Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s'estimant lésé a contesté son renvoi en cours de stage fondé sur le paragraphe62(1) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique - malgré qu'il ait été avisé de la tenue de l'audience, le fonctionnaire s’estimant lésé ne s'est pas présenté - après s'être assuré que le fonctionnaire s’estimant lésé avait été dûment informé de l'heure et du lieu de l'audience, l'arbitre de grief a demandé à l'administrateur général de démontrer que le renvoi en cours de stage s'appuyait sur de réels motifs liés à l'emploi, que ces motifs n'étaient pas un subterfuge et que l'administrateur général ne cachait pas une autre raison, illégale celle-là, de mettre fin à l'emploi - l'arbitre de grief a conclu que le renvoi se fondait sur de réels motifs liés à l'emploi. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2010-11-10
  • Dossier:  566-02-2702
  • Référence:  2010 CRTFP 119

Devant un arbitre de grief


ENTRE

HANY HAMZA

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(ministère de la Défense nationale)

défendeur

Répertorié
Hamza c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Lui-même

Pour le défendeur :
Shelley Quinn, avocate

Affaire entendue à Toronto (Ontario),
le 1er novembre 2010.
(Traduction de la CRTFP)

Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

1 Hany Hamza, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), travaillait pour le ministère de la Défense nationale (le « défendeur »). Le 8 juillet 2008, le défendeur l’a informé de son renvoi en cours de stage. Le 1er août 2008, le fonctionnaire a contesté cette décision, faisant valoir dans son grief que celle-ci était de nature disciplinaire, qu’elle a été prise de mauvaise foi et qu’elle ressortissait à une discrimination fondée sur la race, la religion et l’origine nationale ou ethnique.

2 La Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») a proposé aux parties de tenir l’audience du 15 au 19 mars 2010. Le fonctionnaire en a demandé le report, craignant ne pas avoir reçu, à la date prévue, toute l’information qu’il avait demandée au défendeur de lui fournir. La Commission a donc accepté de reporter l’audience et de tenir celle-ci du 10 au 14 mai 2010. Les deux parties ont confirmé que ces dates leur convenaient. À 14 h 44 le vendredi 7 mai 2010, le fonctionnaire a informé la Commission qu’il était [traduction] « tombé malade au cours des derniers jours » et qu’il serait incapable de se présenter à l’audience, qui devait commencer le lundi 10 mai 2010. J’ai décidé de reporter l’audience.

3 Le 26 mai 2010, la Commission a informé les parties par écrit que le grief avait été inscrit provisoirement au rôle pour audience du 1er au 5 novembre 2010 et que, si elles étaient incapables de se présenter aux dates proposées, elles devaient lui en faire part au plus tard le 11 juin 2010. Le fonctionnaire n’a rien dit à la Commission qui permette de croire qu’il n’était pas disponible à ces dates. Le 13 juillet 2010, la Commission a écrit aux parties pour les informer que les dates d’audience du mois de novembre 2010 étaient considérées comme étant définitives. Entre les mois de juillet et octobre 2010, la Commission et le fonctionnaire se sont échangés des lettres et des courriels. Le fonctionnaire n’a jamais soulevé quelque question que ce soit relativement aux dates d’audience du mois de novembre 2010. Le 6 octobre 2010, la Commission a délivré l’« Avis d’audience » officiel, qui a été envoyé au fonctionnaire par poste prioritaire. La Commission a obtenu de Postes Canada confirmation que l’« Avis d’audience » avait bien été remis au fonctionnaire. Il y était notamment prévu ceci :

[Traduction]

[…]

VEUILLEZ ÉGALEMENT NOTER qu’à défaut par vous de comparaître à l’audience ou à toute reprise d’audience éventuelle, la Commission peut statuer sur la question au vu de la preuve et des observations qui lui seront alors présentées sans vous adresser de nouvel avis.

[…]

4 L’audience a commencé le 1er novembre 2010 à 13 h 30. Le fonctionnaire n’y était pas présent. J’ai indiqué au défendeur que je tenterais de le rejoindre. Peu de temps après, le personnel de la Commission a appelé le fonctionnaire chez lui et a laissé sonner à 15 reprises, sans obtenir de réponse ni pouvoir laisser de message, puisqu’il n’y avait pas de boîte vocale. À 14 h 09, le personnel de la Commission a envoyé au fonctionnaire un courriel indiquant que l’arbitre de grief avait informé la Commission de son absence à l’audience et lui demandant de lui faire part de ses intentions le plus rapidement possible. L’audience s’est déroulée en l’absence du fonctionnaire. J’ai demandé au défendeur de produire sa preuve, mais je l’ai prévenu qu’il devrait recommencer si le fonctionnaire se présentait plus tard au cours de l’audience. J’ai indiqué au défendeur également que, si le fonctionnaire m’informait après la tenue de l’audience que des circonstances échappant à son contrôle l’avaient empêché de se présenter à l’audience, je convoquerais de nouveau l’audience, et le défendeur devrait présenter sa preuve encore une fois.

5 Il ne fait aucun doute que le fonctionnaire savait que l’audience devait s’ouvrir le 1er novembre 2010 à 13 h 30. Il avait l’obligation soit de s’y présenter, soit de demander une remise si, pour des raisons légitimes ou une urgence de dernière minute, il était incapable de se présenter. Il n’en a mentionné aucune avant la date de l’audience.

6 Le 2 novembre 2010, un membre du personnel de la Commission a appelé le fonctionnaire en avant-midi et de nouveau en après-midi, sans obtenir de réponse ni pouvoir laisser de message, puisqu’il n’y avait pas de boîte vocale. À 17 h, le personnel de la Commission a envoyé un courriel au fonctionnaire pour lui demander d’informer la Commission au plus tard le 5 novembre 2010 des raisons pour lesquelles il ne s’était pas présenté à l’audience. Le fonctionnaire n’a pas fait suite à cette demande.

7 Entre les mois de juin et octobre 2010, les parties et la Commission ont communiqué sur la question de la divulgation de documents par le défendeur au fonctionnaire. Le 14 octobre 2010, j’ai rendu une ordonnance de divulgation pour régler la question. Ce jour-là, le fonctionnaire a écrit à la Commission, faisant valoir que l’ordonnance de divulgation était [traduction] « complètement inacceptable » parce qu’elle visait une partie seulement de l’information dont il avait demandé la communication. Le 25 octobre 2010, la Commission a écrit au fonctionnaire pour lui dire qu’il n’avait fourni aucune information détaillée expliquant la pertinence de l’information manquante relativement à l’audience dans cette affaire. Le 27 octobre 2010, le fonctionnaire a écrit à la Commission pour lui dire qu’il n’acceptait plus officiellement [traduction] « l’arbitre de grief affecté à l’heure actuelle » au dossier et qu’il demandait que ce dernier soit remplacé. Le 28 octobre 2010, la Commission a informé le fonctionnaire par écrit du rejet de sa demande.

Résumé de la preuve

8 Le défendeur a produit huit documents en preuve. Il a appelé à témoigner Ross Pigeau, qui est aujourd’hui à la retraite. En 2007 et 2008, ce dernier était le directeur général du bureau de Toronto de Recherche et développement pour la défense Canada (RDDC). Le fonctionnaire relevait directement de lui. En février 2008, M. Pigeau a dressé le rapport d’examen du rendement du fonctionnaire, a décidé de mettre fin à son emploi, et a signé sa lettre de licenciement. 

9 Le fonctionnaire a été engagé de l’extérieur de la fonction publique le 13 août 2007, à titre de gestionnaire des connaissances et de l’information technologique au bureau de Toronto de RDDC (« RDDC Toronto »). Lors de son embauche, il a été dûment informé qu’il serait en période de stage pendant 12 mois à compter de la date de sa nomination. Le 8 juillet 2008, il a été informé par le défendeur de son renvoi en cours de stage au motif qu’il ne possédait pas les capacités requises pour s’acquitter des fonctions dont son poste était assorti. Les raisons du renvoi du fonctionnaire sont énoncées dans leurs grandes lignes dans le passage suivant, tiré de la lettre de renvoi du 8 juillet 2008 :

[Traduction]

[…]

Malgré tous ces efforts, vos compétences en matière de raisonnement et d’analyse stratégiques ainsi que votre jugement, votre influence et votre leadership continuent de poser problème; vous ne possédez donc pas les capacités requises pour occuper votre poste.

[…]

10 M. Pigeau a eu une rencontre formelle avec le fonctionnaire aux fins de l’examen de son rendement après six mois, c’est-à-dire à mi-chemin de la période de stage, au regard des compétences de base se rattachant au poste du fonctionnaire. Le rapport de rendement de ce dernier a alors fait l’objet de discussions. À la section 7 de ce rapport, M. Pigeau a exprimé dans les termes suivants ses préoccupations concernant le rendement du fonctionnaire :

[Traduction]

[…]

[…] M. Hamza semble cependant s’être moins bien adapté à la structure organisationnelle horizontale/leadership (par opposition à hiérarchique/direction) de l’Agence et de RDDC Toronto, qui nécessite une capacité éprouvée de communiquer, d’influencer, de négocier, de diriger et de faire des compromis […] De plus, M. Hamza doit acquérir et démontrer une solide capacité de penser de manière stratégique […] J’encourage en outre M. Hamza à se montrer plus ouvert à l’égard de la critique constructive concernant son rendement individuel et ses progrès sur le plan professionnel […] Il est essentiel que M. Hamza démontre ces habiletés et compétences : elles sont indispensables à son succès en tant que titulaire du poste de gestionnaire de l’exploitation des connaissances et des technologies.

[…]

11 Le fonctionnaire a eu la possibilité de présenter des commentaires écrits s’il n’était pas d’accord avec son rapport d’examen du rendement, mais il n’en a rien fait. Il n’a pas non plus contesté le rapport par voie de grief.

12 Au début du mois d’avril 2008, M. Pigeau a demandé au fonctionnaire de se concentrer sur deux tâches ou projets en particulier, et il l’a libéré de ses autres fonctions. Le fonctionnaire disposait de trois mois pour mener ces deux tâches à terme, lesquelles devaient lui permettre de perfectionner ses compétences en matière d’analyse et de réflexion stratégiques. L’une des tâches consistait à élaborer un cadre stratégique aux fins d’une collaboration entre RDDC Toronto et le milieu universitaire et, l’autre, à élaborer un cadre stratégique en vue d’une collaboration entre RDDC Toronto et le Centre des sciences pour la sécurité de RDDC. M. Pigeau a témoigné que ces tâches étaient directement liées à la description du travail du fonctionnaire.

13 M. Pigeau a déclaré au cours de son témoignage que le fonctionnaire s’était acquitté de ces deux tâches de manière insatisfaisante. En bout de ligne, il avait dressé deux rapports qui ont été acheminé aux trois administrateurs suivants à la RDDC pour évaluation : Eric Fresque, Keith Hendy et Andrew Vallerand. Tous trois ont exprimé de sérieuses réserves à l’égard de l’un des rapports ou des deux, ce qui a prouvé à M. Pigeau que le fonctionnaire ne possédait pas les compétences pour accomplir ce type de tâche et qu’il ne satisfaisait pas aux exigences de son poste.

Résumé de l’argumentation

14 Le défendeur a fait valoir que le fonctionnaire avait été renvoyé en cours de stage parce qu’il ne satisfaisait pas aux exigences de son poste. La lettre de renvoi et la preuve produite ont permis d’établir que le fonctionnaire avait été licencié parce qu’il n’avait pas terminé son stage avec succès. Ce type de licenciement est prévu dans la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (LEFP), L.C. 2003, ch. 22, et un arbitre de grief n’a pas compétence pour intervenir. L’article 62 de la LEFP confère à l’employeur le droit d’imposer une période de stage et de renvoyer un employé pendant cette période. L’article 211 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) interdit le renvoi à l’arbitrage d’un grief portant sur un licenciement prévu sous le régime de la LEFP.

15 À l’appui de ses arguments, le défendeur m’a renvoyé aux décisions suivantes : Canada (Procureur général) c. Penner, [1989] 3 C.F. 429 (C.A.); Canada (Procureur général) c. Leonarduzzi, 2001 CFPI 529; Bilton c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 39; Melanson c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 33; Boyce c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2004 CRTFP 39; Maqsood c. Conseil du Trésor (ministère de l’Industrie), 2009 CRTFP 175; Ondo-Mvondo c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2009 CRTFP 52; Raveendran c. Bureau du surintendant des institutions financières, 2009 CRTFP 116; Wright c. Conseil du Trésor (Services correctionnel du Canada), 2005 CRTFP 139.

Motifs

16 Le fonctionnaire a été engagé de l’extérieur de la fonction publique, et il a été informé lors de son embauche qu’il serait en période de stage pendant 12 mois. Le défendeur l’a licencié avant la fin de son stage, et la preuve produite à l’audience établit que son rendement posait problème. Les dispositions suivantes de la LEFP confèrent à l’employeur le droit d’imposer une période de stage et de mettre fin à l’emploi d’un fonctionnaire en période de stage :

[…]

61. (1) La personne nommée par nomination externe est considérée comme stagiaire pendant la période :

a) fixée, pour la catégorie de fonctionnaires dont elle fait partie, par règlement du Conseil du Trésor dans le cas d’une administration figurant aux annexes I ou IV de la Loi sur la gestion des finances publiques; […]

[…]

Renvoi

62. (1) À tout moment au cours de la période de stage, l’administrateur général peut aviser le fonctionnaire de son intention de mettre fin à son emploi au terme du délai de préavis :

a) fixé, pour la catégorie de fonctionnaires dont il fait partie, par règlement du Conseil du Trésor dans le cas d’une administration figurant aux annexes I ou IV de la Loi sur la gestion des finances publiques […]

[…]

Le fonctionnaire perd sa qualité de fonctionnaire au terme de ce délai.

[…]

17 Aux termes de l’article 211 de la LRTFP, le grief qui porte sur un licenciement prévu sous le régime de la LEFP ne peut être renvoyé à l’arbitrage. Comme le présent grief conteste le licenciement du fonctionnaire pendant la période de stage et que j’en suis arrivé à la conclusion que la décision relative au licenciement avait été prise en bonne et due forme sous le régime de la LEFP, je n’ai pas compétence pour l’entendre. L’article 211 de la LRTFP est libellé dans les termes suivants :

211. L’article 209 n’a pas pour effet de permettre le renvoi à l’arbitrage d’un grief individuel portant sur :

a) soit tout licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique […]

[…]

18 L’arbitre de grief n’a pas compétence pour entendre un grief concernant un renvoi en cours de stage, mais, avant d’en arriver à cette conclusion, il doit déterminer si le licenciement était lié à l’emploi et si le défendeur a utilisé le renvoi en cours de stage comme stratagème ou camouflage pour couvrir un autre motif du licenciement. Ainsi qu’il est indiqué dans Leonarduzzi, le défendeur doit simplement produire à l’intention de l’arbitre de grief une preuve que le renvoi se rapporte à des questions d’emploi. Dans le présent cas, le défendeur s’est acquitté de cette charge.

19 M. Pigeau a évalué le rendement du fonctionnaire six mois après son embauche. Dans son rapport d’examen du rendement, il s’est dit préoccupé par son rendement, ce dont il lui a fait part. En avril 2008, M. Pigeau a confié au fonctionnaire deux tâches qu’il devait mener à terme dans un délai de trois mois. Il a déterminé que le fonctionnaire n’avait pas exécuté ces deux tâches de manière satisfaisante, et il en est arrivé à la conclusion que ce dernier ne possédait pas les compétences requises pour occuper son poste; il l’a donc renvoyé en cours de stage. Plus particulièrement, M. Pigeau s’est dit d’avis que le fonctionnaire ne possédait pas les habiletés en matière de réflexion et d’analyse stratégiques, de même que sur le plan du bon sens, de l’influence et du leadership.

20 Le défendeur a produit une preuve selon laquelle la décision de renvoyer le fonctionnaire reposait sur des raisons liées à l’emploi. Le fonctionnaire ne s’étant pas présenté à l’audience, il ne m’a pas prouvé que le renvoi en cours de stage était un stratagème ou un camouflage ou qu’il était fait de mauvaise foi.

21 Le fonctionnaire savait que l’audience devait commencer à 13 h 30 le 1er novembre 2010. Il a été informé par la Commission que, s’il omettait de se présenter à l’audience, l’arbitre de grief pourrait trancher le grief sur le fondement de la preuve et des observations produites à l’audience, sans qu’aucun autre avis ne lui soit adressé. À l’issue de l’audience, le personnel de la Commission a demandé au fonctionnaire pourquoi il ne s’était pas présenté. Le fonctionnaire n’a fait valoir aucune raison valide ayant pu l’empêcher de se présenter à l’audience. En conséquence, j’ai décidé de procéder à l’audience, et j’ai ensuite rédigé la présente décision sans entendre quelque observation que ce soit de la part du fonctionnaire.

22 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

23 Le grief est rejeté.

Le 10 novembre 2010.

Traduction de la CRTFP

Renaud Paquet,
arbitre de grief

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