des heures supplémentaires volontaires pour ce trimestre-là montre que M. Bucholtz n’aurait pas été appelé pour faire des heures supplémentaires le 19 juin 2005 s’il avait cumulé 36 points ce jour-là parce que d’autres agents en avaient moins que lui.

19 M. Boucher n’est pas inscrit sur la même que M. Bucholtz parce que son poste est classifié à un niveau différent. Le 5 mai 2005, M. Boucher cumulait 11 points, mais on ne lui a pas offert de faire des heures supplémentaires durant le poste de jour. D’autres agents se sont fait offrir les heures supplémentaires en question, y compris un agent qui cumulait 29 points et un autre qui en cumulait 32. Les deux agents en question ont été rémunérés à temps et demi, alors que M. Boucher aurait eu droit au tarif double. Les points s’appliquent au trimestre allant du 1er avril au 30 juin 2005.

20 M. Boucher s’est fait offrir huit heures supplémentaires à temps et demi les 10, 11 et 12 mai 2005. Il cumulait 11 points avant le 10 mai, 19 avant le 11 mai et 27 avant le 12 mai. Si M. Boucher s’était fait offrir des heures supplémentaires le 5 mai 2005, il aurait cumulé huit points de plus avant de faire des heures supplémentaires le 10, le 11 et le 12 mai. Le rapport des heures supplémentaires volontaires montre que M. Boucher aurait quand même été appelé pour faire des heures supplémentaires les 10, 11 et 12 mai 2005 s’il avait cumulé huit points de plus ces jours-là.

21 M. Boucher s’est également fait offrir huit heures supplémentaires à temps et demi le 27 mai et le 17 juin 2005. Il cumulait 35 points avant le 27 mai et 43 avant le 17 juin. Si M. Boucher s’était fait offrir des heures supplémentaires le 5 mai 2005, il aurait cumulé 43 points avant le 27 mai et 51 points avant le 17 juin. Le rapport des heures supplémentaires volontaires montre que M. Boucher aurait quand même été appelé pour faire des heures supplémentaires le 27 mai et le 17 juin 2005 s’il avait cumulé huit points de plus ces jours-là.

22 Le 27 mai 2007, M. Hunt cumulait 12,5 points, mais on ne lui a pas offert quatre heures supplémentaires durant le poste de soir. D’autres agents ont été appelés pour faire des heures supplémentaires durant ce poste, dont trois agents qui cumulaient respectivement 19,5, 23,25 et 38,75 points et qui ont été rémunérés à temps et demi, alors que M. Hunt aurait été rémunéré au tarif double. Les points s’appliquent au trimestre allant du 1er avril et le 30 juin 2007.

23 M. Hunt s’est fait offrir sept heures supplémentaires et demie, à temps et demi, le 10 juin 2007. Il cumulait 12,5 points avant cette date. Si M. Hunt s’était fait offrir des heures supplémentaires le 27 mai 2007, il aurait cumulé 16,5 points avant le 10 juin 2007. Le rapport des heures supplémentaires volontaires montre que M. Hunt aurait quand même été appelé pour faire des heures supplémentaires le 10 juin 2007 s’il avait cumulé quatre points de plus ce jour-là.

24 Le 19 juillet 2007, M. Hunt cumulait 16,5 points, mais on ne lui a pas offert de faire des heures supplémentaires durant le poste de jour. L’agent Bouchard, qui cumulait 22,5 points, s’est fait offrir quatre heures supplémentaires au tarif double durant le poste en question. Un autre agent qui cumulait 49 heures supplémentaires s’est également fait offrir 4 heures supplémentaires. L’agent a été rémunéré à temps et demi, alors que M. Hunt aurait été rémunéré au tarif double. L’employeur a accueilli en partie le grief de M. Hunt au dernier palier de la procédure de règlement des griefs et lui a payé une indemnité équivalant à quatre heures supplémentaires au tarif double. Seuls des agents qui cumulaient moins de points que M. Hunt se sont fait offrir des heures supplémentaires pour le poste de jour en entier, le 19 juillet 2007. Les points s’appliquent au trimestre allant du 1er juillet au 30 septembre 2007.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour les fonctionnaires s’estimant lésés

25 La convention collective oblige l’employeur à faire tout effort raisonnable pour répartir les heures supplémentaires sur une base équitable parmi les employés qualifiés facilement disponibles. En appelant M. Carew pour lui offrir des heures supplémentaires durant le poste de soir, le 8 septembre 2007, l’employeur a écarté M. Hitchcock, qui était disponible et qui cumulait moins de points que M. Carew. M. Hitchcock avait quitté le lieu de travail depuis 10 à 15 minutes et on aurait pu l’appeler pour remplacer l’agent correctionnel qui venait de quitter l’établissement à la suite d’un accident de travail. L’employeur n’a pas respecté la politique locale sur la répartition des heures supplémentaires entre les agents correctionnels; il a également contrevenu à la convention collective.

26 Le GC a déclaré lors de son témoignage qu’il avait appelé M. Carew parce qu’il se trouvait peut-être encore à l’intérieur de l’établissement. En temps normal, le GC aurait offert les heures supplémentaires à l’agent Hawes parce qu’il aurait été rémunéré à temps et demi. Rien ne prouve que l’agent Hawes aurait accepté de faire des heures supplémentaires durant le poste en question. Le rapport des heures supplémentaires volontaires fournit des indications sur la disponibilité initiale, mais la disponibilité définitive est établie lorsque l’agent accepte de faire les heures supplémentaires proposées par l’employeur. De plus, l’agent Hawes n’a pas contesté le fait que M. Carew s’était fait offrir les heures supplémentaires. L’arbitre de grief devrait limiter son analyse aux cas de M. Hitchcock et de M. Carew.

27 Même si les autres fonctionnaires cumulaient moins de points que les autres agents disponibles, on ne les a pas appelés pour faire des heures supplémentaires pour la simple et unique raison qu’ils auraient été rémunérés au tarif double. La pratique de l’employeur est une pomme de discorde continuelle dans les relations de travail et l’agent négociateur n’y a jamais donné son accord. Cette pratique contrevient aux clauses 21.10 a) des conventions collectives de 2001 et de 2006. Ces clauses ne renferment pas d’élément de nature économique; elles indiquent plutôt que l’employeur doit répartir les heures supplémentaires sur une base équitable. Les fonctionnaires ont attiré mon attention sur la définition des mots « equity »(équité) et « basis » (base) contenues dans le Concise Oxford Dictionary, Tenth Edition.

28 Conformément à la pratique en place dans les établissements Millhaven et Joyceville, les agents indiquaient chaque semaine leurs disponibilités pour faire des heures supplémentaires. Lorsqu’on leur offrait de faire des heures supplémentaires, les agents acceptaient s’ils étaient toujours disponibles. Le rapport des heures supplémentaires volontaires montre que la disponibilité fluctuait considérablement d’un agent à l’autre et d’une semaine à l’autre. La situation changeait chaque jour. L’équitabilité de la répartition des heures supplémentaires devrait donc être réexaminée chaque fois que des heures supplémentaires sont offertes, puisque la disponibilité fluctue considérablement.

29 Lorsqu’un employeur s’abstient d’appeler un agent qui est disponible pour faire des heures supplémentaires parce qu’il serait rémunéré au tarif double, cela modifie le nombre d’heures supplémentaires effectuées par cet agent et par l’agent qui a été rémunéré à temps et demi. Il devient pratiquement impossible de reconstituer la situation à la fin du trimestre et de mesurer ensuite l’équitabilité. Dans ces cas-là, le fonctionnaire s’estimant lésé ne peut pratiquement jamais prouver que les heures ont été réparties de manière inéquitable

30 Les fonctionnaires ont attiré mon attention sur les décisions suivantes : Federal White Cement Ltd. v. United Cement Workers, Local 368 (1981), 29 L.A.C. (2e) 342; Hunt et Shaw c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 65; Mungham c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2005 CRTFP 106; Sumanik c. Conseil du Trésor (ministère des Transports), dossier de la CRTFP 166-02-395 (19710927); Sturt-Smith c. le Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada), dossier de la CRTFP 166-02-15137 (19860731); Gibbons et Gillis c. le Conseil du Trésor (Revenu Canada – Douanes et accise), dossiers de la CRTFP 166-02-17838 et 17844 (19890808); Cambridge (City) v. Amalgamated Transit Union, Local 1608 (1997), 65 L.A.C. (4e) 13.

B. Pour l’employeur

31 Il appartient aux fonctionnaires de prouver que l’employeur n’a pas réparti les heures supplémentaires sur une base équitable. Au vu de la preuve produite, les fonctionnaires ne se sont pas acquittés du fardeau de cette preuve.

32 Le 8 septembre 2007, l’employeur a été confronté à une situation exceptionnelle. À la fin du poste de jour, le GC a été avisé qu’un agent venait d’être victime d’un accident de travail et qu’il n’était pas en mesure de travailler ce soir-là. M. Hitchcock avait quitté l’établissement, mais le GC croyait que M. Carew se trouvait toujours sur les lieux. Le GC a appelé M. Carew pour lui offrir de faire des heures supplémentaires ce soir-là. Il n’a pas été prouvé que, à la longue — à la fin du trimestre dans ce cas-ci —, cela avait occasionné une répartition inéquitable des heures supplémentaires. De plus, si l’employeur avait appliqué la procédure habituelle, les heures supplémentaires auraient été offertes à l’agent Hawes parce qu’il aurait été rémunéré à temps et demi.

33 Les autres fonctionnaires ont allégué que l’employeur avait contrevenu aux conventions collectives de 2001 ou de 2006 en offrant les heures supplémentaires à des employés rémunérés à temps et demi plutôt qu’à des employés ayant droit au tarif double. La convention collective oblige l’employeur à répartir les heures supplémentaires de manière équitable et non pas de manière égale. Les fonctionnaires n’ont pas fourni de preuve au soutien de l’allégation que donner la priorité aux employés rémunérés à temps et demi avait occasionné une répartition inéquitable des heures supplémentaires parmi les employés qualifiés facilement disponibles.

34 La jurisprudence nous enseigne que l’équitabilité ne doit pas être mesurée à la manière d’un instantané, mais plutôt sur une plus longue période. Dans les présents griefs, compte tenu des pratiques et des politiques établies au niveau local pour la répartition des heures supplémentaires, elle devrait être mesurée sur une base trimestrielle. À la fin du trimestre, le nombre d’heures de travail accomplies par un employé doit être comparé au nombre moyen d’heures de travail accomplies par l’ensemble des employés. Si l’employé se situe dans la moyenne, cela signifie que les heures supplémentaires ont été réparties de manière équitable. Autrement, il y a peut-être des raisons qui expliquent la différence, comme la disponibilité des employés.

35 L’employeur a toujours procédé de la même manière, en offrant d’abord les heures supplémentaires aux employés qui seraient rémunérés à temps et demi et ensuite aux employés qui auraient droit au tarif double. Rien dans la convention collective n’empêche l’employeur d’utiliser cette méthode. Les fonctionnaires n’ont pas démontré que la manière dont l’employeur avait appliqué les procédures établies pour la répartition des heures supplémentaires avait occasionné un écart dans l’attribution de ces heures. En comparant les données sur les heures supplémentaires qui ont été offertes aux employés disponibles sur une plus longue période, on constate que les fonctionnaires ont été traités de manière équitable.

36  L’employeur a attiré mon attention sur les cas suivants : Sumanik; Mungham; Hunt et Shaw; Côté c. le Conseil du Trésor (ministère des Postes), dossier de la CRTFP 166-02-13060 (19830613); Armand c. le Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada – Service correctionnel), dossier de la CRTFP 166-02-19560 (19900629); Roireau et Gamache c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada – Service correctionnel), 2004 CRTFP 85; Evans c. le Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada – Service correctionnel), dossier de la CRTFP 166-02-17195 (19881007); Lay c. le Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 166-02-14889 (19861124).

IV. Motifs

37 Les fonctionnaires travaillaient aux établissements de Joyceville et de Millhaven. La preuve révèle qu’il existait une entente entre l’employeur et la section locale du syndicat, dans les deux établissements, sur la répartition équitable des heures supplémentaires, sauf sur le point mentionné au paragraphe 7 de la présente décision. Une procédure était en place pour calculer le nombre d’heures supplémentaires effectuées chaque semaine par les employés. De plus, la feuille de calcul hebdomadaire était mise à jour toutes les 24 heures. L’employeur avait l’habitude de respecter ces listes, sauf que les employés rémunérés à temps et demi avaient la priorité sur ceux qui avaient droit au tarif double.

38 Dans Mungham, l’arbitre de grief a écrit ce qui suit à propos d’une procédure comparable :

[…]

[31] Ce passage laisse entendre que la politique sur les heures supplémentaires représente la façon généralement admise d’attribuer les heures supplémentaires de façon équitable, comme l’exige la convention collective. Bien que le document ne fasse pas partie de la convention, il est pertinent à son interprétation et à son application (voir Canadian Labour Arbitration, supra, paragraphe 4 :1220). Le manuel de procédures (annexe D de l’Exposé conjoint des faits) précise que, s’il est nécessaire de recourir au travail en heures supplémentaires, [traduction] « le SC en service doit veiller à ce que toutes les heures supplémentaires soient attribuées de manière rentable et de plus que toutes les heures supplémentaires soient réparties de manière égale entre les employés […] ». En adoptant cette politique, l’employeur a limité son pouvoir discrétionnaire dans l’attribution des heures supplémentaires. M. Mungham a témoigné que l’agent négociateur acceptait cette politique comme étant une méthode équitable d’attribution des possibilités d’effectuer des heures supplémentaires. Il a été démontré que cette politique est appliquée de façon régulière, même si d’autres griefs sont encore non réglés. De cette façon, la politique sur les heures supplémentaires représente la façon généralement admise de répartir de façon équitable les heures supplémentaires. Je conclus par conséquent que la politique sur les heures supplémentaires lie l’employeur. Personne n’a contesté que, selon la politique, M. Mungham aurait dû se faire offrir la possibilité d’effectuer des heures supplémentaires le 30 décembre 2003. Je conclus donc qu’il y a eu contravention à la convention collective.

[…]

39 En établissant des procédures pour la répartition des heures supplémentaires et en les appliquant pendant une longue période, l’employeur a limité son pouvoir discrétionnaire pour l’attribution des heures supplémentaires, dans la mesure où les procédures ne contreviennent pas à la convention collective. Les heures supplémentaires sont offertes en premier lieu à l’employé disponible qui cumule le moins grand nombre de points ou d’heures supplémentaires dans le trimestre.

A. Grief de M. Hitchcock

40 La preuve révèle que, le 8 septembre 2007, l’employeur a demandé à M. Carew de faire des heures supplémentaires, au tarif double, même si M. Hitchcock cumulait moins de points. Le GC explique que le système de points n’a pas été respecté parce qu’il croyait que M. Carew se trouvait toujours à l’intérieur de l’établissement lorsqu’il a composé son numéro de cellulaire. Or, M. Carew avait déjà quitté l’établissement et se trouvait dans sa voiture. Si M. Hitchcock s’était fait offrir les heures supplémentaires ce jour-là, il serait arrivé au travail environ dix minutes plus tard que M. Carew. Dans l’intervalle, un autre agent correctionnel tenait le poste.

41 Même si le GC a appris à la dernière minute qu’il devait trouver un remplaçant pour faire des heures supplémentaires dans la soirée du 8 septembre 2007, j’estime qu’il aurait pu respecter la politique locale sur les heures supplémentaires en offrant les heures supplémentaires à M. Hitchcock, qui cumulait moins de points que M. Carew. En appelant simplement M. Carew, le GC n’a pas fait tout effort raisonnable pour répartir les heures supplémentaires de manière équitable. L’employeur n’a pas démontré qu’attendre 10 minutes de plus l’arrivée de M. Hitchcock aurait causé un problème opérationnel relativement au maintien du service. En fait, selon la preuve dont je dispose, un autre agent assurait temporairement la relève de l’agent qui avait été victime d’un accident de travail et rien ne me prouve que cette mesure provisoire a causé un problème.

42 Subsidiairement, l’employeur a soutenu que, s’il avait appliqué la procédure habituelle, il n’aurait pas appelé M. Carew ou M. Hitchcock, mais un autre agent, qui aurait été rémunéré à temps et demi. L’employeur n’a pas démontré à l’audience que cet agent aurait accepté de faire des heures supplémentaires le soir du 8 septembre 2007. De plus, l’agent en question n’a pas contesté la décision de l’employeur d’offrir les heures supplémentaires à M. Carew. Dès lors qu’un grief est déposé, l’arbitre de grief doit se pencher sur le conflit de droits qui lui est soumis et non pas sur un autre différend. Autrement dit, on me demande de déterminer si l’employeur a contrevenu à la convention collective de 2006 en offrant les heures supplémentaires à M. Carew plutôt qu’à M. Hitchcock. La question de savoir si les heures supplémentaires auraient dû être offertes à l’agent Hawes plutôt qu’à M. Carew ou à M. Hitchcock est purement hypothétique et n’a pas donné lieu à un grief. Sur ce point, j’adopte la conclusion de l’arbitre de grief dans Federal White Cement Ltd., qui dit ceci, aux paragraphes 24 et 25 :

[Traduction]

24 Bref, nous estimons qu’avant de déposer un grief, l’entreprise a le droit de corriger les erreurs de calcul en accordant un paiement à la personne qui cumule le moins grand nombre d’heures dans la catégorie pertinente. Cependant, dès lors qu’un grief est déposé, l’entreprise ne peut pas procéder de cette manière, car il doit payer l’employé s’estimant lésé. Bien entendu, si plusieurs griefs sont déposés, l’entreprise peut payer l’employé s’estimant lésé qui cumule le moins grand nombre d’heures.

25 Par conséquent, notre décision est la suivante : le grief particulier dont nous sommes saisis doit être accueilli et le paiement doit être effectué conformément à l’entente des parties; le syndicat a également droit à une déclaration indiquant que si une seule personne dépose un grief parce que des heures supplémentaires ont été attribuées de manière incorrecte à des employés appartenant à d’autres catégories, cette personne a droit à un paiement et ce paiement ne peut pas lui être refusé sous le prétexte que l’entreprise désire payer la personne qui cumulait le moins grand nombre d’heures dans la catégorie au moment où les heures ont été attribuées.      

43 Aux termes de la procédure établie au niveau local pour la répartition des heures supplémentaires, le GC aurait dû offrir les heures supplémentaires à M. Hitchcock avant de les proposer à M. Carew parce que M. Hitchcock cumulait moins de points que M. Carew. Le fait qu’un autre agent aurait pu effectuer les heures supplémentaires à temps et demi et qu’on aurait dû les lui offrir ne présente aucun intérêt. Par conséquent, je conclus que l’employeur a contrevenu à la convention collective de 2006 en ne faisant pas tout effort raisonnable pour répartir les heures supplémentaires sur une base équitable parmi les employés qualifiés facilement disponibles.

B. Les autres griefs

44 Dans les autres griefs, l’employeur n’a pas offert les heures supplémentaires aux fonctionnaires qui auraient eu droit au tarif double, mais à d’autres agents qui cumulaient un plus grand nombre de points ou d’heures supplémentaires ce trimestre-là parce qu’ils étaient rémunérés à temps et demi. Contrairement aux fonctionnaires, ces agents n’en étaient pas à leur second jour de repos ou à un jour de repos subséquent.

45 Il a été démontré que la pratique en place depuis longtemps pour la répartition des heures supplémentaires était de donner la priorité aux employés qui en étaient à leur premier jour de repos. Dans Evans et Hunt et Shaw,l’arbitre de grief a conclu que si on lui avait démontré que la pratique qui consistait à donner la priorité aux employés qui en sont à leur premier jour de repos occasionnait une répartition inéquitable des heures supplémentaires, il aurait accueilli le grief. Dans Sturt-Smith, l’arbitre de grief a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé aurait dû se faire offrir des heures supplémentaires, même s’il avait droit au tarif double. Dans Sumanik, l’arbitre de grief a déclaré que le coût ne doit pas entrer en ligne de compte pour définir la répartition équitable des heures supplémentaires.

46 Je souscris à l’essentiel de ces décisions. Même si l’employeur a entièrement le droit de mettre en place des procédures pour réduire les coûts, cela ne devrait pas occasionner une répartition inéquitable des heures supplémentaires. Autrement, les procédures contreviennent à la convention collective. Dans les griefs dont je suis saisi, le fait d’utiliser le taux de rémunération pour attribuer les heures supplémentaires pourrait être jugé contraire à la convention collective si cela occasionne une répartition inéquitable des heures supplémentaires parmi les employés qualifiés facilement disponibles.

47 Les parties ont admis que les fonctionnaires étaient qualifiés et facilement disponibles. La seule question qu’il me reste à trancher est celle de savoir si la pratique de l’employeur qui consiste à proposer les heures supplémentaires en priorité aux employés rémunérés à temps et demi avant de les offrir aux employés ayant droit au tarif double occasionne, dans ces cas particuliers, une répartition inéquitable des heures supplémentaire. Les fonctionnaires ont la charge de démontrer que c’est ce qui s’est produit.

48 Dans le cas de M. Hitchcock, il était relativement facile pour le fonctionnaire de prouver qu’il y avait eu une répartition inéquitable des heures supplémentaires, puisque l’agent auquel l’employeur a offert les heures supplémentaires avait droit au même tarif que lui. Dans ce cas-là, le fonctionnaire devait prouver deux choses : premièrement qu’il cumulait un moins grand nombre d’heures supplémentaires que l’agent auquel on a offert les heures supplémentaires et deuxièmement, que le fait que l’employeur croyait qu’il avait déjà quitté l’établissement ne l’autorisait pas à affirmer qu’il avait fait tout effort raisonnable pour répartir les heures supplémentaires. La preuve se trouvait dès lors faite que les heures supplémentaires n’avaient pas été réparties de manière équitable. Compte tenu des décisions rendues dans Evans et Hunt et Shaw, il est plus compliqué pour les autres fonctionnaires de faire cette preuve. Dans leurs griefs, ces fonctionnaires doivent démontrer que la décision de l’employeur d’offrir les heures supplémentaires en priorité aux employés qui en étaient à leur premier jour de repos a occasionné une répartition inéquitable des heures supplémentaires.

49 Étant donné qu’il faut utiliser la procédure locale pour la répartition des heures supplémentaires pour établir de quelle manière l’équitabilité doit être interprétée, le caractère équitable de la répartition doit être mesuré chaque fois que des heures supplémentaires sont attribuées au même tarif des heures supplémentaires, parce que c’est ainsi que s’applique la politique. Cependant, l’équitabilité entre des employés rémunérés à des tarifs différents doit être mesurée à la fin du trimestre parce que la politique locale permet à l’employeur d’attribuer les heures aux employés rémunérés au moins élevé des taux tarifs, dans la mesure où cela ne contrevient pas à la convention collective, c’est-à-dire que cela n’occasionne pas une répartition inéquitable des heures supplémentaires durant le trimestre.

50 Pour établir si la décision particulière d’attribuer des heures supplémentaires en fonction du coût (c.-à-d. à temps et demi plutôt qu’à double tarif) a occasionné une répartition inéquitable des heures supplémentaires durant un trimestre donné, il ne suffit pas de comparer le nombre total de points ou d’heures accumulés par chaque agent à la fin de chaque trimestre. Il ne suffit pas non plus de comparer les totaux trimestriels de l’agent qui prétend avoir été tenu à l’écart à ceux de l’agent qui s’est fait offrir les heures supplémentaires. Puisque le nombre d’heures supplémentaires accomplies dépend en grande partie du nombre de postes pour lequel l’employé est disponible, une comparaison aussi simpliste ne nous donnera pas nécessairement le résultat attendu. Il se peut que les faibles totaux d’un agent à la fin d’un trimestre donné soient attribuables au fait qu’il était peu disponible plutôt qu’au fait que l’employeur ne l’a pas appelé, une fois, parce qu’il aurait été obligé de le rémunérer au tarif double. 

51 On pourrait également faire valoir comme argument que pour mesurer adéquatement l’équitabilité, il faudrait établir le ratio entre le nombre d’heures supplémentaires effectuées durant un trimestre donné et le nombre d’heures de disponibilité. Ce ratio pourrait ensuite être comparé au ratio moyen pour l’ensemble des employés. Je dois dire que cette méthode ne résiste pas non plus à une analyse attentive parce qu’elle comporte un biais qui est en grande partie attribuable au fait que la disponibilité d’un employé fluctue considérablement d’une semaine à l’autre et ne coïncide pas nécessairement avec les occasions de faire des heures supplémentaires. Autrement dit, certains employés pourraient, pour diverses raisons, être plus disponibles durant des périodes où les occasions de faire des heures supplémentaires sont moins nombreuses, et vice versa.

52 Dans le cas des présents griefs, il faudrait mesurer l’équitabilité pour chaque occasion de faire des heures supplémentaires, mais à la fin du trimestre seulement. Les fonctionnaires ont mis en preuve les rapports d’heures supplémentaires volontaires relatifs aux griefs de MM. Bucholtz, Boucher et Hunt. En examinant ces rapports, on peut vérifier si l’un ou l’autre des fonctionnaires a perdu des heures supplémentaires durant un trimestre en raison de l’occasion manquée ayant donné lieu aux griefs.

53 La preuve montre qu’à la fin du trimestre allant d’avril à juin 2005, M. Bucholtz n’avait pas perdu d’heures supplémentaires du fait qu’on ne l’avait pas appelé pour faire des heures supplémentaires le 5 mai 2005. Le 27 mai et le 19 juin 2005, M. Bucholtz s’est fait offrir des postes en heures supplémentaires. S’il avait fait des heures supplémentaires le 5 mai 2005, il n’aurait pas été appelé le 19 juin 2005 parce que d’autres employés auraient alors eu moins de points que lui. À la fin du trimestre, la décision de l’employeur de ne pas l’appeler pour faire des heures supplémentaires au tarif double, le 5 mai 2005, n’a pas eu d’impact mesurable sur le nombre d’heures supplémentaires que M. Bucholtz a effectuées durant le trimestre. M. Bucholtz a donc été traité de manière équitable.

54 La preuve montre qu’à la fin du trimestre allant d’avril à juin 2005, M. Boucher avait perdu huit heures supplémentaires du fait qu’on ne l’avait pas appelé pour faire des heures supplémentaires le 5 mai 2005. Les 10, 11, 12 et 27 mai et le 17 juin 2005, M. Boucher s’est fait offrir des postes en heures supplémentaires. S’il avait fait des heures supplémentaires le 5 mai 2005, il aurait quand même été appelé à ces dates-là parce qu’aucun autre employé disponible n’aurait eu moins de points que lui à ces dates-là. À la fin du trimestre, la décision de l’employeur de ne pas lui offrir des heures supplémentaires au tarif double, le 5 mai 2005, a eu un impact mesurable sur le nombre d’heures supplémentaires que M. Boucher a effectuées durant le trimestre; il avait fait moins d’heures qu’il aurait dû en avoir fait. M. Boucher n’a donc pas été traité de manière équitable.

55 Dans le dossier 566-02-1624, M. Hunt allègue qu’on a omis de lui offrir quatre heures supplémentaires. La preuve montre qu’à la fin du trimestre allant d’avril à juin 2007, M. Hunt avait perdu quatre heures supplémentaires du fait qu’on ne l’avait pas appelé pour faire des heures supplémentaires le 27 mai 2007. Le 10 juin 2007, M. Hunt s’est fait offrir un poste en heures supplémentaires. S’il avait fait quatre heures supplémentaires le 27 mai 2007, on l’aurait quand même appelé le 10 juin 2007 parce qu’aucun autre employé disponible ne cumulait moins de points que lui. À la fin du trimestre, la décision de l’employeur de ne pas l’appeler pour faire des heures supplémentaires au tarif double, le 27 mai 2007, a eu un impact mesurable sur le nombre d’heures supplémentaires que M. Hunt a effectuées durant le trimestre. M. Hunt n’a donc pas été traité de manière équitable.

56 Dans le dossier 566-02-1625, M. Hunt allègue qu’on ne l’a pas appelé pour faire huit heures supplémentaires et demie durant le poste de jour, le 19 juillet 2007. L’employeur a déjà accueilli ce grief en partie et payé une indemnité équivalant à quatre heures supplémentaires au tarif double. Même si aucun détail ne m’a été fourni quant aux motifs pour lesquels le grief a été accueilli en partie, je peux supposer, après examen des rapports d’heures supplémentaires mis en preuve, que cela a un lien avec le fait qu’un autre agent s’est fait offrir quatre heures supplémentaires au tarif double durant le poste en question. L’agent en cause cumulait 22,5 points et M. Hunt en cumulait 16,5. Un autre agent qui cumulait 49 heures supplémentaires a également été appelé pour faire 4 heures supplémentaires durant le même poste, à temps et demi. Seuls des agents qui cumulaient moins de points que M. Hunt se sont fait offrir des heures supplémentaires pour le poste de jour en entier, le 19 juillet 2007. Il n’est pas nécessaire que je fasse le bilan de la situation à la fin du trimestre. En payant à M. Hunt une indemnité équivalant à quatre heures supplémentaires pour l’occasion perdue de faire des heures supplémentaires, l’employeur l’a traité de manière équitable.   

57 Pour trancher ces quatre griefs, j’ai reconstitué la répartition des heures supplémentaires pour chaque fonctionnaire durant un trimestre donné. Cette méthode comporte des limites, mais c’est à mon sens un moyen relativement simple de déterminer si les heures supplémentaires ont été réparties de manière équitable dans ces cas-là. Je suggère aux parties d’abandonner leurs positions actuelles, qui sont, l’une et l’autre, très différentes de la mienne et qui vont dans le sens contraire de la jurisprudence afin de tenter d’établir une méthode relativement simple pour mesurer l’équitabilité. Elles gagneraient, selon moi, à le faire dans un esprit de collaboration au lieu de laisser un tiers le faire à leur place.

58 Les parties ne m’ont pas soumis d’observations sur la question des mesures de réparation, même si elles se sont mises d’accord sur le nombre exact d’heures supplémentaires visé dans chaque grief. La jurisprudence la plus récente indique clairement que la mesure de réparation qui s’applique est le paiement, par l’employeur, des heures supplémentaires que les fonctionnaires s’estimant lésé auraient effectuées. Je partage entièrement ce point de vue.

59 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

60 L’employeur doit payer à M. Hitchcock huit heures de salaire au tarif double.

61 L’employeur doit payer à M. Boucher huit heures de salaire au tarif double.

62 L’employeur doit payer à M. Hunt (dossier de la CRTFP 566-02-1624) quatre heures de salaire au tarif double.

63  Le grief constituant le dossier de la CRTFP 566-02-27 est rejeté.

64  Le grief constituant le dossier de la CRTFP 566-02-1625 est rejeté.

Le 25 octobre 2010.

Traduction de la CRTFP

Renaud Paquet,
arbitre de grief

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